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Prisonniers et évasions, par Menon-Marec
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Capitaine caverne



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MessagePosté le: Ven Jan 21, 2011 17:47    Sujet du message: Répondre en citant

dak69 a écrit:

Le deuxième décret publié quelques années plus tard est quand même plus conforme aux us de la République.


Ok! C'est juste qu'à la Fac, j'étais en sciences humaines (histoire-géo), pas en droit. Ce genre de subtilités juridiques à tendance à m'échapper.
_________________
"La véritable obscénité ne réside pas dans les mots crus et la pornographie, mais dans la façon dont la société, les institutions, la bonne moralité masquent leur violence coercitive sous des dehors de fausse vertu" .Lenny Bruce.
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Menon-Marec



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MessagePosté le: Ven Jan 21, 2011 23:13    Sujet du message: Répondre en citant

Bonsoir à tous.
La remarque du capitaine me conforte dans l'idée que j'ai eu raison, à l'âge de la retraite, de me remettre au Droit: nous autres FTListes ne pouvons pas nous permettre que ces subtilités nous échappent, vu que la foule hargneuse des pisse-froids et autres zélateurs de la Défaite nous guette au tournant...
Amts ainsi que l'on écrit à l'AFP.
M-M.
PS. Il va de soi que Cornelis et ses pairs, Dak par exemple ou Anaxagore, sont là, Dieu merci, pour nous remettre dans le droit chemin quand nous négligeons les subtilités en écrivant plus vite que notre ombre.
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Sam Jan 22, 2011 14:46    Sujet du message: Répondre en citant

(suite)

2 septembre 1942
Alger
– Radio Alger annonce dans son bulletin du soir que le maréchal-des-logis chef Larrieux et le sergent Gui ont été cités à l’ordre de l’Armée et reçoivent tous deux la Médaille militaire à titre posthume par décision personnelle du général commandant en chef, sur proposition de la DGPI. Ces distinctions, ajoute le speaker, leur seront symboliquement remises, lors de la prise d’armes qui précèdera le défilé du 11 novembre, par le Président de la République.


24 septembre 1942
Pézenas
– La Gestapo de Marseille et le KdS de Montpellier, assistés par des éléments du SONEF de Languedoc, interviennent en force, peu après 23 heures, au lieu-dit la Coulombière, à sept kilomètres plein est de Pézenas. Après un rapide échange de coups de feu, ils arrêtent dix-huit personnes : sept membres du groupe Choucas de la DGPI (dont son nouveau patron, le chef d’escadrons de Montagny, ancien capitaine au 1er RSM, observateur breveté, évadé de l’Oflag VI-D de Münster en Westphalie en novembre 1941), huit résistants du maquis du Minervois, un syndicaliste d’obédience SFIO, Christian Pineau, un officier de chars, le capitaine Maurice Suire, échappé le 1er septembre de l’Oflag X-B, et un jeune journaliste d’Havas-OFI, André Winter, qui appartient au NAP. Presque tous sont blessés, souvent grièvement.
Dans la matinée, des employés de la mairie de Pézenas relèvent sur le terrain, auprès de l’épave carbonisée d’un Lysander, les corps de douze Résistants (les Allemands et le SONEF ont eu des pertes, mais ils ont emportés leurs morts, dont on ignore encore aujourd’hui le nombre). Parmi les morts qui seront (provisoirement) inhumés à Pézenas figure le lieutenant-colonel Costes, vainqueur de l’Atlantique dans le sens est-ouest avec Maurice Bellonte en 1930. Avant de succomber, il est parvenu à mettre le feu à son Lysander en tirant dans le moteur avec son pistolet lance-fusée mod. 18 (non pour l’intérêt que pouvait avoir le petit avion, mais pour les cartes, les papiers et les codes radio qu’il contenait). Dieudonné Costes, refusant après le Sursaut de végéter dans un état-major ou une école, avait repris le manche à la 642e ECGRE en oubliant ses galons. Près de lui reposent un officier du RICM, le capitaine André Bonnand, sous-lieutenant au corps franc du régiment en 39-40, cinq autres membres du groupe Choucas et cinq maquisards.
Le Lysander de Costes, mettant à profit la pleine lune, avait amené en Métropole le capitaine Bonnand, chargé de participer au noyautage de l’armée du NEF sous les ordres du lieutenant-colonel Pierre Dejussieu-Pontcarral. Le groupe Choucas espérait le voir embarquer au retour, à titre exceptionnel, trois passagers : Pineau, Suire et Winter, attendus impatiemment à Alger. Pineau, militant proche de Léon Jouhaux, est réclamé à la direction provisoire de la CGT, l’état-major général voudrait atteler Suire à la mise au point des plans de reconquête de la Métropole, et Pierre Brossolette estime qu’Havas Libre doit s’attaquer de manière plus précise à la désinformation propagée par l’OFI et que Winter pourrait l’y aider.
« Costes, fort mécontent, nous donnait une leçon de grand raid aérien, racontera Suire après la guerre. Il expliquait que deux passagers, c’était déjà beaucoup et que les trois touques d’essence d’aviation à haut indice d’octane volées par des complices du groupe Choucas sur l’aérodrome de Nîmes-Garons (où stationnait une escadrille de la Luftwaffe) n’y feraient rien. Les Choucas avaient pourtant prévu une pompe Japy électrique montée sur une camionnette Matford alimentée au gaz de ville, mais Costes était inflexible : avant de voler, il fallait décoller, et la petite bande d’herbe à sa disposition n’était certes pas la piste du Bourget ! C’est alors que la Gestapo nous est tombée dessus. »
Les détails de l’échec de l’opération et son coût en vies humaines, ne seront confirmés à Alger que dans les premiers jours d’octobre. Mais, dès l’aube du 25, toutes les opérations de l’express avaient été suspendues puisque Costes et son avion n’étaient pas rentrés et que le groupe Choucas n’avait pas envoyé de message indiquant que tout s’était bien passé.


25 septembre 1942
Montpellier
– Le chef d’escadrons de Montagny, qu’un médecin de la SS tentait de retaper au mieux, et plutôt mal que bien, afin qu’il puisse être interrogé, décède de ses blessures en fin de la matinée. Il n’était pas sorti du coma malgré la multiplication des piqûres d’adrénaline et d’huile camphrée.


4 octobre 1942
Colditz
– Le capitaine Suire, encadré par quatre Schupos et un Feldwebel, fait son entrée dans la cour de la Festung qui abrite l’Oflag IV-C (disciplinaire) vers 15h30. Presque indemne après l’affaire de La Coulombière, Suire a été directement conduit à Colditz, sur décision personnelle du Feld-Maréchal Keitel, patron de l’OKW, au terme d’un voyage en train de plus de quarante-huit heures. Il réclame aussitôt avec sang-froid qu’on lui envoie ses livres demeurés à Sandbostel après son évasion.


5 octobre 1942
Montpellier
– Les six survivants du maquis du Minervois (deux sont morts de leurs blessures après leur arrestation lors de l’affaire de La Coulombière) sont fusillés par un peloton de SS sur l’ordre de l’Hauptsturmführer Horst Müller, patron de la Gestapo de Marseille. La Prinz-Albrechtstraße a approuvé cette exécution, mais a exigé que Christian Pineau et André Winter soient transférés au QG de l’avenue Foch à Paris, ainsi que les rescapés du groupe Choucas. Après interrogatoires, tous seront déportés, à l’exception de Winter : en démontant les lattes du plancher avec une clef à conserves, il parviendra à s’extraire du fourgon “Hommes 40 - Chevaux 8 (en long)” qui le conduisait à Dachau. André Winter retrouvera ses camarades du NAP. Lors de la libération de Paris, il dirigera l’équipe qui s’emparera du siège de l’OFI, place de la Bourse.


