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Indochine 1944
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Anaxagore



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MessagePosté le: Sam Fév 18, 2017 18:31    Sujet du message: Indochine 1944 Répondre en citant

On m'a pris par les sentiments.... "Si Anaxagore n'écris pas la suite de la campagne d'Indochine personne ne le fer"... que voulez-vous, j'ai toujours pensé être indispensable et on me le confirme. Maintenant que vous m'avez flatté, je vais être imbuvable...

Donc, 1944 ça commence dont en janvier, le premier jour du mois...

1er janvier 1944

Dien Bien Phu : Les soldats en poste fêtent comme ils le peuvent la nouvelle année chrétienne. Hô Shin Minh fera poliment acte de présence à la soirée organisée par Jean de Sainteny, mais le reste de la population vietnamienne suit le calendrier lunaire chinois. L'année n'est pas encore finie pour eux.
Le représentant de la république française se fend d'un bref discours de vœux radiodiffusé par l'émetteur de la base Épervier. Néanmoins, plus que des souhaits, il prédit la fin de la guerre en Europe pour 1944 de même qu'au Vietnam ! Sa voix prend des accents lyriques lorsqu'il évoque " le Japon Impérial Moribond, en déroute sur tous les fronts qui ne recule devant aucune abjection pour terroriser et affamer ceux qui cherchent à échapper à sa poigne tyrannique". Il termine en promettant que les nations d'Indochine ne sont pas oubliées et que la France œuvre activement à mettre fin au cauchemar des trois dernières années.

2 Janvier

Lao Kai
Le général de division Cazin est depuis quinze jours dans le nord de l'Indochine. Il doit faire face à une situation préoccupante. Le ravitaillement de l'armée du Tonkin est au plus bas, une grande partie a été dilapidé en vain dans l'offensive raté sur Hanoï ou pour venir en aide aux insurgés.
Ce n'est pas le pire d'ailleurs, les pertes du Ve Quoc - l'armée régulière du Vietminh - sont très lourdes. Les unités françaises ont heureusement moins souffert, mais aucune n'était déjà bien vaillante avant le début des combats.
L'Empire Britannique a installé sur l'île de Ceylan un centre de formation pour les recrues venues des comptoirs d'Inde, mais il s'agit du seul centre de recrutement "français" en Asie du Sud-est et il n'envoie des renforts qu'au compte goutte. À moins qu'on se souvienne de l'Indochine en haut lieu, peu de chance de recevoir un nouveau Bataillon complet, comme le 1er BMP, cadeau d'Alger, expédié avec les compliments de l'oncle Sam... loin du Pacifique où il était sensé servir. Et oui, on ne braconne pas sur le terrain de chasse américain.
Amusé par l'étrange chemin qu'a suivis son raisonnement, Cazin secoue la tête. En soupirant, il augmente le débit de l'antique lampe à pétrole qui éclaire son bureau, une simple table pliante dans un bâtiment officiel miteux. La carte qui le nargue a presque les airs d'un ennemi personnel.
Avant cette folie à Hanoï, l'armée du Tonkin était sur le point de chasser les Japonais de Cao Bang. Tout était prévu, préparé. Les raids aériens pour attendrir les fortifications avaient même déjà commencé.
Maintenant, ils avaient abandonné le terrain et toutes leurs positions autour de Cao Bang, bac Kan, Cho Don et Cho Moi. Et si les troupes régulières ont souffert, ça a été pire encore pour les Bo-doïs qui se sont sacrifiés sans compter. Oh, les Japonais ont également eut des pertes, mais seules quelques poignées de survivants ont regagné les lignes de l'armée régulière.
Depuis on s'est battu à Bac Kan et Thai Nguyen, et seules les sorties de l'aviation de la base Épervier ont pu éviter que la retraite se transforme en débâcle. Même les sanctuaires Vietminh des montagnes de Dai Thu et de Dinh Ca ont été abandonnés.
Pour se rassurer, le général Cazin se dit que les chefs japonais devaient être bien plus en colère qu'il ne l'était. Après tout, le simple fait que les soldats impériaux aient renoncé à suivre leur retraite jusqu'à Lao Kai en disait long sur le respect dans lequel ils tenaient leur ennemi. Après le désastre de Dien Bien Phu, les Nippons n'osaient plus s'aventurer trop loin de leurs bases. Ils étaient obligés de rester sur la défensive.
Peut-être que les historiens du futur se contenteraient de raconter l'invasion l'Indochine, puis la bataille de Dien Bien Phu, et tout le reste de la reconquête se résumerait à mentionner la date de la reddition des Japonais. Cela paraissait toujours si facile couché entre les pages d'un livre....
Pour l'encre de ces quelques lignes combien de sang cela coûterait-il encore aux franco-indochinois ?

