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Février-Mars 1944 : l'île d'Aphrodite touchée par Arès
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Capu Rossu



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MessagePosté le: Jeu Sep 26, 2019 15:43    Sujet du message: Répondre en citant

Bonjour,

Citation:
Il fait hisser les pavillons Baker-Dog-Uncle, puis Sugar-Uncle-William. Soit « Je transporte des matières dangereuses [les Grecs !] – Je manœuvre avec difficulté [Ne me gênez pas !] – Vous courez vers un danger. » Suivi de : « Je pars en arrière – Je vous souhaite bon voyage. » L’amiral Sait Halman fait lui aussi hisser UW et les navires se séparent


Le code des signaux de 1935 donne les appellations suivantes :

- B = Bravo
- D = Delta
- U = Uniform
- S = Sierra
- W = Whisky

Pour "je vous souhaite bon voyage, le signal complet est "UW1" soit "Uniform - Whisky - Unaone"

Les appellations "Baker, Uncle, etc..." sont des appellations actuelles mais soit très récentes soit non officielles (Dans une note de 2015, le Ministère des Armées avait donné les mêmes appellations que celles que j'avais relevées dans l'édition de 1935).

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Alain


Dernière édition par Capu Rossu le Jeu Sep 26, 2019 15:46; édité 1 fois
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egdltp



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MessagePosté le: Jeu Sep 26, 2019 15:43    Sujet du message: Répondre en citant

Great Dan !!!
Cela clarifie bien la situation.
A revoir les dernières traces des détails, on voit les deux destroyers turcs, TCG Kocatepe et TCG Tinaztepe, "barrer le T" du groupe occidental grec... Avec le Yavuz qui rallie !
Un moment de tension pour le Kountouriotis et les deux marchands.
L'arrivée des avions a du rassurer ces derniers...
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demolitiondan



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MessagePosté le: Jeu Sep 26, 2019 15:48    Sujet du message: Répondre en citant

C'est le Yavuz qui barre le T - avec un DD qui poursuit et l'autre qui va pour aborder ! 8) Ca te plait ?
_________________
Quand la vérité n’ose pas aller toute nue, la robe qui l’habille le mieux est encore l’humour &
C’est en trichant pour le beau que l’on est artiste
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Jeu Sep 26, 2019 15:52    Sujet du message: Répondre en citant

Capu Rossu a écrit:

Le code des signaux de 1935 donne les appellations suivantes :

- B = Bravo
- D = Delta
- U = Uniform
- S = Sierra
- W = Whisky

Les appellations "Baker, Uncle, etc..." sont des appellations actuelles mais soit très récentes soit non officielles (Dans une note de 2015, le Ministère des Armées avait donné les mêmes appellations que celles que j'avais relevées dans l'édition de 1935).


C'est moi qui répond, parce que cet alphabet est de mon fait.

Il n'a rien de non officiel ! C'est l'alphabet anglais très officiel… à l'époque.
_________________
Casus Frankie

"Si l'on n'était pas frivole, la plupart des gens se pendraient" (Voltaire)
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Capu Rossu



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MessagePosté le: Jeu Sep 26, 2019 16:13    Sujet du message: Répondre en citant

Bonjour,

Citation:
C'est l'alphabet anglais très officiel… à l'époque.


Comme le dit Justin, le chef mécano de Julius en Chine :

"Font jamais rien comme les autres ceux-là !" Very Happy

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Alain
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DMZ



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MessagePosté le: Jeu Sep 26, 2019 18:18    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
Il fait hisser les pavillons Baker-Dog-Uncle, puis Sugar-Uncle-William. Soit « Je transporte des matières dangereuses [les Grecs !] – Je manœuvre avec difficulté [Ne me gênez pas !] – Vous courez vers un danger. » Suivi de : « Je pars en arrière – Je vous souhaite bon voyage. » L’amiral Sait Halman fait lui aussi hisser UW et les navires se séparent

Le code international des signaux actuel sera adopté en 1965. Je ne connais pas le précédent qui datait de 1930 mais il semble qu'il ait été fortement modifié.

Quelques remarques sur son utilisation.

