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Casus Frankie Administrateur - Site Admin

Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 15193 Localisation: Paris
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Posté le: Jeu Mai 09, 2024 09:04 Sujet du message: Les blindés hongrois, par Demo Dan |
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Tout en rédigeant la suite de la Chrono du Front de l'Est, Demo Dan n'a pu s'empêcher de se pencher sur le triste sort de l'arme blindée magyare. Après tout, nous avons déjà évoqué en détails celui des blindés roumains !
Lisez donc, bonnes gens, la triste et douloureuse histoire des Toldi, Turan, Csaba et autres Nimrod… que l'on aurait bien vus défiler dans l'arsenal du Bretzelburg, mais pas engagés face aux T-34 ! _________________ Casus Frankie
"Si l'on n'était pas frivole, la plupart des gens se pendraient" (Voltaire) |
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Casus Frankie Administrateur - Site Admin

Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 15193 Localisation: Paris
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Posté le: Jeu Mai 09, 2024 09:11 Sujet du message: |
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L’arme blindée hongroise dans la Seconde Guerre Mondiale
Arlequin en armure
(D’après Robert Stan Pratsky, Hongrie, Croatie et Slovaquie : les armées effacées, Perrin, 2008)
C’est un lieu commun d’affirmer que l’armée royale hongroise – la Magyar Királyi Honvédség, de la régence de Miklós Horthy puis du détestable régime Croix-Fléchées de Ferenc Szálasi – n’a pas le lustre de ses homologues allemandes, soviétiques voire même occidentales. Partenaire mineur de la Wehrmacht, issue d’une nation du “second rang ” de l’Axe, ses modestes faits d’armes comme son histoire compliquée ne déchaînent que rarement les passions.
Pourtant, comme beaucoup de ses homologues d’Europe centrale, elle gagne à être connue, à défaut d’être glorifiée. Car, toute confrontée qu’elle fut à une situation politique et industrielle clairement défavorable, en butte à une multitude d’obstacles géographiques ou économiques qui auraient pu tuer dans l’œuf toute ambition, soumise enfin à une interminable suite d’objectifs inaccessibles et parfois quelque peu contradictoires, l’armée hongroise aura réussi malgré tout à développer un noyau d’arme blindée purement autochtone aux performances respectables. En soi, c’est déjà un exploit.
Le propos de ces quelques pages est de résumer cette histoire méconnue, depuis sa naissance, dans les convulsions de la nouvelle Hongrie post-Trianon, jusqu’à son agonie dans les gravats brûlants de Budapest – voire, pour quelques rares survivants, sur les rives du lac Neusiedl, entre Bratislava et Vienne.
Les origines : des coques de fer au pays du cheval
En 1920, quand le régent Horthy prend le pouvoir, la situation de la Hongrie réussit l’exploit d’être encore plus catastrophique que celle des autres anciens Empires centraux. Toujours économiquement très dépendante de l’Allemagne ou de l’Autriche – pourtant déjà à cette date en pleine déconfiture – exsangue à force d’amputations territoriales, encerclée de puissances hostiles qui contestent sans hésiter ses frontières, la Hongrie est de surcroît rapidement soumise au traité de Trianon – lequel limite son armée à 35 000 hommes et lui interdit de posséder des avions, de l’artillerie, de la DCA… ainsi que des blindés, évidemment.
Autant dire que, dans ces conditions, le royaume magyar n’allait pas pouvoir hausser le ton avec ses voisins. C’est pourquoi la première préoccupation de Budapest est de contourner les clauses du traité, afin de rebâtir une force apte à la défense puis – demain – à permettre le retour des terres « historiquement magyares » dans le giron hongrois.
L’apathie des puissances alliées lui permet rapidement d’espérer. Dès le 7 mai 1926, les accords de Paris lèvent la plupart des restrictions, sanctionnant dans les faits la totale inefficacité de la commission interalliée installée à Budapest, qui ne faisait plus rien sinon empiler des rapports que personne ne lisait.
Les coudées enfin franches, Miklós Horthy ne tarde pas à engager de très nombreux projets. Parmi ceux-ci, l’équipement de son armée en engins blindés figure parmi ses premières priorités militaires. Le Régent s’appuie ici sur un effectif, certes limité, mais surtout très motivé et bien formé (1), qu’il voit volontiers comme le robuste squelette d’une armée vouée à devenir à terme bien plus nombreuse. Un genre de Reichsheer à la hongroise, en somme…
Cependant, dans le contexte de ces années, il faut d’abord songer à défendre une position centrale très exposée. L’état-major hongrois ressent naturellement le besoin d’une force d’élite mobile – une sorte de nouvelle Armée Noire, apte à se porter rapidement d’un bout à l’autre du pays. Une fois encore, la Hongrie va chercher la solution dans sa tradition militaire, nourrie de récits guerriers chauvins et irrédentistes sur les cavaliers du Xe siècle conquérants de la grande plaine, ou sur les hussards du XVIe face aux armées de la Sublime Porte.
Néanmoins, pour ce rôle, la fin du cheval a été actée sur les champs de bataille. C’est pourquoi, dès le printemps 1920, soit avant même la fin des restrictions, la Hongrie s’intéresse de près à ces coques de fer qui ont vaincu l’Allemagne deux années auparavant. Elle achète donc clandestinement à l’Allemagne deux chars légers Leichte Kampfwagen II (LK II), officiellement voués au démantèlement et qui transiteront par la Suède. Le modèle sera suffisamment convaincant pour qu’une commande de 12 autres engins suive, construits cette fois par Stockholm. Dissimulés dans des caisses, les LK II ne sortiront véritablement de leurs cachettes qu’en 1927, pour constituer à terme la “Section des Voitures de Combat” de l’Ecole de Police de Budapest. Un intitulé peu glorieux, certes, mais qui sera toutefois celui de la première unité blindée de l’Histoire hongroise.
Toutefois, pour le commandement, l’important n’est pas là. La raison de l’achat de ces petits engins est avant tout d’assurer la formation clandestine des cadres de l’armée – formation qui devient officielle en 1931 au sein de l’académie Ludovika, ou à Vesprèm pour les sous-officiers appelés. Ces derniers sont ensuite vigoureusement encouragés à signer un engagement, à défaut d’une mobilisation régulière à chaque grande manœuvre – le plus souvent menée sur le camp d’Esztergom, au nord de la capitale. Avec le temps et l’acquisitions d’engins pas toujours du dernier cri ou en bon état, Esztergom finira par rassembler pas moins de 115 engins de 8 nationalités différentes, tous destinés à permettre l’expansion des effectifs. Evidemment, dans ces conditions, la casse est fréquente !
