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Asie-Pacifique, Mai 1944
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Archibald



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MessagePosté le: Jeu Nov 03, 2022 12:26    Sujet du message: Répondre en citant

Généralement je crois pas trop a ce genre de truc, mais si c'est vraiment le cas - l'on peut dire que leur guerre du Vietnam a eux les a sacrément punis, quelle ironie (et en plus, ça rime).
Misère, quel bourbier ce truc là aussi. Et chapeau aux Vietnamiens, qui en 35 ans se sont payés des victoires contre 3 des 4 plus grosses armées du monde. Les français, check; les américains, check; et finalement, les chinois. Tout ça entre 1945 et 1980. Ne leur manquaient que les Soviétiques, mais ils ont été magnanimes et ont laissés les afghans s'en charger (avec brio d'ailleurs). Bon ils étaient un peu fatigué aussi, même Chuck Norris a ses limites (encore que...)
Quand je vous dit qu'il y a des peuples comme ça, faut jamais, JAMAIS piquer une guerre avec eux.
_________________
Sergueï Lavrov: "l'Ukraine subira le sort de l'Afghanistan" - Moi: ah ouais, comme en 1988.
...
"C'est un asile de fous; pas un asile de cons. Faudrait construire des asiles de cons mais - vous imaginez un peu la taille des bâtiments..."
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marc le bayon



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MessagePosté le: Jeu Nov 03, 2022 12:44    Sujet du message: Répondre en citant

l'Algérie c'était 4 départements français.
91, 92, 93 et 94 qui ont déménagé ensuite autour de Paris après la Chute...
Et c'est pour cela que les actes administratifs des Français nés en Algérie avant 1962 (Actes de naissances, Doits des familles, etc... ) sont gérés par une Officine du Ministère des Affaires étrangères, à Nantes.
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Marc Le Bayon

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Casus Frankie
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MessagePosté le: Jeu Nov 03, 2022 13:40    Sujet du message: Répondre en citant

24 mai
Campagne de Malaisie
Opération Stoker
Lhokseumawe
– Les sirènes d’alerte sonnent sur les aérodromes du 24e Sentai : un nouveau raid américain arrive. Les Ki-43 grimpent à haute altitude pour se placer convenablement pour l’interception et ont la désagréable surprise de constater que le raid en question n’est constitué que de chasseurs. Ces derniers sont des P-47 des 88th et 89th FS, qui vont profiter de l’énorme réserve de puissance de leurs moteurs pour dominer leurs adversaires. Deux P-47 seront perdus contre six Ki-43.
Pendant ce temps, arrivant à basse altitude et passant au sud par l’intérieur des terres, les B-25 des 490th et 491st BS et du Sqn 18, couverts par des P-40 du 90th FS opérant avec réservoir supplémentaire, surprennent totalement les défenseurs au sol. Les pertes sont terribles : pas moins d’une vingtaine d’appareils de tous types sont détruits sur les deux aérodromes ciblés, sans parler des bâtiments démolis et des personnels tués ou blessés. Un seul B-25 est endommagé par la DCA.

Campagne d’Indochine
Bataille de la RC-4
Cote 533
– Dispersés dans des trous individuels rapidement creusés, les Japonais ont attendu que l’ennemi soit à trente mètres pour ouvrir le feu. Invisibles dans la pénombre, ils ont tiré le premier sang. Grenades, fusils et FM déchirent la nuit d’éclats brutaux qui éclairent brièvement le chaos – des corps montant la colline, hachés par le feu mortel qui s’abat sur eux. Le mortier de la compagnie soutient l’assaut en crachant ses obus derrière les premières vagues.
C’est un carnage. Les cris de terreur des bo-dois glacent le sang de Kujo, bien heureux que l’obscurité lui épargne le spectacle de la déroute ennemie. Autour d’eux, la bataille a débordé sur les collines proches, tout le bataillon fait feu sur la seconde vague qui se regroupe déjà.
Vers 02h00, enfin, le clairon sonne sinistrement au sud-ouest. D’autres appels lui répondent de proche en proche. Les Vietnamiens cessent le feu d’un seul coup et se replient. Une simple pause ? Peu probable à moins d’une feinte – toujours possible – car on entend l’ennemi s’éloigner. Le silence retombe d’un coup. Enfin, presque le silence, car les bruits de la bataille ont cédé la place aux gémissements des blessés. L’un des partisans du Hei Ho commandés par Kujo gît au sol, hurlant, les mains plaquées sur son ventre ouvert, entouré par deux de ses camarades, les yeux remplis de larmes. Le capitaine Kimura s’approche et grimace – la blessure est atroce et fatale. Il sort son pistolet. « La bonté pour l’homme est d’abréger la vie » dit un proverbe chinois.
On se relaie pour dormir, l’arme à portée de la main, l’ennemi pourrait réattaquer. Pourtant, les premiers rayons du soleil révèlent une vallée de Quang Liet désertée.
………
Un travail horrible de plus. Il y a quelques mois, Kujo aurait sans doute vomi si on l’avait obligé à fouiller des corps. À présent, c’était juste désagréable. On s’habitue à tout, mais quelque chose en lui s’épouvantait : devait-on aussi s’habituer à ça ?
Le caporal Kazuya embrasse du regard le champ de bataille. Comme lui, des dizaines de soldats s’efforcent de trouver les vivants pour les soigner, et retournent les cadavres pour leur faire les poches à la recherche de munitions, d’armes et de documents. Kujo s’approche de quelques hommes fauchés par l’explosion d’un obus de mortiers. Des papiers claquent au léger vent matinal, ils sortent d’une sacoche éventrée par les shrapnels. Le caporal retourne le corps. Comme tous les Vietminh, les officiers ne portent pas d’insignes sur le champ de bataille. Pourtant celui-ci a un uniforme mieux coupé, plus propre aussi. Kujo s’empare des papiers et d’un carnet puis tressaille en reconnaissant le ceinturon et l’étui typiquement japonais portés par l’officier. Faisant signe aux autres de continuer sans lui, il retourne au PC de la compagnie avec son butin.
– Mon capitaine, je sais pourquoi l’ennemi a cessé de nous attaquer. Nous avons tué l’officier qui commandait l’assaut.
Le caporal montre les papiers (en vietnamien) dont il s’est emparé.
– Le capitaine Sàu Nhàt (c’est un pseudonyme, pas un vrai nom) transportait de nombreux documents, hélas endommagés par l’explosion qui l’a tué. Je suggère respectueusement d’affecter quelqu’un à leur traduction.
– Vous lisez le vietnamien, Kazuya, n’est-ce pas ? Donc, je vous les confie.
– A vos ordres, mon capitaine. Mon capitaine ?

Kimura, qui s’éloignait déjà, fronce les sourcils. Le caporal lui tend un pistolet dans son étui.
– C’est l’arme du lieutenant Takagi, je l’ai reconnue à sa dragonne tressée. Je pense qu’il peut à présent reposer en paix, nous l’avons vengé.
Le capitaine Kimura reste pensif une longue minute, les yeux posés sur le Nambu. Puis il se secoue : « Gardez-la, c’est vous qui l’avez trouvée. »
………
Le bataillon Shimizu a survécu, mais la bataille de Cao-Bang vient d’être perdue. Retardé par l’assaut des Vietminh, le bataillon n’a pu rejoindre la cote 477. La situation de Tanaka, à présent complètement encerclé à Coc Xa, devient critique. Les nouveaux ordres parvenus à Shimizu sont de rejoindre le colonel. Pauvre renfort : le bataillon a perdu deux sections complètes, il est à court de munitions et il a dû abandonner en chemin la plus grande partie de son armement lourd.
À nouveau il faut se traîner par des sentiers caillouteux, en trébuchant sous le poids des civières chargées de blessés. Bien entendu, les Viets ne se contentent pas de regarder. Comme la route s’étrécit encore, une embuscade se referme sur la queue de la colonne. Alors, c’est chacun pour soi ! Les pelotons de tête courent pour sortir du piège tandis que ceux qui sont pris dans l’attaque tentent de survivre… La rage au cœur, le major Shimizu espèrent qu’ils retiendront l’ennemi assez longtemps pour permettre au reste de rejoindre Tanaka.

La guerre sino-japonaise
Opération Ichi-Go
Province du Henan (Kogo)
– Dans les dernières heures de la nuit, selon l’habitude japonaise, la troisième phase de l’opération Ichi-Go est lancée ; elle est baptisée Kogo. Tandis que les 15e et 116e Divisions de la 13e Armée font mouvement vers le sud, respectivement de Luoyang et de Zhengzhou, les 3e et 40e Divisions de la 11e Armée, partant de Wuhan, se dirigent l’une vers le nord-ouest et l’autre plein nord. Le vaste saillant formé par le sud du Henan et le nord du Hubei, entre le Fleuve Jaune et le Yangzi, est en train de faire l’objet d’une double attaque en tenaille ! A l’est, la 116e Division au nord et la 40e Division au sud convergent le long de la ligne de chemin de fer Zhengzhou-Wuhan ; à l’ouest, la 15e Division au nord et la 3e Division au sud visent la ville de Nanyang.
La région est défendue par la 68e Armée, une force dont la réorganisation et la modernisation n’ont pas jusqu’alors été jugées prioritaires ; au contraire, elle a été régulièrement ponctionnée en hommes et matériel depuis deux ans au profit de théâtres d’opérations plus actifs. Sa taille effective n’est à présent guère supérieure à celle d’une division, et les troupes qui lui restent sont sous-équipées. Sans être totalement incompétent, son commandant le général Liu Yuzhen ne doit sa place qu’au népotisme : le précédent commandant de la 68e Armée n’était autre que son frère… L’état-major chinois décide de lui envoyer en renfort la 6e Armée (général Gan Lichu), ainsi que la 66e Armée, récemment revenue de Birmanie.
………
Vallée de la Rivière des Perles (Togo-2) – Les combats font rage dans les Nouveaux Territoires ; l’un après l’autre, les éléments avancés des défenses chinoises sont tournés puis, une fois isolés, réduits par des assauts féroces. En fin de journée, les Japonais atteignent le fleuve Sham Chun, qui marque la limite de l’ex-colonie britannique.
Les Chinois se sont hâtivement retranchés sur la rive nord, mais à la faveur de la nuit, les Japonais lancent plusieurs tentatives d’établir des têtes de pont qui ne sont repoussées qu’avec difficulté. La fatigue, les pertes non remplacées, et l’usure du matériel au cours de l’opération Bailu diminuent grandement la valeur combative des troupes de la 52e Armée. De surcroît, elles ne peuvent espérer de renforts, car Li Zongren a ordonné aux 1e et 5e Armées (elles-mêmes très diminuées) de se diriger vers l’est pour bloquer l’avancée des attaquants venus de Shantou.
………
Kunming – Dans la soirée, Tchang Kai-chek, qui avait déjà au prix d’une acrobatie rhétorique admis le principe d’une participation britannique à la future libération de Hong Kong, conclut devant la gravité de la situation qu’une autre aide étrangère va s’avérer indispensable à court terme. Le CEFC étant encore en cours de constitution, il décide de se tourner vers les Américains – et tant mieux, au final, si cela ne plaît pas trop aux Britanniques : le Généralissime n’a jamais été homme à laisser passer une occasion de jouer ses alliés les uns contre les autres. Albert Wedemeyer, réticent, finit par se laisser convaincre lorsque Tchang et Chen Cheng évoquent le risque de reperdre Canton et son précieux port, justement en cours de remise en état par les Seabees américains. A contrecœur, il autorise le déploiement de la 41e DI-US en renfort des Chinois.


