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La Grande Pitié (par Carthage… puis Houps)
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Capitaine caverne



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MessagePosté le: Lun Déc 20, 2010 09:40    Sujet du message: Répondre en citant

Tient, tient! Serait-il donc prévu de fournir une nouvelle vellégiature à nos trois africains? Pourquoi pas en Provence avec le pilote Wade à garder les moutons et les chèvres?
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"La véritable obscénité ne réside pas dans les mots crus et la pornographie, mais dans la façon dont la société, les institutions, la bonne moralité masquent leur violence coercitive sous des dehors de fausse vertu" .Lenny Bruce.
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patrikev



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MessagePosté le: Lun Déc 20, 2010 23:09    Sujet du message: Répondre en citant

Casus Frankie a écrit:
patrikev a écrit:
Le chapeau melon, j'ai un doute.


Tu n'as pas remarqué que les personnages de Carthage ont, comment dirais-je une certaine tendance à l'excentricité... ou au moins à se moquer de la mode...


Où avais-je la tête...
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carthage



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MessagePosté le: Mer Déc 22, 2010 08:21    Sujet du message: Répondre en citant

Amis, je vous ai compris, André, suite à vos supplications, portera donc un feutre taupé mais je m'insurge contre l'ostracisme dont le chapeau melon est l'objet, amitiés, Carthage.
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patrikev



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MessagePosté le: Mer Déc 22, 2010 19:11    Sujet du message: Répondre en citant

Zut, j'aurais mieux fait de me taire, c'est si joli, un chapeau melon... Embarassed
Sauf erreur, Maigret portait un melon dans La Nuit du carrefour de Simenon (1931) mais il l'abandonnait pour le feutre dès le film de Jean Renoir (1932). Peut-être Simenon était-il fidèle à la tradition de la police belge, immortalisée à la même époque par les frères Dupondt? Un lecteur bienveillant pourrait-il légitimer l'emploi d'un melon à Paris en 1941?
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Menon-Marec



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MessagePosté le: Jeu Déc 23, 2010 08:09    Sujet du message: Répondre en citant

Cher Carthage, pas d'hésitation!
Le melon était encore porté dans les années 40 et au début des années 50, soit par des messieurs un peu âgés, soit dans certains milieux (la banque, à l'imitation, pas toujours réussie, de l'Angleterre, par exemple), soit encore pour marquer une certaine solennité: on allait chez son notaire avec le melon sur la tête.
Mais, si mes souvenirs ne me trompent pas, le melon avait quasiment disparu vers 1955, au même titre que le veston noir et le pantalon rayé (sauf chez ces messieurs du Quai d'Orsay).
Amts ainsi que l'on écrit à l'AFP.
M-M.
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patrikev



Inscrit le: 28 Mai 2010
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MessagePosté le: Jeu Déc 23, 2010 19:17    Sujet du message: Répondre en citant

Le melon d'André est garanti d'époque! Laughing
(En plus, on dirait tout à fait une petite phrase de la BBC...)
Donc, rien ne s'oppose à ce qu'il continue sa mission, melon en tête, dans le vent grisâtre et grisant de la Petite Ceinture.
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Sam Déc 25, 2010 20:53    Sujet du message: Répondre en citant

Tous ces personnages vont bien finir par se rencontrer...
Par le train bien sûr: vous aurez remarqué que Carthage aime les trains.



