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Des pilotes pour l'Indochine, par ETIENNE
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Casus Frankie
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Inscrit le: 16 Oct 2006
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MessagePosté le: Jeu Nov 18, 2021 12:31    Sujet du message: Des pilotes pour l'Indochine, par ETIENNE Répondre en citant

En guise d'entr'acte entre février et mars 1944, Etienne nous offre les aventures de quelques jeunes pilotes que nous dirons… nordisto-indochinois.


27 juin 1940
Des Tiger Moth pour l’Indochine
Hong-Kong
– Dans le port anglo-chinois, l’activité est aussi grouillante qu’à l’ordinaire. En dehors des dockers concernés, personne ne prête attention aux caisses en bois que le mât de charge du cargo britannique Ben Lhomond dépose sur les wagons plats d’un convoi longeant le quai où ledit navire est amarré. Elles ont pourtant une forme particulière, ces caisses. Longues et hautes, pour une largeur somme toute assez faible, et avec une excroissance à un bout. D’autres sont plus basses, pratiquement aussi longues, mais encore plus étroites. Il faudrait l’œil d’un mécanicien d’aviation pour repérer qu’il s’agit d’avions… De plus près, c’est plus facile, en lisant les marques : De Havilland, Hatfield, UK, et la dénomination : DH-82, autrement dit Tiger Moth. En comptant, on dénombre sept caisses de chaque type, donc de quoi assembler sept avions.
Où vont aller ces appareils ?
Pas à Kai-Tak, l’aéroport de la RAF, pour cette fois. Quand le convoi roulant sera extrait du port par la petite locomotive de manœuvre, une autre, plus puissante, emmènera les wagons et les fameuses caisses à Saigon, en Indochine française. Mais pour quelle raison ?
Il faut remonter à la déclaration de guerre, en septembre 39. Elle stoppe net tout envoi de matériel et de personnel de la Métropole à l’Indochine. Or les besoins sont nombreux dans la colonie, tant en hommes qu’en machines. L’ombre du Japonais s’allonge petit à petit. Il faudrait former sur place des pilotes – et malgré une subvention du gouverneur général Catroux, les aéroclubs locaux se révèlent incapables d’être efficaces.
C’est Georges Mandel, alors ministre des Colonies, qui prend le 16 décembre 1939 la décision de créer une école indépendante de l’Armée de l’Air en Indochine, pour former des pilotes locaux, tant Français qu’Indochinois. Objectif : 300 pilotes civils par an, civils pouvant par la suite être facilement convertis en combattants. Après avoir informé Catroux, qui aura autorité sur cette école, le ministre nomme le commandant Louis Castex à la tête de la nouvelle organisation, lui donne carte blanche et débloque immédiatement six millions de francs, plus cinq autres millions pour les frais de fonctionnement.
Castex recrute assez facilement le personnel parmi celui de l’école Morane à Melun, et la Marine lui délègue des cadres-instructeurs. Mais pour les appareils, c’est plus complexe, l’industrie aéronautique française étant entièrement occupée par la charge de production imposée par le ministère de l’Air… et par la guerre en cours. Même des avions simples comme ceux d’écolage prendraient un temps infini pour être construits, sans compter le côté administratif de la chose. Allez expliquer aux fonctionnaires du ministère de l’Air qu’une école de pilotage en Indochine ne relevant pas de leur autorité va être créée et qu’il lui faut commander des avions !
De nouveau, Castex agit directement et s’adresse à De Havilland, dont les Tiger Moth sont à la fois réputés et en cours de production pour la RAF. Réponse positive, pas de palabres inutiles de l’Administration, le marché est passé le 7 février 1940 pour 20 exemplaires au tarif unitaire de 225 000 francs. Deux mécaniciens sont envoyés à Hatfield pour y apprendre la machine.
Le 20 avril, Castex effectue lui-même en Angleterre la réception des sept premiers biplans, certifiés trois jours plus tôt, en compagnie du chef pilote Maurice Thouraval. Les avions sont alors préparés pour un voyage par mer jusque Hong-Kong, où ils arrivent ce 29 juin. A présent, direction Tan-Son-Nuth, via Hanoi.


2 juillet 1940
Des Tiger Moth pour l’Indochine
Aérodrome de Tan-Son-Nuth (Saigon)
– Débarqués du train de la CFI, les conteneurs abritant les DH-82 sont acheminés par camion jusque dans un hangar. Là, sous la direction du chef mécanicien Marcel Couratin et du mécano Marcel Degaud (les deux stagiaires chez De Havilland), arrivés avec Castex et le personnel début juin, les caisses sont déclouées, et les biplans revoient le jour. Il s’agit à présent de les assembler, de tout vérifier et régler, avant de les confier aux mains des instructeurs de la Royale pour un galop d’essai. Une bonne dizaine de jours seront nécessaires pour que l’école soit déclarée opérationnelle.


3 juillet 1940
Des Tiger Moth pour l’Indochine
Indochine
– Sur tout le territoire, on voit fleurir des affiches annonçant la création de l’EPI (École de Pilotage d’Indochine) et exhortant les jeunes hommes de toutes les communautés à s’y inscrire. Illustrant l’affiche, un grand et magnifique dessin de Paul Lengellé montre un biplan en évolution et attire tous les regards. Le dessin a été commandé par Castex alors qu’il était encore en France, mais les affiches ont été imprimées sur place, après l’arrivée du commandant et avec l’approbation du gouverneur général. Elles ont été distribuées à toutes les administrations des villes et villages d’importance, avec ordre d’affichage dès l’arrivée officielle des avions. Il va sans dire que le déballage des caisses, très suivi par la presse locale, a déjà alimenté les conversations dans les bars et salons, aussi voit-on déjà poindre des jeunes gens intéressés, pour la plupart fils de bonne famille habitant les environs de Saigon.
Mais un nuage noir apparaît à l’horizon, sous la forme du colonel Devèze, qui dirige l’Armée de l’Air en Indochine et voit d’un mauvais œil une école de pilotage qui ne serait point sous son commandement. Il faudra l’intervention du général Catroux pour calmer le jeu…


8 juillet 1940
Des Tiger Moth pour l’Indochine
Aérodrome de Tan-Son-Nuth (Saigon)
– L’instruction commence à l’EPI. Du moins, la théorique, car les appareils ne sont pas encore tous prêts, loin de là. Les élèves sont encore peu nombreux (à peine une dizaine de jeunes gens), mais leur groupe va rapidement s’étoffer, notamment avec les candidats venant des contrées intérieures ou du nord, qui doivent faire le voyage et s’installer. D’ailleurs, le gouverneur général Catroux a fait installer des baraquements pour loger ces expatriés et débloque des fonds pour offrir des bourses aux plus défavorisés qui se révèlent doués, ce qui va provoquer un enthousiasme certain. Ici comme en Métropole, l’aviation attire la jeunesse comme le miel les mouches…
Parmi les candidats, trois bacheliers de 18 ans, frais émoulus du lycée de Saigon : Léon Vandoorne, Pierre van Bielt et Roger MacNab.
« Léon est le fils d’un négociant de Dunkerque, originaire comme mon père de Cassel, dans les Flandres. Après l’Autre Guerre, ayant beaucoup perdu, le père Vandoorne est venu s’installer à Saigon, et il a emmené le mien, qui était et est encore son comptable et son bras droit. Léon et moi sommes nés ici la même année à un mois près, et le père de Léon nous a inscrits dans la même école, où nous avons rencontré Roger MacNab, qui descend d’une famille écossaise ayant émigré en France au XVIIe siècle. Il s’est vite fait remarquer, car quand un condisciple le traitait d’Anglais, il s’en prenait une d’envergure dans la tronche ! Et vous voyez comme il est bâti, grand et carré, le Roger… On s’est vite liés d’amitié. Parce qu’il est calme et gentil quand on ne le provoque pas, et moi parce que j’aide les copains qui ne comprennent pas les leçons, et au départ c’était un peu son cas.
Lorsque nous avons vu les affiches, on s’est dit que ce serait une occasion, juste après le bachot. Et puis, nous sommes en guerre, même si elle se passe au loin. Nous allons être appelés – alors, tant qu’à faire, autant servir dans un avion. »

(Pierre van Bielt, Face au Soleil levant, Seuil éd., 1955.)
Dans la soirée, un câble en provenance d’Hatfield informe le commandant Castex de l’envoi par bateau des sept avions suivants. Comme précédemment, il faudra compter deux mois pour leur arrivée en Indochine.


