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JPBWEB

Inscrit le: 26 Mar 2010 Messages: 4508 Localisation: Thailande
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Posté le: Mer Nov 27, 2024 15:37 Sujet du message: Opinion sur Lord Louis Mountbatten |
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Lu dans l'excellent The D-Day Companion: Leading Historians explore history's greatest amphibious assault, publié par Osprey Publishing; First Edition (26 April 2004), sorte d'encyclopédie du Jour J, cette reflexion sur le personnage très controversé que fut Lord Louis Mountbatten
Citation: | Une génération après qu'il ait été assassiné par l'IRA, la controverse continue de tourbillonner autour de Louis Mountbatten.
Nommé à la tête des Opérations Combinées en 1941, le capitaine de vaisseau de 40 ans se trouvait au bas d'une courbe d'apprentissage abrupte. Mountbatten a fait des erreurs aux Opérations Combinées - la plus grave étant l'Opération Dieppe - mais ses critiques négligent le fait que sans sa combinaison d'enthousiasme vigoureux, d'ouverture d'esprit intellectuelle et de connexions politiques et sociales, la main morte de la bureaucratie britannique, assistée par la rivalité inter-services, aurait imposé des retards paralysants aux préparatifs des opérations amphibies.
L'inefficacité de la planification britannique était telle qu'il est difficile de voir comment une opération aussi compliquée qu'OVERLORD aurait pu voir le jour sans quelqu'un comme Mountbatten pour mettre la machine en marche. |
C'est un point de vue assez juste, à mon sens. Le personage est complexe, et si j'avais une chose à lui reprocher dans son long parcours militaire et politique, ce serait plutôt son rôle de dernier Vice-Roi des Indes, dans lequel il fut lamentable. _________________ "L'histoire est le total des choses qui auraient pu être évitées"
Konrad Adenauer |
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Archibald

Inscrit le: 04 Aoû 2007 Messages: 10477
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Posté le: Mer Nov 27, 2024 15:43 Sujet du message: |
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https://www.youtube.com/watch?v=Wp8BjCohhkw
J'adore cette série, même s'ils prennent de sacré raccourcis avec la réalité des faits historiques... _________________ Sergueï Lavrov: "l'Ukraine subira le sort de l'Afghanistan" - Moi: ah ouais, comme en 1988.
...
"C'est un asile de fous; pas un asile de cons. Faudrait construire des asiles de cons mais - vous imaginez un peu la taille des bâtiments..." |
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demolitiondan

Inscrit le: 19 Sep 2016 Messages: 11023 Localisation: Salon-de-Provence - Grenoble - Paris
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Posté le: Lun Jan 27, 2025 22:13 Sujet du message: |
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En général, je n'ai que peu d'intérêt pour les Mémoires des généraux. Ouvrages en attaque ou en défense, écrits bien après la guerre - et souvent par des nègres 'aide-de-camps' - dans des buts mémoriels précis, elles ne sont que rarement une source fiable allant au-delà de l'anecdote.
Ceci étant, nous avons chez moi, à Salon-de-Provence, le festival du livre historique chaque été (merci le chateau de l'Ampéry) et que M. VILLATOUX était assez aimable pour dédicacer cette édition, je ne pouvais qu'y donner suite.
Ceci étant dit, qu'est ce qu'il y a là dedans au juste ?
Déjà, ce qu'on peut dire, c'est que Monty a un style clair. A moins que le traducteur soit bon. Mais c'est très peu ampoulé, et léger à lire. Un bon point donc, pour éviter les longueurs romantiques désagréables. Il a aussi un but évident, qu'il ne cache pas - ceci dès son avant-propos qui se termine par le mot 'Vrai'. Le maréchal est là pour dire sa vérité, parfois aimable, souvent caustique, régulièrement de mauvaise foi mais toujours documentée.
