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Marius Dubois, secrétaire d'État à l'enseignement indigène
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patrikev



Inscrit le: 28 Mai 2010
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MessagePosté le: Dim Juil 04, 2010 22:45    Sujet du message: Marius Dubois, secrétaire d'État à l'enseignement indigène Répondre en citant

[Son titre exact serait "sous-secrétaire d'État", mais il semble y avoir une limite à la longueur des titres. Je commence à rapatrier doucement les messages déjà écrits sur ce sujet. Je corrigerai et compléterai à mesure. J'ai déjà rectifié le nom du gouverneur d'Algérie: Le Beau et pas Le Boeuf (ni Le Truand)]



patrikev a écrit:
Very Happy Récit FTL:


La nomination de M. Marius Dubois comme secrétaire d’Etat à l’enseignement indigène suscite des réactions variées. Favorables dans Oran Républicain – il est vrai qu’il en est le directeur – et dans les journaux arabes ou pro-arabes, beaucoup plus réservées dans la presse des colons.

Né en 1890 dans l’Ardèche, fils d’un directeur et d’une directrice d’école, il découvre les vertus de la laïcité républicaine dans une région encore marquée par les Guerres de Religion. Réformé en 1914 à la suite d’un accident, il fait une longue carrière d’enseignant et de directeur d’école dans le Sud Algérien, puis à Oran, ville qui l’élit comme député SFIO en 1936. Certains lui reprochent d’être « l’élu des Juifs et des métèques ». Il est vrai que son travail scolaire lui a valu la reconnaissance des quartiers arabes et juifs, et que les Espagnols, nombreux à Oran et de sensibilité plutôt républicaine, ont massivement voté pour lui. Membre de plusieurs commissions, dont celle des Colonies, il a soutenu le projet Blum-Viollette, hélas abandonné devant la résistance des maires coloniaux.

Dans ses premières déclarations publiques, il ne manque pas d’évoquer la « mission civilisatrice de la France », la « fidélité admirable de nos compatriotes musulmans », toutes les perspectives d’un avenir commun.

En privé, il est un peu moins enthousiaste. Juste avant de descendre du paquebot Massilia qui l’amenait de Bordeaux, il a murmuré à l’oreille du jeune Edgard Pisani, gendre de son collègue Le Troquer : « En 36, le gouverneur Le Beau nous avait promis un budget pour construire 500 nouvelles classes. Je ne sais pas ce qu’il a fait de son budget, mais ses classes, les écoliers arabes les attendent toujours. Cette fois, il faudra s’accrocher pour les avoir. »




Récit FTL Smile

« Je vous donne les chiffres que j’ai, parce que je n’ai pas encore fini de déballer les cartons. Il a fallu faire de la place pour toutes les caisses qui arrivaient de métropole, et vous voyez où en est le rangement. Je ne vous demande pas de déplacer les cartons, avec votre blessure de Dunkerque, c’est contre-indiqué. Asseyez-vous où vous pouvez.

« Nous commençons par l’Algérie, parce que pour le Maroc et la Tunisie, il faudra négocier avec l’administration du Sultan et du Bey, et c’est encore une autre affaire. En gros, très gros, pour toute l’Algérie, nous avons 129 082 enfants scolarisés d’origine européenne, soit à peu près 90% des enfants d’âge scolaire, garçons et filles à peu près à égalité. Même, un peu plus de filles que de garçons. Et au moins un million cent mille enfants d’origine musulmane, certains disent un million et demi, c’est le chiffre que nous annonce Monsieur Ferhat Abbas, mais je ne sais pas d’où il le sort. Scolarisés ? En 1937, c’est le dernier chiffre que j’ai, 104 748, soit à peine un sur dix. Avec cinq fois plus de garçons que de filles. Je ne vous donne pas les chiffres pour l’enseignement secondaire, pas tout de suite en tout cas, c’est à pleurer.