15 octobre 1942
Genève
– En vue du débat budgétaire qui doit d’ouvrir dans les premiers jours de novembre, le CICR précise par télex à la DGPI que l’Allemagne détenait encore au 30 septembre, très exactement, 907 541 prisonniers français.
Ce chiffre, à comparer aux 1 020 000 prisonniers (environ) décomptés par le CICR le 1er janvier 1941, démontre le succès de la politique d’évasions systématiques conduite par la Délégation. Hélas, il met aussi (et peut-être surtout) en exergue une détérioration de la situation sanitaire des captifs – ce que souligne indirectement, d’ailleurs, la proposition allemande d’un nouvel échange de grands blessés et de malades retransmise par la Croix Rouge dans le même message.
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dak69



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MessagePosté le: Lun Jan 24, 2011 09:41    Sujet du message: Répondre en citant

Bonjour

L’épisode du 24 septembre devrait, en toute logique, appeler un sérieux renforcement des mesures de sécurité, ou un rappel de ces mesures, car, un an et demie après le lancement officiel des filières d’évasion, les « incidents de jeunesse » et leurs conséquences fâcheuses ont déjà eu lieu bien des mois plus tôt.

Tout d’abord, avant d’être utilisé, tout terrain d’atterrissage potentiel doit être validé par « quelqu’un du métier », aussi bien en termes de dimensions, de vent dominant que de nature du sol et d’éloignement par rapport aux « opposants ». Cela n’exclut pas les mauvaises surprises, mais cela les réduit fortement. Bien entendu, il ne faut pas que le validateur soit un traître…

Ensuite, lors des opérations aériennes clandestines, on ne concentre jamais « la fine fleur » d’un réseau ou d’une organisation sur place en guise de comité d’accueil, et surtout pas pour la première utilisation d’un terrain. Etrange d’ailleurs que personne n’ait remarqué son exigüité… Les réseaux de résistance (ou les maquis) sont les clients des réseaux de transport ; un cadre du réseau « client », pas plus – et si possible moins -, accueille les voyageurs arrivants (les partants ont déjà fait leurs adieux), accompagné par la « sécurité » du réseau de transport, qui surveille tous les accès au terrain, et qui a pour consigne de signaler toute présence suspecte (à coup de fusil par exemple). Il vaut mieux une opération reportée qu’un gâchis comme celui-ci.

Côté allemand, l’attaque frontale d’un terrain clandestin n’était pas la règle, ni d’ailleurs la meilleure manière de procéder. Il vaut mieux intercepter les « arrivants » en les pistant, car cela mène généralement à un ou plusieurs gros poissons d’un réseau. De plus, cela nécessite des forces relativement importantes (des dizaines d’hommes), ce qui n’est pas discret du tout, et garantit le repérage. Et, avantage supplémentaire, en procédant a posteriori, cela ne « grille » pas le terrain, d’où la possibilité de recommencer…

Donc, en résumé, pour qu’un tel cumul de défaillances ait pu se produire (pas de cloisonnement, pas de sécurité sur le terrain, et un terrain inadapté utilisé pour la première fois et pour un grand nombre de personnalités), il y a eu un ou plusieurs traîtres dans l’affaire.

La réaction normale de la DGPI face à un tel fiasco serait d’envoyer dare dare en métropole des flics chevronnés chargés de la sécurité des différents groupes concernés, et notamment d’éliminer les mauvais éléments.

Bien amicalement
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Lun Jan 24, 2011 10:12    Sujet du message: Répondre en citant

Pour Dak : juste sur un point : le terrain était bien adapté, mais pas pour un avion en surcharge. La faute aux amateurs de bonne volonté qui se sont dit "quand il y en a pour un..." en pensant que le seul problème était celui de l'essence.

Pour le reste, je laisse répondre Menon-Marec.
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Casus Frankie

"Si l'on n'était pas frivole, la plupart des gens se pendraient" (Voltaire)
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Menon-Marec



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MessagePosté le: Lun Jan 24, 2011 10:19    Sujet du message: Répondre en citant

Bonjour à Dak.
1) L'épisode du 24 septembre est, évidemment, lié à des traîtres. Ils vont apparaître très bientôt - dès que Casus Frankie leur aura donné le feu vert.
2) N'oublions jamais que la Résistance est le fait d'amateurs: en France, en 39-44 (FTL) ou 39-45 (OTL), personne n'avait l'expérience de la clandestinité, sauf les communistes, hors-jeu en FTL ou presque, et les cagoulards. Qu'il y ait eu des boulettes aux conséquences dramatiques et des manquements élémentaires aux règles de sécurité est un fait historique.
3) Un système militaire fonctionnant à 100% relève de la vue de l'esprit. Mon ami le général Von Clausewitz, qui s'y connaissait, parlait des "frottements". Razz
4) À titre de post-scriptum, j'ai, de très loin, imaginé l'épisode du 24 septembre à partir de ce que mon père m'avait conté jadis sur les maquis des Alpes (Queyras et Ubaye) et sur le Vercors. Trente ou quarante après (il est mort en 1994), certaines erreurs ou imprudences le faisaient encore bouillir de fureur.
Amts, ainsi que l'on écrit à l'AFP.
M-M.
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delta force



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MessagePosté le: Mer Jan 26, 2011 13:04    Sujet du message: Répondre en citant

J'ai découvert récemment dans les livres de F. LOPEZ que les services allemands (le FHO de Reihhard Gehlen pour être exact) avaient réussi à "retourner" des officiers et "zampolisty" soviétiques, dont un certain nombre ont pu passer entre les mailles du NKVD .

Je ne sais pas si OTL cela a été fait ou tenter pour les prisonniers occidentaux; mais peut on l'envisager FTL ?
_________________
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patrikev



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MessagePosté le: Jeu Jan 27, 2011 08:34    Sujet du message: Répondre en citant

dak69 a écrit:
Bonjour

Côté allemand, l’attaque frontale d’un terrain clandestin n’était pas la règle, ni d’ailleurs la meilleure manière de procéder. Il vaut mieux intercepter les « arrivants » en les pistant, car cela mène généralement à un ou plusieurs gros poissons d’un réseau. De plus, cela nécessite des forces relativement importantes (des dizaines d’hommes), ce qui n’est pas discret du tout, et garantit le repérage. Et, avantage supplémentaire, en procédant a posteriori, cela ne « grille » pas le terrain, d’où la possibilité de recommencer…

Bien amicalement


Exact en principe, sauf que pour filer une trentaine de suspects se dispersant en pleine nuit, dans la campagne, à pied ou à vélo et par des itinéraires différents, il faut beaucoup de personnel compétent et connaissant bien la région. La Gestapo de Marseille et le SONEF travaillent en sous-effectif, ne peuvent quasiment pas compter sur la police ou la gendarmerie régulières, et doivent assurer en même temps beaucoup d'autres tâches (surtout à Marseille, ville très remuante). Sans cette pénurie de personnel, les pertes de la résistance auraient été encore plus lourdes.
_________________
- Votre plan comporte un inconvénient majeur.
- Commençons par le plus facile: capturer la bête.
- Le voilà, l'inconvénient majeur.
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Sam Jan 29, 2011 00:49    Sujet du message: Répondre en citant

Ne pensez pas que nous ne tenons pas compte des observations des uns et des autres pour le texte définitif...
en attendant, voici la suite !
(pas très très gaie, je le crains)