3 Janvier

Lao Kai

Après un crochet par Dien Bien Phu, le colonel Giap arriva enfin à Lao Kai. Il se présenta au général de division Cazin. Dans l'après-midi, les deux hommes réunirent leurs officiers pour une conversation à bâton rompus qui oscilla entre le jeu de guerre et l'échange d'idées sur de multiples sujets. Comme Cazin s'étant amèrement répandu sur l'erreur de vouloir libérer Hanoï alors que les Japonais jouissaient encore d'une large supériorité dans le cadre d'une guerre classique, Giap dévia plusieurs fois la conversation. Mais même un Asiatique peut arriver à bout de patience.
- Général, était-ce une erreur ? Oui ! Une faute stratégique ? Oui ! Pouvions-nous faire autrement ? ... Non ! Les habitants de Hanoi n'en pouvaient plus. Ils se sont soulevés, et ils sont morts de plus pouvoir supporter que l'on viole leurs femmes, tue leurs enfants, d'être humiliés, volés et d'avoir le ventre vide. Oui, leur venir en aide était une absurdité, vu sous le seul angle de la chose militaire. Cependant, rester assis à les regarder mourir nous aurait mis au même rang que leurs bourreaux. Ils ne nous l'auraient pas pardonné, et cela nous aurait beaucoup plus coûté que de perdre des batailles. À présent nous pouvons dire que nous avons aussi soufferts qu'eux de la répression et ils nous croiront. Ils n'auront pas l'impression d'avoir été abandonnés. Et c'est à nous qu'ils abandonneront leur revanche, et nous feront payer les Japonais, vous pouvez m'en croire.
Il y eut un long silence gêné. Giap ne quittait pas Cazin du regard. Ce dernier ce tenait coi, incapable de rien répondre.
- Bon... ceci étant réglé, passons à la suite. Les forces vietnamiennes dans le nord du Tonkin consistent en 30 000 hommes. La division 308, les guérilleros du-kitch, les tu-vê qui défendent les villages et surtout les xung-phong, nos corps francs, spécialistes des coups de matins sur les arrières de l'ennemi. J'ai ramené de la base Épervier, le Trung Doan Thy DO, la garde d'élite du président Hô. Le major Thai va vous expliquer le plan de bataille que nous avons imaginé.
Le major Thai était le bras droit de Giap. Formé à l'école de guerre chinoise, il était chargé de transformer les idées de son supérieur en instructions militaires compréhensibles. Cazin ne l'aimait guère. Il s'agissait d'un individu pontifiant imbu de lui-même et qui ne cachait guère son racisme.
Le général l'écouta pérorer, expliquer comment il placerait ses six "bataillons" pour arrêter l'ennemi... À part lui, Cazin avait envie de sourire "Division 308" et maintenant des "bataillons". La division 308 avait les effectifs d'un régiment sans armes lourdes et les bataillons n'avaient que 300 à 350 hommes avec seulement 25 FM, 6 mitrailleuses et 4 mortiers à eux tous. On pouvait croire que les Vietminhs souffraient d'un égo surdimensionné. Seulement, c'était une politique d'intimidation. Vu que les "divisions" du Vietminh n'opéraient que rarement en un seul bloc, même leurs membres ne connaissaient rien de plus que l'unité dont ils faisaient partis. Capturés et interrogés, ils intoxiquaient les japonais en parlant de grandes formations qui n'existaient que sur le papier.
On faisait avec ce que l'on avait. Et l'Indochine était une guerre du pauvre où le plus petit avantage devait être exploité.
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Ecoutez mon conseil : mariez-vous.
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Dernière édition par Anaxagore le Dim Fév 19, 2017 21:46; édité 2 fois
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Imberator



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MessagePosté le: Sam Fév 18, 2017 18:44    Sujet du message: Répondre en citant

Anaxagore a écrit:
Et si les troupes régulières ont souffert, ça a été pire encore pour les Bo-doïs qui se sont sacrifiés sans compter.


Anaxagore a écrit:
Pouvions nous faire autrement ?


Et problème de concordance des temps. Le 1er et le 2 janvier sont au présent, le 3 au passé.
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patzekiller



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MessagePosté le: Sam Fév 18, 2017 18:45    Sujet du message: Répondre en citant

nan, nan, c'est moi qui ai la primeur de 44 Razz
franck a la campagne de birmanie jusqu'en avril 44 Wink
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Sam Fév 18, 2017 19:16    Sujet du message: Répondre en citant

@ Pat = Ne vous disputez pas, vos deux terrains sont à des centaines de km l'un de l'autre !!!

@ Anaxagore = Super, merci
(je suis content d'avoir réussi mon jet de Diplo Wink )

@ tout le monde : je mitonne évidemment les Marshall pour fin janvier/février. Mais là, c'est à des milliers de km !
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Anaxagore



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MessagePosté le: Sam Fév 18, 2017 19:17    Sujet du message: Répondre en citant

Imberator a écrit:
Anaxagore a écrit:
Et si les troupes régulières ont souffert, ça a été pire encore pour les Bo-doïs qui se sont sacrifiés sans compter.


Anaxagore a écrit:
Pouvions nous faire autrement ?


Et problème de concordance des temps. Le 1er et le 2 janvier sont au présent, le 3 au passé.


Pour la concordance des temps, il s'agit de deux textes différents.
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Imberator



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MessagePosté le: Sam Fév 18, 2017 20:04    Sujet du message: Répondre en citant

Anaxagore a écrit:
Imberator a écrit:
Anaxagore a écrit:
Et si les troupes régulières ont souffert, ça a été pire encore pour les Bo-doïs qui se sont sacrifiés sans compter.