Les messages sont hissés indépendamment soit :
- "Baker" : Je transporte des matières dangereuses (initialement réservé aux explosifs puis aux matières dangereuses en général)
- "Dog" : Je manœuvre avec difficulté (ce qui est un état du navire qui donne priorité et non une injonction à ne pas gêner, de plus, de la part d'un officier de la RN, ça pourrait être perçu comme un manque de maîtrise de son escadre)
- "Uncle" : Vous courrez vers un danger (n'est pas utilisé quand l'obstacle est un navire en route)
- "Sugar" : Je bats en arrière (quand on fait marche arrière uniquement)
- "Uncle", "William" : Bon voyage

À part le dernier message, il faut une solide dose de dérision pour utiliser les signaux en ce sens, je ne doute pas qu'un officier de la Royal Navy en ait à revendre mais cette utilisation dans un tel contexte est pour le moins étonnante.
_________________
« Vi offro fame, sete, marce forzate, battaglia e morte. » « Je vous offre la faim, la soif, la marche forcée, la bataille et la mort. » Giuseppe Garibaldi
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demolitiondan



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MessagePosté le: Jeu Sep 26, 2019 18:33    Sujet du message: Répondre en citant

Une coquetterie romanesque 8) elle te paraît totalement improbable ?
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C’est en trichant pour le beau que l’on est artiste
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Jeu Sep 26, 2019 19:12    Sujet du message: Répondre en citant

28 mars
Enosis !
Après match
Mer Méditerranée
– Comme pour rebattre les cartes et séparer définitivement les flottes, une assez forte tempête s’abat sur la Méditerranée Orientale : peu de houle (bien sûr), mais du vent, de la pluie et une visibilité pire que médiocre. Le convoi grec en est bien sûr retardé.

Londres – Informées par leurs contacts dans la hiérarchie alliée comme par le réseau diplomatique turc, les principales puissances alliées contactent le Foreign Office avec une curiosité amusée, pour s’enquérir des événements de la veille.
La France, puissance majeure en Méditerranée, est la première à venir aux nouvelles – il faut dire que la Turquie a tout de même une frontière commune avec le Levant… Face à un Léon Blum pour le moins circonspect, Anthony Eden se hâte de préciser qu’il s’agit là « d’un regrettable malentendu, issu d’une mauvaise compréhension de la situation à Limassol. Il n’y a aucun risque d’affrontement entre le Royaume de Grèce et la République de Turquie à l’heure actuelle – et même s’il en existait un, il va sans dire que Londres s’interposerait sans arrière-pensée, comme toutes les Nations-Unies, y compris la République Française. Nous nous efforçons bien sûr d’être sur ce dossier d’une transparence totale avec nos partenaires. »
Pas vraiment dupes de la politique pro-grecque de Londres, les Français ne diront mot… mais ils en tireront les conclusions qui s’imposent vis-à-vis du sac de nœuds yougoslave, et garderont cet épisode à l’esprit pour l’après-guerre. Après tout, la France, elle, a cédé sans barguigner Alexandrette à la Turquie [Sans doute les Arméniens et les autres chrétiens, qui constituaient la moitié (et même une grosse moitié…) de la population du sandjak, ont-ils par la suite été conduits à l’exil… Mais cela ne concernait plus la France.] ! Et comme les équilibres de demain se dessinent aujourd’hui, le président du Conseil pourrait bien décider un jour d’oublier que la France n’a guère été payée de retour pour sa générosité, et de tirer également un trait sur la pénible conférence d’avril 1943. La défaite de l’Allemagne est à présent certaine – mais pour se reconstruire, la France aura bien besoin d’amis.
Après Marseille, Washington feint de se demander pourquoi l’avenir des territoires tels que Chypre n’a pas encore été décidé par les Nations-Unies. Ces vestiges d’un colonialisme et d’un nationalisme étriqué sont évidemment voués à disparaitre dans le monde de Paix que les Etats-Unis forgent (avec leurs amis)… Eden répondra très vite (mais très poliment) à Cordell Hull que cela ne le concerne pas – est-ce que lui appelle Londres chaque fois qu’il redessine la carte de l’Amérique Latine ?
En revanche, Moscou choisira de se tenir coi – l’URSS n’a plus rien à gagner dans cette affaire, la possibilité d’une intervention soviétique sur les Détroits ou dans le Caucase (sur la route du pétrole…) est hélas passée. Mieux vaut ne pas insulter l’avenir. Ankara ou Londres pourrait bien avoir besoin un jour de son arbitrage.
Cette chaude journée enfin terminée, Sir Anthony décide qu’il faut quand même tirer quelques leçons de cet… accident évité de justesse. Coupable de n’avoir rien vu, ni de l’exaspération turque, ni des fuites de sécurité qui semblent se multiplier dans ses locaux, Sir Hughe Montgomery Knatchbull-Hugessen est débarqué de son poste à Ankara – avec les formes toutefois. On envisage pour lui l’ambassade du Luxembourg, qui devrait être bientôt disponible.

