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Casus Frankie Administrateur - Site Admin
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 14171 Localisation: Paris
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Posté le: Sam Sep 21, 2024 08:50 Sujet du message: Bombes guidées, ça vous dit ? |
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Un très bref entr'acte dans les histoires balkaniques, pour ce texte d'Etienne sur les bombes guidées françaises. Si vous en voulez davantage, il faut demander à Etienne !
17 juillet 1942
Faire la bombe après la fête
Mers-el-Kébir – Après de nombreuses festivités et multiples rencontres, le capitaine de corvette Maurice Hurel, dans un bel uniforme blanc, est convoqué à l’Amirauté. Il s’est fait accompagner de trois jeunes hommes en civil, ce qui ne manque pas de surprendre l’amiral. Explication : ce sont ses grands fils, qui l’ont accompagné dans le périple, et qui souhaitent servir dans la Marine. Cette faveur leur est bien sûr immédiatement accordée, et un aide de camp les emmène dans un bureau voisin pour leur engagement. Un autre civil est alors introduit dans la pièce : nul autre que l’ingénieur électronicien Jean Türck, co-inventeur avec Hurel de la bombe planante BHT-38 ! Heureux de se revoir, les deux compères se serrent longuement la main avant que l’amiral prenne la parole.
– Capitaine Hurel, avant de passer aux deux raisons de cette convocation, recevez mes félicitations pour votre évasion, pour le moins… audacieuse ! Je ne vous ennuierai pas en vous demandant de m’en narrer les détails, j’ai lu dans la presse le récit que vous en avez fait. Splendide ! Les dirigeants du NEF ne vont pas s’en remettre.
– Merci, Amiral. J’en déduis que ce n’est pas la raison de ma présence ici… Et comme mon vieux complice Jean est lui aussi dans ce bureau, il doit s’agir de notre projet non transformé de bombe planante ?
– Exact.
– Dommage, j’aurais préféré poursuivre quelques travaux sur le 161.
– Ne vous inquiétez pas : je vous ai parlé de deux raisons, le CAMS 161 est la deuxième. Ou plutôt, chronologiquement, la première. Il est impératif que vous formiez du personnel, tant au sol que navigant, sur l’utilisation et l’entretien de cette superbe machine, ce sera donc votre première mission.
– Certains équipements n’ont pas été achevés, juste préparés, afin de minimiser l’intérêt de l’appareil pour les Allemands. Mais ils peuvent être installés, à présent.
– Bien sûr. L’arsenal est à votre disposition, j’ai déjà donné des instructions en ce sens. Faites-nous de ce bel avion une machine opérationnelle, nos équipages en ont besoin sur l’Atlantique Sud. Quant à la deuxième raison, je laisse Monsieur Türk vous l’expliquer.
– Merci, Amiral. Maurice, il faut que tu saches que nous ne sommes pas restés inactifs depuis le Grand Déménagement. Quand je dis nous, c’est mon équipe et les marins mis à notre disposition par l’Amirauté. Tout le matériel qui était à Saint-Raphaël est arrivé ici. Malheureusement, il nous manquait ce qui était en cours de construction chez Caudron. Nous n’avions donc que très peu d’exemplaires, et pas les plans de production.
– Ils sont ici, dans ma serviette, sous forme de microfilms ! Avec d’autres d’ailleurs, dont ceux du 161.
– Parfait ! Si vous le permettez, je vais les faire développer et tirer immédiatement !
– Bien sûr, Amiral. Quant aux plans papier restés en France, nous les avons, euh, un peu… agrémentés. Tout comme ceux des BHT, qui intéressaient les Allemands quand ils ont trouvé les engins chez Caudron. J’ai dû user de ruse pour les falsifier… Il n’empêche que les Frisés ont tout emmené en Allemagne et en ont certainement développé quelque chose.
– Doit-on s’attendre à ce genre de bombe chez nos ennemis ?
– C’est fort probable.
– Embêtant, ça. Je vais le signaler au plus haut niveau. Poursuivez, Türk.
– Nous avons malgré tout continué les essais pendant l’hiver 40-41, avec ce que nous avions de stock, en ayant soigneusement relevé toutes les cotes sur un exemplaire démonté. Tu te souviens qu’à Fréjus, nous avions fait les essais de lancement à partir d’un pylône, d’un ballon captif, puis d’un vieux biplan ?
– Oui. Ça avait donné de bons résultats, d’ailleurs.
– C’est vrai. Les ennuis sont survenus quand nous avons entamé des tests à partir d’un bombardier moderne.
– Un LeO 45, j’imagine ?
