Fantasque Time Line Index du Forum Fantasque Time Line
1940 - La France continue la guerre
 
 FAQFAQ   RechercherRechercher   Liste des MembresListe des Membres   Groupes d'utilisateursGroupes d'utilisateurs   S'enregistrerS'enregistrer 
 ProfilProfil   Se connecter pour vérifier ses messages privésSe connecter pour vérifier ses messages privés   ConnexionConnexion 

La Grande Pitié (par Carthage… puis Houps)
Aller à la page Précédente  1, 2, 3, ... 11, 12, 13  Suivante
 
Poster un nouveau sujet   Répondre au sujet    Fantasque Time Line Index du Forum -> Récits romancés
Voir le sujet précédent :: Voir le sujet suivant  
Auteur Message
loic
Administrateur - Site Admin


Inscrit le: 16 Oct 2006
Messages: 8936
Localisation: Toulouse (à peu près)

MessagePosté le: Lun Jan 11, 2010 12:15    Sujet du message: Répondre en citant

Je voulais dire : pas en Tunisie avant 1943. Mais ailleurs et avant, pourquoi pas.
_________________
On ne trébuche pas deux fois sur la même pierre (proverbe oriental)
En principe (moi) ...
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
dak69



Inscrit le: 24 Oct 2006
Messages: 345
Localisation: lyon

MessagePosté le: Mer Fév 24, 2010 13:47    Sujet du message: Répondre en citant

Bonjour

Après consultation de sources OTL, je pense que l'hiver 1940-41 est "au moins une année trop tôt" pour que l'on observe les conséquences sanitaires liées à la malnutrition, surtout dans les campagnes et montagnes d'Auvergne.

Le rationnement OTL (situation en zone occupée, la pire) a été introduit à l'automne 1940, mais la dégradation franche des ressources alimentaires n'a commencé à se produire qu'au printemps 1941, et surtout à l'automne 1941. De plus, ses conséquences ont été bien plus lourdes dans les grandes villes (Paris en premier), que dans les campagnes.

A mon sens, en 1941, on se serre certes la ceinture, mais on ne meurt pas encore de faim. Après, plus le temps passera, plus ça ira mal, mais avec de très grosses inégalités. Et, je le répète, les grandes villes seront les plus mal loties.

Bien amicalement
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Benoit XVII



Inscrit le: 24 Oct 2006
Messages: 472
Localisation: Belgique

MessagePosté le: Mer Fév 24, 2010 14:47    Sujet du message: Répondre en citant

Je ne suis pas tout-à-fait d'accord. La situation alimentaire sera dès l'hiver 1940 beaucoup plus dramatique qu'historiquement, et pourrait même peut-être s'améliorer légèrement en 1941.

La raison en est qu'OTL, les réfugiés des grandes régions céréalières du nord de la France ont pu être rapatriés à temps pour effectuer les récoltes en août et septembre du fait de l'arrêt des combats fin juin. Ce rapatriement fut une énorme opération logistique qui s'est étalée sur 3 mois environ. En FTL, ce ne sera pas possible, ou seulement dans une bien moindre mesure: le blé va pourrir sur l'épi. Sans compter que les autres régions agricoles subissent aussi en FTL des destructions et un certain dépeuplement du fait des combats qui ne les ont pas touchées OTL.
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
ladc51



Inscrit le: 17 Oct 2006
Messages: 1263
Localisation: Paris

MessagePosté le: Mer Fév 24, 2010 16:06    Sujet du message: Répondre en citant

Bonjour,

je suis tout à fait d'accord avec Sa Sainteté.

Parmi les arguments à l'appui de cette thèse, je reformulerais certains et complèterais la liste comme suit :
- une zone géographique touchée par les combats en France métropolitaine plus étendue qu'en OTL
- une durée de combats plus longue qu'en OTL (arrêt des combats début août versus 25 juin)
- la "disparition" du gouvernement (au moins son départ de métropole) rendant l'opération de rapatriement des déplacés plus difficile à organiser et donc plus longue à aboutir
- le fait que la totalité de la métropole soit occupée par les Allemands fait porter la responsabilité de nourrir la totalité de la population sur la puissance occupante ; la métropole sera privée du soutien des importations de l'Empire (et des importations en provenance des autres pays alliés) : elle sera dépendante en théorie de ses propres moyens, des importations depuis les pays de l'Axe et des importations des pays neutres (nul doute que les USA feront des gestes)