25 mai
Campagne de Malaisie
Opération Stoker
Langsa
– Bien que détectés à temps, les B-24 de la 10th Air Force ne rencontrent que peu d’opposition, en partie en raison du raid de la veille. Aucun des Oscar, pourtant positionnés correctement, n’arrive à percer l’écran constitué des Lightning des 449th et 459th FS. Le score est de deux Hayabusa perdus contre un P-38 dont le pilote, obligé d’amerrir sur le chemin du retour, sera récupéré par un Catalina du VP-84. La précision n’est cependant pas au rendez-vous, puisque seul deux bombent toucheront l’aérodrome, sans même endommager les pistes.

Campagne d’Indochine
Bataille de la RC-4
Coc Xa
– Le bataillon Shimizu a marché toute la nuit, suivant un parcours sinueux pour éviter d’autres embuscades. Il atteint Coc Xa au matin, amputé de la moitié de ses troupes (une partie des soldats se sont seulement perdus ; ils rejoindront Coc Xa dans la journée par petits groupes : au soir, le bataillon disposera des deux tiers de son effectif d’origine).
Tanaka a installé son camp au sommet d’une falaise haute de plus de cent mètres. Une véritable forteresse naturelle accessible par un simple sentier. À mi-chemin, une section FM est installée, prête à faire feu sur ceux qui oseraient monter. Au sommet, on aboutit à un cirque rocheux de près de cinq cent mètres de large occupé par un bataillon retranché. Le lieu est imprenable, et il y a même plusieurs ruisseaux et sources.
Le colonel se porte à la rencontre de Shimizu. Il est épuisé et inquiet. Il n’a pas eu de contact radio avec la garnison de Cao-Bang depuis deux jours. Par contre, le lieutenant Chiba a réussi à passer avec les blessés du bataillon Shimizu. La colonne Tanaka compte à présent de nombreux invalides qu’il faudrait porter, mais les coolies ont pris la fuite il y a longtemps, avec les mules. Pour tenter de décrocher, il faudrait abandonner les blessés.
Les hommes de Shimizu sont conduits près d’une source qui leur fournira de l’eau potable. Un repas est distribué – mais il n’y a qu’une ration pour deux personnes. Ironiquement, il s’agit de rations K américaines : des boîtes en carton verdâtre recouvert de cire qui en garantit l’étanchéité, le tout enveloppé d’un plastique laiteux. Elles contiennent des biscuits, des céréales agglomérées, des bonbons vitaminés, une conserve de “singe”, un tube de lait concentré et du beurre de cacahuète. Il y a aussi des cachets de permanganate pour la purification de l’eau, des cigarettes : Kensitas, Camel ou Lucky Strike, et… des préservatifs. La moitié du parachutage de la veille est tombé en secteur japonais !
Les munitions sont un autre problème. Il y a du 6,5 mm en pagaille pour les fusils type 38 et les FM type 11, grâce, encore une fois, au parachutage maladroit de la veille : bon nombre des douilles portent le sigle de l’arsenal de Dum-Dum (Inde) ; ces munitions ont été produites par les “Colonialistes” pour armer leurs “supplétifs” vietnamiens armés d’armes japonaises de prise. Il y a assez de 8 mm pour les pistolets type 14 et 94, mais pas un seul chargeur de 7,7 pour les FM type 96 ou les fusils type 99. Il faudra se contenter des maigres réserves du bataillon.
En discutant avec les hommes de la logistique, Kujo apprend que l’ennemi leur a involontairement livré un grand nombre de grenades… mais sans allumeurs, enlevés pour éviter les accidents lors du parachutage. La veille, le lot contenant les allumeurs est tombé en secteur vietnamien et les grenades sans allumeurs chez les Japonais. Résultat, les deux camps sont privés de grenades…
Au lever du jour, le caporal Kazuya est attiré à l’écart par les Vietnamiens du Hei Ho. Ces derniers lui montrent un petit jardin de manioc. Les Japonais n’ont pas reconnu ces plantes comestibles. Parce qu’il a combattu avec eux ces deux derniers jours et qu’il parle leur langue, Kazuya Kujo pourra profiter de leur festin de tubercules grillés sous la cendre. Il réussit toutefois à convaincre les Vietnamiens qu’il sera de bon goût (et de bonne politique) de partager cette manne avec les officiers du bataillon.
Alors qu’il retourne voir le major Shimizu, il trouve ce dernier en grande discussion avec ses subordonnés. En fait, il est surtout en train de sortir une colère rentrée depuis des jours : « Tous les Viets de la région convergent sur Coc Xa ! Mais comment ont-ils pu se tromper à ce point ? Ce n’est plus une erreur stupide, c’est de l’aveuglement ! »
« Ils »
, dans ce contexte, c’est forcément le GQG d’Hanoi.
Le lieutenant Suzuki sourit avec amertume : « Vous savez bien que, depuis le début, l’évacuation de Cao-Bang n’est pas une opération militaire mais une opération politique. Les ordres étaient donc inadaptés à la situation sur le terrain. Parce qu’ils n’ont pas voulu voir la force de l’ennemi, parce que dans leurs petits jeux de préséance entre l’empereur Cuong De, nos représentants civils, ceux de la Marine et ceux de l’Armée, ils prêtaient plus d’attention aux moqueries des Français qu’à nos rapports, que personne n’avait envie de lire ! »
Kazuya Kujo ouvre de grands yeux, stupéfait qu’un simple lieutenant puisse critiquer le GQG, même sans le nommer, aussi ouvertement, avec une telle acrimonie. Plus étonnant encore, aucun de ses supérieurs ne le contredit.
– En fait, tout ça a été déclenché par ces articles de La Patrie Annamite… Nous allons tous mourir à cause de leur réaction à des articles qu’ils ont officiellement ignorés.
Le major Shimizu crache le reste fibreux du manioc et se lève : « Allez dormir. Nous allons bientôt avoir à nous battre pour l’Empereur. »