13 août 1941
– Le Régulateur de Paris Est releva brusquement la tête de son tableau lumineux et de ses nombreux graphiques, il se demanda ce qui pouvait le déranger, comme ça, brutalement, puis il comprit – un silence pesant, très inhabituel, régnait dans la salle de régulation. Il se retourna et vit arriver son Banhof préféré, son surveillant presque intime, suivi de son adjoint que les cheminots de l’exploitation appelaient, pas très affectueusement, la Fouine – il jeta un œil sur la pendule, diable, 21h30, ce n’était pas dans les habitudes de la Reichsbahn, qui avait des exigences généralement plus matinales, il passa la situation à son adjoint et se retourna, les épaules contractées, pour recevoir le choc.
Par extraordinaire, celui-ci ne fut pas très violent, les Allemands avaient plutôt l’air inquiets, la Fouine, dont le français était des plus fluides, lui expliqua qu’ils étaient à la recherche d’un de leurs trains qui aurait dû se présenter en gare de Paris Est quinze minutes plus tôt, qu’ils étaient inquiets et qu’ils requéraient l’aide toute professionnelle de leurs camarades français, le Régulateur en resta béant, fallait-il qu’ils soient dans la m… pour solliciter son concours et poliment en plus, ça le changeait des vociférations habituelles ! Il hocha distraitement la tête, ce qui pouvait passer, à l’extrême rigueur, pour un oui de principe et se tourna vers son tableau, puis il saisit un de ses graphiques – les c…, perdre un train ! Un wagon de marchandises par ci par là, on pouvait le tolérer dans toutes les compagnies du monde, mais un train ! Et une rame de voyageurs en plus ! Ah ouiche, il ne faudrait plus lui parler de rigueur germanique ! En remontant le graphique, il trouva la trace du « Spezial LK » n°31118, qui était bien passé à Metz en provenance de Trèves, qu’est ce que c’était que ce train là et que voulait dire « LK » – il décida d’appeler, en douce, l’Ingénieur Principal de service qui, à cette heure, devait être devant sa soupe… Pendant ce temps, son équipe s’activait déjà, appelant toutes les gares et points de contrôle sur le trajet.
Une demi-heure plus tard, le train était retrouvé, il était en panne, selon les voyants il était immobilisé sur la voie paire, treize kilomètres avant le triage de Pantin, la signalisation avait bien fonctionné, la voie était neutralisée depuis un bon quart d’heure, ouf. Ce qui étonnait le Régulateur, c’est que le voyant soit éteint sur le tableau lumineux, il lança une procédure de vérification pour s’apercevoir, à la fin des fins, que l’ampoule était grillée, il fut procédé immédiatement à son remplacement, c’était tout de même étrange, il avait vérifié le matin même, mais bon, cela pouvait arriver… C’est un électricien du dépôt qui procéda, en geignant fort au vu de l’étroitesse de l’espace arrière du tableau d’affichage, au remplacement de l’ampoule indisciplinée qu’il présenta au Régulateur en éternuant à cause de la poussière, il assura que le culot de l’ampoule avait charbonné dans sa douille peut-être un peu trop large, il y avait porté remède à coup de pince Bécrot mais un jour, il faudrait revoir tous les sertissages, par le fait !
Le Régulateur de Paris-Est, rasséréné par cette solution simple, allait en aviser les deux Banhofs lorsque son adjoint lui montra la porte ou s’encadraient l’Ingénieur Principal de l’exploitation, qui avait daigné abandonner sa soupe et son supérieur hiérarchique immédiat, soit Monsieur l’Ingénieur Général en personne ! Les personnels étaient pétrifiés, même les Banhofs se taisaient, l’Ingénieur principal demanda sèchement au Régulateur de bien vouloir leur faire sur le champ un rapport oral et circonstancié de l’incident qui porterait pour la postérité un numéro qu’il définit comme étant le IPE A1 007 LK, à quoi Monsieur l’Ingénieur Général daigna donner son assentiment sous forme d’un vague hochement de tête. Crucifié, le Régulateur expliqua l’affaire en balbutiant quelque peu, mais fit tout de même un rapport cohérent quoique un peu méridional dans l’intonation. Un seul point fit tiquer le Grand Manitou, celui de la responsabilité originelle de cet état de fait que le Régulateur, bien sûr, faisait porter sur l’Occupant. Il prit la parole et s’adressa à toute l’équipe avec solennité, il leur rappela que quelle que fût la nature du convoi qui circulait, il circulait sur le réseau SNCF et qu’ils en étaient collectivement et solidairement responsables devant lui, que les temps, certes, étaient durs mais que les traditions cheminotes constituaient toujours, quel que fut le réseau dont on provenait, le socle de la société ferroviaire qui, il en était sûr, aiderait au redressement d’une France régénérée et qu’à titre purement conservatoire, il prononçait la suspension immédiate, avec traitement cependant, du Régulateur en charge ce jour là avant toute autre mesure dans l’intérêt du service. Point. La foudre tombant au milieu de la salle n’aurait pu produire pire effet, la Fouine, buvant du petit lait, traduisait à mi-voix pour son chef bien-aimé, le Régulateur, écarlate, sortit de la salle pour gagner son bureau, écrasé par la honte, son adjoint prit immédiatement sa place et déclencha, à partir du dépôt de Pantin, la procédure de secours.
Les deux Ingénieurs allaient se quitter devant le bâtiment quand le Principal fit remarquer au Général qu’il avait été bien dur avec le Régulateur, l’autre, très grave, lui rétorqua qu’il venait bel et bien de lui sauver la peau, car les Boches allaient déclencher une enquête interne qui n’allaient pas manquer de les incriminer les uns les autres et que fatalement, refusant les faits, ils se retourneraient contre les Français donc contre le Régulateur, non, il fallait le muter, de préférence dans le Sud, il était d’où ce petit gars, de Béziers, alors il faut l’y renvoyer avec une promotion, ils avaient tous deux un collègue là bas qui le verrait arriver avec plaisir car il commençait à manquer de monde, de toutes façons, il fallait bien se mettre dans la tête qu’ils étaient tous coupables, surtout les lampistes, que tout le monde était toujours coupable de quelque chose et que lui-même, Ingénieur Général, était encore plus coupable que les autres ! Tiens, par exemple, la procédure de vérification des tableaux lumineux, une fois par jour, à la prise de service, ce n’était pas sérieux, ce serait dorénavant toutes les heures, point barre, il était le chef et le ferait savoir, qu’elles que soient les circonstances, tous coupables vous dis-je !
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carthage



