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Casus Frankie Administrateur - Site Admin

Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 15201 Localisation: Paris
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Posté le: Jeu Oct 09, 2025 08:59 Sujet du message: La 3e DIM sur le terrain, Juillet 44 |
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Houps nous offre quelques scènes de la vie quotidienne… Aussi savoureuses que d'habitude.
1er août
La 3e DIM sur le terrain
Pause et mules
Vintimille – Ne croyez pas qu’on avait traversé la Riviera fleur au fusil pour filer directo faire la fête à Mussolini avant de saliver la paluche à Pie Douze. Il fallut d’abord faire une pause, histoire que le peloton recolle aux échappés en tête de la course. On suivit pour cela la Via Aurelia jusqu’à Bordighera, qui avait dû être un charmant petit coin, autrefois, comme en témoignaient de nombreuses chouettes villas. Là, pause, donc. Pause, puis arrêt.
L’unité était à bout de souffle : matériel et hommes accusaient le coup. On passait en seconde ligne, la ruée vers Gênes revenait aux copains. La chose fut accueillie avec un soulagement mêlé d’un gros poil de déception : on aurait aimé rafler une couronne de lauriers de plus. Cependant, force était de constater qu’on avait laissé tellement de copains en chemin que même les nouveaux ne pouvaient combler les trous. Et ce n’étaient pas que des trous dans les listes d’enrégimentement.
Bref, on s’installa. En face, c’était San Remo. On irait y faire un tour. Plus tard. Pour occuper les jours à venir, on allait continuer à crapahuter sur les pentes voisines, histoire de vérifier si elles étaient si désertes que ça. De drôles d’oiseaux y nichaient, croyait-on : Allemands plus ou moins séparés de leurs unités. Italiens en rupture de ban ou en délicatesse avec les leurs, les uns et les autres troquant leurs uniformes contre des tenues moins seyantes, mais moins voyantes. Vrais civils à la blancheur discutable. Faux Résistants. Vrais Patriotes. Girouettes cherchant le vent. Brigands d’opportunité si pas de vocation. Y’avait de quoi faire.
Martinez, enfin retapé et libéré d’une partie de ses (pré)occupations – la partie sous uniforme, dira-t-on – avait rejoint dans cette ambiance, et les mules, quadrupèdes bien adaptés aux missions à venir, itou.
Et à propos de mules…
– Sergent ? Sergent Bonestu ?
– Mon capitaine ?
– Venez par ici, j’ai un petit souci…
– Un souci, mon capitaine ?
– Oui. Enfin, non. Vous, plutôt.
– Moi, mon capitaine ?
– Ou le sergent Michalon.
– Michalon ?
– Figurez-vous, sergent Bonestu, que, tantôt, le sergent Michalon s’est présenté à moi, avec l’air gêné de celui qui a fait une grosse bêtise. Nous venions précisément d’évoquer, avec le commandant, les opportunités que ces animaux, là, allaient nous permettre d’exploiter. Vous suivez ?
– Heu ? Certes, mon capitaine. On va pouvoir…
– Or donc, le sergent Michalon venait s’excuser platement de les avoir oubliées, ces braves bêtes. J’avoue que durant quelques instants, je n’ai rien compris à ses explications… jusqu’à ce que soit fait mention de votre nom, sergent. Des idées ? Un mot à ajouter ?
– Ho, mon capitaine ! C’était pas méchant !
– Écoutez, sergent, je ne critique pas le côté farce, mais pour l’esprit de saine camaraderie, il y aurait à redire. Le sergent Michalon a très mal vécu votre… hum… intervention !
– Ben, déjà, mon capitaine, d’y avoir cru, ça explique des choses…
– Sergent ! Je reconnais que c’est d’une autre trempe que de lui avoir demandé la clé du champ de tir, ou une autre c… une autre billevesée de ce genre. Mais je dois veiller à une certaine cohésion dans la compagnie, n’est-ce pas ? Vous vous croyez en caserne ?
– Euh… moi pas, mon capitaine…
– Il va donc falloir, sergent, songer à des excuses…
– Des excuses ? Des excuses ! Mais, mon capitaine, j’ai rien contre des excuses ! Je suis d’ailleurs prêt à en recevoir à l’instant !
– Sergent, il me semble que vous dépassez les bornes !
– Faites… hem… excuse, mon capitaine, mais j’ose affirmer que vous ne connaissez pas la totalité de l’affaire…
– Et c’est bien parce que c’est vous que je suis prêt à entendre votre version des faits.
– Alors, voilà, mon capitaine, El Mardi et moi…
– El Mardi ? Il est aussi dans le coup ?
– Ben, oui et non, mon capitaine…
– Bon. Je vous écoute. Et cette fois-ci, hein, soyez concis !
………
2 août
3 août
4 août
La 3e DIM sur le terrain
Nettoyage dans l’arrière-pays
Ligurie – C’est par une belle journée d’août qu’une petite troupe suivie de son train en sabots s’en alla jeter un œil dans les vallées encaissées de l’arrière-pays ligure. On peigna d’abord sans trop de succès la vallée de la Nervia, un filet d’eau, et puis on se risqua dans des endroits improbables, à l’assaut de villages-nids d’aigle perchés sur des crêtes hérissées d’oliviers, de pins et de chênes, avec des coteaux plantés de vignes, des terrasses savamment agencées, des amas de bâtisses de pierre jalonnant des prétendues routes « plus tortilleuses du croupion qu’une michetonneuse de la Rue du Canon » (selon l’avis du caporal Santini, qui avait, quoique n’étant pas marin, sinon des lettres, du moins… de l’expérience). Avouons qu’en l’occurrence, le terme « assaut » était un peu outrancier. Il suggérait de nouveaux affrontements, de nouveaux hurlements, de nouveaux déchaînements de violence. Ce fut rarement le cas.
On procéda avec méthode et circonspection. Tandis qu’une poignée de véhicules, en général un Mouflon, une ou deux jeeps et un camion, montaient tranquillou par la route – souvent un vague chemin mal empierré – une colonne de piétons (en chaussures et sabots) arpentait les crêtes, cueillant au passage tout ce qui tentait de se carapater en discrétion. Ni Baraka, ni le SdKfz du commandant ne participaient à ces réjouissances, hélas ! Trop typés, trop fatigués, les deux véhicules attendaient leur sort dans un dépôt. Leurs propriétaires actuels en convenaient, une page se tournait.
Il va sans dire que ladite colonne pédestre prenait position fort précautionneusement et bien en avance, inspectant les lieux aux jumelles et repérant si possible tous les chemins de repli disponibles. Dans ce genre d’équipée, on voit bien toute l’utilité qu’avaient les représentants de la race asino-équine, allégeant d’autant le barda des tirailleurs, et aptes à emprunter tout vague sentier propre à rebuter la mécanique. Et avec ça, vivant sur le pays ! Chose qu’aucun enfant de Diesel ou de Ford n’était capable de faire. Et puis, on les aimait bien, ces braves bêtes. Oui, il se trouvait quelquefois un malpropre qui les malmenait, mais la plupart du temps, on leur réservait un quignon, ou à défaut une tape amicale.
On partait ainsi pour des expéditions de deux-trois jours, non exemptes de leur lot de surprises. Et même si l’ambiance était différente de celle des semaines précédentes, ce n’étaient pas des vacances pour autant ! Une fois, on s’accrocha avec ce qui sembla bien être des Teutons. Une mule en fit les frais, ainsi qu’un soldat, triste rappel qu’on était toujours en guerre. Que faisaient ces Landsers dans ce coin perdu ? On les pensait partis bien loin, vers l’Autriche, et là, paf ! En quête de Ritals, on tombait sur eux ! Au vu de ce que l’on repéra, il y avait d’ailleurs des Italiens avec eux. Au moins deux. La chose fut confirmée par l’officier – italien, lui aussi – qui accompagnait désormais chaque sortie. Cette association décidée “en haut lieu” permettait d’éviter les déconvenues.
On arrivait dans un village. Ou un hameau. Voire une simple ferme. Déjà, y dégotter des autochtones s’avérait compliqué. Les gens étaient méfiants, ça, on comprenait. Les femmes se planquaient, les gosses disparaissaient, les chiens aboyaient à regret, les chats faisaient le gros dos. Jusqu’aux poules qui détalaient, environnées de nuées de boules de plumes ! C’est tout juste si on pouvait mettre la main sur un représentant masculin aussi ridé et tordu qu’un olivier. Assez rapidement, il se répandait en plaintes et récriminations : « Signor officier, i Fascisti, ils ont tout pris ! Tout ! Ma qué c’est oun gran’ malheur… » Dans la foulée, on se mettait à poser des questions. Le plus souvent, c’était le capitaine qui s’y collait. Et là, tout à trac, plus un seul indigène n’entendait le français ! Même Santini n’y comprenait que pouic à ce que l’autre débitait à toute allure ! D’où, après plusieurs micmacs qui ne faisaient plus rire, l’adjonction d’un “observateur-interprète”. Hé, dame, c’est qu’on était en territoire allié ! Fallait ménager les susceptibilités ! Enfin, allié… allié… presque. A demi. Co-belligérant, comme on disait en haut lieu. La preuve ! Sinon, on n’aurait pas été là, non ?
