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Les Balkans (et la Hongrie), Février 44
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Mer Sep 08, 2021 10:31    Sujet du message: Les Balkans (et la Hongrie), Février 44 Répondre en citant

Oui, c'est une réédition. Une sorte de rappel, de façon à tout revoir en simultané.

1er février
La campagne des Balkans
Météo
Front de Yougoslavie
– La journée n’est marquée par aucune action majeure. Une pluie froide s’abat de nouveau sur le théâtre des opérations, transformant les chemins en fondrières et la belle neige blanche en une boue épaisse et collante.

Pèlerinage païen
Wolfsschanze (Rastenburg)
– Après les négociations qu’il a si brillamment conduites, le Poglavnik Pavelic reprend son train en direction de Zagreb. Son départ s’effectue devant les caméras, avec force sourires et gestes de triomphe à destination de son peuple. Derrière lui, les membres de sa délégation paraissent plus effacés – est-ce parce qu’ils laissent la première place à leur chef… ou parce qu’ils sont saisis de quelques doutes ?


2 février
La campagne des Balkans
Triomphe
Zagreb
– Ante Pavelic rentre dans la capitale de son pays – lequel est désormais très officiellement l’un des plus fidèles et des plus appréciés alliés du Reich. Il est vrai que ce dernier n’en a plus guère… Mais cela ne saurait en rien entamer la bonne humeur du Poglavnik, qui triomphe devant les caméras de la Hrvastsi Slikopis, l’air parfaitement confiant. Hitler et l’Allemagne ont honoré la vieille promesse de Mussolini ; la Croatie va retrouver ses frontières historiques !
Sitôt la nouvelle annoncée, le vice-ministre de la Guerre Vilko Begić et le nouveau chef de la Kroatia-Armee, Slavko Štancer, tous deux dûment talonnés par leur maître, ont pris langue avec Maximilian von Weichs et la SS pour programmer une réunion de travail – elle est prévue dès demain. Il s’agit d’entériner aussi vite que possible les modifications nécessaires dans l’organisation du Heeresgruppe E.

Intérêts convergents
Kaposvár (Hongrie)
– Le général von Weichs en question, toujours aussi contrarié, enchaîne les mauvaises nuits – et l’arrivée annoncée de la 181. ID n’y peut rien. Car cette unité ne pourra régler seule le problème hongrois, pas plus que les Croates ne pourront tenir seuls face aux Alliés. Son groupe d’armées a désormais deux flancs ouverts : le droit, sous la responsabilité de troupes réputées loyales mais médiocrement équipées, et le gauche, où des unités peu sûres font désormais face à des divisions ennemies qui pourraient sous peu devenir leurs amies ! Et que devient le Heeresgruppe E, au milieu ?
Il faut donc sécuriser au moins une des deux ailes du GA E, pour que ce dernier ait une vague chance de survivre au printemps 1944. Laquelle ? la réponse est évidente, car imposée par la géographie : il faut que la Voïvodie soit tenue par le Reich, et non plus par la 2e Armée de ce Jany. Certes… mais cela représente 180 kilomètres de front supplémentaires, sur un terrain très favorable à l’offensive ! Et ce n’est pas avec une malheureuse division d’infanterie en plus que Fehn va s’en sortir.
Un verre d’Unicum plus tard, le général appelle l’OKW pour solliciter des instructions. Au bout du fil, l’Oberst von Freyend – évidemment. Ce dernier n’a pas perdu son arrogance coutumière… mais elle semble cette fois-ci déguisée sous des propos plus subtils. « Le Führer a tranché pour vous avec sagesse, Herr General. En offrant la Bosnie aux Croates, il vous en a de toute évidence déchargé. A vous de vous coordonner avec ces derniers – et avec la SS ! – pour mettre en place un dispositif cohérent. »
Dans son bureau, von Weichs doute toujours autant que son groupe d’armées ait été un jour une priorité d’Hitler. Mais il entend clairement le message – ainsi que la bénédiction de l’OKW pour ce qu’il s’apprête à faire.

Manœuvres obscures
Zagreb (Etat indépendant de Croatie)
– De cafés en ministères, de bureaux discrets en maisons isolées, les conspirateurs croates continuent d’échafauder leurs plans délicats pour sauver la Croatie de la défaite de l’Axe, et ce malgré des premiers contacts bien décevants. De leur point de vue et selon leur expérience, il parait désormais évident que les Britanniques ne viendront vers eux que contraints et forcés. Quant aux Français, ils semblent plus compréhensifs… mais ne sauraient faire le premier pas.
Tirant les conclusions logiques de ce qui leur semble être la réalité, Mladen Lorkovic et ses complices ont décidé de préparer désormais franchement (mais dans la discrétion) un coup d’état contre Pavelic, afin d’épargner à la Croatie une occupation étrangère. Dans cette optique, Lorkovic vient d’obtenir une belle promotion pour Ante Vokić : ce dernier a été nommé Krilnik (1), grade qui n’a été attribué qu’à Slavko Kvaternik (2). Or, celui-ci est désormais en disgrâce en Slovaquie, suite à des… excès dans la répression anti-juive et anti-serbe (3). Cette nomination, qui déplaît beaucoup à l’ambassadeur Siegfried Kasche comme au général von Horstenau (lesquels désespèrent désormais de parvenir à un équilibre dans le gouvernement croate !), donne donc à Vokić le commandement de fait de la garde nationale oustachie… Elle complètera fort utilement les nombreux contacts que Lorkovic entretient aujourd’hui au sein de la haute société de Zagreb, en compagnie de Ljudevit Tomašić et avec l’aide du carnet d’adresses d’August Košutić.
Mais tout cela, Pavelic ne le voit pas… pour l’instant. Son aveuglement semble d’ailleurs partagé par les conjurés. Ainsi, face aux craintes exprimées par l’aristocratie croate quant aux “dégâts” infligés aux Serbes et aux Bosniaques par la politique oustachie, August Košutić aura cette réponse sidérante : « Je ne pense pas que cette question devrait nous inquiéter autant. Je me souviens très bien de la situation dans laquelle se trouvait l'Europe durant la guerre précédente, ou même juste après. Les pays engagés dans cette guerre étaient tellement occupés par leurs affaires internes que personne, pour ainsi dire, ne tenait compte de ce que les autres faisaient à l’intérieur de leurs propres frontières. En 1919, sur les côtes de la Méditerranée, une bonne partie de la “population non désirée” pouvait tout simplement être éradiquée et personne ne tournait la tête. Donc, si nous sommes intelligents, cette question de… nettoyage – disons plutôt de restructuration de la population – ne devrait pas être particulièrement difficile à défendre pour nous. » Pas sûr qu’on partage cet avis à Belgrade…


3 février
La campagne des Balkans
Migrations contraintes
Užice (Serbie occupée)
– Après une semaine de marche au milieu de la neige et de l’hostilité, la 100. Jäger (Willibald Utz) arrive finalement dans l’ancienne capitale de la défunte “République de Tito”, accompagnés des engins du 914. StuG Abt (major Friedrich Domeyer). Chasseurs de montagne et Sturmgeschutz rejoignent ainsi la 114. Jäger (Karl Eglseer), qu’ils entreprennent de relever. Cependant, cette dernière ne doit pas quitter le secteur immédiatement – il convient d’attendre que les trois autres divisions du XV. GAK soit elles aussi prêtes à partir avant de faire mouvement vers le nord et la Save.

Condamnation à mort d’une nation
Kaposvár (Hongrie)
– Pendant ce temps, au QG du HeeresGruppe E, un drame se joue. Autour de la table, affichant des mines contraintes, siège l’état-major militaire de l’Axe dans les Balkans : Vilko Begić et le général Slavko Štancer pour le NDH (les Croates), le SS-Obergruppenführer Artur Phleps pour les hommes en noir et bien sûr Maximilian von Weichs pour la Heer. Manque les Hongrois – mais ces derniers semblent être devenus soudainement indésirables…
Rassemblé par la volonté de leurs chefs politiques, tous ces personnages se détestent cordialement. « Comme des Yougoslaves ! » se dit l’aide de camp de von Weichs.
Les Croates, et tout particulièrement Slavko Štancer, en veulent évidemment à la Heer pour le mépris dans lequel elle les a tenus durant deux ans – ils en savourent d’autant plus leur revanche. Au point même de venir à cette réunion sans s’y être vraiment préparés.
Le général von Weichs – et toute la Heer à travers lui – enrage contre ces Oustachis qui, après avoir causé tant de difficultés, lui forcent à nouveau la main pour obliger les militaires professionnels à mettre le nez dans leurs affaires. Hélas ! Dès avant la récente visite de Pavelic à Hitler, l’OKW a bien dû revenir de ses illusions serbophiles du mois d’août : ses seuls partenaires fiables – mais encombrants – sont à présent les Croates. L’offensive alliée de décembre a donc contraint l’Allemagne à s’appuyer encore plus sur ces derniers, et peut-être davantage que si la Yougoslavie n’avait été secouée que par les actions des Partisans. C’est donc en vain, désormais, que Glaise von Horstenau et Hermann Neubacher tentent de limiter l’influence de Pavelic – la Heer, elle, a fait son deuil.
Quant à Phleps, tout vêtu de noir luisant, il observe avec un certain plaisir mais beaucoup d’impatience ces dégénérés slaves et autres vestiges de l’ancienne Allemagne s’enliser dans leurs propres turpitudes. Même si, évidemment, l’Obergruppenführer aimerait autant être ailleurs : son temps est précieux !
Mais il est précieux pour tout le monde, en vérité.
Von Weichs veut faire vite : il propose d’emblée aux Croates de leur attribuer un front de 250 kilomètres allant du lac Scutari – déjà sous le contrôle du Kroatia-Armee-Korps (les trois divisions croates de la Heer) – jusqu’aux monts au sud de Valjevo, qui ne sont pour l’instant tenus que par le KG Braun – pardon, par la 4. GebirgsJäger Division ! Toutefois, le général allemand souhaiterait que le 3. SS-GAK se positionne entre ses futures lignes et celles des Croates, « afin de faciliter la coordination de nos forces ».
Les Oustachis sont ravis … mais cela ne fait pas les affaires de Phleps, qui se voyait déjà se tailler un fief dans le sud du pays. Il imagine avec déplaisir tout son monde (deux divisions et un StuG Abteilung quand même, sans compter la 4. SS-Polizei-Panzergrenadier, qu’il espère bien annexer) traverser la Bosnie en plein hiver pour servir de bouche-trou entre la Heer et les Croates !
Il faut pourtant bien trouver une solution. Le Kroatia-Armee-Korps ne pourrait-il pas remonter pour… C’est non pour la Heer et les Croates réunis : un voyage beaucoup trop long pour des unités qui seront de toute façon bien plus utiles en plaine qu’en montagne. Vilko Begić en profite pour demander la date de transfert officiel de ces unités à la Croatie… La réponse de von Weichs est simple : « Aussitôt que nous nous serons mis d’accord et que l’organisation du commandement sera effective ! » Il ne va pas jusqu’à préciser que, pour deux de ces divisions au moins, il faudra aussi que les Croates trouvent de quoi constituer un état-major correct !
Finalement, la solution viendra de Štancer, qui propose que la jonction avec les forces de la Heer soit assurée par le 1er Corps d’Armée croate : ses meilleures unités, dont les soldats sont si expérimentés qu’ils ont auparavant servis dans d’autres armées ! Tous acceptent, sans excès d’enthousiasme.
Ces contingences réglées, il est convenu que les 3e et 4e CA oustachis quitteront les régions de Gospić et de Daruvar pour se porter sur les positions du LXVIII. Armee-Korps, le 2e CA oustachi prenant le relais du XV. GAK au côté du 1er CA. La 20. Armee tout entière sera alors libre de se redéployer plus au nord – par exemple dans la vallée de la Save (ce que von Weichs ne précise pas, cela ne regarde que lui). Ces mouvements de troupes seront longs et fastidieux, surtout pour qui connaît le contexte local, mais le nettoyage résultant de l’opération Brzo ainsi que le travail de la Légion Noire ou de la Garde nationale oustachie devraient limiter ces difficultés. « Et bien sûr, nous comptons sur le soutien fraternel de nos amis de la SS, n’est-ce-pas, Herr Obergruppenführer ? » ajoute un von Weichs très pressé d’en finir. L’homme en noir prend son temps pour répondre. D’un côté, il n’est guère satisfait de se faire donner des ordres par « cette p… de Heer » (selon ses propres termes). De l’autre, l’idée de rester maître de chez lui et, de surcroît, derrière les lignes de front lui plaît bien. Il aura ainsi tout loisir de poursuivre sa chasse aux Résistants, Communistes, Royalistes, Serbes et autres Juifs qui infestent la région.
L’accord est donc scellé – dans le sang d’autrui. Les ordres partiront dès demain. La minorité serbe de Bosnie et de Croatie, qui avait déjà perdu trois cent mille de ses membres (morts, déportés ou en exode), ne tardera pas en à en subir les conséquences, tout comme les Slovènes, Bosniaques et autres Monténégrins qui ont la malchance de vivre (plus pour longtemps…) au mauvais endroit. En effet, par une conjonction de facteurs fortuits unique dans l’histoire du second conflit mondial (souhait d’indépendance du NDH, besoin désespéré d’effectifs de la Heer, désir forcené d’autonomie de la SS…), une nation de 51 000 km² et (surtout) 3 millions d’habitants vient de se trouver officiellement livrée à une armée de soldats prédateurs politiques. Le résultat sera hélas tout aussi unique – effroyablement unique.

A l’est, du nouveau
Drobeta-Turnu Severin (frontière roumano-yougoslave)
– Les travaux se poursuivent avec assiduité sur les bords du Danube. Sous la surveillance attentive du NKVD, les Royal Engineers cheminent entre les épaves pour mettre en place le fameux pont-ponton entre Est et Ouest. La tâche, rendue complexe par les premières gelées et la présence de blocs de glace dans le beau fleuve bleu, devrait être achevée vers le 20 février – la ligne de chemin de fer vers Zaječar, elle, sera rouverte dès le 16 février. Le pont des Portes de fer sera donc le premier ouvrage neuf opérationnel de la toute nouvelle “Red Line” de Sa Majesté britannique.