Anaxagore a écrit:
Pouvions nous faire autrement ?


Et problème de concordance des temps. Le 1er et le 2 janvier sont au présent, le 3 au passé.


Pour la concordance des temps, il s'agit de deux textes différents.


Il faudrait le préciser ou trouver un moyen de l'introduire. Sinon à la lecture, d'un bloc ça choque.
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le roi louis



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MessagePosté le: Dim Fév 19, 2017 11:51    Sujet du message: Répondre en citant

1er Janvier fin de paragraphe
Citation:
Il termine en promettant que le peuple d'Indochine n'est pas oublié
...
ne parle t on de peuples au pluriel pour l'Indochine? Jean de Sainteny doit être suffisamment au fait des subtilités orientales pour le savoir

2 Janvier 3ème paragraphe
Citation:
il augmente le dépit de l'antique lampe à pétrole

une lampe qui a du sentiment? débit serait plus juste non?

3 Janvier Juste avant la deuxième tirade du dialogue
Citation:
Giap ne quittait pas cazin du regard.

Cazin perd sa majucule
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Anaxagore



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MessagePosté le: Dim Fév 19, 2017 21:43    Sujet du message: Répondre en citant

le roi louis a écrit:
1er Janvier fin de paragraphe
Citation:
Il termine en promettant que le peuple d'Indochine n'est pas oublié
...
ne parle t on de peuples au pluriel pour l'Indochine? Jean de Sainteny doit être suffisamment au fait des subtilités orientales pour le savoir


Il s'agit d'un discours d'unité... je vais remplacer par les nations d'Indochine

le roi louis a écrit:

2 Janvier 3ème paragraphe
Citation:
il augmente le dépit de l'antique lampe à pétrole

une lampe qui a du sentiment? débit serait plus juste non?


Oups... faute de frappe bien sûr !

le roi louis a écrit:

3 Janvier Juste avant la deuxième tirade du dialogue
Citation:
Giap ne quittait pas cazin du regard.

Cazin perd sa majucule


Oups bis
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Anaxagore



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MessagePosté le: Ven Fév 24, 2017 15:05    Sujet du message: Répondre en citant

4 janvier

Mytho
Si depuis une dizaine de jours le Tonkin est calme - c'est à dire qu'il n'y a que des actes de sabotages et des tirs nocturnes contre les postes de garde... donc paisible selon les normes particulières de cette guerre- Mytho et la Cochinchine n'ont pas cette chance. Vietminh et Hoa Hao continuent à s'entre-déchirer dans l'arrière pays. Ce qui n'empêche d'ailleurs pas les premiers de multiplier les coups de mains contre les avant-postes japonais dans le delta du Mékong. Finalement, c'est la Binh Xuyen qui gêne le moins l'occupant. Il faut dire que l'époque de sa splendeur est à présent bien passée. Après la mort de plusieurs de ses chefs, la Triade est à présent en proie à des divisions intestines qui ont à plusieurs reprises dégénérées en combats qui ont ensanglanté Cholon.
Mais cinq jours après la troisième bataille de Mytho, la mainmise japonaise sur la ville est pour le moins incertaine. Dans la crainte des habituelles exactions des guerriers du Soleil Levant, une nouvelle vague d'habitants a fuis... ce qui est devenu une habitude avant ou après chaque bataille pour Mytho. C'est donc sur une ville dépeuplée, ravagée et déjà pillée que la soldatesque s'est abattue. Cependant, le général Matsuyama a donné des ordres clairs pour limiter les ravages. À sa grande surprise, non seulement ils ont été obéis mais même devancés.
En fait, les hommes qui ont reçu quartier libre sont restés avec leurs camarades, l'arme au poing. Le moral est bas parmi les troupes épuisées. Même si la plupart refuseraient de l'admettre, ils sont terrifiés.
Dès le 1er janvier, le lieutenant général Yuzo Matsuyama avait ordonné à ses patrouilles de rechercher les notables de la ville et de les ramener - courtoisement- à l'hôtel de ville où l'officier a installé le QG de la 56ème division. Ils n'amenèrent que quelques médecins formés à l'européenne ou à la chinoise, restés pour donner les premiers soins à une population dans un état de misère presque total. Impossible de constituer un semblant d'administration civile avec eux. Quand aux collabos, ils ont quitté Mytho avant sa capture ou ont été exécuté après celle-ci.
Le problème les plus urgents pour Matsuyama est de rétablir l'électricité et les communications. Toutes les lignes de téléphone et de télégraphe sont coupées, quant à la voie de chemin de fer vers Saigon, elle a été largement sabotée. Le port a été ravagé et pillé de fond en comble par la Binh Xuyen. De plus sans énergie, il n'y a plus non plus d'eau courante et les problèmes d'hygiènes vont rapidement devenir ingérables.
Un de ses officiers d'état-major qui vient faire son rapport lui apprends que les stocks de nourritures sont bas dans la ville. Pour la ravitailler, il n'y a plus qu'une seule solution, aller chercher des vivres au Cambodge grâce aux sampans qui ont servi au transport de la 56ème division. Parce que bien sûr, toutes les jonques qui se trouvaient à quai ont pris la fuite dès l'arrivée des Japonais.
Les reconnaissances effectuées à l'extérieur de la ville se heurtent de tout côté à des Vietminhs en train de se retrancher et doivent faire demi-tour.
En écoutant les coups de feu qui retentissent jusqu'au cœur de Mytho une fois la nuit tombée, Yuzo Matsuyama ferme les yeux, soudain privé de force. Il a parcouru des centaines de kilomètres dans des conditions effroyables avec un seul but, reprendre la cité aux mains des rebelles. La Division Dragon, méritant son glorieux surnom, a réussi sa mission en dépit des obstacles. Pourtant, le lieutenant-général ne ressent aucun triomphe. Bien au contraire, la sombre prémonition de sa chute le hante.
Qu'a-t-il réussi en fait ? Il est encerclé dans une ville certes facile à défendre, mais pratiquement privée d'eau potable, et à court de vivres. Il ne peut attendre aucun secours puisqu'il est le renfort... Quand à l'ennemi, il se prépare déjà à l'assiéger. Les perspectives sont sombres.

