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Grand Déménagement Aérien
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loic
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MessagePosté le: Dim Sep 18, 2016 20:57    Sujet du message: Répondre en citant

Etienne a écrit:
les 406 ne peuvent y aller par leurs propres moyens

Par la Corse, ils doivent pouvoir, mais la priorité est aux appareils modernes.

Sinon, un point qui a déjà été signale : deux grottes situées en Ariège, au Mas-d’Azil et à Bédeilhac, commencent à être aménagées en prévention des bombardements ennemis sur les usines. Les machines-outils sont en cours d'installation au Mas-d'Azil le 17 juin.
Source : http://archives.haute-garonne.fr/service_educatif/expositions/dewoitine/p-4.pdf

MAJ : http://web.archive.org/web/20150417113933/http://archives.haute-garonne.fr/service_educatif/expositions/dewoitine/p-4.pdf
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Etienne



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MessagePosté le: Lun Sep 19, 2016 08:47    Sujet du message: Répondre en citant

Intéressant, si on peut les murer/masquer, mais j'ai un doute, il devrait y avoir une route, neuve?
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Capitaine caverne



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MessagePosté le: Lun Sep 19, 2016 09:10    Sujet du message: Répondre en citant

Pour le Mas d'Azil et Bédeilhac c'est compromis car la première grotte est traversée par la D119, ce qui ne manquera pas d'attirer l'attention des allemands. La seconde est déjà à l'époque une attraction touristique courue et classée, ce qui rend difficile de s'en servir de manière prolongée.
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"La véritable obscénité ne réside pas dans les mots crus et la pornographie, mais dans la façon dont la société, les institutions, la bonne moralité masquent leur violence coercitive sous des dehors de fausse vertu" .Lenny Bruce.
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Etienne



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MessagePosté le: Lun Sep 19, 2016 09:55    Sujet du message: Répondre en citant

C'est un peu ce que je pensais.
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loic
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MessagePosté le: Lun Sep 19, 2016 13:12    Sujet du message: Répondre en citant

Pour murer le Mas d'Azil, il faut tout faire s'effondrer, mais cela soulèverait un tollé (note : la grotte est classée en 1942).
Il va s'écouler quelques semaines avant que la décision du déménagement parvienne dans tous les services des usines, donc on peut penser que l'installation va se poursuivre jusqu'à ce qu'on ordre d'évacuation soit donné.
C'était juste pour ajouter un passage dans ces récits d'évacuation.
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Lun Sep 19, 2016 13:14    Sujet du message: Répondre en citant

Rassurez-vous, on ne va pas tout revoir comme ça…
Mais quand un lecteur découvre un trou dans la FTL (et c'est sûr, il y en a !) et qu'il veut le boucher, il est le bienvenu !



21 juin
Saint-Martin de Touch, usine de la SNCAM (ex-Dewoitine), 06h15
– Marcel Doret, le chef-pilote de la Maison, contemple d’un air songeur le D.524 sur lequel travaillent les mécanos, afin d’y installer le flambant neuf Hispano-Suiza 12Z. L’avion est le n°41, sur lequel on avait quelque temps plus tôt installé un Rolls-Royce Merlin II.
C’est avec bien peu d’enthousiasme que les techniciens avaient greffé un moteur anglais ! sur un de leurs Dewoitine 520+, et le résultat des essais avait reflété leur mauvaise humeur : mauvais centrage, plus un couple perturbant gravement le décollage (le Merlin tournant en sens opposé par rapport à l’Hispano-Suiza, le calage initial de la dérive, prévu pour le 12Y, amplifiait la déviation) – bref, le so British engin n’était pas… enchanteur. Evidemment, avec une centaine de chevaux supplémentaires, les performances étaient meilleures, mais après un ultime essai sans que les techniciens – malgré ses demandes – aient modifié quoi que ce soit, Doret, suivi par les instances, avait fini par décréter l’avion dangereux, et celui-ci avait récupéré son 12Y45.
C’est à présent sur le nouveau moteur que se fondent tous les espoirs. Après les essais très satisfaisants du 12Y51, place au 12Z de 1 200 ch ! Mais l’attente du moteur avait été longue… Et à présent, il apparaissait qu’avec le déménagement vers l’Afrique du Nord décidé par le Gouvernement, on ne pouvait espérer que la fourniture des Hispano-Suiza suivrait, puisqu’il était impossible de déménager toutes les machines et fonderies. On pourrait avoir un stock de pièces pour les 12Y45, mais pas grand-chose pour les 12Y51, sans parler, évidemment, du beau 12Z ! Alors, “on” avait reparlé du moteur britannique.
Doret soupire. L’ingénieur Vilmot s’approche de lui : « Tu as entendu l’histoire, Marcel ? Paraît qu’on va replancher sur le Merlin, d’ici à ce que le 41 doive le réessayer, il n’y a pas loin. »
– Maintenant que le 12Z est arrivé ? Faudrait plutôt une autre cellule.
– Oui, mais il va lui falloir faire ses preuves, et surtout tenir le coup, j’ai bien peur qu’on n’ait pas beaucoup de pièces en stock !
– Pour les preuves, on verra aux essais, mais j’ai confiance, pas comme pour cet hybride mal foutu qui embarque à l’envers !
– C’est vrai qu’il faudra revoir la copie de fond en comble, mais on pourra faire ça… là-bas, et je suis sûr qu’on y arrivera,
affirme l’ingénieur. Ces Merlin sont fiables, les Anglais les fabriquent en masse, et on parle même d’une licence aux USA, ce qui garantirait des quantités.
– Sais-tu où en sont les D.551 ?
l’interrompt Doret, en allumant une cigarette. Ceux-là devraient être plus des pur-sang que des percherons !
– On peaufine la mise au point et la préparation du premier, faudra aller à Bagnères l’essayer mais tu en auras trois pour sûr à convoyer d’ici peu, dixit Castello. D’ici là, tu pourras toujours extrader ton D.550 !

Doret sourit, ramasse son serre-tête et ses gants, et s’éloigne vers le parking.
………
L’évacuation des prototypes (D.523, D.524 et D.550) doit se faire groupée avec celle de D.520 neufs, pilotés soit par les essayeurs, soit par les gars du GCII/7 reformé à Toulouse, mais qui n’ont pour le moment pas trop de travail de couverture de la capitale provisoire. Pour aujourd’hui, une patrouille double de D.520 (six appareils) va accompagner Doret sur le D.523, le GCII/7 ayant d’office récupéré des avions neufs pour compléter son effectif mis à mal par les derniers combats.
08h00 – Moteurs chauds (mais pas trop, il s’agit de décoller tôt pour éviter la chaleur estivale) les sept avions s’ébranlent doucement, gagnent la piste et s’élancent au feu vert. La formation se rassemble au-dessus du terrain et prend le cap de Perpignan au 135 en grimpant tranquillement vers 2 500 m, altitude prévue pour éviter le port du masque à oxygène, puis, en régime de croisière, vire au 160 bien après avoir passé la côte – inutile de provoquer les Espagnols. Le temps est au beau, le vent semble faible (la météo leur a prévu du 040 pour 15 nœuds), on le vérifiera au large des Baléares, en survolant les navires qui ont commencé leurs navettes entre les deux rives de la Méditerranée. Bien pratiques, d’ailleurs, tous ces bateaux, leur présence simplifiera la navigation (réflexion digne de Monsieur de la Palisse…).
De fait, en vue des Baléares, au loin par le travers, les Dewoitine peuvent prendre leur cap final au 210. En dessous, les marins sont tranquillisés par la présence des avions, qui peuvent les renseigner sur d’éventuels sous-marins ennemis à l’affût d’une proie.
Soudain, Doret, en serre-file de la formation de par son moteur plus puissant (il a laissé les D.520 donner le rythme de la croisière), voit un mince filet de fumée blanche sortir de l’appareil de droite. Il se rapproche, repère l’origine de la fuite et actionne le bouton radio : « Rouge 3 de Doret, tu as une perte de glycol au radiateur ventral, quelles sont tes températures ? »
Brusquement rappelé à la réalité, le sergent Carrère regarde ses instruments. Le vol étant plutôt monotone, il rêvassait quelque peu en regardant le spectacle magnifique de la Méditerranée sous un ciel bleu, et les navires traçant des sillages blancs dans la Grande Bleue. Récemment sorti de l’Ecole de l’Air, il n’avait pas encore l’habitude de toujours garder un œil sur les cadrans de sa machine. « Euh, ça chauffe ! »
Obéissant aux conseils du chef-pilote, Carrère met les volets du radiateur en position sol, afin d’augmenter le débit d’air. Mais si l’effet sur la température est bon, la fuite s’accentue. Le radiateur doit être crevé, une pierre au sol, peut-être?
Rapidement, le capitaine Hugo, comme Doret, fait ses calculs : il reste environ 200 km jusqu’à la terre d’Algérie… Le moulin tiendra t-il ? C’est rien moins que sûr : vu la vitesse et l’altitude à laquelle ils volent, il ne devrait pas y avoir de surchauffe, donc la fuite est importante. De fait, quelques minutes après, appel angoissé de Carrère : « La température remonte ! »
– Réduis un peu les gaz et prends l’assiette de plané, je t’accompagne,
répond Doret. Puis, après quelques secondes : « Va falloir sauter, tu n’atteindras pas la côte ! »
Carrère blêmit, déglutit et, suppliant : « Euh, si on continuait un peu comme ça ? On dirait que ça se stabiliser… » Comme bon nombre d’aviateurs, l’idée du saut en parachute l’angoisse.
– Tu risques de ne plus pouvoir sauter ensuite, si tu es trop bas !
Dans les écouteurs, le capitaine confirme : « De Hugo, je t’ordonne de sauter ! »
– Mon capitaine, c’est bête de convoyer un avion neuf et de le laisser à la baille. S’il reste une chance, faut la saisir !