Reprise de contact
Tirana (Albanie)
– Il neige dru, encore une fois, sur les Balkans – mais cela n’apaise pas les inquiétudes du général Władysław Anders, qui fait partir en urgence vers Sylvestre Audet un rapport alertant sur « l’extrême dispersion de ses forces le long de la côte adriatique ». En effet, entre la 3e DI (Bohusk-Szusko), qui tient péniblement Tirana et sa région, et la 5e DI (Bronisław-Duch), dans la plaine de Shkodër, il n’y a pas moins de 80 kilomètres. Dans cet intervalle, la 1ère Brigade blindée (Maczek) peut tout juste maintenir un lien fragile.
Les unités polonaises seraient donc incapables de se soutenir entre elles en cas de contre-attaque déterminée des Croates, qui pourraient bien les vaincre en détail. Sans même évoquer les risques d’une prise de flanc venant des montagnes à l’est… Instruit par son expérience avec l’ELAS durant l’été précédent, le général polonais répugne toujours autant à s’appuyer sur les éléments du PCA.
Il faut donc trouver une solution – et vite. Audet en convient bien volontiers. Mais les subtilités politiques des Balkans ne dépendent plus de lui, à son grand soulagement. Le 2e CA polonais devra donc patienter et rester très vigilant jusqu’à ce que Churchill rende ses arbitrages et que l’évolution des opérations lui permette enfin de quitter l’Albanie.


4 février
La campagne des Balkans
Migrations contraintes
Prijepolje (Serbie occupée)
– Il neige encore sur les bois et les montagnes, alors que la 173. ID d’Heinrich von Behr atteint enfin les positions de la 277. ID (Helmuth Huffmann). Le XV. GAK tout entier est donc enfin prêt à se mettre en mouvement – après l’échec de “Schneesturm”, la 117. Jäger est déjà retournée à sa garnison de Goražde.
Néanmoins, et compte tenu des décisions prises la veille, Lothar Rendulic est convenu avec son supérieur von Weichs que plus rien ne pressait – inutile de risquer les soldats du Reich en petites unités isolées cheminant à travers les Balkans. La 20. Armee fera donc mouvement vers la Save en un seul ensemble, une fois cet ensemble dûment relevé par les forces oustachies. Cette attente ne devrait toutefois pas durer trop longtemps, car les Croates semblent se préparer avec un réel enthousiasme !
………
Entretien avec un Oustachi
Zagreb
« – Nous avons appris le succès du Poglavnik alors que la division était en garnison à Zavidovići, un petit village situé à quelques dizaines de kilomètres au nord de Sarajevo. Ma brigade, elle, était déployée dans la vallée de Maglaj, sur la route de Doboj. La nouvelle du retour… de l’annexion de la Bosnie par la Croatie avait été accueillie avec force acclamations et sifflements. Pour nous, ce qui s’annonçait allait au-delà d’une récompense : c’était un juste retour à un ordre naturel qui n’aurait jamais changé s’il n’y avait pas eu, hélas, les Ottomans.
Alors certes, il allait sûrement falloir affronter les Alliés… Et après ? Depuis 1941, nous n’avions cessé de nous battre. Et puis nous luttions sur cette terre depuis longtemps, contre toutes sortes de groupuscules musulmans, orthodoxes ou communistes – il paraissait logique de la défendre à présent qu’elle nous revenait officiellement. Mon colonel se fendit donc d’un petit discours, destiné à galvaniser le régiment. Je m’en souviens encore comme si c’était hier : toute la troupe alignée avec des uniformes bien propres, alors que la bannière à damier rouge et blanc flottait au vent.
« Mes compatriotes, mes amis, Fils de Croatie ! Trop longtemps notre Nation a été déchirée, rejetée, opprimée et soumise à ceux à qui nous voulions échapper ! Nos ancêtres se sont lancés dans la plus grande lutte de l’Histoire de l’Humanité. Une quête pour la Liberté. La Yougoslavie a symbolisé cette liberté, mais cette nation parjure a bouleversé nos cœurs, nous affaiblissant dans un premier temps, pour finalement nous rendre plus résistants.
Il y a deux ans, le Poglavnik vous a réclamé du temps. Et ce temps, vous le lui avez accordé ! Vous qui êtes la Force, les porteurs de nos rêves ! Grâce à ce temps, il a reconstruit notre Nation, il a rétabli notre puissance et il a restauré notre fierté ! Nous avons rééduqué ceux qui étaient nos ennemis. Nous les avons rendus solidaires de notre cause. Aujourd’hui, nous sommes à nouveau unis, aujourd’hui, ceux qui pensaient nous diviser vont entendre nos voix. Aujourd’hui, nous agissons ensemble, et jamais plus nous ne serons ignorés ! »

A ce stade du discours, nous aurions tout aussi bien pu foncer droit sur les lignes ennemies – quel que soit l’ennemi d’ailleurs. Notre âme était pleine de rêves d’assauts sanglants, où nous courions sous la mitraille et dans les tranchées, écrasant dans notre rage Serbes, Grecs, Britanniques et tous ceux qui auraient eu le front de nous résister. Le colonel conclut finalement : « Défenseurs du rêve croate, à vous la Victoire ! » Une clameur s’éleva dans les rangs alors que l’on agitait les drapeaux sous la neige. Je n’imaginais plus que flammes et mort pour les orthodoxes qui allaient nous faire face.
[Je l’interrompis :] « Et vous souriez ? »
– Oh oui, je souriais face au vent…
– Non, Monsieur Vlašic. Ce que je veux dire, c’est que vous souriez encore à cet instant précis. »
(Dans la tête du monstre – Conversations avec un officier oustachi, Robert Stan Pratsky, Flammarion 1982)


5 février
La campagne des Balkans
Migrations contraintes
Etat Indépendant de Croatie
– Il pleut sur les Balkans alors que les 3e et 4e CA croates font leurs paquets avant de se mettre en route en direction de l’est et du front. Le temps est toujours exécrable, le front est calme, les arrières aussi – mais cela n’empêche pas l’état-major oustachi de prendre ses précautions ! Ainsi, il est décidé que la Légion Noire relaiera les troupes faisant mouvement de Gradiška, dans la partie nord du NDH. Pour ce qui est du sud, Slavko Štancer fait confiance au 3. SS-GAK de Phleps.

Nouvelle crise de nerfs serbe (et contagieuse)
Pristina (Kosovo)
– Le voïvode Dobroslav Jevđević, chef des corps-francs royalistes yougoslaves, n’est pas content du tout ! Et il le fait savoir en déboulant avec fracas dans le bureau de Georgios Tsolakoglou, poursuivi par toute une escouade de soldats grecs que les gardes du corps du rugueux Yougoslave tentent de tenir à l’écart avec virilité, sinon professionnalisme.
Car, après plusieurs jours de stratagèmes et autres manœuvres destinées à occuper les soldats de Pierre Karađorđević (il y a beaucoup à faire dans la région !), ces derniers viennent finalement de constater l’occupation de Prizren par les Ballistes de Safet Butka. Autrement dit, l’appropriation d’une de leurs villes par les hommes d’un mouvement terroriste affilié à une nation étrangère (l’Albanie) et naguère complice des précédents Occupants (au moins autant que l’étaient les Tchetniks…) ! Jevđević, béret vissé sur le front et uniforme noir trempé par la pluie, est rouge de rage – il parait sécher à vue d’œil, son visage agressif et anguleux mettant encore plus en valeur un rictus de haine.
Face à lui, Tsolakoglou ne se laisse pas démonter. Se levant avec une lenteur calculée, la moustache frémissante, il demande au Serbe (de Bosnie) les raisons de cette intrusion. Le dialogue qui suit est rugueux – et compliqué par le fait que le Grec s’exprime dans un serbo-croate hésitant mâtiné de sa langue natale, tandis que Jevđević épice d’italien son propre parler.
– Il se passe, général, que vous vendez notre pays à la découpe comme un boucher de Foča le ferait d’une charogne de porc ! Nous ne laisserons pas des musulmans et des communistes diriger le Kosovo !
– Nous ne vendons rien du tout, Monsieur Jevđević. Nous assurons le contrôle d’une zone de guerre, selon nos principes et selon nos besoins.
– Zone de guerre Sranje ! Les Allemands sont à des dizaines de kilomètres d’ici. Vous et vos troupes ne sont là que pour mettre le nez dans les affaires intérieures de notre pays – et certainement pas pour vous battre !

Le ton semble monter dangereusement – le général grec commence à trouver que ce bandit de grand chemin qui copinait avec les Allemands, alors que lui-même les affrontait en Grèce, lui porte sérieusement sur les nerfs.
– Rien ne vous autorise à donner votre avis sur la conduite des forces des Nations-Unies, Monsieur. Et puisque nous en sommes à parler des Allemands, peut-être pourriez-vous nous donner la position de leurs forces ? Il me semble que vous étiez très lié avec le défunt Cavallero et que, plus récemment, vous avez rencontré le général Löhr en personne…
– Vous ne connaissez rien à notre pays – j’ai défendu les miens contre les Oustachis ! Ceux-là même qui prétendent désormais annexer la Bosnie ! Mais cela n’intéresse personne – à Athènes, on préfère essayer de nous arracher la Macédoine tout en faisant mine de faire la guerre aux Allemands !
– Je ne vous permet pas d’insulter mes hommes qui sont morts pour rendre son trône à votre Roi et en luttant contre vos complices !
– Allez dire cela à Belgrade si vous l’osez !

Cris, insultes, menaces… on évitera de justesse les coups de poing – voire pire. Mais l’affaire remontera très vite vers Tirana, Belgrade et Athènes. Informé, le général Audet se contentera de déclarer avec un fatalisme ironique : « Chers amis, puis-je vous demander de relancer Marseille quant à ma demande de congé ? »

Notes
1- Terme croate signifiant “Couronne” – grade correspondant à peu près à brigadier-général dans d’autres armées.
2- Ainsi qu’à Stjepan Duić, Jure Francetić et Blaž Kraljević… mais à titre posthume.
3- “Excès” qui ont choqué jusqu’aux Allemands et ont poussé au suicide sa propre femme, d’origine juive.


Dernière édition par Casus Frankie le Jeu Sep 09, 2021 11:56; édité 1 fois
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demolitiondan



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MessagePosté le: Mer Sep 08, 2021 15:44    Sujet du message: Répondre en citant

Peut-être ne devrait-je pas ... Mais le discours au Major doit beaucoup à un certain Visari ...

https://www.youtube.com/watch?v=Xp5JQuw5aDY
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MessagePosté le: Mer Sep 08, 2021 17:54    Sujet du message: Répondre en citant

C'est tout à fait cela, en plus grand vu de l'intérieur et en beaucoup plus petit vu de l'extérieur Wink
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MessagePosté le: Mer Sep 08, 2021 19:20    Sujet du message: Répondre en citant

Un compliment sans doute mais je crains de ne pas le comprendre ?
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MessagePosté le: Mer Sep 08, 2021 19:59    Sujet du message: Répondre en citant

C'est bien un compliment pour avoir trouvé la pépite mais mon expression est trop concise.

Je voulait simplement souligner que la vidéo décrivait bien la façon dont les croates se voient (en plus grand encore que dans la vidéo) et comment les autres voient la Croatie (en beaucoup plus insignifiant même si ils sont capables de grands crimes)
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MessagePosté le: Mer Sep 08, 2021 20:18    Sujet du message: Répondre en citant

Ah OKKKKKKK (Jean-Pierre Papin Power - je plaisante). Killzone est un FPS assez ancien, avec des méchants (les Helgasts de la vidéo, se voyant comme des "méta-humains") à l'esthétique comme aux méthodes clairement inspirées. Autant par le IIIème que par un manga hélas (hélas hélas hélas !) impossible à trouver en France ou presque ! Kerberos Panzer Cop. L'histoire d'une unité de police d'assaut d'élite dans un Japon nazifiée. Si quelqu'un a les scans, les livres (je ne suis même pas certains qu'ils aient été traduits !), n'importe quoi ...



Licence inconnue sous nos latitudes mais qui a même donné naissance à quelques films assez médiocres, quoiqu'abordant les tendances fascisantes toujours prégnantes au japon.



Et pour finir, ca a finalement donné chez nous un authentique chef d'oeuvre de l'animation, le fameux Jin-Roh 'La Brigade des Loups", véritable film - contre toute attente ! - intimiste où il est question d'explorer la psychologie d'un tueur (de fait) et la déshumanisation inhérente à la violence. Je recommande. Très fort. Ne serait-ce que pour la BO.





https://www.youtube.com/watch?v=LpVNNC52Q_o

D'ailleurs ... Comment elle s'appelle au juste l'unité de Rakto Vlašic ? Ah - le bataillon des Loups ... Bon une inspiration ... Peut-être un indice, chez vous - comme dirait l'autre.

Pour revenir sur Killzone, je m'étais bien amusé à l'époque, sur PS2 ... Et puis, c'étaient de rudes combattants. Et puis très très bonne rejouabilité (comme on dit) avec 4 fois la même histoire vue par 4 personnages avec pas du tout les mêmes méthodes (le Fusillier classique, l'assassine, le soutien mitrailleuse lourde, l'infiltré retourné ...) Puis la série a vrillé et COD a tout emporté. Triste époque. Allez, c'est fini le racontage de vie sur mes inspirations. NO SPOIL comme on dit. Quelques infos ..

https://www.les-ailes-immortelles.net/forum/viewtopic.php?t=21876
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MessagePosté le: Mer Sep 08, 2021 20:23    Sujet du message: Répondre en citant

Mais en relisant la savoureuse (et tragique) empoignade entre Tsolakoglou et Jevđević, je ne résiste pas non plus à vous remettre les deux portraits des protagonistes. Pour affuter l'imagination.





Jevđević était dans mon Top 4 des plus belles têtes d'assassin, je me rappelle ...
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Jeu Sep 09, 2021 12:08    Sujet du message: Répondre en citant

6 février
La campagne des Balkans
Migrations contraintes
Užice (Serbie)
– Le 227. Jäger Rgt arrive à destination, rejoignant ses camarades autrichiens sous la neige. La 100. Jäger de Willibald Utz est enfin de nouveau au complet. Elle aussi attend désormais l’arrivée des Oustachis pour faire mouvement vers le nord.
………
Etat indépendant de Croatie – Ces derniers se mettent justement en branle. Le 3e CA d’Ivan Markuli se dirige vers Berane et le nord du Monténégro. Le 4e CA prend de son côté la direction de Bijelo Polje, de Prijepolje et du sud de la Serbie. Des mouvements longs et fatigants – on n’attend pas l’arrivées des Croates avant dix jours au mieux. D’ici là, les Allemands devront tenir… et, accessoirement, s’occuper.