14 juillet 1940
Des Tiger Moth pour l’Indochine
Aérodrome de Tan-Son-Nuth (Saigon)
– Trois petits biplans argentés aux marques civiles accompagnent les célébrations de la Fête Nationale en formation en V. Ils sont pilotés par le commandant Castex et les second-maîtres André Châtel et Jean Mouligné – les instructeurs. Une autre façon de faire la promotion de l’École de Pilotage d’Indochine, où l’on note à présent quinze inscrits, qui, en dehors des cours théoriques, n’ont effectué jusqu’ici que des essais de roulage au sol. Les premiers vols des élèves en double commande commenceront le lendemain, si les libations du soir n’y portent pas préjudice…
« Quand on a vu la présentation du père Castex et des marins, on a été sciés. Ils volaient aile dans aile, à croire qu’ils étaient reliés ensemble. Ça semblait si simple… On s’est vite rendu compte que ça ne l’était pas vraiment ! Ce soir-là, au lieu d’aller boire en ville avec les copains, on est rentrés au terrain dans notre baraquement, trop impatients des vols du lendemain pour risquer de les rater bêtement. » (Pierre van Bielt, op. cit.)


15 juillet 1940
Des Tiger Moth pour l’Indochine
Aérodrome de Tan-Son-Nuth (Saigon)
– Premiers vols pour les jeunes élèves de l’EPI.
« Ça y est ! C’est le grand Jour, on va voler ! Léon est inquiet, je trépigne d’impatience. Roger est calme à son habitude, c’est donc lui qui est désigné par le chef-pilote pour commencer la journée… Je l’envie.
Quand arrive mon tour, un grand calme m’envahit. Je remonte la combinaison de vol en toile fine qui reposait sur les hanches à cause de la chaleur, j’ajuste le serre-tête de toile équipé d’écouteurs (un luxe, paraît-il ! Nos avions n’ont pas de radio, sauf un seul, mais sont pourvus d’interphones), j’enfile et boucle le parachute qui va me servir de coussin, et je grimpe posément à l’avant du biplan.
Réglage du harnais, en écoutant les conseils du moniteur. Essai de l’interphone, ça va. Procédure de mise en route égrenée à haute voix, contact ! Un mécanicien lance l’hélice, le petit quatre-cylindres refroidi par air s’ébroue vite, il est encore chaud. Je descends mes lunettes sur les yeux, on a vite fait de prendre une poussière avec le souffle de l’hélice. Roulage. Ma petite taille m’oblige à passer la tête sur le côté pour voir où je vais, contrairement à Roger, vu ses 1m90. Mais j’ai déjà pratiqué ces derniers jours, ça ne me gêne pas (et j’aurai pris une bonne habitude, lorsque nous aurons des avions à long capot !).
J’aligne l’avion face au vent, en vérifiant la manche à air, Châtel me dit de lâcher les commandes. C’est lui qui va décoller l’avion, il me rendra les gouvernes ensuite, tout en gardant pieds et mains dessus, prêt à intervenir.
Gaz. Les 120 ch. du Gipsy major grondent et lancent l’appareil sur l’herbe rase du terrain. Mes pieds, légèrement posés au bord du palonnier, sentent et enregistrent les mouvements, tout comme ma main sur le manche. Je ne tiens pas les commandes, mais je ressens ce que fait l’instructeur. Tout vibre, jusqu’à ce que Châtel tire le manche. Les seules vibrations restantes sont celles du moteur. L’avion grimpe vite, le sifflement de l’air dans les haubans accompagnant le vrombissement du moteur. Châtel l’emmène au-dessus de la campagne au nord-ouest, où il accomplit quelques évolutions simples, tout en m’expliquant ce qu’il fait, avant de me dire : à toi !
Je remonte les pieds sur le palonnier, ma main se referme sur le manche. Allons-y. J’incline légèrement le manche à gauche en pressant le palonnier gauche. Docile, le Moth entame un virage plutôt large et de faible inclinaison, jusqu’à ce que le moniteur me dise : « Bien, maintenant redresse et vole droit, puis vire à droite plus serré. »
Je m’exécute. Dans le virage droit, nouveaux conseils de Châtel : « Cabre un peu, et mets du gaz pour éviter de descendre en perte de vitesse. Et regarde ta bille, il faut qu’elle soit au centre. » Je fais ainsi plusieurs aller-retours sur un circuit imaginaire pas très régulier, mais le mono semble satisfait et me congratule avant de me faire prendre la direction du terrain. Là, il reprend les commandes, me dit d’observer et atterrit le biplan dans un trois-points parfait. Au sol, il me redonne la main pour remonter la piste, me fait réaligner et me demande de décoller. Déjà ! Je me sens gonflé d’orgueil, mais je déchante vite : l’avion embarque vite au roulage plein gaz, il faut compenser au palonnier, pas trop fort sinon c’est le cheval de bois. Les conseils continuent : « Rends un peu la main, la queue va se lever… C’est bon, regarde ta vitesse… Vas-y, tire. » De nouveau, le Moth prend l’air, son élément. La voix de l’instructeur se fait entendre fréquemment, car il me guide pour faire un tour de piste à 300 m. Je sens de temps à autre qu’il agit sur les commandes, notamment en finale, et c’est plus lui que moi qui pose l’avion. On refait un autre tour, j’ai l’impression qu’il tient moins le manche, ce qui se confirme par un poser nettement plus cahoteux… Là, on rentre au parc, procédure d’arrêt. Je descends de l’habitacle fier comme un paon, d’autant plus qu’il me félicite. D’après lui, je suis à la fois doué et prudent… »
(Pierre van Bielt, op. cit.)


