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L'infanterie en gros plan, par CRIXOS
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patzekiller



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MessagePosté le: Lun Aoû 06, 2012 12:30    Sujet du message: Répondre en citant

Anaxagore a écrit:
Peut-être à dégager le maquis du Vercors. A cette époque là il doit souffrir.


romans est un peu loin des vercors, non?la 157 ID serait deployée plus au sud alors
dans mon theme d'operation la DP qui se pose dans le secteur doit quand meme aider
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Anaxagore



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MessagePosté le: Lun Aoû 06, 2012 12:36    Sujet du message: Répondre en citant

De toute façon, il déjà plusieurs années que j'ai expliqué que le Vercors n'était pas sensé tenir seul mais fournir un point de parachutage/ planeur pour des troupes aéroportés chargés d'attaquer les Allemands à revers.
J'avais envoyé à l'époque l'estimation d'effectifs nécessaires.
En FTL, une opération de ce genre à bien plus de chance de se produire qu'en OTL. Ravitaillas convenablement et tenus pas des effectifs bien armés, Le Vercors est une forteresse presque imprenable.
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Ecoutez mon conseil : mariez-vous.
Si vous épousez une femme belle et douce, vous serez heureux... sinon, vous deviendrez un excellent philosophe.
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Lun Aoû 06, 2012 13:46    Sujet du message: Répondre en citant

Pat : en principe, il s'agit d'attirer autour ou au sud de Lyon un maximum de monde avant la Normandie. Si ça marche, ce n'est pas (très) grave que les troupes qui font diversion se fassent écraser.
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patzekiller



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MessagePosté le: Lun Aoû 06, 2012 14:47    Sujet du message: Répondre en citant

oui, ça d'accord mais...(d'apres le texte) Laughing Laughing Laughing
le 113 se fait rejoindre donc la percée/contournement de valence a réussi, l'armée française a reussi à monter sur les hauteurs, l'yon et grenoble sont menacé
CQFD, les allemands vont envoyer les panzers de reserve de lyon vers le sud, la normandie peut debarquer tranquille

au niveau tactique, reste les probleme du blocage de tain, de l'OB (approximatif) de la ligne de defense sur valence, et de l'eventuelle offensive grenoble vercors (perso, je verrai plus une DP renforcée pour cette operation)
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Lun Aoû 06, 2012 15:32    Sujet du message: Répondre en citant

Oui, bon, mais je suis en train :
1) de peaufiner janvier-avril 42
2) de défricher la suite des aventures du 113e (si si)
3) de travailler la bataille de la Ruhr (merci +++ de ta préparation - comme on parle de préparation d'artillerie Wink
4) d'embêter les uns et les autres (ils se reconnaîtront) pour obtenir des textes sur les sujets les plus divers, et ce malgré l'opposition farouche de la Vraie Vie
5) etc
6) etc etc

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patzekiller



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MessagePosté le: Lun Aoû 06, 2012 16:03    Sujet du message: Répondre en citant

et jacques alors, à quoi il sert dans le couple? Razz Laughing Laughing Laughing
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Lun Aoû 06, 2012 18:49    Sujet du message: Répondre en citant

patzekiller a écrit:
et jacques alors, à quoi il sert dans le couple? Razz Laughing Laughing Laughing


D'abord on est un trio (t'as du bol que Loïc n'ai pas vu ça le premier, Evil or Very Mad ).

Ensuite, Jacques PENSE (et écrit). Comme disent les entraîneurs de rugby, dans une équipe, y'a ceux qui déménagent les pianos et ceux qui en jouent. Wink
Bon, de temps en temps, j'ai le droit de jouer moi aussi, j'avoue...

Mais hélas, le rôle de celui qui dit "Hé, M'sieur C...U, M'sieur M...C, M'sieur... etc... quand aura-t-on le plaisir de vous lire ?, c'est mon rôle...
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Wil the Coyote



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MessagePosté le: Lun Aoû 06, 2012 19:55    Sujet du message: Répondre en citant

Petite suggestion sur une intervention d'un tankiste connu en OTL, si par le plus grand des hasards des gars du 113eme avait besoin d'un renfort blindé j'imagine bien une intervention du Regiment Blindé des Fusilliers Marins dans lequel à servit le Second-Maitre Cannonier Moncorgé...cela pourrait faire une rencontre détonante (dans tout les sens du terme)...mais ce n'est qu'une suggestion.
Autre question, pourquoi le Lt-Col De... ne commande pas au feu? Y aurait-il une intervention en Haut lieu pour le garder à l'arrière? Idea Question
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Lun Aoû 06, 2012 20:38    Sujet du message: Répondre en citant

Wil the Coyote a écrit:
Autre question, pourquoi le Lt-Col De... ne commande pas au feu? Y aurait-il une intervention en Haut lieu pour le garder à l'arrière? Idea Question


Un classique de l'époque : De *** en sait beaucoup trop sur les projets stratégiques des Alliés pour qu'on le laisse courir le moindre risque.
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patzekiller



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MessagePosté le: Mar Aoû 07, 2012 07:43    Sujet du message: Répondre en citant

Casus Frankie a écrit:
patzekiller a écrit:
et jacques alors, à quoi il sert dans le couple? Razz Laughing Laughing Laughing


D'abord on est un trio (t'as du bol que Loïc n'ai pas vu ça le premier, Evil or Very Mad ).