Bref, une situation sanitaire sans doute pire qu'en OTL, et dès l'hiver 1940-41... Crying or Very sad
_________________
Laurent
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Fantasque



Inscrit le: 20 Oct 2006
Messages: 1336
Localisation: Paris

MessagePosté le: Jeu Fév 25, 2010 10:16    Sujet du message: Répondre en citant

Je pense aussi que la situation alimetaire sera très tendue.
Les villes pourraient recevoir une aide alimentaire des Etats-Unis mais dans les campagnes ce sera beaucoup plus dur

F
_________________
Fantasque
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Menon-Marec



Inscrit le: 27 Mai 2008
Messages: 225
Localisation: Paris

MessagePosté le: Jeu Fév 25, 2010 11:02    Sujet du message: BOF et autres Répondre en citant

Bonjour.
Sans doute suis-je le seul des Fantasquiques qui puisse se souvenir du rationnement - et des cartes d'alimentation avec les tickets à détacher - et du marché noir: je me rappelle d'avoir un jour accompagné ma mère acheter une livre de beurre chez le cordonnier de la rue de Bellechasse... et je ne suis pas tout à fait d'accord avec Fantasque.
Je pense, en effet, que la situation dans les villes sera très difficile, pour toutes sortes de raisons, y compris le fait que les circuits de livraison seront plus handicapés encore qu'en OTL du fait de l'extension bien plus grande de la zone des combats et de l'amplification des destructions, volontaires ou non, des voies de communication: les autorités d'occupation et le gouvernement du NEF seront bien incapables, faute de moyens, de rétablir les tunnels, ponts, triages, etc. ne serait-ce que sur les lignes principales. La pénurie de carburant, comme en OTL, interdira dans la pratique le recours aux transports par la route, et ce ne sont pas les malheureux gazogènes (assez rares, au demeurant, et qu'est-ce que ça puait!) qui pourront arranger les choses. Bref, on va crever de faim dans les grandes villes, et je suggère d'imaginer quelques manifestations violentes contre les restaurants de marché noir ou les BOF: les "Au bon Beurre" et autres vont susciter la haine. S'il y a de l'aide étrangère (Mais les États-Unis vont-ils vraiment s'engager à fond dans ce processus, au risque d'alimenter l'Allemagne?), le plus souvent elles ne dépasseront guère, à mon sens, le niveau du symbolique, comme les envois de produits laitiers par la Suisse ou la Suède.
Par contre, comme en OTL, la situation alimentaire, en dépit des livraisons aux occupants, sera plus acceptable dans les campagnes où la production familiale - qui n'a pas son potager et son poulailler? voire sa vache - à la limite sa chèvre? - permettra de compenser, pour une part, l'arrêt du commerce interdépartemental. Là, la pénurie touchera essentiellement les produits "coloniaux" comme l'on disait alors (chocolat, café, riz, par exemple - mais les ruraux de ce temps-là ignoraient les bananes) et le sucre (chute de la production de betteraves, fonctionnement au ralenti des raffineries, quand elles n'ont pas été endommagées ou détruites durant la campagne, et conversion en alcool des produits raffinés). En outre, en FTL, les campagnes bénéficieront de davantage de main d'œuvre en raison du nombre plus limité des prisonniers (pour ma part, je l'estime à 750 000 au maximum puisqu'il a été possible de ramener vers le sud le gros des armées de l'est et qu'on n'a évidemment pas eu les "rafles" massives de la fin de la campagne en FTL après le discours du Maréchal). De là à parler d'abondance dans la ruralité, il y a, bien entendu, un monde...
Amts, comme l'on écrit à l'AFP.
M-M.
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Benoit XVII



Inscrit le: 24 Oct 2006
Messages: 472
Localisation: Belgique

MessagePosté le: Jeu Fév 25, 2010 11:37    Sujet du message: Répondre en citant

La question du blocus va effectivement se poser. Si je me souviens bien, on fait quelque part dans la chrono allusion à la mise en place d'une version "light" de secours alimentaire extérieur, à l'instigation du Gouvernement belge inspiré de la Commission for Relief in Belgium de la première guerre. C'est un des impacts de la poursuite de la guerre par la France, qui peut alors peser sur les Anglo-Saxons pour une approche moins intégriste du blocus qu'OTL.

