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Diplomatie-Economie, Février 1944
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Archibald



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MessagePosté le: Sam Oct 23, 2021 08:24    Sujet du message: Répondre en citant

Avec un roi nommé Pierre II, il n'y a dans le fond rien d'étonnant a ce que, pour les alliés la Serbie représente un problème insoluble: la quadrature du cercle, en somme.
(voix de Michel Denisot: Désolé !)
Arrow
Plus sérieusement: c'est passionnant à lire - et désespérant de cynisme, surtout pour la Pologne. Qui ne rentre même pas dans les calculs d'apothicaires de Staline et de Churchill.
La bonne vieille realpolitik de l'affreux Kissinger, mais en pire: c'est Staline quoi. Le gars capable de faire risette aux photographes avec une gamine sur les genoux, façon Gentil Tonton Gâteau... en envoyant ses parents, à cette même minute, au goulag ou au poteau d'exécution. Shocked
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Sergueï Lavrov: "l'Ukraine subira le sort de l'Afghanistan" - Moi: ah ouais, comme en 1988.
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demolitiondan



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MessagePosté le: Sam Oct 23, 2021 09:17    Sujet du message: Répondre en citant

J'ai coutume de dire que tous les contrats et autres accords ne sont jamais autre chose que la photographie d'un rapport de force voué à évoluer dans le temps. Tu m'accordera, Hendryk, que ca vaut particulièrement en Chine. Et merci bien cher Archibald !
Bon je m'y remet moi, ca fait une semaine que j'ai rien pu faire ...
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Quand la vérité n’ose pas aller toute nue, la robe qui l’habille le mieux est encore l’humour &
C’est en trichant pour le beau que l’on est artiste
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MessagePosté le: Sam Oct 23, 2021 13:15    Sujet du message: Répondre en citant

Archibald a écrit:
Avec un roi nommé Pierre II, il n'y a dans le fond rien d'étonnant a ce que, pour les alliés la Serbie représente un problème insoluble: la quadrature du cercle, en somme.
(voix de Michel Denisot: Désolé !)


Rasta
(oui,ça veut dire qu'elle était fumée, celle-là)
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Sam Oct 23, 2021 15:54    Sujet du message: Répondre en citant

J'avoue que Pierre II et la quadrature du cercle, elle est pas mal…
Bon…
Ci-après, le seul 20 février 44 diplomatique, mais c'est une journée gratinée. Demo Dan nous a notamment mitonné une séance à la Chambre des Communes dont vous me direz des nouvelles. Merci à lui - et à Winston…



20 février
Pologne
Au pied du mur
Foreign and Commonwealth Office (Londres)
– La réunion tant souhaitée par les représentants du gouvernement polonais en exil s’ouvre enfin, dans une ambiance de tension extrême encore aggravée par le développement de l’offensive soviétique.
Autour de la table, relativement peu de monde (en dehors des traducteurs) – la négociation sera d’autant plus serrée. Côté anglais, signe de l’importance attachée à cette entrevue par la Grande-Bretagne, Sir Anthony Eden himself, accompagné de Sir Owen Saint-Clair O’Malley (ambassadeur auprès du gouvernement en exil, réputé proche des Polonais) et de Sir Colville Wemyss (adjoint du secrétaire à la Guerre, Sir Percy Grigg). Face à eux, le ministre des Affaires étrangères Edward Bernard Raczyński, le ministre de la Guerre et général Marian Włodzimierz Kukiel… ainsi que le haut-commissaire Joseph Paul-Boncour, auquel Eden demanderait volontiers ce qu’il fait là s’il ne connaissait pas déjà la réponse : affirmer la solidarité de la France avec la Pologne – et prendre si besoin le relais des Britanniques, dans la mesure des moyens dont dispose la République.
Les Britanniques s’estiment, à juste titre, dans une position assez inconfortable ! Les Polonais viennent évidemment demander leur aide face aux Russes (et peut-être contre eux…) alors même que Churchill est rentré récemment de Moscou et qu’il semble – selon de mauvaises langues – que Staline le tienne désormais presque littéralement par… les parties, à cause de cette histoire de ravitaillement du 18th GAA passant par la Roumanie. Pour lui, cela ne fait aucun doute, la Pologne est déjà une cause perdue (18). Las, l’intéressé n’a pas souhaité venir l’exprimer en personne, préférant aller à la Chambre des Communes parler de la Yougoslavie ou de la Grèce. C’est pour les Polonais un nouvel affront, qui n’échappe à personne autour de la table…
Eden n’en tente pas moins d’arrondir les angles : « Nous regrettons, bien sûr, l’absence du Prime Minister. Mais ma présence, ainsi que celles de l’ambassadeur O’Malley et du secrétaire adjoint Wemyss, suffit à démontrer l’estime que le gouvernement de Sa Majesté porte à ses alliés. »
Evidemment. Raczyński, aux circonvolutions volontiers proches de celles de la SDN, est rassuré par cette cordiale attention… Mais son collègue Marian Kukiel ne tarde pas, lui, à mettre les pieds dans le plat, sitôt les amabilités passées : « Le gouvernement de la République polonaise demande instamment au Royaume-Uni le retrait d’Albanie du 1er Corps polonais du général Anders, afin de l’envoyer contribuer à la libération du territoire national. »
Tollé autour de la table. Outre les considérations techniques – d’ailleurs pas aussi déterminantes qu’on le souhaiterait dans certains bureaux, si d’aventure les Soviétiques voulaient bien jouer le jeu – le départ d’Anders ne fait absolument pas les affaires du 18th GAA, qui manque toujours autant de troupes. Et Colville Wemyss de le faire savoir : « C’est absolument hors de question. Le 1er Corps polonais est indispensable aux plans du général Montgomery qui doivent permettre la libération du royaume de Yougoslavie. »
Sir Anthony, qui voit venir l’objection – c’est la Pologne qu’il s’agit de libérer ! – ajoute immédiatement : « Le gouvernement de Sa Majesté compatit évidemment aux souffrances de la population polonaise. Mais la population yougoslave souffre aussi énormément, je pense que tout le monde ici l’admettra. Comme les Grecs ont souffert. Comme une partie des Français souffrent encore (regard appuyé vers Joseph Paul-Boncour). Le commandement des armées de Sa Majesté n’a qu’un objectif : finir la guerre au plus tôt. Et nous ne pouvons pas remettre en cause des mois de planification opérationnelle sur un simple coup de tête. »
Evidemment, le souvenir de Belgrade et de Bubanj plane un instant au-dessus de la table. Mais pas assez, toutefois, pour empêcher Raczyński de revenir à son pays : « Sans aucun doute, tous les peuples soumis à l’occupation nazie gémissent terriblement ! Cependant, notre Nation est occupée entièrement depuis déjà cinq longues années ! Et il a été prouvé que les Nazis commettent, sur son sol et à son encontre, les crimes les plus abominables ! Nous vous avons parfaitement renseigné sur ce sujet – comme sur le fait que d’autres que les Allemands y prêtent la main ! »
– Vous voulez parler des Baltes ? Des Ukrainiens ?