12 octobre 1942
Plaine de la Crau
– Le sous-lieutenant René Puget, jouant d’audace, pose son Lysander de la 642e ECGRE au milieu de la plaine de la Crau, sans souci de la base d’Istres qu’occupe la Luftwaffe, à moins de vingt kilomètres, ni de son radar Würzburg D installé depuis quelques semaines sur un socle de béton.
Puget, engagé dans l’Armée de l’Air en 1937, volait jusqu’en juillet 1940 sur un Bloch 210 de bombardement de nuit et il est familier des longs vols nocturnes. A peine éclairé par la lune dans son deuxième quartier, il a fait tout le trajet à basse altitude. Aux approches du rivage de la Camargue, il est carrément descendu au ras des vagues. S’orientant sur le grand Rhône et les vestiges du pont suspendu d’Arles, que les Allemands n’ont que partiellement réparé après les combats de l’été 40, il a réussi à trouver le terrain, un pré caillouteux à l’herbe rare balisé par quatre lampes très discrètes, sur lequel il s’est posé sans faire plus de bruit qu’une chauve-souris.
À peine l’appareil s’est-il arrêté qu’en descend le lieutenant Déodat du Puy-Montbrun, chaleureusement accueilli par deux membres du groupe Taupe et deux résistants de Marseille. Elève à Saumur au printemps 1940, promu sous-lieutenant sur le champ de bataille (capturé fin juin, il s’est évadé le lendemain et a repris le combat aussitôt), le jeune officier vient de recevoir son deuxième galon. Du cadre B de la DGPI, il est affecté, pour ordre, au 5e Hussards. Le capitaine André Achiary, policier dans le civil et en charge de la sécurité de la DGPI (officiellement, il n’est responsable que de la liaison avec le ministère de l’Intérieur), l’a choisi pour enquêter sur le désastre de la Coulombière.
Le Lysander de Puget, tous hypersustentateurs sortis, décolle trois minutes plus tard, sans encombre, face au mistral. À moins de cent mètres, il met le cap au 180 et s’enfuit à tire-d’ailes.
Le comité d’accueil entraîne Puy-Montbrun vers un agachon de braconniers – une hutte de roseaux, où sont cachés des vélos. Ils y passeront le reste de la nuit, dans le froid mal atténué par un thermos de café à l’orge grillé, et s’en iront à l’aube chacun de son côté, comme des ouvriers agricoles partant aux champs.


20 octobre 1942
Ouargla (Maroc)
– Réclamée depuis plusieurs mois par Henri Guillaumet, chef de la 642e ECGRE, l’attribution d’une paire de PBY-5A Catalina à l’escadrille est enfin chose faite. Elle doit permettre d’augmenter la capacité de l’express. L’avion, en extrapolant les données des rapports d’utilisation opérationnelle transmis par l’US Navy à la France et à la Grande-Bretagne, est considéré comme capable de transporter à l’aller comme au retour quatre à six passagers, à destination (ou en provenance) d’un point quelconque des rivages méditerranéens de la Métropole. Ils y seront déposés (ou embarqués) à l’aide d’un dinghy pneumatique, après (ou avant) un vol dans des conditions de – relatif – confort et de fiabilité très supérieures à celles qu’offre le Lysander. Le tout à condition, bien sûr, que les passagers en question échappent aux patrouilles mises en place par les Allemands le long des côtes.
Le premier Catalina, baptisé El Cóndor, peint en bleu-noir mat et piloté par Guillaumet lui-même, doit décoller de Ouargla vers 14h00 et rejoindre Alger Maison-Blanche pour une longue escale technique (recomplètement des pleins, repos puis dîner de l’équipage et ultimes retouches du plan de vol) avant de s’envoler cap au nord peu avant 23h00. L’objet de la mission du patron de la 642e est de s’assurer de la possibilité pratique d’amerrir et de déjauger tous feux éteints, à la seule lumière de la pleine lune et sans attirer l’attention, après un vol au ras des vagues afin de passer sous les radars. La plage des Salins d’Hyères a été choisie pour l’expérience en raison, d’une part, de la chaîne de Funkmessgeräte protégeant les atterrages de Toulon et d’autre part de l’existence dans la région – au cas où… – du maquis et des organisations de Résistance issus de la Marine nationale et des Troupes coloniales. En outre, les plus proches unités d’occupation dans le secteur ne devraient pas être trop gênantes : ce sont les huit timoniers, âgés ou inaptes au service à la mer, de l’équipage du sémaphore de Porquerolles (naturellement tourné vers le large, non vers la côte) et les quinze veilleurs de la Kriegsmarine qui se relaient jour et nuit sur le site de la batterie de 340 du cap Cépet, à Saint-Mandrier, de l’autre côté de la presqu’île de Giens (les tubes, dûment pétardés en 1940, ont été transportés chez Krupp, dans la Ruhr, et fondus dans les règles de l’art pour « forger l’acier victorieux »). Le Catalina doit être accompagné, à toutes fins utiles, par un Hudson piloté par le sous-lieutenant Puget et le sergent-chef Loux.
………
Mais au départ de Ouargla, alors que le PBY El Cóndor atteint la vitesse de décollage, il quitte la piste et s’écrase. Henri Guillaumet est tué. Deux des membres de l’équipage , l’adjudant mécanicien Félicien Guernier, un Normand de Pont-l’Évêque, et le sergent radio Jan Luszeski, lensois de parents polonais naturalisés en 1938, trouvent également la mort. Seul survit, indemne à part des brûlures légères et un poignet cassé, son copilote (et adjoint), le capitaine Jean Dabry , navigateur de Jean Mermoz en 1930 pour la première traversée de l’Atlantique Sud.
Selon les témoignages visuels, corroborés par les constatations des techniciens, l’avion de Guillaumet a perdu l’aileron de sa voilure droite – par suite d’une paille dans l’acier de l’un des axes de ses charnières, découvrira-t-on le surlendemain – au moment même où la roue de la jambe avant du train venait de se soulever. Déséquilibré, il s’est incliné brutalement sur la droite, l’aile a touché le sol et l’avion a percuté à près de 100 nœuds le sable de la bordure de piste, avant de basculer sur le dos, de se désintégrer partiellement et de prendre feu.
Jean Dabry, le dernier à avoir parlé à Guillaumet, racontera que son chef et ami était resté très marqué par la mort de Marcel Reine en Indochine, l’année précédente : « Depuis que Marcel est parti, disait-il souvent, j’ai l’impression de faire du rab… »
Malgré cet accident, la 642e finira par aligner deux Catalina, à côté de quatre Lysander et de deux Hudson. Il faut y ajouter six appareils d’essai et de servitude : un quadrimoteur Farman 222 converti en transport à toutes fins (y compris pour des parachutages sur la Corse, à l’occasion), un Amiot 143 remotorisé avec des Bristol Centaurus et un Caudron Goéland pour les liaisons, un Mureaux 117 réservé aux recherches et aux expériences sur l’amélioration des méthodes de navigation de nuit (et sur les moyens de brouiller les radars ennemis ou d’y échapper – domaine ultra-secret), le Dewoitine 500 (désarmé) qu’Henri Guillaumet utilisait comme avion personnel et dont son successeur héritera naturellement, enfin un autogire Lioré et Olivier C-301, prêté par l’Aéronavale, que les mécaniciens ne sortent de son hangar qu’exceptionnellement, pour des envols de brève durée.


25 octobre 1942
Alès (Gard)
– Lazare et Lucien Poujols, 26 et 23 ans, deux frères originaires d’Olonzac (Hérault), tombent morts sur le parvis de la cathédrale Saint-Jean-Baptiste à la sortie de la grand-messe. Ils ont été abattus par deux rafales de 7,65 tirées par le PM MAS-38 du passager d’un side Gnome & Rhône du type Dragons portés (dont tous les exemplaires survivants sont censés être utilisés par la Wehrmacht comme prises de guerre, en dehors de ceux concédés à la Garde du NEF). Le tir a été très précis : il n’y a pas un blessé parmi la foule des fidèles qui sortaient au même moment de Saint-Jean-Baptiste.
Sans professions ni moyens d’existence connus, les Poujols menaient grand train dans les cafés de la place Saint-Jean et les maisons closes des quais. Ils n’étaient arrivés que depuis deux semaines dans la préfecture du Gard et avaient présenté à la gendarmerie des certificats de démobilisation établis en novembre 1940 par le centre liquidateur du 107e BCA .
En début de soirée, la rédaction alésienne du Petit Méridional reçoit un communiqué signé du « Général commandant la Zone Sud de la Résistance », qu’authentifient des cachets d’apparence officielle. Ce texte indique que les deux Poujols avaient été condamnés à mort le 10 octobre par le Tribunal militaire d’Alger pour les chefs d’intelligence avec l’ennemi et de trahison. Il ne précise pas que les deux frères, infiltrés dans le maquis du Minervois et au demeurant authentiquement natifs de la région, appartenaient au SONEF de Marseille. C’est sur la base des renseignements qu’ils avaient fournis aux Occupants que l’opération de la Coulombière, organisée par le groupe Choucas au profit du BCRAM et de la DGPI, a échoué dans le sang, et que tant de patriotes – dont le lieutenant-colonel Costes – sont morts ou ont été arrêtés. « Que les traîtres se persuadent, affirme le communiqué, que la Justice de la France qui se bat saura les poursuivre où qu’ils se cachent, et jusqu’au bout du monde s’il le faut. »
Bien entendu, le journal ne publiera pas le communiqué – ce qui ne l’empêchera pas d’être diffusé sous forme de tracts répandus nuitamment par avion et repris par la presse clandestine.


