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1940 - La France continue la guerre
 
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demolitiondan



Inscrit le: 19 Sep 2016
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MessagePosté le: Mer Nov 20, 2019 16:14    Sujet du message: Répondre en citant

Curieux ce besoin de se faire bien voir et apprécier de ceux dont on aimerait prendre la place ... ou au moins la Gloire supposée. Rien n'a hélas changé avec la paix, c'est toujours la meme mer...e au boulot.

Citation:
Son ton ce fit cassant :

_________________
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C’est en trichant pour le beau que l’on est artiste
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Capu Rossu



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Messages: 2530
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MessagePosté le: Mer Nov 20, 2019 16:53    Sujet du message: Répondre en citant

Bonsoir,

Citation:
Félicitation, Steiner. Vous venez d'être promu au grade de sergent-chef avec effet immédiat.


En outre de caporal à sergent-chef, ça fait sauter deux grades (caporal-chef et sergent), même sur le front russe, c'est peut-être beaucoup !

D'autre part quant Steiner s'adresse à Stransky, il doit lui dire mon capitaine et non pas capitaine (2 fois), on était assez pointilleux sur le sujet des marques extérieurs de respect dans la Heer.

@+
Alain
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Anaxagore



Inscrit le: 02 Aoû 2010
Messages: 9997

MessagePosté le: Mer Nov 20, 2019 18:15    Sujet du message: Répondre en citant

Capu Rossu a écrit:
Bonsoir,

Citation:
Félicitation, Steiner. Vous venez d'être promu au grade de sergent-chef avec effet immédiat.


En outre de caporal à sergent-chef, ça fait sauter deux grades (caporal-chef et sergent), même sur le front russe, c'est peut-être beaucoup !

D'autre part quant Steiner s'adresse à Stransky, il doit lui dire mon capitaine et non pas capitaine (2 fois), on était assez pointilleux sur le sujet des marques extérieurs de respect dans la Heer.

@+
Alain



On est supposé l'être tout au moins. Mais ce n'est pas une erreur de l'auteur. Et là au moins, il n'a pas crié sur le capitaine... ce qui veux dire qu'il s'est relativement tenu.
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Ecoutez mon conseil : mariez-vous.
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Anaxagore



Inscrit le: 02 Aoû 2010
Messages: 9997

MessagePosté le: Dim Nov 24, 2019 13:28    Sujet du message: Répondre en citant

10 juillet,

Dans les tranchées allemandes, les hommes se tiennent prêts, casque sur la tête, fusil ou mitraillette en main. Un silence impressionnant règne sur la nuit, à peine troublé par des rafales ponctuelles. Si les Allemands sont tendus, en face on ne l'est pas moins. Les faisceaux de projecteurs venus des lignes ennemies se croisent dans le paysage lunaire tandis que des fusées éclairantes se succèdent dans le ciel.

5 h00
Le colonel Brandt quitte son abri, casque sur la tête, en imperméable. Jumelles en main, il vient se positionner auprès du capitaine Kiessel.
En première ligne, Stransky - lui - n'a pas quitté son P.C. Il est tendu et son visage luit de sueur, les yeux légèrement exorbités. Debout derrière le radio, penché sur son appareil, le capitaine attend.