Ensuite, Jacques PENSE (et écrit). Comme disent les entraîneurs de rugby, dans une équipe, y'a ceux qui déménagent les pianos et ceux qui en jouent. Wink
Bon, de temps en temps, j'ai le droit de jouer moi aussi, j'avoue...


on sait trés bien que loic fait chambre à part puisqu'il est à toulouse Razz
en plus on le voit regulierement faire le menage sur le site (balayer, faire la poussiere, repasser etc etc ) Laughing Laughing
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loic
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MessagePosté le: Mar Aoû 07, 2012 08:50    Sujet du message: Répondre en citant

patzekiller a écrit:
on sait trés bien que loic fait chambre à part puisqu'il est à toulouse Razz
en plus on le voit regulierement faire le menage sur le site (balayer, faire la poussiere, repasser etc etc ) Laughing Laughing

Attention, un balais peut servir à plusieurs choses Grrrr
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En principe (moi) ...
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Jeu Aoû 16, 2012 15:33    Sujet du message: Répondre en citant

1) Fantasque a proposé divers compléments au dernier texte de Crixos, je les posterai quand ils seront définitifs.

2) Je n'attends pas pour vous poster la suite des aventures de nos Experts du 113e... (merci Crixos), avec pas mal de personnages assez connus...

3) A toutes fins utiles, en 44, il y aura certainement des Mustangs à DienBien Phu. Les premiers (des NA-73) devraient même arriver en 43, avis à Anaxagore.




Régiment de marche
La croisière jaune du 113e

Avril 1944
– Le front était de nouveau stabilisé, après la dernière offensive à laquelle avait participé le 113e – mais cette stabilisation n’était que provisoire.
De *** méditait sur l’avenir. Son unité était quasiment au complet avec lui à Orange. Il ne lui manquait que quelques équipes Surcouf, lâchées en Bretagne en guise de diversion. Bon, il y avait aussi Lévy qui avait visiblement trouvé des petits camarades de jeu et qui jouait aux dernières nouvelles l’élément précurseur dans les Vosges. Comme il nageait très mal, avec un peu de chance on le rattraperait au Rhin, sinon ce serait lors de la jonction avec les Russes. Il manquait à l’atelier couture, parce qu’il savait d’expérience ce que devait être la tenue d’un soldat qui combat (pas celle d’un qui défile).
Pour le moment le régiment était au repos, traduction à l’instruction au pas de course. Comme promis, on lui avait versé des maquisards pour combler les vides de son organigramme. Il disposait d’un bataillon à effectifs pleins et les deux autres se remplissaient peu à peu. Il était satisfait de ses cadres. Il disposait de trois excellents chefs de bataillon et d’un adjoint dont la technique de pile ou face donnait des résultats impressionnants. Tous les commandants de compagnie ou presque étaient des vétérans de 40. Les jeunes cadets issus des écoles d’Algérie avaient été placés en binômes avec des cadres expérimentés. Un jour, sous la douche commune après l’entraînement, un jeune sous-lieutenant s’était exclamé, devant l’anatomie couturée de cicatrices du sgt ***, un brave : « Dis donc, il y a des Boches qui ne t’ont pas raté ! » Le sgt avait répondu : « Non mon lieutenant, ils m’ont raté, s’ils ne m’avaient pas raté je serais mort, là c’est eux qui le sont. » Le jeunot avait pigé, la preuve, il n’avait pas répliqué.
Donc on se laissait un peu aller à la détente. L’armement était rationnalisé, le matériel et l’équipement également. On avait rendu à l’intendance le surplus d’armes longues (fusils, FM, mitrailleuses), qui commençaient à encombrer (les mauvaises langues disaient que ça avait permis d’équiper une division fraîche). La dotation restait cependant excellente et les MAS 40 commençaient enfin à arriver (les US Marines étaient prioritaires, paraît-il, du coup les mauvaises langues avaient dit qu’on ne serait équipés que pour le défilé de la victoire). Un trafic de butin allemand avec les troupes alliées friandes de P-08 et de P-38 permettait d’améliorer l’ordinaire. L’adjudant-chef du service auto avait même réussi à échanger un Kettenrad contre un half-track avec un affût Bofors de 40mm.
La fin avril avait été annoncée calme – toute l’unité était donc en alerte 24 h, les soutes à munitions pleines, les véhicules révisés et personne en permission à plus de 20 Km.