La honte chez l’ennemi
Hôtel Métropole (Hanoi)
– Au QG de l’armée japonaise en en Indochine, l’inquiétude grandit depuis deux jours. On est sans nouvelle de la colonne Tanaka ou de la garnison de Cao-Bang du lieutenant-colonel Murasaki. Seul subsiste un contact radio avec la garnison – à présent squelettique – de That Khé. Les radios de That Khé accrochent bien de temps en temps d’autres émetteurs japonais, mais leurs messages sont presque incompréhensibles. Ils parlent de combats violents et de nombreux blessés laissés sans soins. De That Khé, on entend des bruits de combats au nord-est. On a aussi vu des bombardements aériens et même un parachutage de renforts ennemis à l’ouest de Dong Khé.
Pour ajouter l’insulte à la blessure, les seuls renseignements qui arrivent aux Japonais sur la situation près de Cao-Bang proviennent de la feuille de chou honnie du général Rikichi : La Patrie Annamite. En première page, une photo montre des irréguliers vietnamiens plantant le drapeau vietminh sur la citadelle de Cao-Bang Le journal se répand fielleusement sur l’incurie des Japonais qui ont engagés à la légère le 215e Rgt du colonel Sinichi Tanaka et les deux bataillons de la garnison de la RC-4. Il affirme aussi que Tanaka est encerclé à Coc Xa et que Murasaki est harcelé dans la vallée de Quang Liet.
Tandis que Rikichi traite toutes ces informations de « propagande colonialiste », les autres officiers réagissent avec virulence, chacun tâchant de rejeter la faute sur les autres. Tous ont compris que la bataille de Cao-Bang est un désastre. Personne ne s’attaque directement au gouverneur militaire, mais les regards qui fuient le sien en disent plus long que des mots. Ce n’est pas le respect qui les retient : sa responsabilité comme principal donneur d’ordre ne fait aucun doute. Mais qui va tomber avec lui ?
Le major-général Andou Rikichi tempête, nie, se contredit, exige qu’on lui donne la liste des effectifs disponibles pour créer une colonne de secours, alors que tous savent qu’il faudrait des jours pour réunir ne serait-ce que deux mille hommes provenant d’unités dépareillées et qui manquent déjà d’effectifs. La bataille serait terminée avant même qu’ils ne se mettent en route. Les officiers détournent le regard, gênés. Soudain, Rikichi se dresse, congestionné, haletant – il fait un malaise !
On se précipite. Tandis qu’un major court appeler un docteur, un officier ouvre les fenêtres, les autres soutenant leur supérieur qui vacille en tentant de dénouer son col. Alors qu’il boit un verre d’eau qu’on lui a tendu, Rikichi croit revoir avec une précision glaçante le général Tyo, son prédécesseur. Le gouverneur déchu l’avait pratiquement supplié de ne pas renouveler son erreur en allant engager l’ennemi dans les Hautes-Terres…
Rikichi n’avait pas écouté. En envoyant la 56e Division au Laos, il a permis la réussite de l’offensive du Têt. Ses supérieurs à Tokyo l’ont sûrement compris, mais comment lui reprocher d’avoir aidé les Thaïlandais ? S’il ne l’avait pas fait, toute l’armée aurait perdu la face ! Hélas, en envoyant le 215e Rgt à Cao-Bang, il a reproduit la même erreur. Ses yeux se posent avec horreur sur le journal français chiffonné au milieu de la table de conférence… Cette fois, l’ennemi a médiatisé la catastrophe de telle manière que son déshonneur soit étalé aux yeux de tous ! Encore le général ignore-t-il que l’essentiel de ce plan est né du cerveau d’une très jeune femme, ce qui lui épargne le seppuku immédiat…
– Je… je suis seul responsable de ce désastre et j’accepterai le jugement de Sa Majesté et de mes pairs. Pour l’heure, il faut tenter de sauver Tanaka et Murasaki. Appelez le commandement de nos forces en Chine, demandez-lui de l’aide !
Les officiers s’entre-regardent. Chacun exprime à sa manière une sensation d’abattement et même de honte. Certains fixent le vide droit devant eux, comme changés en statues. D’autres sont abîmés dans de sombres pensées. L’un d’eux salue et va porter l’ordre du gouverneur à l’étage des communications. Tous – à commencer par Rikichi – savent que l’appel sera vain. Les troupes occupant le sud de la Chine n’ont en tête que la défense de Hong-Kong. Les problèmes du Tonkin doivent leur paraître infiniment lointains. Cependant, il faut bien faire quelque chose… et dans une situation aussi honteuse, demander de l’aide n’est plus aussi difficile.
– Rappelez le reste de la 33e Division ! Il y a trop peu d’hommes à Hanoi et dans le Delta… si le 215e Rgt est détruit, nous serons vulnérables !
Rappeler la 33e, c’est abandonner sans combattre ce qui reste de l’Annam et tout le sud du Tonkin. Mais on n’est plus à ça près !
………
Bataille de la RC-4
Coc Xa
– La matinée a été calme. On n’entend que des coups de feu lointains et espacés. Ce n’est qu’en début d’après-midi que les Colonialistes ou leurs supplétifs accentuent la pression en accroissant le rythme des tirs de 81 mm.
Le moral remonte lorsque la radio joint enfin le lieutenant-colonel Murasaki. La garnison de Cao-Bang est encore à plein potentiel… si on excepte l’abandon du matériel lourd en chemin. Ils sont arrivés à la cote 477, qui domine la vallée de Quang Liet, mais l’ont trouvé tenue contre eux par des troupes colonialistes en uniforme américain. [Un bataillon de légionnaires du 1er REP venu de Dong Khê a pris la position ; les deux autres bataillons sont à proximité. Le régiment a pour mission d’empêcher par tous les moyens la jonction de Tanaka et de Murasaki.]
Tanaka manipule ses cartes, donne des ordres. La nouvelle se répand jusqu’au moindre troupier : demain, on va sortir pour rompre l’encerclement, parvenir jusqu’à la colonne Murasaki et atteindre That Khê avec elle. C’est leur dernière chance, tous en sont conscients.
Cependant, depuis le début, l’opération d’évacuation de Cao-Bang est frappée d’une véritable malédiction. Chaque fois que les Japonais arrêtent un plan d’action, il se passe quelque chose qui le rend caduc.
À 17h00, les Vietnamiens attaquent !
De l’intérieur de la cuvette de Coc Xa, on entend une fusillade nourrie qui semble provenir de toutes les directions à cause de l’écho. Le temps d’envoyer des hommes vers les avant-postes… déjà la source à l’entrée du cirque rocheux est tombée ! Submergée par le TD 36, de la Division 308, la section chargée de la défense n’a eu d’autre choix que de décrocher.
Le capitaine Kimura lance ses hommes dans une contre-attaque immédiate. Mais l’ennemi a déjà commencé à se retrancher et dispose de plusieurs FM. Non seulement les Japonais sont fixés par leurs rafales, mais l’ennemi arrive aussi des hauteurs sur les deux flancs. Les pertes s’accroissent rapidement, Kimura recule tandis que plusieurs autres contre-attaques échouent.
Comme le capitaine Kimura rejoint la cuvette avec ses hommes, le major Shimizu l’informe que le bataillon vient de recevoir une mission des plus honorables : forcer le chemin demain pour sortir du cirque. Il faudra s’ouvrir un passage, à n’importe quel prix !
Shimizu et Kimura ignorent qu’à ce moment, le TD 174 et le 1er RIMP sont en train de se poster le long du Song Bac Khé pour couper la route de That Khé aux unités japonaise qui réussiraient à rompre l’encerclement. Mais le savoir ne les ferait évidemment pas reculer.

La guerre sino-japonaise
Opération Ichi-Go
Vallée de la Rivière des Perles (Togo-2)
– Les défenseurs de Shenzhen ont la surprise de voir surgir 12 Ki-51 escortés de sept Ki-43. Ces avions du 9e Sentai, venus de Nankin via Xiamen, se sont posés sur le terrain de repli de l’île Wanzai. C’est de ce terrain qu’ils arrivent, volant le long du littoral au raz des vagues pour échapper à la détection radar alliée. Avant que les chasseurs chinois aient le temps de réagir, ils appuient efficacement les troupes japonaises, qui tentent de créer deux têtes de pont sur la rive nord du fleuve. Deux “Sonia” sont abattus par la DCA et un autre endommagé, mais en fin de journée, les deux têtes de pont sont solidement établies.


26 mai
Campagne de Malaisie
Opération Mary
Singapour
– Dans la nuit, le port de la colonie est à nouveau la cible des Halifax et des Wellington basés en Birmanie. Comme d’habitude, des docks sont détruits et plusieurs projectiles tombent à moins de cent mètres du croiseur Yubari. En dépit du décollage de deux Ki-45 du 103e Sentai, aucun appareil allié n’est abattu, les projecteurs de la défense aérienne ne réussissant à accrocher dans leur faisceau aucun des bombardiers.

Blocus naval
Golfe de Thaïlande
– Les missions d’interdiction navale continuent. Le dispositif allié comprend le Sqn 2 (RIAF) et le Sqn 27, volant respectivement sur Banshee et Beaufighter, les Beaumont des Sqn 47, 84, 3 (BVAS) et 4 (BVAS) et les flottilles 10F et 17F de la Marine Nationale, sur Beaufighter et PBJ. Le cargo Eikyo Maru est copieusement mitraillé par les “Beauf” et touché à la poupe par une bombe d’un “Michel”. Sévèrement endommagé, le navire met le cap au sud pour longer au plus près la côte de Bornéo.

Campagne d’Indochine
Bataille de la RC-4
Coc Xa
– Maîtres des hauteurs, les Alliés peuvent arroser d’obus de 81 mm les hommes de Tanaka bloqués dans la cuvette de Coc Xa. De plus, les Vietminh feignent à plusieurs reprises de lancer l’assaut en se déplaçant autour de leurs positions et en criant des menaces en japonais phonétique. Mais c’est seulement pour éprouver les nerfs de leurs adversaires : pourquoi attaqueraient-ils des positions retranchées alors que l’ennemi sera contraint de sortir avant que ses vivres ne s’épuisent ? Toujours accompagné de neuf Vietnamiens du Hei Ho, Kujo s’est abrité contre la paroi du cirque rocheux quand dans la nuit, vers 01h30, l’un de ses hommes revient vers ses camarades.
– Il y a un passage qu’on peut emprunter pour sortir.
– Un passage ?
– Oui, mais pas pour le régiment, c’est trop dur. Venez !

Intrigué, Kujo suit le partisan. Ce dernier le conduit en un point du périmètre où la falaise tombe directement jusqu’à la source, loin en contrebas. Dans l’obscurité, on entend l’eau courir mais on ne voit qu’un étroit surplomb.
– Mais de quel passage parles-tu ?
– Par les lianes, caporal. On descend jusqu’à la corniche, ensuite il y a des éboulis qui forment un escalier jusqu’en bas.