10 septembre 1940
Des Tiger Moth pour l’Indochine
Aérodrome de Tan-Son-Nuth (Saigon)
– Arrivée de trois nouveaux biplans DH-82, baptisés “Tigres Mous” par les élèves comme par le personnel. Ils sont accompagnés de caisses de pièces de rechange, ce qui soulage le commandant Castex, inquiet d’avoir deux avions hors service pour réparations et les autres fatigués par l’usage en climat tropical. C’est qu’un élève-pilote, ça casse du bois, comme on dit. Même si les Moth sont solides et qu’il n’y a pas (encore) eu d’accident grave et définitif, il a fallu prélever sur les appareils hors service des pièces pour les autres, surtout côté moteur.
L’EPI monte ainsi en puissance. La première promotion (25 jeunes hommes et 2 jeunes femmes) a reçu ses brevets de pilote civil ce jour même. Tous vont continuer de voler en aéro-club pour parfaire leur expérience, et certains – beaucoup – manifestent le désir de poursuivre dans l’Armée de l’Air, ce qui pose un nouveau problème au colonel Devèze et au général Catroux. Il n’y a pas d’école militaire de l’Air en Indochine…Va-t-on devoir les expédier en AFN ? A cette occasion, Devèze réitère sa demande d’intégration de l’EPI sous sa coupe, ce que refuse à nouveau Catroux, qui lui demande d’étudier la mise en place d’une structure d’EP au sein de l’AdA, mais il y a bien peu d’avions idoines (hormis des Potez 25) et d’instructeurs disponibles.
Ce dernier point est d’ailleurs aussi un problème pour Castex. Il a une trentaine d’élèves à former par promotion, un peu trop pour deux instructeurs (trois avec le chef-pilote Maurice Thouraval), et il n’hésite pas à prendre lui-même le manche pour certains vols. Or, la liste d’attente des candidats s’allonge chaque jour ! Elle commence même à compter des Annamites, Cochinchinois, Tonkinois, Cambodgiens ou Laotiens, tous issus de familles aisées. Beau succès, mais casse-tête de première. Enfin – il a réussi à débaucher trois moniteurs dans les aéro-clubs, mais qu’il a fallu cependant reprendre en main quelque peu, l’organisation de l’école étant très militaire…
« Roger et moi avons été les premiers brevetés. Pour Léon, il lui a fallu plus d’heures, mais nous venons d’avoir nos papiers ensemble. Par contre, où aller maintenant pour faire des heures ? En attendant la remise officielle, le commandant nous a autorisés à voler quand les zincs étaient libres, mais ce n’est plus possible. J’ai peur qu’il nous faille aller en AFN pour nous engager et poursuivre le cursus. Si on pouvait le faire ici, ce serait plus simple ! Le père Vandoorne nous a inscrits à l’aéro-club et il est prêt à nous payer des heures, mais il va quand même falloir trouver une autre solution. » (Pierre van Bielt, op. cit.)


11 février 1941
Des pilotes pour l’Indochine
Hanoi
– L’arrivée de l’amiral Decoux en remplacement du général Catroux au poste de Gouverneur Général incite le colonel Devèze à redemander d’intégrer l’EPI au sein de l’Armée de l’Air, ou au moins de lui donner autorité dessus afin d’y prélever les pilotes désireux de s’engager et de leur donner une instruction plus militaire. Déjà prévenu que le Japon pourrait bien déclencher les hostilités, l’amiral lui prête une oreille attentive, tant les pilotes sont peu nombreux sur le territoire (une centaine de brevetés dans les aéro-clubs depuis 1930, et certains sont repartis pour la Métropole). Mais il pose aussi la question du matériel, qui n’est guère pléthorique. Seuls les vieux Potez 25 TOE offrent une base de départ. D’ailleurs, 34 militaires de tous grades ont été brevetés pilotes depuis un an, sur des avions d’aéro-clubs réquisitionnés, puis sur Potez 25.
Néanmoins, averti par Alger du soutien que le ministre Mandel continue d’apporter à l’EPI, il ajourne la discussion. On lui a quand même promis des renforts… Il fait cependant rédiger un courrier demandant la création d’une EAP-EPP à Saigon « afin de poursuivre la formation des engagés qui ont été brevetés et de former militairement les pilotes civils désireux de s’engager ». Près de 120 brevets civils ont été décernés depuis la création de l’école, 60 sont en cours : un sacré vivier, tout de même.
La réponse d’Alger est laconique : « Envoyez-nous vos élèves-pilotes. » Logique du point de vue de l’EMGA, qui se voit mal déplacer une EP d’AFN en Indochine avec matériel et instructeurs, un peu moins du côté indochinois, où l’on a des besoins. Qui plus est, une dizaine de jeunes sont déjà partis en décembre pour Alger après un engagement en bonne et due forme auprès des bureaux de l’Armée de l’Air à Saigon. Alors, pour le moment, on continue…


10 mai 1941
Des pilotes pour l’Indochine
Aérodrome de Tan-Son-Nuth (Saigon)
– La fin de l’Incident du printemps permet à l’EPI de reprendre les vols d’écolage. Pendant les hostilités, il n’eût pas été sage de faire voler des élèves-pilotes dans un ciel fréquemment sillonné par des chasseurs thaïs souvent pilotés par des Japonais. Au sol, l’instruction théorique s’est cependant poursuivie, et l’école a vu s’inscrire nombre de candidats motivés par l’agression thaïe, qui risque fort de se reproduire. Depuis février, 67 brevets civils ont été décernés, et un nouveau contingent de quinze brevetés est parti se former en AFN. Les aéro-clubs, eux, sont saturés par ceux qui ne veulent pas quitter le pays. En effet, désireux que ces jeunes pilotes puissent acquérir de l’expérience, l’amiral Decoux a renouvelé les crédits accordés par le général Catroux aux associations locales pour qu’elles puissent avoir de l’essence et assurer l’entretien.
Mais les trois aéro-clubs locaux (un à Saigon, un à Gia Lam et un à Hué – principalement consacré aux avions de l’empereur Bao-Dai) ne disposent en tout que de 16 appareils (5 Caudron C.272-275 Luciole, 1 Caudron C. 282 Phalène, 1 Caudron C.480 Frégate, 2 Farman 190, 1 Farman 200, 1 Farman 230, 1 Morane-Saulnier MS 343-4 appartenant à Bao-Dai, 2 Potez 36, 1 Potez 431, 1 Potez 600) En effet, certains ont été réquisitionnés par l’Armée dès septembre 1939. Or, si Alger doit envoyer des avions de guerre pour remplacer ceux inutilisables ou perdus, il faudra aussi songer à former des hommes.


20 juillet 1941
Une Escadre pour l’Indochine
Meknès
– Une note en provenance d’EMGA arrive sur le bureau du commandant du CIC. Elle fait état de la création d’une 40e Escadre de Chasse, destinée à renforcer la défense de l’Indochine. Une partie du personnel viendra des 8e et 16e EC, dissoutes pendant l’hiver – bon nombre de leurs pilotes sont pour le moment instructeurs à Meknès ou dans les EP du Maroc – mais il faudra faire appel à des volontaires, même novices, pour compléter l’effectif. Ils pourront ainsi acquérir de l’expérience dans une zone calme… pour le moment. La note demande également des instructeurs pour former sur place des pilotes brevetés et signale que 4 NAA-57 ou 64 et 4 NAA-77 (AT-6) seront envoyés là-bas par cargo.
La même note est envoyée au CIB de Casablanca, pour la création d’une 62e Escadre de Bombardement, elle aussi à destination de l’Extrême-Orient.
………
« Le patron du CIC fait rassembler tout le monde, élèves et instructeurs. On pense d’abord que c’est pour nous parler de la cérémonie de remise des macarons la semaine prochaine, mais en fait, c’est pour nous informer de la création d’une escadre de trois groupes en Indochine, et demander des volontaires. Des visages se tournent aussitôt vers notre trio, mais nous avons déjà les bras levés ! Rentrer au pays pour y piloter, le rêve. Ayant suivi l’actualité du printemps avec la Thaïlande, nous savons que ce sera pour y combattre, mais ce n’est pas ça qui nous gêne. Après tout, nous avons signé pour nous battre, que ce soit contre les Allemands, les Italiens ou les Japonais, peu importe. Nous aurons déjà un avantage sur nos copains : revoir nos familles ! » (Pierre van Bielt, op. cit.)
………
Saigon – Une autre note, cette fois du ministère de la France d’Outre-Mer (ex ministère des Colonies), informe le commandant Castex du rattachement de son EPI au ministère de l’Air, donc à l’Armée de l’Air, « afin de simplifier les relations avec les instructeurs devant arriver en Indochine pour des formations auxiliaires et principales et un CI ». Le colonel Devèze sera content, même si l’amiral Decoux lui demande de conserver l’organisation en place, et surtout à Tan-Son-Nhut. En effet, Devèze aurait voulu disperser les Moth sur divers aérodromes en utilisant des pilotes militaires comme instructeurs, ce à quoi ils ne sont pas tous formés.