Le Détachement Forbin
12 avril 1944
– Le capitaine Sauvin, dont les renseignements avaient permis de remplir plusieurs missions avec peu de casse, passait de temps à autre dire bonjour. Toujours de bon conseil, il permit à De *** de trouver une solution satisfaisante à un problème délicat.
Le lt L-P de *** était de nouveau harcelé par la hiérarchie, qui, sous la pression des huiles de sa famille, voulait l’obliger à rejoindre une guerre honnête. La dite famille avait visiblement dépassé son seuil de tolérance en apprenant que sa compagnie comprenait, entre autres, plusieurs Nègres et des Espagnols communistes et anarchistes (en fait, les cocos et les anars n’étaient pas dans la même compagnie, le mélange eût été explosif), que ses uniformes étaient coupés par un Juif et que l’état-major du régiment était composé de francs-maçons (De *** n’en était pas, mais il se doutait que ***, *** ainsi que *** devaient avoir assidûment fréquenté les Loges). Grâce à des contacts à l’état-major du quartier-maître du 113e, L-P avait appris qu’une demande de mutation était en instance de signature par des généraux d’intendance, circonvenus à coup de promesses d’invitations dans le meilleur monde (après la guerre). L-P menaçait de déserter, la moitié de sa compagnie parlait de se mutiner et l’autre d’aller s’engager dans la Légion, Dio annonçait qu’il refuserait de faire la guerre sans lui, bref la chienlit !
Heureusement pour tout le monde, Sauvin avait entendu au coin d’un corridor une requête particulière. Il fallait expédier des hommes en Birmanie, dans un coin portant le nom invraisemblable de Myitkyina, où ils seraient formés aux subtilités de la guerre en Asie avant de les expédier en Indochine pour faire… heu, pour faire braire les Japonais. Une compagnie du 113e serait parfaite. « Appelez-la Détachement Forbin, conseilla Sauvin, c’est un corsaire qui a fini sa carrière en Asie. »
L-P et Dio sautèrent sur l’occasion, mais un délicat problème apparut. La compagnie de L-P ne parlait plus de se mutiner du moment que son chef faisait ce qu’il voulait, mais ils n’étaient pas tous volontaires pour le suivre à l’autre bout du monde. L’Allemagne était tout près, ce n’était pas l’hallali mais presque et personne ne voulait le manquer. Cela posait un problème à De ***, qui ne savait que trop bien que la contrainte ne donnait pas de bons résultats, l’école des Frères en avait fait un redoutable libre-penseur. Il s’interrogeait un peu aussi. L-P et Dio étaient des guerriers achevés au plein sens du terme. Mais il s’étonnait de cet acharnement du premier à fuir une famille qui le marquait à la culotte !
L-P s’expliqua : « Le passé familial me colle aux basques, mon colonel. Nous sommes une si vieille famille que je m’étonne toujours que notre sang ne soit pas caillé dans nos veines. Je pense qu’il y a eu régulièrement apport d’un cheptel moins noble, qui nous a évité de dégénérer, mais que personne n’accepte de reconnaître, et je ne supporte plus ce comportement. Comme mes frères et sœurs, j’ai été élevé dans le culte du passé, des Croisades à nos jours. Même nos prénoms ne sont pas à nous : ce sont ceux de tels ou tels ancêtres avec qui nous sommes supposés avoir des ressemblances. C’est pour ça qu’ils veulent que j’aille dans la cavalerie, parce que L-P de ***, mon illustre ancêtre et homonyme, était maître dans la maison du roi à Fontenoy ! Je hais les chevaux ailleurs que dans mon assiette ! Je me suis tellement tanné le cul dessus que j’ai du cuir sur les fesses. Comme il était musicien, je suis censé l’être aussi, et au piano, parce que l’ancêtre était claveciniste. Je hais le piano, j’exècre le piano, j’abomine le piano, pour tout dire je l’aime pas. J’aime le cornet à pistons et le jazz. J’aime aussi jouer au rugby avec mes copains du village, qui ne sont pas fréquentables parce que paysans. La seule qualité que je reconnaisse à ma famille, la seule que j’accepte de partager, en tout cas, c’est son patriotisme. Mais si on m’expédie dans la cavalerie, avec ses monocles et son cirque à la table du mess, je déserte, c’est clair. »
« Et je suivrai mon ami ! » déclara Dio. Et comme De *** lui demandait pourquoi lui, Dio, se mêlait des affaires de familles de L-P alors qu’il ne savait ni monter à cheval ni jouer du piano, le Sénégalais lui répondit avec hauteur : « Dans MA famille, on suit ses amis ! » De *** se le tint pour dit, même s’il avait l’impression que quelque chose dans tout ça n’était pas très logique.
Bref, pour des raisons de santé mentale et de service (on n’allait pas priver l’armée française de deux de ses meilleurs bas-officiers), De *** allait les expédier loin. Très loin, si loin qu’avec un peu de chance la guerre serait finie avant que la camarilla familiale sache où son mouton noir avait été expédié. Mais ça ne résolvait pas le problème de l’effectif : les forces françaises en Extrême-Orient demandaient une compagnie, pas deux officiers !