2 novembre 1942
Stalag Luft II à Litzmannstadt (Łódź)
– Capturés en juillet 1940, l’adjudant mécanicien Jules Fournier (BA 125 Istres) et le sergent d’interprétation photo Auguste Duvallon (BA 115 Orange) s’évadent en se glissant dans un kommando d’hommes du rang employés sur l’un des chantiers de réfection de la voie ferrée Berlin-Varsovie par la Sücher & Störer GmbH (Travaux publics et génie civil). Ils ont l’intention de se diriger vers Stettin, de s’y emparer d’une embarcation (Fournier, natif de Groix, a été mousse puis matelot à la pêche côtière avant de s’engager dans l’Armée de l’Air), et de se diriger, en fonction de la météo, bien rarement clémente en Baltique après le 15 octobre, vers le Danemark ou vers la Suède. Ce départ a été préparé avec grand soin, depuis deux mois, par le cadre B du Stalag.
Fournier et Duvallon emportent avec eux deux documents d’une extrême importance :
– un plan de Łódź à grande échelle donnant, avec précision, la localisation des usines et des ateliers d’armement que le Reich a installés dans la ville et dans ses environs (ils emploient souvent de la main d’œuvre concentrationnaire, détachée par le camp de Chełmno-Kulmhoff et renouvelée complètement tous les trois mois, conformément aux stipulations du programme de “solution finale” du problème juif).
– une carte que le chef de camp de la DGPI a nommée “Casoar”. Cette carte, élaborée à partir de renseignements de toutes origines collationnés par l’appareil clandestin français du Stalag, recense, de façon exhaustive, les camps de concentration (KZ, d’où le casoar) que le Reich a construits, ou est en train de construire, dans les territoires polonais annexés depuis l’automne 1939 (Prusse occidentale, Prusse sud-orientale, Warthegau, Haute-Silésie orientale) et dans les limites du Gouvernement général de Pologne. Elle montre notamment l’ensemble gigantesque – par surcroît en cours d’extension, semble-t-il – que les Nazis ont édifié à Auschwitz-Oświęcim, dès 1940, sur un nœud ferroviaire situé à proximité de Kattowitz-Katowice.
L’évasion de Fournier et de Duvallon ne sera décelée que dans la soirée. Malgré leur renforcement immédiat, ils échapperont aux patrouilles des Schupos et de la Feldgendarmerie en passant leur première nuit de liberté, non sans grelotter, dans la chapelle Świętego Ignacego i Franciszka Ksawerego (saints Ignace et François-Xavier) du cimetière Jezuitów (des Jésuites).


11 novembre 1942
Alger
– Le général de Saint-Vincent et ses adjoints écourtent leur présence au cocktail offert par le président de la République, M. Albert Lebrun, aux officiers des unités qui ont participé au défilé et aux cadres des états-majors. Ils se hâtent de regagner la DGPI : la veille, à la nuit tombée, le chalutier Jean-Jaurès, armé par la Marine mais rebaptisé Don Juan de Austria lorsqu’il arbore, ce qui est fréquent, le pavillon espagnol, a ramené à Oran le lieutenant de Puy-Montbrun, embarqué trois jours plus tôt devant Collioure au tout petit matin.
En tenue de sortie, rasé de près comme s’il venait de défiler lui-même, Puy-Montbrun rend compte verbalement de sa mission d’enquête à ses chefs et à deux délégués du BCRAM avant d’en coucher les conclusions par écrit. Il indique d’entrée de jeu que, selon l’avis de tous ceux qu’il a interrogés en Métropole, trois facteurs ont causé le désastre de la Coulombière.
D’abord, l’inexpérience de Luc-Marie de Montagny, officier courageux, parfois jusqu’à la témérité – il l’avait montré au Maroc en 33-34, puis pendant la campagne de France – mais d’idées et de conceptions trop “militaires” et insuffisamment “résistantes” pour bien remplir la tâche de chef du groupe Choucas. Puy-Montbrun explique, de façon imagée : « Il était casoar et gants blancs, mon général, il fallait du couleur muraille. » Il ajoute : « J’ai aujourd’hui la conviction qu’une opération de l’express qui mobilise plus de six personnes fait courir des risques idiots. Un sacrifice n’est justifié que si le jeu en vaut la chandelle. »
Ensuite, la négligence du chef des opérations de l’express, le capitaine (Air) Louis Bleuzien, pilote au GC II/6, qui a combattu sur MS-406 puis sur D-520 de mai à juillet 40 (trois victoires), mais paraît peu fait pour une besogne d’état-major. « Il n’aurait jamais dû donner son accord à ce que Montagny lui proposait, affirme Puy-Montbrun. Il n’a pas sa place dans cette fonction. »
Enfin, l’insuffisance des procédures de sécurité dans les maquis en général, et, en particulier, au maquis du Minervois. « Il me paraît ahurissant, s’exclame le lieutenant, que deux salopards – je vous prie de m’excuser, mon général, deux traîtres du calibre des Poujols, qui ont “donné” l’opération, aient pu s’infiltrer dans un réseau sans être repérés et descendus tout de suite. Les consignes de sécurité doivent être plus impératives, et il faudra que tout chef de maquis qui ne les respecte pas soit démonté de son commandement sans autre forme de procès. » Pour conclure, Puy-Montbrun précise qu’il a veillé personnellement au règlement du cas des frères Poujols : « Je n’ai pas cru utile, mon général, de requérir d’autorisation de votre part. »
« Et vous avez fort bien fait ! » grogne Saint-Vincent.
Le soir même, le capitaine Bleuzien sera remis à la disposition du chef d’état-major de l’Armée de l’Air, avec effet immédiat, par le général de Saint-Vincent.


12 novembre 1942
Clermont-Ferrand
– Le Stabarzt der Luftwaffe Dr. Med. Karl Ketzel, médecin-major de la Flugschule 108 d’Aulnat (ex B.A. 745), où s’entraînent aux techniques de combat trois contingents par an de futurs pilotes de chasse, décide de transmettre au Sanitätsinspektorat des forces d’occupation, qui dépend du Militärbefehslhaber de Paris, les conclusions d’une enquête médicale d’urgence.
Inquiet d’une violente recrudescence des cas de gonococcie et, plus grave, de syphilis chez les officiers de la base – et même chez des élèves – en dépit des mesures de prophylaxie appliquées avec discipline, le Dr Ketzel avait aussitôt entrepris de remonter aux origines de l’épidémie. Il a établi, signale-t-il à Paris, que les malades ont été contaminés par deux des pensionnaires du Bonnet par-dessus les Moulins, maison de tolérance chic proche de la place de Jaude. L’accès de cet établissement, ajoute le Dr Ketzel, est réservé, depuis l’entrée de la Wehrmacht dans la ville en 1940, aux officiers et aux assimilés (Sonderführers usw.). La présence des Fähnriche (aspirants) y est tolérée chaque mercredi soir par souci du moral des troupes.
Tous les syphilitiques, précise le Dr Ketzel ont été traités au Neosalvarsan, dérivé arsenical qui a donné d’assez bons résultats, en dépit d’effets secondaires parfois lourds. De fortes doses de sulfonamides sont (à peu près) venus à bout des gonococcies. Quant aux « corps du délit » (en français dans le compte rendu du Dr Ketzel), les filles en carte Louise Levert et Marcelette Pédronne, elles ont été dûment soignées, elles aussi – mais à l’infirmerie de la maison d’arrêt où elles ont été incarcérées sur l’ordre du préfet en attendant la suite.
En outre, faute de pouvoir exiger la fermeture du Bonnet – toujours le moral des troupes – le Dr Ketzel a réclamé et obtenu le renouvellement de toutes les pensionnaires. Les onze postulantes présentées par la taulière n’ont été admises à exercer leur activité qu’après un examen médical approfondi confirmé par de multiples analyses.
Nazi grand teint, le Dr Ketzel juge nécessaire d’envoyer un exemplaire de son rapport au Dr Oberg, afin qu’il puisse, s’il le souhaite, prendre les mesures de police qui s’imposent en vue de la protection de la pureté du sang grand-allemand et de la santé des combattants.
Louise et Marcelette seront finalement déportées à Ravensbrück en mars 1943. Elles n’en reviendront pas.