Carrère ajoute, avec un soupçon d’orgueil et d’inconscience : « Et puis, c’est moi qui pilote et c’est ma peau, donc je continue, au pire je me pose sur l’eau, j’ai déjà fait un atterro sur le ventre en 406, ça ne doit pas être différent, la mer est calme ! »
Doret soupire… « Pour l’approche, oui, c’est le contact qui n’est pas le même. »
– On en reparlera à Alger pour le nombre de pains !
gronde le capitaine, gardant in petto la pensée qu’il aurait fait la même bêtise.
L’avion malade continue donc de descendre lentement, escorté par Doret. Henri Hugo a hésité, le prototype du 523 doit arriver intact, il aurait mieux valu que l’escorte soit assurée par un 520, mais Doret a de fait le grade de capitaine, comme lui, et il est plus âgé. Et comme il n’y a pas eu de consigne de commandement… Bah, il sait ce qu’il fait, pense Hugo. Les cinq appareils restant s’éloignent, et les minutes s’écoulent, angoissantes.
Au bout d’une dizaine de minutes, Doret rompt le silence pesant : « La fuite s’est arrêtée, tu dois être à sec de glycol. » Et de fait, la température recommence à grimper. « Nous sommes à 1 100 mètres, tu peux encore sauter ! »
Le jeune sergent ne répond pas, il pèse fébrilement les deux options : la peur du saut lui-même, avec les histoires que l’on raconte sur les pilotes blessés par l’avion en perdition, et puis la crainte du parachute en torche… Alors que pour un amerrissage sur le ventre, il sait que Doret l’assistera et le guidera jusqu’au dernier moment. Respire !
– Négatif mon capitaine, la côte est en vue !
C’est vrai : avec ce temps magnifique, la visibilité est incroyable, on distingue au loin les contreforts de la terre d’Afrique, nappés d’une brume de mer – ou des volutes d’un mirage ? Mais il doit bien rester 50 à 100 km…
Soudain, un grand bruit, le moteur cogne violemment, l’avion embarde, surprenant son pilote, et passe sur le dos. Le jeune homme essaie de rétablir, mais sans puissance, l’avion décroche et part en vrille, lâchant une fumée noire. Doret hurle des recommandations, que le sergent entend plus ou moins mais qui font office de douche froide calmante. Palonnier en sens inverse de la vrille, manche au centre, l’avion reprend une trajectoire rectiligne, en piqué… Redresser doucement, déclencher l’extincteur, on n’y voit rien avec cette fumée et maintenant l’huile qui gicle sur le pare-brise… En sueur, Carrère finit sa ressource lentement, se mettre en plané, larguer la verrière, il fait une de ces chaleurs ! Pas besoin de mettre l’hélice en drapeau, elle s’est bloquée quand le moteur s’est tu définitivement. Nom d’un chien, la vrille lui a fait perdre au moins 600 m, il n’est plus qu’à 400… Bruit de moteur à droite, tourner la tête. C’est Doret qui a raccroché, il est vrai que le Vieux a l’habitude des acrobaties. Le bouton de la radio…
– Ça va, je l’ai en mains.
– D’accord. Maintenant, calme, et écoute-moi, ne parle pas. Il y a un convoi juste en dessous à dix heures, tu le vois ? On va serrer les navires un peu. Reste en plané, resserre ton harnais, le choc dans l’eau sera rude, c’est presque du béton !

Bon, la mer a l’air d’être calme, ça ne moutonne pas.
– Vidange ce qui reste d’essence, pour le poids. Attention à ta vitesse, tu connais le décrochage, mais si tu es trop vite à l’arrondi, tu risques le cheval de bois.
Pleins volets et train sorti, Doret calque sa vitesse sur l’avion en panne en restant à sa droite, mais plus haut, tout en surveillant à la fois ses propres instruments, le 520 et les navires en dessous… Un des chiens de garde du convoi a compris ce qui se passait malgré l’absence de contact radio (Air et Marine n’ont pas les mêmes fréquences, pour le moment) et l’escorteur se rapproche à toute allure, enfin, moins vite que l’avion en difficulté, tout de même…
Gorge sèche, tempes humides, le jeune sergent exécute presque automatiquement les dernières actions, avec dans les écouteurs la voix bienveillante et calme de Doret : « Tu es à 10 m, bien, garde les plans bien droits, redresse léger, 5 mètres, 4… 3… 2… 1, arrondis ! » Sans réfléchir, le pilote s’exécute, l’avion tremble, nez levé, frôle le haut d’une vague, puis une autre, décroche et s’aplatit sur la vague suivante ; la queue s’élève, va t-il basculer ? Non, c’était limite mais c’est passé, l’avion est posé sur l’eau ! Le pilote respire, se débrêle et se hisse sur son siège, faisant des signes à la fois à son mentor rassuré, qui a dû remettre du gaz pour éviter de décrocher, et au bateau qui arrive à toute vapeur. Les réservoirs vides donnent une certaine flottabilité à l’appareil, mais il pique du nez petit à petit. Inquiet, le pilote gonfle son gilet de sauvetage, et attend avec impatience. Il sait qu’il lui faudra courir sur l’aile et plonger si l’avion s’enfonce trop, mais bon, la natation et lui… Heureusement, l’escorteur est déjà là, en train de mettre un canot à la mer. Il arrivera à temps, et à part un léger bain de pieds, tout ira bien.
Là haut, Doret a remis les gaz, repris de l’altitude et remis le cap vers Alger, tout en cherchant la fréquence radio de Maison-Blanche. Là, son arrivée, seul dans le circuit, provoque un moment d’inquiétude chez les cinq pilotes déjà au sol. Mais après un trois-points impeccable et un roulage tranquille jusqu’au parking, le capitaine de réserve, en s’extirpant du cockpit exigu, rassure tout le monde : le jeunot est sauf, il a posé son zinc comme un chef. Soulagement général, mais le capitaine Hugo bougonne à propos des 20 jours que le jeunot va prendre pour désobéissance ! De son côté, comme si l’affaire était déjà oubliée, Doret déclare que cette piste est un peu courte pour les 520 dont la charge alaire est élevée et qu’il va réclamer qu’elle soit allongée d’urgence, parce que, malheureusement, beaucoup d’autres D.520 vont venir s’y poser dans les prochaines semaines.
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Mer Sep 21, 2016 09:55    Sujet du message: Répondre en citant

Après le déménagement du D.550, quelques nouvelles de personnages bien connus… et de leur déménagement personnel ! (Merci à Etienne d'avoir pris le relais pour décrire cet épisode peu connu de leurs biographies)


16 juin
Toulouse-Francazal, 10h00
– Sur l’aérodrome, on peine à trouver pour le Bloch 160 un équipage qualifié, du moins au complet, pour déménager l’appareil jusqu’en AFN. Le pilote est là – et quel pilote, mais il lui faudrait un copilote, même ne connaissant pas la machine, et un navigateur…
Tiens ? D’où sort ce Tiger Moth de couleur… peu banale, inconnu sur l’aéroport, et qui vient de se poser sans demander la permission à personne ?
Gendarmes et mécanos curieux entourent rapidement le petit biplan tandis que le pilote, en combinaison de vol très élégante, surgit de la place arrière et enlève serre-tête et lunettes. Stupéfaction : c’est une ravissante jeune femme aux cheveux d’un roux éclatant. Alors qu’elle salue familièrement le comité d’accueil, un jeune homme en uniforme d’officier de la Marine Nationale, un peu froissé peut-être, s’extirpe péniblement de la place avant. Un attroupement se forme rapidement. Aux questions des gendarmes, les deux jeunes gens répondent qu’ils ont un pli urgent à transmettre aux représentants de l’Assemblée Nationale et du Sénat, et brandissent ordre de mission et pièces d’identité, lesquelles prouvent qu’il s’agit de Mademoiselle Sullivan Marianne et de l’aspirant Lagadec Yvon. Subjugués par leur aplomb, les gendarmes appellent une voiture, qui conduit les deux messagers vers la ville. De leur côté, les mécanos rangent l’appareil en riant – faut pas laisser ça sur le terrain, ça ferait jaser ! On est sur un aérodrome sérieux, quand même !
La suite sera racontée, bien plus tard, par le nommé Yvon Lagadec.
« Dans la Traction qui nous emmène, le gendarme qui nous escorte (et qui s’est présenté comme le lieutenant Paquet) demande, dubitatif : « Excusez ma question, mais lequel de vous deux est le pilote ? »
Marianne ne me laisse pas la moindre chance de répondre : « C’est moi, bien entendu. Puisque c’est mon avion personnel ! Ça ne se voit pas ? »
– Hem… Oui. Mais, heu, une mission… officielle avec un avion de cette… couleur ?