Monty démarre son oeuvre comme une autobiographie. C'est rare. Il parle assez sobrement de sa vie de fils de colon, des errements, de son placement en School et des petites korneries qu'il y fit. La première guerre mondiale est pour lui un choc violent. Il évoque longuement les offensives sans but visible, les morts, l'éloignement extrême du commandement - ca le marquera. Après 1918, il se marie et a un fils - sa femme, plus agé, meurt ensuite, le laissant dans un état de douleur terrible. Monty s'âbime dans le travail, placant son gosse chez des amis. On retrouve déjà là la base de sa méthode. Des valeurs qu'il met ostensiblement en valeur tout au long du livre, et qui lui vont assez bien : travail, autorité et volonté de se faire comprendre.
En 1939, Monty se donne le bon rôle : celui qui avait vu l'impéritie totale du BEF (et un peu de l'armée française, mais il ménage pour une fois les suceptibilités). Sa division est la seule intacte après Dunkerque - il acquiert une stature centrale et l'oreille de Churchill, ce qui lui permet d'influer sur la remise en branle de l'armée britannique.
Après, ca se gâte : bombardé à la 8th Army en remplacement d'un Claude Auchinleck qu'il n'hésite pas à décrire comme un planqué gérant de loin une armée valeureuse mais non encadrée, Monty arrive avec des idées claires que l'on a déjà vu dans la chrono. Alam Halfa, El Alamein. Le maréchal a le beau rôle et prétend que les faiblesses de Rommel étaient évidentes. Suivra la Tunisie et les premiers contacts avec Eisenhower - un homme avec qui il aura des rapports rugueux mais qui sera jusqu'à la fin (et selon lui) son plus grand ami avec Brooke et Churchill. Sa doctrine de commandement est simple : calculer un grand plan, céder les détails à l'EM, prendre de la hauteur de vue, se faire voir de la troupe, booster le moral, faire accepter des sacrifices en montrant que l'on considère. Il faut bien avouer que ca marche ...
L'Afrique tombée, il faut ensuite convenir d'un plan, justement, pour la suite. Montgomery s'heurte alors de front avec les américains, et prétend avoir eu, lui, un plan ou au moins une proposition de plan cohérente face à des US qui réagissaient surtout aux événements politiques. Les deux versions ne sont peut-être pas contradictoires ... D'aucuns diraient souplesse et audace, lui dit planification et sérieux. Avec une équipe soigneusement choisie (des noms vus dans la chrono), hiérarchiquement fidèle, et une organisation minutieuse mais intangible - la sienne.
Le même sujet se répétera bien sûr en Normandie, puis lors de la fameuse controverse avec Patton pendant Market Garden. Ici, Monty frise la mauvaise foi ridicule quand il prétend que son piétinement devant Caen était parfaitement calculé, issu d'une stratégie destinée à ouvrir la porte aux américains sur sa droite avant de rabattre tout le monde vers Falaise. Evidemment, on n'en trouve pas trace avant juillet-aout. Au surplus, le maréchal compare longuement les pertes et les effectifs engagés/opposés afin de démontrer que l'armée britannique s'est bien battue. En tout cas mieux que l'US Army. Revanchisme, quand tu nous tiens.
Monty ne s'attarde pas trop sur Market Garden. Il maintient, avec une certaine justesse d'esprit manquant quelque peu de recul, sa vision valide en principe d'une percée par le flanc Nord. Une controverse qu'on retrouve d'ailleurs dans la chrono FTL pour ceux qui suivent ... Et sur les Ardennes, il se veut lancer d'alertes (facile .. il n'était pas le seul !) pour ensuite charitablement appuyer sur la bonne performance de Bradley une fois sous ses ordres.
Le reste est émotion : sa vive et visible satisfaction lors de la capitulation. Ses rapports avec les autorités d'occupation allemande, puis les soviétiques, en tant que gouverneur militaire (je ne vais pas divulgacher, on y viendra ...). Quelques anecdotes croustillantes sur les tentatives russes de le dévergonder - vu son caractère comme ses préventions, c'était mal parti, pour Rokossovski comme Joukov.