A la recherche de l’autonomie : le V4 et le L60
En parallèle à ces efforts tournés vers les hommes, Budapest tente de créer un modèle industriel apte à la conception puis à la fabrication d’engins purement hongrois – noble ambition qui se heurte toutefois vite à deux écueils majeurs : les capacités métallurgiques locales sont largement insuffisantes et les bureaux d’étude n’ont aucune expérience.
Cela n’empêche pas bien sûr d’essayer en tâtonnant… Au début de l’année 1930, l’ingénieur sidérurgiste en chef de la Weiss Manfred, Nicolas Straussler, travaille sur quelques projets de blindés. Des projets d’un tonnage assez léger, dans l’air du temps, proche des travaux de Walter Christie : un char léger amphibie à train de roulement mixte selon le terrain. Les ébauches sont jugées suffisamment convaincantes par la Honvèd pour que celle-ci commande un châssis prototype, achevé en 1936 : le V3. Celui-ci sert ensuite de base à un nouveau projet, le V4, à tourelle élargie (3 places au lieu de 2, un canon de 40 mm 37.M jumelé à une mitrailleuse 8 mm 34.M) et disposant d’une radio. Le V4 est encourageant, pour un début, mais présente tout de même des défauts : il n’a pas de tourelleau pour le chef de char, son blindage reste limité (26 mm maximum) tandis que son moteur A.C. II de 200 chevaux ne lui permet pas de dépasser les 32 km/h à chenilles sur route. L’humiliation viendra d’une comparaison le 28 novembre 1937 avec un Landsverk L-60 Strv m/38 suédois (2) à barres de torsion, prêté par l’Autriche malgré de fortes réticences, sur l’insistance d’officiers très intéressés par les productions étrangères. Le V4 se révèle inférieur sur tous les plans, bien que le blindage du Suédois soit encore plus léger et que sa tourelle soit pour deux personnes seulement ! Le prototype V4 sera alors remisé dans un hangar et ne connaitra aucune descendance, en dépit de quelques démonstrations en Italie ou Grande-Bretagne, à de vaines fins d’exportation.
Caractéristiques du V4
Longueur : 4,7 m ; largeur : 2,85 m ; hauteur : 2,575 m. Poids en ordre de bataille : 12,7 t.
Blindage : frontal 26 mm, latéral, arrière et supérieur 9 mm.
Motorisation : Weiss Manfred A.C. II (200 chevaux),
Performances : vitesse maximum sur route 32 km/h sur chenilles, 46 km/h sur roues ; vitesse maximum dans l’eau 8 km/h ; franchissement : en coupure verticale 0,6 m, en coupure franche 1,4 m, à gué 0,8 m.
Armement : en tourelle, 1 canon 37.M de 40 mm et 1 mitrailleuse jumelée 34.M de 8 mm, plus 1 mitrailleuse de caisse 3.4M de 8 mm.
Ravalant sa fierté et décidant avec sagesse de s’inspirer des meilleurs parmi ceux qui le veulent bien, Budapest négocie donc avec Stockholm en 1938 la fourniture d’un modèle spécifiquement conçu pour la Hongrie, basé sur le L60, avant d’acquérir une licence pour les industriels Ganz et MAVAG (3).
Pour ce qu’on veut alors en faire, le L60 paraît en effet idéal : capable d’une vitesse de 45 km/h sur route, capable de franchir des pentes à 40°, conduit au volant, armé d’un canon de 37 mm semi-automatique et d’une mitrailleuse de 7,62 mm montés sur une tourelle équipée pour l’observation, le nouvel engin suédois est une machine de guerre rapide, conçue pour la manœuvre mais qui ne résiste guère qu’aux tirs de mitrailleuses. Soit précisément la conception que l’on a à cette époque, sur les rives du Danube, d’un char se voulant l’héritier du hussard.
Bien entendu, la première priorité est d’adapter le nouveau venu aux fameuses spécificités locales. Il est notamment nécessaire de remplacer les barres de torsion (fabriquées en Allemagne…) par un modèle plus souple, mais surtout hongrois. Une demande, parmi tant d’autres, qui ne sera pas immédiatement suivie d’effet, tant les considérations de production immédiate l’emportent à présent.
Il faut aussi dire que le nombre d’engins disponibles à cette époque dans la Honvèd ne croit guère. Pour remplacer ses LK II à bout de course, la Hongrie a acheté en 1931 à l’Italie… cinq Fiat 3000, version locale un peu améliorée du vénérable FT 17. Mais c’est à peu près tout ! De fait, hormis cette poignée de vétérans et la collection d’Esztergom, au moment de Munich, la Hongrie ne dispose toujours pas d’un véritable blindé, hormis 151 chenillettes Ansaldo CV 35 achetées à Rome en 1936 et que l’on peut difficilement qualifier de chars d’assaut (4). Et pourtant la guerre approche…
Les premiers blindés nationaux : les 38.M Toldi I et Toldi II
C’est donc dans un contexte de réarmement d’urgence que l’on décide de commander 80 exemplaires de la version magyare du L60 : le 38.M Toldi I, dont la production est lancée le 17 février 1939. Autonomie stratégique oblige, la première modification intégrée dans le nouveau char hongrois est… une dégradation de l’armement, lequel se voit ramené à un fusil antichar Solothurn S18-100 (licence suisse) de 20 mm. Une pièce certes rapide et relativement efficace, mais à cette date, l’Allemagne et la France commandent déjà des Panzers IV et des Somua S-35… Un point positif particulièrement luxueux toutefois : la présence systématique d’un poste R5, avec une portée de 20 kilomètres.
Pour le reste, les Hongrois sont toujours dépendants des fournitures étrangères, en dépit de toutes leurs ambitions : les barres de torsion, la transmission, le moteur et l’optique viennent tous d’Allemagne, tandis que le train de roulement arrive carrément de Suède ! De plus, la guerre qui menace complique chaque jour davantage les approvisionnements déjà complexes du pauvre char. En avril 1939, seuls deux exemplaires sont sortis des chaines. Le rythme s’accélère ensuite péniblement, pour atteindre 20 exemplaires en juin, puis 45 en septembre – une période de rodage était bien sûr nécessaire aux chaînes de montage. Hélas, cela ne veut pas dire pour autant que les Toldi livrés correspondent aux espoirs placés en eux. De fait, ces derniers sont loin d’être opérationnels. En juin 1940, le commandement hongrois rapporte avec amertume qu’aucun de ses nouveaux blindés ne dispose de son optique (pas encore livrée !) et qu’une partie n’est même pas équipée de son arme principale ! Quant aux barres de torsion de fabrication locale, leur qualité pose problème : elles casseront à de nombreuses reprises.