Je tente une explication : « On fait avec ce qu’on a, mon lieutenant… »
– Oh toi, le marin, n’essaye pas de faire des phrases ! Tu étais bien content de la trouver pour quitter Paris, ma
Tigresse !
Je pense que le gendarme comprend, d’abord, que Tigresse est le nom qu’elle a donné à son Moth, ensuite, que la rouquine en combinaison de vol a le même caractère que l'animal en question, et il se tait.
Les rues de Toulouse sont plutôt encombrées, mais les accès aux différents immeubles où la République a posé son sac sont contrôlés par des factionnaires, gendarmes, policiers, voire militaires pour certains. La voiture s’arrête devant la préfecture, le lieutenant Paquet, très stylé, ouvre la portière à Marianne. En récompense, elle le gratifie d’un sourire éclatant qui fait rougir notre gendarme. Celui-ci nous prie de le suivre. A l’entrée, il s’adresse au planton : « Où peut-on trouver un représentant de la Chambre ou du Sénat ? Nous avons un pli urgent ! »
Dans le salon qui jouxte l’entrée, un groupe de messieurs visiblement importants discute. L’un d’eux se retourne et, jetant sur notre groupe disparate un regard amusé, se dirige vers nous : « Vous êtes bien tombé, lieutenant. Je suis le Président Herriot. »
J’extrais de ma sacoche la lourde enveloppe cachetée. Sans hésiter, Marianne me l’enlève des mains et, affichant une version pour Messieurs d’un certain âge du sourire qui a réjoui le lieutenant Paquet, tend la missive à Herriot : « Bonjour Monsieur le Président. Voici le pli que nous a confié Monsieur de Gliniasty, chargé de mission auprès du ministre de la Guerre, au château de Cangé. »
– Merci Mademoiselle, et mes hommages, le ministère de la Guerre fait de gros efforts pour ses messagers, à ce que je vois.
– Oui Monsieur le Président, et en prime, vous avez même droit à un officier de marine !
rétorque Marianne sans paraître s’apercevoir du regard appréciateur du Président de la Chambre (il est vrai que sa combinaison de vol taillée sur mesures lui va très bien).
Herriot a déjà ouvert l’enveloppe : « Oh ! Mais c’est le compte-rendu du conseil des ministres du 12 ! Avec un message du Président du Conseil qui… [il parcourt rapidement le premier feuillet] qui aurait été d’une importance capitale s’il était arrivé malheur au nouveau gouvernement… Mais… »
Il se tourne vers moi, sourcil froncé : « Mais par bonheur, il n’y a pas eu d’accident – et toute la France est au courant depuis trois jours, jeune homme ! Vous êtes venus en bateau à rames ? »
Interloqué, je bafouille : « Non, Monsieur le Président, en avion, mais nous avons eu une panne, et… »
– Ce n’est rien, jeunes gens, votre retard n’a aucune conséquence. D’ailleurs, même en retard, vous avez accompli votre mission, c’est déjà ça, on ne peut pas en dire autant de tout le monde. Bonne continuation !

Et Monsieur le Président de la Chambre nous plante là.
On a l’air fins… Que faisons-nous à présent ? Le lieutenant Paquet, un petit sourire aux lèvres, propose de nous ramener au terrain. Marianne accepte et je les suis, tout en demandant au gendarme s’il a connaissance d’une unité de la Marine dans le coin… Réponse négative, même s’il précise qu’en fait il n’en sait trop rien, vu le chambardement général… Un train pour Toulon ? Tous les trains sont bondés, et sans ordre de mission… Mon uniforme d’aspirant ne suffira pas. Je me rencogne sur la banquette de la Citroën, songeur. Le silence est total jusqu’au terrain, notre vexation est si visible que Paquet n’ose pas dire un mot non plus. »

………
Retour à Francazal. Retrouver l’atmosphère d’un aérodrome dissipe l’amertume. Au bureau de piste, on explique aux deux jeunes gens que l’avion de Marianne a été rangé dans un hangar, mais lequel… Quant à la possibilité de joindre un bureau de la Marine Nationale, heu…
Baissant le nez, les deux complices se mettent à la recherche du Tiger Moth. S’il y a moyen d’obtenir de l’essence, Marianne ira volontiers jusqu'à Toulon… Mais que fera-t-elle ensuite ? Tous deux explorent les hangars à la recherche du petit De Havilland. Le premier est désert. Dans le second, point de Moth, mais un gros quadrimoteur peint en vert, sur lequel s’affairent quelques mécanos, visiblement en train de préparer l’avion pour un vol. « C’est un Bloch 160 ! » murmure Lagadec à l’oreille de Marianne. « Je sais ! » siffle-t-elle, furieuse.
– Vous cherchez quelque chose ?
Un petit homme aux cheveux noirs, la quarantaine, s’approche d’eux. Sa tête dit quelque chose à Lagadec, mais quoi ?…
– Un Tiger Moth, mais il n’a pas été rangé ici, d’après ce que je vois.
– Un Tigre Mou rose ?
sourit l’homme.
– Oui, c’est mon avion privé, répond Marianne, dont le sourire s’est pincé en entendant sa Tigresse se faire traiter de Tigre Mou, selon la plaisanterie déjà en vogue.
– C’est vous qui le pilotiez ? Vous étiez en place arrière…
– Ah ? Vous nous avez vus ?
[La jeune femme se détend.] Oui, en effet, je pilote depuis 1937.
– Déjà… Combien d’heures de vol ?
– Euh, après notre équipée depuis Paris, environ 350, pourquoi ?
– Et vous ? C’est un uniforme de l’Aéronavale, si je ne me trompe, pas vrai ?
– Exact. Aspirant pilote Lagadec. J’ai moi aussi 350 heures de vol.
– Que du monomoteur ?
– Non, j’ai fait aussi du Goéland.
– Moi aussi !
– Mais c’est le dieu des aviateurs qui vous envoie ! Et vous êtes libres ? Je veux dire, pas de mission spéciale ni d’unité à rejoindre d’urgence ?

« La façon dont il nous regarde à présent nous surprend, Marianne et moi. Je me demande à quel type de rapace peut bien appartenir un regard pareil, comme celui d’un aigle découvrant deux agnelets… Je réponds que non, mais que je cherche à rejoindre une unité de la Marine, quelle qu’elle soit, à Toulon, par exemple. Marianne ajoute que nous ne faisons pas non plus partie des services spéciaux, et que nous n’avons fait que rendre service, en échange d’un plein d’essence !
L’homme éclate de rire : « Bon ! Que diriez-vous de m’accompagner en équipage dans l’avion là-derrière, qu’il faut convoyer en Afrique du Nord ? » Devant notre stupeur, il se présente : Henri Guillaumet ! Nous sommes pétrifiés de surprise et d’admiration – et bientôt, nous avons du mal à mesurer notre chance.
– J’ai besoin d’un copilote et d’un navigateur. Vous, le marin, vous avez dû apprendre la navigation, non ? dit-il, toujours rigolard. Mademoiselle s’installera à mes côtés. J’aurais préféré plus de muscles, les commandes sont assez dures, mais on fera avec !
Je me récrie : j’ai plus de biceps que Marianne, tout de même, et… Je m’arrête net : elle s’est tournée vers moi et n’arbore plus du tout le joli sourire de tout à l’heure, à la préfecture. J’aurais mieux fait de me taire ! Alors je rougis et je bredouille que bien sûr, la navigation, ça me connaît (en plus, c’est vrai), et je suis sûr que l’énergie de Marianne compensera son… sa… – enfin, la preuve, c’est que le Goéland n’est pas un avion si docile… Guillaumet éclate de rire à nouveau, décidément ce n’est pas ma journée.
Mais Marianne s’est radoucie. Elle me sourit et me colle une bise sur la joue en guise de merci. Bin voyons, je vais me taper la nav’ pendant qu’elle tiendra les commandes et que Guillaumet lui contera fleurette… Bon, tout ça ne me rapproche pas de Toulon, mais Alger est un port de mer, non ? »

Guillaumet crie aux mécanos que tout va bien : son équipage est maintenant complet et on va pouvoir partir. Quand les deux jeunes gens voient les mécanos ouvrir la grande porte du hangar, ils s’interrogent : on ne va quand même pas partir de suite ? Nouveau rire de Guillaumet : « Hé non, mais il faut bien préparer la navigation de notre marin, charger l’avion, chauffer les moteurs, et tout le toutim… »
– C’est aussi qu’on n’a pas mangé grand-chose depuis… quelque temps !
– Ah, pas bien ça, les jeunes, faut manger ! Mais ça va, le père Tiennot a toujours quelque chose qui mijote sur le feu et des provisions dans son armoire.