Recrutement un peu forcé
14 avril 1944
– De *** tentait encore en vain de trouver une solution au problème , quand sa prévôté vint au rapport. Les deux gendarmes, inébranlablement fidèles, toujours en vadrouille à faire le coup de feu, mais d’une mauvaise foi tellement coulée dans le bronze qu’il était impossible de les prendre à se contredire, apportaient la solution sous la forme d’un épais dossier. Qu’ils aient eu le temps de remplir un tel rapport alors qu’ils passaient plus de jours en première ligne que dans leur bureau ne manqua pas de surprendre le colonel. Le rapport était pourtant bien là, avec la liste fort longue (plus de six mètres, tout mis bout à bout) des méfaits de toutes les têtes brulées du régiment.
De *** le savait, la guerre ne se fait pas avec des pâtes de fruit et ses hommes n’étaient pas des sœurs clarisses, mais pour que ses gendarmes se déplacent, c’est qu’il y avait du grabuge. En fait, le repos d’Orange avait été propice aux délits de toutes sortes. Les pires avaient été commis par un nommé Naudin Fernand et son complice habituel, surnommé le Mexicain parce qu’il avait, avant la guerre, fait des affaires au sud du Rio Grande, menaient le bal. De sacrés bons soldats, d’ailleurs – si De *** ne se trompait pas, Naudin s’était déjà battu en Indochine, dans les chars ; à son retour, il n’avait plus supporté la discipline d’une unité blindée orthodoxe. Quant au Mexicain, il avait été volontaire pour une mission spéciale d’appui à un maquis pour le compte du Deuxième Bureau, il semblait que cette mission eût été vraiment spéciale, il n’en avait jamais dit un mot à quiconque et il faisait la gueule quand on l’interrogeait. Il fallait aussi reconnaître que le Fernand et le Mexicain commettaient leurs petites affaires à l’extérieur du régiment. Tout le monde connaissait le courage et la poigne des deux gaillards, dont le plus chétif pesait bien cent kilos pour 1,80 m, mais rien que du muscle !
Les deux exotiques étaient assistés par plusieurs petites mains. Le rapport des pandores citait aussi d’autres personnages plus individualistes, amateurs de petits trafics.
– Voilà mon colonel, si leurs clients n’avaient pas été Polonais, personne ne sait comment ça aurait pu se terminer.
– Pourquoi Polonais ?
– Bon, au début, ils s’étaient contentés de monter un tripot. Les cartes étaient marquées, les roulettes truquées et les dés tellement plombés qu’ils s’arrêtaient sur la pointe.
– Classique, se fait avoir qui veut !
– Le Mexicain avait réussi à monter un BMC avec une dizaine de femmes. Il semble qu’aucune n’ait été forcée, on a vérifié, c’est toutes des professionnelles des villes voisines. Le Mexicain avait choisi celles dont les julots s’étaient compromis avec les Boches, elles ont été plutôt contentes de servir à nouveau la France ! On a pu même arranger des visites sanitaires. En fait, le problème est venu des boissons, parce que, forcément, le jeu et les femmes, ça donne soif.
– Et alors ? Ils n’avaient pas de licence ?
– Oh, ça, ça ne dérangeait personne, mais ils manquaient d’alcool. Les Allemands ont tout ramassé dans le pays, en alcools forts au moins, parce que pour les vins, certains propriétaires ont réussi à en planquer. Mais pour les boissons d’homme, la plupart des barriques contiennent à peine de quoi saouler un canari. Alors nos gars ont monté un alambic, le coup classique.
– Je vois, ils ont fait de l’alcool clandestin… Oh merde, avec quoi ?
– Sucre, sciure de bois et patates. Et des pommes, aussi. Par chance, les premiers clients ont été une compagnie polonaise. On les connaît les Polaks, ils ont la dalle en pente, mais ils tiennent le coup. Là, ils ont eu un doute quand certains se sont écroulés au quatrième verre, et parfois au troisième.
– Et comment avez-vous été mis au courant ?
– Nous on sait tout ce qui se passe dans le régiment mon colonel, vous savez bien. C’est notre boulot. D’ailleurs nous savons qui vous a piqué vos bretelles, les tricolores, au cas où vous voudriez vraiment les récupérer, on fera ce qu’il faut. Bref on y est allés avec le toubib. Les Polaks se sont remis et on a confisqué la gnôle. Selon le médecin, elle peut rendre aveugle, si on insiste. En attendant votre décision, on a mis toute la bande au gnouf, ils sont une petite dizaine.
– A vous deux tous seuls ?
– Bah, avec nos deux mitraillettes Thompson, on était quatre, et puis on a notre réputation aussi.
– D’accord… Et les autres cas, c’est quoi ?
– Détournement de matériel, cinq fois.
– On le fait tout le temps.
– Oui mais avec des faux en règles et personne ne le sait.
– Zut, j’oubliais ce détail. Vous avez raison, pas être fichus de faire des faux en règle, ça doit se payer.
– Il y a eu aussi une affaire de grivèlerie, concernant six hommes.
– Le mot est si joli… Ce n’est pas très grave, non ?
– Avec récidive, mon colonel. A 47 reprises, dans des hôtels de luxe. Ils se faisaient passer pour des officiers d’état-major de la division.
– Ah oui, 47 fois 6, 282… À part vous, qui sait qu’ils sont de chez nous ?
– Personne, mais il y a des bruits qui courent.
– Oui, c’est embêtant… quoi d’autre ?
– Trois bigames, dont un à cinq reprises.
– Quels crétins, déjà une épouse, c’est des emmerdements à plus finir … Attendez, cinq fois ?
– Le prestige du héros ! Une fois en Algérie, une fois en Grèce, une fois en Sicile, une fois en Corse…
– Il a pris des risques !
– Une fois à Orange, bien sûr, et il nous a confié qu’il avait failli réussir à Romans, mais il paraît que le maire avait autre chose à faire qu’à célébrer un mariage.
– Ciel… Bon, abrégez, ça fait combien de gars ?
– En tout 49 hommes passibles de cour martiale… si on fait suivre le dossier, lâcha le maréchal des logis, l’air de pas y toucher.
– Si on fait suivre ? Qui est au courant de tout ça ?
De *** comprenait au quart de mot, il fallait lui reconnaître ça.
– Personne, il n’y pas eu de mort ou de blessures graves. Si on agit vite, les enquêtes s’éteindront d’elles-mêmes. Il faudrait surtout qu’ils partent. Loin, très loin. Et qu’ils ne reviennent pas avant leur démobilisation.
De *** sourit largement : « Messieurs, le 113e vous doit beaucoup ! Vous venez de résoudre un problème pénible ! Amenez-moi tous ces gaillards au mess des sous-officiers, vite. »
………
La mercuriale que De *** asséna aux quarante-neuf bonshommes resta dans les mémoires des témoins – et dans celles des intéressés, donc ! Du truand le plus endurci à l’escarpe d’occasion, ils sentirent tous le souffle de la Veuve sur leur col. De *** leur fit miroiter un avenir qui pouvait se révéler très court, avec peloton à l’aube, ou excessivement long – il leur garantit que leur condamnation aux travaux forcés leur permettrait de construire une route à quatre voies entre Alger et Cotonou. Ces perspectives n’avaient rien de réjouissant. Mais heureusement pour eux, il y avait une alternative ! Il leur suffisait de se porter volontaire pour le Détachement Forbin (à une lettre près ils avaient beaucoup d’affinités avec le corsaire), laquelle demande serait immédiatement validée. Il leur offrait là, maintenant, cinq minutes pour se décider, puis une heure pour faire leurs bagages. Il n’y eut aucun refus.
En comptant les quelques vrais volontaires qui s’étaient tout de même manifestés dans l’ensemble du régiment, L-P et Dio pourraient partir avec une compagnie à effectifs pleins, plus un gendarme, juste au cas où – l’un des deux voulait justement voir du pays. Le maréchal des logis *** regretta le départ de son camarade, mais félicita De *** pour avoir employé le chantage plutôt que la menace, le premier marche toujours beaucoup mieux !
L’alcool du Mexicain fut versé au garage comme additif pour l’essence, celle-ci n’étant pas toujours de bonne qualité. Il fut retiré après deux semaines : trop corrosif pour les segments ! L’intégralité fut alors utilisée dans des bouteilles incendiaires, bien que De *** ne fût pas certain que la chose ne fût pas formellement interdite par les conventions de La Haye.

