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Heorl
Inscrit le: 19 Mar 2023 Messages: 648
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Posté le: Jeu Mai 02, 2024 08:02 Sujet du message: |
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| ChtiJef a écrit: | La Bérézina, contrairement à ce que laisse penser l'expression, c'est une victoire de l'Empereur...
Et même une très belle victoire ! |
Les Français et les Russes sont pourtant d'accord : la Bérézina est une victoire française et Borodino est une victoire russe, quoi qu'en disent les résultats tactiques.
Ce serait comme dire que Malplaquet est une victoire coalisée quand celle-ci les a laissés exsangues, a effacé leur avantage numérique sans améliorer leur position et a laissé s'échapper Villars avec une armée faite de bric et de broc qui s'est unie lors de cette bataille. _________________ "Un sub' qui s'ennuie, c'est un sub' qui fait des conneries"
Les douze maximes de l'adjudant-chef
"There's nothing more dangerous than a second lieutnant with a map"
US Army adage |
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loic Administrateur - Site Admin

Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10474 Localisation: Toulouse (à peu près)
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Posté le: Jeu Mai 02, 2024 08:38 Sujet du message: |
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| Citation: | | la préfecture et les sous-préfectures du Morbihan | (suggestion) _________________ On ne trébuche pas deux fois sur la même pierre (proverbe oriental)
En principe (moi) ... |
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houps

Inscrit le: 01 Mai 2017 Messages: 2087 Localisation: Dans le Sud, peuchère !
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Posté le: Jeu Mai 02, 2024 08:49 Sujet du message: |
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Un petit couac :
Averti ? Et par qui donc ? L’inspecteur était passablement désarçonné par cette révélation, On avait omis cette précision, pourtant bien utile. En chemin, il s’était s’interrogé : l’homme allait-il opposer quelque résistance ? Faudrait-il user de la force, comme souvent, alors qu’on lui avait bien spécifié qu’Augustin Lajoie devait être accompagné chez les Allemands (« accompagné », pas « conduit » ni même /i]« amené »[/i], _________________ Timeo danaos et dona ferentes.
"Les étudiants entrent à l'université persuadés de tout savoir. Ils en ressortent persuadés de ne rien comprendre. Où est passé le savoir ? A l'université, où on le sèche pour l'entreposer et en prendre soin." |
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Casus Frankie Administrateur - Site Admin

Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 15197 Localisation: Paris
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Posté le: Jeu Mai 02, 2024 09:12 Sujet du message: |
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L’inspecteur reconduisit donc Lajoie à l’entrée de la ruelle qui menait à son atelier, l’homme parut interloqué un bref instant, on se salua, puis le fonctionnaire s’en alla rendre compte à son supérieur. Passé un petit moment d’incrédulité, « le suspect tapant quasiment sur le ventre du SS ? Sûr ? Vous n’avez pas consommé autre chose que du café, des fois ? », Félicien se vit confier une mission de la plus haute importance, quasi secrète de surcroît ! Il n’en croyait pas ses oreilles et se résigna hélas, trois fois zélas, à tracer momentanément une croix sur l’alpagage d’un malfrat renommé. « Bon. Vous savez que Doriot veut nettoyer le corps. On ne sait trop de quoi demain sera fait, mais on va faire comme si tout continuait. Donc vous êtes chargé de savoir qui est ce… – comment déjà ? – ce Lajoie. Pour commencer, filez faire un tour au fichier ici, on ne sait jamais. Vous ne rendrez compte qu’à moi, tous les jours, fériés et dimanches compris. Vous êtes déchargé de tout le reste, mais je veux des résultats ! »