Bon an, mal an, la production des 80 exemplaires commandés sera considérée comme achevée en mars 1941. Juste à temps pour la campagne de Yougoslavie.
Caractéristiques du 38.M Toldi I et II
Longueur : 4,75 m ; largeur : 2,14 m ; hauteur : 2,02 m. Poids en ordre de bataille : 8,5 t.
Blindage : frontal et latéral 13 mm, arrière 5 mm, supérieur 6 mm.
Motorisation : Büssing NAG L8 V/36 T (155 chevaux),
Performances : vitesse maximum sur route 50 km/h ; franchissement : en coupure verticale 0,6 m, en coupure franche 0,7 m, à gué 1,75 m. Autonomie sur route 200 km.
Armement : 1 fusil antichar automatique 36.M de 20 mm avec 52 magasins de 4 obus et 1 mitrailleuse 34/37.M de 8 mm avec 96 chargeurs de 25 cartouches.
C’est donc d’évidence un engin de reconnaissance, voire de cavalerie que touche enfin la Honvèd. Il connaît son baptême du feu (si l’on peut dire) en Voïvodine – les Toldi y rencontrent le succès au prix d’un seul des leurs, mais ne font guère mieux que les Csaba (voir plus loin) et face, au surplus, à un adversaire objectivement à l’agonie. Satisfaite malgré tout de ce premier résultat, l’Armée commande dès fin mars 1941 110 autres exemplaires, dits Toldi II, dont la principale caractéristique sera une production cette fois-ci intégralement hongroise – au contraire du Toldi I, qui n’a reçu ses pièces magyares qu’au fil des possibilités, sans qu’aucune stratégie industrielle cohérente puisse émerger de la confusion (5). Extérieurement, la principale différence entre les Toldi I et II réside sans doute dans l’antenne fouet R5/a, laquelle remplace l’antenne cerceau du précédent (6).
En mai 1942, alors qu’Hitler lance Barbarossa et que le royaume hongrois le suit dans l’aventure – fort imprudemment et sans aucune préparation – seuls 80 des 110 Toldi II ont été livrés (la production sera achevée en août 1942). C’est donc en nombre fort limité que les petits engins s’en vont accompagner l’infanterie magyare à travers les Carpates vers l’Ukraine. Faute d’alternative, il a fallu recourir à la générosité allemande, matérialisée par de nombreux Panzer 35(t) et 38(t), pour équiper correctement la toute nouvelle 1ère Pancelos Hadosztaly de Béla Miklós-Dálnoki (parfois encore appelée division de cavalerie dans les archives !) et les trois régiments blindés indépendants.
En août 1942, c’est l’heure du premier bilan. Sans surprise, il est plutôt désastreux – avec la même candeur que les Allemands, candeur dont les conséquences ont été encore aggravées par leurs propres difficultés, les Hongrois ont fait le choix du char léger, bien à la peine face aux gros blocs d’acier soviétiques… et aux tubes des Rouges. A Filimonivka, un canon antichar soviétique isolé a pris en enfilade et détruit à lui seul pas moins de six Toldi ! Quant à la mobilité tant vantée du petit engin, qui devait le sauver… Le 27 juillet, en terrain détrempé, un escadron de quatre Toldi s’embourbe juste sous les pièces d’une batterie. Ils ne sont sauvés que par l’intervention de Stuka et le sacrifice du chef de peloton, encore libre de ses mouvements et qui distrait les Russes jusqu’à l’issue fatale.
Et ce n’est pas tout ! Confronté à des difficultés mécaniques persistantes (moteur, boîte de vitesses notamment), ayant à peine corrigé le plus gros de ses maladies de jeunesse, le Toldi ne tient même pas tête aux plus légers des blindés de l’armée rouge – le T-70, voire les BT-5/7 ou même carrément les automitrailleuses BA-6. La totalité des antichars soviétiques percent son blindage, sous tous les angles et à toutes les distances (7). Pour les Hongrois, servir dans cette arme, à cette date et face au risque de rencontrer un T-34, demande donc un courage certain, d’autant plus que les Panzer 35(t) et 38(t) ne sont pas beaucoup plus résistants. En trois mois, la division a perdu la moitié de son matériel (8) !
Face à cette expérience catastrophique – et la Hongrie ne disposant à ce moment d’aucun remplaçant immédiatement opérationnel, en dépit de nombreuses commandes ! – le ministère de la Défense sollicite le HadiTechnikai Intézet (Institut de Technique Militaire Hongrois, dit HTI) pour “renforcer” le Toldi.
Deux solutions d’urgence sont proposées :
(1) Accroitre le blindage de l’engin par soudure de plaques. Ainsi, l’épaisseur frontale de caisse et de tourelle passe de 13 mm à 20 et 32 mm. Le secteur latéral de la tourelle, lui, passe à 25 mm, et le toit à 10 mm.
(2) Renforcer l’armement : le fusil antichar de 20 mm est remplacé par un canon 37.M de 40 mm – soit l’arme principale du V4 mort-né. Cette arme est capable de percer 64 mm à 100 m et 30 mm à 1 000 m. Elle permet donc de rétablir une forme de parité, au moins dans l’échange de feu, avec les blindés légers soviétiques. Et pour ce qui est de la menace des fusils antichars, on lui jumelle une mitrailleuse Gebauer 34/40.M de 8 mm, alimentée enfin par bandes et avec carénage de protection.
Mais, toutes justifiées qu’elles soient, il s’agit de modifications d’ampleur, qui nécessitent une véritable remise à plat des processus de fabrication. En attendant mieux, un Toldi I est testé à la fin de l’été 1942 avec le canon 37.M et un blindage supplémentaire uniquement sur l’avant de la tourelle. L’évaluation se révèle mitigée : l’arme fonctionne bien, mais la tourelle – devenue trop lourde – pivote très mal et penche vers l’avant du fait de la masse du canon, ce qui grippe d’autant plus le mécanisme de rotation. Il faut donc installer une… boite d’outillage à l’arrière de la tourelle pour l’équilibrer. L’évaluation de deux prototypes de cette variante, avec en plus un blindage d’avant de caisse porté à 23 mm, débouche sur une commande de 80 exemplaires (9), dits Toldi IIA, dont une moitié seulement seront livrés avant l’annulation du reliquat en juin 1943. C’est qu’entre temps, durant Typhon, les Toldi ont connu un taux de pertes proche des 90 %…
Pour tenter de trouver une utilité aux survivants, le HTI concevra une variante “ambulance” sous le nom de 43.M Toldi (à ne pas confondre avec le 43.M Toldi III…), avec trappes arrondies et rangements pour fournitures de secours. Six exemplaires auraient été convertis à la fin de l’hiver 1944 – on ne trouve pas trace de leur sort, ni même d’une livraison en unité.
