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1940 - La France continue la guerre
 
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L'honneur d'un général
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Wil the Coyote



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MessagePosté le: Mer Aoû 30, 2017 08:29    Sujet du message: Répondre en citant

@demolitiondan

Il n'y à pas de soucis, et concernant les Divisions de Chasseurs Ardennais, au moins la 1ere, j'en ai déjà discuter avec mes compatriotes du forum, et j'en ai fait plusieurs fois allusions dans la chrono, ce fut une magistrale erreur de la retiré de la province du Luxembourg.

Sans digresser, regard vers un chat noir...., si la 1Div ChArd était resté dans le sud du pays à mener un combat, non pas en ligne, mais fait d'embuscade et de point d'arrêt, a votre avis combien de temps aurait pu être gagné en sachant qu'une compagnie à bloqué la 7e Panzer pendant presque 8 heures....

Les troupes allemandes ayant été harcelés dans le massif forestier aurait certainement été moins fraiches en arrivant sur la Meuse.
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demolitiondan



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MessagePosté le: Mer Aoû 30, 2017 10:42    Sujet du message: Répondre en citant

Oh une journée au moins, sans parler de la synergie avec les détachements de cavalerie envoyés par la 9eme armee. Pas sur que ça aurait suffit, mais au moins les DI auraient été en place à 75%
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C’est en trichant pour le beau que l’on est artiste
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demolitiondan



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MessagePosté le: Sam Sep 02, 2017 09:44    Sujet du message: Répondre en citant

Troisième épisode, l'on remercie chaleureusement Etienne pour sa compréhension sur mon travail ! Very Happy

Centre de Bordeaux (33), le 14 juin 1940 en fin d’après-midi

La voiture avait mis près de huit heures à parcourir les quelques 350 kilomètres qui séparaient Corap de sa destination. De fait, le temps pressait, personne n’allait le contester, et il avait fait violence à ses compagnons, et notamment à ses compagnons de voyage, en repartant des bords de Loire dès 7h30 du matin. Evidemment, tous tombaient de sommeil et les chauffeurs s’étaient relayés durant toute la journée.

Dieu merci, nous étions désormais en zone clairement contrôlée par l’armée française (du moins pour l’instant), et les flux de circulation se révélaient plus organisés, sous l’action d’une gendarmerie qui se révélait sensiblement plus efficace au fur et à mesure que l’on descendait dans le Sud. Il est vrai que l’absence des avions à croix noires, qui étaient trop loin pour intervenir, offrait à chacun un répit bienvenu pour s’organiser. Corap avait donc fait remettre les fanions et insignes distinctifs sur les voitures, et le convoi bénéficiait d’une priorité bienvenue dans les carrefours et les points de passage.

Evidemment, l’entrée de Bordeaux, et surtout le passage de la Gironde, s’était avéré compliqué. Les ponts, qui faisaient déjà naturellement office de goulots d’étranglement, voyaient leurs abords surchargés de canons de DCA quasi-neufs sortant des dépôts, et de points fortifiés destinés à contrer une improbable attaque de saboteurs ou de parachutistes.

Arrivé en ville, il n’y avait eu qu’à suivre les indications des nombreux plantons disposés à chaque carrefour pour trouver le N°35, place Pey-Berland qui servait, selon les dires de tout un chacun, de QG provisoire au ministère de la Guerre. Constatant toutefois l’inanité des efforts de son chauffeur une fois passé les quais de Gironde, Corap avait congédié ses subordonnés à la Porte de Bourgogne, estimant à la fois que l’on irait plus vite à pied, et que la marche lui ferait du bien après près de 3 jours sur les routes encombrées de l’exode.

