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Yougoslavie: quelle résistance soutenir ?
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Capitaine caverne



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MessagePosté le: Mar Aoû 03, 2010 07:45    Sujet du message: Répondre en citant

patrikev a écrit:

Pour le volet politique de l'affaire, c'est très délicat, et je l'ai laissé ouvert pour le moment. Déjà, je dois recadrer le rôle de Tillon ou lui trouver un remplaçant. Ensuite, Giraud va tenter de contourner de Gaulle pour s'attribuer le mérite de l'opération, en profitant du fait que de Gaulle est hyperoccupé par la prochaine visite de Marshall et Alexander. Et on a vu de quel côté allaient les préférences de Giraud. Mais il faudra bien un jour faire intervenir Palliole, et il y aura (comme dirait un vieil ami de Koca Popovic, André Thirion) des "révisions déchirantes".
Rolling Eyes


En fait, Tillon vit dans la clandestinité à Alger au moins jusqu'au déclenchement de Barbarossa (sous une fausse identité) mais sa présence et sa mission sont connues de Moscou. Il peut servir d'intermédiaire occulte entre les représentants des mouvements communistes entrés en résistance contre l'avis de Staline et des parlementaires/fonctionnaires fiables qui à leur tour peuvent s'adresser à des menbres du gouvernement.
Avec une situation du genre, les représentants de Tito débarquent à Alger (via la turquie?), contactent le camarade Tillon sur l'air "on a besoin d'aide peut importe d'ou elle vienne), lequel Tillon leur dit "vous pouvez parler à untel, c'est un gars raisonnable/fiable". Tillon arrange une rencontre dans un petit café (ou n'importe quel endroit discret) avec l'interlocuteur choisi qui va ensuite parler à un menbre du gouvernement. Et bien sur, en raison de son statut de clandestin, le nom de tillon n'apparrait nulle part ce qui evité d'enerver du monde.
_________________
"La véritable obscénité ne réside pas dans les mots crus et la pornographie, mais dans la façon dont la société, les institutions, la bonne moralité masquent leur violence coercitive sous des dehors de fausse vertu" .Lenny Bruce.
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patrikev



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MessagePosté le: Mar Aoû 03, 2010 18:19    Sujet du message: Répondre en citant

Message reçu. La Turquie via la Bulgarie, c'est en effet la solution la plus simple. Il est très facile d'acheter des faux papiers bulgares, même aujourd'hui, et ça ne devait pas être plus compliqué en 1941.

La rencontre Tillon-Dewez, je la développe juste ce qu'il faut. Popovic connaît sûrement les deux hommes de vue, ils étaient déjà députés quand il séjournait à Paris. Sais-tu dans quel quartier d'Alger habite Tillon?
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Capitaine caverne



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MessagePosté le: Mar Aoû 03, 2010 22:20    Sujet du message: Répondre en citant

patrikev a écrit:

La rencontre Tillon-Dewez, je la développe juste ce qu'il faut. Popovic connaît sûrement les deux hommes de vue, ils étaient déjà députés quand il séjournait à Paris. Sais-tu dans quel quartier d'Alger habite Tillon?


Aucune Idée! Je n'ai jamais mis les pieds à Alger et n'ai aucune idée de l'organisation/aspect de la ville dans les années 40. Si tu connais par contre, je dirais que tu peut choisir un quartier discret, avec pas trop de policiers dans les rues et ou la présence d'un européen passerait inapercu. Mais pas trop éloigné du centre ville, car Tillon est censé suivre la vie politique de la france en exil d'aussi près que possible. Et pourquoi pas trouver pour Tillon un emploi de garcon de café dans un estaminet ou ses messieurs du parlement/gouvernement aiment à se retrouver pour parler boutique.
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patrikev



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MessagePosté le: Mar Aoû 03, 2010 23:54    Sujet du message: Répondre en citant

Tillon a une tête très reconnaissable, et je crois que ses anciens collègues du Palais-Bourbon n'auraient pas de mal à l'identifier. Et puis, autre problème: les Français citadins qui arrivent à Alger dans ces années-là sont très repérables parce que blancs comme des navets. Surtout quand ils sortent de clandestinité.