Ah ! On n’était certes pas dans la recherche d’un assassin, mais ça changeait de l’épicier refilant du pinard généreusement coupé ! Félicien bondit se rencarder. Il ne trouva rien dans les dossiers locaux, pas étonnant, avec la chienlit de juin 40, pas mal de pièces avaient disparu, il y passa quand même deux jours, le commissaire s’agaçait. Il eut alors recours à une bonne vieille méthode : il fit une « enquête de voisinage », c’était le B.A. BA du métier, et tant qu’à faire, qui viser d’autre que Madame pour obtenir quelques os à jeter au commissaire ? Il se mit alors à traîner dans le quartier, d’une boutique à une autre, il était connu, plus besoin de sortir sa carte. Sa carte ! En parlant de carte, il avait eu une sacrée surprise en découvrant ce qu’était le « bout de carton » que lui avait négligemment remis l’officier : un SP ! Un sésame que même le commissaire ne devait pas posséder, et de la possession duquel il ne se vanta point ! Un truc qui lui brûla les doigts avant qu’il se décide à le garder, un cadeau comme ça… ! Il s’y brûla les doigts quasiment pour de vrai : de surprise, il l’avait lâché. Vexé, le papier en avait profité pour se planquer sous l’armoire, avec un chaton une soucoupe de lait aurait suffi, va-t-en trouver une soucoupe de lait pour un tel bestiau ! Il n’avait pu le récupérer qu’à force de cajoleries et, plus efficace, par l’action d’un balai, les moutons peinards sous le meuble lui en voulaient encore. Il y avait même retrouvé un bouton perdu le mois passé, les boutons et la couture en général, ça relève du vice, c’est pour ça qu’on en charge la gent féminine.
Il commença par errer dans le quartier, poser d’anodines question au cordonnier sur son voisin le droguiste, au droguiste sur le coiffeur, et ainsi de suite, et dans le lot, mine de rien, comme ça, en passant, il demandait qui était cette jeune femme – il en donnait une description précise – qu’il avait aperçue chez Untel. Il tissait sa toile, et une fois qu’il eut une bonne vision des habitudes de sa proie, il frappa, tel le cobra agressant une souris. Pour le cobra, c’était sans doute exagéré, mais pour la souris…
– Inspecteur ! Quel curieux hasard !
– Hasard ? Plus ou moins, Madame Lajoie, plus ou moins. Voyez-vous, la plupart du temps, je ne traque pas l’arsouille, mais le profiteur, les salauds qui s’enrichissent sur le dos des honnêtes travailleurs. Et le seul moyen pour les débusquer, c’est bien d’être dans la rue ! Aujourd’hui ici, demain ailleurs.
– C’est dangereux ?
– Dangereux ? Pourquoi ? Ce ne sont pas des gangsters, comme on dit aux Amériques. Vous savez ce qu’il en coûte d’agresser un fonctionnaire de police ? Fastidieux, ça oui. Et comment va votre mari ?
– Augustin ? Bien. Il est aujourd’hui à Paris, pour ses affaires. Savez-vous que nous parlions de vous hier soir, justement !
– Tiens donc !
– Mais… si j’osais… pourquoi ne viendriez-vous pas prendre le café ? Le café… ou autre chose de plus fort…
– C’est que…
– Oh, allons !
L’inspecteur consulta ostensiblement son oignon, un souvenir, il trouvait la montre-bracelet peu pratique, et lâcha : « Oh, eh bien, je finis mon service dans cinq minutes… (Il était 17h28.) Vous voyez ? »
A 17h32 Félicien découvrait que l’entrée principale, officielle et usuelle, de l’appartement, était juste là, entre le cordonnier et le droguiste. Ça expliquait des choses. A 17h47, il avait franchi bien des obstacles « pour la forme » et pris les choses en main, à savoir le sein droit de la dame, qui n’avait protesté là aussi que pour la forme. A 18h01, la même dame hoquetait ce commentaire qui révélait du bon sens pratique : « Pas ici, pas ici… la chambre… ». A 19h16/17 Félicien allumait sa clope, Lucette était tout alanguie et reconnaissante, elle venait d’avouer qu’Augustin était bien gentil, un amour, mais que là où l’inspecteur avait montré, dira-t-on, beaucoup de doigté et d’expérience, son mari était – et ce, dès le début – aux abonnés absents. Félicien reconnut alors qu’il était grand temps de passer aux choses sérieuses, la gaudriole, c’était bien beau, il n’était pas contre, Lucette avait bon fond et de la ressource, mais il avait une mission. On est fonctionnaire, donc sérieux, ou on ne l’est pas.