L’attention du commandement hongrois s’est portée ailleurs. En pratique, le 38.M Toldi n’est plus considéré comme adapté au combat.
Notes
1- La durée de formation des officiers était à cette date de quatre ans – le double de ce qu’elle était durant la guerre précédente.
2- Rejeton de l’ingénieur allemand Joseph Vollmer, déjà père des A7V du Premier Conflit mondial.
3- Elle n’est pas la seule : le L60 fera une belle carrière en Suisse et en Irlande, en plus de la Suède et de la Hongrie !
4- Dont une chenillette lance-flamme fournie à des fins d’évaluation et que l’on avait “oublié” de rendre à Rome. Ces engins souffraient d’une très mauvaise finition (les bandes des roues se désagrégèrent au bout de quelques kilomètres lors de l’entrée en Tchécoslovaquie en 1938 !) ; ils furent fort heureusement retirés du service en 1941 et ne connurent guère d’engagement que pour la prise de la Transcarpathie, face aux LT vz.35 slovaques. Contre ces derniers, il fallut improviser et la Honvèd dut faire venir une équipe antichar… en réquisitionnant un taxi. Les Hongrois feront bon usage des petits blindés capturés à cette occasion (voir plus loin).
5- A ce jour, il est toujours impossible à l’historien de définir précisément les modes de fabrication des Toldi I !
6- En théorie, car les Toldi I survivants recevront tous de nouvelles antennes fin 42 ou début 43.
7- Les rapports d’essai soviétiques menés sur des engins capturés concluront à une… « absence de menace ». Détail intéressant, les Soviétiques ne semblent pas avoir immédiatement réalisé la nationalité de ces petits assaillants. De fait, leur insigne national (une équerre blanche sur croix verte à bordure rouge) ressemblait beaucoup à la Balkenkreuz allemande.
8- Ces résultats fort perfectibles expliquent aussi pour partie la chute de l’estime – pourtant réelle au départ – que l’armée allemande vouait à l’armée hongroise. De fait, après ces engagements désastreux, la Honvèd ne fut plus affectée qu’à des tâches mineures du point de vue allemand.
9- Plusieurs Toldi IIA seront testés ultérieurement par le HTI avec des Schürzen d’origine allemande, dans un louable effort de protection de leurs équipages. Onze plaques de 5 mm (dont trois pour la tourelle) seront fixées sur des supports de 70 cm. Le surpoids considérable ainsi généré (500 kg !) ne justifiera pas leur généralisation. Le Toldi III présenté plus loin aurait pu disposer d’un pareil système. |
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Hendryk

Inscrit le: 19 Fév 2012 Messages: 3897 Localisation: Paris
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Posté le: Jeu Mai 09, 2024 09:37 Sujet du message: |
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J'adore ce genre de coloriage technique. Mais ne connaissant quasiment rien de l'arme blindée hongroise OTL, je me demande si le décalage de Barbarossa a été une bonne ou une mauvaise chose pour elle. _________________ With Iron and Fire disponible en livre! |
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demolitiondan

Inscrit le: 19 Sep 2016 Messages: 12403 Localisation: Salon-de-Provence - Grenoble - Paris
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Posté le: Jeu Mai 09, 2024 09:43 Sujet du message: |
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Quelques photos ?
Le Straussler V4. Pas mal pour un gars qui n'y connaissais absolument rien :
Le Landsverk L-60 (version irlandaise, sur le profil) :
Et enfin le Toldi I/II :
Sur ce profil, admirez le Turán II en panne derrière. On y reviendra.
En photo, c'est plus parlant. Pauvre petit scarabée ...
Déjà vu ! I have been to this place BEFORE ! (Higher on the street).
Le problème des chars hongrois, vous l'aurez compris c'est que :
- on manque d'acier,
- on manque de moteur,
- on manque de canons,
Mais c'est pas grave parce que, quand les hussards ailés arrivent !!
 _________________ Quand la vérité n’ose pas aller toute nue, la robe qui l’habille le mieux est encore l’humour &
C’est en trichant pour le beau que l’on est artiste |
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demolitiondan

Inscrit le: 19 Sep 2016 Messages: 12403 Localisation: Salon-de-Provence - Grenoble - Paris
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Posté le: Jeu Mai 09, 2024 09:49 Sujet du message: |
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@ Hendryk : pire en fait. Le retard n'est pas résorbé, par contre les russes sont plus costauds. Après, pour ce que ca change ... Non mais sérieux, imagine un Toldi vs 1 KV-1 stp. _________________ Quand la vérité n’ose pas aller toute nue, la robe qui l’habille le mieux est encore l’humour &
C’est en trichant pour le beau que l’on est artiste |
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ciders

Inscrit le: 16 Sep 2016 Messages: 1202 Localisation: Sur un piton
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Posté le: Jeu Mai 09, 2024 10:25 Sujet du message: |
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Le pire c'est que les Turan OTL ont d'abord été baptisés "chars lourds" par les Hongrois.  _________________ - "I'm sorry. You're a hero... and you have to leave." (Fallout) |
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demolitiondan

Inscrit le: 19 Sep 2016 Messages: 12403 Localisation: Salon-de-Provence - Grenoble - Paris
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Posté le: Jeu Mai 09, 2024 10:26 Sujet du message: |
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On va y venir !  _________________ Quand la vérité n’ose pas aller toute nue, la robe qui l’habille le mieux est encore l’humour &
C’est en trichant pour le beau que l’on est artiste |
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Casus Frankie Administrateur - Site Admin

Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 15193 Localisation: Paris
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Posté le: Ven Mai 10, 2024 08:28 Sujet du message: |
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Le char dont personne ne voulait : le 43.M Toldi III
L’origine de cet engin remonte à juin 1942. A cette date, faisant fi de la traditionnelle commande militaire institutionnelle et (peut-être) déjà inquiet du comportement des blindés hongrois sur le front, les ingénieurs de la firme Ganz prennent l’initiative de concevoir une version renforcée du Toldi. Le blindage latéral est porté à 20 mm (en caisse) et 25 mm (en tourelle). Du coup, l’engin est rehaussé de 5 cm. Précisons que cette modification s’effectue aux dépens du confort de l’équipage, dont la tourelle devient nettement plus exiguë, et plus encore avec le canon 42.M qu’on y installe ! La direction est elle aussi modifiée pour revenir à un système de leviers, en lieu et place d’un volant jugé bien trop sensible.