« Donc, première chose à faire : créer de nouvelles écoles. Ce ne sera pas facile. Ici, les communes rurales, ce qu’on appelle les communes mixtes, sont beaucoup trop grandes. Cinquante, soixante mille habitants, et jusqu’à cent mille dans le Sud. La plupart du temps, vous avez un seul médecin et une seule infirmière visiteuse par commune. Ils peuvent se déplacer là où il y a des routes goudronnées, mais sinon, c’est aux habitants de venir : une heure, deux heures, trois heures de marche. Résultat : la plupart des paysans ne connaissent que les guérisseurs de village et les pèlerinages au saint marabout. L’école, c’est la même chose : elle est au chef-lieu, les petits peuvent faire une heure de marche pour aller en classe, ou même plus, mais ils arrivent épuisés, et cela s’ajoute au retard qu’ils ont à la base. Vous comprenez bien que leurs parents sont illettrés, ne parlent pas français, qu’il n’y a souvent rien à lire chez eux sauf le calendrier des Postes… Pourtant, ils s’accrochent, les petits !

« Posons quelques chiffres. En principe, on compte 50 élèves par groupe. En pratique, dans toute ma carrière, je crois que je n’ai jamais vu un groupe de 50 au complet. Sauf quand il y a un maître absent et qu’on réunit deux groupes ensemble, parce qu’on ne va pas leur demander de rentrer chez eux pour rien… Mais, bon, si l’administration le veut, allons pour 50. Pour chaque classe bâtie, il faut compter trois ou quatre groupes. Les groupes se relaient selon les heures, on ne leur demanda pas la journée complète, heureusement ! Les uns ont cours le matin, les autres l’après-midi. Quand ils ne sont pas dans la salle, ils travaillent au jardin ou ailleurs, et je vous garantis que c’est tout aussi instructif. Je vous raconterai la classe au jardin, espèce de Parisien ! Nous disions, 50 élèves. Dans les bonnes années, on arrivait à créer une centaine de classes par an. Monsieur le gouverneur Le Beau promettait d’en créer cinq cents, il a fait ce qu’il a pu, mais on est loin du compte.

« Admettons qu’on arrive à créer réellement 500 classes de trois groupes chaque année. Combien d’années faut-il pour faire entrer les 900 000 élèves qui nous manquent ? Douze ans, bravo, mon garçon ! Vos instituteurs n’ont pas perdu leur temps. Dans douze ans, aurons-nous achevé notre travail ? Non, parce que c’est une population qui augmente très vite. Les ménages musulmans font beaucoup d’enfants, et ils ne vont pas changer leurs habitudes pour nous faire plaisir.

« Ce qu’il faut, c’est coiffer, comme dirait ce bon Christophe, les enfants des douars. Le douar, c’est le village indigène, là où il y a la mosquée, le taleb qui enseigne le Coran, le petit marché, et un caïd qui tient lieu d’administration, même quand il est illettré. Une école par douar, ce serait un progrès énorme. Sur un million d’enfants, il y en a peut-être 400 000 qu’on n’arrivera pas à toucher, parce qu’ils sont nomades ou habitent dans des hameaux complètement isolés. Laissons du travail pour les générations futures.

« Une classe demande des bâtiments, des maîtres et des élèves. Voyons d’abord les bâtiments. Ce n’est peut-être pas le plus difficile, mais cela demande la signature des Travaux Publics. Vous connaissez Frossard, un homme qui est socialiste sans l’être tout en l’étant ? Si nous voulons son accord, il nous faut un dossier solide, avec un tableau de chiffres à la décimale près. Je compte sur vous, avec une progression raisonnée, 400 classes la première année, 500 la deuxième, 600 la troisième, et ainsi de suite.

« Il faut choisir le type de bâtiment. Vous voyez cette photo au mur, l’école de filles d’El Goléa ? Du très beau travail, dans le goût mauresque, avec coupoles et arcades. C’est bien adapté au climat, et dans cent ans, elle sera encore debout. L’ennui, c’est que pour le même prix, on aurait pu construire quatre ou cinq écoles. Nous travaillons dans l’urgence, mon garçon : si nous n’avons pas spectaculairement augmenté le niveau scolaire et social de l’Algérie dans vingt ans, je vous le dis entre nous, les conséquences risquent d’être très, très fâcheuses.