Et tout cela dans le noir, avec des lianes en guise de corde… sans compter le risque d’être aperçu par les Vietminh lors de la descente. Mais c’est quand même plus sûr que de passer par l’entrée principale, gardée par des milliers d’ennemis.
Dans la pénombre, il n’est pas aisé de retrouver le capitaine Kimura. Informé, celui-ci insiste pour se faire conduire sur place et juger de la découverte de ses propres yeux. Dans le ciel gronde un orage qui ne tarde pas à éclater. La pluie est une bonne chose, si elle devait continuer à tomber demain, l’ennemi ne pourrait utiliser ses avions et les chances de percer en seront augmentées. De retour au passage découvert par le Viet, les gouttes commencent à tomber tandis qu’une fulgurance soudaine déchire le ciel, précédant les tambours de Raiden.
Le capitaine Kimura regarde les lianes, estime la profondeur du gouffre.
– Un seul homme peut descendre à la fois. Ce qui veut dire qu’on l’on ne pourra faire passer par ici qu’une petite troupe.
Alors qu’ils reviennent au campement principal, le major Shimizu s’avance vers eux. Le colonel Tanaka a donné de nouveaux ordres. La pluie est une chance, car elle gêne les tirs de l’ennemi. Vu qu’il est impossible de se reposer, autant attaquer maintenant.
Il est près de quatre heures du matin lorsque l’assaut commence. Mais l’effet de surprise est raté ! Malgré l’obscurité, les Vietminh se sont aperçus de la préparation de la sortie. Ils tirent les premiers et l’assaut est un véritable cauchemar. Des armes collectives balaient le sentier vers la source. Les traçantes sifflent tandis que les grenades explosent en flashs brefs et brutaux. L’air est ébranlé du vacarme des tirs multiplié par les échos sur les falaises alentours. Les cris des hommes traduisent la colère, la peur et la douleur.
La charge, sans le soutien d’armes collectives que Tanaka juge inefficace dans l’obscurité, s’embourbe dans un tapis de cadavres. L’une après l’autre, les trois compagnies sont décimées, les officiers tombant parmi leurs hommes en cherchant à les faire avancer un mètre de plus. Kujo attrape le bras de Kimura pour lui parler à l’oreille, on ne s’entend plus autrement dans ce vacarme de fin du monde.
– Nous ne passerons pas comme ça, mon capitaine ! Donnez-moi l’autorisation d’utiliser les lianes avec les Vietnamiens.
Le capitaine n’hésite qu’un instant. Une lumière grise commence à filtrer sur le champ de bataille ; les minutes sont comptées. Il faut passer coûte que coûte.
– Au point où on en est… Caporal, prenez les hommes du Hei Ho et tentez de rejoindre la colonne Murasaki. C’est un ordre.
………
Descendre trente mètres par les lianes est une opération risquée, mais les dix hommes qui tentent le passage se retrouvent en bas sans incident. Aucun point d’appui vietnamien n’a une vue directe sur cette partie de la falaise, masquée par une avancée de terrain, et au pied des éboulis, d’épais taillis cachent facilement les rescapés.
Ils partent vers l’ouest, espérant éviter la cote 477 et remonter la vallée de Quang Liet vers le nord, en contournant Dong Khé (toujours tenue par l’ennemi). Après un an passé dans la région, Kujo ne connaît qu’une route possible pour ne pas être repéré par les Viets qui empruntent la vallée : par les crêtes. Malheureusement, c’est aussi le chemin qu’empruntent les servants d’armes collectives et les tireurs isolés, enfin tous ceux qui les canardent d’en haut depuis des jours.
………
L’un des plus violents combats de la campagne d’Indochine commence à cet instant. Après l’échec du bataillon Shimizu, littéralement massacré dans sa tentative de reprendre la source, c’est tout le 215e Rgt qui monte à l’assaut en une charge banzaï aussi effrénée que suicidaire tandis que leurs armes collectives ouvrent un feu d’enfer vers les hauteurs. Les armes automatiques, les mortiers et les grenades fauchent les attaquants, mais emportés par leur dévouement au Grand Japon, les Japonais s’emparent d’un barrage après l’autre, à la baïonnette ! Au bout de plusieurs heures, les combats se terminent par une victoire japonaise de justesse, car les pertes sont lourdes des deux côtés et les Vietnamiens, qui arrivent au bout de leurs munitions, se replient.
Cependant, il s’agit de la dernière victoire du 215e Rgt. Le nombre de morts et de blessés est effarant, laissant la formation exsangue. Combinée à l’épuisement et au manque de munitions, l’hécatombe de la bataille de Coc Xa a réduit à presque rien le potentiel combatif du régiment.
Pour essayer de forcer le passage, le colonel Tanaka donne ce qui sera son dernier ordre. Que chacun garde ses armes, ses munitions, et ce qui lui reste de vivres. Que le reste soit abandonné. Les survivants laissent donc sur leur route des toiles de tente, du matériel de cuisine, des couvertures, des casques, mais aussi des armes lourdes. Ce matériel – le plus souvent intact – sera rapidement remis en service par le Vietminh.
………
Kujo a développé au cours des années un véritable sens de la mort. Il sent sa présence et a les réflexes pour l’éviter. Lorsque la rafale claque, venue des hauteurs, les balles se fichent dans la terre. Les partisans du Hei Ho ont suivi le mouvement. La réputation de Kujo, « celui que la mort évite », est connue tout le long de la RC-4.
Avec tous les obstacles, l’arc de tir battu par le FM est étroit. Les premiers tirs évités, l’arme n’est plus dangereuse. Le problème est que la volée de balles a attiré une attention malvenue. Des coups de feu viennent d’une ligne d’arbres à flanc de colline. Kujo se couche et riposte avec son FM type 96. Il ne dispose plus que de trois chargeurs. Il abat un homme avec le premier. Trois autres tombent sous les balles des partisans. Les Vietminh survivants se débandent. Une toute petite victoire, mais une fois encore la mort les a épargnés.
Il faut immédiatement reprendre la route. Dans leur dos, la bataille de Coc Xa continue. Cependant, il y a d’autres échanges de tirs… peut-être dans la vallée de Quang Liet.
Les partisans grimpent la colline, dépassant les cadavres ennemis. A nouveau, un FM accroche, mais la distance est trop grande pour un tir précis et les balles se contentent de soulever d’inutiles geysers à distance. Arrivé en haut de la crête, Kujo sort ses jumelles et inspecte la vallée en contrebas. C’est bien Quang Liet où a lieu un affrontement important, avec mitrailleuses, mortiers et même canons. Le caporal inspecte alors la cote 477. Ceux qui l’occupent ont des casques américains bien reconnaissables… probablement des Français. Ils tirent sur des troupes qu’il ne peut voir, mais il s’agit forcément de la colonne Murasaki.
En fait, les hommes de Murasaki, venus de Cao-Bang, viennent de se heurter au 1er REP qui les assaille de trois côtés à la fois. Cependant, les légionnaires s’efforcent d’épargner – sans toujours y parvenir – les nombreux civils (les collabos et leurs familles) qui accompagnent la colonne.
Que faire ? Rester sur les crêtes ? Descendre ? Aucune de ces routes n’offre une quelconque garantie de rejoindre Murasaki, et même alors, leur sort n’en serait guère amélioré.
– Rien à faire. Il faut essayer de retourner à That Khé. D’après la carte, tous les cours d’eau de la région y conduisent.
Kujo jette un regard triste en direction de la colonne Murasaki. Sa mission est de toute manière devenue caduque. Le lieutenant-colonel Murasaki a ses propres problèmes, il ne pourra pas venir en aide à Tanaka. Cependant, Kujo est envahi d’une profonde répugnance. C’est la première fois qu’il désobéit aussi ouvertement à un ordre. Le fait que celui qui l’a donné est peut-être mort n’y change rien. Il devrait obéir… Mais pourquoi devrait-il mourir pour rien ?
Il faut qu’un des Vietnamiens le secoue pour que le caporal sorte de sa torpeur. L’abattement de Kujo n’est pas seulement moral, après des jours de marches, contremarches et combat, son corps est comme vidé de toute énergie. Tandis qu’un des partisans, plus valide, lui prend son FM, il est soutenu par un autre lors de la descente.
Au bout d’une nouvelle heure de marche (ou plus ?), ils sont interpellés en japonais ! Kujo se fait reconnaître et deux sentinelles sortent de derrière un rocher. Ce sont les survivants de la colonne Tanaka, qui ont établi un camp de fortune. Mais le caporal arrive au pire moment possible.
Torse nu, tête nue, le colonel Tanaka le reçoit, à genoux sur un drap (plus ou moins) blanc, ses sabres devant lui. Il écoute le rapport du caporal sans broncher.
– Vous avez bien fait de revenir, caporal. Mon remplaçant, le major Shimizu, décidera de ce qu’il faut faire, mais il est certain que nous ne pouvons plus compter sur l’aide du lieutenant-colonel Murasaki.
S’inclinant devant le portrait de l’empereur qu’un soldat lui présente, le colonel Tanaka dirige la pointe de son court wakizashi contre son ventre exposé. C’est lui qui a choisi le site de Coc Xa pour se retrancher. Il s’y est retrouvé piégé et son régiment a péri par sa faute. Pour un samouraï, il n’existe qu’une sortie honorable. Debout derrière lui, son ordonnance, qu’il a chargée de cette mission de confiance, brandit le long katana.
………
Onze jours plus tôt, le major Shimizu commandait un bataillon de cinq cents soldats sur la RC-4. À présent, il n’en reste que soixante-quinze survivants, dont un seul officier à part lui, le capitaine Kimura. Sa “promotion” à la tête du 215e Rgt ne lui offre pas beaucoup plus d’hommes valides… peut-être cent cinquante en tout. Pas assez pour combattre.
– Répartissez-vous en groupes de douze ou quinze. Chaque groupe devra tenter sa chance de son côté. Essayez de regagner That Khé. Les cotes 608 et 703 doivent encore être contrôlées par nos hommes. Mais évitez le col de Lung Phai, il est trop proche de Na Pa et a probablement été pris par l’ennemi. Nous partons à la nuit tombée, reposez-vous jusque là !