Oui, des Baltes, des Ukrainiens. Pas des Soviétiques… Car en dépit de son coup de poignard dans le dos de 1939, ainsi que de la disparition jamais élucidée d’un certain nombre de prisonniers de guerre (que Moscou s’obstine à qualifier d’internés), force est de constater que l’URSS reste à ce jour, non seulement un membre de plein droit des Nations-Unies, mais aussi un allié relativement fréquentable. Même le gouvernement polonais en exil a conservé des relations avec elle, c’est dire ! Et ses membres – hélas peut-être – ne peuvent soulever franchement le lièvre du comportement soviétique en Pologne, dont tout le monde connaît pourtant la réalité et qui erre en toute hypocrisie tel un spectre dans la pièce… Ce alors que, pour certains – et a fortiori pour Londres – l’opération Tempête n’est rien d’autre qu’une vague agitation teintée de haine intercommunautaire et franchement malvenue.
Colville Wemyss reprend : « Une collaboration franche entre vos forces sur place et l’Armée Rouge devrait sans aucun doute permettre de résoudre rapidement ce problème. » Il n’ira pas jusqu’à évoquer l’armée Berling, comme on l’appelle désormais – Owen O’Malley a passé un long moment avant l’entrevue à lui expliquer qu’il valait mieux ne pas prononcer certains noms.
Une collaboration franche avec les Rouges ! Kukiel maugrée : « La RAF et l’Armée de l’Air pourraient sans difficulté appuyer les forces de l’Armée Secrète depuis la Serbie… »
– Absolument pas. D’abord, parce qu’entre la Pologne et la Yougoslavie, il y a tout de même la Hongrie et la Slovaquie. Ensuite, parce que ces forces sont en pleine préparation : elles entameront même, sous peu, une vaste campagne aérienne destinée justement à préparer l’offensive que nous avons évoquée.
– Les Américains vont bien de temps à autres se poser en Ukraine pour ravitailler !

Eden : « C’est vrai. Sur accord soviétique… » Sourire désolé – peut-être sincère cette fois. On se doute qu’un tel accord sera long à obtenir, si c’est pour la Pologne qu’on le demande.
Raczyński reprend : « Sans doute vos objections sont-elles tout à la fois techniquement valides et justifiées. Néanmoins, nous ne doutons pas que le Royaume-Uni ait envisagé quelques propositions pour aider sa fidèle alliée ? »
Gêne autour de la table – les Anglais ne sont pas venus avec beaucoup de propositions. Même s’ils savent, comme leurs partenaires, que l’intégration dans l’alliance est bien la dernière carte que Varsovie puisse encore jouer. Mais on ne peut que proposer d’en reparler en comité d’état-major, dans les jours à venir…
– Dans cette attente, chers amis, je ne puis que vous recommander la plus extrême prudence. Il est certain que, sur le terrain, l’Armée Rouge est la principale partenaire de votre courageuse Armée Secrète. Celle-ci ne peut l’ignorer et une collaboration entre elles permettrait d’aboutir à une conclusion rapide des opérations, sans présumer de l’avenir. Actuellement, l’absence totale de coordination liée aux circonstances présentes a des conséquences… des plus délétères.
– En ce cas, pourriez-vous aider l’Armia Krajowa – par exemple, par des livraisons de matériel, en attendant l’acheminement du corps du général Anders ?

Ce Kukiel a décidément de la suite dans les idées. Mais puisque ça ressemble à du marchandage, jouons le jeu, pense Eden. Au moins, on pourra peut-être réussir à laisser Washington en dehors de tout ça : « Nous ne pouvons préjuger de la date de disponibilité du 1er Corps polonais, mais je pense que la Royal Air Force – qui aide déjà largement les maquis yougoslaves [Eden s’abstient d’évoquer nommément l’AVNOJ…] – aura la possibilité de procéder chez vous à des parachutages réguliers d’armes, voire d’agents. Qu’en pensez-vous, Sir Colville ? »
Réponse vague de Wemyss, mais britanniquement positive. Kukiel en profite pour relancer : « Parfait, alors nous pouvons contribuer à cet effort, dont je vous remercie par avance. En effet, la République dispose sur votre sol d’une unité parfaitement capable de soutenir dans l’immédiat l’Armée Secrète : la brigade parachutiste du major général Stanisław Sosabowski. Celle-ci n’est engagée nulle part et reste en garnison à Grantham alors que sa spécialité lui permet justement d’être déployée à distance. »
Moment de flottement. Les Britanniques l’avaient oubliée, celle-là … Et ils doivent convenir qu’ils n’avaient pas pour cette unité de projets immédiats. Sinon, ils n’auraient pas manqué de le faire savoir ! Joseph Paul-Boncour sourit : « Nous aurions évidemment tout intérêt à déployer cette formation au plus tôt. »
Sir Colville Wemyss : « Les problèmes techniques sont immenses ! Nous ne parlons pas ici d’armes et de quelques agents, mais d’une unité constituée, avec tout son ravitaillement. Lequel sera pour le moins difficile à assurer ! »
– Allons chers amis, les maquis yougoslaves nous prouvent tous les jours que les distances ne sont plus les mêmes qu’autrefois. Une bonne partie de leur approvisionnement s’effectue par avions légers, parachutages voire planeurs. Notre 2e Armée est bien placée pour le savoir. Les forces de l’Air-Marshall Tedder ont largement assez d’appareils pour larguer ces hommes sur la Pologne à partir de Salonique ou d’Athènes – par éléments, j’en conviens !