« Pour le moment, comme vous vous en êtes aperçu à Dunkerque, il y a la guerre. Ce qui signifie : pénurie de ciment, de tuiles, de métal, de transports, et de main-d’œuvre qualifiée. Donc, le mieux pour l’instant, ce sont des bâtiments en préfabriqué, faciles à transporter et à assembler. L’école d’architecture d’Alger est en train de travailler sur un prototype, quelque chose de bien aéré, avec des pièces légères qu’on pourrait porter à dos de dromadaire. Ça vous amuse ? Ici, le dromadaire, c’est le camion là où il n’y a pas de camion. Et cela veut dire la moitié du pays, sans compter le Sahara.

« L'Afrique du Nord n’est pas riche en bois, et ce que les gardes forestiers arrivent à soustraire aux paysans est converti en poteaux de mines et travées de chemin de fer. L’Afrique Équatoriale est riche en forêts, mais elle n’a pas d’industrie du bois, et puis je ne suis pas sûr que le bois tropical se laisse débiter comme le pin ou le chêne. Je ne me sens pas d’humeur à bâtir des scieries sur l’Ogooué. Ce qui fait que nous allons encore devoir commander aux États-Unis. Et ça m’embête, parce que je commence à trouver que nos amis américains nous prélèvent de plus en plus d’argent et qu’on ne les a toujours pas vus sur le champ de bataille. S’il y avait un pays allié…

« Le Canada ? Vous connaissez le Canada, vous ? Deux dames qui vous ont soigné après Dunkerque et qui… Tiens, vous êtes plein de ressources, jeune homme. Qui étaient ces deux dames, sans indiscrétion ? L’une était la femme de l’ambassadeur, et l’autre travaillait à la mission commerciale franco-britannique ? Vous n’êtes pas en train de vous payer ma tête, non ? Eh bien, trouvez ces deux dames et ramenez-les, mortes ou vives. »


Dernière édition par patrikev le Lun Juil 19, 2010 19:45; édité 1 fois
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Dim Juil 04, 2010 22:55    Sujet du message: Répondre en citant

Pas mal du tout... !
Une introduction ne ferait quand même pas de mal...
Et ton message ou tu nous parlais de Dubois pour la première fois, où est-il, déjà, que je le déplace ?
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Casus Frankie

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Capitaine caverne



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MessagePosté le: Lun Juil 05, 2010 07:36    Sujet du message: Répondre en citant

Il ne faut pas oublier le contenu de l'annexe 44-3 sur la politique économique menée par la France en exil dans les colonies. Il y est donné des informations sur le niveau et l'évolution de l'éducation dans l'empire français, mais il y est indiqué aussi que l'enseignement scolaire "indigène" semble dépendre de l'IDEM (une administration un peu particulière) et non directement du gouvernement.
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loic
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MessagePosté le: Lun Juil 05, 2010 07:55    Sujet du message: Répondre en citant

Pour le bois, je doute quand même qu'il n'y ait pas de scieries en Afrique, sans parler de l'Indochine ou même du fameux cèdre du Liban. Alors pour une fois, on ne va pas solliciter un pays allié !
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On ne trébuche pas deux fois sur la même pierre (proverbe oriental)
En principe (moi) ...
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raven 03



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MessagePosté le: Lun Juil 05, 2010 08:16    Sujet du message: Répondre en citant

bonjour,

il y a dejà des exploitations de bois sur l'Ogoué,et à son embouchure .
Il ne devrait pas y avoir de raison de faire venir du bois du Canada alors qu'il y a quantité de meilleure qualité dans l'empire.
(principalement des resineux au Canada donc on fait des planches,au Gabon, il y a l' okoumé,donc contreplaqué qualité marine ,et on peut utiliser le coeur des billes de bois pour faire entre autre des murs).
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patrikev



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MessagePosté le: Lun Juil 05, 2010 18:24    Sujet du message: Répondre en citant

Je ne suis pas trop expert en bois. Les sources que j'ai trouvé parlent surtout de bois tropicaux débités en grumes, et exportés pour être travaillés à l'étranger (en meubles, panneaux, etc.). Certains, comme le teck, sont très difficiles à tailler. Compte tenu du prix, ce serait un peu du gaspillage d'en faire des écoles de village. Et puis, c'est du bois massif, très lourd: un peu de pitié pour les dromadaires!

Le cèdre du Liban, très beau bois, mais stock limité. Le Levant a aussi ses besoins en bois.