7 février
La campagne des Balkans
Serbie-Grèce : des retombées multiples
Athènes
– L’incident de Pristina – comme on appelle désormais pudiquement le heurt violent entre un général grec et un chef de corps-francs yougoslave – n’a pas dégénéré en affrontement armé, mais n’en a pas été loin. Du coup, dans un souci d’apaisement, le commandement allié obtient que les corps-francs en question aillent passer leur mauvaise humeur ailleurs qu’au Kosovo. Cela n’a pas été sans mal : pour un si modeste résultat, il a fallu que Montgomery mette personnellement la main à la pâte pour convaincre par téléphone le général Petar Živković, à Belgrade, que les royalistes serbes ne gagneraient pas la guerre sans les Alliés ! En raccrochant le combiné, le Britannique lance au général Béthouart : « Vous avez plutôt bien réorganisé leur armée, mon cher ami… mais vous auriez peut-être dû aussi réorganiser leur système politique. Je ne suis pas sûr que tous les peuples méritent une monarchie ! » Un propos significatif, venant d’un loyal sujet de Sa Majesté George VI.
………
Est de la Bosnie – En conséquence de ces menus tiraillements entre Athènes et Belgrade, les corps francs de Dobroslav Jevđević quittent le Kosovo en direction de la frontière entre Serbie et Bosnie – région où il n’y a ni Grecs, ni Ballistes. En revanche, il y a là-bas de très nombreux partisans communistes… Le redéploiement des corps-francs ne risque donc pas d’apaiser les tensions, bien au contraire. Cependant, ce n’est plus le problème de Montgomery – que les Yougoslaves se débrouillent entre eux ! Et Béthouart songe qu’il lui est difficile de ne pas comprendre son supérieur.
Seraient-ils de cet avis s’ils savaient que, parmi les chefs des corps-francs, on compte désormais les chefs tchetniks Vojislav Lukačević et Zaharije Ostojić, qui sont tous deux bien trop familiers de la région ? En effet, sous l’occupation allemande, Lukačević s’est rendu coupable d’une véritable politique d’extermination de la minorité musulmane de cette zone, en prévision de son annexion par la future Grande Serbie (politique responsable de la mort de plus de 1 200 combattants et 8 000 civils). Quant à Ostojić, il a été responsable (avec la complicité d’un Đurišić, toujours lié à l’Axe !) de la “disparition” de 1 300 personnes et de l’anéantissement de 21 villages – il aurait sans aucun doute encore accru ces chiffres sans le changement de camp des Italiens, qui a provoqué fin 1942 l’arrêt momentané des opérations de “nettoyage anti-Partisans”.
………
Belgrade« L’ingérence inadmissible » des Alliés dans ce que le gouvernement royaliste appelle « la politique intérieure du royaume » fournit à Momčilo Ninčić des arguments supplémentaires pour se plaindre auprès de ses amis américains, comme il prévoit de le faire bientôt. En vérité, c’est tout juste s’il n’accuse pas les Anglo-Français de vouloir coloniser la Yougoslavie comme il l’ont fait jadis de l’Inde et de l’Algérie…
………
Athènes – Le général Georgios Tsolakoglou est « déchargé » du commandement du 2e CA et doit rentrer immédiatement à Athènes – officiellement pour être nommé gouverneur de Salonique, officieusement en raison de sa maladresse dans la gestion de la crise kosovare. Cependant, alors qu’il lui téléphone pour lui annoncer personnellement la nouvelle (ce qui est déjà une faveur), le général Liosis s’empresse de lui signifier « toute la gratitude de la Nation, du Régent et du gouvernement, pour les services rendus depuis le début de la guerre contre l’Axe. » Du reste, le communiqué du Palais royal ne présente nullement la mutation de Tsolakoglou comme une punition. Après tout, le général n’a-t-il pas battu les Italiens et libéré presque toute l’Albanie opprimée en 1941 ? N’a-t-il pas participé au premier rang à la reconstruction de l’armée grecque ? N’a-t-il pas (au côté des Alliés tout de même…), libéré la Mère Patrie du Péloponnèse à la Thrace ? Et le communiqué conclut que « le général Tsolakoglou figurera à jamais au panthéon des plus grands chef militaires hellènes ! »
Ce déluge de compliments permet au général d’accepter sans maugréer cette décision, puis d’aller attendre patiemment la retraite (il a déjà 58 ans) en reconstruisant sa région natale ravagée par la guerre. Dans son malheur, pense-t-il avec fierté, il aura rendu à son pays un ultime service : jouer le rôle de victime expiatoire face aux humeurs du jeune Pierre II et à l’extrémisme de ses troupes.
Tsolakoglou l’ignore encore, mais il se murmure déjà qu’en réalité, les Serbes n’ont fait que fournir opportunément à Athènes une bonne raison de l’évincer. En effet, le général est connu pour ses opinions politiques… assez peu démocratiques. Il avait en son temps fermement soutenu Metaxas, puis Georges II. Or, depuis l’abdication de ce dernier, et malgré les efforts du régent Paul, la monarchie grecque reste encore très fragile, malgré son ralliement aux principes démocratiques. Elle multiplie donc les signes de bonne volonté en direction des “républicains modérés” de Papandréou. Plus encore qu’une concession à Pierre II, la mutation du général Tsolakoglou apparaît donc comme un sacrifice fait par le régent Paul sur l’autel de la réconciliation nationale. D’ailleurs, comme pour offrir une preuve supplémentaire de la bonne volonté du Palais, Tsolakoglou est remplacé par le lieutenant-général Dimitrios Papadopoulos. Lui aussi est officier de carrière et vétéran de l’Albanie, mais il avait auparavant été impliqué dans la tentative de coup d’état du 22 octobre 1923 contre le gouvernement révolutionnaire (et autoritaire) de Plastiras.

Serbie-Monty : des divergences de fond
Belgrade
– Comme pour répondre à la conclusion de l’affaire de Pristina – mais nénamoins dans un esprit affiché de « collaboration cordiale et égalitaire », l’état-major de l’Armée royale yougoslave transmet officiellement au haut commandement du 18e GAA ses « propositions pour la future campagne de libération du Royaume ». Ces dernières ont été rédigées par le lieutenant-colonel Miodrag Lozić – un homme compétent, quoique réputé pour son nationalisme forcené et guère apprécié des Britanniques (4). De surcroit, il a travaillé sous le regard de son ministre, le général Živković.
Comme on pouvait s’en douter, les projets de Lozić ne coïncident donc pas franchement avec ceux de Montgomery. L’opération envisagée, baptisée “Kragna” (collet) prévoit une puissante offensive vers Slavonski Brod en suivant la Save, se prolongeant ensuite en deux pointes visant Zagreb et Zenica. Cette attaque serait appuyée par « une action énergique » de la 2e Armée française en direction de Mostar puis Sarajevo. L’idée d’ensemble est d’encercler puis de détruire toute la 20. Armee de Rendulic… et accessoirement de libérer toute la Bosnie (où les partisans sont nombreux) avec l’appui des milices tchetniks, assurément précieuses en terrain montagneux, puis de provoquer l’effondrement du NDH.
………
Athènes – Les réactions du GQG du 18e GAA sont polies mais mesurées. On remercie évidemment Belgrade pour ces amicales suggestions, on assure que les projets de l’offensive de printemps sont encore à l’étude, et on promet d’associer les Yougoslaves à l’élaboration du plan définitif. Puis on se hâte de ranger ce dossier dans un tiroir profond et de l’y oublier, avant de se remettre à travailler à Plunder/Veritable/Grenade, dont le gouvernement royal n’a toujours pas connaissance !
………
Belgrade – Pierre II et Živković ne sont pas naïfs – ils se doutent bien que leur plan ne sera pas retenu par les Anglo-Grecs (c’est ainsi qu’on surnomme les Alliés depuis l’incident de Pristina… en évitant cependant de dire trop de mal des Grecs devant le jeune et amoureux souverain). Mais peu importe : pour eux, en vérité, Kragna présente bien moins un intérêt militaire qu’un intérêt politique. Il viendra nourrir, à Washington, les récriminations de l’ambassadeur Constantin Fotitch, qui peaufine son argumentaire relatif aux vexations infligées par Londres : les Anglais méprisent visiblement leurs courageux alliés, ignorent leurs propositions expertes et refusent à leurs soldats un matériel indispensable – comme les bombardiers lourds Lancaster que le général Živković convoite depuis deux mois, dans l’idée mal dissimulée de s’en servir pour transformer Zagreb en un champ de ruines.
………
Washington – D’ailleurs, à l’heure où, à Athènes, on s’efforce d’oublier où l’on vient de ranger le projet Kragna, Fotitch est déjà en train de sangloter (ou presque) devant Cordell Hull, en s’exclamant, pathétique : « Il est inadmissible, incompréhensible et même profondément blessant pour Sa Majesté qu’on l’accuse de collusion avec de prétendus collaborateurs, alors que dans le même temps, le général Olléris est reçu en héros dans la capitale provisoire française ! Et il est tout aussi désolant de constater qu’on nous refuse le moyen de porter le fer contre nos ennemis pour de fumeuses considérations humanitaires, alors que le maréchal Harris poursuit chaque nuit avec une juste constance la destruction des cités allemandes. J’ose parfois me demander, Monsieur le Secrétaire d’Etat, si on préfère à Athènes avoir une Nation yougoslave combattante et hardie à la tâche, où une nouvelle pantalonnade comme celle que nous infligea jadis le général Simović ? »
Celui qui fut chef d’état-major yougoslave lors de l’invasion allemande en 1941 a certes bien des excuses pour expliquer ses piteux résultats – dont la défection d’une grande partie des unités croates de son armée, justement… Mais, bien qu’il ait ensuite assumé pendant deux ans le rôle de Premier ministre du gouvernement en exil, il n’a ni la gloire apportée par le Sursaut ni le souvenir du Grand Déménagement pour le protéger des critiques. Et on murmure que Pierre II ne lui aurait jamais pardonné d’avoir été surpris par l’invasion allemande alors qu’il était à l’église, en train de marier sa fille ! Après Pavelic, il fait donc un second bouc émissaire commode (et extérieur au gouvernement) pour expliquer aux Américains que le Royaume ait tant de mal à maintenir son unité.


8 février
La campagne des Balkans
Les Croates en première ligne
Bosnie
– Aucune action particulière n’est à signaler sur le front, hormis le fait que les Croates continuent leur mouvement destiné à relayer les forces allemandes – et sous la pluie.

Préparatifs aériens
GQG du 18e GAA (Athènes)
– La pluie n’empêche pas l’état-major allié de travailler. L’Air-Marshal Tedder vient enfin d’obtenir l’autorisation de mobiliser pour les Balkans une partie significative des unités de bombardement lourd de la Royal Air Force déployées en Crète et en Italie. Il s’agit notamment des Sqn 15, 148 et 149 sur Halifax, ainsi que du Sqn 104 sur Wellington. A Londres, et malgré les souhaits exprimés par Tedder, on a jugé que le Sqn 619, sur Lancaster, destiné à des missions spéciales, serait mieux utilisé en France et surtout sur l’Allemagne. En revanche, il sera toujours possible pour le Mediterranean Oriental Command de recourir aux services des Sqn 39, sur Beaufighter, 69, sur Beaumont II, et 227, sur Mosquito, basés en Italie, pour le traitement de cibles le long de la côte adriatique. Ces formations s’ajoutent donc aux six wings de bombardement déjà engagés par la RAF dans les Balkans.
Le général Weiss (1ère Armée aérienne) n’est pas en reste. La 2e Division de son armée va engager ses trois escadres de bimoteurs (une française, une polonaise et une yougoslave). De plus, le Président du Conseil en personne, qui s’inquiète de la perte d’influence de la France dans la région, lui a accordé la participation « visible et régulière » des “Libérateur” de la 60e EB (L). Le grand Charles semble considérer qu’on ne voit pas assez les cocardes françaises de Belgrade – ce qui pourrait causer du tort. Enfin, les B-25 de la 23e EB, actuellement en Corse, pourront être très ponctuellement recrutés pour des opérations de grande envergure.
Les forces aériennes alliées de Méditerranée Orientale disposent désormais de bien assez de moyens pour lancer une offensive aérienne de grand style entre Trieste et Debrecen – et ce malgré la défausse de la 8th Air Force : les Américains n’accordent aucun intérêt au théâtre balkanique. A compter du 5 mars – et sous réserve, bien sûr, des conditions météorologiques – toutes les installations ferroviaires, nœuds routiers et dépôts de ravitaillement devront être frappés sur les 500 kilomètres en arrière du front de Yougoslavie, soit jusqu’en Slovaquie. Une seule exception : les installations portuaires de l’Adriatique devraient a priori être épargnées, pour deux raisons. D’une part, elles ne sont plus vraiment d’une quelconque utilité pour l’Axe, compte tenu de la suprématie aérienne et navale des Alliés sur cette mer. D’autre part, il semblerait que Monty, à l’instigation du général Béthouart, souhaite conserver une énigmatique « option pour la suite ».
Quoi qu’il en soit, évidemment, cette campagne aérienne au nom évocateur (et bilingue) de Cyclone devra être coordonnée avec les prochaines opérations dans la Ruhr ainsi qu’avec les actions d’Alexander dans le nord de l’Italie.
Mais Tedder voit encore plus loin – puisque le génie du 18e GAA semble s’entendre à peu près avec les Russes, pourquoi ne pas envisager des actions conjointes menées avec l’aviation à longue distance des VVS ? Maintenant que l’Armée Rouge et celle de Sa Majesté combattent (presque) au coude-à-coude, Petliakov Pe-8 et Iliouchine DB-3 seraient les bienvenus pour écraser la Hongrie sous les bombes ! L’Air-Marshal envisage même avec témérité que les Rouges puissent descendre en Grèce pour se ravitailler. L’idée doit toutefois être validée par le Foreign Office… On attendra donc la toute prochaine visite de Churchill, dont l’arrivée à Athènes est prévue dans deux jours.

Machinations serbes
Palais Blanc (Belgrade)
– Pierre II Karađorđević n’a pas encore fini d’exploiter l’incident kosovar, qui n’est que le dernier en date d’une série de désaccords de plus en plus visibles avec les Occidentaux. En conséquence, et prenant acte de l’impossibilité pour les corps-francs yougoslaves de « travailler sereinement » avec les forces des alliés de la Yougoslavie, il ordonne leur déploiement « complètement autonome » dans une “zone de chasse” à cheval entre Bosnie, Serbie et Monténégro. Les anciens Tchetniks n’avaient déjà de comptes à rendre qu’au cabinet restreint du Roi, ils n’auront désormais même plus à informer les Alliés (et moins encore les Partisans…) de leurs actions. La suite est déjà prévisible…
Cependant, le roi de Yougoslavie a toutefois conscience qu’on ne mobilise pas l’opinion uniquement avec des armes et du sang – même à Belgrade, évidemment à Londres et à Marseille, mais plus encore à Washington. Il est indispensable de présenter une image positive, aimable, attirante de son règne, faute de quoi la sympathie durement gagnée pour sa cause est vouée à s’évaporer. Joignant l’utile à l’agréable, Pierre prépare donc désormais, en toute discrétion – mais avec le sourire – un événement que l’on qualifierait volontiers de glamour si l’on n’était pas en pleine guerre : son mariage avec Alexandra de Grèce.