Sir Anthony Eden : « Tout comme nous avons tous ici bien assez de mémoire pour nous rappeler que l’envoi de parachutistes en territoire ennemi pour aider une insurrection n’a pas réussi aux Allemands ! »
Indifférent à cette pique rappelant les petits tiraillements franco-britanniques durant l’affaire d’Irak, Paul-Boncour poursuit : « Le contexte n’a rien à voir. Nous ne sommes pas ici au milieu du désert mais dans un pays développé, au milieu d’une population amie et au voisinage d’une immense armée alliée qui… »
Le militaire britannique l’interrompt alors : « Cher haut-commissaire, avec tout le respect que j’ai pour votre personne et pour la République polonaise, nous ne parlons pas ici d’une charge de cavalerie permettant de belles envolées lyriques, mais d’une opération dangereuse, voire suicidaire. Nous n’avons pas entrainé la brigade Sosabowski pour ça. »
Kukiel : « Etes-vous en train de suggérer que, parce que vous avez pourvu à leur équipement et à leur formation, vous êtes propriétaires de nos soldats ? »
Dangereux début de brouhaha. La discussion a d’évidence échappé aux diplomates pour tomber aux mains des militaires. Il faut donc la ramener au plus vite sur des rails plus civils, ou sinon la conclure. Encore une fois, le Français intervient : « Le plus sage serait sans doute de demander l’avis des soldats concernés, qui sont aussi et avant tout des patriotes. »
Une boutade qui fait gagner du temps, se dit Eden. Qui répond, avec une pointe d’humour britannique : « Envisagez-vous d’organiser un référendum ? »
– Oh, rien de tel – mais puisque que nous parlons de soldats, nous pouvons demander à l’homme qui les connaît le mieux – leur chef.

Un geste un peu théâtral vers la porte : « Vous permettez ? »
La porte s’ouvre et le major-général Sosabowski entre dans la pièce (19). Très raide, moustache taillée au cordeau et regard gris clair perçant sous son béret noir porteur de l’aigle polonais. Il a mis son battledress, pour un salut militaire impeccable dirigé droit vers ses chefs – puis seulement après vers les Anglais. Quant à sa réponse à la question posée par Paul-Boncour, elle est concise, voire lapidaire : « Tous mes hommes sont volontaires. »
– Tous ?
– Tous.

Il aurait sans doute pu ajouter « et prêts à partir ». Mais il s’en abstient. Il s’agit tout de même ici d’opérations réputées secrètes – quand bien même, pour Sosabowski, il a toujours été évident que sa brigade n’irait jamais qu’en Pologne, et certainement pas en Albanie, en Croatie, en Hongrie, en Italie, en France, en Hollande ou toute autre destination chimérique !
– Il faudra néanmoins informer les Soviétiques et organiser tout cela avec soin… » finit par concéder Eden. Et Edward Bernard Raczyński d’ajouter : « Sans oublier d’en parler aux Américains… » Oui, évidemment… On se sépare, on se promet de se revoir bientôt pour évoquer l’opération dans le détail. Paul-Boncour esquive un regard noir de Sir Colville Wemyss, tandis qu’Anthony Eden se note d’appeler Blum pour discuter de cette histoire – on reparlera de transparence quand il sera question de Belgrade ! Mais pour les Polonais qui sortent de la salle, il est difficile d’effacer leur sourire. Ils ont enfin une perspective : infime, fragile comme une bougie dans la tempête – mais une perspective ! Allez – peut-être même un espoir…