9 septembre 1941
Des renforts aériens pour l’Indochine
Aérodrome de Bach-Mai (Hanoi)
– Le terrain devient bien encombré en l’espace d’une journée. S’y posent à tour de rôle les 58 Hawk 75A-4 de la 40e EC (deux d’entre eux ont eu des problèmes techniques sur le parcours depuis l’AFN et rejoindront ultérieurement), suivis des 60 Glenn-Martin M-167F de la 62e EB, avec leurs échelons volants respectifs dans des DC-3. Si deux groupes de bimoteurs restent à Hanoi, les chasseurs et le GB I/62 partiront dès que possible vers Saigon. Les appareils de réserve, l’échelon roulant et les pièces détachées seront débarqués des ports de Haiphong et Saigon, via Singapour.
………
« La route avait été longue dans l’habitacle de nos H-75, tantôt surchauffé, tantôt glacé. La météo n’avait pas été terrible sur le parcours, surtout sur la fin, quand il avait fallu franchir la chaîne de l’est birman après l’escale de Rangoon pour traverser le haut-Laos et arriver au Tonkin. Mais quels paysages ! On en avait pris plein les mirettes… Les oreilles aussi, car le ‘pitaine voulait absolument qu’on vole en formation, mais forcément on desserrait peu à peu, alors il gueulait. Demain, départ vers le sud, Saigon et nos familles. » (Pierre van Bielt, op. cit.)


11 septembre 1941
Des renforts aériens pour l’Indochine
Aérodrome de Tan-Son-Nuth (Saigon)
– Là aussi, l’arrivée des 60 monomoteurs Curtiss, des 20 Glenn et de 12 DC-3 en un défilé continu dans le ciel de Saigon provoque l’émoi, l’admiration, et rassure la population quant à l’avenir. Personne à ce moment ne peut savoir que ce sera terriblement insuffisant…
Quant au volant de réserve de 28 Hawk, les caisses commencent à être débarquées dans le port, avec celles des avions d’entraînement. Quelques pilotes et mécaniciens ont pris le même cargo pour venir de Méditerranée, et vont de suite au terrain, en autocar ou camion.
………
« Du monde au parc ! Derrière les barrières, bien sûr, mais je reconnais vite mes parents et ceux de Léon et Roger qui agitent les bras. Quelle joie de se retrouver ! Pour Léon, un nuage cependant, car il fait partie du I/40, qui part à Phnom-Penh. Il ne pourra pas aller loger chez lui. » (Pierre van Bielt, op. cit.)
………
Si le commandant Castex est enchanté de récupérer une dizaine d’instructeurs (et 8 avions modernes), il apprend en revanche que ces pilotes font partie intégrante des GC II/40 et III/40, et que la priorité sera accordée aux combats, s’il y a lieu. Mais d’ici là, ils pourront évaluer et former les brevetés civils, 110 de plus depuis mai !
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Hendryk



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MessagePosté le: Jeu Nov 18, 2021 15:31    Sujet du message: Répondre en citant

Un nordisto-indochinois que j'aimerais bien voir faire une apparition, c'est Charles Van den Born:

Citation:
Le 31 mars 1910, il devient le sixième Belge a obtenir sa licence de pilote. Farman lui confie alors la gestion de son école de pilotage. En juin 1910, il participe à la Grande Semaine d'aviation de Rouen. La même année, Van Den Born part avec sa femme en Indochine. Là bas, il contribue à la construction d'un biplan Farman. Le 15 décembre 1910, environ 100 000 spectateurs assistent au vol au-dessus de l'Hippodrome de Phu Tho. Cet événement fut célébré en décembre 2010 au Vietnam. Il est le premier aviateur à atterrir à Bangkok, Hong Kong et Canton. En janvier 1911, il a effectue une démonstration devant le roi de Siam, Rama VI. Lors du déclenchement de la Première Guerre mondiale, il retourne en Europe pour rejoindre l'armée de l'air belge.

Après la guerre, Charles Van Den Born retourne en Indochine pour soutenir le développement de l'aviation tel que la construction d'un aéroport à Saïgon. Dans les années 1930, il achète une exploitation agricole. En 1936, il reçoit la nationalité française.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, il est emprisonné et torturé par l'armée japonaise.

Evidemment, en 1940, il est trop vieux pour voler lui-même, mais il pourrait servir de "parrain" aux petits jeunes, voire s'impliquer dans la gestion de l'école de pilotage.
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Archibald



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MessagePosté le: Jeu Nov 18, 2021 15:41    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
le commandant Castex


Pourvu qu'il n’attrape pas la grippe asiatique Arrow Arrow

Trèfle de plaisanterie (comme dirait un lapin dans un champ de luzerne)

Très bon début, on attends la suite. Il y a très longtemps j'avais piraté quelques Tiger Moths et la Patrouille d’Étampes (pas japonaise, hi hi) pour créer la Patrouille de France en AFN - avec une bonne décennie d'avance...
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Sergueï Lavrov: "l'Ukraine subira le sort de l'Afghanistan" - Moi: ah ouais, comme en 1988.
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Capu Rossu



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MessagePosté le: Jeu Nov 18, 2021 23:10    Sujet du message: Répondre en citant

Bonsoir,

Citation:
Allez expliquer aux fonctionnaires du ministère de l’Air qu’une école de pilotage en Indochine ne relevant pas de leur autorité va être créée et qu’il leur faut commander des avions !


@+
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Etienne



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MessagePosté le: Ven Nov 19, 2021 10:02    Sujet du message: Répondre en citant

Attention, au premier paragraphe tu as 27 juin en titre et 29 juin en fin de texte...

Et au 8 juillet, ce ne sont pas sept avions qui arrivent, mais trois.
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MessagePosté le: Ven Nov 19, 2021 11:04    Sujet du message: Répondre en citant

Excellent récit.
Citation:
Il n’y a pas d’école militaire de l’Air en Indochine…Va-t-on devoir les expédier en AFN ?

Vu la date de ce passage (10 septembre), on pourrait même écrire :
Citation:
Va-t-on devoir les expédier en AFN où l'on a encore du mal à faire le tri des personnels et matériels arrivés via le Grand Déménagement ?


J'espère que l'arrivée du American Volunteer Group (les Tigres Volants) à Hanoi sera évoquée !
_________________
On ne trébuche pas deux fois sur la même pierre (proverbe oriental)
En principe (moi) ...
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MessagePosté le: Ven Nov 19, 2021 11:19    Sujet du message: Répondre en citant

La région de Canton étant occupée par les Japonais en 1940, il est impossible que les caisses puissent être transportées par train vers l'Indochine, sans compter que je ne suis même pas sûr qu'il existe une liaison ferroviaire à cette époque. Plutôt cabotage à partir de HK ou, mieux, de Singapour.
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Ven Nov 19, 2021 11:53    Sujet du message: Répondre en citant

En juillet 40, le Japon, la France et la Grande-Bretagne sont censés être en paix ! Et les Tiger Moth sont du matériel civil.
Evidemment, s'il n'y a pas de liaison ferroviaire, c'est autre chose. Quelqu'un pourrait-il nous le confirmer ?
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MessagePosté le: Ven Nov 19, 2021 11:56    Sujet du message: Répondre en citant

loic a écrit:
J'espère que l'arrivée du American Volunteer Group (les Tigres Volants) à Hanoi sera évoquée !