– Non, un Glenn-Martin 167F de l’Aéronavale. La première difficulté est venue du fait que la soute à bombes du Glenn est ridiculement étroite : impossible d’y faire entrer la BHT, son envergure est trop importante.
– On en avait parlé, j’avais dessiné un bâti extérieur, je crois.
– Oui, tes croquis avaient été sauvés. Nous avons donc conçu une structure à partir de là, et comme tu l’avais préconisé, on a fixé ça sous la soute d’un Glenn. Mais le premier largage a failli tourner à la catastrophe.
– Comment ça ?
– Le souffle des hélices perturbe l’engin, qui part dans tous les sens, mais jamais en ligne droite ! Au lieu de piquer, la bombe est partie en ascendance et a percuté l’empennage. Il a fallu toute la virtuosité du pilote pour stabiliser l’appareil et le ramener à la base, mais les dégâts étaient impressionnants. On a conclu que la vitesse du porteur était trop importante. Il fallait donc reprendre l’aérodynamique de l’engin, mais en ton absence, ce n’était pas si simple. Nous avons donc fait d’autres essais de largage, cette fois avec un LeO-451, en positionnant le bâti en avant des hélices. Au premier essai, rebelote : la bombe a grimpé à gauche, a touché l’hélice bâbord, bloquant le moteur qui a coupé net. Puis la bombe est partie en arrière, heureusement sans toucher la dérive… Il a fallu maintenir les commandes de l’engin à plein piqué pour obtenir un résultat qui reste aléatoire. On s’est fait une frayeur, mais c’est tout.
– Depuis, l’Amirauté a un peu laissé l’engin de côté, pour une raison simple : les Alliés ont la maîtrise de la mer. Les Allemands n’ont par ici que des sous-marins ou des unités de surface légères, et les Italiens sont devenus très frileux après plusieurs batailles perdues. Il n’y a donc plus vraiment de cibles pour vos bombes planantes.
– Elles peuvent être utilisées contre des objectifs terrestres…
– Certes. Cela faisait d’ailleurs partie de l’argumentaire déployé auprès du ministre de la Guerre pour le convaincre de donner son aval à l’opération Paquebot. Car pour mettre au point cette bombe, on a besoin de vous, Hurel.
– Je vois. [Bref silence…] Jean, j’aurai besoin d’éplucher les rapports des essais, de voir des photographies ou si possible des films des essais, et d’examiner les avions porteurs, s’ils sont toujours entiers.
– Pas de problème pour la paperasse, les photos et les films, pour les avions, ils sont entiers, mais ils se trouvent à… Hammaguir !
– Hama quoi ? Où est-ce ?
– Hammaguir, dans le Sahara. En dessous du Maroc. C’est là que sont concentrées les expérimentations en tout genre, surtout explosives. Il y a de la place et très peu de monde, donc peu de risques et encore moins d’indésirables trop curieux. C’est là-bas que l’on avait procédé aux essais de largage, il vous faudra donc affronter la chaleur du désert, mon cher Hurel.
– Et le froid glacial la nuit ! On a du mal à imaginer une telle amplitude de température…
– Diable ! Ça promet.
21 septembre 1942
Faire la bombe au Sahara
Hammaguir – Un Bloch 220 se pose sur la piste du centre d’expérimentation. Aux abords, des engins de terrassement à peine arrivés des Amériques nivellent ou creusent, pendant que des grues montent des éléments de béton et des poutrelles métalliques destinées à l’assemblage de ce qui ressemble déjà à un hangar de belle taille. Mais ce ne sont pas des architectes qui descendent du bimoteur, malgré les costumes civils légers qu’ils portent. Il s’agit en fait de deux ingénieurs détachés de la Marine, le capitaine de corvette de réserve Maurice Hurel et le collaborateur scientifique avec grade de lieutenant de vaisseau Jean Türk, accompagnés de quatre assistants.
Malgré l’heure plutôt matinale, le soleil tape déjà fort, et les six hommes sont rapidement emmenés dans un petit bâtiment adossé à un hangar, les premières constructions opérationnelles de la base. Surpris, les arrivants se regardent avant d’entrer : comment une si petite bicoque peut-elle contenir un centre scientifique ? La réponse est simple : en fait, elle ne contient qu’une cage d’ascenseur. C’était l’évidence même : pour se protéger de la chaleur, il fallait s’enterrer. La plupart des constructions visibles à la surface sont d’ailleurs des puits d’accès de la base souterraine. Le mentor qui les a accueillis signale néanmoins que les constructions en cours seront plus traditionnelles.
– On a du mal à s’habituer à vivre sous terre, sans lumière naturelle…
– Mais il fera bien plus chaud en surface !