15 novembre 1942
Alger
– Le capitaine Georges Libert, affecté jusqu’alors aux Lignes Aériennes militaires, reçoit son quatrième galon. Il est nommé au commandement de la 642e ECGRE à dater du 10 du mois en cours, annonce le Bulletin hebdomadaire du ministère de la Défense. Ancien navigant d’Air Bleu sous les ordres de Didier Daurat, Libert est tenu pour l’un des meilleurs spécialistes français du vol sans visibilité (VSV). Il s’est attribué en 1937 un record mondial en assurant en quelque quarante-quatre heures la liaison Paris-Hanoï. Il aura pour adjoint le lieutenant de vaisseau Félix Ortolan, pilote breveté sur hydravions, qualifié sur porte-avions et pionnier de l’appontage de nuit, détaché par la Marine à partir du 1er décembre.
Ce numéro du Bulletin indique aussi que le capitaine Jean Dabry, promu commandant au 1er novembre 1942, prendra le 1er janvier la tête du GB IV/60 sur Consolidated 32.


17 novembre 1942
Alger
– Paul Reynaud en personne défend lors du débat budgétaire, devant l’Assemblée des Élus de la République, les crédits de la Présidence du Conseil pour 1943. Il demande notamment aux parlementaires une enveloppe de 141 528 210 francs pour la DGPI au titre de l’année à venir. Il leur indique, sans ignorer que ses propos seront, sans nul doute, cités in extenso par la presse et diffusés par Havas Libre et Reuters dans le monde entier, que 29 643 prisonniers français se sont évadés des camps allemands ou italiens entre le 1er janvier et le 30 septembre 1942, et que 10 378 ont réussi leur évasion.
« Mais, succès ou insuccès, s’écrie-t-il, ces hommes-là nous ont démontré qu’ils sont au nombre des meilleurs fils de France ! D’ailleurs, aujourd’hui, tous ceux qui ont recouvré leur liberté sont engagés dans nos troupes ou prennent part, de multiples façons, à la Résistance ! Et les autres, croyez-moi, messieurs, continuent, eux aussi, de résister! »
Très applaudi, il enchaîne, sans entrer dans les détails : « Vous n’avez pas manqué de noter, messieurs, l’apparition, dans le bleu qui vous a été soumis, d’une ligne, Fonds SEM, qui n’y figurait pas l’an dernier. Il s’agit d’apporter une aide temporaire aux évadés rentrés chez eux, sous forme d’un complément de solde, en attendant qu’ils aient retrouvé leur atelier, leur magasin, leur champ ou leur bureau : un revenu de secours. » Aucun des intervenants ne songera à demander à Reynaud par quelles voies cet appoint sera versé aux allocataires, ni son taux. Il est vrai que le président du Conseil, attentif aux besoins de la DGPI, n’aurait guère pu expliquer qu’il s’agit surtout de régulariser une situation de fait qui dure depuis près d’une année déjà : créé en décembre 1941 de sa propre initiative par le général de Saint-Vincent, le Fonds SEM – pour “Secours aux Évadés en Métropole” – est administré par Hervé Alphand sous sa seule signature. Pour l’essentiel, il est destiné à rémunérer en dollars, sterling ou francs suisses les services rendus à la Délégation (et quelquefois au BCRAM) en Suisse ou en Suède, plus rarement au Portugal mais très fréquemment en Espagne, par « des personnes honorablement connues » .
Les crédits de la DGPI seront approuvés dans les formes le lendemain, à l’unanimité moins six abstentions.


26 novembre 1942
Teruel (Espagne)
– L’adjudant Marcel Florein, de la 642e ECGRE, a combattu en Chine contre les Japonais, comme instructeur dans les forces de Tchang Kaï-chek, avant de rejoindre la France à la mobilisation. Employé chez Caudron après la défaite, il a réussi à rejoindre la Grande-Bretagne le 14 juillet 1941, aux commandes d’un Goéland construit pour les Allemands. Florein avait obtenu de ses camarades syndicalistes que cet appareil-là ne soit pas saboté grâce à son passé de combattant anti-fasciste confirmé. Avant la Chine, en 1936-37, il a en effet piloté un Potez 540 de l’escadrille España, sous les ordres d’André Malraux.
Ce soir, Florein revient sur les lieux de ses premiers exploits aux commandes d’un Hudson peint en bleu-noir mat. Son copilote et navigateur est le sergent-chef Jean-Pierre Hassdorf, un Strasbourgeois qui a servi en Crète, sur LeO 451, au GB III/12. En juin 1940, Hassdorf venait d’achever sa formation à Avord et s’était retrouvé à Bône sans avoir combattu. L’adjudant s’entend bien avec son second – pourtant, Hassdorf militait en 1938 au Parti républicain national et social (PRNS), l’un des avatars plus ou moins fascisants des Jeunesses Patriotes de Pierre Taittinger après leur dissolution. L’avion transporte deux passagers qui n’ont donné que leurs prénoms et leur grade, sans nul doute fictif, de caporal.
Florein et Hassdorf doivent retrouver, dans les solitudes désolées de l’est de l’Aragon, à mi-chemin de Teruel et de Monreal del Campo, l’un des terrains qu’utilisait la Escuadra España à la fin de 1936, que Florein connaît bien et que l’Ejercito del Aire de Franco a délaissé. Ils y sont attendus par un comité de réception composé, leur a-t-on dit, d’anciens de l’aviation républicaine qui survivent dans la clandestinité. Ces hommes, au risque d’être surpris par une patrouille de la Guardia Civil ou du Cuerpo Nacional de Policía, auront balisé les lieux.
La mission est une première. Si quelques agents ont déjà été parachutés en Espagne, jamais encore l’Armée de l’Air ou la RAF n’y ont organisé une véritable “escale”. Mais l’évolution du conflit, estime-t-on à Alger et à Londres, permet d’attacher moins d’importance aux susceptibilités de Franco. Le seul danger est celui d’un accident, car l’Espagne ne dispose d’aucun chasseur de nuit. Son unique radar, un Würzburg de première génération concédé par le Reich, est déployé à Madrid : le Caudillo redoute, paraît-il, un raid aérien sur son palais du Pardo.
La météo est bonne, malgré le vent glacial. Le terrain est redevenu, depuis 1938, un pré à moutons jauni par le froid et la sécheresse, mais il est bien reconnaissable et suffisamment signalisé. Florein et Hassdorf atterrissent sans encombre. Peu avant 2 heures du matin, ils décollent sans plus de difficulté. Ils ont déposé leurs deux passagers sans nom, chargés de deux valises de cuir d’apparence banale , et ils ont embarqué trois hommes et une femme, sans aucun bagage, souriants de soulagement mais frigorifiés – et tout aussi dénués d’identité que les deux caporaux. Les huit membres du comité de réception, qui se roulaient des cigarettes d’un tabac à l’odeur âcre en manipulant avec désinvolture des pistolets de gabarit respectable, se sont contentés comme adieu d’un “¡Hasta la vista, compañera y compañeros! ¡Y siempre hasta la victoria!” en levant le poing.
L’un d’eux, a remarqué Hassdorf, s’est cependant signé furtivement. Lorsqu’il a fini par en faire part à Florein, au moment où leur Hudson arrivait en vue de la côte maghrébine, le vétéran a grogné, en marxiste-léniniste convaincu (quoique d’obédience dissidente) : « Eh oui, c’est vrai, les camarades espagnols n’ont pas encore su résoudre dialectiquement toutes leurs contradictions ! »