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MessagePosté le: Mar Déc 28, 2010 01:57    Sujet du message: Répondre en citant

C'est pas beau un train entre Strasbourg et Port Bou? Amitiés, Carthage.
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ladc51



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MessagePosté le: Mar Déc 28, 2010 16:51    Sujet du message: Répondre en citant

carthage a écrit:
C'est pas beau un train entre Strasbourg et Port Bou? Amitiés, Carthage.


En ces temps troublés (*), imaginer un train Strasbourg-Port Bou en moins de 36 heures (**), c'est surtout la preuve qu'on est en pleine fiction ! Rolling Eyes

EDIT
(*) : je voulais bien sur parler de fin décembre 2010 OTL...
(**) ou devrais-je dire "avec moins de 13h de retard" (sic)...
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Laurent


Dernière édition par ladc51 le Mer Déc 29, 2010 07:46; édité 1 fois
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patrikev



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MessagePosté le: Mer Déc 29, 2010 01:23    Sujet du message: Répondre en citant

Toujours maniaque du détail, je note qu'à 13km à l'est de Pantin-Triage, notre train est arrêté sur les rails de Vaires-Triage et presque sous les canons (s'il en reste, en tout cas sous les sentinelles) du fort de Chelles, et que ses occupants doivent être bien silencieux pour qu'on n'ait pas remarqué plus tôt leur présence... Le mystère du train de Trèves s'épaissit.
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marc le bayon



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MessagePosté le: Mer Déc 29, 2010 14:31    Sujet du message: Répondre en citant

ladc51 a écrit:
carthage a écrit:
C'est pas beau un train entre Strasbourg et Port Bou? Amitiés, Carthage.