5h10
Le lieutenant Mayer se tient aux côtés du sergent Steiner. Ils sont dans la première tranchée, face aux positions soviétiques. Autour d'eux les hommes contrôlent leurs armes. Certains murmurent à voix basse. D'autres sont immobiles crispés, les mains refermés comme des serres sur leurs fusils. Il y a quelques rires nerveux. Tous les soldats sont aussi prêts qu'ils peuvent l'être, l'angoisse leur mord le ventre comme un animal furieux, la bouche trop sèche ou volubile... selon les caractères. On leur a enseigné lors de la formation que leur courage et leur obéissance aux ordres les protégerait de l'ennemi... foutaise ! Tous les anciens le savent, c'est juste un hasard. Ils vont courir droit vers les lignes ennemies et... une partie d'entre eux va tomber là, fauché par les balles et les obus des Rouges. Rien d'autre ne décide de la vie et de la mort qu'un simple roulement de dés.
Par la meurtrière d'un petit bunker de bois et de terre saille une mitrailleuse M.G. 42 avec ses deux servants, tandis qu'un canon 10 cm K17 reçoit les soins attentifs de ses servants abrités un peu plus loin sous un filet de camouflage. Un peu en retrait, un nid de sac de sable accueille des mortiers de 8 cm Granatwefer 34. Les hommes groupés autour des tubes attendent avec le même mélange de terreur et d'impatience que tous les autres soldats. Eux aussi ne se font pas d'illusions, même si leurs retranchements leur offre une protection - oh combien dérisoire- elle ne compense guère l'intérêt bien supérieur qu'ils vont attirer dès qu'ils ouvriront le feu.

5h15
Comme on aurait basculé un interrupteur commandant une ampoule électrique, la lumière se fait sur le champ de bataille... le flash de plusieurs explosions trouant les ténèbres. C'est le début d'un impitoyable matraquage d'artillerie. Des pièces de tout calibre, depuis les mortiers et les obusiers se trouvant dans les tranchées jusqu'aux Nebelwefer 41 de 15 cm et les batteries d'artillerie de Kanone 18 de 17 cm.
Dans la nuit, chaque explosion génère un éclat de lumière blanche suivi d'un tourbillon de fumée et de poussière qui rend l'obscurité plus opaque. Mais les déflagrations sont si rapides qu'elles se confondent dans un l'effet stroboscopique, accompagné d'un ouragan sonore digne d'un crépuscule des dieux wagnérien.

6h30
Après trois quart d'heure d'enfer, le silence retombe... pour un instant.
- Attaquez, proclame Brandt.
- Sortez des tranchées, à l'attaque, crie Stransky, émergeant un instant de son abri.
Fusil en main, le lieutenant Mayer est le premier hors de la fosse, conduisant la masse de ses hommes qui sortent de leurs lignes dans la clarté sanglante du matin.
Dans un halètement de métal et de moteurs emballés, les hommes sont rejoints par des Pz-IV (G et H, armés de canons 7,5 cm/L-48). Les tanks moyens prennent la tête de l'attaque, ouvrant le feu vers les positions soviétiques, se guidant sur les flammes des départs de coups pour répandre le feu et la mort.
Néanmoins, le premier choc passé, les Soviétiques se ressaisissent. Tandis qu'une grêle de balles tirée par une mitrailleuse Maxim couche un groupe de soldats, des obus de mortiers se mettent à tomber... des cris horribles marquant chaque coup porté.
Un des chars sursaute soudain et s'immobilise, un énorme impact sur le côté de la tourelle vomit de la fumée noire avant qu'une explosion ne la démantèle.
L'enfer est aussi dans le ciel, les V.V.S ont pris l'air avant même le levé du soleil et des escadrons de bombardiers arrivent sur zone, prêts à lâcher leur cargaison de mort. Toutefois, ils sont coiffés au poteau par des chasseurs portant la croix de fer. Une mêlée éclate au milieu des volées de traçantes et les tragiques météores d'avions piquant vers le sol poursuivis par une traînée de fumée noire.