Guillaumet conduit « les jeunes » derrière le hangar, où se trouvent bureaux, appentis, réserves, cuisines pour le personnel… et chambres pour les aviateurs de passage. Pendant que Marianne raconte leur équipée de Paris à Toulouse, ils s’installent à l’ombre d’une pergola garnie de treille, devant une grande table en bois. Guillaumet appelle le père Tiennot, un Toulousain bon teint d’une cinquantaine d’années et de forte stature, pour lui confier la rude charge de remplir les ventres creux des jeunots. Aussitôt, le brave homme apporte pour commencer un pichet de rosé bien frais et remplit les verres qu’il a posés par quatre.
Comme aide à la navigation, le rosé n’est peut-être pas l’idéal, mais par cette chaleur, cela fait un bien fou, du moins au premier verre, et cela rompt la glace – quoique ce charmeur de Guillaumet n’en ait pas besoin. Mais c’est lui qui prévient ses deux recrues de ne pas abuser : le rosé est traître et on va avoir du boulot. « A quelle heure partons-nous ? » s’enquiert Lagadec. Guillaumet annonce tranquillement que ce sera à la fraîche, c’est à dire dans la soirée, selon la météo.
– Mais… C’est un vol de nuit, alors ?
– Hé oui, Yvon, mais rassure-toi, ça me connaît. Par contre, il me faut une bonne navigation, tu comprends ? Il y aura peut-être des navires pour nous guider un peu, mais ça dépendra du temps. Si on a du bol, la traversée sera pépère, mais si c’est pourri comme ça arrive sur la Grande Bleue, on ne sera pas trop de trois.

Tiennot apporte à ce moment de grands bols en terre cuite débordant de cassoulet, et les deux affamés se jettent dessus. De grandes tranches de pain beurré accompagnent le tout. Si Marianne ne boit que de l’eau, en bon Breton qu’il est, Yvon ne recule pas devant un second verre de rosé.
Pendant ce temps, Guillaumet est allé chercher cartes et carnets. Tandis qu’il commence à noter les paramètres du voyage, un homme joufflu, dans un costume trop serré pour lui, accourt à pas pressés : « Je viens d’apprendre que vous comptez partir ce soir, Henri ? »
– Oui Monsieur, j’ai enfin déniché le complément de mon équipage.
– Et de qui s’agit-il ?
– Les voici : Mademoiselle Sullivan et l’aspirant Lagadec.
– Un copilote, bien sûr, mais pourquoi une hôtesse ?
– Je suis pilote, Monsieur !
s’insurge Marianne.
– Oh, une femme… Pilote ?
La chevelure rousse lance des éclairs : « Oui Monsieur ! Adrienne Bolland, Hélène Boucher, Maryse Bastié, Amelia Earhart, ça vous dit quelque chose ? Vous pensez qu’elles ont piloté quoi ? Des poussettes ? »
L’homme reste muet, et Guillaumet reprend la parole, maîtrisant non sans mal une forte envie de rire : « Nous avons reçu hier une note du gouvernement, Monsieur, rappelant une directive du 27 mai portant création d’un corps d’auxiliaires féminines de l’Air. Mademoiselle entre tout à fait dans ce cadre. »
L’autre s’éponge le front d’un mouchoir douteux : « Hem, oui, bien sûr… Si c’est officiel… Enfin, bon, si vous êtes d’accord, tout ira bien… Heu… Henri, combien de passagers pouvez-vous embarquer ? »
– Une douzaine, mais seulement des volontaires, Monsieur : on ne peut certifier l’avion complètement, même si je l’ai essayé récemment.
– Comment cela, il n'est pas certifié ?
– Les moteurs sont limites en puissance, Monsieur, c’est la raison pour laquelle Air Afrique les avait refusés, et c’est pour cela que je préfère partir de nuit, quand la température est plus basse.

S’ils échangent un sourire de connivence, les deux jeunes gens se rendent compte que leur escapade ne sera pas une sinécure. Le bonhomme parti en marmonnant « Pas certifié, pas certifié… », Marianne se penche vers Guillaumet pour lui demander l’identité du personnage.
– C’est Monsieur Grondin, l’ancien chef d’escale Air France, enfin le directeur administratif, on le voit mal dans un habitacle, pas vrai ! Normalement, il n’a plus de fonction depuis l’entrée en guerre et le rattachement d’Air France à l’armée, mais comme c’est le bor… ; heu, le désordre intégral et que personne ne sait qui fait quoi, il est revenu en poste. Au moins, il sait à peu près bosser à son niveau. A mon avis, là il voulait faire partir ses amis : le Bloch 160 n’est pas encore reconnu d’active, donc les places ne sont pas enregistrées. Mais avec ce que je viens de lui dire, pas sûr qu’on en voit beaucoup…
– C’est si risqué que ça ?
– Oui et non. En tant qu’aviateurs, vous savez bien qu’il y a toujours des risques. Là, l’avion a été sorti de la réserve et tout a l’air de fonctionner, mais va savoir ce qui se passera au-dessus de la Mare. Et c’est vrai que les moteurs sont faiblards, du moins pour ce poids. Va falloir les changer s’ils veulent les utiliser pour le transport.
– C’est sûr que douze passagers, c’est pas énorme, un Bloch 220 en prend plus.
– Oui, mais là on a déjà chargé du matériel, de l’outillage et des pièces de rechange, pour avoir à Oran de quoi faire mes maintenances.
– C’est Oran, la destination ? Je pensais que c’était Alger.
– On passera par Alger, mais sans s’arrêter, la piste est trop courte pour nous. Un autre 160 s’y est posé, il a avalé toute la piste et a failli se fracasser dans le grillage qui borde le terrain ! Du coup, il est en réparations là-bas, et il attend surtout qu’on allonge la piste. C’est prévu, mais avec tout ce qui se passe, ça n’est pas encore fait. Bon, fini la bouffe ? C’était bon ? Alors on attaque la nav’ de suite, et après vous irez vous reposer un peu, je vous veux en forme ce soir !
– C’est vrai, cette histoire de corps d’auxiliaires féminines de l’Armée de l’Air ?
– Oui, bien sûr, je ne lui ai pas envoyé une salade !
– Et… Où peut-on s’inscrire ?
– Ça, je l’ignore, mais on trouvera bien à notre retour, ma jolie, ou à Oran.

La vaisselle enlevée, les trois pilotes déploient les cartes et commencent à établir leur itinéraire, qui deviendra bientôt un grand classique (c’est déjà le cas pour les militaires) : Toulouse-Perpignan-Minorque-Alger-Oran. Minorque, ce sera un point par le travers, il ne faut pas survoler le territoire espagnol, ce qui fait faire un sacré détour – en fait, pas mal d’appareils ont survolé ou survoleront l’une des Baléares, pour couper au plus court. Tandis que les jeunes recopient les notes en trois exemplaires (on ne sait jamais, et de toutes façons, ils sont trois !), Guillaumet part chercher les prévisions à la station météo. Il en revient souriant : temps calme, pas d’orage prévu sur la route, un peu de vent du nord à 2 000 m, tout ce qu’il faut pour être tranquille. On retournera quand même voir avant le départ, la météo, ça peut toujours changer très vite.
Ensuite, amphi-cabine poussé : visite du poste de pilotage pour familiariser Marianne (et “accessoirement” Yvon…) avec la disposition des instruments et commandes.
– On fait un vol d’essai ?
– Ah ! Jeunesse ardente… Ce serait logique en effet que je vous teste, mais…

Le regard de Guillaumet s’assombrit et il continue, semble-t-il, pour lui-même : « S’il me regarde de là-haut, Jean [Mermoz] doit m’enguirlander. Bien sûr, je devrais vous tester, mais on n’a pas trop de temps, et je préfèrerais avoir deux hommes… enfin, deux membres d’équipage bien reposés pour m’aider, plutôt que deux jeunots surexcités qui risquent les bêtises par fatigue. Et puis… Vous, Mademoiselle, vous venez de traverser la France sur un cerf-volant motorisé en pleine guerre, dans un ciel très très mal fréquenté – c’est sûr, vous savez tenir un manche. Et vous, jeune homme, vous êtes dans l’Aéronavale, mais je parie qu’il devait déjà y avoir des Lagadec dans la marine du temps de Jean-Bart, non ? Alors, vous savez vous servir d’un compas. Bref, je crois que je peux vous faire confiance ! »
C’est un Henri Guillaumet très paternel qui guide les deux exilés jusqu’aux chambres disponibles – certes pas luxueuses, mais proprettes, et avec de vrais lits (1) ! Ensuite, le pilote retourne vérifier le chargement et la mécanique, puis faire tourner les moteurs pour un dernier essai.
20h00 – Réveil au clairon des recrues, par un Guillaumet hilare : « Debout les jeunes ! Vous allez être en retard pour le dîner, c’est pas sérieux ! »
– Euh, on part tout de suite ?
– Non, vers 22 heures, il restera un peu de lumière et la baisse de température permettra de décoller plus facilement. Mais en attendant, faut becqueter un peu, y aura rien avant demain matin, et encore, j’ignore ce que l’on pourra avoir à Oran… Par contre, pas de picrate ce soir, hein ?