De fait, la ville bourdonnait d’activité, et pas seulement militaire. Le flot de réfugiés issus des provinces de l’Est, désormais sous le joug ennemi, rendait difficile toute avancée tant la densité de voitures, chariots à traction animale, voire même à main ( !) était dense. L’ensemble, conjugué à l’étalage d’effets personnels sur les voies et le trottoir, aurait donné à l’ensemble un côté presque festif, si l’on passait outre les visages tirés et les pleurs d’enfants (1). La tension liée à la faim était palpable. Le tout sous la vigilante et impuissante garde de la cathédrale Saint-André. Il allait falloir plus que des prières pour sortir le pays de ce mauvais pas, une intervention divine au moins !

Arrivé devant le bâtiment, clairement identifiable par les sentinelles et les nombreux drapeaux sur les façades, Corap se présenta sans mal à l’officier de permanence en faction dans le hall, pour « demander à être reçu par le chef d’état-major ou tout représentant, afin de prendre instructions ». Son statut lui permettait au moins encore de solliciter une entrevue directe avec les décideurs. Le capitaine en faction demanda donc à l’un de ses soldats que « l’on contacte le bureau du général Hutzinger afin de voir si quelqu’un était disponible ».

Hutzinger, chef d’état-major ? C’est une mauvaise et curieuse surprise ça ! Lui, qui avait au moins autant failli que Corap sur la Meuse ? Le troisième généralisme en 2 mois ? Passe encore pour Gamelin, il avait mérité son sort. Mais Weygand était taillé pour ce poste, il le savait. Depuis l’époque de Foch, ce dernier avait toujours mené avec brio l’état-major, le 3ème bureau avec le regretté Buat, et était monté jusqu’à l’état-major général des armées. Enfin ! Si quelqu’un était qualifié, c’était bien lui ! A coup sûr, il avait encore payé son franc-parler, ça avait déjà été le cas en 1929. Mais enfin, un homme comme lui, qui avait toujours encouragé la réflexion dans les forces armées ? Ce gouvernement était décidément lamentable, on avait dû lui reprocher d’avoir le bon sens de reconnaître que c’était foutu.

Hutzinger était décidément un bien mauvais compagnon, n’y avait-il pas quelqu’un de plus amical dans les parages ?

« Capitaine, je ne vais pas déranger tout le monde, n’y aurait-il pas le général Réquin dans les environs ? »

« Pas à ma connaissance mon Général, mais je peux me renseigner. »

Sur ces mauvaises pensées, Corap se retrouvait à attendre esseulé dans ce fichu couloir. Ce qui ni ne l’arrangeait, ni ne l’agréait, évidemment. Dieu merci, une silhouette fendit la masse des uniformes qui passait d’un bureau et d’un étage à l’autre. Il reconnut sans peine cette fameuse silhouette qui avançait à pas mesurés, les mains dans les poches d’une veste qu’il persistait à porter malgré la saison : son vieil ami le Général Georges (2) !

« Alphonse ? »

« André ? » La silhouette lui serra amicalement les avant-bras. « Enfin une bonne nouvelle dans ce mer..er, je t’ai cru mort ou capturé ! »
« Je me suis sorti de Paris tant que c’était encore possible, après tout personne ne m’a retenu. Quoi de beau ? »
« Ecoute, tu l’as vu sur le chemin je pense, on court devant les allemands. Nos troupes se mettent en place sur la Loire, mais bon l’eau vive ça n’a jamais arrêté les boches. »
« J’ai vu ça, des bons français … qu’on envoie au casse-pipe à mon avis ! Qu’est-ce qu’ils en disent là-haut ? Weygand a été sorti ? »
« C’est vrai, mais je n’en sais pas plus. Maintenant c’est Hutzinger qui tient la place. Il n’est pas ici, tu ne le verras pas, il est toujours entre Toulouse et Toulon. Des réunions avec la Marine, on parle de passer en AFN. »
« C’est une plaisanterie, on va pas faire comme les Anglais ! Encore un coup des politicailleurs (3), ils veulent s’enfuir en nous laissant gérer la débâcle. Et que devient le Maréchal ? »
« Pétain … a eu un souci de santé avant-hier soir. Je n’en sais pas plus. »
Corap eu une léger mouvement de recul. Ce n’était pas une absolue surprise, le Maréchal était âgé à l’évidence. Mais bon sang, les bonnes nouvelles s’enchaînaient ce printemps à l’évidence.
« Bon, d’accord, tu me raconteras tout cela plus tard … au calme. Mais en attendant, il faut bien que l’on me dise quoi faire ! Et pas moyen d’être reçu dans cette ruche ! »
« Je vais me renseigner, je te dois bien ça. Après tout, j’ai mes entrées et puis j’ai l’impression d’être le vieux croûton ici (4). Au moins, je peux passer devant tout le monde, on dira que c’est le privilège de l’âge. »
Et il partit dans un rire un peu aigre, qu’on aurait pu croire forcé. Non décidément, l’heure n’était pas à la fête. Et il disparut au fond du hall, dans la direction où le soldat envoyé par le capitaine était parti. Corap se retrouvait à nouveau seul dans le tintamarre et la marée des uniformes. Un océan, un bouillonnement d’activité.