5 janvier
Luang-Prabang, Laos

Le général de brigade Bourdeau est depuis plusieurs jours plongé dans un travail de bureaucratie assommant, mais indispensable. Chaque fusil, chaque cartouche, rendu par les laos-issaras retournés à leurs villages doit être compté, stocké et redistribué. Parce que, par une sorte de jeu d'équilibre, alors que les anciens rentrent chez eux, de nombreux jeunes gens enthousiaste veulent rejoindre l'armée royale laotienne. Certes, les nouveaux venus ne combleront pas le vide, ni en nombre, ni en expérience de ceux qui partent, mais on y peut rien.
Après des années dans ce pays, et dans cette guerre (surtout !) Bourdeau avait rapidement accepté la situation. "Au Laos, faisons comme les laotiens". Et si le premier ministre prince Souphanouvong disait qu'il fallait laisser ces gens rentrer chez eux alors que la guerre n'était pas fini, c'était lui le premier ministre.
Le général acceptait cependant beaucoup moins facilement que le 10ème RIC voit aussi partir ses anciens. Il ne s'agissait pas cette fois d'irréguliers, mais bien de soldats français, ou du moins des Laotiens affectés à une unité combattant sous le drapeau tricolore. D'abord arcbouté sur des notions d'honneur et de servitude militaire, Bourdeau avait fini par accepter lorsque le prince Souphanouvong lui avait rappelé que les hommes de sa division ne s'étaient pas battus pour la France. Ils étaient les frères d'armes des Laos-Issaras. Si on les traitait différemment de leurs anciens camarades, ils ne comprendraient pas et déserteraient... avec leur équipement ! Or, Le 10ème RIC bénéficie d'un armement homogène et relativement moderne constitué de fusils de tirailleur indochinois Berthier 1902/ M16 (rechambré en 7,5 X 54 C). Dans cette guerre où la majorité des unités franco-indochinoises doivent se contenter de fusils encore plus anciens, ou de calibres les plus divers, cette uniformité des calibres facilite grandement le travail d'intendance.
Enfin, il ne sert à rien de ruminer sur le passé, il faut se dépêcher de réattribuer les armes et de former rapidement - beaucoup trop rapidement- les conscrits. Des renforts sont également arrivés de Dien Bien Phu, des irréguliers vietminhs. Car une nouvelle offensive a été programmée. Elle aura lieu le matin du 25 janvier.
Une date qui n'a pas été choisie au hasard, car il s'agit du premier jour de l'année du singe.

6 janvier
Cambodge

Un climat étrange s'est étendu sur la "république khmer" de Son Ngoc Thanh, un malaise presque imperceptible. Bien sûr, le leader se pavane toujours et publie dans son journal Nagaravata un brûlot anti-Allié après l'autre . Avec les derniers événements, il ne manque pas de sujets d'invective.
La neutralisation de la Thaïlande a engendré la libération du Laos comme un domino en fait tomber un autre . Oh, Son Ngoc Thanh n'a évidemment pas parlé de "libération". Mais il a bien été obligé d'en parler à la radio ne serait-ce que pour fustiger le "gouvernement de fantoches à la solde des colonialistes" du prince Souphanouvong. Et puis il y a eu les bombardements des anglo-birmans.... le passage de la 56ème division du général Yuzo Matsuyama, harcelée, épuisée... déjà défaite, en route vers sa mort. Personne ne s'y est trompé.
Pourtant, quelque chose a changé... le public ne boit plus ses déclarations et la ferveur des premiers temps a disparu. Même le clergé bouddhiste se distancie à présent du chef d'état.
Le peuple est inquiet, choqué par les bombardements. Sur les photos, les proches de Son Ngoc Thanh peinent à paraître radieux en évoquant l'avenir de la république khmer. Quand aux Japonais, leur ambassadeur se contente de promesses. Ils ne semblent plus s'intéresser au pays... L'ont-ils jamais vraiment considéré comme un enjeu important de leur politique ? Non, ils ont pris cette terre en passant, pour sécuriser le Vietnam. Toutefois, la Cochinchine leur échappe à présent et ils luttent de toutes leurs forces pour s'y maintenir.
La pièce de domino appelée "Cambodge" tremble à son tour...
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Dernière édition par Anaxagore le Ven Fév 24, 2017 15:26; édité 2 fois
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MessagePosté le: Ven Fév 24, 2017 15:20    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
Dès le 1er janvier, le lieutenant général Yuzo Matsuyama avait ordonné à ses patrouilles de rechercher les notables de la ville et de les ramener - courtoisement- à l'hôtel de ville où l'officier a installé le QG de la 56ème division.



