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patrikev
Inscrit le: 28 Mai 2010 Messages: 1774
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Posté le: Mar Juin 07, 2016 20:49 Sujet du message: Moscou, mai 1943 - Ne m'appelez plus camarade ? |
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21 mai
Ne m’appelez plus camarade ?
Moscou – Quelques jours plus tôt, le 15 mai, une décision de Staline est passée quasiment inaperçue : la dissolution de l’Internationale communiste. Souvent désignée comme la « Troisième Internationale », après celles fondées par Marx et par Engels, ou par son abréviation russe, le Komintern, instaurée par Lénine en 1919 pour fédérer les partis communistes du monde entier et brandir le drapeau rouge de la révolution, elle avait été le cauchemar d’une grande partie du monde politique occidental, depuis les conservateurs et les fascistes avérés jusqu’à bon nombre de sociaux-démocrates et… de trotskistes. Il est vrai que la Troisième Internationale était devenue un instrument trop docile de la politique extérieure de Moscou, jusqu’à approuver le pacte avec l’Allemagne nazie en 1939. Sa dissolution constituait un signal d’apaisement et donnait un démenti (expliquera la Pravda dans un laborieux communiqué) aux calomnies de la propagande nazie prétendant que le but de Staline était de transformer les états d’Europe en autant de républiques soviétiques.
Cette décision n’empêche pas les dirigeants communistes en exil à Moscou de rester en très bons termes entre eux. C’est le jovial Ukrainien Dmitri Manouïlski qui préside leurs réunions, souvent en français, langue que la plupart d’entre eux parlent très bien – en tout cas, mieux que le malheureux Maurice Thorez ne parle le russe. Manouïlski plaisante gentiment Thorez sur le succès des nouveaux ministres communistes français et sur le refus de De Gaulle d’autoriser le chef du PCF à rejoindre Alger. (*)
La discussion passe ensuite à des questions plus sérieuses. Manouïlski, dont chacun se doute bien qu’il ne fait que répéter les propos de Staline, déclare solennellement que « pour des marxistes, la forme n’a jamais une signification décisive. C’est le contenu essentiel qui est décisif. Un roi n’est pas pire qu’un Mussolini. Il n’y a pas de roi en Allemagne ni en Espagne, mais Hitler et Franco sont pires que les rois les plus réactionnaires ». Traduit du langage marxiste, cela veut dire que « Palmiro » (le chef communiste italien Togliatti, présent à la réunion) est encouragé à présenter des communistes dans le prochain gouvernement italien, à condition, bien sûr, que cela n’apparaisse pas comme une proposition des Russes.
« Palmiro » et « Maurice » une fois sortis, Manouïlski continue la discussion avec Georgi Dimitrov, le chef communiste bulgare qui a été le dernier secrétaire de la défunte Internationale communiste. Dimitrov est un des rares communistes étrangers à qui Staline fasse pleinement confiance. En Bulgarie aussi, il y a un roi : l’interprétation dialectique du rôle objectif de la monarchie s’applique donc aussi à son pays, d’autant plus que le petit roi Siméon, qui n’a pas tout à fait six ans, n’est pas encore suspect d’être fasciste ou réactionnaire. Les services soviétiques sont bien informés des efforts de leurs alliés français et britanniques pour prendre pied dans les Balkans : les Britanniques ne viennent-ils pas de parachuter une mission en Yougoslavie, auprès du très royaliste général Mihailovic ? Pour assurer « la paix dans cette partie de l’Europe », il est essentiel d’oublier les petits dissentiments qui ont pu exister avec Tito et de relancer l’idée d’une grande fédération balkanique où la Bulgarie, naturellement, tiendrait sa juste place. La première tentative dans ce sens, la conférence des résistances balkaniques tenue en Grèce le 18 décembre 1942, n’avait pas été vraiment concluante. Mais si le gouvernement réactionnaire de Bogdan Filov venait à tomber et si son successeur avait la sagesse historique de reconnaître les intérêts communs à l’Union soviétique et aux nations des Balkans, la question se présenterait tout à fait autrement. Les conditions historiques concrètes (deux adjectifs très appréciés à Moscou) ne sont pas encore complètement réunies, mais il faut se tenir prêts.