En ces temps troublés (*), imaginer un train Strasbourg-Port Bou en moins de 36 heures (**), c'est surtout la preuve qu'on est en pleine fiction ! Rolling Eyes

EDIT
(*) : je voulais bien sur parler de fin décembre 2010 OTL...
(**) ou devrais-je dire "avec moins de 13h de retard" (sic)...

Surtout qu'au bout de 36 Heures, il n'est tjr qu'a Marseille.
Port Bou est encore loin.... très loin... trèèèèèèèèsssss loinnnnnnn......
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Ven Avr 07, 2023 22:26    Sujet du message: Répondre en citant

Bon, alors… Je vais essayer de vous expliquer.
Les pages précédentes tournent autour d'un récit "choral" écrit par Carthage, lequel est tombé en… panne d'écriture il y a bien des années (la preuve, le nombre de disparus qui jalonnent ces pages…).
Mes suppliques n'aboutissant à rien, je lui ai proposé de lui trouver un remplaçant, ce qu'il a accepté.
Non sans mal, j'ai obtenu l'accord de Houps ! A la grande satisfaction de Carthage, qui a pleinement approuvé ce qui suit…

En page 1 de ce sujet, le nommé Jacques Bingen est envoyé en mission par Alger en 1941 pour témoigner du triste état (la Grande Pitié) de la France occupée. Il est pris en charge par deux contrôleurs de la SNCF, Salagoux et Barbarous, qui le déguisent à leur image.

Voici la fin du texte de Carthage.



Quand ils regagnèrent leur compartiment, ils le trouvèrent occupé par un monsieur portant un strict uniforme de la Reichsbahn, qui possédait visiblement la clef ad hoc pour l’ouverture de la porte et qui, tranquillement, s’apprêtait à ouvrir la grande valise de service des contrôleurs.
Bingen les sauva d’abord de cette périlleuse situation en demandant, dans un allemand scolaire mais cependant parfait, ce qu’il pouvait bien rechercher. L’homme se retourna, ébahi, et leur affirma, dans un français aux tournures fort tudesques, qu’il prenait la direction de ce train au nom du Reich ! Barbarous renâcla, protestant hautement contre cette immixtion scandaleuse des vainqueurs dans le fonctionnement (idéalement harmonieux) de la SNCF, société d’état que le monde entier nous enviait ; le Boche, interloqué, se retourna et farfouilla dans une petite sacoche de cuir fauve marquée de la croix gammée pour rechercher, sans nul doute, les documents fondant sa scandaleuse démarche – le petit Salagoux ne lui en laissa pas le loisir, il lui brisa la nuque d’un coup extrêmement violent de son lourd poinçon réglementaire, un modèle 1905, pas fait pour les fillettes ou les traminots.
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Casus Frankie

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Casus Frankie
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MessagePosté le: Ven Avr 07, 2023 22:32    Sujet du message: Répondre en citant

Et voici la suite (enfin, le début de la suite !) écrit par Houps. Merci Houps !
Réaction de Carthage : "Superbe !"