On avait donc accueilli le – ou écopé du – colonel Della Scala. Outre qu’il devait convaincre ses compatriotes des bonnes intentions de la troupe armée et étrangère qui l’accompagnait, le brave homme, aristocrate bon teint, représentait peu ou prou un semblant d’autorité légale, en attente de mieux, et veillait à ce que les Français restent… mesurés dans leurs interventions. Bref, pratiquant la langue de Molière mieux que Serviac celle de Dante, il arrondissait les angles, et plus. « Et si ça se trouve, il y a deux ans, il nous flinguait ! » songeait De Fresnay. Ainsi va la guerre…
Or donc, la plupart du temps, après avoir extirpé vaille que vaille les autochtones (ou ce qu’il en restait) de leurs demeures où ils se terraient pis que cagoles en leurs coquilles, on procédait à l’inspection des lieux, à la recherche de… à la recherche, selon la méthode santinienne, de trucs qu’on reconnaîtrait comme étant ceux qu’on cherchait une fois qu’on les aurait trouvés. Du genre armes ou pièces d’uniforme, par exemple, si les gars avaient été assez cons pour ne pas les faire disparaître. Et aussi, interroger les hommes entre, disons, dix-huit et trente-cinq ans, quand on en dénichait, et s’interroger sur leur présence. D’où, encore une fois, l’utilité du colonel.
Belle idée, d’ailleurs, qu’il fût colonel : quoique d’un grade supérieur au capitaine, il lui était subordonné. D’où impairs, confusions, maladresses et gêne. Bon. Mais vis-à-vis des gens du cru, il en imposait, que le quidam fût édile d’un cru indéfinissable, ancien de 14-18 confit en souvenirs glorieux, ou recrue de circonstance. C’était loin d’être négligeable. Et si la perle rare sortie d’une cachette ingénieuse – fond de soue, soupente, fenil et autres fours à pain – s’avérait avoir été récemment soldat, des galons juste ce qu’il fallait sur un uniforme connu se révélaient précieux.
Du colonel en question, Serviac n’en savait que ce que… “on” avait bien voulu lui dire, informations qu’il distilla (en partie) à ses subordonnés. Padouan, de très vieille famille et, à l’en croire, descendant d’un condottiere célèbre. Monarchiste. Monarchiste, mais aussi sympathisant fasciste de la première heure, ayant trouvé en Mussolini le seul rempart contre « i Rossi », avant, bien entendu, de prendre ses distances avec ceux qu’il qualifiait désormais « d’aventuriers ». Blessé en Sardaigne en 40 – contre les Français, déjà ! – puis muté en Ligurie après une longue convalescence, il déclarait que ses yeux s’étaient décillés à cette occasion. Mais c’était le genre de sujet qu’on se gardait bien d’aborder, surtout entre gens de bonne compagnie.
Le résultat des courses, c’était qu’on l’avait dans les pattes. (« On a un Italien dans les pâtes ! Ha ha ! Elle est bien bonne ! » « Santini ? » « Oui, sergent ? » « Ferme-la ! ») Du moment qu’il restait dans son coin et n’avait de relations qu’avec le commandant ou, à défaut, les capitaines, on faisait avec. Ce qui conduisait chacun à redoubler d’ingéniosité pour ne pas avoir à répondre à des questions comme : « Dites-moi, caporal, sauriez-vous, par hasard, où pourrait se trouver le capitaine De Fresnay ? ».
5 août
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John92
Inscrit le: 27 Nov 2021 Messages: 1469 Localisation: Ile de France
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Posté le: Jeu Oct 09, 2025 13:06 Sujet du message: |
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Rien à signaler de mon côté. _________________ Ne pas confondre facilité et simplicité |
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Casus Frankie Administrateur - Site Admin

Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 15201 Localisation: Paris
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Posté le: Ven Oct 10, 2025 10:06 Sujet du message: |
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Ce demi-récit (suite et fin demain) illustre assez bien la situation sur les arrières des fronts italiens…
Et puis, le plaisir de lecture est là. Merci Houps !
6 août
La 3e DIM sur le terrain
Nettoyage dans l’arrière-pays
Vallée du Cervo (dans les collines au-dessus de San Remo) – Or donc, ce jour-là, par un beau soleil – peut-être avait-il fait un orage la veille, peut-être en reviendrait-il un autre le soir – on approchait doucement d’une bâtisse à la mode du pays quand un soldat, même pas essoufflé, vint prévenir que la petite escouade menée par le lieutenant, et dont il faisait partie, avait repéré « du monde » aux abords d’icelle.
– Oui, chef. Je les ai vus aussi ! Des Alboches, j’te jure !
– Des Boches ? Ça faisait longtemps ! Bien. Rejoignez le lieutenant. Dites-lui d’agir en conséquence… De faire ce qu’il faut. Sergent ?
– Mon capitaine ?
– Le lieutenant Martinez a repéré du monde dans la ferme, là…
– Du monde ? Du… monde ?
– Des Boches.
– Ah ! On se disait aussi…
Point n’était besoin de s’user les méninges pour imaginer que les clients en question, ayant vu venir les visiteurs, plutôt que s’esbigner en douce, leur préparaient une réception des plus chaudes. Le comité d’accueil était plus porté sur l’acier que sur un “Cinque Terre”, petit cru local qu’il serait plaisant de découvrir. Restait aussi à savoir de quoi se composerait le menu de la petite sauterie.
On fut assez vite au courant, hélas pour le deuxième classe Libourel, natif de l’Hérault, où il avait joué aux gendarmes et aux voleurs avec les gars du Sonef. Une rafale au bruit teuton-pur sucre lui emporta le bras, ainsi que le buisson censé le dissimuler. En plongeant droit dans le nid de charmantes bestioles, de celles qui animent si efficacement les pique-niques, qui se trouvait pile sous les racines, son voisin immédiat en fut quitte pour entendre passer de drôles de guêpes. Il put ensuite s’estimer heureux d’arborer des bouffigues et non des trous guère plus disgracieux, mais bien plus gênants. Évidemment, il aurait pu aussi être allergique au venin des bestioles. Avouez que c’eût été un vrai manque de pot ! Pour sa part, l’intéressé, loin de s’interroger sur cette possibilité, s’estima heureux d’éviter une intoxication au plomb aussi immédiate que fatale.
Les responsables de cette entrée en matière pour le moins brutale, voire malpolie, avaient dédaigné l’abri illusoire de la ferme. Ce genre d’endroit, murs séculaires, charpente ancestrale et couverture minérale, offrait pourtant à première vue un abri sûr et valait fortin. L’occuper, c’était afficher clairement qu’on était décidé à combattre soit jusqu’à l’arrivée de renforts, soit jusqu’à la mort : honneur, orgueil, tout ça… Les deux options n’étaient pas incompatibles, chose qui n’échappait aucunement à tous les participants de cette amicale réunion. Mais occuper ces lieux, c’était aussi courir le risque d’y être quasiment prisonniers. Surtout lorsqu’on savait qu’il était stupide d’espérer être tiré d’affaire par des copains.
Pour De Fresnay, qui en discuta avec le colonel italien, puis avec ses sergents, le fait que ces salauds-là se soient postés autour de la baraque et non à l’intérieur ne signifiait qu’une chose : ils escomptaient certainement jouer la fille de l’air à la première occasion. Sans doute à la nuit. Il restait encore bon nombre d’heures avant l’obscurité, certes, mais cela paraissait évident. Donc, ils allaient temporiser. Et pensaient en avoir les moyens. Bien. D’un autre côté, sous peu, la colonne motorisée serait sur place – un contact radio lui intima d’accélérer. Il y aurait alors bien assez de monde pour boucler la zone. Et un blindé, même léger, ça donnerait à réfléchir. D’autant plus que les camions ne transportaient pas que des bidasses. Le temps jouait donc aussi en faveur des tirailleurs.