– Et tu l’as connu comment, ton mari ?
– Au début, je posais pour lui. Tiens, je vais te montrer, il a gardé quelques toiles… Et puis il a découvert que j’étais une excellente médium.
– Médium ?
– Ça ne te dit rien ? C’est vrai que ce n’est plus trop à la mode, aujourd’hui. Bon, c’est là qu’il m’a proposé la bague au doigt. Ça, ou continuer à me foutre à poil devant des barbouilleurs, tu parles si j’ai dit oui !
– Il peint toujours ?
– Oh oui ! Mais plus la même chose. Comme peintre, il était nul, à l’époque. Regarde ça ! Qui irait acheter une horreur pareille ? Mais il a changé. Tiens, viens je vais te montrer… (Un étage plus bas.) Voilà…
– Ah… Et c’est… ?
– Le palais de Pharaon, voyons ! L’intérieur. C’est depuis qu’il a rencontré Lesage…
– Lesage ?
– Augustin Lesage, le peintre ! Et Simon ! Victor Simon ! Il a été exposé au Salon des Indépendants en 35 ! Tu ne connais pas ? Jamais vu leurs œuvres ? Entendu parler ?
– Non. Mais tu sais, je connais des types qu’il vaut mieux que tu ne fréquentes pas.
– Mouais. Simon et Lesage, de grands peintres ! Des génies ! Augustin se désespère de ne pouvoir les égaler. – Pas les imiter, non. Il t’expliquerait ça mieux que moi, demande-lui. Entre nous, heureusement qu’il se contente de ce format-là, lui. La toile, ça coûte cher.
– Hum… J’imagine. Bon, tu avais quel âge ?
– Pour le truc de tout à l’heure ? Seize… dix-sept, je dirais. Vingt-et-un pour la noce.
Avec les « artistes-peintres », Félicien avait mis le pied dans un territoire pas tout à fait inconnu, mais peu exploré. Les cartes mentales dont il disposait à cette fin étaient semblables à certains planisphères anciens – dont il ignorait alors l’existence – qui mentionnaient sans vergogne « hic sunt dragoni », histoire d’occuper tout ce blanc qui faisait mauvais effet, au prix où étaient le papier et le parchemin, et puis ça vous posait le cartographe et ça laissait la porte ouverte à l’imagination, moteur de nombreux exploits géographiques. Les artistes, il les pensait tous « excentriques », ce qui, chez lui, s’apparentait aussi à « bons à rien ». Mais en découvrant l’univers des médiums et spirites, il venait de franchir un pas dans le bizarre et, ne nous voilons pas la face, la dinguerie. Un grand pas pour l’homme – pour l’Humanité, c’était sujet à discussion.
Il put enfin donner du biscuit à ronger au commissaire, entre quat’ z’yeux. Il avait pris des notes dans son petit calepin, avec un crayon gris minuscule dans sa grosse paluche, et couvert trois pages de pattes de mouche à usage privé. « Lajoie Augustin, de son vrai nom Vallais Augustin, né à Bussy-la-Pesle – non, pas la peste, la Pesle, comme une pelle, mais autrement – Côte d’Or, en 1896. Apparemment rien de bien significatif. En 1932, épouse Marie-Charlotte Noël, dite « Lucette », connue comme couturière, prostituée occasionnelle, non-encartée (à vérifier), née en 1913. Se sont installés à Melun, au domicile actuel, en 32 ou 33. A « profession », il est mentionné « sans ». »
– Souteneur ?
– Même pas, monsieur le commissaire. Même pas. Ou alors, Madame a cessé de vendre ses charmes avant leur arrivée.
– C’est bien dommage. Quel rapport avec Völkher ?