Timeo Danaos…
Irrédentisme
Palais royal d'Athènes
– Sous l’égide du gouverneur de Chypre, Charles Campbell Woolley, le gouvernement royal grec ouvre dans la discrétion, mais aussi dans la bonne humeur, des discussions préparatoires avec les représentants de la communauté grecque de l’île d’Aphrodite. Celle-ci est la seule conviée, à la fois pour d’évidentes raisons de discrétion et parce qu’elle est très largement majoritaire : Chypre compte environ 350 000 Grecs pour seulement 75 000 Turcs (il convient d’ajouter 3 000 Arméniens, 1 750 maronites et 1 500 membres d’ethnies diverses). Symbole de cette très forte supériorité numérique, la délégation chypriote est conduite par Monseigneur Makarios, tout nouvel évêque de Chypre et pan-helléniste méprisant notoirement les Ottomans. Pour lui, la capitale grecque serait bien plus à sa place à Constantinople qu’à Athènes ! Il est notamment accompagné de Georgios Grivas, un ancien officier de l’armée royale grecque connu pour ses opinions… tranchées (voire tranchantes) vis-à-vis des Turcs comme des communistes.
Ces personnalités peuvent paraitre radicales – et elles le sont assurément. Elles n’en sont pas moins représentatives de l’opinion générale de leur communauté sur une île britannique depuis 1878, mais qui tente depuis bientôt trente ans de rejoindre la mère patrie ! Les Britanniques se doutent donc que l’affaire risque bien de se régler rapidement, peut-être même un peu trop rapidement. Mais ce n’est pas la préoccupation de Londres, dont le seul souhait affiché est de conserver la pleine souveraineté sur les bases de Dhekelia et de RAF-Nicosie, très utiles à la Navy comme à la RAF.
Il n’en reste pas moins que, pour le gouverneur et son équipe, tout doit être organisé dans les règles, afin d’avoir l’allure d’un mouvement populaire et spontané – il ne faudrait pas qu’on accuse l’Empire de vendre le mandat qui lui a été confié. Dans ce but, Mgr Makarios propose que sa puissante Eglise prépare un grand événement pour le 10 mars (le jour du “Lundi Pur” ou Kathari Deftera). Ce dernier serait le point de départ d’une intense campagne mise sur pied par Grivas et culminant le 25 mars – le jour de la fête de l’Indépendance grecque, commémorant le soulèvement contre les Turcs de 1821 !
L’affaire a manifestement été bien préparée. Les Britanniques ne peuvent qu’acquiescer. Mais, un peu inquiets pour la suite, ils ne manqueront pas de suivre les événements de très près – ils le font bien savoir au ministre de l’Intérieur Philip Manouilidis et au Premier ministre Papandréou. A eux de modérer leurs futurs compatriotes, puisqu’ils prétendent les gouverner !
……….
Dans une autre salle du palais, le général Liosis met la dernière main au déploiement des forces d’interposition grecques en Epire du Nord. Celles-ci, issues pour l’essentiel de la gendarmerie royale reconstituée, représentent pour le Royaume un effort substantiel. En effet, elles comptent presque 3 000 hommes équipés d’armes venant des maquis ou saisies sur des unités allemandes capturées en Macédoine. Cette force va bientôt quitter le territoire grec officiel pour cette région irrédentiste. Une légère prise de risque vis-à-vis des communistes, peut-être, mais la réunification des Hellènes n’a pas de prix.
Le déploiement devrait démarrer d’ici une semaine, en commençant par les localités principales : Korçë, Girokastër et Sarandë sur la côte. La situation a beau paraître se détendre en Albanie, il n’est pas question de traîner !

Churchill, retour de mission
Démocratie
Chambre des Communes (Londres)
– Il n’est pas encore tea time quand le vieux Lion remonte sur la tribune pour une « courte » déclaration relative à sa récente tournée méditerranéenne (ce qui n’inclut évidemment pas son escale à Moscou…). Devant les députés, Churchill va tenter de trouver le ton juste pour défendre les efforts colossaux consentis par la Couronne sur le théâtre balkanique. Un théâtre, il faut bien le dire, où les forces de Sa Majesté ont rencontré beaucoup de problèmes et un peu de frustration… Mais le Premier ministre se montre enthousiaste, d’autant qu’il estime avoir désormais assuré ses arrières. Aussi, après avoir exposé et défendu ses échanges avec les gouvernements grec et yougoslave, il conclut…
« Je souhaite attirer votre attention à tous, Ladies and Gentlemen, sur l’extrême complexité de la politique intérieure de ces deux royaumes. Dans notre chère ville de Londres, on dit beaucoup de choses sur ces pays – certaines sont exactes. Pour d’autres, d’après mes informations, ce serait plutôt l’inverse. Quoi qu’il en soit, des heures de débats durant de nombreuses journées seraient nécessaires pour que la Chambre saisisse toutes les subtilités de nos positions en Grèce ou en Yougoslavie. Je ne saurais trop insister sur le fait que ces positions n’ont été acquises qu’au prix des plus grands efforts, et en dépit d’autres préoccupations au moins aussi sérieuses.
Je m’adresse donc à votre honorable Assemblée pour rappeler que nous ne parlons pas seulement ici de l’avenir du royaume de Grèce ou du royaume de Yougoslavie, mais aussi de celui de bien d’autres pays d’Europe, soumis à de terribles tourments alors que leurs soldats, à l’intérieur comme à l’extérieur de ces pays, nous ont valeureusement assistés dans la lutte face à l’Ennemi. La Chambre aura donc à cœur, j’en suis certain, de continuer à placer sa confiance en ma personne pour diriger notre intervention dans cette région, et pour en définir tout à la fois le ton, la personnalité, le caractère et surtout l’objet. C’est le sens de mon appel, ainsi que de mon intervention du 19 novembre dernier. »