Le repas est copieux, mais point trop lourd, et froid : charcutailles du Sud-Ouest, salades, fromage, pain, et une tarte aux prunes confectionnée par le père Tiennot, décidément fin cuistot. Les jeunes font connaissance avec les autres membres de l’équipage, le radio Vernet et le mécanicien Chabrot, et avec les mécaniciens sol : ceux de l’équipe de manœuvre de l’appareil, qui rejoindront l’Afrique plus tard, et les cinq qui feront ce soir partie de leurs passagers. Ces derniers devront établir un pôle de maintenance à Oran, où un autre 160 se trouve déjà. On discute de l’avion, de ce qu’il faudrait faire pour l’améliorer, des moteurs qui lui conviendraient mieux, plutôt que de politique ou de la guerre.
Lagadec : « Nous embarquons vers 21h45. Auparavant, je suis allé à la météo prendre les dernières infos. TVB, RAS, rien de changé, et on devrait avoir un quart de lune bien suffisant pour y voir clair vers le bas pour les pilotes, j’espère ne pas être gêné quand je ferais le point au sextant.
Pas grand-monde à l’embarquement. En dehors de nos cinq mécaniciens, nous avons six techniciens et ingénieurs de la SNCAM qui vont préparer des installations de maintenance ou de construction, mais il s’agit plus de génie que d’aéronautique. En gros, ils vont aller dire aux entrepreneurs locaux ce dont ils auront besoin ! Ils pensaient aller à Alger, mais vu le peu de places disponibles sur les D.338 et les Bloch 220 qui ont commencé leurs navettes, ils ont saisi la perche au vol quand ils ont entendu parler du voyage du 160, que le dénommé Grondin décrivait de façon inquiétante à ses amis pour les dissuader de l’emprunter. Connaissant quelque peu l’avion, et surtout son pilote, ils n’ont pas hésité une seconde et se sont portés volontaires pour occuper les sièges libres auprès du sieur Grondin, quelque peu surpris.
Le commandant Guillaumet et le mécanicien Chabrot lancent les moteurs un à un, leurs gestes sont suivis attentivement par Marianne qui note les procédures dans un carnet. Moi, je me loge sur le siège du navigateur, au côté de Vernet, de l’autre côté de la cloison derrière Marianne. La fenêtre devant moi est large, j’aurai au moins une bonne vision. La radio grésille, nous sommes “vert” pour le roulage. Le soleil disparaît peu à peu sur l’horizon, mais il fait encore clair, nous arrivons dans la période dite de “nuit aéronautique”, une demi-heure après le coucher du soleil [et une demi-heure avant le lever du soleil]. Les quelques cirrus, là haut, sont teintés d’un rouge-orangé flamboyant. J’ai plutôt l’esprit tranquille, il faut dire que Henri (il nous a ordonné de l’appeler comme ça) n’est pas du genre à plomber l’atmosphère ! Ce type est d’un optimisme sans faille, même si je vois passer parfois des lueurs sombres dans ses yeux – fantômes des amis disparus ?
A pleine charge, nous avalons toute la piste, c’est vrai que ces 12X ne sont pas très puissants, 720 ch unitaires, pas le summum de ce qui existe. Mais avec l’aide des biceps de Marianne, Henri enlève le Bloch sans souci et nous grimpons tranquillement. Pas besoin de donner le cap, mais je l’annonce quand même dans l’interphone, histoire que je serve à quelque chose, non mais !
Nous partons vers la nuit, qui nous enveloppe au-dessus de Perpignan. Je chronomètre notre passage à la verticale, c’est bon, nous sommes dans le temps estimé et, à l’heure prévue, je donne le changement de cap. Pas la moindre turbulence, le ciel est calme. Le croissant de la lune qui monte éclaire le visage d’Henri, attentif, qui conseille Marianne en quelques mots de temps en temps. Il ne tient pas le volant, c’est donc elle qui pilote, la vache ! Le pire, c’est qu’il n’y a même pas à se plaindre, l’avion ne bouge pas de sa trajectoire ! Pendant le virage, j’ai aperçu la silhouette de plusieurs navires se découpant sur le scintillement de la mer. Si nous avons des soucis d’instruments, ils pourront être une aide bien commode. Devant, les deux doivent d’ailleurs s’en servir, car lorsque je fais le point au sextant un peu avant le travers de Minorque, nous sommes pile-poil au bon endroit. Je transmets tout de même le changement de cap, toujours pour faire savoir que j’existe, ah mais ! Henri tourne la tête et me lance un clin d’œil amical, l’autre bêcheuse garde le nez fixé sur l’avant. »


17 juin
« La nuit est à présent complète. La lune poursuit son mouvement et nous enrobe d’une clarté diffuse, les flots nous renvoyant sa lumière. A l’heure prévue, Alger nous apparaît, bien visible – la notion de black-out n’a pas dû être comprise par tout le monde, il ne faudrait pas que des bombardiers italiens se pointent ! Bon, pour l’instant, ça nous aide ; le radio contacte Maison-Blanche pour nous signaler, avec notre destination. Nos feux sont allumés afin d’éviter que la DCA nous canarde, mais j’ignore s’ils en ont et je suis convaincu qu’ils n’ont pas de chasseurs de nuit. Cependant, pour ne pas prendre de risque, Henri fait virer Marianne avant la côte, on rattrapera la route un peu plus loin. Décidément, mon rôle de navigateur est réduit à la portion congrue ! Mais je ne vais pas me plaindre d’une météo exceptionnelle, c’est plus confortable que des cu-nimbs. Deux petites heures de plus et voici Oran, tout aussi peu dans le noir que sa grande sœur algéroise. A nouveau, la radio chante, donne les consignes, et les quelques balises de la piste s’allument. Henri décrit le circuit à Marianne, il ne va tout de même pas lui laisser les commandes pour l’atterrissage !
Non, il prend le volant, mais il explique tout, les repères à prendre pour la prise de terrain… « On n’a pas partout des balises de piste, il faut savoir se repérer à l’œil, et, de nuit, ça n’est pas simple ! » dit-il en se tournant vers moi. « J’espère que tu profites aussi de ce que je dis ? » Je lui réponds que oui, bien sûr, j’écoute tout depuis le départ, je n’en ai pas perdu une miette ! C’est une bonne idée, d’ailleurs, ça me servira bien un an et demi plus tard… mais n’anticipons pas.
Grand rire du Maître, qui se remet en position, attentif à tout ce qui se passe. Gaz réduits, train et volets sortis, pas de vent, l’avion est aligné parfaitement et se pose sans heurts, c’est Henri qui a donné le signal d’arrondi. Roulage jusqu’au parking éclairé par des torches, le mécano coupe les moteurs un à un et le silence se fait, juste troublé par les voix des passagers qui se libèrent. Ce F-AREO fonctionne très bien finalement, nous avons mis moins de quatre heures de vol !
Après avoir inspecté l’avion avec les mécaniciens, Henri nous conduit dans la petite aérogare, déserte à cette heure-ci. En vieil habitué, il plaisante avec le planton, signe les papiers d’usage et nous emmène vers les logements des équipages. Il y a là une sorte de petit mess, décoré à l’orientale, avec de somptueux fauteuils qui nous tendent les bras. Sans que nous ayons eu besoin de demander quoi que ce soit, un serveur en costume local apporte un grand plateau, avec cafetière et théière fumantes, des fruits secs, des gâteaux appétissants, et deux bouteilles de vin, rosé et rouge. Inutile de dire que nous y faisons honneur ! »

………
Après une nuit réparatrice mais courte, tout le monde se retrouve au petit déjeuner. En dehors de commentaires satisfaits sur le Bloch 160, la conversation s’oriente sur l’avenir immédiat.
Pour Yvon, pas de doute, il faut qu’il se rende au bureau de la Marine Nationale au port d’Oran, on lui trouvera bien une voiture pour aller jusque là.
Marianne se demande comment se renseigner sur ce corps d’auxiliaires féminines de l’Armée de l’Air. Henri lève les bras au ciel – il ne peut que lui suggérer de rentrer avec lui en passager sur un vol qui les ramènera en Métropole, lui doit de toute façon y retourner pour convoyer d’autres appareils. D’ailleurs, il manque de convoyeurs, voilà un rôle tout trouvé pour ces fameuses auxiliaires féminines, il appuierait volontiers sa demande. « De toute manière, répond Marianne, je serais repartie à Toulouse, ne serait-ce que pour y récupérer ma Tigresse, donc c’est d’accord ! » et elle remercie Guillaumet d’une bise qui fait rougir l’homme pourtant endurci.
Lagadec : « Pendant que Marianne et Henri se préparent à repartir dans l’après-midi sur un Dewoitine 338, je me fais conduire à la capitainerie du port par le planton de la veille, qui a terminé son service. Il pilote un side-car – je n’ai jamais eu aussi peur de ma vie ! Il conduit à la mode indigène, c’est-à-dire avec le plus parfait mépris pour le code de la route, passant là où il estime qu’il a de la place, le tout à une allure qui me fait me demander pourquoi son engin n’a pas d’ailes… A l’arrivée, je le remercie chaudement, mais son sourire me fait penser que je dois être un peu pâlot.
A la capitainerie, je suis en terrain de connaissance, ça va mieux. Bientôt, l’officier de permanence m’offre un café tout en s’occupant de mon cas.
– Bon, Lagadec, nous n’avons bien sûr aucun enregistrement pouvant vous concerner, mais je transmets un courrier à Toulon, ils pourront bien nous renseigner, d’ici demain, avec un peu de chance… Vous avez un logement ? Non ? Bon, on va vous trouver ça, il doit y avoir des chambres de service là-haut.
La journée se passe à discuter avec les officiers présents, avides d’avoir des nouvelles en direct de la Métropole. Dans la soirée, je me fais inviter à déguster un tajine arrosé d’un rouge local des plus costauds.