En face, qu’avait-on ? De sûr, une MG. Plusieurs fusils, ou carabines. Aux jumelles, au moins deux PM. Sans doute pas de mortier, ils s’en seraient déjà servis. Des grenades ? Ça faisait partie de la panoplie. Bon. Une autre arme automatique n’était pas à exclure, même si pour le moment, il semblait qu’une seule donnait de la bande. Tiens : se posait aussi la question de leur ravitaillement. C’est que ça mange, ces engins ! Les munitions, faut les trimballer ! Et la bouffe ! Z’ont pas de Mercédès, ou bien on a mal vu. Z’ont pas des mules, quand même ?! A approfondir plus tard. Et donc, sont combien, en tout ? Pas un bataillon, quand même ! Vingt ? Trente ? Hum… trente… On est loin de Marseille ! Une vingtaine, dira-t-on. Soit. Et qu’est-ce que ces gus foutent ici ? Et d’où viennent-ils ? En maraude, ou bien installés dans le coin, coupés des leurs ? Vrais soldats, ou vrais forbans ?
Ces questions lui venaient alors qu’il tentait de placer son monde de façon à éviter que l’ennemi s’échappe, tout en faisant en sorte que les pertes soient minimes. Minimes de son côté-ci, s’entend. On n’allait pas prendre de gants avec les criminels de l’autre bord, fallait pas exagérer ! Déjà, un blessé, c’était un de trop. Sale état, d’ailleurs, le blessé. Et… Allons bon, rectifions : deux blessés ! Ils ont aussi planqué un tireur dans la soupente !
En effet, un cri avait retenti un peu plus loin, indiquant qu’un autre des tirailleurs venait de morfler. Ses copains faisaient le nécessaire. Tout ça agita du monde, et la végétation, évidemment. Erreur de visée, erreur de jugement, nervosité ou ricochet malencontreux, un autre projectile frappa une des mules, pourtant soi-disant à l’abri. Peu portés sur une résurrection sous forme de saucisson, ses congénères en conçurent dépit et contrariété, ce qui les énerva quelque peu. On dut les reculer encore plus. Scrutant le camp d’en face, le colonel – tant qu’à être observateur, autant observer – fit remarquer que trois ou quatre uniformes italiens se trouvaient aux côtés de tenues tachetées ou plus classiquement feldgrau. Mélange curieux, mais pas franchement étonnant. Des circonstances… particulières, disons, pouvaient l’expliquer. De toute façon, pour le moment, on flinguait. On chercherait à comprendre quand ce serait le moment.
Tiens, c’est là que le capitaine regretta Baraka. Lambert et sa « fifille » auraient pu déblayer le terrain, expliquer au tireur du fenil qu’il avait de mauvaises manières et à la MG qu’il ne fallait pas l’énerver outre mesure. Telles étaient les pensées de l’officier en s’en revenant de la position tenue par le lieutenant et sa poignée d’hommes. De tous, c’étaient les mieux placés. Légèrement en hauteur, ils avaient forcé certains des clients d’en face à changer de place fissa, laissant au moins l’un des leurs sur le carreau. Pour le moment, la consigne était de ne pas s’exposer outre mesure, et de leur tenir les pieds au chaud.
– Mon capitaine ?
– Sergent ?
– On vient d’avoir la colonne, mon capitaine. Le sergent Matray.
– Matray ? Pas Michalon ? Ne me dites pas que…
– Si, mon capitaine. Z’ont perdu ou cassé un chais pas quoi galet. Le Mouflon est en rade, mon capitaine. Matray dit que ça devait arriver, l’est plus tout jeune, le truc.
– Juste aujourd’hui ! Et le sergent Michalon et ses gars ?
– Z’ont continué. Du coup, vont plus vite. Une heure, et ils sont là. S’ils ne bouzillent pas encore leurs pneus, comme l’aut’ jour.
– Sergent, si jamais cette tuile leur arrive… Oh ! Laissez tomber ! Chargez-vous de les placer dès leur arrivée. Cette histoire dure. Vous ne pouvez toujours pas avoir le QG ?
– Non, mon capitaine. Vous savez ce que c’est. Ça passe mieux sur le soir. Mais comme on a eu Matray, je lui ai dit d’essayer de son côté. On ne sait jamais.
– Et évidemment, plus une Cigale ! Pff…
Pendant encore un bon moment, ce fut “pat”. Evidemment, chacun des deux bords savait à quoi s’en tenir. Les passagers des véhicules ayant augmenté sa troupe, De Fresnay les employa au mieux. Les deux Browning des véhicules – eh oui, c’était le règlement : une arme par camion, des fois qu’un Jabo, espèce pourtant en voie de disparition, s’invite à la fête, et une sur la jeep – une fois démontées, commencèrent à arroser abondamment les abords de la ferme. Puisqu’en face, on semblait ne pas disposer de mortier, autant ne pas se priver. Tac-tac-tac dans l’ouverture du grenier, pour faire baisser les oreilles au Guillaume Tell de service, voire plus, hein… Tac-tac-tac sur les murets, les tertres et tout ce qui pouvait abriter du monde. Et pour commencer, la dépression où s’embusquait le mitrailleur ennemi. Ah ! Ça changeait la donne, non ? Et sous le couvert de ce déluge de métal, ici et là, des tirailleurs s’approchaient du but.
Et hop ! Œufs durs pour le quatre heures (un peu en retard, le goûter : on approchait plutôt des six heures). Boum ! Bang ! MG muette. Coup au but ou… ? Réponse : ou. A savoir, fenêtre du rez-de-chaussée. Aussi sec, l’arme automatique s’attira les foudres de ses congénères made in USA. Contraints et forcés, les défenseurs se repliaient dans le seul abri à leur disposition, laissant des plumes dans l’histoire. Et comme l’endroit se révélait chiche en ouvertures… Le capitaine grimaça. On n’allait pas refaire Fort Alamo, tout de même ! Ses hommes pouvaient désormais approcher la bâtisse, déjà certains avaient atteint les abords des dépendances, avec les précautions d’usage. Pas de précipitation ! Les autres étaient coincés. On avait le temps pour nous.
Pour se garder des tirs, l’officier fit un large détour afin de constater par lui-même si une partie des derniers arrivés, des bleus pour la plupart (pas bleus bleus, vu ce qu’ils avaient vécu depuis leur arrivée, mais pas trop aguerris quand même), était correctement positionnés face au quatrième côté de la construction. Bon. De ce côté-là, il y avait une espèce d’appentis, surmonté de deux fenêtres aussi étroites que leurs consœurs, pas de quoi être inquiété. Pour passer par là, faudrait être sacrément ficelle ! Format jockey, et encore ! Des angles morts en pagaille, mais il donna comme consigne de rester là, et de ne faire que riposter si, d’aventure, un des autres se risquait à tirer. Le sergent Michalon, avec un nouveau caporal, comment s’appelait-il déjà ? Mersan ? Non, Marsan !… et cinq soldats suffisaient à la tâche. Il revint sur ses pas.
La fusillade devenait sporadique. Un des deux partis commençait à manquer de munitions. Ça rappelait beaucoup de récents souvenirs à certains. Pas forcément de bons souvenirs, mais ce coup-ci, on était de l’autre côté. Le bon. Des certains qui regrettaient qu’on n’ait pas embarqué un panzerfaust de prise ou deux, ainsi que des mortiers. Certes ! On aurait pu… On aurait dû… Mais on avait pris le parti de voyager léger. Et ce genre de matériel, pas très adapté au contrôle des chèvres, ça demandait du doigté, une certaine délicatesse dans le transport, et surtout, ça prenait de la place. Pas tant les armes que leurs munitions. De toute façon, pour ce genre d’outils, c’était râpé : question bazookas, c’était niet, vu qu’en deuxième ligne, on n’en avait pas besoin ; et pour les panzerfausts “récupérés”, y’en avait plus, vu que d’autres se les étaient appropriés. Oui, bon, on n’allait pas passer la journée là-dessus. On allait attendre, bien sagement. La nuit, dit-on, porte conseil. Le soir venait, on s’installa.
– Quand même, mon capitaine, je ne comprends pas !
– Vous ne comprenez pas quoi, lieutenant ?
– Eh bien, mon capitaine, visiblement, ils nous ont vu arriver de loin. Tout le temps qu’ils ont mis à se préparer à nous recevoir, ils n’auraient pas pu en profiter pour se barrer ?
– Le colonel et moi nous nous faisions la même réflexion, lieutenant. On peut penser qu’ils ignoraient que la colonne était en route. Sans doute misaient-ils sur le fait qu’en nous causant des pertes, nous n’irions pas leur courir après par la suite. Vous imaginez ce qui serait arrivé si vous ne les aviez pas repérés, et qu’on se soit approchés pour une banale inspection ?
– Je veux bien l’entendre, mon capitaine, mais quand même ! C’est bizarre, non ? Si ce sont des vindicatifs, équipés comme ils sont, pourquoi qu’ils n’auraient pas monté des embuscades et fait des coups de main, s’ils voulaient foutre le bazar et nous flinguer du monde ?
– Encore fallait-il qu’ils soient là, non ?
