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Hendryk
Inscrit le: 19 Fév 2012 Messages: 3243 Localisation: Paris
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Posté le: Sam Jan 15, 2022 16:42 Sujet du message: Conférence sur l'uchronie à la Cité des Sciences |
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Dans le cadre d'un cycle sur la science-fiction à la Cité des Sciences et de l'Industrie, jeudi a eu lieu une conférence sur l'uchronie. Doivent suivre, le 27 janvier, une autre sur le genre merveilleux-scientifique du début du XXe siècle, puis, le 8 mars, sur les dystopies.
A cette occasion, la co-animatrice, Natacha Vas-Deyre, chercheuse associée au Laboratoire pluridisciplinaire de recherches sur l’imaginaire appliquées à la littérature, a été interviewée:
L’uchronie joue avec le temps et pose la question du sens de l’Histoire
Citation: | L’uchronie a été portée au XXe siècle par des auteurs comme Philip K. Dick ou Robert Harris. Quand le genre s’est-il structuré ?
NATACHA VAS-DEYRES: Le terme « uchronie » apparaît en 1857 sous la plume du philosophe français Charles Renouvier. Composé du préfixe u, qui indique la négation en grec, et du terme chronos, le temps, il théorise une sorte d’utopie temporelle et rassemble les récits qui se déroulent dans un temps qui aurait pu être mais qui n’a pas été. Dans son ouvrage Uchronie : utopie dans l’histoire [publication originale 1876, réédition PRNG, 2013, ndlr] Charles Renouvier réécrit ainsi mille ans d’histoire européenne sans le christianisme et conceptualise un nouveau genre littéraire qui prendra une ampleur extraordinaire au cours du XXe siècle.
Le genre s’engouffre dans la brèche ouverte dans l’ordre des temps par la Révolution française, théorisée par l’historien François Hartog…
NATACHA VAS-DEYRES: Ce n’est pas un hasard si l’uchronie est théorisée au début du XIXe siècle, alors qu’une jeune génération d’auteurs romantiques fantasme sur la figure napoléonienne. Napoélon, c’est le personnage romantique par excellence, qui transgresse les structures sociales, pris dans l’Histoire et brutalement arrêté dans sa course folle. Il a joué un rôle essentiel dans la naissance du genre. Il cristallise l’inventivité qui a structuré l’uchronie.
Si l’uchronie est née il y a 250 ans, la pensée contrefactuelle – qui explore le « non advenu » – est profondément liée à notre capacité de projection…
NATACHA VAS-DEYRES: Absolument. L’uchronie, c’est un jeu avec le temps, une exploration de cette force métaphysique, immatérielle, qui nous échappe. Nous n’avons aucun pouvoir dessus, la seule chose que l’on peut faire, c’est le réinventer à travers la fiction. On peut jouer avec le passé, réécrire le présent et penser le futur. Se projeter dans une autre vie, c’est l’exotisme absolu : « Que serais-je advenu si j’avais fait, dit, choisi…? » L’uchronie pose la question du sens de l’Histoire, elle permet de défaire les nœuds déterministes qui dessinent une sorte de destinée. On a toujours le choix, sauf celui de revenir en arrière, or, l’uchronie permet de gommer les erreurs et de prendre les bons embranchements. C’est une littérature de l’effet papillon. Pascal le résume parfaitement dans sa célèbre phrase : « Le nez de Cléopâtre, s’il eût été plus court, toute la face de la Terre aurait changé. »
L’uchronie pose la question du déterminisme historique…
NATACHA VAS-DEYRES: L’uchronie est née pour satisfaire notre curiosité spéculative. Dans son Science-fictionnaire (Denoël, 1994), Stanislas Barets la présente comme « l’histoire recommencée qui s’exprime par un ”si” ». C’est un sous-genre de la science-fiction dans lequel on crée des branches historiques alternatives à partir d’hypothèses audacieuses : « Et si Hitler avait fait les Beaux-Arts », qui est le postulat du roman d’Eric-Emmanuel Schmitt, La Part de l’autre. L’uchronie réfléchit à ce qu’aurait pu être l’Histoire en mettant en valeur des personnages secondaires, en changeant le cours de certains évènements ou en supprimant des figures emblématiques. Elle offre un très grand espace de liberté qui permet de contourner les résistances historiques et la contrainte temporelle. Elle écrit un déterminisme historique mais totalement imaginatif.