Après guerre, Montgomery atteint le sommet : Whitehall, chef d'état-major de l'armée de terre britannnique, à égalité avec Cunningham (pour la RN) et Tedder (pour la RAF). Il épargne bien Attlee (travailliste sachant au moins écouter) mais égratigne méchamment l'ensemble de ses collègues, incapables de décision, prompt à la négociation cachée, cherchant avant tout à mettre de la poussière sous le tapis - eux ou les ministres de la Défense d'ailleurs. Il ne se fait pas des amis ... rétrospectivement, il remarque par contre avec des moments d'ironie acide que l'ensemble de ses suggestions auront finalement été suivies ... en 1957. Tort d'avoir eu raison trop tôt ? Ou infect radoteur voulant imposer ses idées ? Là encore, les deux solutions ne sont pas contradictoires. Ajoutons au surplus de nombreuses tournées en Colonies ou mandats (il se montre très critique envers la politique d'apaisement en futur Israel) et quelques tentatives de négociations plus ou moins 'backées' (mais jamais cachées ...) avec Truman et Staline et l'on comprend que l'homme a une vision extensive de son poste.
Londres se débarrasse de lui en un magnifique placard : commandant des armées de l'alliance occidentale (le proto-OTAN sans les US ... reconnaissons ici à Monty le soin et la volonté de défendre les alliés européens donc la France dès le premier jour de l'invasion - simple question de crédibilité), puis commandant en second de l'OTAN sous Ike, Ridgway (mal passé, ca ... très mal même) puis Alfred Gruenther. Monty montre ici une approche politique naive mais techniquement valide de l'OTAN. Considérant que chacun des pays n'aura jamais les moyens d'aligner seul une armée complète à même de concurrencer l'URSS et que l'alliance ne tient que par l'interdépendance, il se fait l'avocat d'une spécialisation des armées.
Jamais tenté par la politique, Monty prend sa retraite et se retire dans son moulin, avec ses Bedfords aménagés garés à côté. Ce même moulin aujourd'hui ruiné, et c'est bien dommage. Dans ces derniers chapitres, il ne cache pas son pessimisme sur les relations avec l'Est et livre quelques phrases bien senties qui résonnent bizarrement de nos jours :
On comprend (...) que l'OTAN est une organisation qui gaspille terriblement l'argent et les efforts et où bien des choses font double-emploi. (...) Nous avons atteint un stade où la Russie a dû faire le compte d'une aggression armée contre l'alliance occidentale et où elle l'a trouvé trop onéreuse pour elle - en tout cas pour le moment. Elle a, en conséquence, reconsidéré sa politique. (...)L'alliance occidentale est née de la crainte d'une agression venant de l'Est. La peur est le constituant de base du ciment qui maintient cette alliance. Mais aucune alliance basée sur la peur n'a jamais duré, ni ne durera jamais, parce que dès que la peur diminue, le ciment commence à s'effriter. Les nations du monde libre (...)seraient bien inspirées de (...)cesser de parler de coopération du bout des lèvres, sans que le coeur y soit. (...) Cette politique inconsistante des Etats-Unis a beaucoup contribué à l'affaiblissement de la position stratégique de l'occident. Elle pourrait aboutir, si elle continue, à l'effondrement de l'alliance occidentale. (...) L'unité occidentale est la seule chose que redoutent les russes et tous leurs plans sont concus dans ce but essentiel : l'empêcher. L'unité de l'Occident doit être restaurée à tout prix
Un recueil de souvenirs (avec de nombreux extraits de documents qu'il prend plaisir à ressortir), visiblement aussi réfléchis que sincères, qui n'aura pas fait plaisir à tout le monde. Le Foreign Office tenta de le dissuader de publier. Eisenhower, furieux, aurait semble-t'il envisagé très sérieusement d'enfermer tout son ancien EM dans Camp David pour bucher sur un mémoire en réponse. Et Churchill, de son côté, n'était plus là pour avoir le mot de la fin.
Littérairement pas mal, indéniable instructif. _________________ Quand la vérité n’ose pas aller toute nue, la robe qui l’habille le mieux est encore l’humour &
C’est en trichant pour le beau que l’on est artiste |
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Anaxagore
Inscrit le: 02 Aoû 2010 Messages: 10952
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Posté le: Lun Jan 27, 2025 23:28 Sujet du message: |
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J'ai toujours beaucoup aimé Monty... alors même que je comprends très bien qu'il est égocentrique, de mauvaise foi et tout simplement in supportable. _________________ Ecoutez mon conseil : mariez-vous.