9 février
La campagne des Balkans
Météo
Front des Balkans
– En ce pluvieux samedi de février, le calme règne à nouveau sur le front. Aucune action significative n’est à signaler pour les armées engagées.

Manœuvres obscures
Lukavec (Etat indépendant de Croatie)
– Dans leurs cachettes de la banlieue de Zagreb, Mladen Lorkovic et ses complices constatent l’irrémédiable enlisement des négociations avec les Français comme avec les Britanniques – la faute vraisemblablement à un trop grand nombre d’intermédiaires aux intérêts divergents, parmi lesquels on trouve notamment les Partisans du nouveau NKOJ.
En conséquence, sur proposition du Krilnik Ante Vokić, qui paraît désormais certain de son aura auprès des troupes oustachis, les conjurés conviennent de passer à l’action « de leur propre initiative, dès qu’une opportunité favorable se présentera ». La proclamation du NKOJ semble leur avoir donné des idée… Les Croates se verraient bien suivre l’exemple de leur compatriote Tito : mettre le monde devant le fait accompli, pour l’intérêt commun (qui inclut bien sûr le leur en particulier…).
Seule voix dissonante – mais fort discrète dans ce concert de fanfaronnades, August Košutić reste à l’écart. Le vétéran de la politique yougoslave estime qu’il a assez pris de coups (et de balles !) pour la Croatie. Et puis, Tito est assuré de ses combattants, lui…


10 février
La campagne des Balkans
Migrations contraintes et ajustements
Serbie
– Après un long et éprouvant trajet, le XIIIth Corps du Lt-général Brian Horrocks arrive enfin dans la région de Belgrade. Ses unités, qui ne bénéficient toujours pas d’un approvisionnement normal malgré les efforts herculéens du Supply Service, vont se déployer entre Barajevo et Progoreoci, en appui des 6th et 10th Armoured Divisions. Le dispositif allié au confluent de la Save et du Danube se renforce donc – mais son flanc sud reste encore dangereusement exposé aux désordres et aux infiltrations venant du Kosovo.

Noirs soldats, noirs projets
Croatie revendiquée
– La Légion Noire prend ses quartiers à Gradiška, assumant désormais officiellement la mission de maintenir l’ordre dans la région nord de l’Etat indépendant de Croatie (si l’on considère, bien sûr, les frontières les plus étendues qu’il revendique). Mais les hommes du général Boban ne disposent pas des moyens du 3. SS-GAK – et la neige qui tombe encore aujourd’hui gêne l’action de ses détachements, dont certains doivent s’aventurer jusqu’à Županja ou Zenica, soit à plus de 125 kilomètres de leur centre d’opérations. Les légionnaires sont donc aux prises avec une tâche qui les dépasse et Rafael Boban se voit donc très vite obligé de demander du renfort.
La Garde nationale oustachie n’y suffisant pas, le vice-ministre de la guerre Vilko Begić pense trouver la solution dans les milices collaborationnistes slovènes, dont la Garde nationale slovène, la Domobranci, n’est que le dernier avatar (5). Cette formation, parrainée par la SS, est sous l’autorité nominale du SS-Obergruppenführer Erwin Rösener, le chef de la police militaire à Lubjana. Elle est donc théoriquement indépendante de la Croatie. Mais son chef politique, Leon Rupnik, tout comme ses responsables militaires, Franc Krenner, Vuk Rupnik et Ernest Peterlin, n’ont rien à refuser à l’Axe en général et à leurs voisins croates en particulier – malgré une réserve très nette face aux projets allemands les concernant, les circonstances actuelles tout comme l’Histoire (6) semblent bien forcer la solidarité. Les Slovènes font donc mouvement à la frontière croate – attendant vraisemblablement une occasion de se venger des partisans de Tito…


Notes
4- Historiquement, Lozić s’est distingué lors du trop fameux “scandale du Caire”, en exigeant, dès le premier jour de sa prise de poste, la livraison des officiers pro-britanniques de Borivoje Mirković pour haute trahison ! Il fut immédiatement chassé de son poste sur ordre de Londres et le Lieutenant-General Stone assuma sa charge jusqu’à la fin du conflit.
5- Avant la Domobranci, il s’agissait de la Légion de la Mort, dissoute après la capitulation italienne, puis de la Garde Bleue, organisation liée au général Mihaïlovic et dispersée lors du retournement des Tchetniks.
6- Slovènes et Croates ont une longue tradition de conflits menés côte à côte en raison d’intérêts communs – citons par exemple le soulèvement paysan de Gubec, en 1573, contre la noblesse hongro-croate.


Dernière édition par Casus Frankie le Jeu Sep 09, 2021 13:35; édité 1 fois
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MessagePosté le: Jeu Sep 09, 2021 13:15    Sujet du message: Répondre en citant

Dans le texte, (1) (2) (3), pas (4) (5) (6).
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MessagePosté le: Jeu Sep 09, 2021 13:30    Sujet du message: Répondre en citant

Une petite répétition :
Citation:
Or, depuis l’abdication de ce dernier, et malgré les efforts du régent Paul, la monarchie grecque reste encore très fragile, malgré son ralliement aux principes démocratiques.

_________________
On ne trébuche pas deux fois sur la même pierre (proverbe oriental)
En principe (moi) ...
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MessagePosté le: Lun Sep 13, 2021 11:19    Sujet du message: Répondre en citant

11 février
La campagne des Balkans
Noirs soldats, noirs projets
Ljubljana
– Le SS-Obergruppenführer Erwin Rösener n’est pas vraiment satisfait de céder “sa” Garde nationale slovène au NDH sans réelle contrepartie. En effet, et même si la Slovénie est depuis bien longtemps considéré comme la plus calme (ou plutôt la moins agitée) des régions occupées de l’ex-Yougoslavie, il ne faudrait pas que l’Oberabschnitt Alpenland (1) devienne la province la plus négligée du Reich – les partisans de Tito, ou même les plus nationalistes des Slovènes seraient trop heureux d’en profiter.
Heureusement pour lui, Rösener n’a pas besoin de négocier comme ses collègues de la Heer – ses liens avec le Freundeskreis der Wirtschaft (2) lui ont depuis longtemps assuré l’oreille du Reichsführer SS en personne. Quelques coups de fil plus tard, le SS obtient l’accord formel de son supérieur pour compenser la cession de la Garde slovène par la transformation des SS Gebirgs-Rgt Karstjäger et SS Freiwilligen-Gebirgs-Rgt Kama, tous deux encore sous son autorité, en de véritables brigades aptes au combat.
Ces deux régiments sont pour le moment en très net sous-effectifs, mais ils devraient être renforcés, en complément des livraisons de matériel prévues fin février, grâce à une intense campagne de recrutement menée dans la population locale. En effet, ces unités sont respectivement constituées de Slovènes et de Croates ! Ce “détail” typique du contexte yougoslave est l’expression d’un des plus grands paradoxes des Schutzstaffel : bien que défenseurs de la race aryenne, dont l’expression la plus parfaite est le peuple allemand, les hommes en noir sont autorisés à recruter largement en dehors de celui-ci… ce qui n’est (en théorie) pas le cas de la Heer !
Les deux nouvelles brigades resteront dans un premier temps sous l’autorité de Rösener. Selon l’évolution de la situation, elles seront ensuite amenées à collaborer (ou pas !) avec le 3. SS-GAK d’Artur Phleps, qui poursuit avec application sa gestion autonome (c’est à dire la mise en coupe réglée) de la région de Mostar.

Manœuvres obscures
Région de Zagreb (Etat indépendant de Croatie)
– Restant en marge de l’agitation de la capitale croate et des certitudes de certains, August Košutić ne partage pas (ou ne partage plus) l’optimisme des autres membres de la conjuration de Lorkovic. Pour lui, il parait évident qu’un soulèvement non concerté avec les Alliés – ou au moins avec les Partisans de l’AVNOJ – ne débouchera que sur une catastrophe : les Bulgares peuvent en témoigner !
C’est pourquoi il a prudemment choisi de préserver tous ses liens avec les mouvements de Résistance en général – et avec le Parti communiste de Croatie en particulier. Košutić reste notamment en contact avec son camarade du Parti paysan croate Ivo Krbek, ancien ban de Croatie récemment sorti de prison et… membre de la Commission législative du Conseil national antifasciste national de libération de la Croatie. C’est justement ce dernier qui vient le voir aujourd’hui, en tant que membre du NKOJ… mais également à la demande de Londres. En effet, il semblerait que le haut-commandement allié s’intéresse lui aussi à la Garde nationale croate : quelle serait son attitude en cas de débarquement allié sur les arrières du 3. SS-GAK, à Kraljevica par exemple ? La discussion se poursuivra longtemps sous les arbres, dans la blancheur de l’hiver croate. Mais en quittant Krbek, Košutić ne s’est pas encore décidé à mettre le Krilnik Ante Vokić dans la confidence.
………
Pendant ce temps, dans les collines, le 10e Corps de Partisans de Zagreb continue à se préparer pour le printemps prochain. Fort de 7 000 combattants, pour la plupart des déserteurs de l’armée oustachie encadrés par des militants communistes, cette formation va encore s’étoffer avec l’arrivée prochaine de la brigade des Jeunesses Communistes Joza Vlahović et de la brigade Franjo Ogulinac Seljo – deux formations portant le nom de vétérans de la guerre d’Espagne assassinés par les Oustachis puis élevés au rang de martyrs. Ces deux brigades formeront la 34e Division de Partisans, donnant à l’AVNOJ une force de frappe substantielle dans la région.


12 février
La campagne des Balkans
Mauvais présage…
Théâtre des Balkans
– Le calme se prolonge sur le front et même – et c’est nouveau – sur les arrières des lignes alliées. Les corps francs tchetniks et autres miliciens serbes sont d’un calme inusité. A croire qu’ils attendent quelque chose…

Manque d’enthousiasme
Salonique
– En revanche, d’autres hommes n’attendaient rien, mais se voient contraints de retourner sur le front. Un transport chargé de presque 1 500 hommes de la 51th Division Highlands accoste aujourd’hui dans le grand port. Parmi ses passagers, une majorité de recrues arrivant de Grande-Bretagne, mais aussi 200 blessés – pour la plupart touchés lors du siège de l’été précédent et de retour de convalescence.
Après la Grèce qui leur a laissé de mauvais souvenirs, la perspective de découvrir une Yougoslavie hivernale et peu accueillante ne sourit guère à ces revenants. Et ce n’est pas le pire qui les attend. En effet, l’engorgement de la logistique alliée est tel que les vétérans vont devoir attendre dans un champ marécageux non loin de Sindos, au nord-ouest du port, sans rien savoir de leur avenir et alors que les bleus prennent déjà le chemin de leurs unités…


13 février
La campagne des Balkans
Des Ecossais rebelles
Sindos
– Dans la plaine marécageuse non loin de Salonique, la situation ne s’est pas améliorée depuis la veille. Ayant passé la nuit dans le froid et la boue, les 200 vétérans de la 51th sont d’une humeur massacrante au réveil. Et cette humeur ne s’améliore pas franchement lorsqu’un officier aux manières pédantes vient vers eux pour leur intimer avec morgue l’ordre… de rembarquer ! En effet, leur précise-t-il, les unités du front italien ont subi de lourdes pertes ces dernières semaines et il leur faut un apport urgent en personnel expérimenté.
Les soldats qui l’écoutent vont donc quitter la 51th Highland sans même avoir pu saluer leurs camarades – et sans savoir véritablement où ils vont ! Une rumeur circule dans les rangs : on parle de la 1st South African Division, durement étrillée face à la Ligne Gothique… Or, dans l’armée britannique plus qu’ailleurs peut-être, l’esprit de corps n’est pas un vain mot et cette perspective scandalise les hommes. Et même si, en réalité, il s’agit de renforcer la 46th Infantry Division britannique, la rumeur galope et un haro monte vite dans les rangs : « Nous ne sommes pas du putain de bétail ! » Cris, appels à l’obéissance… Une boite de conserve vole, puis deux, suivies de toutes sortes de projectiles. Les responsables envoyés pour rétablir le calme se replient sous les huées, rouges de rage et de sauce.
Des éléments de police militaire arrivent très vite en renfort, mais sans parvenir pour autant à ramener la discipline. Sur les deux cents mutins (c’est désormais leur statut), seuls 72 font finalement leur paquetage. Au soir, le camp de Sintos est encerclé, dans une ambiance lourde et tendue…


14 février
La campagne des Balkans
Des Ecossais rebelles
Sindos (région de Salonique)
– Il pleut aujourd’hui encore sur les Balkans – mais cela n’entame en rien la motivation des 128 mutins de Salonique, qui continuent obstinément de refuser de quitter leur camp humide pour une autre destination que la 51th Highland Division. Au QG de la VIIIth Army, jusqu’où l’information a fini par remonter, chacun constate que la situation paraît bien bloquée. En désespoir de cause, jugeant que la crédibilité de la hiérarchie du XIIIth Corps est atteinte, Richard O’Connor décide de solliciter la 1st Army afin que cette dernière envoie d’Italie un représentant du Xth Corps (la formation destinataire des transférés) afin de ramener les rebelles à la raison. Une démarche longue et incertaine – qui témoigne également d’une forme d’impuissance qui déplaira beaucoup à Montgomery…