Les Etats-Unis ont une vraie industrie des maisons en préfabriqué depuis le milieu du XIXe siècle. Le Canada, je suis moins sûr, mais c'est assez probable.

Je vais vérifier les attributions de l'IDEM. Il est possible que Marius Dubois ait un peu empiété sur ses plates-bandes, cela arrive tous les jours entre administrations. D'ailleurs, j'avais l'intention d'introduire Alfred Sauvy pour autre chose: ce sera l'occasion d'une mise au point.

Enfin, j'avais une autre raison d'introduire le Canada dans le récit, et cette raison restera valable même si on choisit une autre source d'approvisionnement pour le bois. Mr. Green
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patrikev



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MessagePosté le: Lun Juil 05, 2010 19:10    Sujet du message: Répondre en citant

Casus Frankie a écrit:
Pas mal du tout... !
Une introduction ne ferait quand même pas de mal...
Et ton message ou tu nous parlais de Dubois pour la première fois, où est-il, déjà, que je le déplace ?


Présentation de Marius Dubois:
http://www.1940lafrancecontinue.org/forum/viewtopic.php?t=535&postdays=0&postorder=asc&start=0

Bon pour l'introduction, mais il faudra d'abord s'accorder sur la date de la nomination de Marius Dubois et celle du départ de Mlle de Miribel pour le Canada, et, puisqu'on en parle, de la mise en place de l'IDEM. Comme c'est un service tout récent, dirigé par un quasi-inconnu (et de l'écurie Paul Reynaud, qui plus est), les autres services auront d'abord le réflexe de l'ignorer. Mais cela ne durera pas.
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patrikev



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MessagePosté le: Lun Juil 19, 2010 19:58    Sujet du message: Répondre en citant

Surprised Récit FTL, suite.

24 janvier 1941.

Le conseil des ministres se tient à Alger en l’absence de MM. Paul Reynaud, président du Conseil, et Albert Sérol, ministre de l’Air, partis à Bizerte de toute urgence pour faire face aux récents bombardements de l’Axe sur la Tunisie. M. Léon Blum, vice-président, a fait un discours d’hommage aux victimes et au peuple tunisien, avant de laisser la présidence de la séance au second vice-président, M. Georges Mandel, ministre de l’Intérieur.

(Bon, se dit Marius Dubois, Mandel est du genre pète-sec, mais il est moins imprévisible que le criquet : avec lui, on sait tout de suite à quoi s’en tenir. Si quelque chose ne lui plaît pas, il le dit tout net. Pourvu que Léon et les autres me soutiennent…)

La parole est à M. Marius Dubois, sous-secrétaire d’Etat à l’Enseignement indigène.

- Messieurs et chers collègues…

(Un coup d’œil discret à la ronde : non, Léon n’a pas réussi à caser des femmes secrétaires d’Etat. Pas cette fois.)

- … J’ai l’honneur de prendre la parole pour la première fois en conseil des Ministres, et, pour ne rien vous cacher, j’ai un peu l’impression de repasser mon oral du baccalauréat. Mon estimé collègue, M. Delbos, vous a présenté son projet d’ensemble pour l’Education nationale. Je voudrais revenir sur un sujet qui me semble d’une importance particulière : ce que nous appellerons, faute de meilleur terme, l’enseignement indigène. J’insisterai sur le cas de l’Algérie. La loi du 4 août a donné à tous les habitants de l’Algérie, sans distinction de religion ou d’origine, l’égalité de droit. Il reste à leur donner l’égalité de fait…

M. Dubois rappelle quelques chiffres : 1,1 millions d’enfants musulmans d’âge scolarisable, dont moins d’un garçon sur cinq et une fille sur vingt-cinq effectivement scolarisés. Un taux terriblement élevé d’analphabétisme, d’ignorance de la langue française et des bases élémentaires de la science.

- … Voilà, Messieurs, l’état de nos concitoyens. Il importe pour notre effort de guerre, pour notre économie, et tout simplement, pour les valeurs qui fondent notre République, que cette inégalité choquante soit comblée. Je vous propose le plan suivant :

1° Construction de plusieurs centaines de nouvelles écoles, à raison de 3 000 classes sur 5 ans. Messieurs, c’est le minimum. J’ai ici un calendrier prévisionnel que je soumets à l’avis de mon collège des Travaux publics, M. Frossard. Chaque douar, chaque village indigène de quelque importance, devra avoir son école. Une partie du travail de construction sera fourni par la « Touiza », le travail volontaire des habitants, qui est une coutume fort louable : non seulement pour des raisons de coût, mais parce qu’il est important que les habitants, dès le début, s’approprient l’école et la considèrent comme leur.