1er décembre 1942
Vénissieux
– Le commandant René Cogny, polytechnicien et artilleur, qui s’est évadé en mai 1941 de l’Oflag XII-B de Mayence, prend la fonction de chef régulateur du “métro” de la DGPI. Il a été nommé à ce poste, et promu en même temps au grade supérieur, par le général de Saint-Vincent sur proposition du colonel Luizet, chef du cadre B.
Chargés de coordonner les mouvements sur les “lignes” du “métro”, les régulateurs – outre Cogny, quatre officiers et sous-officiers issus des cadres de la SNCF, démobilisés en 1940 mais volontaires pour être à nouveau, clandestinement cette fois, mobilisés par Alger – travaillent au grand jour dans un bureau vitré mis à leur disposition par la direction des usines Berliet, à côté du hall principal des dessinateurs. Ils forment à eux cinq le service des “Livraisons externes”, raison sociale inscrite sur une pancarte. Les prestations fournies à l’Occupant par le grand industriel des poids lourds confortent ce camouflage.
On avait considéré dès le début à Alger que la régulation devait s’installer dans la région lyonnaise pour deux raisons : d’une part la position de l’agglomération de Lyon à l’entrée du sillon rhodanien, c’est à dire au centre de gravité économique, sinon géographique, de la France métropolitaine ; d’autre part l’importance, pour les transports de toutes natures de l’Occupant, comme pour la circulation des voyageurs et du fret civils, du carrefour ferroviaire articulé autour du chapelet des gares de Lyon-Perrache, Lyon-Brotteaux, Lyon-Vaise et Lyon-Saint-Paul, et des triages de Sibelin (au sud de l’agglomération) et de Collonges-au-Mont-d’Or (au nord).

Fort-de-France – Adressé aux ministères de la Défense, de l’Intérieur et des Colonies, et à la DGPI, un télégramme conjoint du gouverneur Deproge et du contre-amiral Toussaint de Quièvrecourt annonce que les travaux de construction d’un camp pour officiers prisonniers sur la presqu’île de la Caravelle ont retrouvé un rythme normal. Ils avaient été un temps ralentis, et même interrompus, par des pluies d’une violence inaccoutumée.
Les deux hauts responsables de la Martinique affirment que les installations du camp seront prêtes pour la dernière semaine de janvier 1943. Ils suggèrent de planifier les transferts à partir d’Afrique pour une arrivée des prisonniers sur l’île au 1er février. Ils glissent au passage qu’il faudra cependant leur fournir des moyens de couchage et des moustiquaires.


12 décembre 1942
Gibraltar
– Déséquilibré par une violente rafale de levante, le Bréguet Bizerte qui assure la liaison quotidienne (sauf le dimanche, of course) entre le Rocher et Mers-el-Kébir s’abîme au déjaugeage. Il n’y a pas de survivants. L’hydravion emportait l’adjudant Fournier et le sergent Duvallon, attendus à Alger pour des entretiens approfondis.
Fournier et Duvallon étaient parvenus à suivre, à la lettre ou presque, leur feuille de route, grâce à des complicités trouvées par chance, dès le début de leurs pérégrinations, dans les réseaux de l’Armia krajowa (armée secrète). Ils avaient pu rejoindre Kolberg-Kolobzreg, s’y embarquer sur l’un des quatre voiliers de pêche tolérés par les Allemands aux Polonais qui y vivaient encore (malgré les transferts de population ordonnés dès l’automne 1939 au profit des Volksdeutsche rapatriés au sein du Vaterland), débarquer sur l’île de Rügen (sous prétexte d’une rupture du croissant de bôme) et passer en Suède sans coup férir par l’entremise de policiers danois appartenant à la Résistance du royaume.
À Göteborg, l’attaché militaire français, prévenu par la Säkerhetspolisen (en charge du contre-espionnage suédois), avait recueilli les documents apportés par les deux sous-officiers et les avait aussitôt expédiés sur Alger par la valise diplomatique . Fournier et Duvallon, eux, avaient été acceptés comme passagers sur un cargo vénézuélien chargé de papier et de roulements à billes (pour les forages de l’industrie pétrolière) en route pour Caracas via Liverpool. Ils avaient été accueillis en Grande-Bretagne par l’officier de liaison de la Marine nationale dans le grand port de la côte occidentale, puis dirigés illico sur Portsmouth par le train pour monter à bord du Sunderland quotidien de la RAF à destination de Gibraltar. Il était prévu, d’entente négociée entre l’amiral Fernet et ses correspondants du 54 Broadway , qu’un officier du MI 6 pourrait participer à leur débriefing à Alger.
On attendait beaucoup de leurs indications sur l’Armée secrète polonaise, recueillies de visu, de auditu et in vivo, car, tant à Alger qu’à Londres, on soupçonne le gouvernement polonais en exil de céder, selon le mot de Winston Churchill, à « son penchant slave pour la poésie ». En clair, d’exagérer les moyens et les capacités de la Résistance de son pays, à la fois par patriotisme, ce qui se comprend, et par souci d’obtenir davantage d’armement, d’argent et d’émetteurs-récepteurs, ce qui se comprend également. Mais Alger et Londres devront se contenter du plan des ateliers d’armement de Łódź et de la carte des camps de concentration de Pologne.


15 décembre 1942
Alger
– Radio Alger annonce dans son bulletin du soir que la vingtième étoile de vermeil sur le ruban de la médaille des Évadés, qui marque la réussite d’une évasion durant la Première Guerre mondiale puis d’une autre au cours des hostilités ouvertes en septembre 1939, a été attribuée au lieutenant-colonel Louis-Auguste Genêt.
En 1916, alors sous-lieutenant, Genêt avait été fait prisonnier sous Douaumont par un coup de main de fantassins hessois, alors qu’il organisait en première ligne les liaisons d’un poste d’observation entre son groupe et les tranchées. Il s’était évadé du camp d’officiers de Crefeld en janvier 1918, malgré (ou grâce à) la neige, en rampant sous les barbelés, et avait pu passer aux Pays-Bas. Il s’était alors porté volontaire pour reprendre le combat et, promu lieutenant, avait participé, à la tête d’une batterie de 155 C hippomobile du 74e RA, aux offensives victorieuses de l’été et de l’automne 1918.
En 1939-1940, le lieutenant-colonel Genêt avait appartenu au 4e Bureau de l’état-major de la Ve Armée du général Bourret, puis de la VIIIe Armée du général Laure. En juillet, pendant les derniers combats en Alsace, estimant qu’il n’était plus temps, selon ses propres termes, « de se contenter d’une besogne de fonctionnaire », il avait rallié autour de lui les hommes de deux batteries de 75 égarées entre les derniers contreforts des Vosges et la trouée de Porrentruy. Ils avaient improvisé sous ses ordres, le mousqueton à la main, une défense de leurs pièces sur train rouleur et de leurs tracteurs, dans l’espoir de pouvoir atteindre la Suisse en combattant et d’y être internés avec le 45e CA. Capturé près de Mulhouse avec sa troupe de hasard, Genêt avait été dirigé, avec onze autres officiers, sur l’Oflag V-B de Biberach, en pays souabe, entre Ulm et Friedrichshafen. Il s’en est évadé tout seul, le dimanche 19 avril 1942, affublé d’un pantalon et d’une veste civils confectionnés avec talent par le costumier du théâtre du camp, et d’un chapeau melon dérobé à un épouvantail dans un verger. Entré en territoire helvétique par Schaffhouse et pris en charge par les équipes du Cadre B de la DGPI grâce aux affidés, tant officiels qu’officieux, du colonel Masson, il a rejoint Alger par le “métro” et le “tortillard”.
Le speaker, sans entrer dans ces détails – couverts par les directives permanentes de la censure – précise que Louis-Auguste Genêt, déjà officier de la Légion d’Honneur depuis 1938, titulaire de la Croix de Guerre 1914-18 avec quatre citations, et de celle des TOE avec une étoile, reçoit la cravate de commandeur et la nouvelle Croix de Guerre avec palme à dater du jour de son évasion. Elles lui seront remises par le général Noguès lui-même.