Citation:
Chaque fusil, chaque cartouche, rendu par les laos-issaras rendus à son village doit être compté, stockée et redistribué.



Citation:
Parce que, par une sorte de jeu d'équilibre, alors que les anciens rentrent chez eux de nombreux jeunes gens enthousiastes veulent rejoindre l'armée royale laotienne.

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MessagePosté le: Ven Fév 24, 2017 15:26    Sujet du message: Répondre en citant

J'étais en train de réécrire, et j'ai vu et corrigé deux des problèmes signalés.
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Van Gogh



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MessagePosté le: Lun Fév 27, 2017 09:55    Sujet du message: Répondre en citant

Un offensive du Têt ?
Je suis curieux de voir son déroulé, les circonstances FTL sont tellement différentes de l'inspiration de 1968 !
Peut-on vraiment espérer une victoire morale et médiatique sur les japonais, ou les objectifs sont-ils seulement militaires (et visent donc à prendre de vitesse une libération purement "métropolitaine") ?
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Anaxagore



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MessagePosté le: Lun Fév 27, 2017 17:36    Sujet du message: Répondre en citant

Bon, en voilà un qui a compris mon inspiration. Je me suis basé sur l'idée originale de l'offensive du Têt OTL. Pour ceux que cela intéresse, le soulèvement spontané de Hanoï est un cafouillage... ils étaient sensés attendre le bon moment. mais n'allons pas trop vite, je vous expliquerais tout en temps et en heure.
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Anaxagore



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MessagePosté le: Mer Mar 01, 2017 19:25    Sujet du message: Répondre en citant

7, 8, 9 janvier rien (enfin des avant-postes attaqués, des fils téléphoniques coupés, des attentats et des patrouilles qui essuient des coups de feu... l'ordinaire de l'Indochine pour le soldat japonais).

10 janvier
Hôtel Métropole, quartier général des forces japonaises en Indochine, Hanoï

Le général Andou Rikichi regarda la carte déployée sur le mur avec un rien de perplexité. Devant l'officier au garde-à-vous, il planta une épingle de coudrier à tête rouge sur la localité de Baò Lac à la frontière avec la Chine. Les colonisateurs et leurs valets communistes avaient été repérés en nombre dans cette région. Mais qu'y faisaient-ils ? Ils ne pouvaient pas déjà être assez forts pour relancer une attaque vers Cao Bang ? Pas après la défaire qu'ils venaient de recevoir. Tous les officiers de renseignement évaluaient les pertes ennemies à plus de trois mille réguliers et sans doute plus de cinq mille irréguliers. Sans compter les pertes en matériel, la piste Hô Chin Minh - les Japonais avaient fini par le comprendre- était ravitaillé à pied, il faudrait des mois pour remplacer ce qui avait été abandonné. Il relut le message et brassa les excellents clichés pris par un avion de reconnaissance Ki-15 ("Babe" pour les Alliés). On reconnaissait des caissons d'artillerie tiré par des chevaux. Oui, c'était bien des troupes du colonisateur français, probablement des pièces du 4ème Régiment d'Artillerie Colonial. Ils passaient comme ça, en plein jour par la route de Bac Me... sans craindre de bombardement ! De nouveaux, ses aigreurs d'estomacs lui tordirent la face. Que devait-il faire ? Ordonner une attaque aérienne... Et sacrifier combien d'avions ? Pour quels résultats ? Une attaque au sol ? Le temps de réunir une force suffisante et de l'envoyer sur place, l'ennemi aurait disparu. Après plusieurs mois dans l'enfer de cette guerre, Andou Rikichi avait bien assimilé la règle du jeu que lui imposait ses adversaires : " Si tu avances, je recule. Si tu t'arrête, je te harcèle. Si tu repars, j'attaque !" Intellectuellement, le général admirait le courage et la maîtrise réelle qu'il fallait pour ne jamais dévier de cette doctrine. C'était pour eux la clef de la victoire... Rikichi ragea de devoir exprimer en pensée ce blasphème mais... il le sentait le Japon perdait cette guerre ici... mais aussi en Chine. Quant aux Américains, ils avaient déjà des troupes aux Laos (1), peut-être allaient-ils débarquer en Indochine !
Silencieux depuis longtemps devant la carte, le général se souvint soudain que son subordonné attendait ses ordres.
- Renforcez la garnison de Cao Bang, mais ne vous laissez pas aller à poursuivre l'ennemi ! Ce serait probablement un piège !
Alors même qu'il donnait cet ordre Rikichi frissonna intérieurement. Comment gagner contre un ennemi en restant sur la défensive ?