Découvrez l’Extrême-Orient
Juillet 1944 –
Les bigames avaient fini par se rendre compte, en relisant un code militaire, qu’ils s’étaient fait avoir. Mais comme ils avaient déjà dépassé Suez et que la rancune d’une femme trahie peut se révéler redoutable (surtout quand la femme est corse ou sicilienne), ils firent contre mauvaise fortune bon cœur.
Les filouteurs d’auberge avaient fait la même découverte. Cela leur resta sur l’estomac.
Les endurcis spéculaient sur les profits qu’ils pourraient faire après la guerre dans une Indochine rendue à la paix. Mille rumeurs couraient, mais entre le jeu, l’alcool, les femmes et l’opium, ce serait bien le diable s’ils n’arrivaient pas à y faire leur pelote une fois démobilisés.
L-P respirait. Apparemment, personne de sa famille n’était en Indochine et il n’y avait là-bas qu’une cavalerie insignifiante. Il se serait fait encore moins de souci s’il avait su que cette opération avait été élevée à un niveau de Secret défense tel qu’à part Sauvin, De *** et deux ou trois officiers d’état-major, personne ne savait qu’elle avait lieu. Comme disait Sauvin, quand il y a deux personnes dans un secret, ça fait au moins une de trop.
Pendant le voyage, Dio, qui avait du temps de libre, en profita pour lire beaucoup – tout ce qu’il put trouver, en fait, des romans de S.A. Steeman au règlement maritime.
………
Toute la bande débarqua finalement à Rangoon (Birmanie). Personne n’avait déserté ou sauté par-dessus bord. Tous s’étaient fait une raison et puis la chaleur tropicale paraissait bien agréable.
Une rame de camions les attendait au pied de la passerelle pour les conduire à Myitkyina (quel nom !) et leur éviter toute tentation de se tromper de chemin. Il y avait aussi un peloton de MP britanniques (pas spécialement pour eux, juste au cas où). Heureusement, le cas ne fut pas, mais bien sûr, plus par affection pour les cadres que par respect pour « une bande de *** d’Angliches ».
Les camions roulèrent tout l’après-midi et une partie de la soirée. Le pays était charmant quoiqu’humide, les filles portaient des habits colorés et ils avaient même vu des éléphants. À la fin du parcours ils se retrouvèrent aux abords de la ville susdite dans une caserne britannique typique, telle que le régime colonial en avait semées un peu partout. Des bâtiments à un étage en bois, encerclant une vaste place d’armes. Un sergent-major les conduisit à leurs cantonnements et tout le monde se mit au lit, protégé par sa moustiquaire. Drôle de pays, grommelaient certains – mais d’autres étaient séduits et le Fernand était aux anges, il retrouvait l’Asie.
Au petit-déjeuner, le lendemain matin, ce n’était plus drôle du tout. Du thé au lieu du café, pas de problème, depuis l’Algérie ça passait très bien (même si le thé d’Inde changeait du thé à la menthe). Un toast grand comme une carte à jouer avec de la margarine, pourquoi pas. Mais du porridge dans de grands bols ! Ils n’étaient pas des chevaux, quand même.
La matinée fut laissée libre pour déballer les équipements pendant que les cadres se rendaient au commandement pour obtenir de plus amples informations. En fait une partie des l’instruction ne devaient commencer qu’en août. Il s’agissait d’officiers français venant de « Sparrowhawk Base » ou Base Epervier (entendez Dien-Bien-Phu) et connaissant l’Indochine comme le fond de leur poche. En attendant, ils étaient à la disposition des Anglais pour recevoir une formation adéquate aux armes et au combat en jungle.
A midi, le mouton bouilli sauce à la menthe acheva d’énerver les plus placides. Faire la guerre d’accord, mais dans ces conditions ça devenait impossible.
L’après-midi, les instructeurs britanniques eurent pour leur premier cours une classe particulièrement rétive. Ils décidèrent de commencer à les attendrir en les emmenant faire de la course à pied en tenue. Au bout de quinze bons kilomètres, pardon, dix miles, les Français demandèrent ce qu’il y avait au programme après cet mise en jambes (vu la température, un échauffement semblait superflu). Et là les plus lucides parmi les drill-instructors se dirent que leurs élèves étaient un peu spéciaux – la République française ne leur avait pas envoyé des troufions standards, perfide Marianne !
On finit par transiger sur la nourriture. Les Anglais en restaient à leur régime national, qui expliquait certainement pourquoi ils n’avaient plus été envahis depuis Guillaume le Conquérant, les Français se mirent au régime local. Riz au curry, bananes et beaucoup de thé. Au début, leurs intestins protestèrent, puis ils s’adaptèrent (parfois avec l’aide de boulettes d’opium, en cas de dysenterie, recette locale).
Ils étaient censés recevoir une formation technique et tactique complète avant d’aborder la vie en jungle, c’était ce que prévoyait « the rulebook ». Mais quand le drill sergeant Gruffyd (des Gardes gallois de Sa Majesté) vit un fusilier toucher debout à 400 yards au deuxième tir, il fut enchanté et se dit qu’on pouvait raccourcir la formation technico-tactique. Du haut de ses 28 ans de service, il se rappelait qu’avant-guerre (avant l’Autre guerre), le fusilier britannique devait toucher sa cible d’un pied sur deux 8 fois sur 10 à 400 yards dans les trois positions. Hélas, en combat de jungle, la distance de tir moyenne était de cent pieds à peine (un peu plus de 30 yards, vous suivez ?). Il l’expliqua aux Forbin et, sous sa houlette, ceux-ci s’entraînèrent à ce type de combat.