J'aurais tendance à appuyer la thèse de Ménon-Marec, avec une petite nuance. Dans les campagnes, celles du sud de la France devraient effectivement s'en tirer convenablement, car la population sera restée sur place (voir les mesures de régulation des déplacements prises dans le cadre du Grand Déménagement). Par contre, les campagnes du Nord de la France et en Belgique vont connaître une situation très pénible aussi, du moins à l'hiver 1940-41. Par la suite, les choses s'amélioreront marginalement, aussi grâce à la mise en place des cicuits du marché noir. Mes grands-parents m'ont toujours dit que le premier hiver avait été le plus pénible en Belgique.
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Fantasque



Inscrit le: 20 Oct 2006
Messages: 1336
Localisation: Paris

MessagePosté le: Jeu Fév 25, 2010 11:54    Sujet du message: Répondre en citant

L'expérience montre que lorsqu'il y a aide, son impact est d'autant plus important que la population est concentrée.
C'est pourquoi une aide, même limitée, peut fonctionner sur les grandes villes mais propbablement pas ailleurs. Ajoutons que le gouvernement Laval voudra ménager la population parisienne.

Le résultat c'est que Paris, et sans doute quelques villes auront un sort "moins pire" que les campagne du nord de la seine.
Le midi sera dans une meilleur situation, sauf bien sur la côte d'azur car (a) les combats y auront été les derniers et (b) la production alimentaire y est très limité.

F
_________________
Fantasque
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
dak69



Inscrit le: 24 Oct 2006
Messages: 345
Localisation: lyon

MessagePosté le: Jeu Fév 25, 2010 12:46    Sujet du message: Répondre en citant

Bonjour

En vrac, plusieurs points à considérer.

Tout d'abord, si on est d'accord pour penser qu'il y aura pénurie alimentaire dès l'hiver 1940-41, a-t-elle un impact immédiat sur la situation sanitaire ? Et quel va être cet impact ? Si on regarde les taux de mortalité et de mortalité infantiles de la période OTL 1941-1944, ils sont certes plus mauvais qu'avant 1939, mais seulement dans une faible proportion (même si j'ai un doute sur la "fidélité" des statistiques de l'époque). Mais notre spécialiste répondra beaucoup mieux que moi Smile

Ensuite, je ne crois pas beaucoup à l'efficacité de l'aide extérieure (USA). Elle sera beaucoup plus visible dans les actualités cinématographiques que dans les estomacs, comme en OTL d'ailleurs !

Un autre point spécifique à l'hiver 1940-1941 OTL : les stocks. La consommation de blé a été approvisionnée à au moins 30 % par les stocks faits suite aux récoltes record de 1938. C'est deux fois plus que ce qui est parti en Allemagne, et dix fois plus que ce qui a été importé d'Algérie. Et des stocks, il n'y en avait pas que pour le blé, et ils étaient à proximité des lieux de consommation. Mais l'année d'après, les stocks étaient mangés, et la production agricole de céréales a stagné à son niveau de 1940 (les 2/3 de la moyenne d'avant-guerre) jusqu'à 1947, pour des tas de raisons (manque d'engrais, de moyens de traction animale, augmentation de la part que se réservait le paysan...). D'où l'aggravation globale de la situation à partir de l'hiver 1941.

Pour le point spécifique de la récolte 1940 dans les grosses régions céréalières, je n'imagine pas que les Allemands la laisseront pourrir sur pied. Les prisonniers seront mis à contribution, mais dans une plus forte proportion qu'en OTL (et il y en aura davantage qui s'échapperont...). Au pire, ils feront venir des Polonais.

Ensuite, les circuits de distribution. Les experts débutants du gouvernement de Vichy avaient eu l'idée géniale de confier les circuits d'approvisionnement aux plus gros commerçants du secteur concerné. On imagine aisément les conséquences : certaine poches se sont plus remplies que beaucoup d'estomacs. Autre idée géniale des mêmes, stocker les produits récoltés à proximité du lieu de production plutôt que du lieu de consommation. En plein hiver, les patates pourrissaient sur place parce qu'il était impossible de les transporter (gel, neige, absence ce camions, routes enneigées et verglacées). Il n'y a pas de raison que ce soit différent dans la FTL en 1941... Ca n' a été que partiellement corrigé au fil du temps, et là, ça a été au profit des Allemands qui ont augmenté leur ponction !