La guerre des aviateurs, la guerre des canonniers, la guerre des tankistes est une guerre impersonnelle, livrée contre des machines, par d'autres machines. Thucydide dans La guerre des Grecs explique qu'il faut cinq ans pour former un hoplite contre deux mois pour un frondeur. La différence venant que l'hoplite combat au corps-à-corps et sait qu'il tue un homme parce qu'il voit ses yeux !
C'est cette guerre là, la plus terrible des guerres, qui est le quotidien des nettoyeurs de tranchées des deux conflits mondiaux.
Ce qui suit est d'une violence insoutenable.
On se fusille et on se mitraille à bout portant. Les poitrines explosent en magma de sang. Les cris sont horribles... puis les Allemands sautent dans les tranchées soviétiques... et les combats prennent un tour plus primitif encore. Les fusils et les mitraillettes servent comme casse-tête, lorsque les baïonnettes ne transforment pas les premières en sagaies.
Les deux camps ne faisant pas de prisonniers seule la victoire peut sauver la vie. Alors, toute humanité disparaît. Le combat vire à la boucherie. Deux tribus de cannibales l'une contre l'autre. On beugle, on jure, on frappe avec haine. Il n'y a plus de retenue, plus de coup interdit. Certains tapent dans les parties génitales, jubilant de voir l'autre se plier en deux. Certains luttent au sol comme des chiffonniers, étranglant, ou mordant.
Autour de Steiner l'univers est rouge.
Terre rouge.
Sang rouge.
Furie rouge.
Écrasant le visage d'un Soviétique de la crosse de son PPSh-41, il esquive une attaque d'un autre armé d'une baïonnette qu'il cueille d'une giclée de balles. Autour c'est une danse macabre. Des grappes de fous hurlant se forment et se rompent. Des hommes tombent au sol en hurlant, morts ou agonisant.
- Steiner !
Dans une déchirure de la marée humaine en furie, Steiner discerne Mayer. Son ami est blessé, acculé par des Rouges, il l'appelle. Le sergent se rue en avant, mais déjà l'ouverture s'est refermée. Il lutte, tue plusieurs ennemis, repousse ses propres hommes pour avancer. Sauf que...
La détonation semble le traverser comme elle traverse Mayer, là-bas.
Le lieutenant se tétanise, il porte la main à son ventre où une fleur rouge vient de naitre. Le temps se ralentit, touchant à l'éternité... il faut un durée infini pour que Mayer touche le sol et s'effondre.
- Non !
Furieux, Steiner écrase la détente de son arme, les balles frappent le groupe de Russes, les faisant tressauter. Mais le sergent ne regarde même pas l'effet de son arme. Comme le percuteur claque, il se rue en avant, frappant... frappant... Jusqu'à ce que plus rien ne bouge. Enfin, il s'agenouille prêt de son amis. Mayer vit encore mais... Steiner ne peut que crier de colère. Une telle blessure ! Non, il faut...
Mais la guerre a continué autour de Steiner. Voyant la première tranchée perdue, le commandant soviétique a ordonné à ses mortiers de tirer sur elle.
Un obus explose projetant des éclats.
L'un d'eux frappe Steiner à la tête.
Un instant le monde semble s'emplir d'une lueur blanche. Puis Steiner se sentit tomber traversant des nappes de toutes les couleurs... tombant... tombant... dans l'obscurité et le silence.
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demolitiondan



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MessagePosté le: Dim Nov 24, 2019 15:37    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
Rien d'autre ne décide de la vie et de la mort qu'un simple roulement de dés.


Roliste va ...

Y a du Nebelwerfer à l'époque déjà ?
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patzekiller



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MessagePosté le: Dim Nov 24, 2019 15:56    Sujet du message: Répondre en citant

on trouve trace de nebelwerfer dans les orbat avant Barbarossa otl
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www.strategikon.info
www.frogofwar.org
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Anaxagore



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MessagePosté le: Dim Nov 24, 2019 16:01    Sujet du message: Répondre en citant

Introduit en 1941.
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Imberator



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MessagePosté le: Dim Nov 24, 2019 17:15    Sujet du message: Répondre en citant

Pour une fois, pas mal la concordance des temps,... Sauf dans la dernière phrase, quand même.
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Point ne feras de machine à l'esprit de l'homme semblable !
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Jubilé



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MessagePosté le: Lun Nov 25, 2019 11:54    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
Thucydide dans La guerre des Grecs explique qu'il faut cinq ans pour former un hoplite contre deux mois pour un frondeur.