2° Pour parer au plus pressé, il faut créer dans les zones reculées des centres ruraux éducatifs, d’où rayonneront des élèves-enseignants itinérants, qui peuvent être du niveau du brevet. Ils répandront les premiers rudiments de langue française, d’écriture et de savoirs modernes. C’était le projet des écoles auxiliaires du regretté recteur Jeanmaire, aujourd’hui repris par M. Hardy, recteur de l’université d’Alger. Je n’ignore pas que certains hommes politiques musulmans critiquent ce projet, qu’ils parlent d’école au rabais, d’école-gourbi… Que voulez-vous, ils ont leur fierté, ces garçons. Il faudra un gros effort d’explication pour leur faire admettre cette nécessité, qui n’est que provisoire.

3° Ce n’est pas tout d’avoir des écoles, il faut des enseignants. Nous n’avons actuellement que cinq cents instituteurs et quelques institutrices d’origine musulmane, hommes et femmes de très grand mérite et qui sortent pratiquement tous du même lieu : l’école normale de la Bouzarea. Celle-ci est une des trop rares écoles en Algérie où Européens et Musulmans, garçons et filles, étudient ensemble sur un pied de complète égalité. Il faudrait au moins une Bouzarea par département, en attendant mieux.

4° Puisque nous œuvrons dans le provisoire et dans l’urgence, nous avons besoin de toutes les bonnes volontés. Moi qui vous parle, pendant l’autre guerre, j’exerçais à la fois comme directeur d’école et comme instructeur militaire, c’est-à-dire que je faisais la classe aux petits le matin, et l’exercice d’armes à leurs grands frères, voire à leurs pères, l’après-midi. Je te rassure, Léon, je suis toujours socialiste : jamais plus de quarante heures de travail par jour ! A la guerre comme à la guerre, comme on dit. Pour nos centres ruraux éducatifs, il nous faudra le concours de tout ce qui a deux jambes, voire une seule, et un diplôme : normaliens, étudiants de l’université d’Alger – M. le recteur Hardy a donné son accord de principe – fonctionnaires civils… Je précise bien que je ne parle pas seulement des Musulmans : l’égalité doit marcher dans les deux sens.

5° Je m’adresse maintenant à Monsieur le… au général, ministre de la Guerre.

(Marius Dubois hésite encore sur le titre à donner à Charles de Gaulle. Puisqu’il s’obstine à venir au conseil des ministres en uniforme, il faut lui donner du général, mais est-ce bien républicain ?)

- … Bien que cela déborde de mes attributions, je voudrais être sûr que toute l’attention nécessaire est apportée à la formation des militaires d’origine musulmane, et des sous-officiers en particulier. Comme je l’ai expliqué en mon temps à mes recrues, un soldat instruit en vaut deux. En outre, beaucoup de ces sous-officiers seront peut-être, inch’Allah, si vous me permettez cette entorse à la laïcité, les cadres de la société civile de demain. Nous songeons déjà à un plan de reprise des études après la guerre pour les actuels combattants. Il est trop tôt pour en fixer les modalités, mais le seul fait de le faire savoir pourrait avoir un effet positif. Nous menons la guerre de l’humanisme contre la barbarie totalitaire, il est bon que cela se sache jusque dans les détails.

(De Gaulle reste impassible. Marius Dubois a écouté ses discours, un peu lu ses écrits d’avant-guerre : de Gaulle est un militaire qui réfléchit, ce qui est appréciable. Il peut être sensible à ce genre d’argument)


- … Enfin, je termine par ce qui est peut-être la priorité. 6° L’enseignement technique et professionnel. La formation d’une main-d’œuvre qualifiée est la condition indispensable de la poursuite de notre effort de guerre, de la reconstruction de la France après le conflit, et de l’égalité de fait entre nos citoyens. Je pense à la grande industrie, mais aussi à l’artisanat rural. Pour l’heure, le travail des Musulmans tunisiens et syriens est mieux organisé et techniquement plus avancé que celui des Musulmans algériens. Ce retard doit être comblé. Il est inacceptable que dans trois départements français, huit habitants sur dix vivent encore au Moyen Age.