– J’y viens, monsieur le commissaire, j’y viens… Voyons… Voilà ! Depuis 1900 ou 1901, Vallais Augustin publie plusieurs articles dans une revue, La Revue Spirite, sous le pseudonyme de Lajoie.
– La Revue… Spirite ?
– Spirite, monsieur le commissaire, parler aux morts, tout ça…
– Je sais, Lemerchu, je sais. Je ne suis pas un imbécile ! Ça existe encore, ça ?
– Il faut croire, monsieur le commissaire. Alors Lajoie, ou Vallais, parle, lit et écrit couramment le boche. Non, non ! Ce n’est pas un agent des Boches, ou alors, ça ne nous regarde pas. C’est juste qu’il a étudié le boche et pas l’angliche. Les hasards de la vie, d’après ce que j’ai compris. Donc, dans la revue, il parle de… attendez… moi, le teuton… Voilà, je l’ai écrit là, enfin, pas moi, elle, sa femme : [épelage laborieux, pas la faute au crayon ; accent SGDG, pas la faute à la clope] Theozoologie oder die Kunde von den Sodoms-Äfflingen und dem Götter-Elektron ; pour moi, c’est du chinois. Ça vous parle ? C’est d’un certain… euh… Lanz.
– Connais pas.
– Vous voulez que je cherche ?
– Ne dites pas de conneries, Lemerchu ! Völkher ! Völkher !
– On y est, monsieur le commissaire ! On y est ! Völkher est membre d’un truc qui s’appelait Société Ariosophique…
– Ario…. S’appelait ?
– Ces… groupes… changent de noms assez facilement. Bref, à un moment, Völkher est entré en correspondance avec Lajoie, qui, à cette époque, en plus d’écrire dans cette revue et d’autres plus confidentielles, animait des soirées où il faisait tourner les tables…
– Esprits frappeurs, ectoplasmes, fantômes, oui, je vois. Bref, un escroc.
– Sans doute, monsieur le commissaire. Ils ont… accroché, peut-on dire. Et quand Völkher a appris que Lajoie vivait ici, il a voulu le rencontrer. C’est tout simple. Le hasard, là aussi.
– Le hasard ? Vous y croyez ?
– Difficile de penser que Völkher a fait des pieds et des mains pour être nommé ici, non ? Lajoie ne se sent plus, dit sa femme. C’est quasiment une reconnaissance de ses mérites.
– Une reconnaissance de ses… mérites ?
– Ben, monsieur le commissaire, c’est comme ça qu’il voit les choses. Alors… en ce moment, le… machinfureur…
– Sturmbannfürher, inspecteur, il va falloir que vous fassiez des progrès rapides !
– Heu, oui, monsieur le commissaire. En ce moment, le… Völkher est en Allemagne, mais dès son retour, il doit assister, non, participer, à une séance avec Lajoie et sa femme, à sa demande. Il y aura même le préfet.
– Le préfet ? Fichtre ! Bon, vous marchez sur des œufs, Lemerchu ! Vous marchez sur des œufs ! Je dois vous dire que si jamais… hem… cette histoire tournait mal, jamais je ne vous ai commandé quoique ce soit, Lemerchu. C’est clair ?
– Clair, monsieur le commissaire. C’est de la politique, ça.
– Voilà ! Vous avez compris au moins ça. Ah ! Savoir ce qu’il va se passer à cette soirée…
– Ça doit pouvoir se faire, monsieur le commissaire.
– ??
– Ben, Lajoie m’a à la bonne [Pas la peine de mentionner Lucette, on peut être inspecteur et gentilhomme.] alors, je suis invité.
– Invité ? Invité ! Diable ! Haaa ! Alors là, Lemerchu, là, vous m’impressionnez ! Franchement ! Suivant comment ça tourne, peut-être qu’une promotion… Et c’est pour quand ?
– Aucune idée, mais dès que je le sais, je vous en avertis.
– Bien, très bien. Vous pouvez disposer, inspecteur. Et surtout, motus ! Le Préfet ! Vous marchez sur des œufs ! La SS ! Le Préfet !… Soyez très prudent, pas d’impair, surtout, pas d’impair !