Paradoxalement, dans la FTL, la solution pourrait venir des Allemands. Pendant toute la guerre, il y a eu deux tendances qui se sont souvent opposées, car provenant de "factions" différentes du système hitlérien : le pillage à court terme et le maintien en état de la "l'instrument économique au bénéfice du Reich". Avec un gouvernement Laval ouvertement collaborationniste, qui met délibérément en avant la soumission économique à l'Allemagne, la contrepartie la plus facile pour le pouvoir allemand est alimentaire : "produisez plus pour manger plus".

Bien amicalement
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Didi



Inscrit le: 07 Déc 2006
Messages: 34

MessagePosté le: Jeu Fév 25, 2010 12:48    Sujet du message: Répondre en citant

Par ailleurs à partir de Barbarossa, et comme l'Allemagne va s'enfoncer bien moins loin en URSS, elle aura moins l'opportunité d'affamer l'Est pour se nourrir.
En conséquence, elle va surement faire encore plus pression sur les pays occupés à l'ouest. Et comme pour la France, la situation sera déjà pire, les hivers 42-43 et 43-44 risquent d'être vraiment catastrophiques partout en Europe occupée
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
ladc51



Inscrit le: 17 Oct 2006
Messages: 1263
Localisation: Paris

MessagePosté le: Jeu Fév 25, 2010 16:51    Sujet du message: Répondre en citant

Les arguments s'accumulent pour montrer que la situation va être dramatique... plus ou moins tôt, avec une dégradation régulière ou des soubresauts ? mais très grave dans tous les cas. Crying or Very sad

Au fait :
Citation:
En outre, en FTL, les campagnes bénéficieront de davantage de main d'œuvre en raison du nombre plus limité des prisonniers (pour ma part, je l'estime à 750 000 au maximum puisqu'il a été possible de ramener vers le sud le gros des armées de l'est et qu'on n'a évidemment pas eu les "rafles" massives de la fin de la campagne en FTL après le discours du Maréchal).


J'ai peut-être oublié des choses... sinon, qu'est-ce qui te fait dire cela ?

Il me semble que :
- les armées de l'est (j'entends le GA 2) connaissent le même sort en FTL qu'en OTL (à peu de choses près, une partie des GU du groupement de la Saône, mais c'est une infime partie) ; rien que là, on devrait avoir de très nombreux prisonniers (200.000 ? 500.000 ? ma mémoire me trahit...)
- il faut y rajouetr les prisonniers de la campagne des Flandres
- il n'y aura évidemment pas, comme tu le dis, les rafles massives de la fin de campagne OTL (17-25 juin)
- mais il y aura certainement de nombreux prisonniers à la fin de la campagne FTL : la totalité du territoire métropolitain est envahi, il n'y aura "que" 400 à 800.000 combattants français évacués en AFN (fourchette large et politiquement correcte, n'est-ce pas ?) sur une armée de plus de 3 millions de soldats mobilisés... Même avec une politique de démobilisation anticipée fin juillet, je ne vois pas les Allemands laisser rentrer tranquillement chez eux tous ces soldats fraichement démobilisés après les avoir combattu pendant deux mois et demi...
_________________
Laurent
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
carthage



Inscrit le: 04 Jan 2009
Messages: 326
Localisation: bourgogne

MessagePosté le: Jeu Fév 25, 2010 18:46    Sujet du message: Répondre en citant

Amis, j'ai eu personnellement le privilège de vivre l'été certes, mais vivre quand même, dans le haut cantal vers la moitié des années soixante puis d'y passer ensuite des vacances hivernales, mon médecin de père trouvait encore de pathologies oubliées, des goitres par carence iodée par exemple ou des complications de blessures qui ne se voyaient plus que dans les livres je pense à la gangrène gazeuse, bref, un choc "culturel", dans les zones de Piémont ou les cultures vivrières se font rares, tout repose sur les échanges économiques commerciaux qui sont souvent basés sur le transport, si il y a pénurie et accident climatologique en FTL, tout s'écroule, je vous rappelle que la France, selon Braudel, n'est sans doute arrivée à l'autosuffisance alimentaire que grâce, dans les années soixante, à l'activité dirigiste en matière agricole de ce que l'on appelait le marché commun.
Amitiés, pmd
_________________
cedant arma togae
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Casus Frankie
Administrateur - Site Admin