11 janvier

Quelque part entre Cho're et Cao Bang

La pluie dégoulinait, clapotant au sol, recouvrant l'écorce et les feuilles des arbres d'une humidité suintante où grouillaient les parasites. La seule chose de sèche dans l'équipement du capitaine Lamarquier était la carte de la région bien serrée dans le tissu imperméable de sa sacoche. Sa tâche était de trouver un chemin pour permettre le passage de l'artillerie jusqu'à Cao Bang. Rien de très facile, mais son escorte de Vietminh semblait ne pas le comprendre... où plutôt - et ce qui lui faisait bien plus peur- ne voyait pas de problème pour transporter des pièces de 75mm dans ce désordre de vallées abruptes couvertes d'une végétation tropicale. Chaque fois qu'ils entraient dans un village, ils comptaient les adultes et les prévenaient de leur prochaine réquisition. Vu tous les coolies qui suivaient le convoi depuis les Hautes Terres, il y aurait des milliers de paysans pour tracer une voie.
Comme Lamarquier examinait les collines proches avec ses jumelles, un bruit le fit se retourner. Deux Vietnamiens en uniforme approximatif grimpaient vers lui. Le "capitaine" Nguyen Bac était grand pour un asiatique avec la minceur d'un loup. Ses petites lunettes rondes lui donnaient un air d'intellectuel, mais le Français ressentait une profonde antipathie pour l'homme chargé de le protéger. C'était un patriote au caractère tranché pour dire les choses gentiment... oui, un vrai fanatique ! Le "lieutenant" s'appelait aussi Nguyen... Nguyen Hoan Phuc, mais il n'était pas apparenté à son chef. Petit gros, suant, et chargé en plus de son barda de celui de son chef, il courait presque pour rester trois pas derrière lui.
- Alors capitaine Lamarquier ?
L'officier français tendit ses jumelles au Vietminh.
- Regardez par ici, entre les deux collines il y a un gros rocher. Je pense que l'on pourrait bâtir une rampe avec le bois des arbres. Qu'en pensez-vous, capitaine Nguyen ?
- Nous bâtirons votre rampe, capitaine, rien d'impossible pour notre peuple. Vous savez mes ancêtres ont chassé les Chinois de l'empire Tang, ils ont arrêtés les armées de Qubilaï Khan, nous ne craignons pas les Japonais. Les conquérants restent un temps dans ce pays, juste assez pour creuser leur tombe... les plus sages repartent d'eux-mêmes, n'est-ce pas capitaine Lamarquier.
Voilà pourquoi il n'aimait pas le "capitaine" Nguyen. Il ne faisait même pas semblant d'aimer les Français. Selon les jours il était méprisant, ou menaçant. Mais jamais il ne condescendait à considérer Lamarquier comme autre chose qu'un poids mort et il ne manquait jamais de le lui rappeler.

Même jour, Cao Bang

La nuit était tombée depuis plusieurs heures. La ville de Cao Bang avait la forme d'une larme, étroite au sud, elle se gonflait au nord. Bâtie au confluent de la Song Bang-Giang et de son affluent la Song Hiêm, elle était entourée de trois côtés par les eaux. Seule la péninsule au sud était réellement ouverte. Un service de bac reliait la ville à la route de Quang-Uyên, à l'est. Et un pont enjambait la Song Hiêm à l'ouest, la route continuait en direction de Nguyên-Binh.
Dans les années 30 alors que la menace du Japon commençait à peser sur le Vietnam, la décision de fortifier la ville conduisit à construire plusieurs ouvrages de type "Maginot" pour barrer le passage entre les deux rivières.
Les casemates avaient souffert de l'assaut japonais de 1941. Les garnisons encerclées avaient fini par se rendre et les bunkers étaient à présent occupés par les envahisseurs.
Jusque là, personne n'avait tenté sérieusement de les chasser de cette position fortifiée. Cependant, la garnison n'était pas de tout repos. La moitié des avant-postes qui gardaient la route de Lang-Son était constamment attaqués. Entre eux les Japonais l'admettaient à voix basse, si les Vietnamiens le voulaient vraiment, ils pourraient facilement détruire ces petites unités dispersées. Cependant, ils n'en faisaient rien... et les Nippons commençaient à comprendre pourquoi.
Pour ravitailler Cao Bang, il fallait des convois avec une escorte nombreuse, des avant-postes. Simplement en attaquant ici ou là avec quelques centaines d'hommes, les Vietnamiens en immobilisaient des milliers, obligeant l'envahisseur à utiliser ses ressources pour les ravitailler au loin, s'épuisant à la tâche.
Les sentinelles maussades déambulaient aux aguets. Il arrivait que des ennemis traversent la Song Hiêm à la nage pour attaquer un factionnaire ou qu'un mortier envoie quelques obus.
Cependant, ce n'était pas au programme cette nuit. Le bourdonnement de moteurs éveilla de mauvais souvenirs parmi les Japonais qui se ruèrent vers les abris anti-aériens. Des bombes tombèrent en sifflant, et ouvrirent des cratères dans de grandes lueurs orangées. Pierre et terre retombaient au loin, tandis que d'autres trous naissaient. Les quelques mitrailleuses de 25mm utilisées comme anti-aériens lâchèrent des rafales impuissantes vers le ciel. Les ennemis étaient trop hauts, voilés par la nuit. Heureusement, le bombardement en perdit autant de précision.