………
Ce soir-là, il y avait donc du beau linge chez les Lajoie. Völkher avait bien sûr proposé que la séance ait lieu dans l’enceinte de la FeldKommandantur, pour des raisons de sécurité et de prestiges national et personnel. Joigny tenait pour la Préfecture, question là encore de prestige – de l’Etat, mais surtout du sien – Lajoie avait été intraitable, ce serait chez lui. Pour une première séance, ce serait plus pratique, les esprits étaient habitués (?) au lieu, les vibrations y étaient excellentes, pour la Préfecture et la FeldKommandantur, rien n’était sûr, un échec pour une première fois aurait été malvenu.
Ce fut donc dans le salon qu’ils se retrouvèrent : Augustin, Lucette, Völkher (Lajoie lui donnait du « Edmund » à tire-larigot) en grand uniforme, bottes – astiquées, les bottes, fallait voir comme ! – casquette, ceinturon et étui ; Joigny, raide comme un passe-lacet, en civil – quand même ! – il serait bien venu avec madame, elle s’ennuyait, ce serait pour une autre fois, sans doute ; l’inspecteur – sans être endimanché, il avait fait un effort côté chemise et cravate – un médecin, familier du couple et apparemment de ce genre d’activité, bref six personnes, le bon nombre avait assuré Augustin. Pourquoi six et pas sept ou cinq ? « Six, voyons, pour le pentagramme ! » avait soufflé son voisin le praticien à Félicien – « Ah ! ». Pour l’instant, ils n’étaient que quatre autour de la table, ovale et non ronde, un modèle pour la giration duquel on devait faire appel à Hercule et Samson réunis et qui occupait le centre du salon, lequel était méconnaissable : les murs et le buffet en étaient masqués par de grands draps noirs, d’un noir un peu délavé, mais avec l’éclairage électrique réduit à une pauvre loupiote sur un mur, ça passait. Le plafond restait blanc, lui, enfin, clair, par manque de tissu, de toute évidence. Sans respirer la joie de vivre, l’atmosphère n’était pas macabre, mais on se serait attendu à une tête de mort posée au milieu de la table, elle aussi tendue d’une bonne longueur du même tissu tombant jusqu’à terre, et à un chandelier bien dégoulinant à chaque extrémité.
Avant que l’on ne pénètre céans, deux cerbères, en civil eux aussi, accompagnant Völkher, avaient minutieusement inspecté les lieux, le reste du rez-de-chaussée et l’atelier. Ils devaient chercher de dangereux terroristes, ou une bombe. Félicien n’avait pas envisagé une telle éventualité, qu’on disperse tout le monde aux quatre vents, honnêtement, ça l’aurait embêté, question éthique, va-t-on dire, mais qu’il fasse partie de la dispersion, il trouvait que ça n’eût pas fait très sérieux. Les terroristes dont il avait connaissance étaient plutôt du genre à défourailler sur un poste de garde ou à faire des allumettes avec le matériel de la SNCF, si en plus ils s’en prenaient aux forces de l’ordre régulières, au lieu des Boches ! Il n’avait pas encore de dent particulière contre ces derniers, juste ils n’étaient pas chez eux, quoi. Bref si ces fouteurs de m… de cocos s’en prenaient aussi aux flics français, aux vrais, pas aux autres zozos, on était mal partis, eux les premiers. Tout juste si les deux bouledogues – c’étaient aussi des flics, y’avait pas à chipoter là-dessus – n’avaient pas examiné le contenu des pots. Cependant, on avait échappé à une fouille au corps.