Inscrit le: 16 Oct 2006
Messages: 13715
Localisation: Paris

MessagePosté le: Dim Oct 10, 2010 17:22    Sujet du message: La Grande Pitié (par Carthage) - Autre point de vue Répondre en citant

Carthage délaisse les Joyeux pour revenir à la pauvre France Occupée sous la forme d'un témoignage...


La grande pitié (chapitre 2)

Je m’appelle Daniel Bouyjou, j’ai 19 ans.
J’ai quitté la France envahie en juillet 40 à bord d’un vapeur belge, le Léopold je ne sais plus combien, les Belges ne m’ont pas demandé de billet et m’ont déposé en Angleterre, les Anglais se sont débarrassés de moi en m’expédiant en Afrique du nord, je me suis retrouvé au Maroc puis en Tunisie. Comme j’avais des papiers mais que j’étais à l’époque « mineur de 18 ans », ce qui avait déjà, bizarrement, attiré l’attention des Anglais, j’ai d’abord été affecté à une sorte de camp scout, comme encadrant, à l’est de Tunis. Nous occupions alors, du côté d’Hammam Lif, de forts jolies maisonnettes en bois, résidences secondaires pour la partie aisée de la communauté française de Tunis, il régnait là une joyeuse pagaille, avec deux mille gamins de quatorze à seize ans qui formaient une cohorte bigarrée et affamée, peu d’adultes si ce n’est quelques sous-officiers âgés ou inaptes et complètement dépassés par la situation, trois officiers en tout et pour tout, dont le commandant Dewavrin, et cinq civils qui étaient également des évacués. Trois des civils étaient instituteurs, socialistes ou radicaux, ils s’entendaient fort mal avec les militaires, pour la plupart d’Action Française ou maurrassiens – je m’en fichai un peu car, à l’époque, ma seule expérience politique était mon baccalauréat ès lettres, je l’avais pourtant eu avec mention très bien mais c’est ainsi !
Après la Noël 40, nous avons été inspectés par tout un aréopage civilo-militaire, au moins quarante personnes dans de très belles voitures, des généraux et des messieurs en civils qui ont tout visité. Le soir, les encadrants eurent droit à une petite conférence qui resta dans les annales (forts brèves en ce qui me concerne) du groupement n°33 – puisque c’est ainsi que nous étions dénommés. On nous y prêcha, le terme est faible, la patience sinon la résignation, dans l’attente de jours meilleurs et du salut de la patrie meurtrie, c’était un général qui parlait et j’avais beaucoup de peine à réprimer des mouvements d’indignation. Mes sursauts et grognements ont eu pour effet d’attirer l’attention d’un civil, un petit monsieur au demeurant fort discret qui siégeait au quatrième rang sur l’estrade – après cette exorde écœurante, nous eûmes droit à un vin d’honneur lors duquel j’eus le bonheur d’être abordé par le petit monsieur, qui arborait une superbe calvitie et une tout aussi superbe rosette de la Légion d’Honneur (officier, peut-être même grand officier !). Il me demanda à brûle-pourpoint pourquoi je n’aimais pas les militaires, à quoi je répondis que je m’en contrefichais mais que j’étais venu là pour me battre, pas pour encadrer une nuée de morveux qui passait ses journées à attendre un improbable goûter, ce qui fit beaucoup rire le petit monsieur, ensuite, plus sérieusement, il m’a demandé ce que je comptais faire de mon avenir immédiat, me tirer d’ici lui ai-je répondu, c’est trop triste, on se morfond dans l’attente et c’est insupportable, le temps fuit et ne se rattrape jamais, le petit monsieur en convint et me demanda ce que je faisais le vendredi suivant – Rien comme d’habitude ! – Alors passez me voir à Tunis, à onze heures, d’ici là soyez très discret vis-à-vis de tous. Il me glissa sa carte avec son nom –Monsieur Buhrer – et son adresse, puis s’évapora subitement, c’était comme si il n’avait jamais existé, une disparition étonnante qui ne sembla inquiéter personne…
Dès le lendemain, je posais un jour de permission pour Tunis au secrétariat. Le vendredi à 8 heures du matin, après une bonne heure de marche à pied, je rejoignis la ligne du GTM que j’empruntai en direction de Tunis, où j’arrivai vers 10 heures. Ayant investi une part non négligeable de mes économies dans l’achat d’un plan de la ville, je me dirigeai d’un pas léger vers l’adresse indiquée sur la carte de visite. Ce Monsieur Buhrer habitait un immeuble quasi haussmanien près de la rue de Paris, il y avait même un ascenseur minuscule qui fonctionnait ! Je le pris pour monter au troisième et sonnai à la porte de droite, étrangement, ce fut celle de gauche qui s’ouvrit sur un autre petit monsieur portant un vague