Deux Toldi II sont ainsi convertis au standard 43.M Toldi III, puis évalués au début de l’année 1943. A cette date, l’engin est considéré comme dépassé, tandis que les responsables de la Honvèd sont ostensiblement vexés de ne pas avoir été consultés lors de son élaboration. La perte de mobilité consécutive à son alourdissement porte le coup fatal : aucun exemplaire n’est commandé, et les douze en cours d’assemblage dans les ateliers Ganz de Budapest sont détruits durant l’hiver 1943.
Caractéristiques du 43.M Toldi III
Longueur : 4,75 m ; largeur : 2,14 m ; hauteur : 2,07 m. Poids en ordre de bataille : 9,45 t.
Blindage : frontal 20 mm en caisse et 32 en tourelle, latéral 20 mm en caisse et 25 en tourelle, arrière 5 mm, supérieur 10 mm.
Motorisation : Büssing NAG L8 V/36 T (155 chevaux),
Performances : vitesse maximum sur route 45 km/h ; franchissement : en coupure verticale 0,6 m, en coupure franche 0,7 m, à gué 1,75 m. Autonomie sur route 190 km.
Armement : 1 canon semi-automatique 42.M de 40 mm avec 87 obus et 1 mitrailleuse 34/40.M de 8 mm avec 3 200 cartouches en bandes.
A la recherche d’un char moyen : du T-21 au Turán
Contrairement à ce que les lignes précédentes peuvent faire croire, la Honvèd n’avait absolument pas renoncé à s’équiper d’un blindé plus lourd – enfin, disons d’un char moyen. Le problème résidait une fois encore dans ses capacités d’acquisition, à défaut d’une fabrication toujours techniquement impossible. Intéressée dans un premier temps par le robuste Panzer IV – dont Berlin refuse avec hauteur la cession de toute licence – Budapest se tourne ensuite (une fois encore…) vers la Suède, cette fois pour le char Lago. Une solution en apparence élégante, que ce soit d’un point de vue technique (l’engin est parmi les meilleurs du moment), politique (un partenaire fiable et déjà connu) et même idéologique. En effet, Budapest – loin d’acter son isolement – voit dans ce choix possible la démonstration de son nouveau concept de relations internationales : le Touranisme. Une forme d’alliance idéologique des pays s’estimant exclus des grands blocs, dont la ressemblance avec le futur mouvement bien plus pragmatique des “non-alignés” du maréchal Tito n’est pas l’aspect le moins… surprenant. D’où le nom envisagé pour cette version magyare du Lago : Turán (10).
Un problème diplomatique, pourtant, enraye ce beau projet. Durant l’hiver 1938-1939, soumise à de rudes pressions diplomatiques de la part de la France et du Commonwealth afin que la Suède cesse de commercer avec l’Axe, Stockholm annule tous les pourparlers en cours avec… Budapest, dont ceux concernant le Lago. Le royaume hongrois se retrouve alors le bec dans l’eau, sans alternative hormis le médiocre M11/39 italien, que l’on commande néanmoins en 180 exemplaires, faute de mieux.
C’est finalement la “petite guerre” de mars 1939 qui offre la solution. Confrontée aux lambeaux de l’armée tchécoslovaque en Transcarpathie, la Honvèd récupère au moins un exemplaire du Skoda LT vz.35, bien connu des Allemands sous le nom de Panzer 35(t). Son évaluation s’avérant très positive, Budapest contacte Skoda, qui consent à monnayer son engin. Du coup, ayant en face d’elle – pour une fois – un industriel tout à la fois fiable et en position de faiblesse, la Hongrie se permet d’être exigeante. Le LT vz.35 est jugé trop léger. Skoda développe donc une nouvelle version, le Skoda T-21 – un vz.35 agrandi, avec un canon A11 de 47 mm, un blindage frontal de 30 mm et latéral de 16 mm. Cet engin correspond parfaitement aux besoins de la Honvèd. Et ça tombe bien, car c’est le seul choix possible !
De par la lenteur des tractations commerciales – pas du tout gênées par l’Allemagne, qui se désintéresse absolument du sujet – le contrat n’est négocié qu’en avril 1940, après sept mois de pourparlers préliminaires ! Dans cette affaire, les Hongrois se trouvent une fois encore perdants : les Tchèques occupés marchandent quand même très dur, appuyés qu’ils sont sur leurs contrats en cours avec le Reich, l’Italie et éventuellement la Roumanie. La Hongrie est contrainte d’accepter le principe d’une fabrication sous licence de 180 exemplaires (au lieu des livraisons souhaitées), et doit même patienter deux mois pour pouvoir évaluer formellement le T-21 au camp de Hajmásker, le démonstrateur étant retenu à Rome pour d’autres tests plus urgents !
L’engin – jugé fiable et facile à conduire – est finalement acquis le 7 août 1940. Il sera rebaptisé Turán. Le contrat prévoit qu’un nombre illimité de blindés pourra être produit, pour un montant fixe de 1 500 000 pengös (11). Une bonne affaire… en apparence, car dans les faits, le calvaire ne fait que commencer.
Le 19 septembre 1940, la Honvèd commande 230 chars 40.M Turán I, non à un mais bien à quatre constructeurs nationaux : Ganz (70 exemplaires), Magyar Vagon (70 exemplaires), Weiss Manfred (50 exemplaires) et MAVAG (40 exemplaires). Pareille dispersion, auprès de contractants qui ne sont même pas tous spécialistes de la chose militaire, acte un état de fait désastreux : personne n’est capable de produire l’engin !
De plus, vu que les Tchèques font traîner les choses en longueur – les liasses de plans ne sont fournies qu’en mars 1941, soit six mois après la signature ! – les militaires en profitent pour mettre leur grain de sel, afin de revoir encore à la hausse les caractéristiques du Turán I. C’est qu’on a de l’ambition pour cet engin ! A terme, il est tout de même supposé déclasser complétement le Toldi, ravalé à un simple rôle d’éclairage.
Signe des temps, l’attention se porte sur la protection, pour s’approcher autant que possible du Panzer IV Ausf. F1 : 50 mm (frontal), 25 mm (latéral), 8 mm (toit). Ce surcroit de poids emmène l’engin à 18,2 tonnes, ce qui entraîne inévitablement un changement de moteur… On passe donc du Skoda (240 chevaux), fiable et robuste, au Weiss Manfred V8 H4 de 260 chevaux à essence. Le véhicule remanié sera ensuite équipé d’une boite mécano-pneumatique à cinq vitesses avant et cinq arrière – laquelle facilite le travail du conducteur et favorise la mobilité, mais reste un peu particulière à conduire (12).
Enfin, l’arme principale est changée : le Skoda A7 de 47 mm est remplacé par le 41.M de 40 mm, avec obus perforants. Pour sa protection rapprochée, le véhicule possède deux mitrailleuses 34/40 AM Gebauer de 8 mm, avec des épiscopes rotatifs 43.M à chaque poste d’équipage.