24 décembre 1942
Genève
– La délégation permanente de la France dans la ville de Calvin remet au CICR, sous couvert du ministère des Affaires étrangères, un rapport de la DGPI sur les circonstances et les raisons de la mort de quatre officiers italiens.
Ce texte, signé de la main du général de Saint-Vincent, rappelle que le commandante Giancarlo De Lenghi (Alpini, 3e Régiment), les tenenti Giusto Murini et Giulio-Cesare Antovecchi (Regia Aeronautica, 33e groupe de bombardement) et le sotto-tenente Daniele Arsandino (Artigliera pesante, 24e RA de Corps d’Armée), détenus au camp pour officiers de Bou Sfer (département d’Oran), s’étaient évadés le 14 juillet 1942 en suivant le tunnel qu’ils avaient creusé. Ils mettaient à profit le relâchement de la discipline dû aux festivités de la fête nationale.
Le général indique que les recherches lancées, sitôt l’évasion découverte, par les gardes du camp (gendarmerie mobile), par la gendarmerie départementale et par la gendarmerie maritime de la base de Mers el-Kébir, n’ont rien donné. Le patron de la DGPI reconnaît que la présence probable dans les eaux côtières, ce soir-là, d’un submersible supposé italien a poussé certains à imaginer que les quatre évadés avaient pu être embarqués à bord de ce bâtiment et échappaient à toute poursuite.
En réalité, les quatre officiers italiens, d’abord cachés dans la végétation surplombant les plages, ont ensuite, à en croire deux témoignages, marché toutes les nuits, le long de la côte, en direction de l’ouest, dans l’espoir d’atteindre la frontière du Maroc espagnol. Mais à bout de ressources et de nourriture, ils ont fini par s’arrêter dans la tombe d’un marabout, sans savoir, sans doute, qu’ils n’étaient plus qu’à huit kilomètres de leur but. Leurs cadavres ont été retrouvés, le 17 octobre, par trois chasseurs en battue à la perdrix. Les constatations des médecins français, reproduites en annexe, les ont amenés à diagnostiquer un état de cachexie dû au manque de nourriture et responsable du décès des quatre hommes, probablement survenu au cours de la première semaine de septembre, peut-être de la deuxième.
Lors de la cérémonie d’enterrement au cimetière de la Marine, dirigée par l’aumônier italien du camp de Tlemcen, les quatre officiers, conclut le général de Saint-Vincent, ont reçu les honneurs militaires. Des photos des tombes sont jointes au texte.

Cité du Vatican – Par des voies que seuls connaissent la Providence et les services spéciaux (et peut-être aussi le général des jésuites), le cardinal Tisserant informe Alger que trois officiers supérieurs de l’Armée de l’Air, évadés en octobre de l’Oflag XVIII-A de Lienz sur la Drave (Ostmark - Süd Tirol), sont parvenus à se dissimuler dans les combles de la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs dont les fascistes et les Allemands respectent l’extraterritorialité . Il précise qu’il s’agit de deux pilotes de bombardement et d’un ingénieur mécanicien. Par prudence, même s’il est sûr de son canal, il ne donne pas leurs identités, ni leur grade exact.
Selon Mgr Tisserant, ils ont pu passer en Italie malgré la neige d’automne. Ils ont été recueillis dans les environs de Bressanone, dans les Dolomites, par un groupe de partisans issu d’une unité d’Alpini mais, à ce qu’il paraît, de tendance communisante. Ils ont rejoint Rome par petites étapes, à pied, en camion, en autocar, quelquefois en train malgré la surveillance des gares. Mais, ajoute le prélat, leur situation est de plus en plus précaire car il devient périlleux de les ravitailler. Au reste, ils insistent pour reprendre le combat.
Le cardinal, habitué pourtant à faire preuve d’autorité – et dont, au sein de la Curie en particulier, et de l’Église en général, bien peu oseraient discuter les décisions – demande des consignes. Mais il reste prêtre jusqu’au bout des ongles et conclut : « Recevez ma bénédiction, et Joyeux Noël à tous ». Les événements se chargeront sous peu de le soulager en raccourcissant considérablement la dernière étape de l’évasion des trois officiers.

Ifni (Maroc espagnol) – Trois hommes vêtus de burnous crasseux et chaussés de babouches décaties, sauf l’un d’eux qui va pieds nus, se présentent à l’heure de la diane au poste de garde de la caserne de la Garde civile de l’enclave, le cuartel Cadetes del Alcázar de Toledo, sis, bien entendu, calle José Antonio Primo de Rivera. Au cabo mayor (sergent) chef de poste, celui qui paraît être leur chef explique en fort bon castillan (seulement marqué d’un net accent tudesque) qu’ils sont des officiers allemands, « de la Heer et de la Luftwaffe » précise-t-il. Prisonniers des Français, ils ont réussi à s’évader du camp de Goulimine, dans le Sud marocain, et se sont dirigés, malgré les difficultés du trajet, vers la préside de la côte atlantique.
Suivant la bonne règle, le sous-officier en réfère à l’officier de jour qui prend lui-même contact avec le commandant d’armes, lequel préfère, par télégramme, se défausser sur Madrid où sont transmis les tenants et aboutissants. À 17 heures, enfin, le coronel de la Legión, chef de la garnison, est informé que, par ordre personnel du Caudillo, il doit permettre à ses trois hôtes de se reposer et de se laver, leur fournir des vêtements convenables et les nourrir au mieux avant de les embarquer (discrètement quand même) dans le premier Ju-52 de l’Ejercito del Aire en partance pour l’Espagne. En attendant, a ajouté Madrid, ils recevront l’hospitalité du palais du gouverneur, instamment prié de leur faire partager son repas de réveillon.
Il est vrai que le chef des Allemands n’est autre que le major Werner Mölders, as des as de l’aviation du Reich lors de sa capture en juin 40 et titulaire de surcroît de la Medalla de la Campaña et de la Medalla Militar qui sont venues récompenser son action au sein de la Légion Condor.


31 décembre 1942
Berlin
– Avant de pouvoir jouir en famille d’un réveillon qu’il juge aussi mérité qu’il l’espère gemütlich (d'une ambiance et d'un bon goût bien germaniques), le Reichsführer SS Heinrich Himmler, en sa fonction de patron, par intérim, du Reichssicherheitshauptamt – sur l’ordre du Führer, il doit l’assumer en personne depuis la mort de Reinhard Heydrich – fait transmettre au QG de la Gestapo, avenue Foch, l’ordre de lancer l’opération Bernhardt und Paul le 2 janvier 1943 à partir de 21 heures. Sous ce nom de code se cache l’opération Bordell und Puff, autrement dit Claque et Boxon.
L’Obergruppenführer Karl Oberg, Höherer der SS und Polizeiführer – chef supérieur de la SS et de la police allemande en France occupée – reçoit donc le feu vert pour mener à bien, d’un seul coup, le démantèlement de la “ligne” n° 4 du “métro” de la DGPI. Ses services parisiens (d’abord alertés par le rapport envoyé de Clermont-Ferrand par le Dr Ketzel), les KdS de douze localités et sept Truppen de la Feldgendarmerie ont préparé cette action avec leur minutie grand-allemande, mais non sans les conflits d’institutions et de hiérarchies, les bisbilles et les mésententes qui sont la marque du IIIe Reich.
Le Reichsführer n’a pas oublié de souhaiter dans son télex ein glückliches Neujahr (une heureuse nouvelle année) à Oberg. Mais il persiste à déplorer, il l’a répété à sa secrétaire, que le calendrier chrétien encore en vigueur interdise de fêter la nouvelle année le jour du solstice d’hiver, à l’instar des anciens Nordiques.