Barbarous rattrapa le corps qui s’affaissait d’une main plus professionnelle que paternelle, ce saligaud allait en plus cochonner la propriété de la Compagnie, et derechef celle de l’Etat, nettoyer, ce n’était pas le fait d’un contrôleur fut-il stagiaire, toutefois il se garda d’aller plus avant dans cette réflexion, il y avait mieux à faire et plus urgent, il avait un corps sur les bras, au sens propre. Il posa donc icelui sur le siège, et voilà, l’autre avait bavé ! « Mais enfin, tu aurais pu me prévenir, fit-il à Salagoux, je ne te croyais pas si sanguin. Nous voilà propres ! »
Décidément, cette idée de propreté commençait à l’obséder, voilà ce que c’était, il fallait qu’il se ressaisisse, ce n’était pas la faute de l’imprévu, les manuels, c’est bien beau, mais quand on est contrôleur titulaire, il faut savoir faire face à des situations improbables quoique réelles. Comme Bingen le pressait pour rentrer dans le compartiment – ah oui, leur protégé maniait son poinçon avec un enthousiasme qui trahissait son amateurisme, mais l’amateur ne manquait pas d’à-propos, n’ayant pas barguigné pour vérifier qu’aucun incongru ne s’en venait compliquer les choses, il pouvait donc se montrer dégourdi, c’était toujours ça – il souffla : « Et maintenant, on va en faire quoi ? »
– Eh bien, facile,
répondit Salagoux, on le balance dehors, pas de trace de balle ou de couteau, il aura glissé.
– Ah, parce que tu penses que ce monsieur a une tête à vouloir prendre le frais entre deux voitures ? Que je sache, on ne vient pas de passer Minière-Grandville, et ce n’est pas parce que Radeau était un lointain parent à toi qu’on va refaire le coup de Deschanels, voyons !
– Alors, tu voulais qu’on le laisse déballer les frusques de notre invité – excusez du terme, Monsieur – si encore ç’avait été des saucisses, on aurait pu discuter, mais tu ne penses tout de même pas qu’on pouvait l’amadouer avec une pétoire planquée sous un pantalon !
– Merci, mais oui, que va-t-on faire du corps ?
relança Bingen, qui se penchait sur le decujus avec l’évidente intention de lui faire les poches – c’était le B-A BA de ce qu’on lui avait enseigné quelques semaines plus tôt, époque qui lui semblait soudainement tout aussi lointaine que la traversée des Alpes par Hannibal, comparaison qui réveilla un souvenir d’école : le dessin d’éléphants faisant du ski lui avait valu de comparaître devant Monsieur Selonnet, avec convocation du paternel, on était passé à deux doigts du renvoi et de la ceinture, glorieuse époque !
Barbarous se tassa encore plus pour lui laisser un peu d’air, déjà qu’à trois on était serrés, mais à quatre ! Si encore ça avait été pour une manille ou une coinchée ! En attendant, voyons voir ce que cet olibrius a dans sa sacoche.
Salagoux contempla un instant son instrument de travail provisoirement détourné de son utilisation première et importantissime, mais c’était du robuste, on l’a déjà dit, pas de ces machins en tôle emboutie qu’il avait vu manier par des zigs brinquebalés sur des arrières d’autobus : à preuve, la caboche du Teuton, que tout un chacun savait dure par nature, n’y avait pas résisté. Rassuré de n’y avoir décelé que les marques d’un usage réglementaire et intensif, il entreprit de fouiller le haut de l’uniforme, l’invité s’occupant du bas. Il s’escrima, l’autre avait enfilé couche sur couche, certainement un frileux, pas étonnant qu’il ait tourné fouineur. Mis à part des papiers d’identité et des documents rendus officiels par une profusion de timbres, tampons et cachets de couleurs et d’origines diverses, leurs conjoints examens ne donnèrent rien d’intéressant, et ne résolurent pas plus l’épineux problème que le dénommé Bingen avait si bien résumé en sept mots.