Comme ancien métallo, Tillon a plus de chances de se faire embaucher dans un atelier ou un garage, de préférence par un camarade italien ou espagnol, qui se doute bien qu'il n'est pas en situation légale, mais qui sait ne pas poser de questions.

Pour le quartier, je dirais vers la gare de l'Agha. Une gare, c'est typiquement un endroit de passage, surtout quand elle est à côté de l'Hôpital civil: n'importe qui peut avoir un prétexte pour y aller, les marchands de journaux ne manquent pas, et le quartier gouvernemental n'est pas loin. Rue de Compiègne me paraît bon.
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Capitaine caverne



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MessagePosté le: Mer Aoû 04, 2010 08:59    Sujet du message: Répondre en citant

patrikev a écrit:
Comme ancien métallo, Tillon a plus de chances de se faire embaucher dans un atelier ou un garage, de préférence par un camarade italien ou espagnol, qui se doute bien qu'il n'est pas en situation légale, mais qui sait ne pas poser de questions.


J'avais oublié ce détail. Pour ce qui est d'un employeur potentiel, Tillon devrait chercher du côté des républicains espagnols. Grace à son passage en AFN par l'espagne et les réseaux républicains (et aussi sa mission humanitaire en 1939), il doit connaitre du monde et avoir déjà en tête quelques adresses pour trouver un emploi et un logement.
Un homme comme lui ayant l'expérience de la clandestinité se doit d'être prévoyant et il me semble assez évident de supposer qu'il sait déjà ou se rendre pour se planquer et avoir une couverture lorsqu'il arrive en AFN. Sans préparation il se ferait vite repérer, arreter et jeter en prison (d'autant qu'une peine de cinq ans lui pend au nez).
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patrikev



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MessagePosté le: Ven Aoû 06, 2010 02:02    Sujet du message: Répondre en citant

Razz Récit FTL:

22 décembre 1941 (date modifiée, voir note)

Alger

Dans un petit café près de la gare de l’Agha, trois hommes vident une carafe de vin rouge, étonnamment bon marché à Alger, même si la qualité n’y est pas toujours. L’un, une figure rude au front bombé, , porte un bleu de travail. Le second est un rouquin massif, des petites oreilles sur une tête très large, un blouson de cuir pas tout neuf. Le troisième, un jeune élégant en chemisette de sport, un bouquet de jasmin sur l’oreille. Un yaouled, un petit vendeur ambulant, passe entre les tables en criant les journaux : "Grande bataille dans la Tonkin et la Cambodge. Le général Arthur défend à Philippeville, c’est pas le Philippeville des Constantinois, c’est un autre. L’Echo, la Dépêche, le Répu !" Le rouquin fixe l’élégant avec attention:

- On s’est déjà vus, non ?

L’élégant se balance sur sa chaise en sifflotant l’air de la Ronda de Boltaña, avant de dire d’un air malicieux:

- Du côté de Saragosse. Vous nous aviez fait une visite, très aimable, je dois dire.

- Nom de D… Un des Brigades! Charles ne m’avait pas dit ça… Charles, tu es sûr qu’on peut se parler tranquilles ?

- Tout à fait sûr. Tu as vu le yaouled ? Il connaît tous les flics du quartier, il les repère à cent mètres.

- Toujours bien organisé, hein? On peut se dire tu, brigadiste. Qu’est-ce que tu faisais, à Saragosse ?

- Je faisais ce que je pouvais. J'ai même eu des résultats. A part que je n’ai jamais trouvé des obus qui fussent exactement du même calibre que mes canons… Et toi, il paraît que tu travailles à la Défense?

- On peut le dire comme ça. C’est même drôle, parce que j’ai commencé dans la vie en écrivant des articles contre les "gueules de vache". Tu es de quel pays, exactement ?

- Yougoslavie.