– C’est vrai, mais les Américains ont inventé des systèmes de climatisation, ils en mettent jusque dans leurs voitures ! Donc on pourra faire de même.
En attendant, il faudra loger au sous-sol : initialement dans une grotte naturelle ayant abrité une nappe phréatique, dont il subsiste quelques poches qui se remplissent lors des rares pluies…
Vers midi, après avoir déposé leurs affaires dans les chambres qui leur ont été attribuées, on se retrouve au bar de la cantine, ce qui permet de faire connaissance avec les locataires déjà en place. |
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Hendryk
Inscrit le: 19 Fév 2012 Messages: 3417 Localisation: Paris
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Posté le: Sam Sep 21, 2024 09:12 Sujet du message: Re: Bombes guidées, ça vous dit ? |
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Casus Frankie a écrit: | C’était l’évidence même : pour se protéger de la chaleur, il fallait s’enterrer. La plupart des constructions visibles à la surface sont d’ailleurs des puits d’accès de la base souterraine. |
La base vue de l'extérieur:
_________________ With Iron and Fire disponible en livre! |
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Capu Rossu
Inscrit le: 22 Oct 2011 Messages: 2641 Localisation: Mittlemeerküstenfront
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Posté le: Sam Sep 21, 2024 09:12 Sujet du message: |
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Bonjour,
Un corvettard, comme un frégaton ou un cap de veau, est appelé "Commandant".
C'est un loufiat, c'est à dire une lieutenant de vaisseau, qui est appelé "Capitaine".
@+
Capu _________________ Aux Postes de Propreté - Mouillé, c'est lavé ! Lavé, c'est propre ! - Rompre des Postes de Propreté |
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Archibald
Inscrit le: 04 Aoû 2007 Messages: 10083
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Posté le: Sam Sep 21, 2024 09:19 Sujet du message: |
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-Une base souterraine pour des armes spéciales ? manque plus que Blake et Mortimer.
-Au passage, depuis 2007 environ j'ai Barré et Leduc au même endroit (Hammaguir) avec les mêmes problèmes (eux aussi ont faillit descendre un bimoteur rapide de bombardement, sauf que c'est un MB-174 et que leur véhicule a un statoréacteur). _________________ Sergueï Lavrov: "l'Ukraine subira le sort de l'Afghanistan" - Moi: ah ouais, comme en 1988.
...
"C'est un asile de fous; pas un asile de cons. Faudrait construire des asiles de cons mais - vous imaginez un peu la taille des bâtiments..."
Dernière édition par Archibald le Sam Sep 21, 2024 09:26; édité 1 fois |
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John92
Inscrit le: 27 Nov 2021 Messages: 1181 Localisation: Ile de France
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Posté le: Sam Sep 21, 2024 09:24 Sujet du message: |
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Capu ayant déjà signalé le commandant pour capitaine de vaisseau, rien d'autre à signaler. _________________ Ne pas confondre facilité et simplicité |
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Etienne
Inscrit le: 18 Juil 2016 Messages: 2903 Localisation: Faches Thumesnil (59)
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Posté le: Sam Sep 21, 2024 09:30 Sujet du message: |
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Ah, le capitaine est un ajout de Frank J'avais mis "Hurel" tout court.
Archibald a écrit: | -Une base souterraine pour des armes spéciales ? manque plus que Blake et Mortimer.
-Au passage, depuis 2007 environ j'ai Barré et Leduc au même endroit (Hammaguir) avec les mêmes problèmes (eux aussi ont faillit descendre un bimoteur rapide de bombardement, sauf que c'est un MB-174 et que leur véhicule a un statoréacteur). |
T'inquiètes, j'ai emmagasiné tout ce qui a été écrit, pour ne pas faire de bourdes, et même faire quelques liaisons. _________________ "Arrêtez-les: Ils sont devenus fous!" |
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patzekiller
Inscrit le: 17 Oct 2006 Messages: 4006 Localisation: I'am back
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Posté le: Sam Sep 21, 2024 10:37 Sujet du message: |
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une question : l'opération commando sur istres avec jacques lelong permettant de récupérer un autodirecteur est avant ou aprés cet épisode? _________________ www.strategikon.info
www.frogofwar.org |
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Casus Frankie Administrateur - Site Admin
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 14171 Localisation: Paris
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Posté le: Sam Sep 21, 2024 11:18 Sujet du message: |
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Après ! L'opération commando est en Janvier 43. _________________ Casus Frankie
"Si l'on n'était pas frivole, la plupart des gens se pendraient" (Voltaire) |
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