Thucydide avait tort, ou alors c'était la simple xénophobie grecque, alliée à un sens de l'honneur méprisant celui qui donne la mort de loin.

Les frondeurs mettaient des années à acquérir leur dextérité, et étaient assimilés à des troupes d"élites très recherchées, et de ce fait coûteuses.

Un hoplite n'avait besoin que d'un entrainement assez simple pour tenir un rang.
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Anaxagore



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MessagePosté le: Lun Nov 25, 2019 14:24    Sujet du message: Répondre en citant

Thucidide parlait de l'entrainement guerrier des frondeurs. Ils étaient recrutés parmi les bergers et ces derniers apprenaient depuis l'enfance à manier la fronde pour éloigner les loups.
Quant à l'entrainement des hoplites, ils étaient ce qu'il se rapproche le plus d'une armée professionnelle en cette époque éloignée. Ils apprenaient à marcher au pas, à combattre en formation. Les premières lignes apprenaient à protéger le voisin de gauche avec l'Ôplon (le bouclier de bronze qui leur donnait leur nom) tandis que les lignes suivantes apprenaient à protéger les premières lignes contre le projectiles.
Il suffit de lire l'Anabase de Xenophon pour comprendre à quel point ils étaient bien entraînés. Surtout les spartiates qui se dévouaient leur vie entière à la guerre.
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Anaxagore



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MessagePosté le: Sam Nov 30, 2019 12:45    Sujet du message: Répondre en citant

13 juillet,

Noir... silence... inconscience...
Rouge... douleur... spasme...
Sans conscience, sans mémoire, l'être dérive entre ses deux états/couleurs depuis un temps indéfini. Puis...

Noyade... eau... il se débat pour échapper à la mort, nageant vers la surface et... ouvre les yeux.
La lumière l'aveugle et il referme les paupières.
- Vous devez regarder la lumière.
C'est une voix de femme, jeune, douce mais autoritaire. Il obéit, bat des cils, grimace... Son œil droit est violemment éblouit.
- Habituez-vous à la lumière. Maintenant suivez-la des yeux.
Effectivement, la lumière quitte son œil et va faire un tour sur un mur blanc, immaculé... l'homme est couché dans un lit tout aussi blanc. Et la femme qui lui parle porte une blouse blanche et une coiffe de cette même couleur, ornée d'une croix rouge. Un hôpital.
Steiner a la bouche pâteuse et un terrible mal de tête. Comme il tend la main pour se toucher le crâne, il réalise qu'il ne peut bouger que le bras droit. Le gauche est immobilisé. Quant à sa tête... couverte de bandages qui ne laissent que son visage à l'air libre.
L'infirmière éteint la lampe. Elle ramasse une planchette sur laquelle se trouve inscrite les informations sur l'état médial du patient.
- Sergent Steiner, vous avez un nombre impressionnant de blessures.
- L'obstination des Ruskofs...
- Vos réflexes oculaires sont satisfaisants. Vous avez mal quelque part ?
- À la tête... au bras... à la poitrine... aux jambes... je vois double par instant et j'ai un sifflement dans l'oreille. J'ai aussi de la peine à pisser par les oreilles.
L'infirmière rit.
- Vous avez une commotion cérébrale et un traumatisme crânien. Un éclat de mortier vous a entamé le cuir chevelu et presque scalpé. Par chance, il n'a pas traversé. Reposez-vous. Je reviendrais vous apporter à manger. Vous êtes resté inconscient pendant trois jours.
- Attendez... comment vous appelez-vous ?
- Éva.