Désolé, Etienne s'est surtout concentré sur les aventures de ses jeunes pilotes !
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MessagePosté le: Ven Nov 19, 2021 12:06    Sujet du message: Répondre en citant

Casus Frankie a écrit:
En juillet 40, le Japon, la France et la Grande-Bretagne sont censés être en paix ! Et les Tiger Moth sont du matériel civil.
Evidemment, s'il n'y a pas de liaison ferroviaire, c'est autre chose. Quelqu'un pourrait-il nous le confirmer ?

Sauf que la région de Canton est zone de guerre entre les Japonais et les Chinois. Aucune chance qu'un train passe, si seulement il existe encore des voies.
Wikipédia a écrit:
Au cours de la deuxième guerre sino-japonaise de 1937-1945, le gouvernement républicain démantela un certain nombre de chemins de fer afin de ralentir l'avancée japonaise

https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_du_transport_ferroviaire_en_Chine
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MessagePosté le: Ven Nov 19, 2021 12:21    Sujet du message: Répondre en citant

À l'époque, la seule liaison entre la Chine et l'Indochine est la voie étroite Hanoi-Kunming qui n'était pas reliée au reste de la Chine, le sud de la Chine étant très peu équipé. La voie étroite vers Dong Dang ne fut relié aux voies chinoises qu'après guerre.

https://en.wikipedia.org/wiki/Hanoi%E2%80%93%C4%90%E1%BB%93ng_%C4%90%C4%83ng_railway

Citation:
The railway was built under the French colonial rule. The first section from Lạng Sơn to Bắc Giang was built between 1890 and 1894, originally adopting a 600 mm narrow gauge. Under the rule of governor Paul Doumer the railway was converted to metre gauge and extended to Hanoi (in 1900), and to Đồng Đăng (in 1902). In 1954 the line was renovated with help from China, and connected to the Chinese Hunan–Guangxi railway.

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MessagePosté le: Ven Nov 19, 2021 12:37    Sujet du message: Répondre en citant

En attendant la réponse d'Etienne sur le point soulevé par DMZ…

La suite : Etienne a apporté quelques corrections mineures de cohérence sur les effectifs engagés dans les opérations en Indochine, mais je ne reproduis ci-dessous que les aventures de ses jeunes pilotes et un épisode juste mentionné dans le texte d'origine et qu'il a fort joliment développé…



Saigon, 8 décembre, 04h00]
– « Réveil en fanfare à quatre plombes du mat’… Les Japs attaquent !
On ne peut pas dire qu’on ne s’y attendait pas, mais à cette heure-ci ? Renseignements pris, ou plutôt récupérés par bribes, ils ont attaqué la base américaine de Pearl Harbour ! Les Ricains vont donc entrer dans la danse mondiale… Pour nous, tout est encore calme, d’autant plus qu’il fait nuit noire. Après un premier point effectué avec nos chefs respectifs, nous allons prendre un solide petit déjeuner pour attendre ensuite, mais ceux qui ne sont pas d’alerte retournent se pieuter. Quant à savoir s’ils parviendront à dormir… Ceux qui ne dorment pas du tout, ce sont les mécanos, qui s’activent à mettre en place nos appareils.
A Phnom-Penh, c’est le même programme pour Léon, mais son chef de groupe garde tout le monde sur le qui-vive. Il est vrai qu’ils sont moins nombreux que nous. C’est d’ailleurs le GC I/40 qui aura l’honneur d’ouvrir les hostilités contre les Japonais. Léon nous racontera son premier combat peu après, lors d’un passage à Saigon. Pas grand-chose, d’ailleurs : il s’est contenté de faire l’ailier et a suivi sagement son chef de file en surveillant ses arrières. Il a quand même placé au passage une rafale dans un bimoteur déjà bien abîmé… Et surtout, il est rentré intact, à part quelques trous dans une aile. » (Pierre van Bielt, Face au Soleil levant, Seuil éd.)

………

« A midi, la relève nous remplace. On va pouvoir aller becqueter un morceau, nos nerfs sont à vif de devoir attendre, que ce soit dans nos habitacles ou au PC. On a bien failli partir vers le Cambodge pour aider nos confrères, mais l’alerte nous est parvenue trop tardivement, nous serions arrivés comme les carabiniers…
Un peu avant quatorze heures, le klaxon d’alerte retentit. Nous sortons précipitamment de nos casernements, guère reposés, pour voir décoller les douze avions de la relève. C’est le port qui est visé, la DCA canarde dur là-bas. Nous rejoignons nos appareils respectifs, en enfilant nos équipements à la hâte. Mais les moteurs ne sont plus chauds, il nous faut attendre. Nos yeux se portent au sud-est, où les traînées de fumée noires ou blanches marquent la trace des drames qui se jouent au milieu des mortels flocons noirs de l’artillerie. Cela ne dure que quelques minutes, et tout s’apaise. Devenus inutiles sur ce coup, nous coupons nos moteurs. Je reste cependant sur la piste, guettant comme tout le monde le retour de nos camarades. Ils arrivent un par un, nous somme effrayés de n’en compter que six. Et encore, l’un d’eux est si mal en point qu’il se pose sur le ventre.
Au PC, nous apprenons que les chasseurs adverses sont du type Zéro de la Marine, très redoutables car équipés de canons de 20 mm en plus de leurs qualités manœuvrières étonnantes. » (Pierre van Bielt, op. cit.)


Cochinchine, 9 décembre, 08h00
« Comme la veille, Roger et moi sommes du matin, mais cette fois nous décollons pour de bon. Première vraie mission de guerre. Je pensais être tout excité, mais c’est le contraire qui se passe : je suis d’un calme étonnant, à la MacNab. Chacun dans un diamant différent, nous grimpons sus à l’ennemi qui vient de Thaïlande, ou du moins de cette direction. L’hécatombe d’hier nous rend prudents, le commandant Grandbesançon nous a formellement interdit d’engager les Japs en combat tournoyant.
C’est le Commandant nous mène au casse-pipe – son expérience nous place soleil dans le dos et plus haut que les ennemis, pour attaquer les bombardiers de face, ce sont eux les cibles prioritaires. Mais je n’ai pas trop l’occasion de montrer mes talents de tireur, occupé à filer le train de mon leader (on s’est mis à employer le même mot que les Anglais) dans des évolutions incroyables, plus serrées les unes que les autres. Entraînement puissance dix ! Parfois, je lâche une rafale sur une silhouette furtive sans bien sûr penser à appliquer une quelconque correction au collimateur, pas le temps ni l’esprit. Forcément, c’est peu efficace. Je rentre donc bredouille, mais Marchais, mon leader, est content de moi et me console en disant que rentrer vivant et entier d’un tel foutoir, c’est déjà bien pour un début. » (Pierre van Bielt, op. cit.)

………

« En fin de matinée, situation inverse de la veille pour Léon, qui attend sagement dans son zinc que nous ayons besoin de lui et de ses collègues. Car nous effectuons une deuxième mission pour escorter les Glenn au Cambodge, où ça barde. Par contre, en l’air, c’est très calme. On ne verra la chasse ennemie que de loin, en repartant. Le commandant n’a pas voulu qu’on y aille. Frustrant. » (Pierre van Bielt, op. cit.)