uniforme qui m’accueillit sans effusion particulière et me fit entrer dans une sorte de salle d’attente qui eût parfaitement convenu à un médecin ou dentiste de quartier, je m’attendais à entendre des bruits de roulette et je commençais à me demander si je ne m’étais pas trompé d’adresse quand la porte s’ouvrit, le même porteur d’uniforme me fit entrer dans un petit bureau vide, me fit asseoir sur un chaise et me dit d’attendre là bien sagement. Au bout d’un quart d’heure, le petit chauve à rosette a fait son apparition, accompagné de deux autres quidams qui l’appelaient Mon général ! L’entretien ou plutôt l’interrogatoire a duré près de trois heures, à la fin ils m’ont invité à manger dans une petite gargote fort sympathique qui servait à toute heure et où des filles apparemment de mauvaise vie batifolaient avec des troupiers de toutes nationalités et toutes armes. J’avoue m’être empiffré au delà de toute limite, le général me félicitant même pour mon appétit ce qui avait beaucoup fait rire nos commensaux, dont j’ignore encore à ce jour l’identité. Au café, le général me dit que j’étais coopté et que je devais me rendre pour 17h00 à l’aéroport ou je prendrais la navette militaire pour Alger, il me tendit alors un ordre de mission anonyme où il était précisé que le porteur devait être acheminé par tous moyens au camp de Cherchell et se présenter au commandant Manuel, patron de la Brigade Civile. J’ai alors demandé à récupérer mes affaires à Hammam Lif, ce qui fit encore rire les deux quidams – sur un ton faussement navré, le général m’apprit alors que j’allais disparaître, tout simplement, une autre évaporation en quelque sorte, mes affaires, on s’en occuperait plus tard et c’était tout. Nous sommes donc repartis tous deux, nos commensaux nous ayant abandonnés, vers la maison où le monsieur en uniforme nous attendait dans l’entrée, au pied de l’ascenseur où le général s’engouffra bien vite en me souhaitant bonne chance, « Car vous en aurez besoin ! » Le monsieur au vague uniforme me confia alors une petite valise de toile verte en me disant que cela constituerait mon viatique pour les mois à venir, il me fallait de toute urgence rejoindre Cherchell où j’étais attendu, cela ne semblait souffrir aucun retard. Il me recommanda d’oublier tous les intervenants dans cette histoire, de toute façon, dès demain, ils auraient tous disparu, il ne me souhaita pas bonne chance mais me recommanda gravement de prendre garde à moi, sans m’en dire plus.
A 17h00, j’étais dans l’avion, très ému car c’était la première fois que j’empruntais ce mode de transport. Une jeune femme à la chevelure d’un roux éclatant en combinaison de pilote semblait présider aux opérations d’embarquement, après avoir longuement étudié mon ordre de mission, elle avait hoché la tête et m’avait casé dans le nez de l’avion, juste derrière la cabine de pilotage, il y avait là deux sièges vides de chaque côté de la travée centrale, tous les autres sièges étaient occupés par des officiers qui ne m’avaient prêté aucune attention.
Le vol fut enchanteur mais trop bref jusqu’à l’atterrissage à Alger Maison-Blanche, la dame rousse – qui avait piloté l’avion tout du long, rien moins ! – vida l’avion de ses militaires avec une hâte quelque peu suspecte et me demanda mon âge – 19 ans, Madame ! – elle soupira longuement et dit que, pour Manuel, on devrait choisir autre chose que des enfants, elle m’embrassa sur les deux joues et me souhaita elle aussi bonne chance, j’avoue avoir rosi de ces attentions. Elle m’indiqua ensuite d’un petit geste de la main une voiture que je n’avais pas vue et qui semblait m’attendre sous l’aile de l’avion.
Le chauffeur, dès que je fus monté, embraya immédiatement, nous avons roulé près de deux heures sans qu’il décroche une parole, puis il m’a déposé devant une grille surmontée d’un mirador et a redémarré immédiatement, un projecteur m’a fugacement éclairé et on m’a dit d’avancer, 15 minutes plus tard, j’étais dans le bureau du commandant Manuel qui me reçut à bras ouvert, un brave homme en apparence mais je me suis méfié, j’avais raison – Bienvenue au stage ! me dit-il – stage de quoi ?