C’est ainsi que dans la petite salle d’un café d’Alger, Charles Tillon, ancien mutin de la mer Noire, Sulpice Dewez, député ex-communiste et ancien journaliste antimilitariste, et Koča Popović, survivant des Brigades Internationales d’Espagne, commencent à ébaucher un plan de libération de la Yougoslavie.

http://www.youtube.com/watch?v=kKNwvNTgmyM&feature=related

Sulpice Dewez, menuisier syndicaliste, député communiste de Valenciennes dans le Nord, s'était fait une spécialité avant-guerre de dénoncer la "fascisation des cadres de l'armée". Ce qui ne l'a pas empêché, en 1936, de siéger à la commission de l'Armée. Ayant désavoué le Pacte germano-soviétique et l'invasion de la Finlande, il a démissionné du Parti, mais échappé à la déchéance. Mobilisé, il a vécu deux évacuations, celle de Provence et celle de Sardaigne. Il est en permission depuis Pearl Harbor, car on estime en haut lieu que son travail à la commission de l'Armée, où il a retrouvé son siège, est plus urgent que sa modeste contribution de sous-officier.

Tillon voit qu'il a eu raison de faire confiance à cet ancien camarade. Car il va lui demander une tâche délicate: introduire dans les arcanes de "l'échiquier d'Alger" un autre camarade en situation incertaine, qui vient de faire un long chemin, sous deux faux passeports, par Sofia, Istanbul, Beyrouth, Le Caire, Tripoli, Tunis et Alger (*).
____________

(*) Koča Popović l’ignore encore, mais il a eu beaucoup de chance: ayant échappé à l’encerclement des Oustachis au milieu de l’offensive Ozren (du 3 au 12 décembre), il a traversé la Bulgarie en train vers la mi-décembre, peu avant le bombardement de la gare de triage de Sofia (23 décembre), et pris le vol Istanbul-Beyrouth-Alger juste avant l’entrée en Méditerranée du convoi Long Sword (20 décembre) qui va interrompre tous les vols civils. Débarqué à Alger-Maison Blanche le 19, il lui faudra encore un petit délai pour trouver Tillon, qui vit en semi-clandestinité. Mais grâce aux amitiés des anciens brigadistes, il n’est pas si difficile de trouver un clandestin à Alger.


Dernière édition par patrikev le Sam Aoû 07, 2010 07:02; édité 3 fois
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Capitaine caverne



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MessagePosté le: Ven Aoû 06, 2010 11:07    Sujet du message: Répondre en citant

Pas mal du tout, j'aime assez bien le style! La suite! La suite! Whistle
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patrikev



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MessagePosté le: Ven Aoû 06, 2010 23:07    Sujet du message: Répondre en citant

Smile Smile Récit FTL:

Le même jour.

Alger/Nulle part, près de Djidjelli (Kabylie)


- Allô ? Je voudrais parler au colonel Morel.

- De la part de qui ?

- Le colonel Morel.

- Oui, j’ai entendu. Mais de la part de qui ?

- Le colonel Morel voudrait parler au colonel Morel. C’est clair ? Exécution.


L’existence de deux colonels Morel au 2e Bureau, l’un prénommé Henri et l’autre Georges-Henri, dit Gerry, est un inépuisable sujet de plaisanteries. Y compris pour les deux intéressés.

- Le colonel Morel demande le colonel Morel.

-Je dirais même plus : le colonel Morel écoute le colonel Morel. Quoi de neuf à la Casbah ?

- Le poisson-pilote a rencontré Ecrevisse et Crabe. Ils ne se sont pas parlés très longtemps, mais ils ont dû se dire du décisif. Crabe a tout de suite filé au Château. Il embête tout le monde pour avoir un rendez-vous. Pas facile en ce moment, mais il s’obstine. Dès que j’en saurai plus, je te rappelle.

- Dépêche-toi. Il paraît qu’il y a aussi du mouvement chez les Royaux. Ils ont eu du neuf. Ce serait drôle qu’ils arrivent en même temps.

- Où est le problème ? Nous ferons deux missions au lieu d’une.

- J’aimerais mieux une seule, et qu’ils soient d’accord entre eux. Mais c’est sûrement trop demander.