L’uchronie constitue une porte d’entrée vers les littératures de l’imaginaire et vers la mécanique de la prospective…
NATACHA VAS-DEYRES: C’est un genre hybride qui oscille entre la littérature mimétique (puisqu’il part d’une réalité historique) et non mimétique (dans la mesure où il explore des possibilités spéculatives et donc imaginatives). Beaucoup d’auteurs écrivent des uchronies sans le savoir, des récits qui proposent d’accéder à un monde qui aurait pu être. Le steampunk [un sous-genre des littératures de l’imaginaire à l’esthétique victorienne qui place au cœur des révolutions technologiques le charbon et la vapeur, ndlr] illustre bien ce travail d’imagination. Là où l’utopie ou la dystopie proposent de se projeter dans un futur soit idéalisé, soit cauchemardé, l’uchronie repose sur le plaisir de la spéculation, celui d’imaginer une autre vie. C’est un plaisir que l’on retrouve dans les récits qui parlent de mondes parallèles, et plus récemment dans le projet de métavers de Facebook.
L’uchronie se rapproche-t-elle des mécanismes à l'œuvre dans les récits de voyage dans le temps ?
NATACHA VAS-DEYRES: Pas tout à fait. Quand Barjavel écrit Le voyageur imprudent, en 1944, il pose un paradoxe temporel qui suppose qu’en changeant le passé, vous mettez en péril votre existence. Le flux du temps, comme le flot d’une rivière, retrouve toujours son chemin. Les récits de voyage dans le temps mettent en garde contre la tentation de jouer avec les lignes temporelles. Prenez le roman de Poul Anderson, Les Patrouilleurs du temps : la police du temps veille à préserver le cours de l’Histoire. Ces récits préviennent qu’on n’échappe pas à sa destinée temporelle.
L’histoire de France constitue une source inépuisable pour les auteurs d’uchronie. Comment expliquer qu’on ne dénombre pas plus de récits qui réinventent la Révolution française ou l’assassinat d’Henri IV ?
NATACHA VAS-DEYRES: L’histoire de France a été déconstruite et reconstruite sous la IIIe République autour de grands personnages dont on racontait le destin dans les écoles publiques de Jules Ferry. Or ces figures emblématiques pèsent toujours beaucoup dans l’imaginaire des Français. Il est encore hors de question, aujourd’hui, de toucher à certains personnages historiques qui ont quasiment été panthéonisés. Le poids de l’histoire de France pèse sur les épaules des auteurs français. Les Anglo-saxons ont un rapport moins structurel, plus libre au temps et à l’Histoire.