A mon arrivée, le stage comptait trente-deux volontaires, nous étions douze deux mois plus tard, les vingt autres seraient affectés à notre soutien, pas de déchet à la Brigade Civile et surtout pas de témoins, on recyclait tout ! Nous avions interdiction absolue d’entrer en contact avec les nombreux militaires qui se formaient là pour devenir aspirants, nos baraquements étaient isolés au fond du camp dont ils étaient séparés par un deuxième poste de garde. J’ai appris pendant ce stage à connaître toutes les possibilités de mon corps avec d’excellents spécialistes, on m’a poussé au bout de tout, les cadres étaient implacables mais fort respectueux, j’ai aussi appris à tuer, miséricordieusement et silencieusement, je crois en outre être devenu un bon tireur, on nous fit faire une quinzaine de sauts en parachute, les derniers à 200 mètres et de nuit, il y eut des pertes.
Au bout de trois mois on nous envoya en la perfide Albion, pour les techniques de cryptage, l’apprentissage radio et le parachutage en France occupée, j’exultais, j’allais enfin servir à quelque chose ! Les Anglais ont été parfaits, très professionnels, on nous a baladé de manoir en manoir, appris le code morse et des techniques de cryptage, je ne suis pas mauvais manipulateur et je suis très bon crypteur, c’est une technique logique et particulière, je suis un esprit cartésien…
Le dernier soir dans le dernier manoir, un officier français nous a fait un petit discours et a énoncé six noms, dont le mien, pour les prochains parachutages, je ne tiens plus en place, j’attends avec impatience la nouvelle lune de ce mois, ce sera mardi !
………
Mardi – J’ai été appelé et j’ai du me débarrasser de tous mes effets personnels, on m’a vêtu avec des vêtements français, un pauvre costume gris, une chemise élimée, un gros pull et des chaussures éculées, deux enveloppes à mon nom, l’une contenant mes papiers d’identité (mais pas à mon nom, eux) et diverses cartes de ravitaillement, l’autre une grosse somme d’argent en francs et des instructions particulières, j’ai détruit les deux enveloppes sur le terrain et rempli, comme j’ai pu, mes poches ; il y avait aussi un pistolet MAB de 7,65, ses munitions et une petite boîte ronde contenant une pilule. L’officier de l’autre soir m’attendait à Crompton et après m’avoir souhaité bonne chance, il m’a expliqué avec une soudaine gravité l’utilisation de la pilule, un bombardier britannique ronronnait sur le terrain.
………
J’ai été parachuté blind il y a près de huit jours au sud-est de Clermont Ferrand, bien que mon leg bag ait beaucoup tiré pendant la descente et que j’aie atterri sur le dos, tout s’est finalement bien passé, mon émetteur récepteur n’a pas souffert, c’est une merveille de la tecnique, le plus petit du monde paraît-il, il tient dans une boîte à gâteaux. Mon instructeur transmissions serait content de moi car j’écoute, mutique, la station directrice tous les soirs.
J’ai tout de suite, selon mes ordres rejoint Monsieur et Madame Rouquairolles dont le nom figure étrangement, avant le prénom Julien, sur la carte d’identité qui m’a été remise en Angleterre. Julien, c’est le dernier fils des Rouquairolles, présumé disparu pendant la campagne de France, Madame Rouquairolles me regarde toujours avec des yeux humides car il paraît que je lui ressemble beaucoup.
J’ai été embauché, grâce Monsieur Rouquairolles, qui est nettement moins gracieux avec moi que sa femme, les bureaux SNCF de Clermont-Ferrand, où je travaille à l’exploitation comme commis stagiaire, j’ai parfois le droit de jouer au contrôleur car beaucoup de titulaires ne sont pas revenus de cette campagne, et surtout cette fonction m’offre la possibilité de voyager gratis dans toute la France, de plus, ma paye est très légère, mais mon emploi du temps officiel aussi.
Je suis bien, envers et contre tout, Aspirant officier de la France combattante, j’appartiens au BRCAI, mon indicatif est CFIP-W, mon pseudo est Laurent et mon code personnel est basé sur dix lignes du deuxième paragraphe des chants de Maldoror, d’Isidore Ducasse, comte de Lautréamont.
Je dois avouer que jusque ici, je n’ai pas eu grand chose à faire, mais mon schedule est précis, après le message très bref confirmant mon arrivée à bon port, pas d’émission sauf urgence absolue pendant un mois, c’est comme ça, quelque message codé sur la BBC (ou sur radio-Alger, qu’on ne capte pas trop mal, par ici) me sortira un jour de cette léthargie, j’en suis certain.
La vie est grisâtre en France occupée, les Boches raflent tout et le Sonef veille au reste, je perds mon temps comme je peux et c’est difficile, je pense souvent à mes parents que j’ai interdiction absolue de revoir mais peut-être pourrais je les prévenir via une tierce personne, je ne sais quoi faire.
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
dak69