Passer en Algérie ? Et pourquoi faire ? Pour insulter les allemands depuis l’autre côté de la Méditerranée ? Quel gouvernement : après avoir refusé de préparer la guerre, mené le pays à la défaite, on avait décidé courageusement de s’enfuir au lieu de prendre ses responsabilités et de regarder le malheur dans les yeux ?

Décidément, on ne pouvait pas faire confiance aux politiques. Enfin, presque, il y avait Alfred Margane, mais c’était pas pareil (5) … Toujours à s’attribuer les mérites des autres, et notamment de l’armée, et à rejeter sur eux leurs propres fautes ! Il le savait, depuis le Maroc, et cet infect Steeg : un bureaucrate sans contact avec la réalité, qui avait ralenti les opérations sur le terrain dans le fol espoir de négocier directement avec Abd El Krim pour une reddition dont il aurait récolté tous les lauriers. Un rond-de-chapeau qui ne demandait l’avis de personnes, ne respectait pas l’uniforme et qui s’intéressait uniquement à son statut. Négocier par-dessus l’armée en temps de guerre avec l’ennemi, c’était de la trahison ! Caillaud l’avait appris à ces dépens ! Et en plus, Steeg avait passé le reste de sa carrière à lui mettre des bâtons dans les roues, par pur esprit de vengeance. Vengeance de quoi d’ailleurs ? Il n’avait fait que son devoir !

Dommage que le Maréchal ne soit pas là. Vraiment dommage, lui aurait mis tout ça au pas. L’honneur, l’intérêt du pays en premier ! Fini les combines avec les assemblées, les adjoints qu’on envoyait payer des restaurants aux socialistes (6) ! Ces gens ne comprenaient que les démonstrations de force, et lui-même n’avait pas hésité lorsqu’il avait fallu envoyer les troupes prévenir les grèves, au Maroc en 1936. Et les radicaux ne valaient pas mieux … Daladier, ce « roseau peint en fer », qui voulait réduire le service militaire à 6 mois (7) ! Et encore, sur les 10/12ème du contingent seulement, comme s’il n’y avait pas assez de planqués. Toujours d’accord avec tout le monde, où au moins voulait-il le faire croire. Dans les faits, surtout d’accord avec le dernier qui parlait. Normal que Gamelin l’ait soutenu. Et c’est le même qui, il y a 2 ans, parlait de remettre la France au travail !

Bon, le service national avait fini par être augmenté … théoriquement et comme de juste l’application était reportée d’une année sur l’autre. On se payait de mots, et pendant ce temps, sur la Meuse, lui observait l’Allemagne qui travaillait 60 heures par semaine. Les Français avaient été faibles, ils avaient cédé à l’influence délétère d’un gouvernement élu sur un slogan en forme de mirage. « Pain/Paix/Liberté ». Et donc le chef osait dire que « nous sommes bien au-delà des effectifs nécessaires pour la défense du pays ! ».