15 février
La campagne des Balkans
Des Ecossais rebelles
Sindos (région de Salonique)
– La neige qui est tombée durant la nuit n’a pas découragé les mutins écossais, qui refusent encore obstinément de quitter les lieux – au grand désespoir de la hiérarchie alliée. Aussi, ce matin, c’est le lieutenant-général Richard McCreery, du Xth Corps, arrivé en urgence d’Italie, qui se présente à eux pour tenter de désamorcer la crise (3).
McCreery se veut conciliant : une erreur regrettable a été commise dans la transmission de leurs ordres, et il n’est absolument pas question de muter définitivement les valeureux vétérans. Si ces derniers doivent être déployés en Italie, c’est avant tout à des fins de formation des nouvelles recrues, en prévision de la future offensive programmée au printemps prochain. Les soldats de Sa Majesté ne sont donc absolument pas traités comme du bétail – au contraire, comme preuve du respect qu’on leur porte, il leur promet formellement qu’ils retourneront vers la 51th Highlands sitôt les bleus de la 46th Infantry Division au point.
Et le général conclut : « Gentlemen, je crois que la réalité de la situation est désormais rétablie. Je vous présente les excuses du haut commandement pour la façon dont on vous a traités – des camions viendront vous chercher demain à 6h00 pile pour vous ramener au port de Salonique. Je compte sur vous tous pour avoir fait vos paquetages, dans le calme et la discipline. Je me dois toutefois de vous prévenir que ceux qui ne souhaiteraient pas jouer le jeu s’exposent désormais à des conséquences fâcheuses – la mutinerie est une chose sérieuse, surtout en temps de guerre. »
Le lieutenant-général reçoit un silence froid pour toute réponse : est-ce de la détermination ? Ou bien un simple reste de mauvaise humeur susceptible de s’estomper dans la nuit ? Impossible à dire – mais en remontant dans sa Jeep qui l’attendait non loin des MP, McCreery ne peut s’empêcher de grimacer : « J’ai fait de mon mieux – maintenant on verra bien ! »

Noirs soldats, noirs projets
Ljubljana
– La Domobranci envoyée par le SS-Obergruppenführer Erwin Rösener arrive à la frontière du NDH et entre en contact avec son homologue, la Garde nationale croate ou Hrvatsko domobranstvo, passée récemment sous le commandement du Krilnik Ante Vokić. En coordination avec cette dernière, les Slovènes vont se positionner, les jours qui viennent, dans une large région comprise entre Otočac et Karlovac – soit une bande de tout de même presque 80 kilomètres en territoire croate, même si elle n’inclut évidemment pas la région de Zagreb.
Les relations entre les deux Gardes sont… distantes – le Krilnik ne semble pas particulièrement heureux de voir arriver des Slovènes dans son secteur ! Hier encore, Vokić tonnait : il ne croit pas en la fidélité de ces miliciens, pour la plupart vétérans de la Légion de la Mort, qui se sont déjà opposé (mollement…) au Reich durant les derniers jours de 1942 ! Leur ancien chef, Karl Novak, est en exil à Rome et n’a désormais plus aucune autorité sur ses hommes ? La belle affaire ! Les Slovènes ont déjà trahi l’Axe une fois, ils ne sont donc pas plus dignes de confiance que les Tchetniks. Et ils doivent repartir d’où ils viennent au plus vite. Le chef oustachi s’ouvrira longuement de tout ceci auprès de nombreux responsables de la Heer ou de la SS, dont le général Glaise-Horstenau – mais sans obtenir gain de cause.
En effet, du strict point de vue du Reich, Ante Vokić a bien tort de mettre en doute la loyauté de la nouvelle Domobranci. Depuis 1942, cette formation a beaucoup changé ! Et le 30 janvier dernier (l’anniversaire de l’arrivée au pouvoir des Nazis en Allemagne), les miliciens ont même participé à une grande cérémonie au stade Bežigrad, en présence du SS-Obergruppenführer Rösener et de l’inspecteur en chef Léon Rupnik – lequel est aussi le gouverneur provincial pour le compte du Reich (4). Une belle cérémonie, avec deux beaux discours. Les Slovènes, émus, ont vu pour la première fois depuis longtemps le drapeau aux armes de Carniole (5) flotter au vent à côté de la croix gammée. Puis, alors qu’on jouait le Horst Wessel Lied puis le Naprej zastava slave (l’hymne slovène), les gardes nationaux ont levé le bras droit et prêté serment d’allégeance à la nation slovène… mais pas uniquement : « Je jure par Dieu tout puissant que je serai loyal, courageux et obéissant envers mes supérieurs, que je lutterai de concert avec les forces armées allemandes qui se tiennent sous le commandement du chef de la Grande-Allemagne, des troupes SS et de la police contre les bandits, le communisme et leurs alliés. Je m’acquitterai consciencieusement de ce devoir pour ma patrie slovène dans le cadre d’une Europe libre. Pour cette lutte, je suis également prêt à sacrifier ma vie. Aide-moi donc, Dieu ! »
Certaines mauvaises langues pourraient sans doute faire remarquer qu’il s’agit, pour une bonne partie de ces hommes, de leur deuxième serment de fidélité en trois ans – le premier étant évidemment adressé à Pierre II… Mais peu importe : alors que Rösener passait dans les rangs pour distribuer des médailles à de glorieux vétérans, on a présenté une déclaration rédigée en slovène et en allemand qui a ensuite été signée par chacun des nouveaux soldats du Reich : « Je suis entré volontairement au sein de la Slovensko Domobranstvo dans la bataille pour la destruction du communisme qui a déjà provoqué la tristesse dans mon pays et mis en danger toute l’Europe. Ma ferme résolution est de combattre de toute ma force sous la direction de l'Allemagne pour la satisfaction de mon pays et de l’Europe et à cela, je consacre ma vie. J’ai confirmé cet engagement par un serment sacré aujourd’hui. J'ai été informé de mes devoirs et de mes droits en matière de service, de discipline et de paiement. »
Les miliciens sont donc désormais des troupes loyales, disciplinées, et surtout régulièrement engagées pour le compte du Reich – hormis toutefois certaines unités du littoral ou de la Haute-Carniole qui semblent traîner un peu les pieds. Mais peu importe ! Car, sous les yeux de la Propagandastaffel, ce sont désormais 18 000 hommes armés et motivés qui viennent renforcer la Heer, la SS et les forces du NDH. Et ce n’est qu’un début – on prévoit d’ores et déjà une cérémonie analogue le 20 avril 1944, pour l’anniversaire du Führer. Les Slovènes semblent très motivés pour la Cause de l’Axe, autant que les Croates et peut-être même plus. Rien d’étonnant en vérité pour des quasi-aryens ! L’aumônier Zorman de la Domobranci ne s’exclamait-il pas encore récemment : « Il vaut mieux que le peuple slovène meure tout entier en héros plutôt qu’il vive dans la vilenie communiste ! »
Avec un peu de chances, cela ne sera pas nécessaire – la garde dispose désormais de chefs capables, comme Franc Kenner, un ancien lieutenant-colonel d’artillerie yougoslave, formé à la faculté technique de Prague, ou Ernest Peterlin, autrefois chef d’état-major de la 15e DI royale Zetska. L’avenir de la Garde nationale slovène, bras armé du “Pacte slovène”, s’annonce radieux, alors qu’elle vole au secours des camarades croates.
Tout cela, Vokić devrait le savoir. En effet, le consul honoraire croate en Slovénie était présent, envoyé par Ante Pavelic lui-même. Et il le sait vraisemblablement – c’est d’ailleurs peut-être ce qui l’inquiète un peu, en réalité.


16 février
La campagne des Balkans
Les Croates en première ligne
Yougoslavie occupée
– Le 4e CA oustachi, commandé par le général Mihajlo Lukić, est la première formation propre au NDH à arriver au contact de la ligne de front de la Heer, sous la neige et plus précisément entre Bijelo Polje et Prijepolje. Les Croates doivent relever les unités allemandes de cette zone, à savoir les 173. et 277. ID, le KG Lungerhausen et le 907. StuG Abt. Une telle ambition ne peut que faire sourire les officiers allemands, au premier rang desquels on trouve bien sûr Helmuth Huffmann et Heinrich von Behr, les deux chefs des divisions d’infanterie ! Même le pauvre Karl-Heinz Lungerhausen, dont l’unité n’est pourtant plus que l’ombre de ce qu’elle fut, semble trouver ces Slaves décidément bien arrogants.
Il faut bien l’avouer : le 4e Corps n’est peut-être pas le meilleur de l’armée oustachie. En fait, il ne comprend que la 4e Division d’Infanterie (colonel Bogdan Majedic), de formation récente et d’équipement incomplet, accompagnée d’un agglomérat de formations disparates et irrégulières dénommé “Brigades territoriales du Domobran” – il s’agit en fait d’unités territoriales de la Garde nationale oustachie, commandées par le colonel Vilko Lukić. Pour chapeauter le tout, Slavko Štancer a toutefois choisi un général de valeur et de caractère (peut-être un peu trop d’ailleurs). En effet, si Mihajlo Lukić est un homme d’expérience (ancien officier de l’armée austro-hongroise puis de l’armée yougoslave, officier de liaison auprès de l’armée italienne d’occupation…), c’est aussi un adversaire farouche de l’absorption des troupes croates par les forces allemandes ! Une position pour le moins tranchée qui, si elle présente évidemment une certaine logique dans l’optique de la construction d’une nation, ne lui en a pas moins fait de très nombreux ennemis dans la Heer comme chez les SS…
Lukić est très content d’être là – toutefois, il n’en est pas moins inquiet quand il compare la faiblesse de ses effectifs avec l’étendue de la zone à couvrir (50 kilomètres de vallées !). Et bien sûr, ce ne sont pas les Allemands qui vont l’y aider – ces derniers ne se bousculent pas pour lui donner des conseils, et se pressent bien davantage de faire leurs paquets… Choisissant, en toute logique, de mettre sa moins mauvaise unité à l’endroit le plus exposé, l’Oustachi décide donc que la 4e DI ira camper à Prijepolje, localité constituant tout à la fois un carrefour stratégique et une porte d’entrée de l’est vers les monts de Bosnie. Les brigades territoriales devront de leur côté tâcher de tenir les reliefs jusqu’à Bijelo Polje… même s’il parait bien improbable que les Alliés s’engagent dans cette région si peu favorable aux grandes unités. Et le 3e CA croate devrait bientôt arriver à Berane, pour couvrir le flanc sud – il pourra toujours apporter son soutien aux territoriaux en cas de coup dur.

Manœuvres obscures
Palais du gouvernement (place Ban Jelačić, Zagreb)
– Ante Pavelic a un invité non prévu à son agenda : le Krilnik Slako “Vitez (6)” Kvaternik, qui vient promener son ombre inquiétante dans la capitale croate. Chacun dans l’appareil d’état oustachi le sait bien : Kvaternik n’a plus vraiment bonne presse auprès du Poglavnik. Pourtant, l’homme a tout pour plaire à Pavelic : tous deux ont tant de choses en commun ! Déjà, le Krilnik est membre du mouvement oustachi depuis sa création. Et auparavant, il fut l’un des premiers cadres du Parti croate des Droits, glorieux devancier des Oustachis fondé en 1919 et déjà dirigé par Pavelic. Kvaternik, alors colonel, rentrait à peine de sa campagne destinée à expulser de Međimurje l’armée hongroise, celle de ses frères d’armes jusqu’en 1918 (7) ! Ensuite, l’homme est riche, car c’est le gendre du célèbre marchand et homme politique Josip Franko (un Juif…). De plus, il a déjà payé de sa personne pour la cause, ayant été emprisonné deux ans au Monténégro après l’assassinat d’Alexandre 1er. Et enfin, il a vraisemblablement joué un rôle essentiel dans la défection des unités croates lors de l’invasion de 1941, puis dans la création du NDH avec le soutien du Reich. Ce fut même la voix du Vitez qui annonça la naissance de la nouvelle Nation Croate à la radio ce fameux 7 mai 1941, avant qu’il soit reçu par Hitler en personne !
Alors, qu’est-ce qui cloche au juste entre les deux hommes ? Qu'est-ce qui a justifié la disgrâce du Krilnik puis son exil en Slovaquie ? Plusieurs choses : d’abord, Slavko Kvaternik est un homme violent, et pas forcément efficace – durant la brève période où il a dirigé les forces armées croates, le NDH a paru s’être transformé en un véritable abattoir à ciel ouvert, ce qui favorisé l’émergence du mouvement des partisans de Tito et même fait douter les Allemands de la pertinence de leurs choix. Si le général Glaise-Horstenau est aujourd’hui encore si critique envers Pavelic, c’est évidemment de la faute de Kvaternik – et de lui seul bien sûr ! Ensuite, il a quand même épousé une Juive – et même si la pauvre Olga Franko n’est plus là désormais, cela reste un grave défaut dans la Nouvelle Europe. Pour finir, il est ambitieux : par les temps qui courent, qui sait si les Allemands n’auront pas un jour envie de remplacer le Poglavnik par ce Vitez si valeureux et qui reste encore, en titre, le chef de la Garde nationale oustachi, à égalité avec Vokić ?
Bref, c’est un Pavelic plutôt agacé qui reçoit brièvement son vieux complice, qu’il appréciait d’autant plus qu’il était loin de Zagreb. Que lui vaut le plaisir évident de cette visite ?
La réponse de Kvaternik est fort simple : dans les circonstances présentes, et « alors que la survie du glorieux NDH est menacée de l’intérieur comme de l’extérieur », le militaire vient demander à servir son pays.
Un bref instant, Pavelic caresse l’idée d’envoyer son camarade se faire tuer aux confins des monts de Bosnie, par une balle non identifiée… Mais il revient sur les termes employés par Slavko Kvaternik : « de l’intérieur comme de l’extérieur » ? Qu’est-ce à dire ?
Prenant des mines de conspirateur, le Krilnik penche la tête et baisse la voix : on murmure des choses entre Zagreb et Belgrade. Il y aurait des traîtres au gouvernement, disposés à vendre la Croatie pourvu qu’elle continue d’exister sur le papier. Ce ne sont que des rumeurs, bien sûr… Mais elles ont sans doute un fond de vérité. Une bonne petite purge ne pourrait-elle être un traitement salutaire ? Purge que Kvaternik se ferait naturellement un devoir sacré d’administrer !
Une fois n’est pas coutume, Ante Pavelic parait scandalisé par cette perspective, qui – de son point de vue – met en cause son autorité. Il n’en est pas question ! Les affaires vont bien et les Croates sont tous rassemblés derrière le régime – hormis bien sûr ces maudits communistes qui infestent de toute façon la Yougoslavie entière. Bref, la suggestion est malvenue, voire insultante. Le Poglavnik a donc tôt fait de balayer d’un revers de la main les inquiétudes et les propositions de son cher ami, qui repart en congé forcé. On n’a pas besoin de lui, merci bien !