La guerre sino-japonaise
Opération Ichi-Go
Province du Henan (Kogo)
– Onze bombardiers Ki-21 escortés par quatre Ki-43 du 9e Sentai effectuent un raid sur Nanyang sans rencontrer d’opposition aérienne ni même de DCA digne de ce nom, la ROCAF étant entièrement absente du secteur. Le bombardement provoque plusieurs départs d’incendie dans la ville. Devinant ce qui les attend, des centaines d’habitants ignorent les appels au calme des autorités et, empilant tout ce qu’ils peuvent sur des charrettes à bras, fuient vers l’ouest.
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John92



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MessagePosté le: Jeu Nov 03, 2022 14:38    Sujet du message: Répondre en citant

...
Kujo s’approche de quelques hommes fauchés par l’explosion d’un obus de mortiers (mortier ?). Des papiers claquent au léger vent matinal, ils sortent d’une sacoche éventrée par les shrapnels. Le caporal retourne le corps. Comme tous les Vietminh, les officiers ne portent pas d’insignes (d’insigne ??) sur le champ de bataille.
...
Tanaka a installé son camp au sommet d’une falaise haute de plus de cent mètres. Une véritable forteresse naturelle accessible par un simple sentier. À mi-chemin, une section FM est installée, prête à faire feu sur ceux qui oseraient monter. Au sommet , on aboutit à un cirque rocheux de près de cinq cent mètres de large occupé par un bataillon retranché.
...
La veille, le lot contenant les allumeurs est tombé en secteur vietnamien et les grenades sans allumeurs (allumeur ? ) chez les Japonais.
...
Il réussit toutefois à convaincre les Vietnamiens qu’il sera (serait ?? ) de bon goût (et de bonne politique) de partager cette manne avec les officiers du bataillon.
...
Au QG de l’armée japonaise en (à supprimer) en Indochine, l’inquiétude grandit depuis deux jours. On est sans nouvelle de la colonne Tanaka ou de la garnison de Cao-Bang du lieutenant-colonel Murasaki. Seul subsiste un contact radio avec la garnison (celle ?)– à présent squelettique – de That Khé.
...
Le major-général Andou Rikichi tempête, nie, se contredit, exige qu’on lui donne la liste des effectifs disponibles pour créer une colonne de secours, alors que tous savent qu’il faudrait des jours pour réunir ne serait-ce que deux mille hommes provenant d’unités dépareillées et qui manquent déjà d’effectifs (de soldats/de troupes ?).
...
Ils sont arrivés à la cote 477, qui domine la vallée de Quang Liet, mais l’ont trouvé (trouvée ?? l’=la cote ) tenue contre eux par des troupes colonialistes en uniforme américain.
...
Le capitaine Kimura lance ses hommes dans une contre-attaque immédiate. Mais l’ennemi a déjà commencé à se retrancher et dispose de plusieurs FM. Non seulement les Japonais sont fixés par leurs rafales, mais l’ennemi arrive aussi des hauteurs sur les deux flancs.
...
Les défenseurs de Shenzhen ont la surprise de voir surgir 12 Ki-51 escortés de sept ( 7 ? pour être « raccord » avec le 12) Ki-43.
...
Nous partons à la nuit tombée, reposez-vous jusque là (jusque-là ?)![/i]
...
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Jeu Nov 03, 2022 15:05    Sujet du message: Répondre en citant

@ John - Très bien, sauf :
Il réussit toutefois à convaincre les Vietnamiens qu’il sera (serait ?? ) de bon goût (et de bonne politique) de partager cette manne avec les officiers du bataillon.

Le conditionnel ne serait pas mal, mais impliquerait que les Vietnamiens, quoique convaincus que ce serait bien, pourraient bien tout garder pour eux. "Ouais ça serait une bonne idée, mais j'ai trop faim !"
Or, cela va se faire (indicatif), comme on le voit ensuite.
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Casus Frankie

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Colonel Gaunt



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MessagePosté le: Jeu Nov 03, 2022 15:07    Sujet du message: Répondre en citant

marc le bayon a écrit:
l'Algérie c'était 4 départements français.
91, 92, 93 et 94 qui ont déménagé ensuite autour de Paris après la Chute...
Et c'est pour cela que les actes administratifs des Français nés en Algérie avant 1962 (Actes de naissances, Doits des familles, etc... ) sont gérés par une Officine du Ministère des Affaires étrangères, à Nantes.

Non, plus exactement toute personne née dans une terre anciennement colonie et devenue depuis indépendante, comme ma mère née en 1946 en Indochine à Hanoi.
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Les guerres de religion consistent à se battre pour savoir qui a le meilleur ami imaginaire
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Etienne



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MessagePosté le: Jeu Nov 03, 2022 15:32    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
25 mai
Campagne de Malaisie
Opération Stoker
Langsa – Bien que détectés à temps, les B-24 de la 10th Air Force ne rencontrent que peu d’opposition, en partie en raison du raid de la veille. Aucun des Oscar, pourtant positionnés correctement, n’arrive à percer l’écran constitué des Lightning des 449th et 459th FS. Le score est de deux Hayabusa perdus contre un P-38 dont le pilote, obligé d’amerrir sur le chemin du retour, sera récupéré par un Catalina du VP-84. La précision n’est cependant pas au rendez-vous, puisque seul deux bombent toucheront l’aérodrome, sans même endommager les pistes.

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Capitaine caverne



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MessagePosté le: Jeu Nov 03, 2022 16:31    Sujet du message: Répondre en citant

Colonel Gaunt a écrit:
marc le bayon a écrit:
l'Algérie c'était 4 départements français.
91, 92, 93 et 94 qui ont déménagé ensuite autour de Paris après la Chute...
Et c'est pour cela que les actes administratifs des Français nés en Algérie avant 1962 (Actes de naissances, Doits des familles, etc... ) sont gérés par une Officine du Ministère des Affaires étrangères, à Nantes.

Non, plus exactement toute personne née dans une terre anciennement colonie et devenue depuis indépendante, comme ma mère née en 1946 en Indochine à Hanoi.


Ou comme la mienne, née dans la zone d'occupation française en Allemagne en 1947. Ce qui entrainait lors du renouvellement de la carte d'identité des tracasseries dignes du laisser-passer A38.
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"La véritable obscénité ne réside pas dans les mots crus et la pornographie, mais dans la façon dont la société, les institutions, la bonne moralité masquent leur violence coercitive sous des dehors de fausse vertu" .Lenny Bruce.
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Archibald



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MessagePosté le: Jeu Nov 03, 2022 17:08    Sujet du message: Répondre en citant

Il lui fallait obtenir le formulaire bleu au guichet 3, au 20ème étage, sans ascenseur - après avoir demandé a l'huissier, et expliqué que non, elle ne voulait pas immatriculer une galère... misère.
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Sergueï Lavrov: "l'Ukraine subira le sort de l'Afghanistan" - Moi: ah ouais, comme en 1988.
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loic
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MessagePosté le: Jeu Nov 03, 2022 17:09    Sujet du message: Répondre en citant

Idem pour moi, avec un père né au Maroc en 1943.
Et au début de l'application de la sinistre loi Pasqua, seule la filiation via le père était prise en compte (ma mère étant née en métropole).
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On ne trébuche pas deux fois sur la même pierre (proverbe oriental)
En principe (moi) ...
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Anaxagore



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MessagePosté le: Jeu Nov 03, 2022 17:34    Sujet du message: Répondre en citant

Vous n'égalerez jamais mon père.
Né au Congo à l'époque coloniale.
Résidant au Maroc, nationalité française.
C'est mignon, la maison qui rend fou. Mon père doit faire face à l'administration de deux pays, dont l'administration marocaine championne du monde en tracasserie adminiustrative, et une poste qui livre les lettres avec deux semaines de retard.
Et en "portrait du roi" (billet de banque avec le portrait du roi Hassan II... terme local pour un dessous de table.) parce que rien ne se fait sans quelques billets.
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Ecoutez mon conseil : mariez-vous.
Si vous épousez une femme belle et douce, vous serez heureux... sinon, vous deviendrez un excellent philosophe.
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Imberator



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MessagePosté le: Jeu Nov 03, 2022 18:01    Sujet du message: Répondre en citant

Anaxagore a écrit:
Et en "portrait du roi" (billet de banque avec le portrait du roi Hassan II... terme local pour un dessous de table.) parce que rien ne se fait sans quelques billets.

Toujours respecter les us et coutumes indigènes.
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marc le bayon



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MessagePosté le: Jeu Nov 03, 2022 23:51    Sujet du message: Répondre en citant

Colonel Gaunt a écrit:

Non, plus exactement toute personne née dans une terre anciennement colonie et devenue depuis indépendante, comme ma mère née en 1946 en Indochine à Hanoi.


Il n'y avait rien de péjoratif.
J'ai quelques cousins qui sont nés en Tunisie, en Algérie car oncles et tantes faisant de la coopération, et ma compagne est Patte Jaune, car son père est originaire de Grande Comores, et avec de la famille à Madagascar...
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Ven Nov 04, 2022 12:10    Sujet du message: Répondre en citant

27 mai
Campagne de Malaisie
Blocus naval
Bornéo
– Le soleil va bientôt se coucher et l’Eikyo Maru continue sa route, tout heureux d’avoir survécu aux ennuis de la veille. C’est compter sans la présence dans les parages du MN Sidi Ferruch, alerté dans la nuit par un message de l’Aéronavale. En semi-immersion, le sous-marin lance trois torpilles, dont l’une touche et le cargo, hier encore flambant neuf, entame son dernier voyage vers les abîmes.

Renforts
Birmanie
– Sur l’aérodrome de Tavoy se posent des quadrimoteurs arborant l’étoile blanche de l’Oncle Sam. Il s’agit d’une escadrille de l’US Navy, la VB-113, opérant sur PB4Y-1 (des Liberator navalisés). Ce groupe se morfondait sur la côte est des Etats-Unis et n’avait pour seule perspective qu’une affectation en Floride. La quasi-disparition de la menace sous-marine depuis quelque temps déjà dans le golfe du Mexique, facilitée par la présence française aux Antilles et surtout par le cours de la guerre en Europe a permis de répondre favorablement à une demande britannique pour le théâtre “CBI”. De Tavoy, les appareils pourront aussi bien opérer dans l’entonnoir de Malacca dans le cadre de Stoker que renforcer Mary en allant traquer le trafic naval japonais entre Sumatra, Singapour et Bornéo.