Tillon n’est pas le seul à bien s’organiser. Pendant que le pouvoir civil commence à s’activer, le renseignement militaire a déjà une petite longueur d’avance. A Alger, le colonel Morel, Henri, raccroche en souriant dans sa barbe. Il s’amuse à l’idée de revoir bientôt une ou deux vieilles connaissances.

http://www.laprocure.com/livres/anne-aurore-inquimbert/un-officier-francais-dans-guerre-espagne-carriere-ecrits-henri-morel-1919-1944_9782753508835.html

http://fr.wikipedia.org/wiki/Gerry_Morel


______________

Appel: si quelqu'un pouvait me prêter le livre consacré à Henri Morel, ou au moins m'envoyer une synthèse rapide, j'en serais enchanté. Même si, pour cause de délais incompressibles, la suite de sa carrière risque d'attendre la chrono 1942.
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patrikev



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MessagePosté le: Ven Aoû 06, 2010 23:36    Sujet du message: Répondre en citant

Brick wall Récit FTL revu rectifié et redaté, se rattachant à ma proposition de chronologie [Résistance dans les Balkans] http://www.1940lafrancecontinue.org/forum/viewtopic.php?p=12245#12245

Jedan narod, jedan kralj, jedna država (Un peuple, un roi, une patrie)

Smrt Fašismu, sloboda narodu (mort au fascisme, liberté au peuple)


24 décembre 1941.


Le Conseil de Défense nationale s’est réuni, une fois n’est pas coutume, en l’absence de sa grande figure habituelle : le Connétable est allé faire une tournée des popotes, en prévision de la visite des grands sachems alliés, les généraux Marshall et Alexander. Le général Noguès, Commandant en chef des Armées, est absent pour raison de santé et il s’est fait représenter par le général Giraud. Le "Héros de Macédoine" n’est pas fâché de l’absence de De Gaulle : en tant que général d’armée de plein droit, il est toujours agacé d’être sous les ordres de son ex-subordonné, ce jeune colonel trop ambitieux, paré du titre de général de brigade… à titre temporaire, bien sûr! Sans lui, l’authentique chef d’armée aura moins de mal à en imposer à ces civils pompeux et brouillons.

Paul Reynaud, par exemple… Le Président du Conseil n’est pas le pire de la bande. Ce petit homme trop nerveux ferait même un homme d’Etat convenable s’il ne cherchait pas à tout prix à être original.

Léon Blum… Ses élégances de vieux beau, ses idées aussi subtiles qu’incompréhensibles, ses perpétuels scrupules de conscience. Il avait mis un beau désordre dans les colonies, avec son projet Blum-Violet, et il avait récidivé avec cette loi sur la citoyenneté. Ce n’est pas Lyautey qui aurait mis une salade pareille. "Nos frères, non pas inférieurs, mais différents" : lui comprenait ce qu’attendaient les indigènes. Comment parler d’égalité à des gens qui ne connaissent que leurs tribus, leurs cheikhs et leurs sultans ?

Laurent Eynac. Tiens, il n’est pas mal, celui-là. Ministre de l’Air, Auvergnat comme on ne l’est pas, moustachu et bougon, l’air de compter ses avions comme son grand-père devait compter ses vaches.

Sulpice Dewez… Un matricule à surveiller. Un bolchevik, un saboteur qui avait tenu la rubrique des "Gueules de Vache" dans l’Humanité. Même s’il avait fait mine de rompre avec la horde, c’est comme les pastèques : vert armée dehors, rouge dedans. Il aurait dû être aux fers, ou chez les Joyeux à Tataouine. Il est vrai qu’il n’y avait plus de Joyeux, ils étaient on ne sait où à faire on ne sait quoi. A la place, cet agitateur siégeait au Parlement, à la commission de l’Armée, excusez du peu !

