Fantasque Time Line

[Casus Frankie]

Je dois d'abord remercier Mikey, notre ami finlandais, qui m'a fait remarquer que nous avions négligé l'impact de la FTL sur les Présidentielles américaines de 1940... et de 1944. Il m'a transmis une documentation très complète sur le déroulement de ces élections, avec quelques indications sur la façon dont les choses se seraient passées en FTL - différences faibles, sans doute, mais qu'il serait dommage de passer sous silence.
Ci-après, le texte que j'en ai tiré pour 1940. J'en ferai autant pour 1944.
Toute bêtise est à mettre à mon passif.
Thanks again, Mikey !


5 novembre 1940
Etats-Unis – L’élection pour la présidence des Etats-Unis a lieu dans l’ombre envahissante de la guerre en Europe (et en Chine), tandis que le pays émerge peu à peu de la Grande Dépression. Le président sortant, le Démocrate Franklin D. Roosevelt, a décidé de rompre avec la tradition et de briguer un troisième mandat consécutif. Son adversaire républicain est un “dark horse” nommé Wendell Willkie, sur qui nul n’aurait parié quelques mois plus tôt pour le rôle de représentant du Grand Old Party.
En effet, le Parti républicain était déchiré entre isolationnistes et interventionnistes, mais les principaux candidats à la convention républicaine (Dewey, Hoover, Taft et Vandenberg) étaient tous plus ou moins isolationnistes. Ainsi, le sénateur Robert Taft était-il farouchement opposé à tout engagement américain dans ce qu’il appelait « la guerre européenne », qu’il considérait comme un moyen pour Roosevelt d’établir le socialisme aux Etats-Unis…
En revanche, Willkie était un fervent avocat de l’aide aux Alliés. Son discours selon lequel il fallait leur apporter « toute l’aide possible sans entrer en guerre » lui avait apporté le soutien de nombreux Républicains de la côte Est, qui désapprouvaient l’attitude isolationniste des leaders de leur parti au Congrès. Par ailleurs, Willkie ne rejetait pas les acquis sociaux des welfare programs de Roosevelt – en fait, il était favorable à ceux dont il pensait qu’ils ne pourraient être égalés par le système de la libre entreprise. Néanmoins, avec 3 % des intentions de vote des Républicains, Willkie se traînait dans les enquêtes Gallup loin derrière Dewey qui, avec 67 %, dominait largement Vandenberg et Taft.
La Blitzkrieg de mai-juin 1940 choqua profondément l’opinion publique américaine. La compassion pour les Franco-Britanniques se mit à croître quotidiennement et à cette compassion vint s’ajouter du respect lors du “Sursaut” français. Du coup, la sympathie pour l’attitude combative du gouvernement français et de Winston Churchill se traduisit par une poussée des intentions de vote en faveur de Willkie, juste au moment où s’ouvrait la Convention républicaine ! A ce moment, l’enquête Gallup chez les sympathisants républicains donnait à Willkie la deuxième place avec 17 %, derrière Dewey avec 52 %, mais en peu de temps, les résultats évoluèrent encore : 29 % pour Willkie et 47 % pour Dewey, aucun des autres ne dépassant les 8 %. Des centaines de milliers de télégrammes affluèrent à la Convention, tandis que des millions de supporters républicains signaient des pétitions dans tout le pays pour la candidature de Willkie et que les partisans de ce dernier, scandant « We Want Willkie », garnissaient jour après jour les galeries du Congress Center de Philadephie, où avait lieu la Convention.
C’est alors que commencèrent les opérations de vote. Tour après tour de scrutin, on vit la candidature de Dewey s’écrouler, le seul adversaire de Willkie restant Taft, l’isolationniste pur et dur. A ce moment, les délégués des principaux états encore favorables à Dewey annoncèrent leur changement de camp et leur soutien à Willkie, qui l’emporta au sixième tour. Les historiens considèrent encore cette Convention comme la plus spectaculaire de toutes celles de l’histoire des présidentielles américaines. Incontestablement, ce fut la seule où des extraits de discours d’hommes politiques étrangers – Churchill et De Gaulle – furent utilisés pour la propagande d’un camp.
La situation côté Démocrate n’était évidemment pas la même. Après avoir (semble-t-il) longuement hésité, Roosevelt décida en juin que lui seul avait l’expérience et les capacités pour guider le pays face à la menace nazie. La Convention démocrate se tint en juillet à Chicago, « alors que les canons d’un ennemi sans pitié déchir[ai]ent la terre de France » (devait dire Roosevelt dans son discours) et qu’en Une de la presse, les articles des correspondants de guerre concurrençaient ceux des éditorialistes politiques. Roosevelt fut aisément désigné candidat.
Durant la campagne qui suivit, Willkie choisit pour premier argument que Roosevelt n’aurait pas dû rompre la règle non écrite des deux mandats : « Si un homme est indispensable, nul d’entre nous n’est libre. » Il se mit aussi à critiquer certains programmes d’aide du New Deal, mais dut se contenter d’affirmer qu’il ne supprimerait pas ces programmes, mais les rendrait plus efficaces. Néanmoins, pour bien des Américains, Willkie représentait les hommes du Big Business, rendus responsables de la Grande Dépression – ce qui lui aliéna les votes de nombreux ouvriers, par ailleurs ravis de voir leurs usines bénéficier des commandes d’armements franco-britanniques, que Roosevelt avait facilitées.
Willkie accusa aussi Roosevelt de se préparer en secret à plonger le pays dans la guerre, à quoi FDR n’hésita pas à répliquer qu’il n’enverrait jamais « les boys américains dans une guerre étrangère ». Mais Willkie ne put évidemment reprocher à Roosevelt de soutenir le Royaume Uni et la France en exil, puisqu’il partageait sa position sur ce point.
Finalement, 27,4 millions d’Américains (habitants des grandes villes, syndiqués, Noirs et citoyens du “Solid South”) vont voter Roosevelt, contre 22,3 millions pour Willkie. Au Collège des grands électeurs, Roosevelt l’emportera par 468 à 63. Néanmoins, en quatre élections (1932, 1936, 1940 et 1944), Willkie restera le candidat républicain à avoir obtenu contre Roosevelt le meilleur résultat.
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Casus Frankie