Si vous épousez une femme belle et douce, vous serez heureux... sinon, vous deviendrez un excellent philosophe. |
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Le Chat

Inscrit le: 12 Jan 2020 Messages: 380
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Posté le: Mar Jan 28, 2025 07:55 Sujet du message: |
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demolitiondan a écrit: |
En général, je n'ai que peu d'intérêt pour les Mémoires des généraux. Ouvrages en attaque ou en défense, écrits bien après la guerre - et souvent par des nègres 'aide-de-camps' - dans des buts mémoriels précis, elles ne sont que rarement une source fiable allant au-delà de l'anecdote.
Ceci étant, nous avons chez moi, à Salon-de-Provence, le festival du livre historique chaque été (merci le chateau de l'Ampéry) et que M. VILLATOUX était assez aimable pour dédicacer cette édition, je ne pouvais qu'y donner suite.
Ceci étant dit, qu'est ce qu'il y a là dedans au juste ?
Déjà, ce qu'on peut dire, c'est que Monty a un style clair. A moins que le traducteur soit bon. Mais c'est très peu ampoulé, et léger à lire. Un bon point donc, pour éviter les longueurs romantiques désagréables. Il a aussi un but évident, qu'il ne cache pas - ceci dès son avant-propos qui se termine par le mot 'Vrai'. Le maréchal est là pour dire sa vérité, parfois aimable, souvent caustique, régulièrement de mauvaise foi mais toujours documentée.
Monty démarre son oeuvre comme une autobiographie. C'est rare. Il parle assez sobrement de sa vie de fils de colon, des errements, de son placement en School et des petites korneries qu'il y fit. La première guerre mondiale est pour lui un choc violent. Il évoque longuement les offensives sans but visible, les morts, l'éloignement extrême du commandement - ca le marquera. Après 1918, il se marie et a un fils - sa femme, plus agé, meurt ensuite, le laissant dans un état de douleur terrible. Monty s'âbime dans le travail, placant son gosse chez des amis. On retrouve déjà là la base de sa méthode. Des valeurs qu'il met ostensiblement en valeur tout au long du livre, et qui lui vont assez bien : travail, autorité et volonté de se faire comprendre.
En 1939, Monty se donne le bon rôle : celui qui avait vu l'impéritie totale du BEF (et un peu de l'armée française, mais il ménage pour une fois les suceptibilités). Sa division est la seule intacte après Dunkerque - il acquiert une stature centrale et l'oreille de Churchill, ce qui lui permet d'influer sur la remise en branle de l'armée britannique.
Après, ca se gâte : bombardé à la 8th Army en remplacement d'un Claude Auchinleck qu'il n'hésite pas à décrire comme un planqué gérant de loin une armée valeureuse mais non encadrée, Monty arrive avec des idées claires que l'on a déjà vu dans la chrono. Alam Halfa, El Alamein. Le maréchal a le beau rôle et prétend que les faiblesses de Rommel étaient évidentes. Suivra la Tunisie et les premiers contacts avec Eisenhower - un homme avec qui il aura des rapports rugueux mais qui sera jusqu'à la fin (et selon lui) son plus grand ami avec Brooke et Churchill. Sa doctrine de commandement est simple : calculer un grand plan, céder les détails à l'EM, prendre de la hauteur de vue, se faire voir de la troupe, booster le moral, faire accepter des sacrifices en montrant que l'on considère. Il faut bien avouer que ca marche ...
L'Afrique tombée, il faut ensuite convenir d'un plan, justement, pour la suite. Montgomery s'heurte alors de front avec les américains, et prétend avoir eu, lui, un plan ou au moins une proposition de plan cohérente face à des US qui réagissaient surtout aux événements politiques. Les deux versions ne sont peut-être pas contradictoires ... D'aucuns diraient souplesse et audace, lui dit planification et sérieux. Avec une équipe soigneusement choisie (des noms vus dans la chrono), hiérarchiquement fidèle, et une organisation minutieuse mais intangible - la sienne.