Cette prière ne semble pas convaincre la Chambre, agitée de “mouvements divers”. A l’évidence, les députés sont moins sensibles qu’autrefois aux envolées churchilliennes. Les travaillistes, en particulier, ont la dent dure – les Balkans sont un angle d’attaque idéal pour fragiliser le Bouledogue alors que la Victoire semble proche. On sait le goût de l’homme pour les expéditions dispendieuses. Pourquoi gaspiller du temps et de l’argent à soutenir des régimes douteux du point de vue de la démocratie ? Pourquoi s’acharner à porter à bout de bras des rois chancelants, et présentant parfois d’inquiétants accès d’autoritarisme ?
Fin politique, Churchill choisit d’aller au-devant des critiques qui lui seront inévitablement adressées. Le compte-rendu de la chambre en gardera trace.
………
Le Premier ministre – Avant de détailler le sort de nations ou de régions particulières, qu’il me soit permis d’évoquer devant la Chambre les attaques dont nous avons été la cible. Il a été dit que nous utilisons les forces de Sa Majesté pour désarmer les amis de la Démocratie dans les Balkans, et pour museler des mouvements qui nous ont héroïquement assistés. C’est une accusation d’importance, à laquelle je souhaite répondre dès à présent.
Certainement, le gouvernement de Sa Majesté serait indigne de confiance s’il utilisait les forces du Commonwealth et de ses alliés pour désarmer les démocrates de Grèce ou d’autres pays et soutenir des régimes autoritaires. La question a néanmoins été posée, il faut donc y répondre. Mais auparavant, il convient de se demander : “Qui sont, dans ces pays, les vrais amis de la Démocratie, et de quelle Démocratie parle-t-on ?” Mon idée de ce régime est qu’il permet à l’homme simple, modeste et commun – le plus ordinaire des hommes, avec son épouse et sa famille, qui se bat pour son pays quand il le faut – qu’il permet à cet homme, donc, de se rendre aux urnes dans des circonstances déterminées, et de mettre une croix sur son bulletin pour désigner le candidat qu’il souhaite voir élu au parlement. C’est l’essence de la Démocratie. Et selon cette même essence, il est essentiel que cet homme…
Docteur Edith Summerskill (West Fulham) – Ou cette femme!
Le Premier ministre – Je vous prie de m’excuser. Je pars toujours du principe que l’Homme englobe la femme, à moins que le contexte ne suggère l’inverse. Donc, il est essentiel que cet homme ou cette femme puisse faire ce geste sans peur, et sans subir aucune forme d’intimidation ou d’oppression.
Il met dans l’urne le bulletin de son choix dans le plus strict secret, puis les représentants élus se rassemblent et décident en commun quelle politique et quel gouvernement ils souhaitent pour leur pays. Ceci est la Démocratie. Je la salue, je l’épouse et je travaille pour Elle.
Mr Shinwell (Seaham) – Comme en Espagne !
Le Premier ministre – Je ne crains absolument pas de m’engager sur ce sujet, mais celui qui nous occupe actuellement suffit pour l’instant. Il est grossièrement faux de prétendre, comme certaines personnes le font, que j’ai un jour fait l’éloge de Franco. J’ai par contre toujours prétendu – et je suis prêt à le maintenir encore aujourd’hui – que la politique espagnole est bien plus complexe que le dessin grossier que l’on s’en fait. Il est totalement inutile de grimacer devant l’adversité comme si on avalait une potion amère.
Mr Shinwell (Seaham) – L’honorable Premier ministre a raison. Hélas, c’est précisément ce que je fais, comme bien d’autres personnes dans notre pays, en apprenant les événements survenus en Grèce et les convulsions qui agitent la Yougoslavie. Je grimace !
Le Premier ministre – Je ne m’exprimerai pas sur l’opinion des “nombreuses autres personnes” dont parle l’honorable Gentleman, car elles ont tout à fait le droit d’avoir leurs avis sur la question. Et quant à l’honorable Gentleman qui s’en inquiète, je m’attends à ce qu’il ait d’autres médicaments déplaisants à avaler sur bien d’autres sujets avant la fin du conflit – je ne manquerai pas de les lui présenter avec le plus grand respect. Je répète donc que je ne m’engagerai pas aujourd’hui sur un débat concernant l’Espagne. Dans mes commentaires sur la Démocratie, comme dans l’attitude que je conserve en tout temps depuis que la Providence m’a porté aux responsabilités, et même généralement dans toutes les opinions politiques que j’ai exprimées ma vie durant, j’ai toujours privilégié la mise en place d’élections au suffrage universel direct. C’est la base de la Démocratie, et le cœur de ma politique.
Mais j’éprouve des sentiments très différents pour une autre forme de Démocratie, ou plutôt pour un régime tordu qui se prétend démocratique du fait qu’il s’affiche de gauche. Il faut l’expression de tous les partis pour créer la Démocratie, pas d’un seul – serait-il socialiste ou communiste. Je ne dirai pas qu’un parti est démocratique sous prétexte qu’il pratique une surenchère permanente le conduisant aux formes les plus extrêmes de révolution. Je n’accepte pas qu’un parti qui prétend représenter l’ensemble de la population prône la violence – le plus souvent avec d’autant plus d’ardeur qu’il est en fait minoritaire. Je ne peux accepter quoi que ce soit de ce genre en démocratie : j’ai trop de respect pour ce régime, et l’on ne saurait utiliser son nom à la légère. La révolution violente est la loi de la Foule et non du Peuple, une loi imposée par des bandes de gangsters lourdement armés, allant s’emparer des postes de police et des lieux de pouvoir pour ensuite imposer un régime totalitaire d’une main de fer…
Mr Gallagher (West Fife) – L’honorable Premier ministre vient de faire une description éloquente de certains régimes dit alliés !
Le Premier ministre – Je suis au désespoir de rencontrer tant d’incompréhension ! [Vif brouhahas et interruption de séance – Churchill reprend d’une voix plus forte.] J’ai tout mon temps et les éclats de voix de mes honorables opposants politiques ne m’empêcheront pas d’exprimer ma pensée. Ils ne pourront qu’en ralentir la démonstration, ce qui serait évidemment regrettable. Je redis donc que la dernière chose qui représente la démocratie serait la loi de la foule et la volonté d’introduire un régime totalitaire autorisant à tirer sur n’importe qui – et croyez-moi, en politique aujourd’hui, il est de très nombreuses occasions de le faire, notamment sur celui qui est politiquement gênant et que l’on accuse souvent (et en général à tort) d’avoir collaboré avec les Allemands. Ne laissons pas la Démocratie s’abaisser si vilement au point de devenir un simple jeu de saisie du pouvoir où l’on assassine celui qui n’est pas d’accord avec vous. Cela, c’est l’antithèse de la Démocratie.