Des “heavies” pour Timor
Opération Grey
Makassar
– Les pilotes du 221e Kokutai pensaient avoir droit à leur habituelle nuit de sommeil lorsqu’ils sont réveillés par un vrombissement croissant venant des collines de l’est. Alors que quelques projecteurs de DCA s’allument dans les ténèbres et que des sirènes retentissent au loin, ils entendent passer au-dessus d’eux un grand nombre d’appareils assurément multimoteurs.
Ce raid est le premier d’une nouvelle campagne : l’opération Grey, dont le but est de s’en prendre aux installations pétrolières et portuaires japonaises au Sulawesi et à Bornéo, qui restent en grande partie hors de portée de la Royal Navy. Il est mené par les Wellington des Sqn 115 et 75 RNZAF venus de Timor et a pour cible le port de Makassar. Les projecteurs fouillant la nuit fournissent sans le savoir un bon point de repère pour les ultimes corrections de cap et les bombardiers arrivent ainsi pile sur l’objectif. En dépit du fait que de nombreux projectiles tombent à l’eau ou sur les quartiers environnants, beaucoup touchent les docks et surtout la grande cale sèche, la mettant hors service et couchant le navire qui s’y trouvait pour des réparations sommaires.
Au petit matin, tous les bombardiers se posent à Timor sans dommage. Ce galop d’essai à courte distance a conforté tout le monde sur la qualité de la préparation opérationnelle et de la navigation. Le dégagement du soir suivant s’annonce d’ores et déjà mémorable.
De leur côté, les officiers de l’IJN ne peuvent que constater les dégâts : encore quelques raids comme celui-ci et la ville perdra toute importance stratégique pour le soutien des convois remontant vers la Mère Patrie. Cependant, ils savent d’où est parti le coup. En effet, il reste à Timor de petits groupes de soldats japonais. Ils espionnent les zones tenues pas les Alliés, et ils disposent de quelques émetteurs. A Tokyo, l’état-major de l’amiral Soemu Toyoda ne tardera pas à décider qu’il faut faire quelque chose…

Campagne d’Indochine
Bataille de la RC-4
Entre Coc Xa et That Khé
– À vol d’oiseau, That Khé est à de près de vingt kilomètres de Coc Xa. Toutefois, les premières positions tenues par l’Armée Impériale sont les cotes 608 et 703, qui ne sont qu’à la moitié de cette distance. Sur un terrain moins accidenté, voilà une balade que l’on peut boucler en moins de deux heures. Epuisés et chargés de blessés, sur un terrain tout sauf favorable à la marche, les Japonais ne parcourent même pas un demi-kilomètre par heure. Dans l’obscurité, les soldats préfèrent marcher au milieu des cours d’eau, qui évitent de s’égarer. Bien qu’ayant entre quatre à cinq mètres de large, les ruisseaux leur arrivent juste au niveau de la cheville, au pire du genou. Mais patauger transforme leur déplacement en un de ces cauchemars où l’on marche au ralenti.
La colonne Tanaka, ou ce qui en reste, a explosé en petits groupes de dix à quinze hommes. Comme les Vietnamiens du Hei Ho n’ont pas participé aux pires moments de la bataille de Coc Xa, ils sont un peu plus frais que le gros des survivants et le caporal Kazuya Kujo a été envoyé en pointe avec ses hommes pour détecter d’éventuelles embuscades.
Trois heures après le départ, Kujo fait le point à l’estime. La cote 533 doit se trouve juste derrière lui, sur la gauche. Autour du ruisseau, le paysage a progressivement changé. Les deux rives sont à présent bordées d’un mur végétal inextricable fait de bambous et d’arbres. L’homme en pointe s’immobilise, du doigt il montre deux cadavres que le courant a déposés contre une souche. Tous se raidissent dans la crainte d’une embuscade, mais aucun bruit anormal ne trouble la nuit, en dehors de coups de feu provenant du nord, où la bataille qui continue autour de la garnison de Cao Bang, encerclée par les légionnaires du 1er REP.
Kujo tâte les cadavres – dans l’obscurité, c’est la seule manière de les identifier. Des Vietminh : ils portent des ceinturons américains en tissu alors que ceux des Japonais sont en cuir.
La marche reprend. On traverse un minuscule ban de trois ou quatre paillotes. Les murs sont grêlés de balles et une faible odeur de cordite baigne encore les lieux. Un cadavre est penché à une fenêtre ses doigts raidis tiennent encore un FM type 96, le casque tetsubo ne laisse aucun doute, c’est un Japonais. En fouillant les morts, les hommes du caporal récupèrent des munitions et des armes.
Comme le groupe suivant n’est guère éloigné, Kujo remet ses hommes en ordre de marche. Devant eux, le sentier qui part du village traverse le ruisseau par une passerelle formée d’une simple ligne de planches posées sur des pierres, entre deux séries de piquets. L’endroit est parfait pour une embuscade. Les hommes du Hei Ho avancent, largement déployés pour éviter un tir en enfilade. Soudain une voix les hèle ! Mais que dit-elle ? Le cœur battant à tout rompre, le caporal Kazuya met quelques secondes à reconnaître la langue : du vietnamien, prononcé avec un accent qu’il n’a jamais entendu.
Kujo répond dans la même langue, en demandant à la voix de s’identifier d’abord. Il s’agit de gagner quelques secondes pour fuir ou riposter et de ne pas être ceux qui reçoivent la première rafale.
………
Les Tahitiens du 1er RIMP ont eu une longue journée pour s’installer et camoufler leurs positions. Ils ont œuvré en experts – la végétation tropicale, ils connaissent. Leur position d’embuscade, en aval du village et de l’autre côté de la passerelle, est idéale. Un autre groupe se trouve sur la rive opposée, sur une petite colline. Une patrouille a éliminé quelques Japonais qui s’étaient retranchés dans des paillottes, mais sinon la journée s’était résumée à une longue attente.
Les hommes rongent leur frein depuis la veille. Ils ont suivi au son les violents combats de Coc Xa sans intervenir, car leurs ordres sont stricts : faire le maximum de prisonniers japonais. Mais une journée entière sous la pluie n’a guère arrangé le moral des Tahitiens impatients.
Soudain, la sentinelle claque plusieurs fois des doigts. C’est comme un électrochoc. Chaque homme se coule en silence vers sa position. Les fusils sont posés à plat sur le sol, le doigt n’est pas posé sur la détente mais sur le pontet, pour éviter un départ de coup intempestif.
L’ennemi… enfin ce doit être l’ennemi… mais il faut en être sûr.
Le caporal Tavae Vahine se penche sur son voisin, le soldat Punu Taua : « Ces faaoru Tapone [arrogants/vaniteux/orgueilleux Japonais] ne nous ont pas repérés. On va les moto [frapper] avant qu’ils se rendent compte. »
– T’es sûr ? Ces Tapone, ils sont complètement ma’ama’a [dingues]. Paraît qu’ils se laissent pas faire prisonniers. Ils sont du genre à ra’u [se ruer] sur toi pour te ha’amate [tuer] quand même.
– E aha ’oe e mana’ona’o noa ai ? [Pourquoi tu t’en fais autant ?] J’ai un plan, mai [viens].