12 janvier

Quelque part sur la route de Cao Bang

Le caporal Kazuya Kujo toucha sa poitrine dans un geste familier. Accroché à une chaîne, un anneau orné d'un petit rubis lui rappelait son adolescence, ses études en Europe... et une promesse. Cette bague, c'est lui qui l'avait offert à celle qu'il aimait. Mais la jeune française la lui avait rendu. Avec un rien d'espièglerie, elle la lui avait rendue ! Il devait revenir lui proposer l'anneau de rubis lorsqu'il pourrait transformer ses vœux d'enfants en actes d'adulte.
C'était en 1938... il était maintenant adulte, mais le monde n'était pas devenu plus simple pour autant. Bien au contraire. Parfaitement francophone, Kujo avait été envoyé là où cela pourrait lui être utile. C'est à dire au Vietnam...
La peur lui serrait le ventre.
Les coups de fusil s'étaient soudain mis à claquer. Cela venait de la droite, de ces bâtiments de bois, un de ces minuscules villages qui se trouvaient sur la route. L'officier - un bâtard que Kujo détestait - avait déjà réagit. Il ordonna au jeune homme de mettre son FM en batterie pendant que l'infanterie traversait le minuscule cours d'eau pour attaquer.
Le caporal Kazuya obéit... généralement il obéissait et même quand il ne le faisait pas il expliquait poliment. Et ça les officiers n'acceptaient ni ne comprenaient. Un soldat obéissait comme un chien fidèle sans poser de question et SURTOUT il ne disait pas à son supérieur qu'il se trompait.
L'œil collé au viseur minimaliste du type 96, Kazuya vit deux Vietnamiens en tenue noire et chapeaux de paille... des paysans... mais avec des fusils dans les mains. Son arme tressauta comme à l'entraînement, deux brèves rafales pour ne pas échauffer l'arme et surtout ne pas vider le chargeur de seulement 30 balles. Il en avait quatre autre attachés sur la poitrine... C'était tout ! Là-bas, les hommes boulèrent.
Kazuya Kujo releva les yeux, pour suivre la bataille. Avec les arbres et les buissons, il n'apercevait ce qui se passait autour de lui que par des trouées, mais les claquements presque continus des fusils l'informait assez. L'ennemi... le Vietminh... disposait de grenades en nombre et l'assaut butait sur un véritable mur de déflagration.
- Kazuya arrête de rêver !
Le lieutenant Mitsuya venait de passer derrière son souffre douleur. Quelques soldats relevèrent la tête en dépit de la situation. Ils attendaient la suite.
- Je ne rêve pas... j'utilise mes yeux, mon lieutenant. Je n'ai pas beaucoup de balles, alors j'attends une bonne cible.
- Kso ! (2)
Un instant le lieutenant parut sur le point de frapper son subordonné, mais il fit demi-tour en jurant à voix basse. Kazuya Kujo était issu d'une famille militaire (3), mais comme il était le troisième fils son père avait cédé à sa mère qui avait voulu qu'il reçoive une meilleure éducation que ses aînés promis à l'armée. Il avait étudié et s'était révélé doué pour les langues, apprenant le Français, un choix inhabituel au Japon. Parce qu'il avait séjourné en Europe, il était vu comme "décadent" et "empoisonné" par l'esprit des blancs. Il n'avait aucun ami parmi les autres troufions. Contrairement aux autres, Kujo avait résisté au lavage de cerveau. Il ne participait pas aux exactions contre la population civile. Plusieurs fois, ses camarades l'avaient battu comme plâtre sous les yeux des officiers.
N'eut été trois choses, ses supérieurs se seraient débarrassés de lui. D'abord, sa famille était composée d'officiers et personne ne voulait les froisser. Deuxièmement, son courage et ses talents de tireur étaient connus dans tout le régiment. Troisièmement... l'armée japonaise en Indochine avait besoin de traducteurs. Avec une facilité déroutante, Kujo avait appris assez de vietnamien, qu'il mêlait à de moins en moins de français, pour se faire comprendre.
Cependant, cette relative tolérance n'allait pas plus loin que de le laisser en vie, comme souffre douleur de ses compagnons. Quand au lieutenant Mitsuya, il le lui avait dit plus d'une fois... "Je te briserais"... Pour lui c'était devenu une question "d'honneur". Il aurait le dessus sur celui qui sapait son autorité, il le transformerait un automate comme les autres. Il obéirait sans ajouter un mot. Kazuya Kujo n'avait pas le droit au chapitre quand il s'agissait de déterminer ce que le caporal Kazuya devait faire, dire et même penser.
Deux grenades artisanales explosèrent devant le rocher qui abritait le jeune japonais. Calmement, il se redressa et tira... une fois... deux fois... trois fois... Il avait eu les deux assaillants les plus proches, seulement le percuteur claqua dans le vide. Il retourna s'abriter et changea de chargeur. Restait quatre !