14 juillet,

L'enfer... le paradis...
On arrive à l'hôpital pour avoir échouer à atteindre l'un ou l'autre. Il est donc logique que l'hôpital soit un mélange des deux.
Poussé par Éva dans un fauteuil roulant, Steiner se sent nauséeux. Par moment, le couloir peint en blanc lui semble remplis de monde... au contraire, par instant, il semble s'allonger à l'infini, blanc, immaculé, vide... seulement lui et Éva, pris dans un instant éternel, uniquement accompagnés du grincement des roues sur le sol de pierre.
Par moment, ils avancent au milieu de l'infinie procession des damnés. Des hommes portant des uniformes de la Wehrmacht ou des tuniques blanches, certains sans bras, sans jambes, dans des fauteuils roulants ou clopinant sur des béquilles. Des hommes sur des brancards, plein de sang, hurlant... des hommes aux visages grossièrement recousus.
Puis tout disparaît.
Steiner se retrouve à nouveau dans le couloir vide... le même couloir avec les mêmes portes, les mêmes plantes vertes... mais sans le pandémonium.
Il sait qu'une des visions lui est imposée par son cerveau enfiévré mais... il n'ose se retourner vers Éva pour lui demander quel couloir est vrai. Quel que soit la réponse, il sait qu'elle le glacera.
Alors il se tait, craignant la réponse. Et son regard halluciné, abruti par les médicaments, passe sur les fenêtres ruisselantes de lumière. Il veut retrouver la solitude de sa chambre... loin de l'horreur.

20 juillet,

C'est le jour du grand cirque, de la grande braderie de bons sentiments dégoulinants, de la grande puterie de l'armée. Les généraux arrivent à l'hôpital militaire avec leurs beaux uniformes repassé de frais leurs grands sourires aux dents blanches. Ils sont là s'arrêtant devant un soldat pour feindre de s'intéresser à lui, avec leurs sourires qui n'illuminent pas leurs yeux, leur fausse camaraderie pour leurs "frères soldats". On dirait des politiciens à la pêche aux voix.
Steiner, les yeux perdus dans le vide s'est une fois encore retiré en lui-même, écœuré par le monde qui l'entoure. Depuis sa blessure à la tête... il reconnait ses amis, les hommes de son peloton dans chaque visage mais ne se reconnaît plus lui-même. L'angoisse l'éteint. Comme si les couleurs du monde étaient passées à la pluie et avaient ruisselées, se mêlant les unes aux autres.
Le monde est devenu un tableau surréaliste où tout est confondu.
Un officier de haut rang se plante devant Steiner, superbe dans sa veste d'uniforme couverte de médaille, le cou entouré du collier de la Croix de Fer. Avec un sourire faux-cul, il tend la main au sergent :
- Alors mon brave, comment allez-vous ?
Pas un muscle du visage de Steiner n'a bougé. Ses yeux traversent le paon gominé comme s'il n'était qu'une autre illusion généré par son cerveau embrumé.
L'officier recule d'un pas, glacé de colère, il ouvre déjà la bouche, mais Éva a réagi. Elle couvre les épaules de Steiner de sa vareuse d'uniforme où scintille la Croix de Fer de deuxième classe et plusieurs autres médailles :
- Le sergent Steiner a été blessé à la tête.
Le paon gominé hésite et retrouve son sourire, il bredouille une formule toute faite et passe à un autre soldat. Suivant le grand manège des infirmières et des blessés qui suivent la théorie des officiers qui danse autour d'Herr General, ils arrivent au buffet. On joue une musique festive, une valse ou peut-être une polka pour ce qu'y connait Steiner.
Herr General écarte les bras en grand, dans un geste d'invite :
- Approchez, le buffet est pour vous, pour vous montrer la reconnaissance de la patrie.
Puis il se tourne vers le médecin chef avec un regard méprisant :
- Emportez la viande - il désigne un monumental quartier de bœuf- dans un salon privé pour moi et les autres officiers. Les légumes c'est bon pour eux !
Comme les médecins s'exécutent avec cette servilité si commune parmi ceux qui voient un uniforme, Herr General se tourne vers la cheffe des infirmières :
- Je veux que quatre-vingt-cinq pour cent des blessés soient renvoyés sur le front d'ici trois jours.
Herr General a parlé. Abandonnant le buffet des plébéiens, il s'est retranché dans un salon privé pour manger la viande avec les autres officiers, des aristocrates prussiens comme lui. Quant aux blessés, ils seront renvoyés au hachoir à viande. Ils ne sont que des matricules, des statistiques.
Les mains de Steiner se crispent sur les accoudoirs. Une colère volcanique cherche à s'épancher. Il écoute la musique. Les visages des blessés hilares et des infirmières qui se forcent à être joyeuse tournoient dans une ronde endiablée... fureur... sur fureur...
D'un bond, il se lève, se rue en zigzaguant sur le buffet, bousculant ceux qui se trouvent sur son chemin. Comme un cyclone, il arrache deux bouteilles de bière à la table et court à l'extérieur. Il s'effondre sur un muret, renverse la tête et boit au goulot.
- Ce que vous avez fait était incroyablement violent !
Steiner se retourne sur Éva. L'ange en blanc le regarde avec effroi, inquiétude.
- Je suis violent.
Ses yeux parcourent le parc de l'hôpital, une ancienne résidence de la noblesse tsariste. Des enfants habillés en moujik l'ont envahi, dansant au son de la musique qui sort par les fenêtres.
- Éva, voulez-vous danser ?
- Oui.
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Archibald