Le caporal Vahine a appris un peu de vietnamien au cours de l’année passée dans ce fichu pays. Quand il interroge le groupe en face, leur demandant qui ils sont, les Japonais supposés se figent. Puis une voix répond dans la même langue, lui renvoyant la question. Exactement ce que Vahine attend ; sa réponse est prête : « Nous sommes l’armée du Tennô ! » dit-il en vietnamien.
Le soulagement des hommes qui pataugent dans le ruisseau est évident, également sensible dans la tonalité de la voix qui répond : « Watashi Wa Kazuya gosho desu… »
Les Tahitiens ne comprennent pas la réponse, mais ils reconnaissent le japonais et les premiers tirs partent sans nul besoin d’un ordre. En un instant, la rivière devient un enfer. Un fusil-mitrailleur BAR fait jaillir une trajectoire de geysers d’eau et de sang parmi la troupe, tandis que les grenades explosent dans le noir.
Malgré la terreur, Kujo a le réflexe de courir vers la rive et de se jeter dans le premier bosquet de bambous venu. Il y a plus d’un groupe de “Colonialistes” en face. Il les entend s’interpeler entre les deux rives, ils parlent français mais avec des mots inconnus.
Seuls deux Vietnamiens ont suivi le caporal. Le reste du groupe s’est replié sur l’autre rive. Pas le choix, il faut escalader la berge abrupte et essayer de contourner l’ennemi.
En contrebas, les combats connaissent un regain de violence. Un nouveau groupe de survivants vient d’entrer dans la zone de feu des Français – c’est le peloton mené par le major Shimizu. Ce dernier va tenter de forcer le barrage ; gravement blessé, il mourra deux jours plus tard.
Mais la chance n’a pas abandonné Kujo. Se guidant à l’oreille, il passe entre deux groupes de soldats adverses. La progression est lente, il faut éviter de faire le moindre bruit. Le caporal, qui a lâché son FM dans l’eau, n’est plus armé que de son Nambu et d’une baïonnette. Il se recroqueville au pied d’un arbre, à moins de dix pas, une troupe passe en courant. Au loin, une voix donne des ordres, en bon français, cette fois : « N’oubliez pas, nous devons faire des prisonniers ! Fouillez partout ! »
Les bruits de combat continuent du côté du cours d’eau. Cette fois, les pièces japonaises déployées sur les cotes 608 et 703 frappent les positions françaises ! Non que ça aide beaucoup le caporal Kazuya, ni que ça gêne vraiment les “Colonialistes”. D’autres montent du bas de la colline, battant chaque bosquet… mais combien sont-ils ? Il y en a partout. Un régiment entier doit boucler le secteur !
L’officier donne encore de la voix pour que l’on intensifie les recherches. Les hommes passés en courant quelques minutes plus tôt reviennent sur leur pas, plus lentement : ils se sont déployés et descendent. Kujo et les deux Vietnamiens sont pris entre deux battues.
Le jeune Japonais hésite encore. Courir, se cacher… non, ça ne marchera pas, ils ont des lampes. Il… Kujo se fige – le canon d’un fusil s’est posé entre ses épaules. Il y avait d’autres Français plus discrets que ceux qui parlaient à voix haute et portaient des lampes.
– Haut les mains !
Par réflexe, le caporal obéit. Une main preste se saisit de son pistolet type 14, puis le fouille vite et sans violence. Les deux hommes du Hei Ho subissent le même sort.
– Debout, en avant, vers le sentier !
Au cas où les trois hommes ne comprendraient pas le français, ces mots s’accompagnent de gestes énergiques. Tout ressort cassé, désarmé, épuisé, Kujo obéit. D’autres Français s’écartent devant eux. Ils passent près d’une section de mortiers américains M1. Les soldats portent d’ailleurs la tenue HBT de même provenance. Ils sont propres, relativement bien nourris et même rasés de près. Ils ne manquent de rien ! Devant eux, le caporal se sent humilié d’être vêtu de hardes, sale, affamé et épuisé. Comment les Japonais auraient-ils pu remporter cette bataille ?
Toujours entouré de ceux qui les ont capturés, les trois prisonniers sont conduits à un capitaine portant un béret orné d’un écusson portant une ancre. L’officier contemple Kujo et les partisans du Hei Ho. Reconnaissant les seconds pour ce qu’ils sont, il s’en désintéresse. Par contre, le caporal est un Japonais non blessé. Une capture très rare !
– Comment vous appelez-vous ?
Machinalement, le jeune homme salue : « Caporal Kazuya Kujo, mon capitaine. »
Capture rarissime même, se dit le capitaine : le prisonnier parle français ! Il porte gravement la main à son béret et sort un carnet de sa poche pour l’approcher d’une lampe à pétrole : « Comme puis-je écrire ça ? »
Sans comprendre le pourquoi de cette demande, Kujo répond docilement. Le capitaine opine du chef à chaque lettre, puis referme le carnet.
– Parfait.
Le capitaine se tourne vers deux des soldats : « Conduisez-le au colonel Giap. »
Giap ? Pas très français, comme nom… Séparé des Vietnamiens, Kujo est escorté vers le nord. Qu’est-ce qui lui vaut ce traitement de faveur ? En est-ce un, d’ailleurs ? Les Japonais vivants semblent avoir une grande valeur. Toutefois, il se sent juste épuisé… vide.
Le sentier qu’ils remontent est jonché de matériel japonais à l’abandon et de dizaines de corps. Les visages sont sereins, presque beaux… Kujo a prié pour survivre pendant des années. Cette fois, il s’arrête en pensée auprès de ses camarades qui n’ont pas eu sa chance. Il prie parce que c’est tout ce qu’il peut faire. Ses gardes ne le lâchent pas une seconde du regard.
………
Le reste de la colonne Tanaka se désintègre au cours de la nuit. Le lieutenant Fukuda et une cinquantaine d’hommes sont les seuls à atteindre les positions japonaises. Si l’on excepte les garnisons des cotes 608 et 703, ce sont les seuls éléments du 215e Rgt d’Infanterie à échapper à la mort ou à la capture.
On continue cependant de se battre plus au nord. Bien qu’encerclés, le lieutenant-colonel Murasaki et la garnison de Cao-Bang résistent comme s’il leur restait encore une chance de vaincre.
………
Kazuya Kujo a dormi deux heures au bord de la route, enveloppé dans un morceau de tente que ses anges gardiens lui ont permis de ramasser. Ce repos lui a fait un peu de bien, mais la marche reprend immédiatement après son réveil. Heureusement, une ration K, du thé, du riz, du pain, de la confiture et surtout trois barres Logan [L’un des éléments essentiels de l’alimentation des soldats occidentaux en Birmanie, Chine et Indochine. Les parachutages ajoutent parfois un peu de singe. Les barres Logan (ou rations D) sont trois barres de chocolat de 4 onces qui s’ajoutent parfois au contenu de la ration K. Après l’équipée birmane des raiders de Wingate, la ration K a évolué et son contenu est plus calorique et surtout plus consommable (ration K dite “moral”).] lui ont donné l’énergie de repartir.
Sur la route, le prisonnier croise une longue colonne de bo-dois, visiblement en route pour That Khé. Enfin, après une nouvelle escalade, le trio atteint un PC installé dans une petite grotte à l’entrée dissimulée par un filet de camouflage. Dans la pénombre, de nombreux uniformes entourent des postes de radio. Kujo n’a jamais vu à l’œuvre l’état-major d’un régiment de son camp, mais il n’a aucun doute. Il a atteint le centre nerveux de la bataille en cours.
Un officier vietnamien, portant l’uniforme vietminh sans insigne, sort de la grotte. Kujo est frappé par sa jeunesse : il ne doit pas avoir trente-cinq ans et pourtant le comportement des hommes autour de lui ne laisse pas place au doute. C’est lui qui commande.
– Vous êtes le caporal Kazuya Kujo ?
Surpris, l’intéressé écarquille les yeux.
– Oui, c’est moi, Monsieur. Et… qui êtes-vous ?
Kujo a repris un peu de poil de la bête, les barres Logan, sans doute ! Mais l’autre ne semble pas se formaliser : « Je suis le colonel Vo Nguyen Giap. Et je vais récompenser les hommes qui ont pu capturer vivant un certain caporal Kazuya Kujo. »
– Moi ? Mon colonel… je ne comprends pas…
– Aucune importance. A présent, je dois vous envoyer au plus vite à Dien-Bien-Phu.

………
Dien-Bien-Phu – « Le lieutenant Peyrard frappa à la porte d’une des grandes paillotes servant d’habitation aux officiers. Il attendit patiemment puis recommença. Il en était à se demander s’il ne devrait pas faire sauter la serrure d’un coup d’épaule… ce n’était pas la première fois que cette pensée lui traversait l’esprit alors qu’il faisait le pied de grue en attendant une réponse de la créature qui logeait en ces lieux. Heureusement, le battant s’entrouvrit de quelques centimètres, dévoilant une joue de porcelaine et un œil vert et scrutateur sous une frange de cheveux blonds.
– Bonjour, Mademoiselle Dubois.
Silence.
– Vous ne me demandez pas pourquoi je viens vous voir…
– A l’aube !
– L’aube n’est pas à huit heures, mademoiselle.

Un peu de couleur apparut sur le visage de l’intéressée. Avant qu’elle ne décide de fermer la porte, Laurent Peyrard appuya de tout son poids sur le battant.
– J’ai les nouvelles que vous attendiez.
La résistance de l’huis céda comme par magie. Victoire Dubois jeta vers l’officier un regard incrédule : « Celles que… j’attendais ? »
– Il est vivant. Pas en grande forme, mais vivant et même pas blessé. Le caporal Kazuya a été capturé cette nuit par le 1er Régiment d’Infanterie de Marine du Pacifique.

Quelques longues secondes de silence.
– C’est sûr ?
– Il est en ce moment au PC du colonel Giap.

La jeune femme blonde se mit à trembler et baissa la tête pour cacher les larmes qui nouaient sa gorge.
– Imbécile de Kujo… Pourquoi faut-il toujours que tu te mettes dans des situations impossibles ? A cause de toi, je suis toujours en train de m’inquiéter. Espèce d’idiot !
Amusé et gêné, le lieutenant Peyrard remit son calot et s’éloigna. »

La guerre sino-japonaise
Opération Ichi-Go
Province du Henan (Kogo)
– La 119e Division de la 68e Armée est violemment prise à partie au nord de Nanyang et se replie dans une retraite désordonnée, abandonnant derrière elle une partie du pauvre matériel lourd dont elle disposait. Au sud, la 147e Division ne s’en tire guère mieux et doit elle aussi céder du terrain. Or les seules réserves dont dispose le général Liu Yuzhen sont constituées en tout et pour tout de la 27e Brigade indépendante.
Un nouveau raid de 10 Ki-21, cette fois sans escorte, s’en prend une deuxième fois à Nanyang, provoquant d’importants dégâts et un accroissement de l’exode de la population civile ; les bombardiers japonais repartent sans perte.
………
Vallée de la Rivière des Perles (Togo-2) – Les Japonais sont à présent maitres de la rive nord du Sham Chun, tandis que les Chinois se replient dans le centre-ville de Shenzhen. De violents combats de rue ont lieu toute la journée et se prolongent pendant la nuit.
Sur le front est, alors que les 17e et 70e Divisions approchent de la ville de Haifeng, leurs colonnes sont prises pour cible par 12 B-25 escortés de 6 P-51 du 68e Composite Wing. Surprises à découvert et sans protection aérienne, elles perdent de nombreux (et précieux) véhicules sous les bombes et les mitraillages des Mitchell en version nez-plein et des Mustang. Deux bombardiers sont endommagés par la DCA rapprochée ; l’un parviendra à regagner l’aérodrome de Baiyun, l’autre se posera sur le ventre dans une rizière, sans perte pour son équipage.


28 mai
Campagne de Malaisie
Opération Stoker
Dumai
– Pour des raisons de maintenance opérationnelle, mais aussi afin de ne pas laisser les Japonais tirer de conclusions quant à la périodicité des raids, ce sont les Liberator qui attaquent avant les Mitchell. Aucun avion japonais ne patrouille au-dessus du port. La DCA tire quand même plutôt bien son épingle du jeu : un B-24 est abattu et deux autres endommagés. Le Major Glenn et son ailier raccompagnent les éclopés. Chez les Japonais, l’alerte a été donnée et une patrouille tombe sur le quatuor à hauteur de Medan. Heureusement, les P-38 veillent et les quatre Oscar n’ont droit qu’à une passe de tir, d’ailleurs infructueuse. Glenn et son ailier seront crédités chacun d’une victoire (la 8e pour le major, qui ne cachera pas son plaisir à sa descente de l’appareil). Les mitrailleurs des B-24 réussissent à endommager un autre Ki-43 et le quatrième ne demande pas son reste…

Blocus naval
Bornéo
– Le HMS Truculent patrouille depuis trois jours au sud du détroit de Macassar lorsque la vigie signale une fumée sur l’horizon. Le commandant ordonne de plonger et de manœuvrer pour se positionner sur la route du contact. A l’immersion périscopique, le pétrolier Tonan Maru n°2 est identifié, ainsi que son escorte, un chasseur de sous-marins de classe Otori. Le submersible lance deux torpilles, dont une touche le pétrolier, qui s’obstine à rester à flot. L’escorteur réagit immédiatement, assisté par un H6K arrivé en renfort, et le Truculent ne peut faire autrement que s’enfuir sous la pression.
Cependant, le submersible britannique va être chanceux : il rompt le contact vers le nord et reste ainsi sur la route du pétrolier, qui avance maintenant à vitesse réduite, laissant dans son sillage une énorme traînée de brut. A la tombée de la nuit, le Truculent est à nouveau en position idéale. La seule torpille qu’il lance va au but et achève le Tonan Maru, dévoré par un incendie.