Mr Gallagher (West Fife) – Ce n’est pas ce qui s’est passé – du moins pas de la part des mouvements que vise l’honorable Premier ministre. Mouvements qui, d’ailleurs, ont été armés par les arsenaux de Sa Majesté.
Le Premier ministre – L’honorable Membre du Parlement ne devrait s’enfiévrer autant – il ne fait qu’attiser les flammes de la polémique puis de la division. J’ai mis onze ans, seul dans cette Assemblée, pour faire valoir mes vues. Il a donc lui aussi de l’espoir… Ceci étant, et sans revenir sur ma précédente description, je me dois de rappeler que notre devoir est de nous assurer que, dans les pays libérés, le Peuple – et pas une masse de bandits des montagnes ou de la campagne – assume le pouvoir. Mais il ne l’assumera certainement pas en renversant des Parlements, Gouvernements ou Etats légaux. Durant cette guerre, bien sûr, nous avons dû armer quiconque pouvait nous aider à battre le Hun. Au-delà, il n’était pas question d’interroger nos partenaires sur leur personnalité, leurs convictions et leurs actes passés. S’ils voulaient tuer de l’Allemand, ils étaient nos amis et nous avions à cœur de les aider à satisfaire cette saine envie.
Mr Mac Govern (Shettleston, Glasgow) – Et maintenant nous payons cet état de fait !
Le Premier ministre – Nous le payons du débat que nous avons ce jour, et que, pour l’instant, je trouve personnellement enthousiasmant. Nous le payons honorablement avec notre or plutôt qu’avec notre sang ou par notre défaite. Il n’a jamais été souhaité qu’une fois ces pays libérés, ceux qui ont reçu des armes de notre part se laissent aller à la violence et au meurtre pour ensanglanter des traditions et renverser des pouvoirs auxquels les populations concernées sont – je le crois – fermement attachées. Si aider la Démocratie consiste à favoriser des coups d’état commis par des gangs sans légitimité mais à la main de fer, composés de voyous souhaitant se hisser au pouvoir sans même qu’un vote se soit un jour exprimé en leur faveur, je crois que la Chambre entière sera unie pour appeler cela une farce. Je ne crois pas que le fait d’avoir valeureusement combattu face à l’ennemi donne le droit de s’avancer puis de déclarer simplement : « Nous sommes les Sauveurs de la Nation, et devons donc en être les Dirigeants. Ceci est notre récompense, nous devons à présent régner en Majesté. » Ce comportement ne diffère que fort peu du régime que les populations opprimées eurent à subir sous la botte du Reich.
Dr Haden Guest (North Islington) – A qui s’adressent ces généralités ? Aux Grecs ou aux Yougoslaves ?
Le Premier ministre – A tous ceux qui veulent rétablir la Démocratie et la Civilisation. [Brouhaha.] Les honorables membres de l’Opposition doivent apprendre à donner autant qu’ils reçoivent. Les interruptions, cris et clameurs ne servent à rien – je les ai entendus aussi bien que je vois leurs auteurs. Tout comme je vois à présent les honorables membres de la Majorité rire de ce comportement. Qu’ils soient satisfaits qu’il ne s’agisse que de rire.
Donc, comme je le disais, je soutiens les partisans de la Démocratie et du suffrage universel. Il serait impensable qu’après trois années de tyrannie allemande, ces valeurs soient liquidées et jetées aux orties dans une série de guerres sociales. Même les systèmes les plus imparfaits évoluent si on leur en laisse le temps – je laisse aux honorables membres de l’Opposition le soin de méditer cette sentence qui saura à coup sûr inspirer leur comportement.
Si les amis de la Démocratie et ses défenseurs soi-disant muselés sont si certains d’exprimer les souhaits de notre Peuple, que n’attendent-ils le jugement des urnes ? Quelle est notre politique dans toutes les nations traversées par nos armées ? Favoriser la formation d’un gouvernement d’union nationale avant la fin du conflit, puis le choix en conscience de l’avenir de cette nation par le peuple qui l’habite. Il en est de même dans les pays évoqués, les services de Sa Majesté y travaillent chaque jour avec ardeur.
Mr Shinwell (Seaham) – L’honorable Premier ministre n’a-t-il pas en d’autres temps éprouvé des craintes analogues quant à la République française ?
Le Premier ministre – Quelle petite remarque, et pourtant quelle inspiration. Il n’est pas question ici de la France. Le Premier De Gaulle (20) m’inspire des sentiments sans commune mesure avec les dirigeants des autres pays. Comme son prédécesseur, l’actuel Président Reynaud, c’est un homme d’honneur, qui n’a jamais renié sa parole. Envers son pays comme envers le Royaume. Néanmoins, la comparaison a une valeur : avec notre soutien fraternel, dans des moments terribles qui n’ont Dieu merci que fort peu à voir avec ceux que nous vivons dorénavant, notre valeureuse alliée s’est redressée au bord du gouffre et n’a cessé de brandir à notre côté le Glaive de la Justice. Ce, partout dans le monde et notamment sur son propre territoire. Le tout sans rien abandonner des principes fondateurs de sa démocratie : les élections organisées l’année dernière en sont la preuve. Il n’est pas à craindre que le même soutien de notre part ait ailleurs des effets opposés – ce qui plaide évidemment pour un renforcement de ce soutien selon la réalité de la situation sur le terrain.
Mr Bowles (Nuneaton) – Et qu’en sera-t-il de l’Italie ? L’honorable Premier ministre a autrefois soutenu Mussolini !
Le Premier ministre – En 1928 ? C’est vrai, si l’on appelle soutien le fait que j’ai produit des discours me félicitant du fait que Rome n’ait pas sombré dans le bolchevisme.
Mr Shinwell (Seaham) – Et où était alors la Démocratie vantée par l’honorable Premier Ministre ? Qui nous garantit aujourd’hui que ce même soutien de notre part n’aboutira pas aux mêmes effets qu’il y a vingt ans dans ce pays ?
Le Premier ministre – Il faut faire confiance à la sagesse de chacun et ne pas intervenir dans les affaires internes d’autrui. Notre rôle est uniquement de nous assurer que la violence ou la menace de la violence ne sera pas utilisée par l’une des parties contre l’autre.