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MessagePosté le: Sam Nov 30, 2019 14:05    Sujet du message: Répondre en citant

Il faudra faire un coloriage un jour avec "Johnny got his gun" / Johnny s'en va t'en guerre - un bouquin terrifiant, vous connaissez ?

Après qu'un obus d'artillerie ait réduit son escouade en bouillie, lui compris, un pauvre type se réveille sur lit d’hôpital et... ce n'est plus qu'un paquet de viande. Mais conscient. Plus de visage ni de bras ni de jambes, mais un cerveau et une conscience intacte... qui hurlent à l'intérieur, sans pouvoir communiquer.
Evidemment tout le monde voit que le "truc" respire mais de là a ce qu'il soit conscient... mais il l'est. Son seul moyen de communiquer: bouger son tronc et ses moignons comme il peut. Taper en essayant de faire du morse, bref essayer de faire comprendre que l'esprit est toujours là, vivant, conscient.
Evidemment les bons docteurs ne comprennent rien... et le sédate ou l'attache pour que, enfin, il se tienne tranquille afin qu'il ne se blesse pas le pauvre (facepalm).

Une horreur ce bouquin.
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Sergueï Lavrov: "l'Ukraine subira le sort de l'Afghanistan" - Moi: ah ouais, comme en 1988.
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MessagePosté le: Sam Nov 30, 2019 14:17    Sujet du message: Répondre en citant

Archibald a écrit:
Il faudra faire un coloriage un jour avec "Johnny got his gun" / Johnny s'en va t'en guerre - un bouquin terrifiant, vous connaissez ?
.


J'avais vu le film a l'ecole, dans les années 80. Je n'avais pas apprécié le contexte pacifiste/chrétien de gauche qui enrobait la séance (nous étions en pleine crise des Euromissiles Pershing/SS-20) mais le film lui-même m'avait fortement impressionné. En fait, j'en étais sorti proprement épouvanté
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Archibald



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MessagePosté le: Sam Nov 30, 2019 14:20    Sujet du message: Répondre en citant

Y a un film ? mon Dieu. Le bouquin m'a suffit...
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MessagePosté le: Sam Nov 30, 2019 16:09    Sujet du message: Répondre en citant

Archibald a écrit:
Y a un film ? mon Dieu. Le bouquin m'a suffit...


Mais bien sur. Du meme Dalton Trumbo, en 1971. Avec entre autres acteurs l'excellentissime Donald Sutherland dans le rôle de ... Jesus Christ. Very Happy Et aussi un petit rôle pour David Soul, a.k.a Hutch de Starsky & Hutch.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Johnny_s%27en_va-t-en_guerre
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