Des Ecossais rebelles
Sindos (région de Salonique), 06h00
– Le soleil ne se lèvera que dans deux heures – mais cela n’empêche pas les camions envoyés par le Supply Service d’être bien là, ponctuels, les moteurs fumants dans le froid de l’hiver. Dans les phares des engins, sous le regard insensible des MP, un groupe de soldats quitte le camp avec leurs paquetages. Alors qu’ils passent le barrage, un lieutenant de la Military Police les compte, avec un flegme implacable : « 18, 19, 20… Et encore deux… C’est tout. Cela fait 22, mon capitaine. »
Le capitaine en question a compté en même temps que son subordonné. Il répond : « Cela fait surtout 106 qui sont toujours à l’intérieur. Attendons encore cinq minutes – ils sont peut-être simplement longs à faire leurs bagages. »
Une pauvre plaisanterie qui ne fait rire personne. Un vent froid continue de souffler sur le camp de Sindos…
………
06h15 – Les cinq minutes se sont écoulées depuis bien longtemps sans que plus personne ne quitte le camp. Un groupe semble s’être formé au milieu des tentes. Hostile ? Impossible à dire dans la pénombre. Impossible de dire, aussi, si les mutins ont leurs armes à la main… Le lieutenant se tourne vers son supérieur – il faut prendre une décision : « Que fait-on à présent, mon capitaine ? »
– Hé bien, lieutenant Simpson, ce que nous sommes censés faire. Procéder aux sommations et puis… procéder tout simplement.

Le lieutenant hoche la tête et empoigne son porte-voix. Il s’avance, suivi par une compagnie complète de policiers militaires, équipés de matraques et de pistolets – qu’ils laissent toutefois pour l’instant à la ceinture.
………
QG de la VIIIth Army, Salonique, 08h00 – Le téléphone sonne dans le bureau de Richard O’Connor. Son aide de camp décroche, puis tend le combiné – le général s’en saisit avec une grimace de mauvaise humeur.
– Oui… Je vous en prie… Vraiment ? Oh, merveilleux !… C’est sans doute vrai… Oui, inévitable… Dommage… Parfait, félicitations à vous et à vos hommes pour votre efficacité, capitaine ! Ce sera tout !
Le combiné retombe lourdement sur son socle. Après quelques hésitations, l’aide de camp se décide à poser la question fatidique : « Puis-je vous demander comment cette histoire s’est achevée, Sir ? »
– Certainement. Les MP sont entrés dans le camp sans rencontrer de résistance, hormis celle d’un noyau dur de 31 hommes menés par trois sous-officiers, non armés mais qu’il a fallu contraindre par la force. On ne signale toutefois que des blessés légers – tous les mutins sont désormais aux arrêts et en cours de transfert vers la prison de Salonique. Celle qui a déjà servi à nos amis les Huns !
– Pity !
– Comme vous dites. Nous allons donc organiser la cour martiale la plus fournie de toute l’histoire de l’armée britannique ! Je ne sais pas si Montgomery souhaitera s’en mêler ou s’il me laissera le soin de distribuer les peines. Ce qui sera de toute façon délicat – être faible, c’est inciter à la rébellion. Frapper trop fort, c’est créer des martyrs !

Richard O’Connor se cale dans son fauteuil avant de conclure : « Toute cette affaire risque fort de laisser un souvenir très désagréable. J’espère que la suite de cette guerre me permettra de laisser une autre marque dans l’Histoire que celle du général assez malchanceux pour avoir présidé la cour martiale en question ! »
………
« La mutinerie de Sindos eut des conséquences limitées pour la majorité de ses acteurs. Sur les 106 irréductibles, et bien que la totalité d’entre eux eussent été reconnus coupables d’insubordination et de rébellion, seuls trois sous-officiers furent condamnés à mort – les autres peines étant exclusivement des rétrogradations et/ou des mutations disciplinaires ayant notamment pour but de disperser le groupe. Les meneurs ne furent toutefois pas exécutés : la sentence fut rapidement commuée en douze années de travaux forcés, qui furent elles-mêmes interrompues par une grâce quelques mois après la fin de la guerre en Europe. Les mutins connurent toutefois une fin de carrière militaire particulièrement difficile, étant constamment sous la pression d’une hiérarchie tatillonne, voire carrément accablante.
Londres fit tout son possible pour que l’affaire demeurât secrète – mais hélas, ce ne fut pas vraiment le cas. A Moscou comme à Washington, les personnalités les mieux informées ne se privèrent pas de sourire avec compassion à ces pauvres Britanniques, si ambitieux malgré la faiblesse de leurs moyens… Marseille ne suivit pas ce mouvement passablement hypocrite – la lutte menée épaule contre épaule depuis 1939, le soutien indéfectible de Londres lors du Sursaut… mais aussi le souvenir des mutineries de 1917 étaient évidemment dans tous les esprits.
Finalement, Sindos laissait une impression pénible : celle d’une armée à bout de souffle, dont les soldats s’imaginaient sacrifiés comme des pions sur l’échiquier d’un grand jeu qui les dépassait. Il y avait peut-être une forme de vérité dans ce jugement – mais celui-ci n’en demeurait pas moins excessivement sévère. A la même époque, la discipline subie par le Landser moyen ou les chances de survie des Frontoviki n’avaient rien à voir avec les conditions de vie d’un soldat de la VIIIth Army, quels que soit ses griefs ou son ressenti. »
(Robert Stan Pratsky, La Libération de la Grèce et des Balkans, Flammarion, 2005)

Un travail de forçat…
Serbie
– Après déjà un mois et demi de travaux ininterrompus, les Royal Engineers peuvent s’enorgueillir d’un premier succès d’importance hors des murs de Belgrade : la ligne de chemin de fer Radujevac-Zaječar est enfin opérationnelle et apte à recevoir les convois de ravitaillement alliés en provenance de Roumanie. Les hommes du génie allié ont évidemment été aidés par la présence des anciennes installations desservant la mine de Vrška Čuka… mais dans les conditions hivernales qu’ils ont affrontées, cela n’en constitue pas moins une sacrée performance.
Pendant ce temps, les travaux avancent partout le long de la Ligne Rouge, de la frontière bulgaro-grecque jusqu’à la capitale yougoslave. La ligne Sidirókastro-Blagoevgrad (soit Grèce-Bulgarie) vient, elle aussi, d’être achevée.

Notes
1- L’Autriche, selon la nomenclature SS – le Reich lui a rattaché une bonne partie de la Slovénie.
2- Le Cercle des Amis de l’Economie – un groupe d’industriels allemands dont les cotisations financent les recherches raciales du IIIe Reich et les travaux de l’Ahnenerbe. Parmi ses membres, on compta notamment Hjalmar Schacht, Oswald Pohl, Kurt Baron von Schröder et Hans Walz.
3- Richard McCreery vient de remplacer Miles Dempsey, nommé chef d’état-major du général Harold Alexander, chef de la First Army. Ce n’est sûrement pas par ce genre de mission que McCreery envisageait ses débuts au Xth Corps.
4- Parmi tous les notables présents, il y avait aussi l’évêque Gregorij Rožman, qui présida à une brève messe silencieuse… du fond de la tribune, avant de s’éclipser malgré la place d’honneur qui lui était offerte. Sans doute le saint homme craignait-il les photographes…
5- Région traditionnelle de Slovénie et ancienne province du Saint-Empire romain germanique.
6- Chevalier – le surnom de Kvaternik.
7- Officier dans l’armée austro-hongroise jusqu’en 1918, Slavko Kvaternik avait notamment commandé la 155e Division hongroise, sur le front de la Soča et en 1918, avant d’être transféré à l’état-major de l’Armée impériale. Il pouvait (déjà…) s’enorgueillir d’avoir reçu la Croix de Fer de 1ère classe au nom du Kaiser.
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demolitiondan



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MessagePosté le: Lun Sep 13, 2021 14:03    Sujet du message: Répondre en citant

Evidemment, la mutinerie est OTL - s'étant passée à Salerne. Et je ne résiste pas à vous ressortir le portrait de Kvaternik ...





je sais c'est pas bien. Mais ce type est terrifiant ! Un livre le qualifie de "psychopathe au cerveau malade ...". Comme Pavelic en fait.
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C’est en trichant pour le beau que l’on est artiste
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Anaxagore



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MessagePosté le: Lun Sep 13, 2021 14:39    Sujet du message: Répondre en citant

Il a raté sa carrière...
Il aurait pu jouer dans des films d'horreur.
Le rôle du vampire (nosferatu), lui va comme un gant...
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Ecoutez mon conseil : mariez-vous.
Si vous épousez une femme belle et douce, vous serez heureux... sinon, vous deviendrez un excellent philosophe.
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Colonel Gaunt



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MessagePosté le: Lun Sep 13, 2021 19:04    Sujet du message: Répondre en citant

Mode HS : Il y a le Dracula de Coppola sur la plateforme N...... On peut comparer facilement l'aspect visuel.
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Mar Sep 14, 2021 12:55    Sujet du message: Répondre en citant

17 février
La campagne des Balkans
Petites mises au point entre camarades
Près de Djakovica (Kosovo)
– Dans leur QG perdu aux confins du Kosovo, Enver Hoxha et sa cour reçoivent une visite : Svetozar Vukmanović, le vieil ami de Tito – et encore jusqu’à récemment un très proche complice du PC albanais. “Tempo” vient-il cette fois encore poursuivre la préparation de cette fameuse fédération entre la Yougoslavie, l’Albanie et la Bulgarie ? Un état qui sera bien sûr communiste, puissant… et dans lequel Hoxha comme Tempo auront à coup sûr de beaux rôles à jouer – à égalité avec Tito.
Pourtant, malgré ce glorieux projet, Vukmanović ne parait pas aussi enthousiaste qu’autrefois. Ymer Dishnica le trouve même curieusement réservé. Son impression ne s’améliore pas quand le chef du PC macédonien demande à parler au chef du Mouvement de Libération Nationale en privé… « pour le bien de la Révolution » évidemment.
………
Près de Tirana (Albanie) – Le QG de la 2e Armée française est calme – entre l’inactivité temporaire sur le front, les nombreux départs en permission et cette neige qui ralentit tout, les responsables locaux ne sont pas débordés, c’est le moins que l’on puisse dire. Seul dans son bureau, Sylvestre Audet a délaissé son ingrate paperasserie et contemple par la fenêtre la capitale albanaise au loin : dire que cette affectation l’a soulagé, tout en étant une promotion ! Fataliste, le général se désespère à présent de revoir son pays avant le printemps… Pas question, bien sûr, de prendre des congés tant que la pression sur ses troupes ne se relâche pas ! Et cela n’a évidemment aucune chance d’arriver.
Alors qu’il rumine ainsi, l’un de ses aides de camp entre dans le bureau, après avoir règlementairement frappé : « Mon général, excusez-moi… J’ai ici un représentant du PC albanais qui souhaiterait s’entretenir avec vous sur un point “de la plus haute importance”. Enfin, c’est ce qu’il m’a dit, mon général ! »
De la plus haute importance – mon œil ! Ce Partisan vient encore essayer de lui taper des armes ou des munitions, oui ! Le tout en échange de la simple neutralité des sbires du Parti dans les affaires en cours ! Comme si la prochaine campagne de Yougoslavie ne concernait pas ces Messieurs. A croire qu’ils regrettent les Allemands ! En tout cas, aujourd’hui, pour ce qui le concerne, Audet laisserait bien ces maquisards aux Boches. C’est donc sans enthousiasme aucun qu’il répond : « Faites-le entrer – je n’ai pas d’affaire urgente à traiter pour l’instant, de toute façon. »
………
Une demi-heure plus tard, la porte du bureau se rouvre et le général Audet raccompagne son hôte avec amabilité avant de revenir s’écrouler dans son fauteuil avec l’air de se demander s’il est bien réveillé. Son aide de camp s’inquiète : le Vieux aurait-il un coup de fatigue ?
– Tout va bien mon général ?
– Euh… oui, oui. C’est juste que, même après cinq ans de guerre et plus de deux ans dans cette région, il m’arrive encore d’être surpris.
– Je… Je crains de ne pas saisir, mon général !

Audet ébroue sa moustache avant d’écarter les bras en signe d’étonnement et de préciser…
– C’est très simple, capitaine. Le monsieur que je viens de recevoir n’est autre que le “commandant” Myslim Peza, du MLA. Il est venu me signifier au nom de son chef, le trop fameux Hoxha, « la volonté du Parti de collaborer avec la 2e Armée française pour alléger les contraintes de maintien de l’ordre et le fardeau de la gestion des terres albanaises contrôlées par les forces alliées », je le cite textuellement ! Je pense que cet Albanais m’a répété par cœur des mots préalablement rédigés par M. Hoxha. Vous savez que celui-ci parle fort bien français.
Le capitaine n’était pas à la conférence de Tirana – il n’a donc pas pu reconnaître Peza. Mais il est en poste ici depuis assez longtemps pour connaitre les us et coutumes de la région.
– Sauf votre respect, mon général, n’est-ce pas ce qu’ils promettent toujours ?
– C’est vrai… Mais là, il vient quand même de me proposer d’indiquer formellement à nos services les unités chargées de cette collaboration, de créer un groupe de coordination à Tirana et même d’organiser conjointement des missions de désarmement des milices les plus incontrôlables ! C’est… nouveau !
– C’est le moins qu’on puisse dire ! Alors, qu’allons-nous faire, mon général ?
– D’abord, en référer à Athènes. Puis, à coup sûr, tenter le coup – au moins au début. Les instructions du GQG sont claires : favoriser toutes les possibilités d’extraire nos forces d’Albanie et du Kosovo sans mettre en péril nos lignes de communication. Après, nous verrons à l’usage !
– Cela améliorerait considérablement nos possibilités d’actions pour le printemps. Avec votre permission, je vais immédiatement organiser une conférence extraordinaire avec les responsables concernés !
– Faites, faites !