– Certes, mon capitaine. Mais m’est avis que ces types ne sont pas là d’hier.
– Ah ? Ce sont des paroles en l’air, lieutenant, ou…
– Un truc, mon capitaine. Si vous voulez bien me suivre…
(…)
– Alors, voilà.
Les deux hommes, allongés derrière un tas de pierres, s’étaient un peu éloignés de l’échauffourée, pour ouvrir leur champ de vision. Le lieutenant chuchotait, certainement par réflexe. Seules les sauterelles profitaient de cette sollicitude.
– Voilà, mon capitaine. Regardez au ras de l’espèce de cabanon. Sur la droite…
– Oui… ?
– On dirait bien que la terre a été remuée.
– Hmmm. On dirait. Et qu’en concluez-vous ?
– Mauvaise impression, mon capitaine. Où sont les civils ?
– Bah, sans doute partis depuis un moment. Si ça tombe, on les a croisés dans un des villages, auparavant. Vous ne vous seriez pas en train de vous faire tout un cinéma, là, lieutenant ?
– C’est possible, mon capitaine. Mais s’ils étaient partis, z’auraient flingué leur cabot ?
– Comment ça ?
– Leur cabot, mon capitaine. Regardez, là, sur la droite. Le truc noir.
– Lieutenant, je vois bien ce “truc noir”. De là à dire que c’est un chien, et ensuite élucubrer comme vous le faites…
– Je me monte sans doute le bourrichon, mon capitaine, mais tout ça ensemble – il pinça les lèvres – ça fait quand même bizarre.
– Mais ça n’avance pas nos affaires. Vous allez avoir toute la nuit pour réfléchir à votre feuilleton. Pour le moment, on ne bouge pas. Les hommes s’installent, et qu’ils se méfient : ces types-là sont des coriaces, pas tombés de la dernière pluie. Prenez toutes les précautions nécessaires, au cas où ils voudraient nous faire un coup fourré dans le noir. Pas trop de lune. Donc, vous comprenez…
– On fera, mon capitaine. Et les bleus ?
– A l’arrière. La baraque n’a que cette porte. Bon sang, s’ils veulent s’échapper, il n’y a que ce côté, il faudra bien qu’ils passent devant les nôtres !
– Bon, ben on va bricoler des trucs. On a des boîtes, c’est bien le diable si un des gars n’a pas un peu de ficelle…
Bref, on dormit peu, et mal, et pas à cause de l’hôtel. Plutôt par la faute de ses clients. De certains clients, même. Sentinelles, rondes… Les plus chanceux gardaient les brêles. A tour de rôle.
La lune, mince croissant, éclairait parcimonieusement la campagne. Vers les trois-quatre heures du matin, elle n’allait pas tarder à se pieuter. Mauvais moment, ça. Hasard ou pas, Santini se retrouva avec le sergent Michalon. La bâtisse était une masse sombre occultant les étoiles. Le caporal n’ignorait pas que la plupart de celles-ci portait un nom. Cependant, sorti de la Casserole, ses compétences en matière astrale étaient squelettiques. Il s’en contrefichait. On pouvait se passer d’un tel savoir pour goûter un ciel comme ça. Et puis, ce n’était pas sa préoccupation du moment. Outre qu’il en aurait bien fumé une, tiens. Si pas deux. Ça le travaillait, ça. Ça le rendait nerveux.
– Dis-moi, sergent…
– Hmm ?
– Comment que t’as fait pour être sergent ?
– J’ai l’air si con que ça ?
– Non, non… C’est pas ça. Te fais pas des idées ! C’est juste pour savoir…
L’ambiance portait aux confidences. Tous deux chuchotaient, accroupis derrière une petite restanque tiède qui abritait deux vers luisants (Lampyris noctiluca) indifférents à leur présence. A trois pas de là, on ne les aurait pas entendus (les soldats, pas les bestioles !).
– C’est que c’est un peu compliqué.
– Ben, t’as pas fauché tes galons, quand mê… Attends… Chhh… T’entends rien ?
– Non. Une chouette ?
– Nan, un hibou. C’est pas ça… Tiens, ça recommence…
En tendant l’oreille, on percevait comme des coups sourds venant du camp des assiégés.
– Qu’est-ce que c’est que ce binz ?
– Bah, tant qu’ils nous tirent pas dessus…
– Sergent, crois-moi, quand ces types font des trucs bizarres qui sont pas dans Emmanuel, faut se méfier !
– Pff ! Tu dis ça pour me faire peur ! Tiens, tu vois : on n’entend déjà plus rien…
– Chhh ! Va t’en réveiller le Marsan et tes gars. Et en douceur. J’ai comme un presque sentiment.
– Si c’est encore un coup comme çui des mules… Tu veux me foutre les jetons ?
– File, j’te dis !
Le caporal devait avoir une voix suffisamment persuasive, car quoique lui fût caporal et l’autre sergent, ce dernier obéit après un ultime mouvement d’humeur. Marsan le remplaça presque tout de suite.
– C’est quoi ce cinéma ?
– Ecoute…
– Hein… ? Ils font quoi ? Ils creusent un tunnel ?
– Ah ! A toi aussi, ça te fait penser à des mecs qui creusent ?
– Ça s’est arrêté.
– Ouais. Déjà tt’à l’heure…
Mine de rien, automatismes aidant, le caporal se prépara. A quoi, il ne le savait pas, mais il s’en doutait : à rien de bon. Un poil de lumière de plus aurait bien aidé. Mais aurait aidé aussi “les autres”. A repérer, par exemple, le fil tendu à ras du sol. Un léger bruit métallique résonna. Oh, pas longtemps ! Juste ce qu’il fallait pour que Santini lâche sa rafale dans cette direction, tout en jetant à son voisin : « Bouge ! »
Conseil judicieux, suivi sans retard par le dénommé Marsan. Révélée par la lueur et le bruit des tirs, leur position bénéficia illico d’une grenade qui coupa la chique aux chanteurs nocturnes, mit à mal les pierres sèches du mur, les deux insectes, un muscardin (Muscardinus avellanarius) stupidement fourvoyé dans les parages, et le mollet du dit Marsan. Tandis que Santini, de son côté, toujours au jugé, doublait la dose et se carapatait ailleurs, le calme de cette belle nuit d’été, qui s’annonçait non pas romantique, mais du moins sereine et pleine de douceur, vira subito presto à la cacophonie, pour ne pas dire qu’elle se transforma en un bordel qui n’avait rien de joyeux.
Tout le monde était maintenant sur pied. Côté entrée, obéissant aux consignes, l’une des Browning arrosait copieusement la porte. On avait largement eu le temps de prendre toutes dispositions adéquates. Cela dit, on regrettait l’absence de chandelles. On tirait au petit bonheur, direction la baraque pour les uns, la campagne pour les autres, sur des choses sombres sur fond noir, chacun essayant de se repérer aux lueurs des coups de départ et aux sons. Mais là, ça devenait difficile, y’en avait de trop !
Il advint évident que plus gros du tintamarre provenait de l’arrière de la ferme. Y’avait pas à se tromper. C’était là-bas que ça se jouait. Un bref moment d’étonnement passé – mais comment ces salauds là avaient-ils fait ? – et De Fresnay, réveillé en sursaut, récupérant des hommes au passage, se lançait dans cette direction. Ce qui n’était pas évident : terrain traître et, surtout, gros problème pour distinguer qui était du “bon” côté et qui ne l’était pas. Le temps d’arriver sur les lieux, pas dix minutes, mais pas trente secondes non plus, et détonations comme explosions avaient cessé, ici ou ailleurs. Grosse poussée d’adrénaline, car on risquait tout autant de se flinguer entre collègues que de fusiller un des autres – ou d’être fusillé par eux.
On ne percevait que des gémissements, un râle et, ténu, en tendant bien l’oreille, le bruit d’une course qui s’évanouissait là-bas, ponctué du rebond d’une pierre. A proximité, une voix chuchota en arabe. El Mardi. Un peu plus loin, on lui répondit dans le même dialecte : Santini, indubitablement. Un caillou roulant dans son dos, le capitaine pivota brusquement, leva son arme en direction d’une ombre qui lui sembla encore plus sombre que ce qui l’environnait, hésita… Bien lui en prit ! Le « Mon capitaine ? » soufflé plus que murmuré le renseigna : sergent Bonestu. « Ici ! » rétorqua-t-il sur le même ton.