Bref, l’on verrait bien. Corap s’assit sur un banc qui avait le bon gout d’attendre avec lui dans le hall. Près de lui, et issue de la courtoisie du capitaine, une radio crachotait un flot de désastres que l’on camouflait en revers, entrecoupés de vétilles que l’on voulait rendre décisives. Quel bourdonnement décidément ! Une fourmilière que ce bâtiment ! Les officiers subalternes allaient et venaient au travers du hall, passaient pratiquement en courant devant Corap et disparaissaient dans un bureau quelconque. Partout, des téléphones qui sonnaient et des conversations dont il ne saisissait que des bribes : « Bateaux », « trains », « repli » et un mot surtout « déménagement ». Un déménagement oui, l’armée française était décidément incapable de manœuvrer. Où étaient les officiers supérieurs ? Invisibles, bien sur. Curieusement, le mouvement indiscernable qui semblait guider chacun s’entretenait tout seul, telles les vagues sur la côte dans l’atmosphère électrique de l’orage accompagnant la tempête. Curieux, une telle énergie en période de défaite, le Français était décidément une bien curieuse race, prompte à se révéler dans les pires circonstances.

Un changement dans le bruit ramena l’attention de Corap au poste de radio : la voix de Maurice Schumann « Honneur et Patrie, annonça t’il, vous allez maintenant entendre le général de Gaulle, ministre de la Guerre, dans son allocution prononcée sur nos ondes ce jour à midi. » De Gaulle, ministre de la guerre ? Ca aussi c’était nouveau tiens ! Pourquoi pas, il ne lui était pas inconnu, et le savait bon soldat, quoique volontiers bravache et parlant haut. Cet homme avait à l’évidence une certaine idée de la France. Il n’avait pas démérité, mais pas brillé particulièrement pour autant, sauf face aux rouges en Pologne. Mais c’était les rouges. Il se rappelait … des idées intéressantes, un dossier correct, d’ailleurs il avait hésité entre lui et De Lattre comme adjoint pour remplacer Molinier (8 ). Puis le choix c’était porté sur De Lattre, il était moins remuant, et puis lui venait de la coloniale au Maroc, ca comptait …

Curieux de bombarder un colonel ministre de la Guerre comme ca, il ne pouvait qu’espérer que l’on n’avait pas affaire à un copinage de plus, ca serait vraiment pitoyable en pareilles circonstances !

Il remarqua que les personnes près du poste semblaient figées, et tenaient une attention totale sur le haut-parleur. Certains arrêtaient leur marche, et accouraient pour écouter, sans que personne ne s’émeuve de cette coupable légèreté. Qu’avait-il donc annoncé d’aussi important à la radio que cela justifie toutes ces simagrées ?