Inscrit le: 24 Oct 2006
Messages: 345
Localisation: lyon

MessagePosté le: Lun Oct 11, 2010 12:34    Sujet du message: Répondre en citant

Bonjour

Au sujet de la radio... En mars 1941, l'émetteur-récepteur "qui tient dans une boîte de gâteaux" n'existe pas encore. Il est beaucoup plus probable qu'on l'ait muni d'un "Mark III" de 15 kilos... Le Paraset n'apparut sur le terrain que vers mi-1942, et le "Biscuit" était destiné aux communications tactiques à courtes distance (et donc inutilisable pour un agent en territoire ennemi), et ne fut de toute manière pas disponible avant 1943.

Les "messages personnels" arrivent aussi trop tôt. OTL, ils ont été "inventés" par Georges Bégué en septembre 1941, pour éviter aux opérateurs (dont il faisait partie) de passer un temps fou à attendre ce genre de "signaux d'opérations". Leur invention est typique du "retour d'expérience", et, dans la FTL de mars 1941, cette expérience n'est pas encore acquise.

Je suggérerai donc que "Laurent" soit envoyé en mission avec une bonne grosse valise "Mk III", et qu'il doive écouter régulièrement sa station émettrice.

A part ces détails techniques, ça s'annonce très bien !

Bien amicalement
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
carthage



Inscrit le: 04 Jan 2009
Messages: 326
Localisation: bourgogne

MessagePosté le: Lun Oct 11, 2010 18:06    Sujet du message: Répondre en citant

Ami Dak69,
Je ne suis pas sans savoir que le Paraset ou Waddon Mk VII fut distribué aux agents du SOE et autres à partir de 42, mais il était produit à Barnes depuis 1940 et nous sommes en uchronie, en période postérieure au pod, il en va de même pour les messages personnels qui ne sont peut être pas de la nature que nous connaissons en OTL, j'ai longuement hésité avant d'introduire le personnage de Daniel Bouyjou dans la grande pitié, laissons lui son jouet, il en aura d'autres, amitiés, Carthage.
_________________
cedant arma togae
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Montrer les messages depuis:   
Poster un nouveau sujet   Répondre au sujet    Fantasque Time Line Index du Forum -> Récits romancés Toutes les heures sont au format GMT + 1 Heure
Aller à la page Précédente  1, 2, 3, ... 11, 12, 13  Suivante
Page 2 sur 13

 
Sauter vers:  
Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas voter dans les sondages de ce forum


Powered by phpBB © 2001, 2005 phpBB Group
Traduction par : phpBB-fr.com