Chypre – On ne tire plus beaucoup en ville, que ce soit à Nicosie ou à Limassol – quelques coups de feu se font encore entendre dans les campagnes au nord de Larnaca, mais la situation semble bien se calmer, malgré les vrombissements des voitures de l’EOKA outrageusement pavoisées du drapeau hellène. Certains excités font – et feront encore – quelques morts, mais la paix paraît en passe de revenir.
Le calme est précaire, c’est vrai, mais il est bien là. Des commerces rouvrent, les militaires anglais patrouillent et la population sort petit à petit de chez elle – poussée par la faim, un peu hébétée, mais avec le sentiment d’avoir sans doute échappé au pire.


29 mars
Enosis !
Les Grecs viennent chercher leur cadeau
Limassol, 01h00
– C’est au cœur de la nuit que le premier des transports grecs fait enfin son entrée dans le port, sous une pluie froide qui semble avoir éteint les combats… mais n’a pas douché l’enthousiasme d’une bonne partie de la population, debout sur les quais et les plages pour fêter ses sauveurs.
Le port a été bouclé par une garnison anglaise sur les dents après les drames de ces derniers jours – on craint une action désespérée, un attentat, un tireur fou… N’importe quoi en vérité. Cela n’affecte pas beaucoup Grivas et les membres de l’EOKA, qui ont renoncé à se faire discrets et guettent, le drapeau à la main, les premiers soldats grecs.
Enfin, le transport accoste et… c’est un Britannique qui apparaît pour descendre le premier : Allan Francis Harding, premier baron du nom. Ce glorieux soldat [Il a été blessé lors de la campagne du Péloponnèse : un obus allemand lui a enlevé la moitié de la main gauche.] vient s’occuper au côté du gouverneur Woolley de la future transition politique, dont il doit garantir le calme. Son arrivée était prévue de longue date – les récents événements l’ont rendue urgente. Pour le symbole, le baron Harding a rejoint l’escadre grecque à bord d’une vedette rapide.
Mais peu importe les symboles pour la foule, qui voit ensuite des soldats en tenue de combat dévaler l’échelle de coupée. Joie, célébration, fanfare jouant l’Hymne à la Liberté et popes se signant – voire tombant à genoux sous la pluie. « Demain dimanche sera jour de fête ! » proclame Mgr Makarios, pour une fois d’accord avec le maire communiste – communiste mais grec !
Dans la journée, les soldats grecs se déploient petit à petit en ville, puis dans le sud de l’île, laissant pour l’instant le nord (où vit la plus grande partie de la minorité musulmane) sous le contrôle des Anglais, qui y ont leur base principale. Chacun sait déjà que les Grecs ne repartiront jamais.


30 mars
Enosis !
Le printemps de Chypre
Base navale d’Izmir, 05h30
– Un reste de pluie froide – pas tout à fait une douche… – accueille l’escadre turque, qui est rentrée chez elle sans se presser. L’amiral Sait Halman observe calmement le comité d’accueil qui l’attend sur le quai. En tant que marin, il sait qu’il n’a rien à se reprocher : que pouvait-il faire avec une flotte vieillissante, sans mêmes des instructions claires, pour stopper ce convoi protégé par les Anglais ? Certes, il aurait pu le couler avant l’arrivée de la Royal Navy ! Mais il aurait fallu ensuite subir à la riposte des avions du Caire, des croiseurs d’Alexandrie, puis de tout ce qui serait encore venu après… sans parler des conséquences sur les frontières terrestres de la Turquie.
Halman a donc la conscience résolument tranquille sur le plan militaire. Mais il est certain que ce qu’on va lui reprocher n’a absolument rien de militaire. C’est politique en vérité. Oh, il ne craint pas pour sa carrière ! Un héros de l’indépendance comme lui ne saurait être sacqué. Par contre, son avenir et celui de son arme paraissent désormais bien compromis. Dans les décennies qui viendront, la Marine turque devra lutter pour son autonomie. Réduite au statut de « sous-commandement naval », elle ne redeviendra une arme à part entière qu’en 1954, soit dix ans après l’affaire de Chypre.