18 juin
« La journée se passe à traînailler d’un bureau à l’autre, ou à regarder la ronde des navires dans le port. Et puis, vers 17h00, un marin essoufflé vient me prévenir qu’on m’attend aux Transmissions.
Là, je retrouve mon officier de la veille, qui sourit en me voyant : « Ils se demandaient ce que vous foutiez, à l’Amirauté ! Paraît que ça fait des jours qu’ils vous cherchent pour vous dire de filer à Meknès, pour une transformation – quoi que ça puisse vouloir dire. » Confus, je bredouille que depuis le 12, je suis sur les routes, enfin, dans les airs, à essayer de joindre une unité… « Je sais, vous me l’avez raconté et je leur ai répondu en ce sens, ne vous en faites pas. Bon, maintenant, on va s’occuper de vous envoyer là-bas. Meknès, drôle d’endroit pour un marin, vous n’y trouverez qu’une mer de sable ! »



Note
1- Bien plus tard, quand les noms de l’amiral Lagadec et du général Sullivan seront devenus aussi connus que celui d’Henri Guillaumet, des biographes curieux tenteront de retrouver le père Tiennot pour savoir si les deux jeunes aviateurs avaient utilisé une chambre ou deux, mais Monsieur Tiennot avait été fusillé en 1942 pour faits de Résistance.
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Wil the Coyote



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MessagePosté le: Mer Sep 21, 2016 13:01    Sujet du message: Répondre en citant

M'étonnerais pas que la transformation concerne des Buffalos....

Très beau récit en tout cas...et cela permet de savoir comment notre ami Yvon est arrivé en AFN....
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Archibald



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MessagePosté le: Mer Sep 21, 2016 16:38    Sujet du message: Répondre en citant

Pas commode la Marianne ! En meme temps les premières femmes pilotes devaient avoir, par la force des choses, un f... caractère.
http://www.aerodrome-gruyere.ch/hommage/bolland-meeting.htm
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loic
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MessagePosté le: Dim Sep 25, 2016 12:04    Sujet du message: Répondre en citant

Voici le petit ajout proposé au passage du 17 juin :

Bagnères, bureaux d’études Dewoitine – Informé de la surprise de l’ingénieur de chez Messier, Paul Quoix a alerté lui-même ses autres fournisseurs proches, dont Ratier à Figeac. Pour ceux situés en Région Parisienne, les infos entendues à la radio depuis quelques jours ont suffi à lui faire comprendre que désormais, il lui faudra plutôt éplucher les catalogues américains, sauf à espérer que ses partenaires aient pu réussir à s’échapper et puissent les rejoindre ! Les échos recueillis, non sans mal, auprès de l’administration font état de routes encombrées, de trains bondés, même les ports sont engorgés. Il songe à ses amis de la SNCASE de Nantes et de la SNCASO à Saint-Nazaire, qui avaient dû aussi créer des ateliers où ils pouvaient et doivent être en ce moment à batailler pour embarquer leurs stocks et outils… La SNCAM est d'ailleurs elle aussi concernée par cette décentralisation de sa production : si la mise en place d'une seconde chaîne de production à Tarbes a toujours été accueillie avec scepticisme voire hostilité au sein de l'entreprise, deux grottes situées en Ariège, au Mas-d’Azil et à Bédeilhac, sont en train d'être aménagées pour permettre la production de pièces à l'abri des bombardements ennemis. L’installation des machines-outils a commencé au Mas-d’Azil, il faudra penser à les récupérer. Faire et défaire ...
Lui aura un peu plus de temps grâce à sa situation géographique, songe t-il, surtout qu’il semblerait que les armées en déroute aient repris de la vigueur suite aux déclarations martiales du 13 et du 14. Ce qui lui rappelle qu’il est sans nouvelles du fiston, enrôlé au Génie, à Orléans, dont il semblerait que les Allemands soient proches… Allons, du nerf, il a encore du boulot par dessus la tête, comme ces lettres à remettre aux volontaires pour l’Algérie afin qu’ils puissent embarquer sans problèmes. Les services du Ministère lui en ont envoyé quelques-unes, mais il va falloir les compléter puis sûrement en retaper d’autres, finalement il y a pas mal de volontaires.
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On ne trébuche pas deux fois sur la même pierre (proverbe oriental)
En principe (moi) ...
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patzekiller



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MessagePosté le: Dim Sep 25, 2016 12:23    Sujet du message: Répondre en citant

tout s'explique Very Happy
lors de ma visite à la grotte il y a 2-3 ans, le guide précisait que la pollution du site datait de cette époque et qu'encore aujourd'hui, lors de fouilles, il n'était pas rare de trouver des boulons entre deux strates de rhinocéros laineux et autres mammouths .. Laughing
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MessagePosté le: Dim Sep 25, 2016 13:46    Sujet du message: Répondre en citant

patzekiller a écrit:
tout s'explique Very Happy
lors de ma visite à la grotte il y a 2-3 ans, le guide précisait que la pollution du site datait de cette époque et qu'encore aujourd'hui, lors de fouilles, il n'était pas rare de trouver des boulons entre deux strates de rhinocéros laineux et autres mammouths .. Laughing


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Casus Frankie
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MessagePosté le: Dim Sep 25, 2016 17:04    Sujet du message: Répondre en citant

loic a écrit:
Voici le petit ajout proposé au passage du 17 juin


Bien noté et reporté.
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Lun Sep 26, 2016 10:17    Sujet du message: Répondre en citant

Pendant que le texte sur le 1er juillet est retouché, voici le texte rédigé par Etienne sur le Renard R.38 (à présent, je sais ce qu'est une tanière, et le fait qu'un terrier est une tanière creusée par son habitant et puis je sais qu'une serviette c'est pas une serviette etc. - on en découvre tous les jours grâce à la FTL).
Merci pour sa relecture à Sa Sainteté B-XVII.



22 Juin 1940
Bordeaux-Mérignac
– Cela fait déjà un mois que Paul Burniat se morfond dans la région bordelaise. Mi-mai, le chef-pilote de la maison Renard avait évacué le prototype du R.38 lors de l’invasion par les Allemands du Royaume de Belgique, et il avait échoué à Mérignac, à court de carburant. Il voulait aller au Maroc retrouver des amis du Patron, mais les autorités militaires de l’aérodrome lui avaient refusé l’essence nécessaire, arguant qu’il n’avait aucun ordre de mission recevable. Ce, avec diverses amabilités du style « On n’a déjà pas assez pour nos chasseurs, pourquoi en donnerait-on à un civil, et surtout à un Belge ? » Burniat était allé frapper aux portes de toutes les instances administratives possibles, pour se voir à chaque fois notifier un refus plus ou moins aimable.
Seul rayon de soleil dans cette mésaventure : la rencontre d’un compatriote, Alphonse De Brouwer, dit Fonse, expatrié de Bruxelles depuis des lustres et confortablement installé dans la région. Alors que Burniat protestait énergiquement dans un bistrot proche de la préfecture contre la bière qu’on lui avait servie, qui ressemblait plus à de la pisse d’âne, son accent avait soulevé l’intérêt de Fonse, venu se désaltérer après une matinée elle aussi occupée à cette paperasse dont ces Français ont un goût immodéré… La conversation avait pris un ton plus joyeux, et Fonse avait rapidement invité Paul « à s’en jeter une bonne chez [lui], Fieu, ça sera autre chose ! »
Apprenant l’état de désespérance dans lequel était l’aviateur, y compris pour son logement, Fonse invita naturellement Paul à habiter chez lui, le temps que tout ce bazar soit résolu. Il espérait pouvoir débloquer la situation grâce à quelques compatriotes installés dans la région.
Surpris par la qualité de la bière de son hôte, Burniat s’entendit expliquer que, s’il était arrivé dans le coin par amour du vin, qu’il exportait vers Bruxelles, Fonse avait été consterné par la bière qu’on trouvait dans le coin. Il avait donc décidé de faire sa bière lui-même ! Pour cela, il avait fait fabriquer un chaudron de cuivre selon ses directives, afin de pouvoir faire son brassin, en plus des bacs de fermentation du malt d’orge, des filtres et de tout le nécessaire, analogue à ce qui se trouve dans les brasseries du centre de la capitale belge, et il avait installé tout ceci dans une dépendance de sa propriété, il est vrai de taille convenable. Sa production représentait un certain volume, plus important que ce qu’il pouvait consommer avec sa femme Janeke, mais il avait vite trouvé des amateurs de cette boisson exotique !
Fin mai, la nouvelle de la capitulation de l’Armée belge avait désolé la petite colonie belge, puis celle de la poursuite de la guerre par le gouvernement l’avait un peu rassurée. A la suite du Gouvernement, on voyait arriver de plus en plus de réfugiés. De Brouwer, vu sa position sociale (et la qualité de sa bière) était devenu rapidement un partenaire incontournable des exilés belges, dont quelques membres des ministères bruxellois. Burniat et lui avaient fait le siège de ceux qui pouvaient offrir un appui réel : un simple ordre de mission pour obtenir un plein d’essence aviation à 100 d’octane, ce n’était pas le bout du monde ! Miracle : la veille, 21 juin, les papiers étaient arrivés, signés par le ministre Vanderpoorten et contresignés par un général français.
………
Ce matin, Paul est enfin de retour à Mérignac et présente ses autorisations aux gratte-papiers de la base où Fonse l’a déposé en voiture – mais il est resté là, au cas où… L’officier de service regimbe un peu, mais si lui doit s’incliner, c’est l’adjudant préposé aux essences qui se gratte la tête : « Bien joli, tout ça, mais où est-ce que je vais vous trouver du 100 d’octane, moi ? ».
Burniat pâlit… Il a oublié (la bière de Fonse, peut-être) que la plupart des moteurs français usuels (Gnome et Hispano) tournent avec du 85 d’octane !
– Vous avez bien de temps en temps des avions anglais ou américains, non ?
– Ah oui, il y a bien celle réservée pour les Curtiss, mais faut que je demande la permission, je vais téléphoner.