Retour à la case Entraînement
Dans une première phase, il fallut remettre à niveau les procédures après chaque exercice. Les intervalles devaient être plus rapprochés et la plus grande prudence observée pour les axes de tir. On en restait à l’équipe de 8 hommes, mais avec un armement modifié. Généralement un FM, deux fusils avec lance-grenade, le reste équipé avec des carabines USM1. Certains prônaient la Thompson, mais son poids et son encombrement la désavantageaient. On mit aussi la main sur quelques fusils à pompe qui étaient chargés systématiquement avec des pellets de 8mm. En cas de contact sur l’avant, le porteur tirait tout son chargeur, soit en moyenne 8 coups à 25 pellets, au total 200 projectiles de 8 mm qui partaient en moins de trois secondes. De quoi donner à réfléchir au Japoniais le plus obtus.
Le matin avant le breakfast, tout l’effectif faisait un peu de sport. C’est-à-dire que chacun prenait une machette et qu’on allait pendant 30 minutes s’entraîner à layonner – tailler la route dans la jungle. Il fallait faire très attention à bien positionner ses jambes, la forte sur l’avant pour éviter de se blesser par inadvertance. Tous les hommes comprirent vite l’intérêt de disposer d’une pierre à aiguiser, ceux qui venaient du monde paysan montrant plus de dispositions que les citadins. La jungle était telle que d’une semaine à l’autre les layons creusés disparaissaient et qu’il fallait les rétablir.
Après le breakfast (et la quinine o-bli-ga-toire, le Fernand le répétait à qui voulait l’entendre et surtout à qui ne voulait pas), la matinée se passait en séance d’entraînement au tir, au corps à corps et aux explosifs. Les artificiers apprenaient en particulier à cisailler les troncs d’arbres à coups de plastic.
Un jour, les tireurs découpèrent toute une série de cibles en bois format humain debout, assis ou couché. Elles furent installées dans un secteur de jungle, au milieu d’une végétation plus ou moins épaisse. Un groupe de 8 hommes ouvrit alors le feu en direction du dit secteur, mais à l’aveuglette. Chacun vida un magasin, puis on alla au résultat. Ce fut riche d’enseignements ! Les cibles comportaient peu d’impacts : les soldats ont tendance à tirer trop haut, on refit passer l’ordre de tirer bas ; de la même façon, dans un balayage en ciseaux, le centre risque d’être plombé à outrance et les ailes négligées, il faudrait travailler ça. Enfin, confirmation de l’expérience acquise : quand le tronc fait un mètre, on peut s’estimer à l’abri, sinon… Non. Dont acte.
En général, les hommes faisaient la sieste de 14 à 17h00. Ils devaient s’acclimater au pays et les instructeurs voulaient éviter les coups de chaud.
En fin de journée, c’était radio, cryptage, lecture de carte et navigation à la boussole. Une ou deux fois par semaine avait lieu un exercice de nuit. Il commençait toujours par une heure d’attente en hérisson pour acclimater la vue, avant tout déplacement.
Les déplacements se comptaient en heures de marche. Layonner éreintait les plus costauds. Hormis trois ou quatre totalement increvables, trois Algériens tous secs et un Picard bien rond, les layonneurs devaient être relevés toutes les 15 minutes.
Une section se divisait en quatre équipes. Une ouvrait la piste, une assurait la couverture, les deux autres portaient les sacs. On fit plusieurs kriegspiels, section contre section, et il apparut qu’elles pouvaient se croiser sans se voir à moins de 200 mètres l’une de l’autre. Là c’était le bruit, donc l’écoute, qui devenait déterminant.
Les gros brodequins de cuir tenaient mal la jungle. Il fallait les graisser très régulièrement, mais ils finissaient par blesser quand même les pieds, à cause de l’humidité permanente qui ramollissait les chairs. Un Australien leur donna un truc de son pays : chaque soir, uriner dans une bassine avant d’y tremper les pieds cinq minutes. On essaya avec bonne volonté, mais, tant qu’à imiter les Australiens, on préféra leur emprunter leur chapeau. C’est un cordonnier du Jura qui apporta la solution pour les pieds. Après observation des sandales locales, il en fabriqua une version à base de vieux pneus. Les orteils étaient protégés, de même que le talon. La semelle était crantée. Le tout évacuait bien l’eau et marchait pas mal. On fit remonter l’idée le long de la chaîne alimentaire, jusqu’à donner naissance, peu après la guerre, aux premières Pataugas, semelle caoutchouc et corps en canevas.
Le soldat ***, qui décousait toutes ses poches de pantalon depuis un malheureux incident en Italie, remarqua qu’il s’accrochait beaucoup moins souvent que les copains aux branches et aux aspérités du terrain. Il poussa sa réflexion un peu plus loin et décousit de sa veste toutes les poches, épaulettes et boutons. Encore deux jours de tests et lors d’une permission il se rendit chez un tailleur local pour se faire faire un pyjama en treillis, avec haut à manches longues (attention aux moustiques, leur avait-on dit et répété). Le tailleur fut bien un peu surpris mais avec ces barbares occidentaux, il fallait s’attendre à tout. Le pyjama était une excellente solution. Il protégeait en partie de la vermine de la jungle (en partie – le soir il fallait quand même se débarrasser des sangsues avec du jus de tabac), mais il n’accrochait plus rien. Tout le monde fut admiratif. Quand Dio regretta la disparition des poches, presque toute la compagnie plancha dessus. C’est un marin qui proposa de mettre une poche de poitrine avec un rabat boutonné et deux poches internes sur les flancs. La tenue restait lisse mais permettait d’emporter des cartes, de quoi faire du feu, un couteau pliant et un kit sanitaire. Les grades étaient brodés sur les manches.
Les tailleurs locaux qui reçurent la commande de deux cents uniformes avec cinq jours de délai mirent ensuite deux semaines à s’en remettre, mais tous les hommes de la compagnie devaient disposer de deux pyjamas de combat complets. A l’expérience, on remarqua que ces nouvelles tenues si lisses permettaient même de progresser en jungle sans devoir layonner, simplement en se glissant à travers la végétation. Évidemment, les premiers à essayer se perdirent au bout de trois kilomètres. Il fallait renforcer encore les compétences de navigation. Il y eut des hommes pour parler du fil d’Ariane et du petit poucet, mais sans succès.
Pour l’équipement, on travaillait aussi dans le léger, si possible. Ceinturon avec bretelles, sur lequel étaient fixés les chargeurs, le couteau de camp, parfois un coupe-coupe raccourci, deux gourdes et deux grenades. L’usage des grenades en jungle nécessitait des précautions à cause des nombreux obstacles végétaux, mais elles permettaient de monter des pièges intéressants. Un poncho était attaché sur les reins. Le reste du matériel allait dans le sac à dos, y compris une musette pour les phases de combat.
Au bout d’un mois de travail, le « SpecDet 113 » était parfaitement acclimaté, il attendait ses instructeurs d’Indochine. Quand ceux-ci arrivèrent, la compagnie leur fut présentée dans sa tenue de campagne. « Mais, ils ne sont pas réglementaires du tout ! » s’exclama un colonel d’infanterie. « De toute façon, les Japonais ne respectent pas la convention de Genève, mon colonel, alors on s’en fout, non ? » répondit un lieutenant-colonel des Marsouins.