"Si l'on n'était pas frivole, la plupart des gens se pendraient" (Voltaire)

[mikey1983]

You're welcome.

Looking good! Though I would have kept the bit about Willkie being pelted with rotten fruit and vegetables in industrial areas.

[Casus Frankie]

[JPBWEB]

Juste un détail cosmétique: on parle de 'discours d'hommes politiques étrangers', et je trouve toujours un peu vaine cette coquetterie de langage qui consiste à parler d'hommes politiques plutôt que de politiciens. On parle pourtant bien d'électriciens et non d'hommes électriques. Et De Gaulle était il un homme militaire avant de devenir un homme politique ?

Sans doute, et bien à tort, le substantif 'politicien' est il jugé un peu péjoratif, évoquant de sombres magouilles, et 'homme politique' fait quand même plus chic, mais recouvre très exactement la même notion. La preuve, quand on évoque un 'homme politique' particulièrement vertueux et digne d'éloge, on parle alors de lui comme d'un 'homme d'état'.

Les Anglo-axons sont moins pudiques. Ils parlent simplement de 'politicians' et de 'statesmen', ce qui me parait amplement suffisant pour faire la distinction entre le vulgum pecus et l'élite de la profession.
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"L'histoire est le total des choses qui auraient pu être évitées"
Konrad Adenauer

[Casus Frankie]

Larousse 1967 (un millésime que j'aime bien) : "Politicien (péjoratif): personne qui vit de la politique - exemple: un politicien démagogue."
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Casus Frankie

"Si l'on n'était pas frivole, la plupart des gens se pendraient" (Voltaire)

[Archibald]

Je me rapelle de ma prof d'anglais s'arrachant les cheveux a propos de "politicien / politician"... homme politique, par pitié !
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Sergueï Lavrov: "l'Ukraine subira le sort de l'Afghanistan" - Moi: ah ouais, comme en 1988.
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"C'est un asile de fous; pas un asile de cons. Faudrait construire des asiles de cons mais - vous imaginez un peu la taille des bâtiments..."

[patrikev]

En tout cas, un excellent texte, et merci à Mikey. Si quelqu'un a la documentation nécessaire, ce ne serait pas mal d'ajouter:

- Les réactions des Français de Washington. Alexis Léger a-t-il commis un de ces dépassements de ligne qui lui vaudront d'être remplacé par Daladier un an plus tard? Geneviève Tabouis, cette chère Cassandre, s'est-elle livrée au petit jeu des pronostics?

- Quand nous en serons là, un petit mot sur les élections de mid-term de novembre 1942. La victoire des démocrates ne fait pas de doute, nous sommes au lendemain du débarquement réussi de Sicile FTL, mais il y aura sans doute quelques incidences.

J'ai vu que Willkie avait eu une belle suite de carrière, avec sa mission en Chine à partir d'octobre 1942 qui sera un des facteurs du redressement chinois.
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- Votre plan comporte un inconvénient majeur.
- Commençons par le plus facile: capturer la bête.
- Le voilà, l'inconvénient majeur.

[Casus Frankie]

[gaullien]

Si Roosevelt n'était pas mort en 45 , a votre avis est ce qu'il se serait représenté en 48 ?

[Tyler]

Super texte de Mikey! Intéressant. Si les élections de 1940 FTL sont aussi serrées, est ce qu'en 1944, Roosevelt se risquera à un "ticket" avec un obscur sénateur du Missouri (Truman) ou ne preferera t-il pas quelqu'un de plus expérimenté ( Wallace, son vice président de 40 à 44? William Douglas, l'un des favoris des primaires démocrates pour la vice presidence en 44 OTL ?)?

[JPBWEB]

[Casus Frankie]

[Anaxagore]

Un "politicien démagogue" c'est pas une redondance inutile ou alors c'est un pléonasme ?
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Ecoutez mon conseil : mariez-vous.
Si vous épousez une femme belle et douce, vous serez heureux... sinon, vous deviendrez un excellent philosophe.

[loic]

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On ne trébuche pas deux fois sur la même pierre (proverbe oriental)
En principe (moi) ...

[patrikev]