« Des chefs placés depuis de nombreuses années à la tête des armées françaises ont renoncé à la lutte après avoir été incapables de préparer nos forces aux épreuves actuelles. » Ca commençait bien, on mettait donc tout sur l’armée. « Pourtant, fidèle à l’honneur de la France, à ses engagements internationaux, aux intérêts les plus profonds de la nation et au courage des officiers et soldats qui, sur tout le front, font héroïquement leur devoir, le gouvernement de la République a décidé de se battre jusqu’au bout. » C’est bien joli, mais au bout de quoi au juste ? Appelait-il à se battre jusqu’au dernier homme ? Et dans quel but ? Où était l’honneur dans un suicide ? « Ce que certains ont défait, d’autres pourront le reconstruire. Certes, nous courons le risque d’être submergés par la force mécanique, terrestre et aérienne de l’ennemi. » Oui, oui mais reconstruire sur de nouvelles bases, et nous sommes déjà submergés. Au fait nom d’un chien ! Des faits, des actes ! « Infiniment plus que leur nombre, ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui nous ont fait et nous font encore reculer. Ce sont les chars, les avions et la tactique des Allemands qui ont surpris ceux de nos chefs qui se sont laissé aller à l’abandon, au point de les amener là où ils sont aujourd’hui. » Ca oui, on était d’accord. Et surtout la paresse distillée par les communistes et le laisser-aller général… « Mais le dernier mot est-il dit ? L’espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ? » Oui je le crains … « Non ! La France a perdu une bataille, mais elle n’a pas perdu la guerre. » Corap releva la tête et regarda autour de lui à la cantonnade, c’était une plaisanterie ? « Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis que rien n’est perdu pour la France. Les mêmes moyens qui menacent de nous vaincre aujourd’hui nous donneront demain la victoire. Cette guerre ne fait que commencer. » Elle est belle celle-là ! Un ministre qui nie l’évidence, ca doit faire partie de leur attirail ! « Déjà, tirant les leçons des errements passés, nos forces ont su porter des coups significatifs à l’ennemi. Nous continuerons partout où cela est possible et un jour ces coups le détruiront. » Il ne savait pas où était De Gaulle, mais il n’était surement pas passés là où lui, Corap était passé. « Car la France n’est pas seule ! Elle n’est pas seule ! Elle n’est pas seule ! » On a compris, ce serait encore mieux si c’était vrai … « Des forces immenses, dans l’univers, n’ont pas encore donné. » Qui ? Les Belges, les Hollandais ? Les Anglais qui se sont enfuis ? « La France a un vaste Empire derrière elle, d’où elle continuera la lutte quoi qu’il advienne. Elle fait bloc désormais avec l’Empire britannique. » Nous y voila, l’AFN, la fuite en avant avec les Anglais. Que deviendra la France sans ses terres, à la merci du bon vouloir des puissances étrangères ? « Nos flottes, unies et combinées, tiennent la mer. Comme l’Angleterre, la France peut utiliser sans limites la puissante industrie des Etats-Unis. » Hum, aux dernières nouvelles, les anglo-saxons, en bons protestants, ne sont pas portés sur la charité. Il faudrait expliquer à ce cher colonel le concept de réserve monétaire. « Cette guerre n’est pas limitée au territoire malheureux de notre pays. Cette guerre n’est pas tranchée par la Bataille de France. Cette guerre est une guerre mondiale. » Oui, c’est sûr, on n’avait qu’à attendre en Afrique que les Allemands se lassent ! « Les moyens existent qui nous permettront un jour d’écraser l’ennemi. Foudroyés aujourd’hui par la force mécanique, nous vaincrons dans l’avenir par une force mécanique supérieure. » AVEC QUELS MOYENS ? « Le destin du monde est là. Moi, Général de Gaulle, ministre de la Guerre, au nom du gouvernement de la République, j’ordonne à tous les officiers et soldats de faire bloc et de faire front. » Et le revoilà qui prend ses grands airs, « faire front », on aurait dû commencer par là en 1939, qu’on admette aujourd’hui que cela n’avait pas été le cas ne semble choquer personne ici. « Chaque pas que l’ennemi fait sur notre territoire, il doit le payer d’un lourd tribut de sang. » Lequel, le sien ou le nôtre ? « J’appelle tous les ingénieurs et ouvriers travaillant pour la défense nationale et tous les spécialistes des armements à se mettre immédiatement en contact avec les autorités pour rejoindre l’Empire sans délai afin d’y œuvrer à nos victoires futures. » Il a perdu la raison, ca y est. Il vient d’appeler à la désobéissance, à l’abandon et à la fuite. « J’appelle tous les Français à un immense effort, grâce auquel la France se redressera pour être au premier rang, le sien, quand viendra le jour de la Victoire ! Quoi qu’il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas. Vive la République ! Vive la France ! » Puis vint la Marseillaise.