Mr Shinwell (Seaham) – L’alliance des meilleurs hommes sous notre patronage ?
Le Premier ministre – Je n’irai pas contre l’avis de l’honorable Gentleman quand la Vérité sort par accident de sa bouche de temps à autre. J’ajouterai toutefois ceci : il est désormais évident que l’admirable avance des armées russes… [Brouhaha sur les bancs conservateurs : « Bolcheviques ! » lancent de nombreuses voix, à quoi quelques voix répondent, en face : « Soviétiques ! » – mais Churchill fait mine de n’avoir entendu que les premières.] Oh non, certainement pas. C’est une remarque pernicieuse. Certains membres de l’Assemblée tentent toujours de réduire ou de déformer ma pensée. C’est aussi pour cela que les débats sur la politique étrangère sont si difficiles. On ne me fera pas manquer de respect aux splendides patriotes de l’armée qui a chassé le Hun du sol [un temps] russe !
Donc, ces armées, dans leur marche héroïque et triomphale vers le cœur du Reich, assument évidemment des tâches analogues aux nôtres, avec des difficultés d’autant plus grandes que le Hun, dans sa malice, a ravagé soigneusement la terre qu’il n’a pu conserver. En ce sens, le maréchal Staline fait preuve d’un grand esprit de responsabilité, sans que l’avenir de ces régions soit pour autant décidé. La question est : pouvons-nous manquer à notre parole et faire moins que le maréchal Staline ? Pouvons-nous nous laver les mains de l’avenir de peuples qui nous ont fait confiance, au secours desquels nous nous sommes portés et qui, demain peut-être, subiront l’assaut des extrémistes de toutes sortes ? Oui, de ceux-là même qui ont accueilli notre armée avec d’autant plus d’empressement qu’ils s’imaginaient déjà qu’elle leur offrirait le pouvoir et ne ferait que passer ?
La conférence de l’Attique, organisée avec nos alliés français, s’est achevée comme chacun sait sur un succès éclatant. Elle prouve à elle seule la justesse de notre politique et l’éminente nécessité de sa poursuite. Cette entreprise a été menée à bien grâce à la sagesse des participants, des personnalités expérimentées et vénérables… [Un cri dans la salle : « Tout comme vous ! »] Oui, tout comme moi ! Cette sagesse a permis la formation d’un gouvernement réunissant toutes les composantes de la société hellène, de gauche comme de droite. Ce faisant, les membres conservateurs de ce même gouvernement ont choisi avec sagesse de taire et même d’oublier un certain nombre de crimes documentés commis par l’ELAS…
Mr Gallagher (West Fife) – C’est faux!
Le Premier ministre – Dans ce pays, nous essayons d’avoir un débat. L’honorable Gentleman, dont je suis sûr qu’il admettra avoir été traité avec le plus grand respect et la plus grande considération, doit maintenant apprendre à clore sa bouche. ELAS n’a pas hésité, en son temps, à assassiner des membres de l’EKKA et même à collaborer avec les Allemands contre l’EDES, favorisant ainsi le règne du Reich en Grèce et facilitant ses hideuses représailles, organisées avec l’accord tacite de ses propres bataillons de sécurité.
Nous ne pouvons bien sûr tolérer de pareils agissements – mais nous pouvons admettre que leur jugement soit remis à plus tard pour éviter de ranimer les plaies de la division et le feu de la guerre civile. Il en sera bien sûr de même en Yougoslavie, pour tous les partis, tchetniks comme communistes. C’est la mission que se sont fixée, selon mes directives, les forces de Sa Majesté afin d’aider de la meilleure des façons ce malheureux pays.
Si je dois être blâmé aujourd’hui pour cette décision, j’accepte volontiers de remettre ma démission entre les mains de la Chambre. Mais si cette dernière souhaite m’accorder sa confiance, soyez sûrs que je persisterai dans cette voie, qui est celle de la Justice, du Droit et de la Démocratie. Le gouvernement royal de Grèce [Cris sur les bancs : « Pourquoi royal ? »] et celui de Yougoslavie [Nouveaux cris : « Avec ses Quisling ! »] comptent sur notre aide et notre sagesse.
J’espère avoir exposé le plus clairement possible ma position concernant tout à la fois le monde, la guerre et le Gouvernement. Je ne crains ni ses conséquences, ni l’examen qui pourra en être fait ultérieurement. Nul homme sensé et de bonne volonté qui saurait l’examiner, nulle épreuve qui pourrait lui être infligée, ne pourra démontrer que nous poursuivons une politique réactionnaire entravant l’expression de la Volonté Nationale des pays libérés et empêchant des pays ayant souffert sous la botte nazie de retourner à un état normal. La Chambre peut juger, et si elle m’y autorise, nous travaillerons en ce sens dès demain, avec notre ardeur coutumière et notre confiance inébranlable en l’avenir.
………
« Bien sûr, le vote de la Chambre fut un succès pour le Premier ministre : on ne change pas une équipe qui gagne (surtout une guerre mondiale) sous prétexte d’un désaccord sur un sujet mineur – du moins vu de Londres. Toutefois, le résultat ne fut pas le triomphe attendu : une partie significative des députés choisirent l’abstention sur ce point précis de la politique anglaise. Churchill pouvait bien sûr s’estimer satisfait de l’absence de voix contre lui, mais si le vieux routier ne manqua pas d’afficher un sourire relevé d’un havane et de brandir le V de la victoire en sortant de Westminster, il n’en parlera pas moins dans ses mémoires d’une « affaire complexe ».
De fait, l’alerte était sérieuse. La Chambre, et par son intermédiaire l’opinion, s’alarmait de la situation en Grèce et surtout en Yougoslavie. Une situation sur laquelle elle ne disposait pourtant que de rumeurs ou d’articles censurés ! Qui sait ce que l’homme de la rue londonien aurait pensé en apprenant les actions des corps-francs yougoslaves, ou s’il avait su que les troupes alliées étaient contraintes de jouer les forces d’interposition au Kosovo…
La brèche était ouverte, et ne pouvait plus être refermée : la politique du roi Pierre II était bel et bien devenue un sujet intéressant les Britanniques et engageant la crédibilité de l’action du Premier ministre ! Un sujet de discorde – un facteur de risque politique même. Les conséquences ne tardèrent pas à se faire sentir, sous la forme d’une pression toujours plus intense de Londres sur Belgrade et sur les Français, toujours censés parrainer le gouvernement royal. »