Il tombait sous le sens qu’en théorie, plus tôt le problème en question serait expulsé du compartiment, et donc du train, mieux on se porterait, c’était d’une simplicité enfantine, on baissait la vitre judicieusement conçue dans ce but, et hop ! L’oiseau avait un gabarit qui s’y prêtait. Mais il y a loin de la théorie à la pratique, aussi était-on à des lieues du ni vu, ni connu ! Si encore il s’était agi d’un train de nuit, l’obscurité fort obligeamment confortée par le couvre-feu s’y serait admirablement prêtée, mais là, ça devenait compliqué. On entrait dans les Corbières, la neige s’épaississait, on attaquait un défilé de courbes et contre-courbes, très joli pour saluer de la main le tonton en queue de train, mais inadéquat pour ce qu’on envisageait ; on courait le risque qu’un passager témoigne de cette envolée, et que dire si le passager en question s’avérait être une des fouines montées en gare de Narbonne ! Il fallait faire autrement et réfléchir avec célérité et pertinence. On arrivait bientôt en gare de Lézignan, on toquait à la porte, un voyageur en crise d’inquiétude, zut ! Se sentant provisoirement inutile Bingen se glissa à l’extérieur en repoussant l’importun, mais oui, cher monsieur, nous approchons de la gare, et non, ce n’est pas encore Toulouse, voyons ! Finalement, c’était facile, tant qu’on ne lui demandait pas de réciter le Chaix, mais aller demander ça à un Inspecteur Principal ! Le prestige de l’uniforme, toujours ! Tenez, nous y sommes, regardez : Lézignan-Corbières ! Dites, z’êtes pas d’ici, hein, c’est l’accent. Eh non, mon bon monsieur, vous avez vu juste, maintenant regagnez votre compartiment, siouplaît.
Le train ralentissait, Barbarous jaillit hors du compartiment alors que le couloir commençait à se remplir de valises fébriles ; il se précipita sur le quai dès qu’il le put, une descente en catastrophe : tassée sous des semelles qui n’avaient rien d’autre à faire que de la battre, la neige cherchait à se venger, Barbarous fit une embardée, laquelle, conjuguée à cet abandon de wagon fort peu réglementaire, amena Potin, le chef de gare, à sourciller.
“Potin”, ce n’était pas son vrai nom, mais tout le monde l’appelait ainsi, sans doute parce qu’il était d’une discrétion proverbiale, une plaisanterie de corps de garde quand il avait fait son service, loin d’ici, dans une contrée improbable aux parlers étranges – mais du coup, ça tombait bien : en trois mots, Barbarous… qui après tout devait peut-être son nom autrefois sobriquet à un Samson ancestral et arborait en sa jeunesse une chevelure de jais qui virait désormais au poivre-et-sel, avec de plus en plus de sel, hélas, pas comme Salagoux, qui avait blanchi en une nuit, lorsqu’il avait appris la mobilisation… Barbarous, donc, mit son interlocuteur interloqué au parfum.
Potin fit signe à un cheminot qui passait et lui glissa deux mots avant de remonter la cohorte des wagons en direction de la motrice environnée de tourbillons de vapeur. Une seule première classe, tout le reste étant un assemblage hétéroclite de voitures de troisième qu’un œil professionnel découvrait provenant de dépôts aussi divers que variés : le Grand Déménagement avait semé de drôles de cailloux sur son chemin, des cailloux qui pour certains portaient encore les stigmates d’attentions teutonnes, des rafistolages à vous faire pleurer, mais là n’était pas la question. Le chef de gare s’entretint avec les occupants de la loco, agitant son signal et essuyant son visage rougeaud d’un vaste mouchoir à carreaux, on ne pouvait mieux, ce n’était pas la chaleur, un courant d’air venait de lui rabattre de la poussière de charbon sur la face, tant pis pour le mouchoir. Il avait un cache-oreille sous sa casquette, une entorse à l’uniforme, mais mieux valait une entorse qu’une otite, c’était son point faible, les oreilles, d’ailleurs il avait de plus en plus tendance à changer le cornet du téléphone de main quand il en usait, la droite lui donnait des soucis, enfin, des soucis quand il n’en avait pas d’autres plus urgents, et ce que venait de lui glisser Barbarous en faisait partie, et sur le haut de la pile, qui plus est !