10 décembre
Cambodge

« Première victoire pour Léon, avec une bonne dose de chance ! Alors qu’il suivait difficilement son chef de file, un Ki-27 thaï s’est carrément intercalé entre eux. Il n’a eu qu’à ouvrir le feu, en faisant attention à ne pas plomber son propre équipier. Sauf qu’après ça, il a eu affaire à d’autres Thaïs qui ne le lâchaient plus. Heureusement qu’ils sont faiblement armés, il a pu rentrer, mais criblé de balles, son zinc est indisponible. Il est venu à Saigon en chercher un de réserve, quand on apprend que notre Groupe va à Phnom-Penh prêter main-forte au I/40. Le trio est réuni ! Nous passons la soirée chez les Vandoorne avec nos parents, qui s’inquiètent pour nous. » (Pierre van Bielt, op. cit.)

Cochinchine
« Ici, rude journée ! Les Angliches se sont occupés de disperser les formations japs, tandis que nous attaquions les bombardiers de face, mais par-dessous – pas eu le temps de grimper assez. Roger et moi avons descendu chacun un Ki-27. S’ils sont agiles, ils explosent vite lorsqu’ils sont touchés. Par contre, je suis rentré à pied : le système de pas s’est brusquement déverrouillé, peut-être suite à un impact d’un Ki-43 particulièrement agressif, dont un Hurricane m’a dégagé. Le moteur s’est emballé d’un coup et a serré – il ne devait plus y avoir beaucoup d’huile non plus. Trop loin du terrain pour ramener le zinc en plané, je suis allé me poser sans trop de casse sur une berge du fleuve. L’avion est quand même salement amoché, et ça ne va pas être simple pour le tirer de là. » (Pierre van Bielt, op. cit.)


12 décembre 1941
Vers midi, les guetteurs des navires de guerre japonais au nord de Hainan signalent l’arrivée en nombre par le nord de bombardiers bimoteurs en altitude. Ce sont 36 Glenn-Martin M-167F des GB II/62 et III/62, escortés au pigeonnier par 22 Curtiss P-40C de l’AVG équipés d’un réservoir largable. La mission a été décidée le matin dans l’urgence, afin d’endiguer le flot nippon vers Tourane. Les pilotes espèrent profiter d’une nébulosité à 60 % pour approcher, mais il est bien difficile de ne pas se faire voir quand on arrive au-dessus d’une île, et c’est bien ce qui s’est passé. Des chasseurs japonais décollent – des A6M2 de l’IJN, le vrai Zéro, autrement plus redoutable que les Ki-27 de l’armée impériale – et grimpent vers la formation franco-américaine. Bientôt, John Newkirk, patron des Panda Bears (2nd Pursuit), qui commande la formation, fait larguer les bidons et emmène neuf équipiers à l’assaut des Zéro, laissant deux avions au pigeonnier, tandis que Robert Sandell (Adam & Eve, 1st Pursuit) positionne le reste en cercle défensif au-dessus des Glenn, suivant strictement les instructions de Chennault.
Au-dessus de l’île de Hainan, le combat s’engage. Non tournoyant, au grand dam des Nippons, qui n’aperçoivent plus leurs adversaires quand ils virent, ou alors de très loin. Nouvelle surprise, quand ils se rendent compte que les bombardiers qu’ils attaquent de face ne se dérobent pas et qu’ils leur tirent dessus avec des mitrailleuses d’aile ! Sans être détruit, un Mitsubishi s’éloigne en fumant vers son terrain après cette passe frontale, faisant regretter au pilote du Glenn responsable de ne pas avoir un calibre plus lourd. Néanmoins, les pilotes japonais se ressaisissent vite, et la mêlée devient confuse, les AVG de réserve venant rapidement au contact, pas forcément dans l’ordre et la discipline, le recrutement ayant validé quelques moutons noirs pratiquant plus l’individualisme que l’esprit d’équipe.
Les équipages français s’aperçoivent à leurs dépens que les canons de 20 mm des Zéro sont bien plus efficaces que les mitrailleuses type 97 de 7,7 mm. Vaille que vaille, la formation poursuit sa route vers le port et les docks, où l’activité est à son comble. Touché dans la soute à bombes ouverte par un coup direct d’un Zéro grimpant en chandelle, un Glenn explose, ses débris endommageant un appareil voisin, mais aussi le chasseur nippon, qui bascule sur le dos et s’écrase au sol. Victoire posthume… Un deuxième M-167F, moteur droit en feu, pique doucement vers le sol ; deux parachutes en sortent, mais l’avion reste stable. Le moteur gauche commence lui aussi à émettre de la fumée noire, l’avion continuant sur sa trajectoire malgré les attaques répétées des Zéro qui tourbillonnent autour comme des moustiques, avant d’aller s’écraser sur les docks encombrés dans une gerbe d’explosions. Le navigateur, rescapé, dira avoir observé les traçantes des mitrailleuses d’ailes, le pilote était donc encore conscient jusqu’au bout.
Les bombardiers lâchent leur cargaison parmi une floraison de flocons noirs de DCA, puis prennent le cap retour, mais les impacts sont nombreux. Un coup direct coupe un bout d’aile et envoie un Glenn en vrille, vrille dont il ne peut sortir avec un aileron manquant… Aucun parachute ne se déploie. Le chemin du retour va s’avérer difficile pour les bimoteurs, dont plusieurs sont à présent monomoteurs ! Pratiquement tous comptent des impacts plus ou moins nombreux, et les Zéro continuent de les harceler tant que l’île est en vue, malgré la présence des derniers P-40, qui couvrent les Glenn blessés. Allégés du poids de leurs bombes, les avions intacts s’éloignent à bride abattue sans être franchement poursuivis, les pilotes japonais ayant quasiment tous épuisé leurs munitions dans les combats avec les Tigres Volants – ceux qui en ont conservé préfèrent les utiliser pour achever les blessés. Un M-167F finit ainsi dans les flots à l’ouest d’Hainan…
Le départ des Zéro ne signifie pas pour autant la fin des ennuis pour les équipages des avions endommagés : il faut rentrer ! Bach Mai et Gia Lam sont encore loin. Sur un seul moteur, l’exercice est faisable, mais périlleux : le survivant risque de chauffer, surtout s’il a lui-même encaissé des projectiles.
………
Aux commandes du 1096, le sous-lieutenant Albert Marteau surveille ses cadrans avec attention. L’incendie du moteur gauche a pu être stoppé à l’extincteur, même s’il fume encore un peu, l’hélice est en drapeau et ne donne pas trop de traînée, le pilote n’a pas dû mettre trop de compensation. Mais l’aile droite a encaissé de nombreux éclats, une tôle trouée et soulevée à l’arrière du capotage moteur inquiète particulièrement Marteau, car elle est très proche du remplissage d’huile, le réservoir n’est donc pas loin.
De fait, la pression d’huile commence à baisser au bout d’une quinzaine de minutes… Le pilote fait la grimace. L’altitude est encore de 2 000 m, cela donne de la marge, mais pour combien de temps ? Tout le groupe d’éclopés vole à présent à 260 km/h environ, en légère descente pour soulager la mécanique, mais il va falloir réduire un peu plus les gaz, ce qui va accentuer la perte d’altitude s’il veut conserver sa vitesse. Or il est préférable d’aller le plus loin possible tant que le moteur tient… dix minutes peut-être ? Les calculs se bousculent dans sa tête : 10 minutes, cela fait 40 km à cette allure. Par l’interphone, il demande au navigateur (le s/Lt Lamin) la distance de la côte. Réponse après quelques secondes : 160 km environ. Re-grimace, Marteau dit aux deux autres de se préparer à évacuer, en demandant au radio de prévenir la base – ils pourront peut-être envoyer un hydravion. Laconique, le sergent Mageure répond qu’il transmet, mais que le commandant a signalé avoir déjà demandé un Bizerte au cas où…
Peu à peu, le Glenn perd de l’altitude. Les minutes s’égrènent, longues comme l’attente. L’attente de l’arrêt du moteur survivant, avec cette aiguille du baromètre de pression d’huile qui descend inexorablement. Pour l’instant, la température est correcte, vive les moteurs refroidis par air ! Dix minutes, 1 600 m. Quinze minutes, 1 400 m. Chaque minute qui passe, ce sont 4 km de gagnés. Devant, les cumulus qui s’entassent sur la côte. Logique, pense Marteau en souriant. Sauf qu’il va falloir les traverser. Son sourire s’estompe. Un avion valide serait passé dessous, mais avec un moteur faiblard, pas question de rétablir la puissance à la base des nuages. Le pilote suit des yeux ses collègues, en avant. Ils ont commencé à descendre, mais faiblement, et s’écartent les uns des autres. Eux aussi vont sûrement devoir passer dans la crasse.
Vingt minutes, 1 200 m. Marteau estime la base des cumulus à 800 m, il va leur falloir une dizaine de minutes pour arriver au clair, si le moteur tient. La pression d’huile est stabilisée. Basse, très basse mais stable, le moteur doit vivre sur le volume d’huile du reniflard. Température en légère hausse, mais rien d’alarmant pour le moment. Bientôt, un mur blanc et cotonneux absorbe la silhouette gracile du bombardier. Aux commandes, l’officier est calme. Il surveille ses instruments, horizon, bille-aiguille, conservateur de cap, variomètre, badin et altimètre en plus de ceux du moteur (encore) valide. Seuls ces instruments lui permettent de conserver une attitude stable, il importe donc de les garder à l’œil au milieu des inévitables remous qui secouent l’appareil dans cette nuée.
Vingt-cinq minutes, 1 000 m et 100 km de parcourus, à l’estime. Le pilote commence à penser que ça pourrait aller, que le moteur va tenir, sacrée mécanique américaine ! La température a cessé de monter, probablement grâce à l’eau froide en suspension qui environne l’avion. Mais la pression a repris sa chute… Non, décidément, ça ne tiendra pas jusqu’au terrain. Et puis… Si un obus a démoli le réservoir d’huile, le train ne doit pas non plus être en bon état, il est juste en dessous.
Soudain, le nuage se déchire. L’avion est passé dessous, à 920 m. Au loin en bas, une bande grisâtre plus sombre que la mer signale la côte, plus proche que prévu. Il faut croire que le vent, qu’ils avaient de face à l’aller, est resté constant et les a poussés au retour, une chance !
Lamin s’exclame à l’interphone : « A 2 heures en bas, un Bizerte qui cercle !"
– Mageure, contacte-le et dis-lui de nous suivre ! On doit être les derniers, de toute manière…
– D’accord, chef.