La plupart de ces modifications sont pertinentes. D’autres améliorent même les conditions de vie, voire les chances de survie de l’équipage : des trappes d’évacuation sont positionnées sur les flancs de la tourelle, des interphones sont mis en places et l’engin dispose de deux radios R-5 (sur générateur Bosch) pour le chef de char et l’opérateur, l’ensemble étant relié à tout l’équipage par les casques 39.M.
C’est un engin magnifique qui se dessine sous les yeux des militaires hongrois, parmi les meilleurs dont une armée puisse disposer en 1940, voire en 1941. Il est donc fort regrettable qu’entre incurie industrielle et modifications incessantes, le véhicule n’ait pas pu être livré avant la fin de l’année 1942.
La douloureuse mise au point du 40.M Turán I
Dès l’été 1941, face au retour d’expérience des panzers confrontés aux SAV-41 français ou aux Valentine britanniques – tous en acier monobloc avec des caisses inclinées permettant de faire ricocher les projectiles en dispersant leur énergie cinétique – la conception matérielle du Turán, avec ses flancs verticaux fixés sur de fragiles rivets voire boulons montre déjà d’inquiétants signes intrinsèques de faiblesse. C’est qu’en fait, contrairement à ses concurrentes soviétique, américaine ou même ouest-européenne, l’industrie magyare n’est pas capable en 1941 de produire des plaques d’acier à blindage – et encore moins de couler des pièces massives, comme par exemple la tourelle du T-34. Les fonderies hongroises ne peuvent fabriquer des pièces d’une épaisseur supérieure à 35 mm. Afin d’atteindre les 50 mm jugés indispensables pour conserver une chance raisonnable de survie face à un char adverse, il faut donc… superposer deux plaques (une solution nullement prévue !), ce qui fragilise les fixations, sans résoudre les problèmes de qualité d’un acier déjà trop cassant (13).
Le 8 juillet 1941, la sortie du prototype final des usines Weiss Manfred, réalisé sous la direction de l’ingénieur János Korbuly, illustre cet état de fait. Constitué d’acier doux, alourdi par des surcharges en tout genre, confronté à plusieurs maladies de jeunesse, le Turán prototype brûle son moteur, ou peu s’en faut. Il faut tout reprendre à zéro, concevoir un nouveau radiateur, et tenter aussi de résoudre ce que les militaires hongrois appelleront « l’hypersensibilité » de la transmission pneumatique.
Deux cents modifications plus tard, le premier Turán I de série sort des chaines le 12 mai 1942. Presque à temps pour Barbarossa ! Les deux cents exemplaires sortis jusqu’à la fin de l’année auront donc le privilège de constater que leur 41.M de 40 mm est à peu près impuissant face aux KV-1 ou aux T-34 soviétiques. La comparaison lors de Typhon, malgré l’aide des Panzers 38(t) fournis par le Reich, s’avère aussi cruelle que sanglante. Les Turán – dont on découvre par ailleurs qu’ils ne démarrent pas en dessous de -20° – souffrent le martyre, même face à l’infanterie russe : bien couverte par l’artillerie, celle-ci les attaque au fusil antichar ou même avec des chiens bardés d’explosifs ! En deux mois, 57 sont perdus.
Une nouvelle commande destinée à remplacer les pertes est passée le 31 décembre 1942 – mais elle sera annulée dès mars 1943, après seulement 55 exemplaires livrés, afin d’économiser l’acier. Comme son aîné le Toldi, mais de façon juste un peu moins dramatique, le Turán I se révèle à son tour complétement inadapté au Front de l’Est. Les survivants ne sont conservés que dans la perspective d’un réarmement. Et durant les combats autour du futur Kessel de Bar, la majorité d’entre eux seront détruits ou abandonnés en panne, voire embourbés.
Caractéristiques du 40.M Turán I
Longueur : 5,53 m ; largeur : 2,44 m ; hauteur : 2,35 m. Poids en ordre de bataille : 18,70 t.
Blindage : frontal 50 mm en caisse et 50 en tourelle, latéral 10 mm en caisse comme en tourelle.
Motorisation : Weiss Manfred V8 H4 (260 chevaux).
Performances : vitesse maximum sur route 47,2 km/h ; franchissement : en coupure verticale 0,8 m, en coupure franche 0,9 m, à gué 2,2 m. Autonomie sur route 165 km.
Armement : 1 canon semi-automatique 41.M de 40 mm avec 101 obus et 2 mitrailleuses 34/40.M de 8 mm (une en tourelle, une en caisse) avec 3 200 cartouches en bandes.
Tentative de montée en gamme : le 41.M Turán II
L’insuffisance du canon 41.M de 40 mm était soupçonnée avant même la première rencontre avec un T-34. Toutefois, ce n’est pas parce qu’on connait la solution au problème qu’il est facile de la mettre en œuvre. En l’espèce, la Honvèd restait déjà depuis mai 1941 à la recherche d’une pièce apte aux missions antichars. Quelque chose de proche, au moins, du 75 mm court du Panzer IV, qui pourrait permettre de créer des bataillons proches de ceux de Tank Destroyers américains.
Cette recherche frénétique débouche finalement sur l’obusier d’infanterie de 75 mm, adaptable sur tourelle. La fabrication d’un prototype de Turán ainsi armé commence dès janvier 1942, alors qu’à cette date, le Turán I n’est toujours pas sorti des chaines ! Pour installer la pièce, il faut surélever la tourelle de 45 mm et installer un carénage en pente sur le toit. L’ensemble de ces modifications porte la masse de l’engin à 19,2 tonnes, ce qui en fait – selon la Honvèd – le premier char lourd de l’inventaire, alors qu’à l’époque le Matilda II britannique dépasse les 25 tonnes.
Engin par nature improvisé pour répondre à une problématique point trop spécifique, le 41.M Turán II est mis en production en janvier 1943, remplaçant les derniers Turán I sur les chaînes d’assemblage. On en fabriquera 70 exemplaires avant l’interruption due aux bombardements alliés. La livraison en unité attendra l’été 1943. Les Turán II permettront aux forces hongroises de participer honorablement aux combats autour du Kessel de Bar, au sein de la nouvelle 2e Division Blindée hongroise du major-général Ferenc Bisza (laquelle concentre, à cette date, la majorité des blindés de la Honvèd), face aux les armées soviétiques… puis plus tard contre la 12. Armee allemande – laquelle leur taillera des croupières, en dépit de quelques beaux succès défensifs. Les 15 survivants décomptés seront ensuite employés par sections de 3, en appui des unités d’infanterie.