L’affaire rondement et méticuleusement menée, on avait pu s’installer, heureusement, il faisait bon, qu’est-ce que ça aurait été par un hiver comme le précédent ! Ensuite, Augustin et sa charmante Lucette s’éclipsèrent pour « se préparer », Félicien pensa à des mouvements de gymnastique. Gymnastique, je t’en fiche ! Quand ils reparurent, lui avait revêtu une sorte de grande robe de chambre, pas la précédente fort heureusement, ça aurait gâché la soirée. Celle-ci était propre, du peu qu’on pouvait en juger dans cette demi-obscurité, toute chamarrée et brodée de dorures. Quant à Lucette… elle était… à poil. Quasi. Elle n’avait gardé qu’une petite culotte même pas en dentelle. Elle se tortilla un bref instant sur sa chaise, le crin du capiton qui lui agaçait les miches, sans doute. Le Docteur, en habitué, n’y prit pas garde, l’Allemand semblait trouver ça normal, Joigny était estomaqué, il devait mentalement comparer les deux plastiques, celle de son épouse légitime et celle de la maîtresse de maison, heureusement, il n’avait pas la bouche ouverte, bien dressé le Préfet. Félicien aurait bien aimé savoir en faveur de qui tournait la comparaison, Madame la Préfète était assez bien foutue, pour le peu de temps qu’il avait pu l’entrevoir.
Après ça vira au n’importe quoi, enfin, n’importe quoi, c’est ce que Lemerchu rapporta – oralement – à qui de droit, car c’était du n’importe quoi qui lui fit quand même une grande impression. Tout d’abord, Madame entra « en transe », c’est-à-dire qu’elle ne fit rien – enfin, elle ferma un peu les yeux. Au bout d’un bref instant, d’une voix normale, alors qu’on se serait attendu à une intonation dite « sépulcrale », elle somma les esprits présents – qu’elle sentait présents, Félicien ne sentit rien, lui, sinon une vague odeur de térébenthine – de se signaler à l’assistance. Il n’y eut rien dans l’immédiat, puis chacun perçut comme un petit souffle lui caresser le col. Visiblement Joigny se serait bien gratté à cet endroit, mais chacun avait défense expresse de briser la chaîne de leurs mains jointives pour ne pas « rompre le cercle des ondes spectrales ». Alors Madame demanda que l’esprit se manifeste de façon plus évidente, et tout soudainement un coup fut porté sur la table, ils en entendirent distinctement le bruit, et sentirent même le bois du plateau vibrer sous leurs doigts. Dans la pénombre, Völkher semblait extatique et Joigny encore plus surpris que par les appas de Lucette. En habitué, le Docteur affichait une mine imperturbable, et l’inspecteur était indécis. Surpris, lui aussi. Surpris, mais en même temps, en bon flic, soupçonneux. C’était un truc à trucs de foire, se disait-il.
Alors la médium, d’une voix forte, demanda si l’esprit qui venait d’affirmer sa présence était celui d’un certain Penthou – où diable Félicien avait-il entendu ce blaze ? Ah, oui, à leur première rencontre – prêtre d’Amon de la dix-septième dynastie, auquel cas il lui était demandé de communiquer avec ses admirateurs par l’entremise de son hôte habituel. Une fois de plus, silence complet de deux ou trois minutes, puis Augustin parla, mais ce n’était pas sa voix. Celle-ci émit d’abord quelques borborygmes curieux – de l’égyptien antique, apprit l’inspecteur plus tard – puis, de façon plus intelligible, s’exprima en bon français, séparant les groupes de mots de grands silences, mais finalement, cela donna ceci : « Je suis Penthou, prêtre d’Amon, maître des Sept portes, fils de Moûth, lui-même fils de Semouth, qui reçut l’enseignement secret des Sept Sages. Que veux-tu ? » S’ensuivit un conciliabule à voix basse entre Lucette et Edmund, son voisin, à l’issue duquel Madame reprit la parole : « Eclaire-nous sur ce que sera demain. » Réponse : « Il ne m’est pas permis de vous révéler l’avenir, car vous n’êtes pas initiés aux mystères d’Amon. Cependant, le fils d’Atlantis volera vers le soleil et le fils de Wotan écrasera l’hydre aux mille têtes. »