Écoute attentive : tout donnait à penser que ceux d’en face s’étaient tirés. Barrés. Enfuis. Envolés. Ce n’était pas une raison pour faire une connerie, du genre aller voir si cette supputation s’avérait exacte. Le plus urgent, c’était de dresser le tableau de la situation actuelle. A commencer par les pertes. Et d’abord par les blessés, car il y en avait. Et va-t’en retrouver un copain touché dans ce noir, et sans une loupiote, ne serait-ce que pour pas se casser la figure ! Au bruit, on en dégotta deux, un “léger” et un autre… ben, trois bastos dans le corps, ça fait des dégâts. Ajoutez Marsan, avec un mollet esquinté, mais qui pouvait s’estimer heureux de s’en tirer à si bon compte. Un éclat avait proprement fendu la jambe du pantalon, comme un coup de ciseau, et le muscle en dessous. “Superficiel”, mais chiant ! Serrant les dents, le propriétaire du tout serrait aussi sa jambe blessée, histoire de ne pas trop salir le coin, sans doute. Un pansement posé à la va-vite, en attendant mieux, et on se mit à chercher plus outre. Ce fut un tirailleur, un autre gars venu de l’Hérault, pt’êt’ victime de « tirs fratricides », comme on dit dans les rapports. Pas macchabée, hein ! Mais bon pour un retour au pays, précédé d’un séjour chez les Ursulines ou toute autre congrégation. Et puis encore un, la jambe brisée lors d’une chute en se mettant à couvert. Décidément…
Le plus sage était d’attendre le jour, qui n’allait pas tarder. D’ailleurs, il était en route.
(Suite et fin demain) |
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Capu Rossu

Inscrit le: 22 Oct 2011 Messages: 2870 Localisation: Mittlemeerküstenfront
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Posté le: Ven Oct 10, 2025 13:06 Sujet du message: |
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Bonjour,
Cet épisode avait déjà été relaté dans Italie, Juillet 44" à la date du 30 juillet et la suite au 31 mais non incorporé dans la chrono.
Sujet déplacé au mois d'août ?
@+
Capu _________________ Aux Postes de Propreté - Mouillé, c'est lavé ! Lavé, c'est propre ! - Rompre des Postes de Propreté |
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demolitiondan

Inscrit le: 19 Sep 2016 Messages: 12412 Localisation: Salon-de-Provence - Grenoble - Paris
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Posté le: Ven Oct 10, 2025 13:28 Sujet du message: |
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Il me semblait aussi. _________________ Quand la vérité n’ose pas aller toute nue, la robe qui l’habille le mieux est encore l’humour &
C’est en trichant pour le beau que l’on est artiste |
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Bob Zoran
Inscrit le: 19 Nov 2017 Messages: 290
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Posté le: Ven Oct 10, 2025 13:46 Sujet du message: |
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| Citation: | | Point n’était besoin de s’user les méninges pour imaginer que les clients en question, ayant vu venir les visiteurs, plutôt que s’esbigner en douce, leur préparaient une réception des plus chaudes. Le comité d’accueil était plus porté sur l’acier que sur un “Cinque Terre”, petit cru local qu’il serait plaisant de découvrir |
Je me disais que les Cinque Terre n'étaient pas tout à fait dans la région de San Remo.
Mais ça n'enlève rien au récit toujours plaisant à lire! |
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John92
Inscrit le: 27 Nov 2021 Messages: 1469 Localisation: Ile de France
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Posté le: Ven Oct 10, 2025 15:49 Sujet du message: |
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Du coup, je relis ou pas? _________________ Ne pas confondre facilité et simplicité |
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Casus Frankie Administrateur - Site Admin

Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 15201 Localisation: Paris
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Posté le: Ven Oct 10, 2025 16:55 Sujet du message: |
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@ John : Tu peux toujours relire !
Mais j'explique : j'ai eu toutes les peines du monde à "dater" l'épisode par rapport à la Chrono militaire de Patzekiller. Finalement, je l'ai déplacé ainsi, c'est mieux.
Et puis, ça me faisait plaisir, je crois, de le reposter. _________________ Casus Frankie
"Si l'on n'était pas frivole, la plupart des gens se pendraient" (Voltaire) |
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patzekiller

Inscrit le: 17 Oct 2006 Messages: 4107 Localisation: I'am back
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Posté le: Ven Oct 10, 2025 17:10 Sujet du message: |
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la 3e DIM ne dépasse pas naple, ce sont les ricains qui passent par les cinque terra _________________ www.strategikon.info
www.frogofwar.org |
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John92
Inscrit le: 27 Nov 2021 Messages: 1469 Localisation: Ile de France
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Posté le: Ven Oct 10, 2025 18:02 Sujet du message: |
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Bon Cassus, tu as dit relecture c’est pas inutile …
Donc j’ai vraiment, vraiment, vraiment …. Pinaillé ^^
...
6 août
La 3e DIM sur le terrain
Nettoyage dans l’arrière-pays
Vallée du Cervo (dans les collines au-dessus de San Remo)
…
Ce genre d’endroit, murs séculaires, charpente ancestrale et couverture minérale (des lozes ? à vérifier si compatible avec la région, SVP. Dsl réflexe de savoyard/corse. Les lozes c’est très particulier.), offrait pourtant à première vue un abri sûr et valait fortin.
…
Bien. D’un autre côté, sous peu, la colonne motorisée serait sur place – un contact radio lui intima l’ordre (j’ajouterai bien ce terme, plus martial comme tonalité) d’accélérer.
…
Peu portés (le termes congénère étant non genré, j’écrirai bien portées, vu qu’on parle de mules qui elles sont de genre féminin. Juste pour chipoter et lancer un HS^^ ) sur une résurrection sous forme de saucisson, ses congénères en conçurent dépit et contrariété, ce qui les énerva quelque peu.
…
On n’allait pas refaire Fort Alamo (Ah non ! Ce sont des français, repliés en AFN où se trouve le mémorial de la légion avec la main de bois du capitaine Danjou, donc Camerone, SVP ), tout de même !
…
Révélée par la lueur et le bruit des tirs, leur position bénéficia illico d’une grenade qui coupa la chique aux chanteurs nocturnes, mit (mis ?) à mal les pierres sèches du mur, les deux insectes, un muscardin (Muscardinus avellanarius) stupidement fourvoyé dans les parages, et le mollet du dit Marsan.
…
Tout le monde était maintenant sur pied (sur le pied de guerre – simple suggestion – plus martial comme expression ).
…
Il advint évident que le (à ajouter ? plus gros du tintamarre provenait de l’arrière de la ferme.
…
Écoute attentive : tout donnait à penser que ceux d’en face s’étaient tirés. Barrés. Enfuis. Envolés. (Peut-être des ! en lieu et place des . C’est plus Houpsiquiesque, non ?)
… _________________ Ne pas confondre facilité et simplicité |
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John92
Inscrit le: 27 Nov 2021 Messages: 1469 Localisation: Ile de France
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Posté le: Ven Oct 10, 2025 18:29 Sujet du message: |
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suggestion d'add on
si ma suggestion de remplacement de Alamo par Camerone est validée
j'aouterai bien, pour rester sur le style/verve Houpiessque :
"voire, et puis, Camerone"
pour le mot et ceuse qui ont la réf ...
 _________________ Ne pas confondre facilité et simplicité |
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Casus Frankie Administrateur - Site Admin

Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 15201 Localisation: Paris
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Posté le: Ven Oct 10, 2025 18:47 Sujet du message: |
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1) Des lozes (ou lauzes), oui, OK dans la région.
2) Intimer = signifier avec autorité. Ça suffit, non ?
3) Congénère n'est pas "non genré", c'est un terme épicène, c'est à dire qui peut désigner des éléments masculins ou féminins selon les cas. Mais le genre grammatical de congénère est masculin. Pour prendre un exemple plus courant : bébé. UN bébé peut être une petite fille, le mot bébé reste masculin.
Certains termes pouvant désigner des éléments masculins ou féminins selon les cas peuvent être eux-mêmes du genre féminin ou masculin. "Artiste", par exemple : on dit un ou une artiste.
Bref : en français, ne pas confondre sexe (biologique) et genre (grammatical). Et oui, je sais que "genre" a des acceptions biologiques (classe, ordre, famille, genre, espèce) et des acceptions sociales (synonyme d'allure, par exemple…) mais nous sortons de la grammaire.
4) Fort Alamo : pertinent. Mais Camerone ne va pas, car à Camerone, les assiégés étaient les gentils (à l'Alamo aussi, d'ailleurs). Alors : On n’allait pas faire un siège médiéval, tout de même !
5) mit : ben oui, passé simple de mettre. une grenade mit à mal…
6) Oui, plus martial… mais juste "sur pied" correspond mieux à un réveil subit. Et puis, "sur le pied de guerre" - ben, c'est la guerre !
7) le plus gros - oui, merci.