Et puis, ces deux Yougoslaves qui, on s'en doute, ne sont pas venus à Alger pour faire du tourisme. En général, des braves diables, ces Yougoslaves. Giraud les avait suffisamment pratiqués pendant sa campagne des Balkans. Ils ressemblaient aux Marocains : courageux, dévoués, insoucieux du lendemain, adorant la France comme leur mère et baisant le sol de leur pays. Toujours à chercher bataille, ne connaissant que leur clan et leur faction. Hospitaliers et chaleureux avec leurs amis, mais toujours prêts à trancher la gorge et le reste à leurs ennemis. Gouverner ces gens-là devait être une rude affaire, et leurs deux délégués donnaient une drôle d’idée de la classe politique actuelle. Ivan Šubašić , prononcer Choubachitch, un politicien croate du Parti Paysan, paraît-il, mais qui a l’air de tout sauf d’un paysan. Plutôt l’air d’un Jésuite, pour tout dire. Et Koča Popović, prononcer Kotcha Popovitch, un joli garçon au regard de braise qui semble avoir fait le tour des boutiques de mode de la rue d’Isly. Tout à l’heure, dans l’antichambre, Giraud l’avait surpris qui parlait de poésie avec Blum, en citant Breton et Eluard… Elle promet, la nouvelle Europe!

Heureusement, les deux Balkaniques s'expriment en excellent français. Un siècle et demi de présence française, depuis Napoléon et ses Provinces Illyriennes, aura servi à quelque chose.

Reynaud, par chance, a décidé de faire court. Il présente les deux invités: "Monsieur Šubašić, ministre du royaume de Yougoslavie, et Monsieur Popović, représentant de l’Armée Nationale de Libération… de Yougoslavie. Ils sont venus nous parler du sort de ce courageux et malheureux allié, que, malgré les apparences, nous n’avons nullement oublié et pour qui nous nous devons de faire un effort décisif. Monsieur Šubašić?"

Le ministre, lui, a choisi de faire long. Au nom de sa Majesté et du peuple yougoslave, il tient à exprimer, etc. Enfin, il arrive à l’essentiel. Les forces héroïques du colonel Mihailovic, que Sa Majesté a tenu à nommer général (encore un général accéléré), ont terriblement souffert durant l’offensive d’automne des Allemands en Serbie. Mais ce n’est rien devant les souffrances de la population civiles, les paysans serbes fusillés ou chassés de chez eux, leurs maisons brûlées, leurs corps jetés dans les ravins. "Moi qui suis croate, j’ai pleuré devant les souffrances du peuple serbe" (un Yougoslave ne peut pas passer un quart d’heure sans nous dire s’il est serbe, croate ou slovène : est-ce que je me crois obligé de dire partout que je suis alsacien, moi ?).

"Notre Armée dans la patrie, dénuée de tout, réduite à se cacher comme les saints martyrs dans les catacombes, est pourtant prête à se relever et à reprendre le combat. De nouveaux volontaires remplaceront ceux qui sont tombés. Nous ne demandons que les armes et les ressources pour tenir le temps nécessaire, jusqu’au jour où nos alliés poseront le pied sur le sol sacré de notre patrie."

L’autre délégué se lève. "Monsieur Šubašić vient de nous parler des souffrances du peuple serbe. Je partage sa douleur, et j’apprécie que le roi nous ait envoyé un Croate pour en parler, pour que personne ne le soupçonne de partialité. Moi qui suis un paysan de Belgrade, comme M. Aragon se dit un paysan de Paris, je dis: tous les peuples de Yougoslavie souffrent, et pas seulement les Serbes. Les Slovènes chassés de chez eux par la barbarie allemande, les Serbes et les Tziganes traqués par les bourreaux Oustachis et jetés au charnier de Jasenovac, les Monténégrins fusillés par les Italiens, les Juifs de Serbie exterminés en trois semaines par le boucher Böhme, les paysans, peu importe qu’ils soient d’une origine ou d’une autre, fusillés par villages entiers pour avoir donné l’asile ou du pain aux Partisans. Notre commandant Tito…"

Ah, songe Giraud, enfin un qui n’a pas un nom en itch. Mais je parie que c’est un faux nom.