(Robert Stan Pratsky, La Libération de la Grèce et des Balkans, Flammarion, 2005)


Notes
18- Il est assez révélateur que, lors de son entretien secret du 17 février avec Staline, où il était pourtant question de se partager l’Europe de l’Est, Churchill n’ait même pas daigné évoquer le cas de la Pologne !
19- NDE – Aujourd’hui encore, la présence du major-général à Londres, à 160 kilomètres de sa garnison et dans un bâtiment pourtant réputé interdit à toute personne non accréditée pose question. Le Polonais a sans nul doute bénéficié de complicités pour passer les contrôles de sécurité. La République française a-t-elle quelque chose à voir là-dedans ? C’est certain – Paul-Boncour était au courant. Mais on peut aussi s’interroger sur le remplacement, en avril suivant, de l’ambassadeur Sir Owen St-Clair O’Malley par Lord Victor Cavendish-Bentinck, bien moins cordial avec ses correspondants et connu pour ses doutes quant à « toutes ces histoires de chambres à gaz » comme pour son dédain envers les « plaintes incessantes des Polonais ».
20- Churchill, pour plus de clarté, appelle Premier ministre De Gaulle, président du Conseil, pour qu’il ne soit pas confondu avec le Président de la République.

Après relecture, j'aime encore plus le Churchill présenté par l'honorable Demo Dan…Je n’irai pas contre l’avis de l’honorable Gentleman quand la Vérité sort par accident de sa bouche de temps à autre. Miam. On comprend que les honorables en question l'aient viré dès qu'ils ont pu !


Dernière édition par Casus Frankie le Mar Oct 26, 2021 11:39; édité 1 fois
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demolitiondan



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MessagePosté le: Sam Oct 23, 2021 16:17    Sujet du message: Répondre en citant

Merci Casus - et je précise toutefois que ce trait ne doit rien à ma plume, mais bien à son esprit. En l'espèce, ce passage entier est une reprise d'un CR de la Chambre, historiquement lié à la Grèce.
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Hendryk



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MessagePosté le: Sam Oct 23, 2021 16:43    Sujet du message: Répondre en citant

Casus Frankie a écrit:
Mais pour les Polonais qui sortent de la salle, il est difficile d’effacer leur sourire. Ils ont enfin une perspective : infime, fragile comme une bougie dans la tempête – mais une perspective ! Allez – peut-être même un espoir…



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demolitiondan



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MessagePosté le: Sam Oct 23, 2021 16:57    Sujet du message: Répondre en citant

Je dirai bien que j'ai eu une idée encore - mais j'ai peur de faire peur.
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Imberator



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MessagePosté le: Sam Oct 23, 2021 17:00    Sujet du message: Répondre en citant

Hendryk a écrit:

Ça ressemble à du Hawkeye ça (Si c'est lui, il peut retrouver le moral. Dans l'univers de Marvel depuis le dernier What If, le retour de la veuve noire est acté !).
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Wardog1



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MessagePosté le: Sam Oct 23, 2021 21:09    Sujet du message: Répondre en citant

J'ai encore un espoir que dans la FTL le rideau de fer serait plus a l'est et il faudrait un compromis au sujet de la Pologne pour qu'elle reste un état démocratique et neutre, comme ce fut le cas pour l'Autriche.
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demolitiondan



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MessagePosté le: Sam Oct 23, 2021 21:34    Sujet du message: Répondre en citant

L'espoir fait vivre en effet ! Mais je te renvoie à la conférence d'Athènes. "Qui contrôle décide" dixit Molotov.
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Sam Oct 23, 2021 22:36    Sujet du message: Répondre en citant

Les Polonais pourraient reprendre le mot des Mexicains, en changeant juste le nom du grand voisin :
Pauvre Mexique, si loin de Dieu et si près des Etats-Unis…
Pauvre Pologne, si loin de Dieu et si près de la Russie…
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demolitiondan



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MessagePosté le: Sam Oct 23, 2021 23:12    Sujet du message: Répondre en citant

La Pologne, coincée entre deux molosses qui se détestent ! Et la déteste aussi. Massacre et oppression garantie depuis (au moins !) 1772.
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Volkmar



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MessagePosté le: Sam Oct 23, 2021 23:28    Sujet du message: Répondre en citant

J'ai plus d'espoir pour la Hongrie et la Tchécoslovaquie.
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Archibald



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MessagePosté le: Dim Oct 24, 2021 06:13    Sujet du message: Répondre en citant

demolitiondan a écrit:
La Pologne, coincée entre deux molosses qui se détestent ! Et la déteste aussi. Massacre et oppression garantie depuis (au moins !) 1772.


Je me dit souvent que le Proche-Orient est un coin de la planète passablement... malchanceux (pour rester poli) depuis des millénaires. Les Balkans aussi, bien sur.
Mais la Pologne est pas mal aussi, dans le genre...
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Sergueï Lavrov: "l'Ukraine subira le sort de l'Afghanistan" - Moi: ah ouais, comme en 1988.
...
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demolitiondan



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MessagePosté le: Dim Oct 24, 2021 10:34    Sujet du message: Répondre en citant

Malchanceux depuis des millénaires le Proche-Orient ? Je ne le crois pas ! Il n'est qu'à voir la richesse infinie de Bagdad, de l'Afghanistan et de la Transoxiane jusqu'à - en gros - la fin de notre moyen-âge. Après, s'en est suivi une période de décadence, et de guerre de religions, avant que les intérets pétroliers et miniers s'en mêlent.
Au Xème siècle, le calife de Bagdad était surement l'homme le plus puissant du monde, avec l'empereur de Chine (tant que l'empire en question était uni bien évidemment). Puis mes mongols sont arrivés !
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