L’Indo expliquée aux novices
Les cadres d’Indochine passèrent deux semaines à donner des cours sur le pays et les mœurs.
Il y avait une foule d’ethnies en Indochine, les Vietnamiens n’en étaient que la principale, suivis par les Laos et les Khmers. Ensuite, il y avait une cohorte de peuples montagnards plus ou moins mâtinés de Chinois. Dans l’ensemble, plus ils étaient primitifs (sans connotation péjorative), plus ils étaient faciles à vivre. S’ils ne vous aimaient pas, ils vous tuaient, point final.
Les Khmers étaient de braves bougres souriants, avec une saine cruauté, pas vicieux. Les Laos étaient coulants, c’est le mot le plus efficace pour les décrire. La guerre chez eux, c’était presque une impolitesse. Les Vietnamiens étaient partagés. La Face représentait beaucoup pour eux. Il fallait surtout éviter de les vexer. Ils étaient cruels avec imagination, la liste des tourments qu’ils étaient capables d’infliger était terrifiante. Ils étaient fidèles à quelques conditions. Il valait mieux être parmi les vainqueurs, mais il valait encore mieux garder la Face et son Honneur.
Par ailleurs, l’argent métal était une monnaie reconnue par tous les autochtones – inconvénient, ça pesait son poids.
Il y avait chez les Indochinois, quels qu’ils soient, toute une bourgeoisie nationaliste qui n’attendait que le départ des Français. Il y avait aussi des sectes religieuses, qui n’étaient pas trop francophiles. Et puis un parti communiste, qui n’aimait pas les bourgeois ni les religieux mais voulait aussi éjecter les Français. Bref c’était, selon les mots d’un ex-inspecteur de la Sûreté de Saigon, « un vrai panier de crabes ». La chance des Français, c’était qu’ils avaient été battus sans perdre la face, au contraire, que les Viets détestaient encore plus les Japonais que les Français (surtout après certains épisodes de répression aveugle fort sanglants), enfin que le gouvernement d’Alger leur avait promis en 41-42, par la voix de De Gaulle puis de Jean Sainteny, l’octroi dès la fin de la guerre d’un régime de Home Rule… pour commencer.
Du point de vue tactique, la remarque la plus intéressante fut celle d’un vieil officier colonial qui avait fait la piste Pavie dans les années trente : « La jungle est neutre. Elle n’est pas plus votre ennemie que celle des Japonais. D’abord vous devez apprendre à y vivre. Une fois que vous la maîtriserez, vous pourrez y combattre. » En résumé, dit-il, faire la guerre dans la jungle, c’est d’abord trouver un abri, ensuite de quoi se nourrir et puis on fait la guerre dans le temps qui reste. « C’est comme dans le maquis, quoi » dit une recrue récente du 113e. Tout juste !
………
La deuxième semaine, les cours eurent lieu, mais la compagnie fut priée de se loger dans la jungle. Elle reçut des rations pour trois jours, le solde était à trouver sur place.
Au bout de huit jours, le colonel Merthyludfyllpembroke (oui, un Gallois lui aussi, pourquoi ?) vint en inspection afin de voir si ces « bloody Frenchies » pouvaient être lâchés dans la jungle en opération. Il pleuvait doucement et il se félicitait de la qualité de son waterproof, preuve bien connue de la supériorité de la civilisation anglo-saxonne. En approchant du lieu de bivouac avec son ordonnance et son aide de camp, il se demandait s’il y avait une sentinelle et dans quel état il trouverait le SpecDet 113, après une semaine de jungle. A ce moment, une voix venue de nulle part leur intima sèchement l’ordre de s’arrêter et de s’identifier. Ils répondirent tout en observant le terrain aux alentours sans rien voir. La voix recommença à parler pour indiquer que le campement était encore à plus ou moins deux cents mètres, pardon, yards.
Sans rien voir de plus, les trois Britanniques continuèrent jusqu’au bivouac. C’est uniquement à la qualité de leur éducation qu’ils durent de ne pas tourner de l’œil devant le spectacle qui s’offrit à eux.
Dans une grande clairière, il y avait de longues maisons en bambous, dont le plancher planait bien deux mètres au-dessus du sol. Plusieurs foyers étaient allumés, dont certains où semblaient rôtir des enfants (des singes en réalité). Sur les autres, on faisait bouillir de l’eau pour le thé, ou l’on fumait du poisson. Mais le plus singulier, ce n’était pas cette vision quasi rurale, mais le fait que presque tous les hommes se baladaient en caleçon (tant qu’à être mouillé, autant garder ses habits secs pour le soir, où il fait plutôt froid).
Sitôt les inspecteurs repérés, un soldat se mit à frapper sur un bambou vide (un tambour local). Deux minutes plus tard, toute la compagnie était sur les rangs, avec armes et équipement, mais toujours en caleçon.
À l’inspection, l’effectif était en pleine forme – il y avait juste trois pâlots, qui avaient abusé d’un curry de singe aux bananes trop bon pour en laisser perdre.