Là-dessus, la séance s’interrompit, assez brutalement, sans crier gare. Félicien s’était attendu à un spectacle d’une durée plus raisonnable, le numéro était d’une brièveté à vous faire regretter l’absence à portée de main d’œufs fort avancés, mais l’assistance ne parut pas frustrée. Lucette semblait sur le point de perdre connaissance, le médecin était à ses côtés, il n’était donc pas là que pour une simple figuration, lui. On ralluma le lustre, les gardes postés à l’extérieur firent irruption dans la pièce, prêts à flinguer à tout va, Commissaire, je vous jure, un excès de zèle, cet éclairage soudain les avait alertés. Völkher les renvoya reprendre leur faction, il était aux anges, il s’entretenait en aparté avec l’Augustin, l’inspecteur n’avait rien compris, pourtant il avait tendu l’oreille autant que possible, sans doute du Boche, le seul mot qu’il avait saisi, ça avait été « lantis », ou quelque chose comme ça. Non, ça ne lui disait fichtrement rien. Lucette s’était remise rapidement et avait disparu dans sa chambre – elle et son mari faisaient chambre à part, lui en bas, près de son atelier, elle au premier – le préfet s’était esbigné vite fait, pressé de conforter ses impressions, son chauffeur l’attendait au bout de la rue, les Fridolins avaient été inflexibles là-dessus, la voie était bloquée aux deux extrémités, question de sécurité, pour la discrétion, on repasserait. Déjà qu’on avait commis une énorme entorse au couvre-feu, bien qu’on ait bénéficié de la bénédiction des couvreurs de feu. Fin de la séance, comme au cinoche, les Actualités en moins.
(A suivre – Encore environ quatre épisodes)
Dernière édition par Casus Frankie le Jeu Mai 02, 2024 12:23; édité 2 fois |
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loic Administrateur - Site Admin

Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10474 Localisation: Toulouse (à peu près)
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Posté le: Jeu Mai 02, 2024 10:35 Sujet du message: |
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Le supérieur de Félicien me fait vraiment penser au commissaire divisionnaire Legoff (joué par Quentin Baillot), de la série "Les petits meurtres d'Agatha Christie" (France 2), période "années 1970". _________________ On ne trébuche pas deux fois sur la même pierre (proverbe oriental)
En principe (moi) ... |
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patzekiller

Inscrit le: 17 Oct 2006 Messages: 4107 Localisation: I'am back
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Casus Frankie Administrateur - Site Admin

Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 15197 Localisation: Paris
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Posté le: Jeu Mai 02, 2024 12:04 Sujet du message: |
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@ Loïc = Eh ben non……
(en fait, Laurence, années 60, serait un meilleur choix)
@ Patzekiller = Eh ben non plus……  _________________ Casus Frankie
"Si l'on n'était pas frivole, la plupart des gens se pendraient" (Voltaire) |
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loic Administrateur - Site Admin

Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10474 Localisation: Toulouse (à peu près)
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Posté le: Jeu Mai 02, 2024 12:09 Sujet du message: |
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| Casus Frankie a écrit: | @ Loïc = Eh ben non……
(en fait, Laurence, années 60, serait un meilleur choix) |
Je ne pensais pas à l'ambiance, mais au personnage ("Et surtout, motus ! Le Préfet ! Vous marchez sur des œufs !")
| Citation: | | les appas de Lucette |
J'aurai plutôt écrit appâts. _________________ On ne trébuche pas deux fois sur la même pierre (proverbe oriental)
En principe (moi) ... |
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Casus Frankie Administrateur - Site Admin

Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 15197 Localisation: Paris
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Posté le: Jeu Mai 02, 2024 12:13 Sujet du message: |
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| loic a écrit: | | Casus Frankie a écrit: | @ Loïc = Eh ben non……
(en fait, Laurence, années 60, serait un meilleur choix) |
Je ne pensais pas à l'ambiance, mais au personnage ("Et surtout, motus ! Le Préfet ! Vous marchez sur des œufs !")
| Citation: | | les appas de Lucette |
J'aurai plutôt écrit appâts. |
1) Je pensais aussi au personnage…
2) Eh non - c'est bien appas. Oui, c'est du français ancien… On retrouve ce mot chez Brassens, par exemple.