8) L'absence de "!" choisie par Houps correspond à une sorte d'accalmie dans les événements… _________________ Casus Frankie
"Si l'on n'était pas frivole, la plupart des gens se pendraient" (Voltaire) |
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John92
Inscrit le: 27 Nov 2021 Messages: 1469 Localisation: Ile de France
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Posté le: Ven Oct 10, 2025 20:14 Sujet du message: |
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| Casus Frankie a écrit: | 1) Des lozes (ou lauzes), oui, OK dans la région.
2) Intimer = signifier avec autorité. Ça suffit, non ?
3) Congénère n'est pas "non genré", c'est un terme épicène, c'est à dire qui peut désigner des éléments masculins ou féminins selon les cas. Mais le genre grammatical de congénère est masculin. Pour prendre un exemple plus courant : bébé. UN bébé peut être une petite fille, le mot bébé reste masculin.
Certains termes pouvant désigner des éléments masculins ou féminins selon les cas peuvent être eux-mêmes du genre féminin ou masculin. "Artiste", par exemple : on dit un ou une artiste.
Bref : en français, ne pas confondre sexe (biologique) et genre (grammatical). Et oui, je sais que "genre" a des acceptions biologiques (classe, ordre, famille, genre, espèce) et des acceptions sociales (synonyme d'allure, par exemple…) mais nous sortons de la grammaire.
4) Fort Alamo : pertinent. Mais Camerone ne va pas, car à Camerone, les assiégés étaient les gentils (à l'Alamo aussi, d'ailleurs). Alors : On n’allait pas faire un siège médiéval, tout de même !
5) mit : ben oui, passé simple de mettre. une grenade mit à mal…
6) Oui, plus martial… mais juste "sur pied" correspond mieux à un réveil subit. Et puis, "sur le pied de guerre" - ben, c'est la guerre !
7) le plus gros - oui, merci.
8) L'absence de "!" choisie par Houps correspond à une sorte d'accalmie dans les événements… |
D'accord sur tout SAUF ^^
4) J'insiste Camerone et Cambrone, QUAND MEME, des haut faits de notre armée. Compte tenu du contexte FTL, pas des battus d'OTL mais des combattants/résistants FTL, QUND MEME le grand déménagement, notre honneur n'est pas perdu ....
Donc nos "gars" raisonnent TRADI armée d'où Camerone et Cambrone
Heorl, au secours, explique les tradis et à qu'el point c'est prégnant dans nos forces.
Dsl d'être "chiant" mais FTL nos militaires ne sont pas "castrés" par la défaite (OTL). Ils ne sont pas vaincus, donc ils restent fiers, donc (fiers) de leurs traditions. Donc Alamo=US et Camerone = FR = nous
C'est HS et anecdotique
Je laisse la communauté réagir (ou pas)
Amitiés _________________ Ne pas confondre facilité et simplicité |
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Casus Frankie Administrateur - Site Admin

Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 15201 Localisation: Paris
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Posté le: Sam Oct 11, 2025 08:51 Sujet du message: |
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J'ai compris : les traditions c'est important. Mais il ne faut pas assimiler les méchants en face aux légionnaires de Camerone ni aux défenseurs de l'Alamo (erreur de ma part à première relecture de Houps). _________________ Casus Frankie
"Si l'on n'était pas frivole, la plupart des gens se pendraient" (Voltaire) |
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Casus Frankie Administrateur - Site Admin

Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 15201 Localisation: Paris
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Posté le: Sam Oct 11, 2025 09:12 Sujet du message: |
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Suite. Déjà posté peut-être, mais qui sait, tout le monde ne l'a peut-être pas lu. Et le relire, c'est un plaisir.
7 août
La 3e DIM sur le terrain
Nettoyage dans l’arrière-pays
Vallée du Cervo – Dans l’air plus léger du petit matin, on sentit bien que ce n’était pas le moment d’aller demander au capitaine pourquoi il n’arborait plus sa fichue écharpe. La question en turlupinait plus d’un depuis qu’on avait quitté Vintimille. Les paris allaient bon train, la peine de cœur étant nettement en faveur devant des nécessités de lessive, la chaleur estivale, une perte toute bête de simplicité, un vœu pieux et une admonestation hiérarchique (trente contre un aux dernières nouvelles. On se demandait bien pourquoi !) L’officier affichait une tête des mauvais jours. Un mort, trois blessés d’états variables et variés, sans compter quelques estafilades, une foulure (non, pas le lieutenant !), et les Boches disparus. Ça allait faire du bruit ! Aussi chacun faisait-il profil bas.
Laissant Tisane à ses préoccupations, Martinez et le colonel (« l’Aristo », mais en privé seulement) avaient commencé une inspection des abords de la ferme à présent désertée (par les vivants, du moins). En premier lieu, comprendre ce qui s’était passé. Avec de la lumière, c’était quand même plus facile. Il n’y avait pas d’ouverture de ce côté ? Les zigotos, là, avaient tout simplement déchaussé deux ou trois blocs du mur, de quoi se faufiler dans l’appentis. Ça expliquait les bruits. Curieux, d’ailleurs : le tas de bois abrité là avait précédemment été déplacé, et on avait creusé une fosse à l’endroit ainsi dégagé. Une tombe ? Une tombe ! Drôle d’endroit pour une tombe ! Le trou avait atteint le rocher, on avait visiblement cherché à aller aussi profond que possible. Une pelle et un pic attendaient leurs propriétaires tout près.
Cependant, pour ce qui était de ce que Martinez avait repéré… L’espèce de jardinet attenant à la maison avait bien été récemment retourné. Aucun doute là-dessus. Plants de tomates défraîchis, fenasse en tout genre et même un arbuste étaient rejetés sur les bords. Aucun doute non plus sur ce qui pouvait se trouver dessous. Bien sûr, ce pouvaient être des patates, si les gus n’appréciaient pas de consommer local. Un peu tard pour les tubercules, quand même. Bien sûr, ce pouvait aussi être des collègues de ceux qu’on était en train de répertorier. Ça se pouvait. Ça se pouvait, mais personne, du colonel au dernier muletier, ne l’aurait parié. On en avait trop vu.
L’idée de vérifier ces supputations n’effleura aucun des présents. Maintenant, on avait des « spécialistes » pour ça, vu qu’on avait acquis de l’expérience en la matière. Moins de risque qu’avec un champ de mines, mais quand même pas à la portée de n’importe qui… Des planqués, pour sûr. Mais des planqués à qui on était bien contents de laisser la place, tiens… Des équipes ad-hoc, qui, dans ce cas, seraient certainement binationales, pour cause de territoire ami et de cobelligérance. Avec « l’Aristo », pourquoi pas ? Ça serait de son ressort, non ? L’était bien « observateur », après tout ? Comme ça…
Plus loin, le cadavre du chien nourrissait ces fichues mouches et commençait à gonfler. Pendant qu’une équipe se chargeait de mettre à l’écart les corps – cinq – que les fuyards avaient laissés derrière eux et qu’on devait redescendre, c’étaient les ordres, une autre équipe pénétra prudemment dans le bâtiment. Même si on doutait qu’ils aient laissé des cadeaux de départ, on fit comme si. Les conneries, ça suffisait.
Les petits lingots de métal avaient en grande partie dévasté la première pièce, une cuisine, d’après ce qu’on en vit. Déjà qu’en extérieur il est difficile de courir plus vite que le plomb, en intérieur, c’est pire. On pouvait penser que les deux types qu’on découvrait là avaient été fauchés alors qu’ils s’engouffraient dans un corridor desservant la pièce du fond, une sorte de cellier par où leurs comparses s’étaient échappés. Un escalier tenant plus de l’échelle menait à l’étage. Deux chambres et un accès au grenier. Au total, quatre lits, dont un double, un beau désordre – pour faire simple – et encore un macchabée, un frisé. Un officier, salement blessé, et qui s’était fait sauter la cervelle. A moins qu’on ne l’ait aidé. Ça montait le score à huit, dont deux Italiens. Tu parles d’une consolation ! Et pas un prisonnier pour fournir le moindre renseignement !
Dans la cuisine, outre les deux rectifiés, pas grand-chose sinon des armes, dont la MG, une fin de bande encore engagée, et trois caisses. Deux en bois, une grande et une petite, et une métallique, du genre de celles dans lesquelles les artilleurs rangeaient les chargeurs de 20 mm. Grâce à Baraka, on connaissait. Qu’est-ce que ça fichait là ? Comment elles y étaient parvenues n’était pas la question prioritaire. Quand vous trouvez ce genre de trucs clos, immédiatement vous vient à l’esprit la question à mille balles. On ouvre, ou on n’ouvre pas ? Vues comme ça, elles avaient l’air normal, ces caisses. Des tas de gars avaient perdu un bras, une jambe, si pas tripes et boyaux, ou la tête, ou carrément la vie, à cause de trouvailles “normales”. C’est que le coup du clown à ressort, ça ne faisait plus rire. C’est vite fait, de placer une grenade dégoupillée ou une grenouille sauteuse dans une boîte. Tu ouvres, et… boum ! La curiosité (mal employée) est un vilain défaut.