Un ange passe, tandis que le factionnaire part s’entretenir avec un supérieur, qui demande confirmation à l’état-major. Et impossible de griller une cigarette, on est dans un local aux émanations dangereuses…
Retour de l’adjudant : « C’est bon, on a l’accord d’en haut, mais je ne peux vous donner que de quoi aller jusqu’à Perpignan, là-bas, ils combleront votre plein pour votre étape sur la mer, ils sont prévenus. »
Paul a bien fait de leur montrer son plan de vol autorisé, avec un ravitaillement à la Salanque. Soulagé, il prend place dans le petit camion accueillant les précieux fûts et indique au jeune soldat qui l’accompagne la direction du hangar où son appareil est remisé. Mais dans quel état va t-il le retrouver ? En l’abandonnant pour quelques jours (qui sont devenus des semaines), il a soigneusement tout débranché, occulté toutes les prises d’air et bâché l’avion, mais il va falloir faire une sérieuse inspection, et probablement mécaniquer un peu…
Ouf ! Le Renard est toujours dans sa tanière. Un peu poussiéreux, quelques araignées ont même fait leurs toiles entre les pales de l’hélice, quelle inconvenance, mais ça ira.
Fonse l’a suivi, ne serait-ce que pour le saluer avant son départ, mais vu l’état de l’appareil, il ne peut s’empêcher de mettre la main à la pâte. Il s’empare d’une serviette (1) dans son coffre, et après avoir ôté la bâche poussiéreuse avec Paul, il s’attache à faire blinquer l’avion, à défaut de pouvoir faire plus pour son ami.
Paul purge les réservoirs avant d’en ouvrir les trappes pour le soldat qui amène les fûts, et il dispose sur le premier la pompe à main qui remplira les tanques. Puis il ouvre les capots et trappes, rebranche tout ce qu’il avait ôté, vérifie les niveaux, graisse l’une ou l’autre partie. Il grimpe dans le poste de pilotage, allume quelques contacts, ça va, la batterie est bonne, c’est déjà ça.
Le plein effectué, les trois hommes poussent l’avion au dehors, perpendiculairement au hangar pour ne pas souffler celui-ci au démarrage. Cales installées, et après avoir brassé le moteur par l’hélice avec l’aide du soldat, Paul grimpe dans le poste, remet le contact, actionne les pompes et appuie sur le démarreur. Celui-ci répond docilement et le moteur toussote puis s’ébroue petit à petit, pour finalement donner sa pleine voix…Re-ouf ! Le pilote laisse tranquillement chauffer le moteur, quand Fonse, sur le côté, lui hurle quelque chose qu’il n’entend évidemment pas, puis lui fait des grands signes, en désignant le dessous du moteur, alors que le soldat, accourant aussi, fait le geste de tout stopper. Surpris, Paul coupe le contact puis la batterie et descend de l’avion.
Une large mare de liquide s’étale sous le Renard, coulant du capot. Paul se baisse, tâte le liquide : « Glycol ! Durite débranchée ou en mauvais état… Miardidjû, faut que je trouve des outils pour réparer ! ».
Le soldat propose de l’emmener au hangar SNCASO, à trois cent mètres, proposition acceptée immédiatement. On accroche alors l’appareil au petit camion – avec une corde, Paul n’ayant pas de barre adaptée, et l’on part vers le hangar de montage des Bloch 152 et 174. Une fois rendus, Paul s’enquiert de la possibilité d’emprunter quelques outils pour remettre en état son avion. Sourires (à cause de l’accent ? ou de l’originalité du R.38 ?) du chef d’atelier et des mécanos chargés de la finition et de la préparation au vol des machines neuves. « Une fuite de glycol ? Bah, ça doit pas être terrible, on va vous aider, on a sûrement plus l’habitude que vous, encore ce matin on a eu une fuite d’huile sur ce 155… ».
Sitôt dit, sitôt fait, les mécanos démontent le capot du R.38, curieux de voir les entrailles du p’tit Belge qu’ils avaient aperçu à son arrivée. L’origine de la fuite de glycol est rapidement détectée : une durite débranchée pour cause de collier cassé. Tandis qu’un apprenti court chercher au magasin un collier de la bonne taille, les autres s’intéressent de près à l’avion tout en discutant avec Paul. Soudain, l’un deux, accroupi pour examiner la cinématique du train, s’exclame : « Dites, y a pas que votre moteur qui fuit, y a un amortisseur aussi, et il m’a l’air vide, vu les traces ! »
Blêmissant, Paul se précipite sous l’appareil, et ne peut que constater la chose…
Le chef d’atelier, un Nordiste en exil, originaire de Comines (ville à cheval sur la frontière franco-belge), discutait avec Fonse du pays, des qualités respectives des bières de Belgique et du Nord et de sa production locale. Il s’interrompt, soulève son béret pour se gratter le front, et commente : « Ben, ça va être plus long, va falloir le rentrer dans le hangar et le poser sur vérins pour vérifier cet amorto… Mais bon, vu qu’on a commencé, on va pas vous laisser en plan, pas vrai les gars ? »
– Bah oui, chef, mais que va dire Grognon ?
– Môssieur l’ingénieur de production Brignon ? N’ira se faire voir, c’est un devoir d’aider nos alliés, le ministre l’a dit à la radio, non ? Vous quatre, allez quère [chercher] des vérins, nous, on rentre l’engin, là sur la gauche, y gênera pas la sortie de chaîne.
– Ah, merci, messieurs, ça je ne vais pas savoir comment vous le rendre…
– T’inquiète, Paul, je leur amènerai quelques Pils !
– Ah, bin si en plus on peut goûter cette fameuse bière, ce sera un plaisir de vous arranger ça !