Enfin, cela suffisait ! N’a-t-on pas idée de raconter des sornettes dangereuses pareilles à la radiophonie, sous couvert d’un ministre en plus, et même d’un militaire ! Autour de lui, les auditeurs se dispersaient et reprenaient leurs tâches, sans choc apparent. Etait-il donc le seul avec le sens des réalités ici ? Tout ceux-là devraient aller d’où lui, il venait. Cette guerre était perdue, et dans peu de temps Bordeaux serait assiégée par l’ennemi. Et le sang français serait versé sans aucun gain pour la nation. Aucun discours, aucune envolée lyrique ne pourrait l’empêcher. Il avait vraiment hâte que le Maréchal revienne, il fallait remettre de l’ordre dans tout ca. Il fallait qu’un vrai soldat, un combattant, reprenne en main ce pays, pour la France et seulement pour elle, avec l’aide de l’armée. Ce De Gaulle n’était décidément pas à la hauteur, lui aussi se payait de mots. Il n’était arrivé à rien à Montcornet avec ses chars, de quel droit prétendait-il s’y connaitre ? Un écrivain, un discoureur, mais vraiment pas un soldat.

L’activité avait repris de plus bel autour de lui. Bon, il n’allait pas faire un scandale ici, tout se solderait plus tard. Il fallait respecter la hiérarchie, et se reposer sur elle, surtout en ces temps de malheur. Tiens, Alphonse revient, il a sa mine des mauvais jours. Lui aussi devait être scandalisé par ce qui venait d’être diffusé.

« Hé bien mon cher, il ne faut pas se mettre dans des humeurs pareilles, ce n’est pas sérieux à l’évidence »

Il lui tendit une enveloppe non cachetée, aux armes du ministère de la guerre.

« J’ai bien peur que cela soit très sérieux au contraire. » Georges restait caché derrière la visière de son képi. Corap saisit la lettre, ouvrit l’enveloppe et entreprit de lire la missive qui y était contenu.

Corap distinguait 2 paragraphes récemment tapés à la machine à écrire, le premier fort long, et le second fort court. Le premier : gnagna, formules classiques d’ordre de préseances, vu le Code Militaire et les articles numéro … Décidément, on passait beaucoup trop de temps à dépoussiérer les lustres dans les bureaux ! Il est décidé que … Ah

Second paragraphe : «le Général André Georges Corap est mis en réserve de commandement et démobilisé. »

La sidération le frappa de plein fouet, comme si la foudre était passée au travers de la pièce. Un coup de poignard n’aurait pas eu plus d’effet, on aurait pu dire qu’il en aurait eu moins.

« Je suis navré, c’est ma faute. J’ai parlé de toi au cabinet d’Hutzinger, et il ont rédigé ca »
tenta maladroitement Georges. « Qu’est ce que j’aurai dû faire, te mettre dans un avion ou un bateau sans rien dire à personne ?»
Corap l’écoutait à peine, et il sentait un haut le cœur, une envie de vomir lui traverser le corps. Limogé ! Chassé de l’armée comme un malpropre !
« … aussi longtemps que tu veux, je peux trouver à te loger. Si tu as besoin que je t’avance quelque … »
C’était comme ca que l’on récompensait ces années de loyaux et dévoués services ? Un concierge aurait eu droit à plus d’égard ! Il était vraiment le lampiste, les salauds, ils ne lui avaient même pas laissé la chance pour se défendre. Il aurait dit ce qu’il aurait fallu faire, il aurait démontré que le malheur de la France est lié à la pourriture des gouvernements qui se sont succédé. Et de leurs obligés ! Où étaient-ils, tous ces planqués de 1939, ces inspecteurs des troupes coloniales, ces commandants supérieurs des forces anti-aériennes, ces inspecteurs des troupes qui débarquent ou des cantonnements ? Pas sur la Meuse en tout cas !

Georges s’était tu et Corap le regarda droit dans les yeux. Sans un mot, il rectifia la position, salua et sortit, laissant son ancien ami au milieu du flot de ceux qui vaquaient a leurs occupations et qui lui étaient désormais étrangers.