Limassol – Sous une pluie diluvienne qui refroidit les ardeurs et noie les derniers combats, les forces grecques affermissent leur contrôle sur l’île. De leur côté, les Britanniques envisagent de rapatrier sous peu le régiment de volontaires chypriotes, qui fait de la figuration en Irak depuis deux ans. C’est une unité mixte sous commandement britannique : un bon symbole de plus, donc, de la confiance qu’on peut accorder à Londres en tant que médiateur.
Vers 16h00, les nuées se dissipent enfin : le soleil du printemps inonde l’île, dont l’avenir s’annonce décidément radieux. La Turquie en profite, en accord avec Londres, pour envoyer un avion qui dépose une dizaine d’officiers “observateurs” chargés de représenter Ankara et de rendre compte de la situation sur place. Sortant de la base de Nicosie sous escorte britannique, ils seront assez mal reçus par la population locale, qu’ils s’agissent des Turcs, qui estiment que la mère-patrie les abandonne, ou des Grecs, qui leur demandent ouvertement ce qu’ils viennent faire là.

Ankara – Contacté avec une discrétion obséquieuse par le ministre des Affaires étrangères turc Mehmet Şükrü Saracoğlu, l’ambassadeur René Massigli, au nom de la République française, « oppose à regret une fin de non-recevoir catégorique à sa demande d’intercession auprès de la Grande-Bretagne sur la question de Chypre ». Marseille se considère neutre sur ce dossier – et surtout, les Français ne voient pas l’intérêt de s’y impliquer maintenant que tout est dit.
On comprend que Şükrü Saracoğlu soit déçu, contraint qu’il est d’assumer seul plusieurs années de louvoiements, entre une France admirée mais battue, une Allemagne triomphante mais crainte et une Angleterre qu’on a cru trop éprise de la Turquie pour changer d’avis.
Pourtant, Massigli se veut constructif – et il ne s’agit pas seulement ici de diplomatie de circonstance : « Le président du Conseil est encore très… désappointé du résultat de ses échanges avec le président İnönü il y a un an au Caire. Toutefois – permettez-moi de vous le confier – je le connais bien. Très bien même, au point que je m’honore de me considérer comme l’un de ses proches. La République française et le général De Gaulle ont une vision particulière du Moyen-Orient, une région dans laquelle votre pays est une puissance majeure. J’espère avoir le plaisir de la défendre bientôt, et d’échanger avec vous sur ce sujet sitôt le conflit enfin terminé. »
L’après-guerre n’est plus loin – il faut ménager l’avenir, même s’il est encore trop tôt pour tout pardonner. Le ministre turc remercie cordialement Son Excellence, avant qu’Elle ne prenne congé.