Ni une ni deux, tous s’attellent à rentrer le bel avion, qu’ils trouvent léger, comparativement aux Bloch. Rapidement, l’appareil est monté sur des vérins, la queue posée sur des caisses, et les mécanos commencent la dépose de l’amortisseur déficient, tandis que d’autres rebranchent la durite baladeuse, puis complètent le plein de glycol et purgent le circuit. L’amortisseur se révèle en effet vide de toute huile, en cause : un joint en miettes… Mais où trouver un joint de ce type-là ? Pendant qu’on s’interroge, un mécano particulièrement inventif va mesurer l’autre amortisseur, en position détendue, et revient avec un sourire faraud : « Dites, la longueur déployée est la même que pour les nôtres, on pourrait peut-être remplacer les deux, ça irait plus vite que d’essayer de trouver un joint ? »
Surprise, vérification, l’apprenti va chercher un amortisseur de 152 en stock “pour voir”, on essaye en place, ça colle, faut juste comprimer de cinq millimètres le nouvel amortisseur… Et tandis que l’apprenti retourne chercher un deuxième exemplaire pour la symétrie, on boulonne le nouveau et on procède à un essai : le train rentre parfaitement ! On peut donc ôter l’ancien amortisseur qui restait et monter un deuxième amortisseur de Bloch 152.
Après avoir remis un peu de pression dans les pneus, l’avion est reposé sur ses roues puis sorti du hangar. A nouveau la cérémonie du démarrage, mais cette fois avec l’aide d’une batterie de parc, sait-on jamais. Le moteur démarre plus facilement, les mécanos scrutent les durites, y compris celles du radiateur ventral. RAS, pas de fuite… Burniat coupe le moteur, descend de l’appareil et les mécanos remontent les capots.
Embrassades chaleureuses entre les deux Belges, on promet de se revoir “après”, poignées de mains aux mécanos, quelques billets sortent des poches belges en remerciement, Fonse reçoit un passe pour revenir sur le terrain avec sa cargaison, quand il pourra, bien sûr. Paul s’équipe rapidement, place son sac dans la mini-soute prévue à cet effet et regrimpe à bord, cette fois pour de bon. Contact, démarreur, le moteur tourne, les Bordelais ôtent la prise de parc, ferment la trappe. Un signe du pilote, les cales sont enlevées et l’avion roule, avec un au-revoir de la main de Paul pour tous ces amis providentiels.
Très vite, le Renard R.38 décolle et son élégante silhouette vire au-dessus des hangars en battant des ailes avant de s’éloigner au sud-est…
Après trois-quarts d’heure d’un vol sans autre incident que la rencontre de deux D.520 de Toulouse venus le renifler, voici Perpignan-La Salanque. Contact radio, passage au-dessus d’un terrain encombré, feu vert, prise de piste impeccable, atterrissage et roulage, jusqu’ici tout va bien, se dit le pilote belge… L’avion rangé au parking selon les instructions d’un placier, Burniat s’enquiert auprès de celui-ci de son essence, en montrant ses bons et ordres. Devant cet avion étranger portant une immatriculation civile, mais d’allure fort martiale, le soldat reste perplexe et envoie le pilote au bureau de piste.
Bien sûr, l’ordre envoyé de Mérignac n’est pas parvenu jusque là et le cirque recommence : inspection soupçonneuse des papiers, appels téléphoniques agacés… Une heure après, la confirmation arrive enfin. Les visages se détendent, et tandis qu’un sous-officier part donner des ordres pour le remplissage des réservoirs de l’avion, un pilote en combinaison de vol portant les galons de capitaine, qui suivait l’affaire d’un œil intéressé, emmène Paul jusqu’au mess, s’agit pas de repartir le ventre vide !
Entre pilotes, la discussion lors du repas (typiquement catalan, et qui surprend un peu Burniat) porte forcément sur le prototype belge. Le Français avait entendu parler d’un chasseur belge à moteur Hispano (le R.36), qui n’a pas été fabriqué en série, mais celui-ci est doté d’un Merlin, ce qui l’a surpris. Et sa présence aussi…
– Mais vous allez en faire quoi, au Maroc ?
– Déjà, le mettre à l’abri des Boches ! Ensuite, le mettre à disposition de notre gouvernement pour envisager de lancer une fabrication en série, c’est un beau chasseur et je pense que nous en aurons besoin…
– Vous avez les liasses de plans ?
– Tout ça a été évacué en camion en mai par des copains, le jour même où j’ai décollé pour la France, mais vu le brol sur les routes, j’ignore où ils en sont…
– Mais que faisiez-vous à Bordeaux depuis mai ? Vous étiez en panne ?
– En panne d’essence, oui, et vos fonctionnaires ont été très longs à convaincre, hein !
– M’en parlez pas… Entre ça et les ganaches des états-majors, on sait pourquoi on en est là…
– Oueille, fieu, mais bon, on s’en sortira, haut les cœurs ! Alleï, faut que j’y aille, si je veux arriver à Casa avant la nuit.
– Tu y vas direct ?
– Non, je risque d’être court en carburant, je ferai étape à Oran, je pense.
– C’est vrai que c’est pas tout près, avec le détour à l’est de Minorque…
– Ah non, je trace direct sur Oran.
– Mais les Espagnols ?
– Sont pas en guerre avec la Belgique, hein ?
– Bah, avec nous non plus, mais on a ordre de ne pas survoler pour éviter les complications diplomatiques.
– Ça, c’est pas mes oignons, dites ! Je ne suis qu’un civil belge, pas vrai… Et puis, pour que les gars de Franco me fassent des misères, faudrait qu’ils me repèrent et me rattrapent, et avec leurs Fiat biplans, c’est pas gagné, on avait les mêmes en Belgique, je les laisserais sur place !
– Je crois qu’ils ont aussi quelques ’109…
– Oui, mais d’un vieux modèle, m’étonnerait qu’ils puissent me chercher noise…
– C’est pas faux… Bonne route, tu as pris la météo ?
– Non, j’y vais. Mais je vais commencer par inspecter mon avion, voir s’il n’a pas eu d’autres fuites depuis ce matin.
– Je t’accompagne ?
– Volontiers, ça m’aidera peut-être pour avoir des infos à la météo, des fois qu’il faille un ordre de mission !

Les deux hommes se dirigent en riant vers l’avion belge, entouré de quelques curieux, mécanos et surtout pilotes… Les discussions reprennent, les Français sont surpris de voir un chasseur moderne avec un fuselage et des ailes partiellement entoilées. « C’est vrai, mais c’est plus léger, et l’habitacle est blindé partout, on avait même commencé à travailler sur une version pressurisée, à la demande de votre ministère, d’ailleurs ! »
Après avoir vérifié que les fuites ne sont plus qu’un mauvais souvenir et s’être enquis de la météo, qui lui signale un orage à l’est de Minorque (raison de plus pour serrer les Baléares sur Ibiza), Paul grimpe dans son habitacle, et après les vérifications d’usage, met en route, sous l’œil attentif des aviateurs présents de plus en plus nombreux. Un mécano lui enlève les cales et l’avion roule vers la piste, suivi par des dizaines d’yeux et oreilles, encore peu habituées à la chanson du Merlin.
Rapidement, l’avion décolle, rentre son train, battement d’ailes pour l’au revoir, cap au 170, vers le Cabo Creus.
– Eh, il part vers le cap espagnol!
– Ouais, il se fout pas mal des consignes, vu qu’il est Belge, il ne se sent pas concerné !
– Ah oui, évidemment, ça va lui raccourcir le trajet, si les Franquistes le laissent passer…
– 580 km/h en pointe, ça devrait lui suffire pour leur brûler la politesse.
– Ah oui, quand même…
– Bon, nous, on a toujours des tas de trucs moins rapides à faire passer en Afrique… Au boulot les gars, la récré est finie !

Après avoir longé les côtes espagnoles, mais à une distance suffisante pour ne pas être identifié, Paul prend le cap 200, qui doit l’amener vers Ibiza. La météo lui a donné un vent nord/nord-ouest, qui lui facilite la vie. Il espère seulement que l’orage prévu sur Minorque ne sera pas assez rapide pour venir lui couper la route. A 420 km/h de croisière, Ibiza est atteinte en moins d’une heure par le travers, l’orage est encore loin à l’est et le pilote conserve son cap, passant entre la côte espagnole et l’île. A un moment, il croit voir des avions à l’ouest et branche sa radio sur la fréquence internationale, mais le silence est total. Soit il a eu la berlue, soit les peyes (2) qui ont décollé se sont vite rendus compte de l’impossibilité de le rattraper.
Une heure après, il aperçoit la côte africaine, le tout étant de savoir à quel niveau. Burniat bascule la fréquence sur Oran, s’agit pas de se faire flinguer par les Français, et il essaye de se repérer sur la carte. Une ville à gauche d’une baie, ce doit plutôt être Mostaganem, Oran est au fond d’une baie ; il y a probablement eu du vent d’ouest en approchant le passage et il a dû dériver un peu vers l’est…
Pas grave, on s’approche pour vérifier, puis cap au 250 pour traverser le cap qui sépare les deux baies, tout en commençant à émettre en phonie. Pas de réponse, mais bientôt apparaissent au loin deux points noirs qui se rapprochent rapidement. Ce sont deux D.520, sûrement la patrouille d’alerte. Il bat des ailes en signe de reconnaissance, et bientôt, les deux appareils rassemblent sur lui et l’encadrent. Il essaye différentes fréquences, mais rien… Sa radio serait-elle en panne ? Toujours est-il que les Français lui font signe de les suivre vers Oran, ça tombe bien : malgré le vent favorable, il lui reste environ 200 km d’autonomie, une demi-heure de vol, insuffisant pour rallier Casa, à 680 km. Accompagné de son escorte, le R.38 arrive dans le circuit et fait une prise de terrain tranquille, verrière ouverte, pas la peine d’énerver les pilotes des D.520, ils pourraient avoir la détente facile !
Atterrissage tranquille, même plus souple que d’habitude, ces nouveaux amortisseurs ont l’air plus efficaces, c’est à noter. Au parking, moteur coupé, c’est un autre capitaine de l’Armée de l’Air qui l’accueille : « Bonjour, vous êtes Belge ? »
– Bonjour, oui hein ? Vu mon code…

Alors qu’il descend de l’appareil, il a l’impression de reprendre la conversation de La Salanque… Car d’autres pilotes, en combinaison ou en uniforme, arrivent de partout. Mêmes demandes intéressées, mêmes réponses passionnées, le courant passe rapidement, et après avoir calé et amarré l’avion pour la nuit puis bâché la verrière, Paul suit les aviateurs qui l’emmènent vers le mess, au grand dam de l’officier de sécurité, qui n’a pas réussi à en placer une, parmi ces bavards ! Il lui faudra passer par le commandant de la base pour pouvoir distraire le Belge des discussions arrosées qui suivent… Mais Paul est cette fois tout à fait en règle. Il a même l’autorisation de se ravitailler en essence “américaine”.
Il réussit à téléphoner au correspondant au Maroc dont on lui avait donné les coordonnées en Belgique et apprend ainsi qu’il devrait rejoindre Marrakech plutôt que Casablanca. Mais pas question de repartir ce soir, la nuit va tomber rapidement. C’est l’heure de ravitailler le pilote au mess, la soirée sera longue…


Notes
1- C’est à dire d’un torchon. Ce que les Français appellent une serviette est en Belgique un essuie.
2- Pour un Wallon. Pour un Flamand, ce serait les kets (et pour un Français, les zigues).
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Archibald



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MessagePosté le: Lun Sep 26, 2016 11:16    Sujet du message: Répondre en citant

D’où l'expression: on ne mélange pas les torchons et les serviettes. C'est comme les chocolatines et les pains au chocolat; les sacs et les poches de course - au sud et au nord de la Loire. Expérience vécue dans un un supermarché - la tête de la caissière ! "un quoi ?"

Superbe travail, très agréable a lire.

Le R-38 escorté par deux D-520, j'aimerais bien le voir en dessin... un reve d'aviateur...

Je suppose qu'il doit exister un musée de l'air Belge ? si on retrouve le R-38 dans le fonds du Maroc après guerre, il y fera bonne figure.
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