Le même sujet se répétera bien sûr en Normandie, puis lors de la fameuse controverse avec Patton pendant Market Garden. Ici, Monty frise la mauvaise foi ridicule quand il prétend que son piétinement devant Caen était parfaitement calculé, issu d'une stratégie destinée à ouvrir la porte aux américains sur sa droite avant de rabattre tout le monde vers Falaise. Evidemment, on n'en trouve pas trace avant juillet-aout. Au surplus, le maréchal compare longuement les pertes et les effectifs engagés/opposés afin de démontrer que l'armée britannique s'est bien battue. En tout cas mieux que l'US Army. Revanchisme, quand tu nous tiens.
Monty ne s'attarde pas trop sur Market Garden. Il maintient, avec une certaine justesse d'esprit manquant quelque peu de recul, sa vision valide en principe d'une percée par le flanc Nord. Une controverse qu'on retrouve d'ailleurs dans la chrono FTL pour ceux qui suivent ... Et sur les Ardennes, il se veut lancer d'alertes (facile .. il n'était pas le seul !) pour ensuite charitablement appuyer sur la bonne performance de Bradley une fois sous ses ordres.
Le reste est émotion : sa vive et visible satisfaction lors de la capitulation. Ses rapports avec les autorités d'occupation allemande, puis les soviétiques, en tant que gouverneur militaire (je ne vais pas divulgacher, on y viendra ...). Quelques anecdotes croustillantes sur les tentatives russes de le dévergonder - vu son caractère comme ses préventions, c'était mal parti, pour Rokossovski comme Joukov.
Après guerre, Montgomery atteint le sommet : Whitehall, chef d'état-major de l'armée de terre britannnique, à égalité avec Cunningham (pour la RN) et Tedder (pour la RAF). Il épargne bien Attlee (travailliste sachant au moins écouter) mais égratigne méchamment l'ensemble de ses collègues, incapables de décision, prompt à la négociation cachée, cherchant avant tout à mettre de la poussière sous le tapis - eux ou les ministres de la Défense d'ailleurs. Il ne se fait pas des amis ... rétrospectivement, il remarque par contre avec des moments d'ironie acide que l'ensemble de ses suggestions auront finalement été suivies ... en 1957. Tort d'avoir eu raison trop tôt ? Ou infect radoteur voulant imposer ses idées ? Là encore, les deux solutions ne sont pas contradictoires. Ajoutons au surplus de nombreuses tournées en Colonies ou mandats (il se montre très critique envers la politique d'apaisement en futur Israel) et quelques tentatives de négociations plus ou moins 'backées' (mais jamais cachées ...) avec Truman et Staline et l'on comprend que l'homme a une vision extensive de son poste.
Londres se débarrasse de lui en un magnifique placard : commandant des armées de l'alliance occidentale (le proto-OTAN sans les US ... reconnaissons ici à Monty le soin et la volonté de défendre les alliés européens donc la France dès le premier jour de l'invasion - simple question de crédibilité), puis commandant en second de l'OTAN sous Ike, Ridgway (mal passé, ca ... très mal même) puis Alfred Gruenther. Monty montre ici une approche politique naive mais techniquement valide de l'OTAN. Considérant que chacun des pays n'aura jamais les moyens d'aligner seul une armée complète à même de concurrencer l'URSS et que l'alliance ne tient que par l'interdépendance, il se fait l'avocat d'une spécialisation des armées.