Le capitaine file vers la porte. La main sur le chambranle, il s’arrête et se retourne vers son supérieur. Il doit poser cette question.
– Mon général, puis-je vous demander si vous avez une idée de ce qui a causé pareil revirement ? En y repensant, votre visiteur n’avait pas l’air très heureux d’être là – notre officier de liaison britannique, le Captain Wooster, qui l’a vu entrer, a même dit qu’il avait l’air d’un canard qui aurait reçu une brique sur la tête !
Audet est retourné à son travail – il lève les yeux de ses dossiers pour répondre : « Vous avez raison, capitaine. Ce cher commandant Peza affichait un air maussade et contraint qui ne lui est pas habituel. Mais je n’ai pas la moindre idée de la cause de ce changement d’humeur ! »


18 février
La campagne des Balkans
Les Grecs remotivés
Athènes (GQG de la place Syntagma)
– C’est aujourd’hui la grand-messe qui lance la préparation concrète du duo Plunder – Veritable. Montgomery la célèbre en présence de tous les officiers alliés à la fois d’importance et de confiance – ce qui exclut apparemment les Yougoslaves, mais inclut bien évidemment Grecs, Français, Polonais et les représentants du Commonwealth.
Parmi les participants, on peut observer que les généraux grecs Efstathios Liosis (chef d’état-major de l’armée) et Panagiotis Spiliotopoulos (second adjoint du général Montgomery) ne se sentent apparemment plus de joie. En effet, et malgré la perspective désormais quasi-certaine d’un retour au front de leurs soldats pour une opération de diversion risquée sur un terrain difficile, ils ont reçu il y a peu d’excellentes nouvelles du gouvernement. Il semble bien qu’en plus du rééquipement en cours des forces royales et de leur expansion prochaine, le Royaume lui-même doive prochainement s’agrandir ! A la réflexion, les Grecs parleraient plutôt de réunification. Mr Roosevelt n’a-t-il pas précisé naguère que les Alliés ne recherchaient aucun avantage territorial !
Mais une chose à la fois. Le colonel Canterbry, à peine rentré de Belgrade, est dans la salle pour confirmer le renforcement de l’armée royale hellène. Il annonce notamment la formation d’une nouvelle division d’infanterie, la 2e DI, ce qui permettra la montée en ligne du 1er CA grec. Formée d’éléments recrutés en Attique, cette division aura pour vocation d’absorber et d’organiser la foule de partisans désœuvrés de diverses obédiences – et en particulier d’un certain nombre de vétérans de 1941 ayant rejoint l’EKKA – tout en assurant la sécurité dans la région de la capitale. Evidemment, pour une telle tâche, le Royaume-Uni n’a pas été excessivement généreux : des fusils déclassés et une poignée d’armes lourdes de seconde voire de troisième main suffiront largement. Mais c’est un détail pour Athènes – d’ailleurs, il semble déjà acquis que cet équipement sera renforcé par l’armement encore caché dans les maquis, qui compterait un certain nombre d’armes lourdes de prise.
Comme l’indique Liosis, cette formation ad hoc, peut-être la première d’une série, sera confiée au général Evripídis Bakirtzís, récemment promu… après un brillant passage à l’état-major de la 1ère DI, qu’il avait rejoint à la suite d’une affaire compliquée qui s’était déroulée l’été dernier. Nul doute que ce vétéran de tous les conflits depuis 1912 saura remplir son rôle à merveille, à la grande satisfaction des Britanniques, qui préfèrent décidément que ce bavard reste loin de leurs unités…
Efstathios Liosis ne le précise pas, mais Evripídis Bakirtzís est sans doute également un excellent choix sur d’autres aspects que ceux strictement militaires. En effet, si l’homme a beaucoup contribué au relèvement de l’armée grecque après la révolution antiroyaliste de 1922… c’était après avoir lui-même largement participé à cette révolution, tout comme il a participé aux coups d’état (réussis ou non) de 1923 et de 1935. Toujours dans le camp des républicains (il a refusé une promotion flatteuse sous Metaxás), cet ancien responsable des services secrets, détaché – puis exilé – en Roumanie et en Bulgarie, est déjà un professionnel compétent éloigné des tentations autoritaires. Mais c’est aussi un écrivain de talent et un authentique patriote, qui est allé jusqu’à demander à s’engager comme simple soldat en 1941 ! Ecarté à l’époque par l’armée royale, il avait rejoint la Résistance après la défaite sur le continent, avant de participer à la fondation de l’EKKA puis d’assurer la liaison avec celle-ci et la Crète. C’est un profil très différent des officiers royalistes ou metaxistes qui monopolisaient jusque-là les postes à responsabilités dans la hiérarchie grecque… Et sa nomination va obliger le Palais à continuer de multiplier les signes de bonne volonté en direction de ces militaires compréhensifs envers la monarchie, pourvu que cette dernière sache s’amender puis se faire oublier.
Tout cela, le chef d’état-major de l’armée grecque le sait bien – mais il se garde évidemment de tout commentaire inutile devant des oreilles étrangères. Il choisit plutôt de laisser la parole à Spiliotopoulos, qui déclare un peu théâtralement : « Chers amis, en prévision de l’opération Veritable, dans laquelle l’armée grecque reconstituée jouera tout son rôle, c’est avec plaisir que je vous annonce la nomination du général Alexandros Othonaios comme adjoint auprès du général Audet, commandant la 2e Armée française. Cette nomination est logique, puisque nos 1er et 2e CA seront tous deux rattachés à cette armée. Je sais que cet homme de talent saura aider nos hommes et nos armes à démontrer toute leur valeur. »
Othonaios, qui est bien évidemment présent, se lève pour recevoir une ovation de bon aloi auquel tout le monde se joint, et notamment ses (désormais) collègues hexagonaux Audet et Béthouart. Le premier se doutait bien que les Grecs ne se contenteraient pas de jouer les seconds rôles dans son armée, alors qu’ils vont en composer plus de la moitié des effectifs. Quant au second, il n’y voit pas d’objection : Athènes est une alliée précieuse dans la partie qui se joue, et de surcroît bien plus raisonnable que Belgrade. Alors, même si c’est rendre service aux Britanniques, autant jouer le jeu… D’autant plus que, comme par hasard, Othonaios est lui aussi bien connu pour ses opinions républicaines – il a même été brièvement Premier ministre lors du coup d’état de 1933. Non, décidément, les Français ne regrettent absolument pas les Serbes !
Puis, alors qu’Othonaios se rassoit, Spiliotopoulos poursuit d’une façon inattendue : « Enfin, avant de commencer, je ne résiste pas au plaisir de demander à cette assemblée d’applaudir chaleureusement notre collègue et ami le général Sylvestre Audet, qui a aujourd’hui soixante ans. Gloire à ce grand soldat ! »
Nouveau tonnerre d’applaudissements – Audet ne peut que sourire et remercier, même s’il aurait tout de même préféré qu’on ne lui rappelle pas son âge. Il est si proche de la retraite désormais… Montgomery conclut finalement, en masquant sous le vernis d’une courtoisie sans faille son discret agacement envers ces interminables mondanités : « De mon côté, je suis heureux d’informer ici même le général Audet que je viens de recevoir ce jour l’accord de Marseille pour son départ en permission. Revenez-nous en pleine forme, mon cher ami, de grandes choses nous attendent ! »
Cette fois, le Français ne peut que soupirer discrètement : un peu de soulagement, et un peu de dépit. Il est évident que l’influence des Grecs sur “sa” 2e Armée ne lui laissera bientôt plus qu’un rôle de représentation. L’influence française dans cette région risque-t-elle d’en souffrir ? Enfin, tout cela ne concerne pas le général. Il remercie donc à nouveau et promet de rapporter de France quelques bonnes bouteilles – mais il ne partira pas avant d’avoir transmis le maximum de données à Othonaios.
Les semaines qui suivront, de nombreux responsables alliés iront les uns après les autres prendre quelque repos, laissant la main à leur supérieur ou tout simplement à leurs aides de camp. Montgomery tient à avoir tout son monde en forme au printemps prochain…

Les Croates en première ligne
Yougoslavie occupée
– C’est au tour du 3e CA oustachi, commandé par Ivan Markuli, d’arriver sur le front des Balkans, entre Berane et Andrijevica – c’est-à-dire aux confins du Monténégro. Cette formation est composée d’unités d’une qualité un peu meilleure que celles du 4e CA de Mihajlo Lukić, à savoir la 5e Division d’Infanterie Bosanka du colonel Roman Domanic et la 2e Division de Montagne du général Antun Prohaska.
Encore à l’instruction lors de la cession de la Bosnie au NDH, ces divisions ont été mobilisées dans l’urgence, mais pas dans la précipitation. Sur le papier, leurs effectifs et leur armement sont presque au complet, ce qui peut être rassurant, vu de Zagreb. Toutefois, elles manquent encore sérieusement d’entrainement et d’encadrement pour être vraiment opérationnelles – les sous-officiers, en particulier, font souvent défaut. Quant à l’équipement, il se distingue par son âge vénérable et sa grande diversité. Pas vraiment l’idéal pour affronter les armées alliées…
Tout cela, le général Markuli en est parfaitement conscient – mais il n’a pas pu empêcher pour autant les moyens qui lui font défaut de partir vers les unités situées dans les régions plus au sud, jugées davantage exposées à une éventuelle action alliée. Faute de mieux, le 3e CA croate déploie donc sa division de montagne à Andrijevica et sa 5e DI à Berane, prête à voler au secours du 4e CA si nécessaire. Un rôle de couverture, pour une formation qui serait de toute façon bien incapable d’autre chose !
………
Zagreb – Ce n’est pas le problème du général Rendulic, qui officialise ce jour, sur l’ordre direct de son supérieur Maximilien von Weichs, le transfert des 369., 373. et 392. ID au NDH. Charge à ce dernier de faire de ces unités disjointes (la 392. DI vient à peine d’arriver de Dakovo !) une formation cohérente, « fer de lance de l’armée croate » (selon le Poglavnik), destinée à opérer en étroite interaction avec le commandement allemand, dont le 3. SS-GAK de Phelps, qui constituera son front arrière. Cela ne devrait pas poser de gros problèmes… Après tout, ces soldats sont désormais très bien connus de leurs camarades aryens et bénéficient de l’équipement comme de l’entraînement allemands !
C’est exact, bien sûr – tout comme il est vrai que cette généreuse cession risque de créer comme un vide dans la hiérarchie des 373. et 392. ID. En effet, les officiers allemands assurant le commandement de ces divisions s’en vont renforcer les unités de la 20. Armee. Et il n’est pas sûr que les Oustachis disposent de suffisamment de personnel compétent pour combler les vides… Les généraux choisis par Štancer, c’est-à-dire par Pavelic, feront toutefois évidemment de leur mieux !
Kroatische Legion Armee Korps (Corps d’Armée de la Légion Croate, ou Vojni korpus hrvatske legije dans la langue de Pavelic) : Ivo Herenčić,
- 369. ID ou Vražja divizija (Division du Diable) [déjà sous commandement croate] : Marko Mesić.
- 373. ID ou Tigar divizija (Division du Tigre) : Nikolaus Boicetta.
- 392. ID ou Plava divizija (Division Bleue) [en fin d’entraînement] : Artur Gustovic.

Mais la bonne volonté ne saurait suffire à tout. Et à dire vrai, en faisant le point avec leurs remplaçants, une curieuse impression a envahi les Allemands : on a choisi leurs successeurs dans la précipitation et parce qu’on les avait sous la main, bien davantage que pour leurs compétences… Dans le lot, seul Mesić semble véritablement trouver grâce à leurs yeux – peut-être est-ce son efficacité certaine dans la lutte anti-partisan au Monténégro, peut-être est-ce l’expérience passée (et réussie) de la Légion croate, peut-être est-ce sa récente Croix de Fer de 1ère classe attribuée pour « courage exceptionnel » ! Les autres ne sont connus que comme de simples subalternes, ou bien n’ont tout simplement pas encore fait leurs preuves…
Tout cela n’est donc guère encourageant – et même si ce n’est plus vraiment le problème de la Heer, il faut tout de même s’assurer que le temps et l’argent du Reich n’ont pas été dépensés en vain. C’est pourquoi, après de longues hésitations, von Weichs a décidé d’affecter un “conseiller” auprès du général Herenčić. L’heureux élu est Johann Mickl, l’ancien commandant de la 392. ID Plava divizija. L’entraînement de cette dernière unité, composée pour une bonne part de Bosniaques, n’a pas pu être mené jusqu’à son terme par son chef – il est logique que ses plaintes agaçantes trouvent ici une forme d’aboutissement. De surcroit, Mickl est peu suspect de complaisance envers les Oustachis : ses « interventions et ingérences régulières » dans le commandement des unités croates n’ont pas fait beaucoup pour sa popularité. Il ne risque donc pas de prendre trop ses aises – et puis, comme chacun l’aura compris, on manque d’officiers compétents dans le nouveau KAK !

Manœuvres obscures
Zagreb (Etat indépendant de Croatie)
– Le cardinal Alojzije Stepinac tente à son tour une médiation via les services diplomatiques du Vatican, afin de tenter d’éviter « un bain de sang entre chrétiens, qui ne profiterait qu’à une cause anticléricale ». On a bien compris que, bien plus que le sang, c’est bien le risque de propagation du communisme qui inquiète Son Eminence – ce qui peut d’ailleurs expliquer certaines actions de ses subordonnés durant l’hiver dernier.
La Curie, et plus particulièrement le fameux Giovanni Montini, qui a déjà tant œuvré pour le retournement italien, montre assez peu d’enthousiasme pour cette démarche : est-il bien raisonnable de soutenir aussi ouvertement un régime qui a autant de morts sur la conscience ? Toutefois, on parle ici de chrétiens avant de criminels. Et il ne revient pas au Vicaire de Saint-Pierre de juger l’action des hommes – Dieu seul le peut.
Le Vatican engagera donc, les semaines suivantes, de discrètes ouvertures en direction des Alliés afin de tenter de favoriser le camp de la Paix et (éventuellement, plus tard…) de la Justice. Mais sans que sa voix obtienne beaucoup plus qu’une attention polie. Pour les Alliés occidentaux, contrairement à l’Italie de 1942, la Croatie n’a pas grand-chose à offrir !
………
Région de Zagreb – Ce n’est pas du tout l’avis de certains membres du NVOJ de Tito, au premier rang desquels on trouve bien sûr le Croate Ivo Krbek. Ce dernier achève un rapport adressé au Commissaire aux Affaires intérieures du Comité national de libération de la Yougoslavie, Vlada Zecevic. Ce document est issu d’une longue série d’entretiens avec différents membres du HSS dits “loyalistes” (dont August Košutić). Il précise notamment :
« Malgré les hésitations et difficultés inévitables, car inhérentes à ce type de démarche, l’intérêt d’un retournement au moins partiel des forces du soi-disant “Etat indépendant de Croatie” ne doit pas être sous-estimé. Sans même évoquer d’éventuelles synergies avec les projets britanniques (projets qui, en l’état, ne sont pas forcément compatibles avec les nôtres), il parait évident que le régime d’Ante Pavelic est beaucoup plus fragile qu’il ne paraît. Une scission dans son appareil politique, qui serait inévitablement suivie par une fracture sur le plan militaire, pourrait provoquer son effondrement et fournir ainsi au NVOJ l’occasion de réintégrer le peuple croate au sein de la nouvelle Yougoslavie. En effet, notre Comité lui apparaîtra de toute évidence comme un facteur de paix, bien plus à même de pardonner les fautes les moins graves, puis de séparer le bon grain de l’ivraie, que les assassins tchetniks qui pourraient être envoyés par le prétendu Roi Pierre. Le gain au bénéfice du Comité, en territoire, en prestige et en puissance militaire, serait alors sans égal. En conséquence, je recommande mon maintien sur place, avec les moyens qui permettront peut-être d’exploiter cette faille, le moment venu. »
En fermant le pli avant de le confier au Chiffre, Krbek se doute que ce rapport ne va pas traîner longtemps sur le bureau de Vlada Zecevic. Il risque même de monter bien plus haut !