9 avril 1944
Enosis !
L’avenir de Chypre sera grec
Limassol
– Les cloches sonnent partout pour les Pâques orthodoxes, alors que la foule sortant des églises forme un grand défilé nationaliste – mais globalement pacifique – dans les rues de la capitale. Rigoureusement tenu à l’écart des quartiers musulmans par la maréchaussée britannique et par l’armée hellène, un cortège de plusieurs milliers de personnes (c’est beaucoup pour cette petite ville) s’avance jusqu’au palais du gouverneur, pour lui envoyer un message clair en prévision des tractations à venir ! La foule défilera durant de très longues minutes sous le regard impassible des fonctionnaires britanniques, lesquels ne sont plus aussi inquiets qu’auparavant – mais quand même un peu… Il y a du monde : les popes ont délibérément raccourci leurs offices pour laisser aux ouailles le temps de manifester avant de rentrer déjeuner en leurs demeures.
Chypre veut donc devenir grecque… Ou tout du moins presque tout Chypre. Au nord et à Nicosie, l’armée britannique sur les dents, dans la crainte d’un nouvel incident violent qui réveillerait encore Ankara. Mais il n’est plus nécessaire de se presser – l’île est déjà grecque dans les faits. Le reste attendra l’après-guerre.
………
« Tout comme celui de l’Epire du Nord, le sort final de Chypre fit dès février 1945 l’objet d’âpres discussions entre les différentes parties prenantes au dossier – et tout comme l’Epire du Nord, le résultat était joué d’avance. Les troubles du mois de mars 1944 avaient fait 1 120 victimes : 751 grecs et 317 turcs, auxquels il faut hélas ajouter 52 dépouilles enterrées dans la montagne autour de Klirou, découvertes bien plus tard et jamais vraiment identifiées. Les blessés se comptaient par milliers, les dégâts matériels étaient substantiels – surtout pour un si petit territoire.
La Turquie, puissance tierce des discussions en cours, n’hésita pas à jouer son va-tout, comme jadis sur les mers, pour tenter d’arracher le maximum de concessions : menace de fermeture des Détroits, menace de révision des contrats commerciaux conclus en 1943 entre Ankara et Athènes (outrageusement favorables la Turquie, mais dont la Grèce avait encore grand besoin…), incidents “techniques” à répétition dans la traversée des Dardanelles… en vain. Face à elle, le Royaume-Uni et le Royaume de Grèce – vainqueurs respectés du conflit mondial et liés par le nouveau traité de l’Atlantique Nord – poussèrent sans hésitation leurs pions, avec la certitude que plus rien ne pouvait changer.
C’était vrai. Mais la minorité turque obtint toutefois trois clauses garanties par Londres : la liberté de culte, l’absence d’expropriation et le droit de commercer avec la Turquie avec un régime douanier particulièrement favorable. On comprend que, dans ces conditions, les appels d’Ankara à un embargo des échanges avec l’île n’aient été suivis par personne – il n’arrangeait même pas ceux qu’il prétendait défendre. Chypre devint officiellement grecque lors d’un référendum organisé deux ans plus tard, pour la Pâque orthodoxe, le 21 avril 1946. Le score du scrutin (84,7 % de Oui) fut certifié exact par les organismes de surveillance internationaux – il ne faisait que refléter la démographie de l’île. La monarchie grecque en fut bien sûr très satisfaite – le régent Paul jouait sur ce sujet une partie de l’avenir de sa dynastie.
Pour faire passer la pilule auprès d’Ankara, Londres se hâta de débloquer une importante aide au développement (on parle de 100 millions de Livres Sterling) destinée à financer les installations portuaires d’Istanbul et les futures grandes routes d’Anatolie. C’était moins que l’aide apportée par les Américains… L’opposition nationaliste turque ne se priva pas de qualifier ce subside de « salaire du déshonneur » sous les huées d’un Parti républicain du Peuple fragilisé et du nouveau Parti démocrate de Celâl Bayar –avant tout mercantiliste, maisqui ferait finalement chuter İsmet İnönü en 1950.
La vie politique turque continua donc, sous le nouveau multipartisme instauré fin 1944, animée par l’opposition entre les nationalistes accrochés à leurs sièges et les partis religieux tentant de revenir sur le devant de la scène. Dans ce tumulte, Chypre devint un mythe, une terre perdue digne de la Transylvanie du régime Horthy dont tous parlaient sans rien en savoir – elle était d’autant plus fantasmée que bien peu pouvaient prétendre y être allé ! Burhan Nalbantoğlu et Daniş Karabelen rejoignirent ainsi peu à peu, à leurs modestes niveaux, des héros nationaux tels que le grand Mustapha Kemal et Enver Bey, ou encore d’obscurs militaires d’Asie centrale comme Timur Chevket. Le cinéma – toujours outrancièrement cocardier – parla longtemps d’eux, sous une forme ou une autre (voir à ce propos Tout pour la patrie, 1972, ou Önce Vatan, 1974, de Duygu Sagiroglu).
Chypre était donc bel et bien désormais détachée de la Turquie, dans les faits sinon dans l’esprit. Abandonnée par la mère patrie, la communauté turque de l’île oscilla longtemps entre résistance et résignation, au rythme des attentats de la Kara Çete. Toutefois, l’arrangement de 1945 tint un moment dans la forme, les bases britanniques garantissant la protection des musulmans. Toutefois, victimes d’un très net ostracisme de la société grecque, la jeunesse se vit peu à peu contrainte à l’exil pour chercher du travail en Europe, en Afrique et bien sûr en Turquie. La communauté turque se vidait ainsi de ses forces vives, à l’ombre de l’Union Jack. Le transfert des escadrons de la RAF vers Akrotiri (au sud de l’île) dès 1950 et la fermeture de la base de Nicosie en 1956 accélérèrent cet exode. Au début des années 1990, on ne comptait plus que 8 000 musulmans sur l’île – les autres étaient morts ou avaient émigré. Soudée par l’adversité comme par son identité, cette population connait un regain de dynamisme depuis 1998 et la normalisation définitive des relations Ankara-Athènes – il faut bien des commerçants, et pour cela, les relations interpersonnelles, dont on sait l’importance traditionnelle en Orient, s’avèrent incontournables.
Finalement et pour élargir un peu le sujet, que retenir de cette improbable confrontation entre un croiseur de bataille allemand accompagné par des destroyers italiens (de classe Freccia) et des cargos américains escortés par des destroyers tout aussi italiens (de classe Dardo) ? Sans doute que, constatant son isolement sur la scène internationale, mais persistant malgré tout à maintenir une politique « de stricte défense de ses intérêts » analogue à celle de l’Argentine, la Turquie ressentit le besoin de se trouver de nouveaux alliés. Ce ne pouvait être l’URSS – qui tenta néanmoins de très nombreuses ouvertures. Quant au mouvement des Non-Alignés, il était mené par un royaume baroque, avec un roi orthodoxe allié à la monarchie grecque… Ce fut donc les Etats-Unis et (un peu) la France, sous l’impulsion du regretté René Massigli, lequel permit de maintenir une forte influence française à Ankara. La politique au Moyen-Orient du Général trouva peut-être là ses prémisses.
Aujourd’hui cependant, cet équilibre est complètement remis en question : la dislocation de l’URSS a fait renaître une forme de panturquisme d’Asie centrale qui regrouperait volontiers Turquie, Turkménistan, Kazakhstan, Azerbaïdjan et Ouzbékistan dans une grande “union des peuples” – les démons nationalistes et religieux, ne sont jamais loin des rivages turcs. »
(Evelyne Roussel, De la Résistance à l’Union – La Grèce de l941 à 1948, La Fabrique, 1987, édition complétée 1997)
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demolitiondan