Signalons par ailleurs que certains 40.M Turán I ont été convertis au standard Turán II lors d’un retour en usine pour réparation, avec parfois ajout de jupes de protection. Leur nombre reste à ce jour discuté – le chiffre le plus couramment avancé tourne autour de 18 exemplaires. Ce qui donne en tout 88 41.M Turán II, un chiffre bien faible au vu des quantités d’engins sur le front…
Improvisation et panique : le 43.M Turán III
A la fin de l’année 1943, chacun sait déjà à Budapest – sinon à Berlin – que la situation de l’Axe est dramatique. Attendu que ni les Toldi, ni les Turán – ni même, dans une large mesure, les Panzer IV et les Leopard – ne soutiennent la comparaison face aux nouveaux blindés soviétiques, le royaume magyar cherche un palliatif qui permette de défendre la Grande Hongrie en attendant les 44.M Tas, sinon la paix qu’on tente de faire dans l’ombre.
Le Reich, inquiet du chancellement de son dernier allié, propose généreusement ses Panzer IV. Bien tard, et la conversion des usines (de toute façon bombardées !) prendrait bien trop longtemps. En conséquence, et faute de mieux, la Honvèd ordonne… une nouvelle mise à niveau du Turán, cette fois-ci avec un canon long 43.M MAVAG de 75 mm – lequel est, en gros, une copie du Pak 40 allemand. Ce sera le 43.M Turán III.
Pareille adaptation nécessite de redessiner complètement la tourelle – laquelle se trouve surélevée de 30 mm et allongée de 18 cm, avec au surplus création d’une vaste trappe d’accès arrière noyant le tourelleau du chef de char. A cette date, les Schürzen sont disponibles – toutefois, pour économiser l’acier et réduire le poids supplémentaire, elles sont grillagées. Une particularité hongroise qu’on retrouvera sur nombre de canons automoteurs. Le Turán III augmente également son blindage frontal, porté à 80 mm à l’aide de trois plaques superposées.
Différence fondamentale avec le 41.M Turán II : le standard Turán III est supposé s’appliquer à l’ensemble des chars existants par refonte ou remplacement de tourelle, et ne représenter en aucun cas une nouvelle production. On mesure ici les expédients à laquelle en était réduite l’armée hongroise, obligée de produire en connaissance de cause des chars obsolètes dans la lointaine perspective de les “refitter” plus tard…
Le prototype du Turán III sort des ateliers en décembre 1943. Ce lourd engin (23,3 tonnes), est moins motorisé à la tonne qu’un Panzer VI Tiger ! De plus, lors des premiers tirs, les gaz du MAVAG de 75 saturent l’habitacle et intoxiquent l’équipage. Il faudra une fastidieuse mise au point… En pratique, aucun 43.M de série ne sera jamais produit, faute de temps et d’acier.
Caractéristiques du 43.M Turán III
Longueur : 5,53 m ; largeur : 2,44 m ; hauteur : 2,38 m. Poids en ordre de bataille : 23,30 t.
Blindage : frontal 75 mm en caisse et en tourelle, latéral 13 mm en caisse comme en tourelle, +5 mm avec Schürzen.
Motorisation : Bussing NAG L8 V/36 T (155 chevaux).
Performances : vitesse maximum sur route 37 km/h ; franchissement : en coupure verticale 0,8 m, en coupure franche 0,9 m, à gué 2,2 m. Autonomie sur route 165 km.
Armement : 1 canon semi-automatique 43.M de 75 mm avec 32 obus et 2 mitrailleuses 34/40.M de 8 mm (une en tourelle, une en caisse) avec 3 000 cartouches en bandes.
Autres variantes : les Turán de commandement
Avant de conclure sur la famille des Turán, évoquons brièvement le cas des engins de commandement. Ces derniers ont fait l’objet d’un certain nombre de variantes, point toutes formellement dénommées, mais que nous pouvons reprendre ici :
- Turán RK : développé en 1941 sur la base du Turán I, avec un poste de radio R-4T en complément du R-5 de série, et un stock de munitions réduit.
- Turán II type 1 : deux photos de cet engin existent seulement, avec une antenne-cadre visible à l’arrière. Le nombre d’exemplaire est inconnu.
- Turán II type 2 : engin avec armement de tourelle démonté et remplacé par une imitation en bois. Commandé à 15 exemplaires en novembre 1943 sous le nom de Turán III (ce qui ne facilite pas les choses !), un prototype aurait peut-être été réalisé en février 1944.
Ainsi s’achève tristement l’histoire de ce qui fut pourtant, jusqu’à la fin, la cheville ouvrière de l’arme blindée hongroise.
Sauter (et rater) une marche : le 44.M Tas
Parfaitement lucide dès l’entrée en guerre – ou peu s’en faut – sur les capacités de ses Toldi et Turán, le commandement de la Honvèd sollicite dès janvier 1943 Weiss Manfred pour la conception d’un char “lourd”, équivalent au Panzer IV qu’on lui proposera bientôt et qui permettrait à la Hongrie d’acquérir – mais en autonomie – un certain ascendant sur son adversaire. Ou, à défaut, une parité…
Le 44.M Tas de l’ingénieur János Korbuly doit répondre à cette gageure. Largement inspiré du Panzer VII Panther pour sa tourelle comme son mantelet circulaire, avec une caisse proche du T-50 soviétique et un train de roulement ressemblant à celui d’un Panzer 38(t) (14), le Tas prétend à un blindage frontal de 120 mm d’épaisseur incliné à 60° (sous toute réserve sidérurgique). L’armement envisagé est d’abord le 7,5 cm KWK 42 L/70 équipant le Panther, jusqu’au refus de Berlin… Puis un 80 mm 29/38.M Bofors AA converti d’origine suédoise (encore une fois…) mais jamais fourni. Enfin, on s’arrête sur un 75 mm L/48 dont le Reich a promis la livraison dans un rare geste de bonne volonté envers son agaçant partenaire.
Une maquette est achevée en décembre 1943, peut-être avec les plans de l’engin, juste à temps pour être présentée aux responsables du ministère de la Défense, sans moteur faute de solution locale. Il faut une fois encore se tourner vers l’Allemagne, qui refuse le Maybach HL 230 de 590 chevaux. Faute de mieux, on prévoit donc finalement de coupler deux Weiss Manfred V-8 H4 pris sur des Turán, pour atteindre 520 chevaux.