Jamais tenté par la politique, Monty prend sa retraite et se retire dans son moulin, avec ses Bedfords aménagés garés à côté. Ce même moulin aujourd'hui ruiné, et c'est bien dommage. Dans ces derniers chapitres, il ne cache pas son pessimisme sur les relations avec l'Est et livre quelques phrases bien senties qui résonnent bizarrement de nos jours :
On comprend (...) que l'OTAN est une organisation qui gaspille terriblement l'argent et les efforts et où bien des choses font double-emploi. (...) Nous avons atteint un stade où la Russie a dû faire le compte d'une aggression armée contre l'alliance occidentale et où elle l'a trouvé trop onéreuse pour elle - en tout cas pour le moment. Elle a, en conséquence, reconsidéré sa politique. (...)L'alliance occidentale est née de la crainte d'une agression venant de l'Est. La peur est le constituant de base du ciment qui maintient cette alliance. Mais aucune alliance basée sur la peur n'a jamais duré, ni ne durera jamais, parce que dès que la peur diminue, le ciment commence à s'effriter. Les nations du monde libre (...)seraient bien inspirées de (...)cesser de parler de coopération du bout des lèvres, sans que le coeur y soit. (...) Cette politique inconsistante des Etats-Unis a beaucoup contribué à l'affaiblissement de la position stratégique de l'occident. Elle pourrait aboutir, si elle continue, à l'effondrement de l'alliance occidentale. (...) L'unité occidentale est la seule chose que redoutent les russes et tous leurs plans sont concus dans ce but essentiel : l'empêcher. L'unité de l'Occident doit être restaurée à tout prix
Un recueil de souvenirs (avec de nombreux extraits de documents qu'il prend plaisir à ressortir), visiblement aussi réfléchis que sincères, qui n'aura pas fait plaisir à tout le monde. Le Foreign Office tenta de le dissuader de publier. Eisenhower, furieux, aurait semble-t'il envisagé très sérieusement d'enfermer tout son ancien EM dans Camp David pour bucher sur un mémoire en réponse. Et Churchill, de son côté, n'était plus là pour avoir le mot de la fin.
Littérairement pas mal, indéniable instructif. |
Merci pour cette recension : une preuve qu'elle est réussie : tu m'as donné envie d'acheter le bouquin pour creuser un peu ! Ca fait écho à un petit essai assez bien fichu dans les Mythes de la 2GM (le titre est un peu / beaucoup racoleur, mais ça se lit très bien), qui fonctionne sous la forme d'idées reçues posées comme des questions. Ici, de mémoire, c'était : "Monty, le pire des généraux alliés ? ".
Un bon post à lire de ta part pour se dégripper les neurones avant la journée de boulot, merci cher racoon ! _________________ "Tout fout le camp, je vous dis : la preuve : Shakespeare a réussi à écrire Henri VIII. Stallone, lui, n'est pas allé au delà de Rocky VI". (Le Chat, P. Geluck) |
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Le Chat

Inscrit le: 12 Jan 2020 Messages: 380
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Posté le: Mar Jan 28, 2025 07:58 Sujet du message: |
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Sinon, dans un style différent, je me suis fait un petit plaisir de Noël : La Seconde Guerre mondiale en 100 cartes". Soit 200 opérations couvrant l'ensemble de la période et des fronts étudiés. Les incontournables sont là, évidemment, mais quelques passages sont intéressants, notamment quelques cartes sur la guerre russo-chinoise. On y retrouve l'appétence de Jean Lopez, qui est à la barre, pour les opérations soviétiques. Le fonctionnement est toujours le même : appliquer la logique opérative formulée par Svetchine aux grandes opérations avec une grille d'analyse supportant une carte de synthèse.
Agréable et instructif !
https://www.lisez.com/livre-cartonne/les-operations-de-la-seconde-guerre-mondiale-en-100-cartes/9782262103798
Je trouve que l'atlas se complète très bien avec un chouette bouquin collaboratif de Jean Lopez et Benoist Bihan, qui prend la forme d'un dialogue éclairé, autour de l'art opératif et de sa genèse :
https://ihedn.fr/les-debats-strategiques/precedents-debats/conduire-la-guerre-entretiens-sur-lart-operatif/ _________________ "Tout fout le camp, je vous dis : la preuve : Shakespeare a réussi à écrire Henri VIII. Stallone, lui, n'est pas allé au delà de Rocky VI". (Le Chat, P. Geluck)
Dernière édition par Le Chat le Mar Jan 28, 2025 09:21; édité 1 fois |
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loic Administrateur - Site Admin

Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 9818 Localisation: Toulouse (à peu près)
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Posté le: Mar Jan 28, 2025 08:26 Sujet du message: |
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C'est vrai que le dernier passage, à la lumière des événements actuels, donne à réfléchir. _________________ On ne trébuche pas deux fois sur la même pierre (proverbe oriental)
En principe (moi) ... |
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