(*) En juillet, Manouïlski plaisantera de nouveau Thorez sur le vote de l’unique député qui avait mis un bulletin à son nom lors de l’élection du successeur d’Albert Lebrun à la présidence de la République : « Je sais très bien de qui il s’agit, mais je vous dirai son nom quand Maurice constituera son propre gouvernement à Paris ». Malgré l’assurance de Manouïlski, les historiens ignorent toujours quel élu anonyme a pris cette initiative insolite. Georgi Dimitrov, Journal 1933-1949, Editions du Peuple. _________________ - Votre plan comporte un inconvénient majeur.
- Commençons par le plus facile: capturer la bête.
- Le voilà, l'inconvénient majeur. |
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dado
Inscrit le: 12 Nov 2013 Messages: 995 Localisation: Lille
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Posté le: Mer Juin 08, 2016 00:23 Sujet du message: |
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Ah, je vois que l'URSS prépare "son" Europe de l'est (et aimerait aussi avancer ses pions en Europe de l'ouest)! Très intéressant!
Par contre, pour l'expression "Manouïlski plaisante Thorez" utilisée deux fois ici: est-ce une tournure vieillie que je ne connait pas? (En français "moderne", on aurait dit "Manu charrie Toto", par exemple ) |
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Finen
Inscrit le: 17 Oct 2006 Messages: 1952
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Posté le: Mer Juin 08, 2016 08:15 Sujet du message: |
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dado a écrit: | Ah, je vois que l'URSS prépare "son" Europe de l'est (et aimerait aussi avancer ses pions en Europe de l'ouest)! Très intéressant!
Par contre, pour l'expression "Manouïlski plaisante Thorez" utilisée deux fois ici: est-ce une tournure vieillie que je ne connait pas? (En français "moderne", on aurait dit "Manu charrie Toto", par exemple ) |
Il s'agit bien d'une tournure de la langue française. Par contre "Manu charrie Toto" serait plutôt qualifié de formule familière et peut être argotique si "charrie" est issu de l'argot. |
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le poireau
Inscrit le: 15 Déc 2015 Messages: 1311 Localisation: Paris
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Posté le: Mer Juin 08, 2016 10:24 Sujet du message: |
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C'est d'autant plus intéressant qu'il y a une une réelle probabilité qu'en FTL la Bulgarie échappe après-guerre a la sphère d'influence soviétique (si elle sait retourner sa veste a temps !).
La situation yougoslave risque par contre d'être compliquée ! _________________ “Il n'y a que deux puissances au monde, le sabre et l'esprit : à la longue, le sabre est toujours vaincu par l'esprit” (Napoléon) |
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Paul
Inscrit le: 01 Juin 2015 Messages: 652 Localisation: près de Calais
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Posté le: Mer Juin 08, 2016 10:27 Sujet du message: |
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Staline placerait aussi son pion en Bulgarie? _________________ “Le premier des droits de l'homme c'est la liberté individuelle, la liberté de la propriété, la liberté de la pensée, la liberté du travail.” Jean Jaurès |
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dado
Inscrit le: 12 Nov 2013 Messages: 995 Localisation: Lille
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Posté le: Mer Juin 08, 2016 13:14 Sujet du message: |
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Il a tout intérêt à essayer: s'il n'est pas sûr que la Bulgarie soit dans la sphère d'influence soviétique après-guerre, l'inverse n'est pas sûr non plus. Autant pousser ses pions partout où il peut.
Finen a écrit: | dado a écrit: | Ah, je vois que l'URSS prépare "son" Europe de l'est (et aimerait aussi avancer ses pions en Europe de l'ouest)! Très intéressant!
Par contre, pour l'expression "Manouïlski plaisante Thorez" utilisée deux fois ici: est-ce une tournure vieillie que je ne connait pas? (En français "moderne", on aurait dit "Manu charrie Toto", par exemple ) |
Il s'agit bien d'une tournure de la langue française. Par contre "Manu charrie Toto" serait plutôt qualifié de formule familière et peut être argotique si "charrie" est issu de l'argot. |
Oui je sais bien, d'où le "moderne" entre guillemet: je me doutais que c'était une tournure de style, et je plaisantais patrikev en transformant de sa phrase bien tournée en simple argot. Et puis l'idée de Manouïlski appelant Maurice Thorez "Toto" me faisait bêtement rire. Parfois, je m'amuse à imaginer des dialogues FTL dans un contexte "moderne" (oui, je suis facilement amusé!) |
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le roi louis
Inscrit le: 13 Mar 2009 Messages: 236
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Posté le: Jeu Juin 09, 2016 09:54 Sujet du message: |
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Si cela peu te rassurer j'avais moi aussi tout à fait imaginer la scène |
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