"… Notre commandant Tito est décidé à combattre les assassins fascistes et à leur faire payer leurs crimes, pas dans six mois, pas dans un an, pas quand tel ou tel allié viendra à notre secours. Lorsque nos alliés viendront, nous les serrerons dans nos bras et nous leur donnerons notre dernière chemise pour panser leurs blessures, mais ce que nous voulons aujourd’hui, c’est nous battre! Des armes pour tuer les fascistes, pour les abattre comme des chiens enragés ! Monsieur Šubašić ne sait peut-être pas ce qu’est un hiver de guerre dans la montagne…"

Šubašić répond, sans élever la voix : "J’étais aux tranchées de Monastir pendant l’autre guerre, au côté de nos amis français, et vous ne m’apprenez rien en fait d’hiver et de guerre."

Le Jésuite était à Monastir ? Il monte d’un niveau dans l’estime de Giraud. Mais le dandy de Belgrade ne se laisse pas démonter.

"… Les fascistes nous ont attaqués avec une division entière, y compris cinq bataillons de bourreaux oustachis, 70 canons, trois trains blindés. Nous les avons repoussés ! Ils attaqueront encore, les Allemands enverront leurs troupes de choc pour soutenir celles des traîtres oustachis. Nous leur échapperons et nous continuerons à nous battre! Nous mangerons de l’herbe, l’écorce des arbres s’il le faut! Mais il nous faut des armes!"

Il faut reconnaître qu’il est persuasif, le petit homme. Presque trop. Cela sent l’agitateur professionnel. Lui et le député, Dewez, sont bien de la même farine, sauf que le député ne s’habille pas chez les tailleurs chics.

Le ministre Eynac expose ensuite l’aspect aérien. Pour ce genre de vol, il y a très peu d'avions disponibles, des B24 d'entraînement, la plupart en révision. Les rotations devront même être limitées, car il faut ménager les appareils jusqu’au prochain printemps, et l’Extrême-Orient est prioritaire pour les appareils neufs. Donc, il faut choisir : qui servir en priorité ?

Šubašić, toujours très calme, rappelle qu’il représente le gouvernement légal, engagé par des traités avec la France, et qu’il est donc prioritaire par rapport à un parti politique, "même si je respecte toutes les convictions."

"Parlons-en, de vos convictions !
réplique Popović. Quand vous étiez ministre à Belgrade, les prisons étaient pleines de détenus politiques, vous aviez l’occasion de les libérer et vous ne l’avez pas fait ! Vous les avez laissés dans leurs cachots, à la merci des bourreaux oustachis!"

La dispute s’envenime. Les deux Yougoslaves passent du français à leur langue, ils échangent des reproches et des injures, ils s’empoignent par le veston. Popović lance un cri de défi : "Smrt Fašismu ! Pobjeda Komunismu ! " Les ministres français sont incapables de maîtriser ce déchaînement balkanique. Giraud, alors, se lève, déplie son interminable taille et domine de très haut les deux hommes, surtout le petit Popović.

"Moi, je ne fais pas de politique. Vous me connaissez : un seul but, la victoire! Cette guerre, nous la faisons avec des armées et pas avec n’importe quelle bande de traîne-patins! Si vos amis les saboteurs vous ont amené pour crier : Mort au fascisme, victoire au communisme! il faudra aller jouer à Moscou, pas ici!"

Reynaud et Blum font de leur mieux pour calmer tout le monde et faire rasseoir le général. Reynaud a hâte de conclure : il est encore plus petit que Popović, et il a tendance à attraper un torticolis chaque fois qu’il est obligé de semoncer l’interminable Giraud. Il conclut sans conclure, en disant que dans la perspective de "ce que vous savez" (Reynaud se croit toujours obligé de prendre des airs mystérieux pour parler de Croisade, même si, probablement, tout Berlin et Rome sont au courant), il attend un rapport complémentaire des services pour décider qui il faut soutenir en priorité.

Sulpice Dewez, les poings serrés, s’est retenu d’entrer dans la querelle pour ne pas empirer les choses. Mais avant de quitter la salle, il lâche d'un air sombre : "Si vous attendez trop, il n’y aura plus personne à soutenir".


Dernière édition par patrikev le Sam Aoû 07, 2010 06:55; édité 2 fois
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gaullien



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MessagePosté le: Sam Aoû 07, 2010 06:14    Sujet du message: Répondre en citant

patrikev a écrit:
Brick wall Récit FTL revu rectifié et redaté, se rattachant à ma proposition de chronologie [Résistance dans les Balkans] http://www.1940lafrancecontinue.org/forum/viewtopic.php?p=12245#12245

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24 décembre 1941.