Tout de même, d’un autre côté, abandonner ça au Génie… ! Le mois dernier, oui, sans chicaner. Aujourd’hui, ça méritait réflexion. Y’avait comme un truc bizarre dans l’air… Le capitaine étant occupé à palabrer avec le commandant, entre coupures, parasites et caprices du matériel, le lieutenant et le colonel, aussi intrigués que le dernier des seconde classe, conclurent que les machines, là, contenaient peut-être « des indices ». De quoi, on ne savait pas : normal. Finalement non, pas peut-être ! Certainement ! Il fallait donc procéder à leur inspection au plus vite.
Avec toute la prudence nécessaire, de la ficelle, du bricolage et de la distance, on ouvrit la première. Un truc mastoc – teuton, quoi – poignées comac, renforts partout, et juste une attache métallique, sans cadenas. Certes, un chouïa d’explosif – un tirailleur suggéra « une grenade » – aurait facilité la démarche, mais si la chose contenait ses petites sœurs, ou du Sèvres, peut-être, qui savait ce que ça donnerait ? La cordelette se tendit. Le couvercle résista pour la forme. Un, c’était pas du carton ! Deux, faut comprendre, les charnières avaient vu du pays. Du monde aussi, certainement, mais plus d’huile depuis longtemps. Voilà, c’était ouvert. Pas de précipitation, on savait que les retardateurs, ça existait. Et rien ne disait que sous la première couche de contenu… Autant dire que l’œil qui s’avança, bien qu’inquisiteur, ne manquait pas d’être empreint de prudence, et que les guibolles, en dessous, déjà en mode automatique, n’attendraient pas pour entrer en action.
Verdict : un tube de rechange pour la MG, trois-quatre poignées de balles en vrac, jetées à la va-vite, un PM, deux chargeurs, deux grenades. Du modèle “œuf”. Un chiffon sale, et du vide. Et rien d’autre. On avait l’air malin, tiens ! Ouais, sauf qu’avec la tronche en moins, t’as même plus l’air con !
Tous les regards convergèrent alors vers l’autre énigme, sur la table. La caisse d’obus ? Non, celle en bois. Un des présents eut la présence (!) d’esprit de regarder sous le meuble. Pas de fil suspect. Le capitaine survint sur ces entrefaites, s’enquit de ce qui se passait, annonça que les blessés allaient redescendre en taxi – les macchab’ attendraient le suivant, fallait quand même pas exagérer ! – doubla les recommandations de prudence, et fit comme tout un chacun : attendit. Dehors. Après tout…
Et la seconde caisse céda. Celle-ci ne contenait ni flingue, ni munition, ni Stielhandgranate, ni bouffe, ni paperasse. Non, elle renfermait des trucs qui brillaient. Oh, elle n’était pas pleine, non. Mais quand même !
– A vue de nez, y’en a pour cher, mon capitaine !
Martinez, avancé, jaugeait le contenu : « Ça a l’air bon côté mauvaise surprise, mon capitaine. Comme ça, y’a… au moins cinq lingots. Des petits. Ça, c’est un ciboire, regardez [Il brandit la coupe.] et y’en a pt’êt’ un autre, et le reste, c’est de la joncaille. M’étonnerait que ce soit du toc ! Faudra inspecter tout ça comme il faut. On ouvre la dernière ? Un volontaire ? »
– Euh…
– Bon, ben…
– Lieutenant !
– Oh, m’est avis qu’on ne craint plus rien, mon capitaine. Abritez-vous quand même…
Il manipula l’objet. Sans trop le secouer cependant, n’est-ce pas ? L’habitude… « Ça bouge. » Effectivement, on entendait tinter du métal. Sans attendre, le courageusement inconscient (sous) lieutenant renversa le bidule sur le plateau. Cascada alors toute une collection hétéroclite de montres, chevalières, alliances, briquets de prix, bracelets, boucles d’oreille, jaunets, et… dents en or. Accumulation accueillie de diverses façons par ceux qui avaient osé s’approcher. Ceux qui étaient négligemment restés au grand soleil (baraka, oui, mais, hein…) firent chorus.
Dûment refermés sur leurs contenus, les trois coffres au trésor prirent illico le chemin du camp, dans le même camion que les blessés. On ne pouvait à moins. Blessés, caisses, soigneurs, escorte : plein comme un œuf, le bahut. Martinez resta, chargé de contacter qui de droit pour expliquer l’évolution de la situation. De Fresnay et Della Silva précédaient le GMC dans la jeep. Un retour des autres gangsters n’était pas impossible, leur butin chargé/livré sur un véhicule, c’était plus que tentant !
Au passage, on fit halte auprès du Mouflon. Dûment averti de la présence d’éléments hostiles, son équipage avait passé une fort mauvaise nuit, et un début de journée à l’avenant. Outre qu’ils avaient sauté le souper et le petit déj’. De quoi vous laisser de mauvais poil, non ? Le récit succinct de la suite ne fut pas pour les rasséréner. Cependant, bonne nouvelle, l’équipe de dépannage était en route. Les véhicules descendants allaient donc la croiser sous peu. De plus, le capitaine Roumilly venait de partir à leur rencontre. Ni tout seul, ni en promenade. Il était même du domaine du possible qu’une Cigale vienne faire un tour dans le secteur.
Ayant ordre de ne pas bouger pour le moment, ceux qui occupaient la ferme prirent leurs aises, Martinez veillant cependant à quelques mesures élémentaires, telles que sentinelles, repos à tour de rôle, soin des bêtes… Il resta quand même un peu de temps libre pour fumer une tige, faire un thé, sortir dés et brèmes, ou fureter de ci de là.
Pour ce qui était de fureter, Santini ne craignait personne. Sans en avoir l’air, il fit le tour des carrées, sans trop d’espoir, bien sûr, mais « au cas où ». Mais voilà, y’avait pas de « cas où ». Le cellier ne recelait même plus une olive, les dépendances, des bricoles, de l’outillage, un vieux bât, rien de terrible, et l’appentis, l’autre caporal, en tête à tête avec son pansement. Pas si mal en point que ça, et plutôt en colère contre cette Bon D… de Fatalité, à défaut du reste de l’Univers. L’avait bon dos, la fatalité ! Bonne occasion pour partager un moment à savourer goudron et nicotine, et, éventuellement, satisfaire quelque légitime curiosité.
– Dis-donc, comment qu’il a fait, vot’ Michalon, pour être sergent ?
Bouffée de réflexion avant la réponse : « T’es ben curieux ! Pourquoi tu me demandes ça ? C’est à lui qu’t’as qu’à d’mander ! »
[Bouffée d’imitation.]
– J’ai essayé, figure-toi ! Tu peux pas m’aider ? T’es caporal, faut qu’on s’serre les coudes !
– Qu’est-ce que j’en sais, moi ? [Chiquenaude pour faire choir la cendre.] Quand ch’uis arrivé du Maquis, l’était déjà là !
Un bruit incongru leur fit dresser l’oreille.
– T’as entendu ?
– Entendu ? Entendu quoi ?
– Joue pas au plus con ! T’as entendu !
– Ben… Des “garri” ?
– Des rats ? Des rats qui jouent du tambour ? Sont bizarres, chez toi, les rats ! T’as vu ça où ? Et c’était pas du tambour ! C’était… Tiens, tu sais à quoi ça me fait penser ?
– ??? [In petto : « Merde ! Avec tout ça, ma clope qui s’est éteinte ! »]
– T’as vu Tarzan, au cinoche du régiment ?
– Lequel ? Çui où il retrouve sa nana ? [Tout en grattant furieusement une allumette.] Quand elle se baigne ?
– Ah ? Y’en a d’autres ?
– Ben dis donc ! [Bouffée extatique.] Tu…
– C’est pas ça ! T’as vu Tarzan, oui ?
– Ben, puisque…
– Tu trouves pas que ça faisait comme le même bruit ? Ecoute voir… Je dirais même que ça v’nait de par là…
– Je croirais bien qu’on a rêvé. Tu crois pas plutôt que c’est un gars, dehors ?