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MessagePosté le: Jeu Sep 26, 2019 19:43    Sujet du message: Répondre en citant

Bon bon bon - dans cette conclusion, je fais référence à Önce Vatan - c'est un vrai film avec l’indéboulonnable Cüneyt Arkin, star du cinéma d'action turc des années 70 à l'affiche:



La chronique est aisément trouvable sur nanarland - mais pour ceux qui ont la flemme, un petit résumé. Vous l'aurez compris, ce film est un peu le sommet du cinéma panpan-drapeau des années 70 (74 pour être précis, l'année du Attila réussi OTL). De quoi s'agit-il ? Arkin joue un magnifique et patriote major de l'armée turque, inquiet de l'occidentalisation de son pays et qui s'engueule pour des histoires d'alcool avec sa fiancée :


« Cfxtu Sel%oglo Nar#jtj ibd cucus@l porom nejtu WHISKY glo neru g$tala ! »

Las, les vils grecs sodomites envahissent Chypre !





Intervention ! Le major et sa valeureuse équipe rejoignent l'île en zodiac pour mettre la patée à l'infidèle.


En canot à rames. Pas beaucoup de budget sur les scènes navales ...

Prise d'assaut du camp grec et saisie du stock d'armes pour distribution aux patriotes !

http://www.nanarland.com/video-47-l-armee-grecque-c-est-des-lopettes-1.html

Un mot, un geste, une réplique : BEEAAAUUUURH !

Las ! Contexte et trahison ! Les méchants casques bleus (remplacez avantageusement par des anglais FTL) s'interposent et torturent, sous le regard complice et mesquin de tous !


Mouhahahahaha !


Je suis méchant !

Des casques bleus typé quand même très très asiatiques ...



Drame et crime de guerre ! (surjoué ...)

http://www.nanarland.com/video-48-l-armee-grecque-c-est-des-lopettes-2.html

Intervention du héros qui vient sauver la mise, alors que les villageois allaient être mis à mort d'avoir chanté l'hymne turc sous les baïonnettes.