Le Conseil supérieur de la Guerre s’est réuni, une fois n’est pas coutume, en l’absence de sa grande figure habituelle : le Connétable est allé faire une tournée des popotes, en prévision de la visite des grands sachems alliés, les généraux Marshall et Alexander. Le général Noguès, Commandant en chef des Armées, est absent pour raison de santé et il s’est fait représenter par le général Giraud. Le "Héros de Macédoine" n’est pas fâché de l’absence de De Gaulle : en tant que général d’armée de plein droit, il est toujours agacé d’être sous les ordres de son ex-subordonné, ce jeune colonel trop ambitieux, paré du titre de général de brigade… à titre temporaire, bien sûr! Sans lui, l’authentique chef d’armée aura moins de mal à en imposer à ces civils pompeux et brouillons.


Le conseil supérieur de la Guerre n'a pas été remplacer par le
Conseil de Défense Nationale (CND)?
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patrikev



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MessagePosté le: Sam Aoû 07, 2010 06:47    Sujet du message: Répondre en citant

Exact. Corrigé.
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Capitaine caverne



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MessagePosté le: Sam Aoû 07, 2010 07:32    Sujet du message: Répondre en citant

Bravo! Si cela continue sur cette lancée, Tyler et Carthage vont avoir de la concurrence côté littérature FTL.
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MessagePosté le: Ven Jan 07, 2011 08:36    Sujet du message: Répondre en citant

Napoleon III a écrit:

Bref, je trouve personnellement que vous considérez la France FTL bien trop complaisante avec les Communistes (Tito, Ho Chi Minh). Certes elle a été épurée de ses membres fascistoides en Juin 1940 mais moi je l'imagine quand même largement anticommuniste pour les causes que j'ai cité plus haut et aussi par la fait que les Communistes ont résisté en retard. En plus, Barbarossa a lieu en 1942, donc ça retarde d'un an l'engagement massif des Communistes dans la résistance.
.


Comme il a été dit dans l'annexe 45.4 et comme je l'ai développé dans ma chrono, Tito FTL entre en résistance dès 41 sans attendre les consignes de Moscou, ce qui lui vaut un préjugé favorable du côté français, même si certains (Giraud) renâclent). A cette date, l'important pour Alger est d'avoir une forme de résistance contre le Reich, quelle que soit sa couleur idéologique. OTL, Churchill, qui était pourtant un anticommuniste résolu, a soutenu Tito pour la même raison.
_________________
- Votre plan comporte un inconvénient majeur.
- Commençons par le plus facile: capturer la bête.
- Le voilà, l'inconvénient majeur.
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Napoleon III



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MessagePosté le: Ven Jan 07, 2011 09:50    Sujet du message: Répondre en citant

Pour la résistance en retard, je parle des Communistes français pas de Tito. Je dis Tito car il a été envisagé un duo Tito-Pierre II après la guerre et que je ne pense pas que ça marcherait à plus ou moins long terme. C'est toi même Patrikev qui m'avait dit que Tito s'était éloigné de Staline et était entré en résistance avant Barbarossa et je suis d'accord avec ça.


Bien sûr pendant la guerre FTL, il est logique que Français et Britanniques soutiennent au final Tito à cause de la position ambiguë de CERTAINS Tchéniks (comme OTL pour les Britanniques). Cependant, après guerre, je vais me répéter mais je doute qu'une coalition Tito-Pierre II ne survive longtemps et en cas d'affrontement, je pense que les Occidentaux soutiendraient le roi (en particulier les États-unis).

Ça n'est pas que je n'aime pas Tito mais il sera (surtout aux yeux des Américains) avant tout un communiste et la guerre froide à ses débuts, n'est pas une période de subtilité politique.
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gaullien



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MessagePosté le: Ven Jan 07, 2011 09:56    Sujet du message: Répondre en citant

quand tito a romput avec l'URSS 1948, il a ressut le soutient des occidentaux!
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