– Ouais. T’as raison. Les bruits, ça va, ça vient. Tant que c’est pas les aut’ qui reviennent… Mais dis donc, regarde… C’est bizarre, tout de même, ce coin…
Il désigna, à deux pas d’eux, les outils appuyés à la cloison de planches, et continua tout en se levant : « T’sais, on n’a pas réfléchi assez. Tisane et le Rital, ils pensent que le trou, c’était pour planquer les caisses. D’accord. Ça se tient, pas besoin d’avoir des ficelles pour ça. Mais qui dit que les aut’ cons, ils n’avaient pas déjà planqué des trucs, hein ? Avant ? »
– Tu crois ? Mouais… Si tu l’dis… C’est vrai qu’on dirait bien que… Bon, on va chercher le…
– Ttt ! T’affole pas ! Calmos ! Sers-toi de ta caboche ! Si y’a rien, hein, t’imagine, le lieut’ ? Tu l’connais pas aussi bien que moi ! L’est pas dans un bon jour lui non plus ! L’était déjà à cran, rapport à sa nana… On va pas le déranger pour rien ! On est entre nous ! Tu crois qu’on a besoin d’un coup de main ? On verra ça plus tard ! Si tu veux te rendre utile, fais le pet. Le boulot a déjà été fait, ça va pas être duraille de trop. En cinq secs, on s’ra au jus.
– Hé ! Part à deux !
Santini eut un geste d’agacement. La terre ameublie ne lui demanda pas beaucoup d’efforts. La pensée que le trou potentiel risquait d’atteindre la profondeur de son voisin l’effleura au moment de porter le premier coup. Ah ! Tiens donc ! Au deuxième ou troisième, à bonne profondeur, le fer heurtait un obstacle qui n’était ni du métal, ni de la pierre. Et n’avait pas non plus, c’était heureux, la consistance d’un truc mou, du genre paquet de chiffons. Ou pire. Il pronostiquait plutôt du bois. L’hypothèse d’une “Schumine” en ces lieux lui sembla des plus idiotes. Aussi, ravi de la tournure que prenaient ses fouilles, le terrassier s’agenouilla et entreprit de dégager sa trouvaille avec plus de soins. Ayant tout d’abord estimé que son compère débloquait quelque peu, le blessé dit “léger” s’approcha, maintenant que ça devenait intéressant. Jugeant que, ma fois, assurément, on pouvait rester entre soi… il posa un œil sur les travaux, mais garda une oreille sur l’extérieur.
De son côté, le chercheur de trésor avait délaissé son outil pour mettre carrément la main à la pâte. Extirper du sol une autre caisse, cadenassée, d’un format honnête, amena sur ses lèvres un petit sourire de satisfaction et, dans ses yeux, une lueur d’excitation. Sous le regard de plus en plus intéressé de son comparse, qui devait maintenant gamberger à des tas de trucs, le cadenas ne résista guère. L’idée que la chose fût piégée ne les effleura pas plus que ça. Ils en salivaient d’avance. Mais le pactole se réduisit à une liasse de documents, qui n’avaient rien de titres ni de Bons du Trésor, un Beretta, un tissu qui se révéla être un drapeau, le tout calant un ridicule coffret, ou plutôt une boîte, doublée de cuir. Quoiqu’assez bien conformée, son apparition fut saluée de diverses mimiques et remarques de déconvenue. Ça ne ressemblait guère ni à un écrin à bijoux, ni même à une ménagère ! Quelque chose brinquebalait bien dedans, mais sûrement pas des lingots ! Ni une grenade. Et comme l’autre l’en pressait, Santini l’ouvrit sans plus attendre, mais sans grand espoir.
– La belle trouvaille ! Un jeu de p’tits ch’vaux pour mômes ! Ouais, y’a pas à dire, t’es un cador !
Santini referma brutalement les deux parties du couvercle sur le gros cabochon de verre qui le narguait au centre d’un entrelacs de cases. Évidemment, après s’être esclaffé, son voisin ne manqua pas l’occasion de l’abreuver de railleries mesquines !
– T’as vraiment du nez, caporal ! Tu vas pouvoir jouer au Père Noël ! Attention de rien dire au lieut’, hein ! Des fois qu’il t’encabane pour recel de matériel ! Vrai, tu mérites une médaille ! Tiens, je suis pas vache, je te laisse ma part !
– Ta gueule ! Va plutôt chercher le sergent !
Sur un dernier ricanement, suivant un commentaire heureusement incompréhensible, Marsan s’en alla en traînant la patte. D’ici que ce con-là aille colporter l’histoire à tout le régiment ! De rage, Santini allait propulser l’objet du délit à l’autre bout de la pile de bûches quand il se ravisa. Il était confiant dans ses capacités en ce domaine, si l’aut’ con la fermait.
Bien plus tard, il se confiera à une connaissance : « Je me suis dit : Ange, t’es con ! Si tu te démerdes bien, y’a certainement un bon coup à jouer ! Alors, tout l’monde se foutait de moi, hein… Rigolez bien, bande de nazes ! On verra ! Passque j’ai dégotté un Ricain, un marin. Rentrait au pays, et cherchait des souvenirs. Mais pas forcément du genre calot, fanion ou flingue, tu vois. Voulait aut’ chose. Un truc comme ça, il en circulait pas des tonnes ! Et comme, question bagages, l’avait pas trop de problèmes… Ça l’encombrait pas, tu vois. D’ailleurs, j’lui ai refilé d’aut’ trucs, en prime. J’étais dans un bon jour. L’a pas dit non. Et puis, l’avait un gosse, aussi, ça y a fait. J’ai pas eu à trop le baratiner. Et le plus beau, c’est que le machin, j’avais pas fait gaffe, l’était pas en rital ni en boche ! L’était en angliche ! Le bol ! Y m’a bien d’mandé d’où ça venait. Tu parles que je le savais ! Et puis, en fait, y s’en foutait. Moi aussi. On s’est quittés bons amis, je l’ai plus revu. J’en ai tiré trois bonnes bouteilles, et des bricoles intéressantes, dis donc ! Et qui c’est qui a bien rigolé ensuite, hein ? Admirez l’artiste, les mecs, que j’leur ai dit ! C’est pas tout, ça donne soif, ça. Pas toi ? »
De fait, la nouvelle de cette découverte entraîna l’apparition non pas d’un sergent, mais des trois, accompagnés, cerise sur le gâteau, de Martinez. Ce dernier se fendit de quelques commentaires, qui, sans être désobligeants, n’avaient rien de félicitations chaleureuses. Il procéda alors à un bref examen des documents – en italien pour certains, en allemand pour les autres, alors, rapide l’examen ! – et au dépliage-repliage de l’oriflamme, des fois qu’il aurait dissimulé le trésor de San Lorenzo. La boîte de jeux gisait sous quelques rondins refendus, en attendant une évacuation discrète. Le reste de la découverte s’en alla attendre son tour au soleil.
Deux soldats sondèrent la zone suspecte en pure perte, et Santini fut fermement prié d’utiliser ses capacités d’observation en allant faire un petit tour dans la direction supposée de la fuite des « autres ». Pas tout seul ! Il retrouvait pour la circonstance “Laurel et Hardy”, ce qui n’était pas pour lui déplaire. Ça le changeait des Marsan, Michalon et autres, qui se gargarisaient de leurs exploits dans la Résistance et n’avaient jamais vu un StuG de près, moins encore un Tigre, sinon en cage.
La courte promenade des trois larrons leur permit de découvrir un troufion en uniforme italien. De prime abord, ils le crurent embusqué, car seule la tache claire de son visage dans l’ombre d’un buisson avait permis de le repérer. Comme ce pouvait être n’importe qui et, au pire, un civil, il fut décidé d’un commun accord d’agir avec mesure. Et sans rameuter les copains. De toute façon, au premier coup de fusil, tout le secteur serait prévenu.
Le gars était donc un militaire, et bien en peine de flinguer qui que ce soit. D’abord, il n’avait aucune arme. Même pas un Opinel. Ensuite, il était froid. Un prudent examen des alentours ne révélant rien de suspect, le sergent s’approcha. C’était un jeune, sans doute une vingtaine d’années, guère plus. Il avait du sang au-dessus de la ceinture, par derrière, mais ce n’était pas ce qui l’avait décédé, même si le trou n’avait rien d’une égratignure. Non. On lui avait proprement tranché la gorge.
Martinez se garda de faire battre la campagne plus avant – un, par prudence, deux, par économie, trois, parce qu’on ne le lui avait pas demandé.
Le diable savait où avait bien pu se rendre le reste de la bande, dont tout laissait à penser qu’elle ne s’encombrait ni de poids morts, ni de témoins. Aussi l’arrivée de la colonne menée par le capitaine Roumilly fut-elle accueillie avec soulagement, tout le monde étant bien content de lui refiler le bébé. Dire que l’officier se montra enchanté de prendre le relais serait faire preuve d’aveuglement : rechercher « par là » des gus prêts à tout, pas de vulgaires quidams adeptes du cache-cache, ne relèverait pas de la promenade digestive.
Mules en file d’un côté du chemin, hommes de l’autre, on se mit donc en route vers la côte, les baraquements, la cantoche, les filles, et, hélas ! une vie plus réglementée. |
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