Il se releva alors que les Vietnamiens avançaient une nouvelle fois, quelques coups de fusil claquèrent à ses oreilles. Le FM type 96 tressauta dans ses mains. Il ne vérifia même pas le résultat de son attaque pour plonger derrière son abri et ramper un peu plus loin. Les grenades tombèrent autour de l'abri, déchirent les feuilles des buissons, éventrant le sol. Kazuya sentit un shrapnel lui déchirer le mollet. Il se redressa et balaya les assaillants en une longue rafale. Le "clac" final l'informa qu'il venait de vider un autre chargeur... restait trois.
Il se mit à parler en Français, sans même s'en rendre compte : " Je dois vivre ! J'ai encore une promesse à remplir". Il lui semblait qu'une chaleur étrange venait de l'anneau de rubis, comme un talisman qui le protégeait.
Son arme à nouveau prête à l'emploi, il couvrit sa fuite d'une rafale et courut comme un dératé, faisant des zigzags entre les arbres. Autour de lui, l'escarmouche tournait au carnage pour les Nippons, les tirs venaient à présent de trois côtés.
Il se plaqua derrière un grand rocher qui servait déjà de forteresse pour trois Japonais. Empoignant son FM, il vida ce qui restait de son chargeur - sans faire grand mal- et en changea. Restait deux !
Kujo tendit l'oreille. Un peu refroidis, les Vietnamiens se coordonnaient.
- Ils vont attaquer par la droite, traduisait-il à ses camarades.
Deux des soldats acquiescèrent et dégoupillèrent des grenades type 91. La double explosion sema la mort parmi les assaillants. Le caporal Kazuya encouragea la déroute de trois rafales précises qui couchèrent deux ennemis supplémentaires. Bénéficiant d'une pause, Kujo écouta autour de lui. Des deux côtés de la route, l'ennemi semblait avancer.
- On se replie, on cours jusqu'au pont de singe.
Le "pont" en question ne pouvait être franchi qu'en file indienne, la planche étant juste assez large pour une personne. C'était un goulot d'étranglement pour l'attaque des Viêts. Et autour, des soldats résistaient encore. Les quatre Japonais coururent. Kazuya se jeta au sol dans la boue car tous les arbres servaient de cachette à un ou deux de ses camarades.
Il se balaya du regard le secteur d'où venaient les ennemis. Ses derniers restaient à couvert, mais il vit à deux reprises une silhouette. Il écrasa la détente, mais sans savoir s'il avait touché. Kujo se retourna sur le dos, et remplaça le chargeur vide.... restait un.
Des grenades sifflèrent dans l'air, jetèrent quelques étincelles et un peu de fumée avant de détonner, hachant la végétation. Il tira presque par réflexe... une fois... deux fois... Comme au ralenti ses camarades tombaient au milieu de traînées de sang, mais les balles quittaient le canon de son arme et trouvaient des cibles, trouant des poitrines, perçant des bras, faisant exploser des têtes.
Un silence surprit succéda à la cacophonie de feu et de sang. Le claquement final du percuteur résonna comme le tonnerre. Sans une seule balle, le FM était juste un poids. La plupart des Japonais étaient morts... Il retourna un blessé et reconnu le lieutenant Mitsuya. Des éclats lui avaient percés les intestins. Dans l'enfer végétal, sa pourriture... c'était la mort assurée... une sale mort.
- Pas fichu de... crever... trop... déca... dent... pour... une mort de héros...
Mitsuya persiflait encore. Kujo ramassa son sabre et son pistolet nambu.
- Moi, je crois que vivre et faire des choses dont on peut être fier, c'est plus important qu'avoir une mort de héros. Mais je dirais à votre famille que vous vous êtes battus courageusement. Oh vous avez violé, tué, massacré... mais vous avez été courageux.
Kujo arma le pistolet et tira.
- J'ai encore quelqu'un que je veux retrouver. Je ne peux pas mourir. Mais ça, vous ne pouvez pas comprendre que l'amour est plus fort que la haine, lieutenant.
Sous sa vareuse il toucha l'anneau de rubis.




(1) Les troupes de la Force Publique Belge formées de Congolais (noirs donc) en uniforme américains et commandés par des blancs (des Belges) sont pris pour des Américains par le QG japonais de Hanoï.
(2) juron à ne pas traduire, équivalent de "m*rde" ou "p*tain".
(3) Ce qui ne veut pas vraiment dire ce que l'on pourrait croire, au Japon. Cela signifie que Kujo vient d'une famille traditionaliste où les enfants sont élevés dans la discipline et l'obéissance.
_________________
Ecoutez mon conseil : mariez-vous.
Si vous épousez une femme belle et douce, vous serez heureux... sinon, vous deviendrez un excellent philosophe.


Dernière édition par Anaxagore le Mer Mar 01, 2017 20:29; édité 4 fois
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Anaxagore



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MessagePosté le: Mer Mar 01, 2017 19:56    Sujet du message: Répondre en citant

Je me doute bien que peu de personne vont le comprendre... mais Kujo, est le personnage masculin principal de l'anime "Gosick".
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