En route…
Le Det Spec 113 reçut sa qualification jungle avant d’avoir droit à une permission à Rangoon. Là, il y eut inévitablement des heurts entre MP et soldats en goguette, même s’ils prirent garde à respecter les coutumes locales (mais la réglementation des bars n’était pas une coutume locale). Il y eut aussi des échanges soutenus avec des pilotes et mécaniciens des Tigres Volants, qui suivaient eux aussi un stage d’adaptation à Myitkyina avant de s’envoler pour Dien-Bien-Phu ou pour la Chine. Plusieurs Texans figuraient en effet dans les rangs des aviateurs, et la réputation du 113e n’était pas encore parvenue de ce côté du globe. Pire : depuis l’affaire de la 7e Compagnie, les gars du 113e estimaient que les aviateurs texans étaient encore pires que les autres natifs du Lone Star State.
Le jeune pilote Sonny Tuckson, jouant de malchance (peut-être parce que ses cheveux roux en faisaient une bonne cible), se fit assommer cinq fois d’affilée dans cinq bars différents. Le lendemain, deux de ses amis pilotes (mais pas Texans) vinrent s’en plaindre et l’on trouva un modus vivendi : tous les Texans volontaires auraient le droit d’affronter l’un des Français en combat singulier, sur un ring de boxe. Il fut décidé que Myitkyina serait un terrain neutre.
Jetons un voile pudique sur ces affrontements qui firent gagner des fortunes aux bookmakers locaux (et au Mexicain)…

22 août 1944, Myitkyina – Au petit matin, les DC-3 transportant les Forbin s’envolèrent vers Sparrowhawk Base escortés par les chasseurs des Tigres Volants (hé oui, fini de s’amuser, il fallait se remettre au boulot).
« Damnés fous, même pas assez intelligents pour avoir peur d’aller là où on les envoie » soliloquait le chef des opérations spéciales de Birmanie en voyant s’envoler les appareils. Il avait encore dans les oreilles les plaintes d’un médecin de la place, menacé de mort et même pire par deux soldats qu’il voulait exempter d’opération pour raison médicale.
– Je ne crois pas qu’ils soient fous, mon colonel, observa son adjoint. Il y a déjà quelques années, ils ont décidé que ne pas se battre jusqu’au bout pour leur patrie et les idéaux qu’elle représente serait de la folie. Je crois surtout qu’ils sont terriblement orgueilleux, même s’ils le cachent sous toutes leurs bizarreries, comme par pudeur.
– Si vous le dites… C’est vrai que vous aviez l’air de connaître certains d’entre eux, le grand Noir notamment. Il m’a semblé qu’il avait, comme vous, ce drôle d’écusson sur votre manche, qui ressemble à une roulette et une bouteille de champagne. Je croyais que c’était un insigne de votre Public School…
– Pas exactement, mon colonel. C’est un insigne… commémoratif, vous savez.
– Je vois. Bien, si nous prenions un brandy, à la santé de vos bloody froggies ?
– Pas à cette heure-ci, mon colonel !
– Damn. Vous avez raison, nous attendrons ce soir.
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Capu Rossu



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MessagePosté le: Jeu Aoû 16, 2012 20:41    Sujet du message: Répondre en citant

Bonsoir Franck,

Citation:
Je pense qu’il y a eu régulièrement apport d’un cheptel moins noble, qui nous a évités de dégénérer,


Citation:
De *** tentait encore en vain de trouver une solution au problème,

Citation:

Les pires avaient été commis par un nommé Naudin Fernand et son complice habituel, surnommé le Mexicain parce qu’il avait, avant la guerre, fait des affaires au sud du Rio Grande, ces deux-là menaient le bal.


Citation:
les Français demandèrent ce qu’il y avait au programme après cette mise en jambes


Citation:
De quoi donner à réfléchir au Japonais le plus obtus.


Citation:
On fit remonter l’idée le long de la chaîne alimentaire, jusqu’à donner naissance, peu après la guerre, aux premières Pataugas, semelle caoutchouc et corps en canevas.


Euh ! Pourquoi "alimentaire" ?

Citation:
suivis par les Laotiens et les Khmers


Citation:
Les Laotiens étaient coulants, c’est le mot le plus efficace pour les décrire.


Citation:
les gars du 113e estimaient que les aviateurs texans étaient encore pires que les autres natifs du Lone Star State.


Je suggères une note pour expliquer le surnom de l'état du Texas.

@+
Alain
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Jeu Aoû 16, 2012 21:00    Sujet du message: Répondre en citant

Merci Capu Rossu, mais :
- qui nous a évité de dégénérer - est correct ("nous" est COI et non COD)
-"Japoniais" est volontaire. Il vaut mieux mettre un (sic), sans doute.
- Il ne s'agit pas des Laotiens mais des Lao, ethnie du vietnam.
_________________
Casus Frankie

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marc le bayon



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MessagePosté le: Jeu Aoû 16, 2012 21:19    Sujet du message: Répondre en citant

Et je crois que le mot "alimentaire" est du second degré...
_________________
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