Renfort ou aumône ?
Szeged (Hongrie)
– La 2. Gebirgs-Division arrive enfin à la frontière hongroise d’avant-guerre, après un voyage depuis la Norvège long et éprouvant, entre transports chaotiques et alertes aériennes répétées. Bien sûr, la pluie n’améliore pas l’humeur du général August Krakau… Pour une unité aussi neuve, il est de meilleures affectations.
Le XXI. GAK, dont la 2. GD fait désormais partie, n’est plus très loin. Les ordres de Hans-Gustav Felber sont déjà là : « Se rendre de toute urgence à Valvejo afin de renforcer les positions du KG Braun dans les reliefs de Bosnie ». Encore une bonne semaine de transport !


19 février
La campagne des Balkans
Les Croates en première ligne
Yougoslavie occupée
– Les 1er et 2e CA croates (Ivan Brozovic et Franjo Pacak) arrivent finalement à leur tour (et eux aussi sous la pluie) sur les lignes allemandes, pour deux missions distinctes. En effet, selon les termes convenus avec le HG E, le 1er CA doit assurer la jonction entre le KAK et le 3e CA croate dans la région d’Andrijevica et de Plav (au nord du Monténégro), tandis que le 2e CA doit prendre le relais de deux divisions du XV. GAK dans le sud de la Serbie. Les deux unités en question, la 114. Jäger à Užice et la 277.ID à Prijepolje, sont séparées de 55 kilomètres, pas moins ! Cela fait beaucoup, surtout dans le climat d’insécurité permanente propre à la Yougoslavie.
Cependant, à Zagreb, on a jugé que cette région était peu susceptible d’être la cible d’une action ennemie, et que le 2e CA était suffisamment rodé pour tenir seul ce secteur du front. De fait, la 1ère DI Savska (général Mirko Zgaga) et la 2e DI Vrbaska (colonel Mirko Greguric) sont des troupes réputées fiables et leurs effectifs comme leurs matériels sont au complet – mais leurs officiers n’ont pour toute expérience que celle de la lutte anti-partisans dans la région de Sarajevo…
Ce n’est pas le cas du 1er CA, qui aligne les deux meilleures unités de l’armée croate hors KAK : la 1ère Division de Montagne (Matija Čanić) et la 3e DI Osijek (Emil Radl), constituées de vétérans de l’armée royale et formée avec la bénédiction des Allemands. Peut-être ces formations auraient-elles été plus à leur place dans les monts de Serbie, au lieu d’assurer une mission de couverture face au Kosovo… Las, le Poglavnik a été intraitable : le Monténégro et la côte adriatique sont prioritaires ! Les anciens de la Garde nationale oustachie que sont Brozovic et Čanić en sont donc quittes pour attendre la bataille finale retranchés dans les montagnes…

Migrations contraintes et ajustements
Split
– Pendant que certains s’installent, d’autres s’en vont. La 264. ID (Albin Nake) quitte en effet le grand port, avec un empressement tel qu’on pourrait croire à une évacuation. En effet, la 20. Armee cède officiellement (et immédiatement) le contrôle de Split à l’Oberbefehlshaber du littoral adriatique nord-est et à son unique 713. ID, qui devrait envoyer sous peu un bataillon pour tenter de garder un œil sur cette ville si agitée… Il est toutefois peu probable que les Landsers sortent beaucoup de la base navale.
Évidemment, ce « redéploiement » ne fait pas plaisir à beaucoup de monde, à commencer bien sûr par ce qui reste de la Kriegsmarine à Split. Mais von Weichs a été intraitable : pas question de laisser une de ses précieuses divisions esseulée entre les Croates et les Partisans. A d’autres de gérer les alliés oustachis et cette côte si agitée – cela ne concerne plus la 20. Armee.

Manœuvres obscures et doutes croates
Palais du gouvernement (Zagreb)
– La récente visite de Slavko Kvaternik n'a pas été tout à fait sans conséquence au sein de l’appareil d’état oustachi. Informé par son maître Pavelic des ridicules soupçons du Vitez Kvaternik, le vice-ministre de la Guerre, Vilko Begić, prend sur lui de convoquer « cordialement » le Krilnik Ante Vokić pour une fraternelle réunion de travail. Il s’agit de réfléchir aux moyens nécessaires pour conforter la foi de l’Ustaše en la Victoire finale – victoire chaque jour plus certaine pour chacun, bien sûr.
On parlera donc bien sûr moral, solde, distractions (elles sont nombreuses en Yougoslavie, à défaut d’être toujours morales !) puis… tentation défaitiste. « A ce sujet, mon cher Krilnik, vous n’avez pas d’informations ? » lâche Begić. La question est posée innocemment, et Vokić garde le sourire en répondant par la négative. Pas sûr que cela suffise toutefois – les autres membres de la conjuration seront très vite avertis de ces soupçons qui se précisent.

Machinations et doutes serbes
QG de l’Armée royale (Belgrade)
– Les miliciens tchetniks issus des différents mouvements poursuivent leur concentration et leurs enrôlements au service du roi, sous la bannière des Corps Francs Yougoslaves. Aujourd’hui, c’est la Brigade d’Assaut de feu Mihailovic qui vient prêter serment – un peu tard il est vrai, mais ses officiers ont été très occupés ces derniers temps à rassembler leurs troupes dispersées par la répression allemande… et à effacer leurs crimes les plus visibles.
Les membres de cette unité ont toutefois peu à craindre : comme à l’accoutumée, le recrutement n’est pas spécialement regardant. On manque de bras… D’ailleurs, les insurgés de Belgrade ont tous été incorporés : le monde semble avoir oublié que s’ils étaient dans la capitale lors du soulèvement, c’était pour la plupart à l’invitation des Allemands !
Un point toutefois interroge : le cas particulier de Jevrem Simic, chef du 2e Corps d’Assaut. Sa fiabilité paraît chaque jour un peu plus sujette à caution… L’homme n’a plus pour le protéger que le souvenir de Draza Mihailovic – et on murmure que ce dernier est mort par sa faute ! La prochaine affectation du colonel, vers Belanovica, dans l’ouest de la Serbie, face au Corps des Volontaires Serbes pro-allemands, devrait donc être suivie de très près.


20 février
La campagne des Balkans
Répit
Yougoslavie
– Alors qu’il continue de pleuvoir sur montagnes, bois et tranchées, le front des Balkans paraît bien assoupi. A l’aile sud de l’Axe, les Oustachis occupent leurs créneaux dans les lignes sans apercevoir le moindre soldat allié.
Ceux-ci sont le plus souvent à dix ou vingt kilomètres à l’est, tout étonnés du calme qui règne… sur leurs arrières. Voilà maintenant plusieurs jours qu’on ne signale plus le moindre incident impliquant des milices yougoslaves, kosovares ou albanaises d’obédiences quelconques. Pour des raisons qui leur sont propres, toutes semblent faire le dos rond. Satisfait de cet état de fait, le commandement de la 2e Armée française ordonne au général Dimitrios Papadopoulos (2e CA grec) d’être un peu moins compréhensif qu’auparavant avec les maquisards ballistes tenant la région de Prizren, sans aller toutefois jusqu’à créer un incident. En effet, il ne faudrait pas que ces groupes prennent trop leurs aises et considèrent que la partie du Kosovo qu’ils occupent leur est acquise pour l’éternité.

Accomplissement
Drobeta-Turnu Severin (frontière roumano-yougoslave)
– Les Royal Engineers n’ont trouvé ni sabre, ni champagne. Mais cela ne les empêche pas d’inaugurer avec satisfaction leur ouvrage sur le Danube : l’Iron Gates Bridge est enfin achevé et à même de faire passer des convois routiers.
Evidemment, c’est l’hiver et le beau fleuve bleu est gelé – les techniciens craignent déjà la débâcle du printemps. Il est peu probable que la structure y survive. Tant d’efforts pour un équipement provisoire, qui ne servira que jusqu’à la réparation et l’extension du réseau yougoslave ! Enfin – il restera la satisfaction du travail bien fait. Les sourires sur les quelques photos prises (exposées depuis au musée de Gillingham) ne sont à l’évidence pas forcés. Seul Sir Godfrey Dean Rhodes, à droite sur le cliché, paraît un peu préoccupé. Ses chefs auraient-ils oublié quelque chose ?

Préparatifs aériens
GQG de la place Syntagma (Athènes)
– L’Air-Marshal Tedder, en compagnie de son adjoint français, le général Weiss, fait le point sur le rééquipement de ses forces aériennes et sur la mise à disposition des nouvelles unités qu’il a demandées. Les nouvelles sont bonnes – meilleures même qu’attendu. En effet, Le Caire vient de confirmer qu’en plus des squadrons de bombardiers basés en Italie, sa Balkans Air Force pourra recourir aux services des B-24 sud-africains des Sqn 31 et 34 (basés à Corfou) pour des opérations de patrouille maritime et de parachutage. Autant de tâches qui n’incomberont plus seulement aux Halifax basés en Crète…
Cette nouvelle compense un peu la petite déception que l’Air-Marshal vient d’encaisser de Moscou via Londres : pour les Soviétiques, il n’est pas envisageable de déployer leur “Aviation à Longue Portée” vers les Balkans, car elle est requise… ailleurs (comme toujours, les Rouges sont d’une transparence admirable). Toutefois, en guise de lot de consolation, le maréchal Novikov a tenu à signaler que les divisions de bombardiers tactiques des 5e et 17e Armées aériennes, qui dépendent respectivement des 2e et 4e Fronts d’Ukraine, seront à même de « contribuer à l’effort commun face aux fascistes et à leurs alliés ». Ce qui représenterait apparemment près de 400 appareils de divers types, en majorité des Petlyakov Pe-2 – une machine dont les performances restent bien mal connues à l’Ouest.
Il faudrait donc tâcher de clarifier tout cela avant de lancer effectivement les ordres afférents à la prochaine offensive aérienne, baptisée Perun (le dieu du Ciel et des Eclairs du panthéon slave). Et par bonheur, dans sa grande bonté, Novikov a justement promis à Tedder de lui envoyer très vite deux officiers de liaison pour démêler l’écheveau et préparer la suite. Une démarche diplomatique qui ne trompe toutefois personne à Athènes : la participation des VVS sera, au mieux, ponctuelle.
– Je ne crois pas que les Soviets nous aideront beaucoup, mon cher Weiss, maugrée avec déception le Britannique. Dommage… Enfin, commençons sans eux, ils n’auront qu’à nous rejoindre en route !
Le Français ne peut qu’abonder : « C’est aussi mon avis. Heureusement, nos moyens sont déjà très suffisants pour l’opposition que nous risquons de rencontrer. Nos pilotes de chasse s’ennuient à tourner seuls dans le ciel vide ! A ce propos, notre premier coup de sonde sur Zagreb est bien maintenu ? »
– Oui, une attaque de nuit sans réel lien avec “Perun”. Ordre direct de Monty. Le pauvre n’en peut plus d’entendre les reproches et jérémiades des Serbes sur notre supposée passivité face aux Oustachis. Et puis, cela nous occupera un peu, sans nous faire courir de grands risques – on ne risque plus guère de croiser un chasseur boche en Croatie ! Nous n’avons même plus de grand as dans nos rangs – même ce transfuge bulgare a préféré aller s’engager dans votre Légion Etrangère pour aller se battre en France !

A ces mots, le Français sourit, heureux d’annoncer une bonne nouvelle : « Ce n’est plus vrai, Air Marshall. J’ai appris ce matin de Marseille l’arrivée prochaine du commandant Pierre Le Gloan, qui vient prendre la tête de notre GC I/39. Le “Bouclier de la Méditerranée » chez nous. Qui a dit que la République nous oubliait ? »

Aviation de seconde ligne
Palais du gouvernement (Zagreb)
– Pendant que les responsables alliés dénombrent leurs considérables moyens aériens, le général Vladimir Kren, de l’aviation oustachie (ZNDH), fait de même – mais c’est plus bref.
La chasse, d’abord. Les 22 Bf 109E commandés en 1941 viennent enfin d’être livrés ! Avec presque trois ans de retard, certes, ce qui les rend irrémédiablement dépassés… mais c’est tout de même un progrès par rapport aux antiquités qui tenaient jusqu’à présent lieu de montures aux pilotes. Signe de leurs valeurs, les précieux chasseurs ont été déployés sur les trois terrains autour de la capitale : Črnomerec, Lučko et Borongaj (l’aérodrome qui sert au – rare – trafic civil desservant encore Zagreb). Evidemment, les trois escadrilles sont loin d’être opérationnelles : la transformation des pilotes vient à peine de débuter, grâce à une douzaine de Bücker 131 d’entraînement volant sans contraintes en dépit des restrictions d’essence. C’est un effort onéreux, mais nécessaire, pour la ZNDH : il semble que les instructeurs envoyés par Berlin soient navrés de constater le niveau général de leurs élèves (qui n’ont jamais piloté que des biplans à train fixe), au moins autant que de la tournure du conflit.
Le général Kren ne se fait donc guère d’illusions sur les chances de ses hommes en cas d’affrontement sérieux – pourtant, il se veut optimiste. Après tout, les Balkans doivent être aussi secondaires pour les Alliés que pour les Allemands. On ne risque pas d’y voir beaucoup d’action avant longtemps. Et comme les Titistes n’ont pas d’aviation, la Zrakoplovstvo Nezavisne Države Hrvatske pourrait bien conserver la maîtrise d’une partie du ciel croate, faute d’adversaires !
Le général oustachi passe aux bombardiers. Il recevra sous peu “ses” 30 Do 17E (qui devraient être immédiatement opérationnels, les équipages connaissant l’appareil) et “ses” 12 Fi 167, auxquels il lui reste encore à trouver une utilité. Quant aux appareils italiens, livrés au compte-goutte par le Reich au fur et à mesure des possibilités (les mauvaises langues disent de leur remise en état), ils serviront à l’entraînement et à la liaison (pour les 12 Cant Z.1007 et les 8 Fiat BR.20) et à l’appui au sol (en l’absence d’opposition aérienne ennemie !) pour les 25 Fiat G.50 et les 6 Fiat CR.42. Avec de tels moyens, nul doute que la ZNDH pourra bientôt contribuer vaillamment à la défense de la Croatie, et obtenir enfin des appareils dignes d’elle. « Il faut bien commencer… » conclut le responsable oustachi.
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