« Plusieurs consultations sont en cours, et je vous soumettrai un projet plus précis d’ici peu de temps. Je n’ignore pas que tous nos corps de métier travaillent au maximum de leurs possibilités. Mais je leur demande un petit effort supplémentaire, qui leur sera rendu au centuple : que toute entreprise qui signe un contrat avec l’Etat s’engage à former des apprentis, dans une éducation en alternance, ou à payer une taxe équivalente. Cela vaut aussi pour les services de l’équipement rural. »

(Léon Blum est pâle comme un cierge. Sacré Léon, songe Marius Dubois, on l’aime bien, mais il serait plus facile à vivre s’il avait un peu moins d’inquiétudes et de scrupules. Bon, c’est vrai que j’en demande beaucoup…)


Dernière édition par patrikev le Lun Juil 19, 2010 20:47; édité 1 fois
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patrikev



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MessagePosté le: Lun Juil 19, 2010 20:01    Sujet du message: Répondre en citant

[Je mets la suite en second message, parce que je ne peux pas complètement anticiper des réactions du reste du gouvernement. Le débat est ouvert.]

Mad Récit FTL:

M. Mandel (que nul ne songerait à appeler Georges) fait remarquer sèchement à M. Dubois que son plan ne tient pas compte des attributions de l’IDEM. M. Dubois propose quelques additions à ses points 1 et 6 pour inclure l’IDEM dans le projet.

(Marius Dubois s’est retenu in extremis de demander « L’IDEM, c’est quoi, ce machin ? » C’est vrai, cette équipe de polytechniciens du cabinet Reynaud… Eh bien, il va encore falloir compter avec ceux-là. Pourvu qu’ils ne nous mettent pas des bâtons dans les roues. Enfin, Frossard a la tête d’un chien à qui on a retiré son os, bien fait pour lui)


Dernière édition par patrikev le Mer Juil 21, 2010 07:20; édité 1 fois
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gaullien



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MessagePosté le: Lun Juil 19, 2010 20:02    Sujet du message: Répondre en citant

patrikev a écrit:
Surprised Récit FTL, suite.

24 janvier 1940.




il n'y a pas d'erreur de date?
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patrikev



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MessagePosté le: Lun Juil 19, 2010 20:47    Sujet du message: Répondre en citant

Merci. Je corrige.
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Bouhours Bernard



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MessagePosté le: Mar Juil 20, 2010 21:04    Sujet du message: Répondre en citant

Bonsoir. Petite suggestion: on a proposé à mon père, quelque temps après la guerre, un poste d'instituteur au Maroc. L'ancien était titulaire, sauf erreur de ma part, d'un brevet supérieur (un an après le BEPC), et travaillait au télégraphe à Toulouse. Donc pas de bac, mais un passé dans la Résistance (est-ce-que ceci a servi pour celà??). dans l'urgence FTL on pourrait, peut-être, en faire autant, sans attendre le passé de Résistant. Amitiés. Bernard
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patrikev



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MessagePosté le: Mar Juil 20, 2010 21:23    Sujet du message: Répondre en citant

Tout à fait valable. Au moins pour les centres éducatifs de campagne, on acceptait (en fait, on les sollicitait) les volontaires niveau brevet. Et l'instituteur (pas seulement en AFN) cumulait souvent avec des fonctions de secrétaire de mairie, etc. Compte tenu du petit nombre de bacheliers, et du fait que beaucoup de jeunes avaient eu leurs études interrompues par la guerre et la résistance, l'Éducation nationale n'était pas trop stricte sur les diplômes.
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patzekiller



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MessagePosté le: Mer Juil 21, 2010 07:08    Sujet du message: Répondre en citant

d'ailleurs, il me vient à l'esprit que franck pourrait rajouter une phrase ou deux au derniers textes de JL, durant sa convalescence, un "recruteur" civil visitant les hopitaux et cherchant les diplomés pour lui proposer de 's'engeger" dans l'enseignement : pensez donc, un jeune, ayant le bac, sans attache/obligation vis à vis des militaires, ça ne se rencontre pas tous les jours ces derniers temps, et en plus, ça change des estropié et autres inaptes que l'EN indigene doit se mettre sous la dent en guise de pain noir
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Menon-Marec