Le ciel l'avait pourvue des mille appas
Qui vous font prendre feu dès qu'on y touche, _________________ Casus Frankie
"Si l'on n'était pas frivole, la plupart des gens se pendraient" (Voltaire) |
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houps

Inscrit le: 01 Mai 2017 Messages: 2087 Localisation: Dans le Sud, peuchère !
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Posté le: Jeu Mai 02, 2024 12:17 Sujet du message: |
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"Appât" désigne ce qui sert à appâter, attirer, souvent dans un piège.
"Appas" désigne ce qui charme. Alors, oui, parfois - souvent - les appas féminins peuvent servir d'appât (pour le gros).  _________________ Timeo danaos et dona ferentes.
"Les étudiants entrent à l'université persuadés de tout savoir. Ils en ressortent persuadés de ne rien comprendre. Où est passé le savoir ? A l'université, où on le sèche pour l'entreposer et en prendre soin." |
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ChtiJef
Inscrit le: 04 Mai 2014 Messages: 4259 Localisation: Agathé Tyché
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Posté le: Jeu Mai 02, 2024 12:57 Sujet du message: |
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Moi, c'est surtout sur les mains jointives que j'ai tiqué...
Le terme est "technique", disent conjointement le Larousse et le Rey.. _________________ Vous aimerez la paix comme le temps qui sépare deux guerres. (F. Nietzsche) |
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John92
Inscrit le: 27 Nov 2021 Messages: 1468 Localisation: Ile de France
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Posté le: Jeu Mai 02, 2024 12:58 Sujet du message: |
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…
« Lajoie Augustin, de son vrai nom Vallais Augustin, né à Bussy-la-Pesle – non, pas la peste, la Pesle, comme une pelle, mais autrement – Côte d’Or, en 1896 .
…
– J’y viens, monsieur le commissaire, j’y viens… Voyons… Voilà ! Depuis 1900 ou 1901 (il est précoce le bougre^^ ), Vallais Augustin publie plusieurs articles dans une revue,
…
C’était un truc à trucs ( ???) de foire, se disait-il.
… _________________ Ne pas confondre facilité et simplicité |
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houps

Inscrit le: 01 Mai 2017 Messages: 2087 Localisation: Dans le Sud, peuchère !
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Posté le: Jeu Mai 02, 2024 13:10 Sujet du message: |
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Très précoce ! 1920-21 serait mieux ! _________________ Timeo danaos et dona ferentes.
"Les étudiants entrent à l'université persuadés de tout savoir. Ils en ressortent persuadés de ne rien comprendre. Où est passé le savoir ? A l'université, où on le sèche pour l'entreposer et en prendre soin." |
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houps

Inscrit le: 01 Mai 2017 Messages: 2087 Localisation: Dans le Sud, peuchère !
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Posté le: Jeu Mai 02, 2024 13:12 Sujet du message: |
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| ChtiJef a écrit: | Moi, c'est surtout sur les mains jointives que j'ai tiqué...
Le terme est "technique", disent conjointement le Larousse et le Rey.. |
distinguo "jointes", généralement de la même personne, (ex : prière) de "jointives " : qui se touchent, mais pas du même individu. _________________ Timeo danaos et dona ferentes.
"Les étudiants entrent à l'université persuadés de tout savoir. Ils en ressortent persuadés de ne rien comprendre. Où est passé le savoir ? A l'université, où on le sèche pour l'entreposer et en prendre soin." |
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loic Administrateur - Site Admin

Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10474 Localisation: Toulouse (à peu près)
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Posté le: Jeu Mai 02, 2024 13:27 Sujet du message: |
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| Casus Frankie a écrit: | 1) Je pensais aussi au personnage…  |
Mais pour l'inspecteur, pas le commissaire, du coup ? _________________ On ne trébuche pas deux fois sur la même pierre (proverbe oriental)
En principe (moi) ... |
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