(1) « Tout le centre de la ville n'était qu’une foire en plein vent» résuma Léon Blum dans un ouvrage. Charles Tillon préféra parler d’ «un entassement humain de centaines de milliers de migrants déboussolés, à la recherche d’un boulanger».
(2) Georges et Corap se connaissaient depuis la première guerre mondiale, où ils avaient servis ensemble à Dijon et Nancy. Une camaraderie franche semble s’être liée à l’époque entre les 2 hommes, si l’on en croit les relations suivies qu’ils entretinrent après.
(3) Expression de Foch.
(4) Alphonse Georges a 65 ans en 1940. Il est largement au-dessus de la limite d’âge pour les officiers d’active.
(5) Alfred Margane, député radical socialiste de la Marne. Il fut le bel-oncle de Corap, et un intermédiaire précieux, bien que peu sollicité.
(6) De Lattre de Tassigny invita plusieurs fois Leon Blum au restaurant, à l’instigation de Weygand et afin de le convaincre de modérer ses critiques sur l’action du chef d’état-major, dont notamment le rallongement du service militaire. Cette démarche porta ses fruits et Blum modéra ses attaques.
(7) En 1933.
(8 ) A l’état-major des armées évidemment.
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Dernière édition par demolitiondan le Mar Sep 05, 2017 14:52; édité 2 fois
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Sam Sep 02, 2017 09:51    Sujet du message: Répondre en citant

Texte très intéressant, qui souligne la nécessité du "Waterloo des Etoiles".
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Capu Rossu



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MessagePosté le: Sam Sep 02, 2017 10:42    Sujet du message: Répondre en citant

Bonjour,

Demolitiondan a écrit :

Citation:
il était moins remuant, et puis lui aussi venait de la coloniale au Maroc, ca comptait …


@+
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Etienne



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MessagePosté le: Sam Sep 02, 2017 11:00    Sujet du message: Répondre en citant

Ah, j'en ai oublié, donc. Embarassed
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Anaxagore



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MessagePosté le: Sam Sep 02, 2017 11:26    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
terrain, qui avait ralenti les opérations sur le terrain dans le fol espoir de négocier directement avec Abd El Krim


juste après le (5)

Citation:
Les Français avaient été faibles, ils avaient cédé à l’influence délétère d’un gouvernement élu sur un slogan en forme de mirage. « Pain/Paix/Liberté ». Et donc le chef osait dire que « nous sommes bien au-delà des effectifs nécessaires pour la défense du pays ! ».


Majuscule !

Même problème un peu plus loin

Citation:
le Français était décidément une bien curieuse race, prompte à se révéler dans les pires circonstances.


Faute de frappe classique, taper "!" avec majuscule enfoncé :

Citation:
Un concierge aurait eu droit à plus d’égard §

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demolitiondan



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MessagePosté le: Sam Sep 02, 2017 13:17    Sujet du message: Répondre en citant

Texte corrigé, merci à tous !! Les pérégrinations de Corap vont se poursuivre, mais après un petit détour par delà la mer méditerranée ...
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Capu Rossu



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MessagePosté le: Sam Sep 02, 2017 14:53    Sujet du message: Répondre en citant

Bonjour,

Citation:
Prêt du capitaine, une radio crachotait un flot de désastres que l’on camouflait en revers, entrecoupés de vétilles que l’on voulait rendre décisives.
[/u]

Précision please :

La radio est-elle un prêt du capitaine qui l'a mise là pour faire un fond sonore ou est-elle à proximité de lui et alors c'est "près" qu'il faut écrire.