Evidemment, dans le tas, y a une jeune femme de bonne famille, valeureuse et fière comme il faut.

Fuite vers les montagnes, le major se sacrifie pour arrêter seul la meute. C'est épique !



Bref - faisons un bond de 15 ans et l'armée turque vient finalement libérer le pays et la terre sacrée. Le major s'est fondu dans la population d'une manière tout à fait crédible, s'est mariée avec la valeureuse chypriote et a même un enfant :



Révolte et joie - les femmes repoussent les casques bleus félons ... à coup de claques dans la g...le !





Le méchant commandant grec veut violer la femme et tuer la fille (ou l'inverse je sais plus ...) avant de fuir - festival de cabotinage :





L'armée turque arrive, c'est la fin. Tout le monde est heureux :



Papa, tu pourrait au moins enlever ton casque à table ... (je suis toujours mort de rire avec cette blague).

Voilà, voilà, voilà - j'adore. Je suis sûr qu'on faisait pas mieux à Athènes à la même époque remarquez ... mais tout de même - un dernier pour la route ?

http://www.nanarland.com/video-49-l-armee-grecque-c-est-des-lopettes-3.html

Sinon, si vous voulez, j'ai aussi dans mes cartons un film pakistanais sur le fils d'Hitler qui tient une boite de nuit à Karachi ...
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Dernière édition par demolitiondan le Jeu Sep 26, 2019 19:45; édité 1 fois
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DMZ



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MessagePosté le: Jeu Sep 26, 2019 19:45    Sujet du message: Répondre en citant

demolitiondan a écrit:
Une coquetterie romanesque 8) elle te paraît totalement improbable ?

J'ai dit pour le moins étonnante mais sait-on jamais avec ces diables d'Anglais. Après tout Grantham se venge peut-être de ne pas avoir pu régler son sort au Goeben, pardon Yavuz.
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Capu Rossu



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MessagePosté le: Jeu Sep 26, 2019 19:56    Sujet du message: Répondre en citant

Bonsoir,

DMZ a écrit :

Citation:

Citation:
demolitiondan a écrit:
Une coquetterie romanesque Cool elle te paraît totalement improbable ?


J'ai dit pour le moins étonnante mais sait-on jamais avec ces diables d'Anglais. Après tout Grantham se venge peut-être de ne pas avoir pu régler son sort au Goeben, pardon Yavuz.


Mais non, Mais non, il ne se venge pas, il fait de l'humour, british humor of course Very Happy

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Paul



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MessagePosté le: Jeu Sep 26, 2019 19:57    Sujet du message: Répondre en citant

Si j'ai bien lu à la fin du texte, peut-être sans rapport avec la Turquie et Chypre, mais l'URSS continue de se disloquer ?? Shocked

Sinon, si je comprends bien, Chypre sera entièrement grecque, c'est bien ça? ^^
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demolitiondan



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MessagePosté le: Jeu Sep 26, 2019 20:10    Sujet du message: Répondre en citant

Pour l'URSS je m avance un peu mais ça semble logique - je ne précise toutefois pas la date. Il est quand même difficile de dire "la france ne capitule pas en 40 donc la Russie communiste ne s effondre pas bien plus tard..." il y a bien trop d autres facteurs a l œuvre.

Pour Chypre- ben oui, conséquence inattendue du retour de la monarchie grecque et du soutien indéfectible de Londres à Athènes.[/i]
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MessagePosté le: Jeu Sep 26, 2019 20:40    Sujet du message: Répondre en citant

L’opposition nationaliste turque ne se priva pas de qualifier ce subside de « salaire du déshonneur » sous les huées d’un Parti républicain du Peuple fragilisé et du nouveau Parti démocrate de Celâl Bayar –avant tout mercantiliste, maisqui ferait finalement chuter İsmet İnönü en 1950.

Toutefois, l’arrangement de 1945 tint un moment dans la forme, les bases britanniques garantissant la protection des musulmans. Toutefois, victimes d’un très net ostracisme de la société grecque, la jeunesse se vit peu à peu contrainte à l’exil pour chercher du travail en Europe, en Afrique et bien sûr en Turquie.
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Jeu Sep 26, 2019 21:44    Sujet du message: Répondre en citant

Comme d'habitude (et pour l'ensemble de l'épisode chypriote), merci aux relecteurs-correcteurs.
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