Campagne d’Indochine
Bataille de la RC-4
Cote 477, au sud-est de Cao-Bang
– La bataille entre la colonne Murasaki et le 1er REP fait rage depuis trois jours. Les légionnaires sont épaulés par leurs alliés vietminh des TD 88 et 174 (ce dernier, déployé jusqu’à That Khé, n’engage réellement qu’une compagnie, qui a d’ailleurs déjà participé à la bataille de Coc Xa).
Le 1er Régiment Étranger de Parachutistes mélange, comme toute unité de la Légion, des hommes de toutes origines. Le colonel Bergé les commandait déjà à Limnos. C’était déjà des vétérans lorsqu’ils ont été parachutés sur la base Épervier assiégée par les Japonais. Depuis, la bataille de Dien-Bien-Phu a encore renforcé la cohésion et la compétence de l’unité.
En face, un seul bataillon de troupes de deuxième ordre, normalement affectées aux patrouilles et à la défense des points d’appuis de la RC-4. Incapables d’avancer, bloqués dans la vallée de Quang Liet par les légionnaires retranchés sur la cote 477, les soldats du Tennô se battent à un contre quatre. Encore une bataille inutile, sans espoir de victoire mais sans idée de recul.
Pourtant l’acharnement des deux camps est typique de cet effroyable conflit. Le plus grand courage y côtoie le fanatisme le plus aveugle. Bien que les Occidentaux ne le comprennent pas, il s’agit d’une guerre religieuse. Tels les croisés mourant sous les murs de Jérusalem, les Japonais montent à l’assaut du paradis, priant pour le dieu vivant qui les a conduits sur ce chemin de larmes et de sang. Banzai, Dix mille années de vie pour l’empereur !
La foi peut réchauffer les cœurs, panser les blessures de l’âme, rendre un sens à une vie qui n’en a plus. La foi permet d’endurer l’absurdité du monde et de trouver un sens quand la raison a renoncé. Cependant, entre la foi sincère et le sectarisme aveugle, la distance n’atteint pas épaisseur d’une feuille de papier à cigarette. La religion peut transformer des humains en armes intelligentes prêtes à tout pour aller en paradis en piétinant les corps de leurs victimes.
Erik Bergström est Suédois. Ce grand gaillard blond ne pourrait être né plus loin de ce conflit. Soldat professionnel du royaume de Suède, son désir de ne pas rester neutre dans le conflit qui embrasait l’Europe l’a étrangement conduit à s’en éloigner. Mais l’heure n’est pas à la philosophie où à la comparaison de notes de bas de page sur la religion et le destin. La poudre parle autour du légionnaire, parfait sosie de celui qui faisait la couverture du disque d’Édith Piaf. Il lui faut avancer, traverser la zone de mort où les obus de mortier éventrent le sol, tandis qu’une mitraillade infernale se déchaîne de tous côtés. L’objectif : une petite éminence où un bunker de rondins a été édifié par les Japonais.
Un cri de victoire accueille le soldat Bergström alors qu’il atteint le sommet. Il découvre une position nettoyée : les canons de 75 du 4e RAC ont encore démontré leurs qualités. Les corps en partie enterrés des Japonais jonchent le sol, les tranchées sont comblées, les nids de mitrailleuses fument encore. Seule la casemate est encore debout. Autour, les cadavres ne sont pas moins nombreux mais bon nombre portent l’uniforme fourni à ses alliés par l’Oncle Sam. Parmi les survivants, si certains crient de joie, d’autres appellent les brancardiers à l’aide.
Le lieutenant Simonov relance ses hommes à l’assaut de la butte suivante. Erik lui en sait gré, les cris d’un jeune homme qui se tordait au sol, les mains sur la bouillie qui avait été son visage, menaçaient de lui faire rendre son petit déjeuner.
La butte suivante est moins élevée. Les Japs (abréviation américaine adoptée par les Français) n’ont eu le temps de creuser qu’un trou entouré d’une barricade de sacs de sable. L’artillerie est passée là aussi. La vision des colonnes de fumée, des cratères et des arbres brisés rassure le jeune Suédois. Ça va être moins dur… N’est-ce pas que ça va être moins dur ?
Espoir déçu.
Une poignée de Japonais hurlants surgit des bosquets épargnés par la canonnade. Cette parodie de charge a quelque chose de surréaliste. Les soldats trébuchent, épuisés par les combats et le manque de sommeil. Ils n’arrivent même pas à ralentir les légionnaires. Arrivés au sommet, ceux-ci s’arrêtent…
Les seuls coups de feu proviennent des combats qui se déroulent autour d’eux. La position est abandonnée. Pas de défenseur fanatisé refusant la reddition, juste les cadavres de ceux qui ont péri dans les bombardements. Avec un temps de retard, les légionnaires comprennent que leurs ennemis ont préféré une mort rapide… eux aussi sont au bout du rouleau.
Simonov donne ses ordres. Il ne faut pas se relâcher. Les Japonais vont forcément contre-attaquer pour reprendre la position. On déblaie les cadavres et on se glisse dans le trou fortifié. Les fusils trouvent naturellement leur place sur les sacs de sable. On attend.
Une heure… Un premier groupe de Japonais arrive. Débraillés, nu-tête, souvent armés d’une simple baïonnette. Ils viennent se jeter dans la ligne de feu du BAR comme un papillon de nuit aveuglé par la lueur d’une chandelle vient s’y consumer. Deux autres attaques suivent. Les pertes sont mineures du côté des Français. Ils sont encore bien dotés en munitions et en armes, assez bien retranchés et surtout… ils sont plus nombreux. Les “contre-attaques” ne sont le fait que de quelques poignées de combattants à bout de tout. Alors, Simonov donne de nouveaux ordres.
– Tâchez de tirer pour blesser. Il nous faut des prisonniers.
On les a déjà prévenus. Mais le plus difficile est de ramener les ennemis neutralisés… s’ils ne sont pas assez neutralisés, ils peuvent encore frapper ! Plusieurs blessés sont tués en légitime défense et deux légionnaires sont tués. Pourtant, la colère ne monte pas. La vision d’un Japonais blessé à la jambe et incapable de se relever qui parle d’un ton suppliant met plutôt les légionnaires mal à l’aise. Il tient une baïonnette à la main. Si on s’approche, il la brandit. Que demande-t-il ? Les légionnaires s’entreregardent, impuissants.
Mais le blessé est vite oublié quand une nouvelle vague d’assaut, aussi épuisée et à court de munitions que la précédente, vient s’immoler sur la position. Au milieu des rafales, le blessé abandonné s’est remis à crier les mêmes mots, dans une litanie maintenant chargée d’espoir. Deux de ses camarades s’approchent de lui. Eux, ils ont compris et le transpercent de leur baïonnette. Les légionnaires comprennent pensent que l’homme demandait à être achevé.
Simonov regarde la colline jonchée de corps. Il a les yeux brillants et frissonne en écoutant les gémissements.
– Achevez les survivants.
Cet ordre serait horrible partout ailleurs. Mais ici, il est motivé par la pitié. Ces ennemis considèrent qu’il y a pire sort que la mort.
Erik Bergström descend avec les autres hommes apporter la paix à laquelle les Japonais aspirent. Comment juger l’autre ? Comment juger sa voie ? Cependant, aujourd’hui, Erik a obtenu une réponse. Les fanatismes n’ont jamais rien construit, sauvé ou protégé. Leurs seuls aboutissements se trouvent sur ce champ de bataille absurde où même les vainqueurs pleurent. Face à eux, il n’y a d’autre choix que la guerre.
On dit qu’il faut être deux pour faire une guerre. C’est faux. L’empire du Japon et l’Allemagne nazie ont juste étendu à l’extérieur une guerre qu’ils avaient commencée contre eux-mêmes.

La guerre sino-japonaise
Opération Ichi-Go
Vallée de la Rivière des Perles (Togo-2)
– Les combats se poursuivent à Shenzhen. Les Chinois luttent pied à pied, mais sont contraints de céder du terrain. Un raid de neuf Ki-51 et trois Ki-43, bien que gêné par l’intervention tardive de six P-40 chinois qui abattent un “Sonia” et un “Oscar” au prix d’un des leurs, désorganise un peu plus les défenses de la 52e Armée.


Hé oui, grâce à Anaxagore, nous avons quelques grammes de douceur dans un monde de brutes… Il faut bien ça pour respirer entre deux horreurs balkaniques (et pas seulement…) Wink
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demolitiondan



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MessagePosté le: Ven Nov 04, 2022 12:27    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
Bien qu’ayant entre quatre à cinq mètres de large, les ruisseaux leur arrivent juste au niveau de la cheville, au pire du genou. Mais patauger transforme leur déplacement en un de ces cauchemars où l’on marche au ralenti.


Y a pas des sangsues ici ?

Et en matière d'horreur, l'Indo vaut bien la Yougo.
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Quand la vérité n’ose pas aller toute nue, la robe qui l’habille le mieux est encore l’humour &
C’est en trichant pour le beau que l’on est artiste
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