Notes
Installations radar.
Depuis que la Luftwaffe a dû abandonner l’ex BAN d’Hyères-Palyvestre, détruite à plus de 90% par une série de bombardements.
Qui ne comptait que quatre hommes. À la 642e, le copilote du Catalina devait remplir la fonction de navigateur et l’avion, dépourvu d’armement, se passait de mitrailleurs.
Nés respectivement en 1902 et en 1901, Guillaumet et Dabry ignoraient avec superbe les limites d’âge du personnel navigant (tout comme Saint-Exupéry, né en 1900). En ce qui les concernait, leurs supérieurs et les médecins les oubliaient aussi : on avait trop besoin d’eux.
Par paradoxe, le 107e BCA, de série B, formait, avec les 87e et 93e BCA, la 45e Demi-brigade de Chasseurs alpins, l’une des unités de la 64e DIA, que commandait le général de Saint-Vincent durant la bataille des Alpes.
Médecin-capitaine. La mention der Luftwaffe signale l’appartenance à l’aviation.
Le Dr Ketzel a employé le mot Reinigung qui signifie, à la fois, purification et nettoyage.
Selon la formulation rituelle des rapports de la Gendarmerie, qui permet de ne pas citer de noms.
Ces valises renferment, l’une un émetteur-récepteur fourni au BCRAM par les Britanniques, l’autre 5 000 dollars, 1 000 livres sterling et des masses de pesetas. Il s’agit de renforcer la Résistance antifranquiste afin d’obtenir son aide pour accélérer les acheminements de Métropole en Afrique via le rapide.
« Au revoir, camarades! Et toujours jusqu’à la victoire! »
Qui suivait un trajet compliqué: Stockholm-Prestwick via Göteborg par le vol bi-hebdomadaire de l’Aktiebolaget Aerotransport ABA (en principe protégé par la neutralité suédoise), Prestwick-Londres par chemin de fer et Londres-Alger par Air France via Lisbonne ou, quelquefois, en urgence, via Gibraltar par la BOAC. Soit quatre jours et nuits de voyage au minimum (et autant au retour), pour les fonctionnaires accompagnant de bout en bout la mallette à serrure des documents confidentiels et les sacs de courrier).
Dans le borough de Westminster. Siège, de 1924 à 1966, de la Military Intelligence.
Ce qui a valu « quinze dont huit » au commandant du camp, trente jours de prison aux adjudants et maréchaux-des-logis chefs, et des punitions de salle de police à leurs subordonnés – sans préjudice de l’envoi de tout ce petit monde dans des unités combattantes.
En vertu des accords du Latran, Saint-Paul-hors-les-Murs fait partie intégrante du territoire du Vatican.
Ou plutôt les oukases ! prétendent de mauvaises langues à Rome, ainsi que ses ouailles des églises orientales.
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patrikev



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MessagePosté le: Sam Jan 29, 2011 01:46    Sujet du message: Répondre en citant

Je note, je note. Les nouvelles procédures d'atterrissage en pays occupé devraient avoir quelques répercusions pour les maquis balkaniques (je suis en train de plancher sur la Grèce).

Pour Teruel, 26 novembre, j'ai un doute. Non pas pour l'absence des gardes civils, qui préfèrent passer la nuit au chaud et on les comprend. Mais novembre 1942 est très précocement glacial et neigeux sur toute la France jusqu'au Midi, selon le site de Guillaume Sechet:

http://www.meteo-paris.com/chronique/?d=1942

edit-Lien corrigé

Le groupe qui vient de France a peut-être eu la chance de passer les Pyrénées avant la neige, mais celui qui va en sens inverse risque d'être bloqué jusqu'au printemps.
_________________
- Votre plan comporte un inconvénient majeur.
- Commençons par le plus facile: capturer la bête.
- Le voilà, l'inconvénient majeur.


Dernière édition par patrikev le Sam Fév 12, 2011 22:28; édité 2 fois
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patzekiller



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MessagePosté le: Sam Jan 29, 2011 08:22    Sujet du message: Répondre en citant

deux details ont attiré mon attention :
pour la camrgue, le secteur me semble un peu chaud, surtout apres l'affaire de l'attaque d'istres (voir episode Jacques lelong, vol des dispositifs de guidage des HS293), je suggererai s plutot de l'autre coté du rhone, dans l'hérault

pour les camps en pologne n'est ce pas un peu tot? il me semble, qu'à cette date, en matiere de solution finale, le gros point chaud doit etre le plutot le ghetto de varsovie, les autres camps devraient etre au mieux en voie d'agrandissement. les comptemporains FTL accorderont ils suffisament d'importance à ce qui n'est à cette époque que de petits camps, eventuellement en travaux ; par rapport à ce qui se passe à varsovie ; pour que cette partie du rapport remonte aussi haut?
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Menon-Marec



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MessagePosté le: Sam Jan 29, 2011 09:12    Sujet du message: Répondre en citant

Merci de vos remarques, frappées au coin du bon sens.
Pour Patrikev: Rien dans le texte n'indique que les passagers du Hudson franchiront la frontière à pied. En fait, j'ai déjà prévu que deux d'entre eux passeront en France par le train (Canfranc - Pau, c'est plus écolo), tandis que les deux autres resteront en Espagne jusqu'au printemps. Mais ça, c'est pour l'avenir = quand j'aurais menée à bien mes petits travaux d'aiguille pour le tome 2.
Pour Patzekiller: Même occupée, la Crau est un vrai désert (seule et unique steppe d'Europe), que les occupants n'ont aucune raison de patrouiller, et la proximité relative d'Istres un atout: les Allemands n'imagineront jamais un pick-out ou un pick-up sous leur nez. D'autre part, l'Hérault de cette époque-là est littéralement couvert de vignes (ce sera vrai jusqu'aux arrachages massifs des années 50), ce que la plupart des pilotes n'apprécient pas pour les atterrissages, surtout la nuit. Wink
Pour les camps en Pologne, je pense qu'à cette époque FTL, les Alliés n'ont conscience que de l'existence de camps de concentration au sens strict (KZ), connus dès avant la guerre grâce aux informations sur Dachau ou Oranienburg, qui leur apparaissent d'abord comme des centres industriels (ou économiques) importants, outre leur fonction de détention. Il est sans doute un peu tôt pour qu'ils comprennent que certains sont aussi des lieux d'extermination systématique et industrialisée. La terminologie de la bureaucratie nazie leur donne, en secret (Cf les consignes permanentes d'Himmler), le nom de Vernichtungslager (VL) = camp d'anéantissement. Il me semble - mais la question reste ouverte - que c'est seulement en 1943 FTL que les Alliés, au courant par ailleurs de l'action des Einsatztruppen en Union soviétique dès le déclenchement de Barbarossa, verront vraiment que le Reich est passé à un niveau supérieur dans la mise en œuvre de la Solution finale.
Amts ainsi que l'on écrit à l'AFP.
M-M.
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loic
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MessagePosté le: Sam Jan 29, 2011 10:27    Sujet du message: Répondre en citant

patrikev a écrit:
Mais novembre 1942 est très précocement glacial et neigeux sur toute la France jusqu'au Midi, selon le site de Guillaume Sechet:

http://www.atf40.fr/ATF40/mai40/Regiments%20fran%C3%A7ais.html#RTM

Erreur d'URL, non ?

Pour M-M : en quoi la DGPI est-elle concernée par le camp bâti dans les Antilles pour les prisonniers ennemis ?
_________________
On ne trébuche pas deux fois sur la même pierre (proverbe oriental)
En principe (moi) ...
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patrikev



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Messages: 1774

MessagePosté le: Sam Jan 29, 2011 12:46    Sujet du message: Répondre en citant

Erreur de lien. C'est corrigé.

Pour Menon-Marec: d'accord pour le passage en train, s'ils ont les passeports avec tous les tampons nécessaires. J'imagine qu'il y a encore une finesse là-dessous.
_________________
- Votre plan comporte un inconvénient majeur.
- Commençons par le plus facile: capturer la bête.
- Le voilà, l'inconvénient majeur.
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Menon-Marec



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MessagePosté le: Sam Jan 29, 2011 13:27    Sujet du message: Répondre en citant

Pour Loïc:
La DGPI est en charge:
1) Des Français prisonniers de guerre
2) Des Français internés (mais elle rame)
3) Des prisonniers de guerre faits par la France (Allemands, Italiens, Japonais)
3) Des étrangers internés par la France, essentiellement des Italiens de Tunisie.
Amts.
M-M.
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