Marteau réduit encore le moteur, la vitesse tombe, mais c’est voulu car le Breguet 521 n’est guère rapide : ce biplan trimoteur de 1935 ne donne au maximum que 255 km/h, la vitesse du Glenn sur un moteur ! Moteur qui ne semble guère avoir apprécié de ralentir, car la pression tombe à zéro. Plus d’huile. Immédiatement, la température grimpe, c’est la fin. Tranquillement, le pilote coupe le brave quatorze-cylindres avant qu’il prenne feu et signale à ses équipiers que cette fois, il va falloir sauter. Message transmis au Bizerte, qui accuse réception. Marteau règle l’avion aux compensateurs afin qu’il plane de lui-même. Il commence à se débrêler, quand l’interphone parle : « Bébert, ma trappe ! Elle est bloquée ! »
– Chef, la mienne aussi !
– M… ! On a dû prendre une multitude d’éclats par-dessous. Vous pouvez passer par celles du haut ?
– Pas avec le parachute…

Il est vrai que Lamin a une corpulence certaine… Qui plus est, sauter en parachute du dessus est toujours plus risqué, Marteau en sait quelque chose pour l’avoir expérimenté en Grèce. L’officier resserre ses sangles, dit aux autres de se rattacher correctement et d’appeler le Breguet : il va falloir amerrir, sans moteur. L’aiguille du vario est pointée vers le bas : lourd de ses cinq tonnes à vide, l’avion dégringole, ils ne sont déjà plus qu’à 500 m. Marteau le redresse sur une pente plus faible, ce qui ralentit la vitesse. La radio grésille : Mageure lui a passé le pilote du Bizerte.
– Lieutenant, avez-vous une expérience de l’amerrissage ?
– Jamais, même sur un hydravion.
– Alors je vais venir à vos côtés pour vous guider. Quelle est votre vitesse de décrochage?
– Cent-dix km/h.
– Hum, ça va être brutal.
– On n’a pas trop le choix.
– Certes. Venez au 300, on va essayer d’aller au plus près de l’embouchure de la rivière Rouge, l’eau y est plus calme.
– Pas sûr d’y arriver.
– Moi non plus. Dommage que vous n’ayez plus du tout de puissance…
– Je peux essayer de rallumer le droit, mais avec une pression d’huile à zéro, il n’ira pas loin, s’il démarre !
– Ah! Gardez-le pour la fin, ça peut aider. D’ici là, finesse maxi, je me mets à votre rythme.

Un cran de volets (ouf, ils répondent !), cabrer pour avoir une vitesse de 150-160 km/h, régler les compensateurs. Les secondes passent, l’altitude diminue, la mer se rapproche. A nouveau, crachottis dans les écouteurs.
– C’est bon, lieutenant. Le vent faiblit à la côte, les vagues sont moins fortes.
– Pas plus mal, je n’aurais pas pu aller face au vent.
– Même avec un moteur ?
– S’il démarre…
– Essayez, nous sommes à 100 m.
– D’accord.

Remettre l’essence – il en reste. Contact, hélice au petit pas. Démarreur. Les batteries non régénérées deviennent faiblardes, mais le moteur encore chaud finit par s’ébrouer. La pression a un soubresaut, puis retombe, mais le moulin tourne.
– Moteur démarré.
– Epatant. Vous tentez la prise au vent ?
– Non, le risque de perte de vitesse en virage est trop grand, si bas.
– D’accord, on continue à descendre. Sortez vos volets et essayez d’arriver à 120 à 10 mètres.
– Reçu.

La sortie des volets à plein ralentit fortement l’avion, mais le sustente et la descente est plus faible, le pilote doit même un peu rendre la main pour conserver la vitesse en s’aidant du moteur à l’agonie, son ronronnement devient un cri de détresse.
– C’est bon, conservez cette attitude. Il ne faudra pas cabrer de trop à l’arrondi, sinon la queue va toucher la première et risque de casser.
– Reçu.
– Attention, à mon top, arrondissez. Trois… Deux… Un…Top !