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MessagePosté le: Sam Nov 06, 2010 15:48    Sujet du message: Rabat-joie Répondre en citant

Bonjour à tous.
Diverses préoccupations m'avaient, hélas, empêché suivre la saga Dubois comme je l'aurais dû. À ce stade, elle m'inspire les plus extrêmes réserves.
1) Sur le fond, je juge intellectuellement malhonnête - j'ai pesé mes mots - de colloquer arbitrairement en FTL ce qu'il aurait (peut-être) fallu faire pour que la Guerre d'Algérie ne survienne pas en OTL. Uchronie et téléologie sont deux notions différentes et, à mon avis, incompatibles.
2) Imaginer que le gouvernement d'Alger, dans lequel, en outre, la Droite (Reynaud, Mandel, de Gaulle) tient les postes régaliens, puisse consacrer un poste ministériel à l'Enseignement indigène me semble dépourvu de tout fondement historique:
- La tradition de la IIIème repose sur un enseignement unique, le même pour tous. Rien n'est moins sensible à toute philosophie de la "différence" que l'Instruction publique.
- L'idéologie assimilatrice ("Nos ancêtres les Gaulois") s'oppose totalement à un enseignement propre aux indigènes - à l'exception des médersas qui ont une finalité d'abord religieuse et visent, en fait, à perpétuer au mieux la variante algérienne de l'indigénat.
- Les membres du corps enseignant d'AFN, en général, et les instits, en particulier, n'ont jamais cessé d'être les meilleurs agents du pouvoir colonial, et à pratiquer le racisme ambiant (du petty apartheid au refus sans nuances des réformes). Ceux qui ne partagent pas l'opinion générale sont, mutatis mutandis, aussi rares et remarquables que le curé Meslier.
3) La Droite et la Gauche sont d'accord, dès 1939, pour mettre la "question coloniale" entre parenthèses. On exaltera l'Empire avec d'autant plus d'enthousiasme que l'on s'abstiendra d'en modifier les structures. Après le Sursaut et le Grand Déménagement, la possession des territoires coloniaux et le contrôle sur les protectorats et mandats ne saurait souffrir quelque accommodement que ce soit sous peine de porte atteinte au statut international de la France.
4) Imaginer la SFIO anticolonialiste est une illusion. À quelques exceptions près, chez les hétérodoxes du genre Marceau Pivert, par exemple, les socialistes sont d'abord assimilateurs et veulent plus de droits - À L'INTÉRIEUR DU SYSTÈME COLONIAL - pour les indigènes. L'attribution de la citoyenneté française aux indigènes volontaires pour s'engager s'inscrit dans ce courant-là, approuvée par les conservateurs éclairés prêts à "tout changer pour que rien ne change". Il faut rappeler que le mythique projet Blum-Violette prévoyait d'octroyer la citoyenneté française à 25 000 indigènes d'Algérie tout au plus. Encore ne s'agissait-il pas là de libéralisme, comme l'on dirait vers 1956, mais de "dresser un écran de francisation" entre le Maroc et la Tunisie.
5) La société française de 1940 n'était certainement pas davantage prête qu'en 1938 à accepter toute modification substantielle du système colonial. En OTL, le discours de Brazzaville, tout aussi légendaire, prévoit d'améliorer la situation personnelle et politique des sujets de la France, non d'accorder la moindre indépendance aux colonies.
6) La sage Dubois ne correspond pas aux réalités que j'ai connues au temps où l'on apprenait aux enfants des classes de 8ème (CM 1, je crois) que la France comptait trois départements en Algérie (Alger, Oran et Constantine), ni, un peu plus tard, après la Toussaint 1954.
Pour me résumer, n'imaginons pas en 2010 un France de 1940-1941, et moins encore une population pied-noir qu'il faut ménager, nécessité oblige, disposée à accepter l'inimaginable - sauf à quitter l'uchronie pour le conte de fées…
C'est tout pour aujourd'hui.
Amts ainsi que l'on écrit à l'AFP.
M-M.
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