Un mécanicien surgit de nulle part tel un diable de sa boîte et se mit à frapper certains appendices mystérieux à l’aide d’une clé, ou d’un marteau, on ne savait pas bien. Les curieux se pressaient aux fenêtres, baissaient les vitres opaques de buée et parfois de givre, des voyageurs demandaient des précisions, quittaient les voitures pour aller aux nouvelles, c’était fichu, on serait en retard, oui, mais que voulez-vous, mon brave monsieur, la mécanique est ce qu’elle est, elle aussi fatigue, profitez-en pour vous dégourdir les jambes si vous y tenez, et les toilettes sont là-bas, mais attention, on peut repartir dans cinq minutes comme dans une bonne heure, et vous n’imaginez pas tout le tintouin que ça va faire sur la ligne, c’est qu’il n’y a pas que votre train qui circule, vous croyez qu’on conduit des automobiles ? Bref c’était une vraie pétaudière, les contrôleurs ne contrôlaient plus rien, d’ailleurs, on ne les voyait plus, ils étaient débordés, à moins qu’ils n’en aient profité pour sacrifier à une opération requérant deux liquides, l’un entrant et l’autre sortant.
Pendant ce temps-là, à l’opposé de toute cette agitation, Bingen aidait Salagoux à dissimuler leur récalcitrante victime sous la banquette du compartiment après lui avoir ôté son uniforme. Même défunt, le Germain continuait à les enquiquiner, on n’allait pas le passer par la portière ou par la vitre au vu et au su de personnes mal intentionnées, il y en avait, hélas, et même chez certains membres du personnel, on ne pouvait plus se fier à n’importe qui, déjà que la qualité du service se dégradait, la faute à bien des choses. Coup de sifflet – « En voiture ! » Tout était en ordre, un retard valait mieux qu’une panne, il aurait alors fallu faire venir une machine du dépôt, vous imaginez le bazar, Bingen prenait bonne note, ce n’était pas tout à fait ce que Mandel attendait, mais c’était pour sa gouverne personnelle, au contact de vrais professionnels on en apprend toujours plus que sur les bancs d’école, tenez, le coup du Père François avec un poinçon SNCF, il était certain qu’aucun de ses instructeurs n’en avait eu vent, et pourtant, on lui en avait montré, des techniques pour estourbir un adversaire en douceur, mais celle-ci manquait à la liste, on n’arrêtait pas le progrès !
Comme le convoi s’ébranlait, Salagoux, en équilibre sur un marchepied et tenant la barre d’appui d’une main, tendit un mauvais sac de jute au chef de gare, on aurait pu croire qu’il s’agissait d’un quelconque paquet, peut-être contenait-il quelque denrée illicite, la frontière était plus proche qu’on pouvait le penser à la lecture d’une carte, est-ce que ça valait la peine de le signaler, et à qui ? Ici, tout le monde traficotait et ça n’était pas près de se calmer, la France était tombée bien bas.
Potin regagna son bureau en réfléchissant au meilleur moyen de se débarrasser d’un uniforme teuton et qu’il n’en réapparaisse même pas un bouton, c’était un truc à se retrouver a minima otage du Grand Reich, pas vraiment une sinécure. Il tapa du pied pour faire tomber la neige qui encroûtait ses godillots, sortit son mouchoir, s’épongea le front une nouvelle fois avec l’effet inverse de celui recherché, c’était terrible, on se gelait, malgré tout le charbon dont on pouvait encore disposer, le bureau était glacial et lui transpirait comme un bœuf. Sur ces pensées, il se retourna et donna un tour de clé, il avait besoin de s’assurer quelques minutes de tranquille quiétude, mais auparavant appeler Toulouse.
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John92



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MessagePosté le: Sam Avr 08, 2023 07:42    Sujet du message: Répondre en citant

...
– Merci, mais oui, que va-t-on faire du corps ? [/i]relança Bingen, qui se penchait sur le decujus (de cujus ??) avec l’évidente intention de lui faire les poches – ...
...
En attendant, voyons voir ce que cet olibrius a (avait ? –concordance des temps-) dans sa sacoche.
...
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Sam Avr 08, 2023 09:17    Sujet du message: Répondre en citant

Merci pour de cujus - j'ai révisé l'origine de l'expression, "de cujus successione agitur" - celui dont il s'agit de la succession.
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Casus Frankie

"Si l'on n'était pas frivole, la plupart des gens se pendraient" (Voltaire)
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