Evidemment, dans les conditions dramatiques où se trouve la Hongrie au printemps 1944, le programme est pour ainsi dire mort-né. Entre réquisitions, pénuries d’acier, bombardements et rebuffades du partenaire allemand, le Tas n’avance que difficilement. Le Kiugrás du 13 avril 1944 porte un coup fatal au projet. En dépit des relances insistantes des Croix-Fléchées de Ferenc Szálasi, aucun exemplaire complet ne semble avoir été réalisé – seulement la caisse en acier doux et une tourelle sans armement. Les bombardements de l’été 1944 puis l’offensive soviétique de juillet 1944 mettront un terme définitif au projet.
Quant au prétendu chasseur de char Tas Rohamlöveg, il est attesté aujourd’hui qu’il s’agit d’une légende urbaine, issue d’une mauvaise interprétation d’un mauvais cliché du prototype, le faisant ressembler de fort loin – et sans sa tourelle ! – à un genre de Jadgpanther.
Caractéristiques théoriques du 44.M Tas
Longueur : 7,795 m ; largeur : 3,15 m ; hauteur : 2,7 m. Poids en ordre de bataille : 36 à 38 t.
Blindage : frontal 120 mm en caisse et en tourelle, latéral 50 mm en caisse comme en tourelle, supérieur et arrière 20 mm.
Motorisation : deux Weiss Manfred V8 H4 (260 chevaux chacun).
Performances : vitesse maximum sur route 45 km/h ; franchissement : en coupure verticale 0,6 m, en coupure franche 0,7 m, à gué 1,75 m.
Armement : 1 canon semi-automatique de 75 mm L/48 et 2 mitrailleuses 34/40.M de 8 mm (une en tourelle, une en caisse).
Notes
10- Le “Touran” désigne l’ensemble des peuples de langue altaïque et finno-ougrienne. Dans cette ligne idéologique, d’autres engins hongrois ont été baptisés de noms puisés dans l’Histoire et les légendes du pays : Csaba (fils cadet d’Attila), Lehel (chef magyar du Xe siècle), Tas (chef magyar censé avoir conduit son peuple en Europe), ou même dans la Bible : Nimrod (premier roi après le Déluge, grand chasseur et, selon certains, constructeur de la Tour de Babel).
11- Soit 441 200 dollars de 1936, ou 10 millions de dollars actuels.
12- Et fort peu intuitive. La première vitesse se passe avec l’embrayage, moteur en marche. La seconde et la troisième s’enchaînent sans embrayage, la quatrième puis la cinquième, par contre, avec. Si le chauffeur l’oublie, la boîte saute et repasse en première… dans le meilleur des cas. Les rapports des instructeurs sont remplis de plaintes sur le niveau des conducteurs, tous incompétents ou négligents.
13- Les Panther allemands connaîtront des problèmes similaires dès 1943 – mais pour des raisons bien différentes.
14- Six galets de roulement regroupés sur des bogies et suspension à lames de ressort sur amortisseurs hydrauliques. |
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patzekiller

Inscrit le: 17 Oct 2006 Messages: 4107 Localisation: I'am back
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Posté le: Ven Mai 10, 2024 10:58 Sujet du message: |
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question (et remarque?) sur la note en bas de page : compte tenu du décalage ftl de barbarossa, il convenu que le panther ftl arrive plus tard qu'otl (vide comblé dans un premier temps par "l'autre" pzkw V. il ne me semble pas que l'on voit apparaitre des panther avant début 44...j'ai bon? _________________ www.strategikon.info
www.frogofwar.org |
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demolitiondan

Inscrit le: 19 Sep 2016 Messages: 12403 Localisation: Salon-de-Provence - Grenoble - Paris
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Posté le: Ven Mai 10, 2024 12:12 Sujet du message: |
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Nope Patz, on les voit dès Brody, en juillet 43.
Sinon ... Quelques photos ?
Déjà du Toldi Détruit :
L'unique survivant Toldi II à Moscou :
Le 43.M Toldi III - n'a jamais existé donc, et dans ce domaine les profils sont tes amis.
Le Lago Suèdois. Les suédois ont toujours eu une discrète mais efficace industrie de défense.
Le T-21 donc ...
Lequel deviendra la dynastie des Turán. Je vous met 3 profils de maquettes côte à côte, vous verrez bien l'évolution.
Le Turán I
Le Turán II
Le Turán III
Quelques vues en opérations.
Le prototype du Turán III
Et enfin le le 44.M Tas. Jamais produit, comme on l'as dit. Un air de Panther.
 _________________ Quand la vérité n’ose pas aller toute nue, la robe qui l’habille le mieux est encore l’humour &
C’est en trichant pour le beau que l’on est artiste |
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Casus Frankie Administrateur - Site Admin

Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 15193 Localisation: Paris
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Posté le: Ven Mai 10, 2024 12:34 Sujet du message: |
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| demolitiondan a écrit: | Nope Patz, on les voit dès Brody, en juillet 43.
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Il s'agit alors de Panther I - le vrai fauve, le Panther II, n'apparaît au front que dans les derniers jours de l'année 43. _________________ Casus Frankie
"Si l'on n'était pas frivole, la plupart des gens se pendraient" (Voltaire) |
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Heorl
Inscrit le: 19 Mar 2023 Messages: 648
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Posté le: Ven Mai 10, 2024 15:05 Sujet du message: |
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La tourelle du Turan III a un petit air de FCM 36 avec sa forme originale. _________________ "Un sub' qui s'ennuie, c'est un sub' qui fait des conneries"
Les douze maximes de l'adjudant-chef
"There's nothing more dangerous than a second lieutnant with a map"
US Army adage |
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Hendryk

Inscrit le: 19 Fév 2012 Messages: 3897 Localisation: Paris
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Posté le: Ven Mai 10, 2024 15:29 Sujet du message: |
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Finalement, ce que tous les alliés de l'Allemagne nazie ont en commun, c'est une absence totale de rapport entre leurs ambitions et leurs capacités.
On pense à Picrochole, le roitelet mégalomane de Gargantua. _________________ With Iron and Fire disponible en livre! |
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Anaxagore
Inscrit le: 02 Aoû 2010 Messages: 11660
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Posté le: Ven Mai 10, 2024 15:45 Sujet du message: |
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Félicitation, très intéressant. _________________ Ecoutez mon conseil : mariez-vous.
Si vous épousez une femme belle et douce, vous serez heureux... sinon, vous deviendrez un excellent philosophe. |
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FREGATON

Inscrit le: 06 Avr 2007 Messages: 4957 Localisation: La Baule
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Posté le: Ven Mai 10, 2024 15:51 Sujet du message: |
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| Heorl a écrit: | | La tourelle du Turan III a un petit air de FCM 36 avec sa forme originale. |
J'aurais dit la tourelle ARL 42 mais sans télémètre... ?
https://tanks-encyclopedia.com/sarl42/ _________________ La guerre virtuelle est une affaire trop sérieuse pour la laisser aux civils. |
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