L’uchronie est donc un genre résolument politique…
NATACHA VAS-DEYRES: Les meilleures uchronies racontent les choix politiques et se déroulent pendant de grands conflits. C’est un genre qui regarde l’Histoire avec beaucoup de hauteur et qui renvoie aussi à une question résolument philosophique : est-ce que l’Histoire n’est que la somme de décisions hasardeuses ou est-ce qu’elle a un sens ? |
_________________ With Iron and Fire disponible en livre! |
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demolitiondan
Inscrit le: 19 Sep 2016 Messages: 9378 Localisation: Salon-de-Provence - Grenoble - Paris
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Posté le: Sam Jan 15, 2022 16:56 Sujet du message: |
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Citation: | Les meilleures uchronies racontent les choix politiques et se déroulent pendant de grands conflits. C’est un genre qui regarde l’Histoire avec beaucoup de hauteur et qui renvoie aussi à une question résolument philosophique : est-ce que l’Histoire n’est que la somme de décisions hasardeuses ou est-ce qu’elle a un sens ? |
Merci madame. _________________ Quand la vérité n’ose pas aller toute nue, la robe qui l’habille le mieux est encore l’humour &
C’est en trichant pour le beau que l’on est artiste |
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Finen
Inscrit le: 17 Oct 2006 Messages: 1951
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Posté le: Sam Jan 15, 2022 17:48 Sujet du message: |
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demolitiondan a écrit: | Citation: | Les meilleures uchronies racontent les choix politiques et se déroulent pendant de grands conflits. C’est un genre qui regarde l’Histoire avec beaucoup de hauteur et qui renvoie aussi à une question résolument philosophique : est-ce que l’Histoire n’est que la somme de décisions hasardeuses ou est-ce qu’elle a un sens ? |
Merci madame. |
+1
On ne saurai mieux dire. |
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loic Administrateur - Site Admin
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 9037 Localisation: Toulouse (à peu près)
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Posté le: Sam Jan 15, 2022 19:19 Sujet du message: |
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@Hendryk : et alors, est-ce que tu t'es levé à la fin de la conférence pour présenter la FTL ou alors est-ce que tu lui en a parlé ? _________________ On ne trébuche pas deux fois sur la même pierre (proverbe oriental)
En principe (moi) ... |
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Hendryk
Inscrit le: 19 Fév 2012 Messages: 3243 Localisation: Paris
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Posté le: Sam Jan 15, 2022 19:59 Sujet du message: |
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loic a écrit: | @Hendryk : et alors, est-ce que tu t'es levé à la fin de la conférence pour présenter la FTL ou alors est-ce que tu lui en a parlé ? |
Ce serait en effet intéressant de savoir si elle connait nos travaux.
Je constate qu'elle est aussi impliquée dans le festival des Utopiales de Nantes, peut-être qu'il y aurait quelque chose à creuser de ce côté-là pour nous faire un peu de publicité. _________________ With Iron and Fire disponible en livre! |
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loic Administrateur - Site Admin
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 9037 Localisation: Toulouse (à peu près)
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Posté le: Sam Jan 15, 2022 20:12 Sujet du message: |
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Il doit être faisable de contacter cette personne ? _________________ On ne trébuche pas deux fois sur la même pierre (proverbe oriental)
En principe (moi) ... |
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DMZ
Inscrit le: 03 Nov 2015 Messages: 2788 Localisation: France
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Posté le: Sam Jan 15, 2022 21:51 Sujet du message: |
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Je suis un peu resté sur ma faim avec cette conférence qui nous donne un catalogue de romans uchroniques mais aussi dystoptiques ou de science-fiction, y compris de voyages dans le temps ou encore steampunk. Ça m'a permis de découvrir une foule de titres mais il manquait vraiment une présentation claire de ce qu'était l'uchronie et de son rapport avec l'histoire. Il a fallu attendre les questions des internautes à partir de 1h30 pour que quelques éléments intéressants émergent.
Conférence intéressante pour qui sais ce que sont tous ces styles mais qui a dû laisser les néophytes un peu dubitatifs. _________________ « Vi offro fame, sete, marce forzate, battaglia e morte. » « Je vous offre la faim, la soif, la marche forcée, la bataille et la mort. » Giuseppe Garibaldi |
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Imberator
Inscrit le: 20 Mai 2014 Messages: 5468 Localisation: Régions tribales au sud-ouest de Nîmes.
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Posté le: Dim Jan 16, 2022 10:22 Sujet du message: |
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DMZ a écrit: | Conférence intéressante pour qui sais ce que sont tous ces styles mais qui a dû laisser les néophytes un peu dubitatifs. |
C'est le problème de toutes les conférences que j'ai vu sur le sujet. _________________ Point ne feras de machine à l'esprit de l'homme semblable ! |
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