Docilement, Marteau s’exécute. Arrondi pas trop cabré, la roulette touche, il plaque l’avion dans une grande gerbe d’eau. L’appareil rebondit un peu sur ce mur que devient l’eau à grande vitesse, mais s’immobilise très vite, hélices et moteurs formant de bons freins. A bord, les trois hommes ôtent leurs sangles, déverrouillent les trappes supérieures, et s’efforcent de sortir rapidement, l’eau pénétrant trop vite à leur goût. Ils se retrouvent sur le dessus de la carlingue, et regardent le Bizerte qui amerrit près d’eux après avoir fait un virage pour se poser face au vent. Il pouvait, lui !
On se congratule tout en gonflant les gilets de sauvetage, enfin c’est surtout le pilote qui est chaudement remercié par les deux autres. Là-bas, l’équipage du E29-2 (Flottille E29, avion numéro 2) met à l’eau un canot pneumatique, deux marins y prennent place et pagayent vigoureusement, car ils voient bien l’épave du Glenn s’enfoncer peu à peu.
C’est le moment que choisit un Ki-27 pour passer en trombe au ras des flots, poursuivi par deux P-40C qui l’arrosent copieusement de plomb jusqu’à ce qu’il touche les vagues, en perte de vitesse dans un virage serré… trop bas. On vous l’avait bien dit qu’il ne fallait pas… Il s’agissait du dernier d’un trio de Japonais informé du raid par radio et venu marauder au sud des terrains de Hanoi. Prévoyant, Chennault avait fait décoller une patrouille de quatre…

(Pierre Clostermann, Feux du Ciel)
………
Si tout finit bien pour l’équipage Marteau-Lamin-Mageure, au mess de l’aéronavale à Haiphong, le bilan général est beaucoup plus lourd. Un sixième Martin M-167F s’est écrasé à l’atterrissage à Bach Mai, tuant son équipage, un autre s’est posé sur le ventre à Gia Lam. Enfin, les quatre éclopés sont indisponibles pour plusieurs jours, avec des moteurs à remplacer et des blessures béantes à panser. Onze avions, près du tiers, pour un résultat peu probant, vu le nombre de transports entrevus dans la baie et le port de Hainan ! Sans compter que l’AVG a perdu trois avions et leurs pilotes (l’un d’eux a pu se parachuter sur l’île), dont le Captain Sandell, percuté par un Zéro. Il comptait cinq victoires à son actif. Quatre autres appareils sont en piteux état. Et ce n’est pas l’annonce par des pilotes peut-être trop optimistes d’avoir abattu vingt-quatre Japonais qui va consoler le général Chennault.
Tard dans l’après-midi, le 12e Kokutai (unité de l’IJN basée à terre) déploie sur le terrain de Tourane 36 bombardiers en piqué D3A1 et 18 B5N1 bombardiers-torpilleurs, auxquels se joignent 24 A6M2 du 3e Kokutai, basé dans les Paracels.


13 décembre
Cambodge
– « Encore une dure journée. Pas moins de trois missions, en protection des Potez et des Wirraway d’attaque au sol. Mais c’était grisant : dès que nos protégés prenaient le chemin du retour, casiers vides, on plongeait à notre tour pour mitrailler les Japs au sol. Ils sortaient à peine des fourrés qu’ils devaient y replonger. Le hic est arrivé à la troisième mission : la chasse japonaise est intervenue à ce moment, et on a morflé. Pour ma part, munitions épuisées, j’ai dû sortir le grand jeu pour échapper aux Zéro, j’en avais trois aux fesses, et des sacrés ! C’est Roger qui m’a sorti de là en en abattant un, ce qui a fait décamper les autres, mais mon zinc est en piteux état, encore une fois. » (Pierre van Bielt, op. cit.)


14 décembre 1941
Mobilisation aérienne en Indochine
Aérodrome de Tan-Son-Nhut (Saigon)
– La mobilisation générale atteint tous les pilotes civils brevetés, qui vont être évacués vers l’AFN afin de recevoir une formation au sein des EEP-EAP-EPP et CI, avec les élèves déjà engagés mais n’ayant pas fini leur entraînement. Les instructeurs ne faisant pas partie des Escadres de combat les accompagnent. Quant aux avions, les NAA seront armés pour l’appui-sol par adjonction de gondoles de mitrailleuses sous les ailes et les Tiger Moth serviront pour les liaisons.


18 décembre
Cochinchine
– « Notre trio est revenu à Saigon, le commandant nous ayant désignés avec d’autres, plus moustachus pour aider les copains sur la brèche là-bas. Au moins nous pourrons voir nos familles, qui parlent d’évacuer. Ou plutôt d’être évacués, car ils n’en ont pas spécialement envie.
Mais le plus beau, c’est qu’aujourd’hui, j’ai réussi un coup double : un bimoteur Mitsubishi G4M qui a explosé sous mes coups, et un chasseur de l’escorte, dont l’aile s’est détachée. Mais il a fallu que j’assombrisse le tableau en fauchant mon train dans un cratère de bombe à l’atterrissage. Je commence à me faire une réputation de casseur, c’est le troisième…
Léon est blessé, on parle de l’évacuer avec sa famille. » (Pierre van Bielt, op. cit.)


22 décembre
Cochinchine
– « Vu qu’il nous reste moins d’avions que de pilotes, nous tournons à chaque mission. Cet après-midi, c’est Roger qui vole et se paye un bombardier en piqué de la Marine. Moi, je suis au PC radio, où je remplace l’opérateur, blessé ce matin lors d’un bombardement. » (Pierre van Bielt, op. cit.)


26 décembre
Cochinchine
– « Le peu de zincs qui nous restent sont distribués par tirage au sort avant chaque mission, de plus en plus improvisée : les mécanos font les pleins, et dès qu’on a suffisamment de chasseurs, on décolle avec les Glenn disponibles, dont le personnel fait de même. J’arrive ainsi à abattre un Jap à train fixe qui filait vers un bombardier. » (Pierre van Bielt, op. cit.)


30 décembre
Cochinchine
– « Cette fois, on est à pied. Plus assez d’avions, les chibanis se les réservent, ce qui est plutôt normal. Notre souci actuel est de savoir si on va nous évacuer vers l’AFN, ou si on peut attendre l’arrivée de matériel, qui est annoncée. Pour ça, on nous envoie à Myitkyina, en Birmanie, avec nos parents, qui sont évacués quand il y a des places. Si j’ai bien compris, le commandement pense qu’on se battra mieux si nos proches sont à l’abri des Japs. » (Pierre van Bielt, op. cit.)
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Etienne



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MessagePosté le: Ven Nov 19, 2021 13:24    Sujet du message: Répondre en citant

Le transfert par train est signalé OTL dans l'excellent et récente revue "Les Ailes".
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houps



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MessagePosté le: Ven Nov 19, 2021 13:24    Sujet du message: Répondre en citant

Cochinchine, 9 décembre, 08h00

"...C’est le Commandant nous mène au casse-pipe –..."

Si c'est son nom, il faut mettre des tirets et des guillemets : "... C’est le Commandant "Nous-mène-au-casse-pipe" et dans ce cas, la phrase est incomplète.

Je suggère:

C’est le Commandant "Nous-mène-au-casse-pipe" lui même qui nous dirige. Son expérience nous place soleil dans le dos et plus haut que les ennemis, pour attaquer les bombardiers de face, ce sont eux les cibles prioritaires.

Very Happy
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Etienne



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MessagePosté le: Ven Nov 19, 2021 13:26    Sujet du message: Répondre en citant

Je crois plutôt qu'il manque un "qui"... Laughing

J'avais dû écrire "il nous emmène...", l'ayant cité juste avant.
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