@+
Alain
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solarien



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MessagePosté le: Sam Sep 02, 2017 15:45    Sujet du message: Répondre en citant

Je sais pas si vous avez ressenti la même chose mais j'ai l'impression qu'il y a un changement de mentalité de la part de Corap entre le 13 Juin ou il donne l'idée qu'il faut résister ou du moins combattre et le 14 ou il faut se rendre, abandonner le combat.
Bon il est pas au courant du "déménagement" et donc du sens du discours de De Gaulle mais la, on a vraiment l'impression qu'il veux qu'on abandonne totalement le combats, qu'on a un ultra pétainiste.
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MessagePosté le: Sam Sep 02, 2017 15:49    Sujet du message: Répondre en citant

Je crains qu'il illustre assez bien la mentalité historique des "weygandistes" : OK pour gagner, si on fait les choses à notre façon, si c'est nous qui commandons et si c'est les civils qui sont responsables de tout ce qui a foiré. Sinon, on capitule… oups non, on ne capitule pas, mais les civils se rendent.
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Casus Frankie

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demolitiondan



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MessagePosté le: Sam Sep 02, 2017 16:08    Sujet du message: Répondre en citant

je vais clarifier la phrase sur la radio.

@solarien : non pas un changement d attitude, mais plutôt une finalité qui n est pas la notre. L armee doit résister, faire son devoir, sauver l honneur tout en considérant (avec justesse d un point de vue strictement militaire) aue la situation est irrattrapable. Pendant que l on se bat pour la gloire et les livres d histoire, il convient d accepter la défaite, qui est avant tout le fait des politiques et de leurs créatures comme Gamelin, et de leur imposer le redressement du pays.

Le propos est cohérent et présente des éléments de jutesse, même si il est un peu facile en passant sous silence le fait que l armee et petain (ou même weygand) ont quelque peu cautionné les problèmes et dérives, en s endormant sous les ors de la république et en participant au gouvernement. Très honnêtement, cette position est adoptable par pas mal de militaires, même si évidemment ça ne résiste pas à l histoire.

Mais il faut se garder de regarder le film en connaissant la fin, qui sais ce que nous aurions penses à leurs places. Ca explique en tout cas le fort soutien à Vichy dans l armee et le caractère inaudible de De Gaulle OTL
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patzekiller



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MessagePosté le: Sam Sep 02, 2017 17:27    Sujet du message: Répondre en citant

j'ai adoré l'ironie de la critique contre cet administrateur qui "négocie avec l'ennemi en tant de guerre" alors qu'au final c'est ce qu'a fait Pétain, qu'il soutient en plus
je serais curieux de voir l'évolution des pensées du personnage lors de la période lybie-grèce-corse, puis Sicile-Italie-dragon, bref d'avoir d'autres textes post saharage
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MessagePosté le: Dim Sep 03, 2017 09:30    Sujet du message: Répondre en citant

C'est vrai que ca ne manque pas de piquants cher Patz, toutefois Petain est un militaire négociant avec les pleins pouvoirs suite à une faute du gouvernement (j'avais pensé écrire un vote, quel lapsus) face un adversaire plus fort. Steeg est un résident général au Maroc, qui négocie sans mandat et sans prévenir personne la capitulation politique d'un adversaire moins fort, en ralentissant les opérations sur le terrain et afin de ne pas avoir une capitulation militaire dont il ne tirerait aucun bénéfice particulier. Ce qui est quant même vaguement répréhensible.

Corap lui a grillé la politesse, et il passera les 3 années d'après à bloquer tout ses avancements, à tel point que Weygand l'affectera finalement en métropole. Ce genre d'incident déplorable peut expliquer la défiance qu'il affiche envers la classe politique et administrative. Si encore Steeg avait été bon administrateur ... mais pour un résident général, il passa environ 50% de son temps à Paris. Et comme dirait un de ses adversaires : "on peut résumer l'action de monsieur Steeg au Maroc en 4 mots : il ne fit rien"
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Colonel Gaunt



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MessagePosté le: Mar Sep 05, 2017 10:53    Sujet du message: Répondre en citant

Sans compter qu'il a un fils, OTL qui se battit dans le 12e RC de la 2e DB et qui mourut en Lorraine en 44.

Voir son fils, FTL, qui décide de continuer la guerre depuis l'autre coté de la Méditerranée...
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