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1940 - La France continue la guerre
 
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L'Espagne
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Dim Nov 10, 2019 20:41    Sujet du message: Répondre en citant

demolitiondan a écrit:
Et dire qu'on parle de mes yougoslaves ... Franchement, les républicains espagnols paraissent à peine meilleurs.

Comme vous le verrez, leurs adversaires ne font pas mieux…
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Casus Frankie

"Si l'on n'était pas frivole, la plupart des gens se pendraient" (Voltaire)
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loic
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MessagePosté le: Dim Nov 10, 2019 21:43    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
Aujourd’hui, profitant de l’euphorie du retour de nombreuses administrations et légations dans la capitale française [...]

Au 15 juin, c'est un poil prématuré.
_________________
On ne trébuche pas deux fois sur la même pierre (proverbe oriental)
En principe (moi) ...
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Etienne



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MessagePosté le: Lun Nov 11, 2019 10:11    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
“Club français”, Mexico – Dans la plus tradition parlementaire de la plupart des pays plus ou moins démocratiques


Manque un adjectif (pure? grande?) ou le "plus" est en trop.
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"Arrêtez-les: Ils sont devenus fous!"
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Lun Nov 11, 2019 11:09    Sujet du message: Répondre en citant

1er juillet 1944
Una, grande, libre
Fleurets mouchetés
Madrid
– C’est dans une ambiance des plus fraîches qui tranche avec la chaleur estivale au dehors que l’ambassadeur de Sa Majesté britannique, Sir Samuel Hoare, remet le message de Churchill et d’Eden au Caudillo. Comme il s’y attendait – depuis cinq ans qu’il est en poste, le diplomate britannique cerne parfaitement le Caudillo – Franco ne manifeste aucune réaction après avoir lu la mise en garde des Britanniques. Il est vrai que si le Londonien n’affectionne guère le Galicien, il lui reconnaît un sang-froid à nul autre pareil et qui permet depuis huit ans à Franco de garder la haute main sur le panier de crabes censés le soutenir.
Mais autant que par son calme, le Caudillo s’illustre par sa capacité à se montrer charmant quand il le veut. Aussi se montre-t-il particulièrement prévenant auprès de son interlocuteur anglais quand il comprend qu’avec ce message, c’est aussi un au revoir que vient lui présenter Sir Samuel.
– Devrais-je vous appeler Viscount ou Lord Templewood ? s’interroge avec une fausse candeur le Caudillo à propos du futur anoblissement de Sir Hoare.
C’est surtout un moyen pour Franco de faire comprendre que, grâce au duc d’Albe, lui aussi est au fait de ce qui peut se dire au Royaume Uni. Une pique qui s’ajoute à la longue liste de celles qu’auront échangées les deux hommes ces cinq dernières années. Si, fin 1940, pour préserver la situation en Méditerranée, Hoare était favorable à une stabilité en Espagne et donc au maintien du régime de Franco, dès 1941, il avait commencé à appeler de ses vœux un retour de la monarchie à chaque occasion qui se présentait lors des diverses mondanités auxquelles il participait. Franco le lui avait bien rendu en reléguant le diplomate anglais à des places protocolaires ostensiblement vexantes lors des cérémonies officielles et en envoyant des « manifestations spontanées » manifester près de l’ambassade britannique à chaque succès allemand. Mais la conjonction de la tournure favorable aux Alliés de la guerre en Méditerranée occidentale et de la nécessité de ne pas trop vexer l’Espagne pendant les offensives dirigées contre la Grèce puis contre la Sicile et l’Italie avait forcé Hoare et Franco à mettre de l’eau dans leur vin.
La fin de la mission en Espagne du diplomate vient couronner la carrière politique du vétéran de nombreux gouvernements conservateurs, qui avait été pressenti pour le poste de vice-roi des Indes et qui l’aurait obtenu si Halifax avait pris le pas sur Churchill en mai 1940. Mais il en avait été autrement… Alors qu’il s’apprête à faire ses bagages, Lord Samuel se dit que les choses avaient plutôt bien tourné… y compris pour lui.


9 juillet 1944
Plus ultra !
Un chef de gouvernement sans gouvernement
Toulouse
– C’est d’un pas déterminé que Juan Negrin monte dans l’avion mis à sa disposition par le gouvernement français. Il est en compagnie de Luys Companys, président de la Généralité de Catalogne, d’Aguirre, ancien Lehendakari (chef du gouvernement autonome du Pays Basque), et de leurs plus proches collaborateurs. La destination de la douzaine de passagers ? Mexico, où se tiendra d’ici une huitaine la réunion des Cortès en exil que beaucoup de républicains espagnols dans le monde attend fébrilement… Negrin, qui s’était vu reprocher par bon nombre de ses collègues la poursuite à outrance de la Guerre Civile, entend bien se présenter de nouveau face à eux, cinq ans plus tard.
Il est fort du patronage, discret mais réel, d’un des prochains vainqueurs de la guerre mondiale : après la libération de Paris en mai et le retour dans la capitale, en juin, de la plupart des institutions françaises et des légations étrangères, les services de Léon Blum ont expliqué à Juan Negrin qu’il serait souhaitable qu’il réside dans une autre ville que l’ambassadeur franquiste De Foxa, qui a tout normalement pris ses quartiers à l’ambassade d’Espagne à Paris. Negrin a donc rejoint Companys et Aguirre, qui ont élu résidence dans la ville principale du Sud-Ouest. Cependant, quinze jours plus tôt, au cours d’une entrevue discrète à mi-chemin entre Toulouse et Paris, Léon Blum a tenu à confirmer son soutien pour la cause républicaine espagnole.
La France peut ainsi servir de modèle aux Républicains… et peut-être de futur allié pour assurer la chute de Franco. Negrin l’espère, mais ce qu’il désire plus que tout lors de cette réunion des Cortès, c’est de faire l’inventaire de sa politique pendant et après la Guerre Civile, pour montrer son bien-fondé et conforter la position de son gouvernement.
Gouvernement ? Hormis Mendez Aspe, aucun de ses membres n’est au côté de Negrin au moment du décollage de l’avion à destination du Mexique. La raison principale est sans doute qu’il ne s’est pas réuni depuis 1939 ! Au moment de la Retirada, il se composait de :
– Julio Alvarez del Vayo (PSOE), ministre d’État.
– Paulino Gomez (PSOE), ministre du gouvernement.
– Ramon Gonzalez-Peña (PSOE), ministre de la Justice.
– Vicente Uribe (PCE), ministre de l’Agriculture.
– Segundo Blanco, ministre de l’Instruction Publique et de la Santé.
– Francisco Mendez-Aspe (IR – Izquierda Republicana, gauche modérée), ministre de l’Économie et des Finances.
– Antonio Velao (IR), ministre des Travaux Publics.
– Bernardo Giner de los Rios (UR – Union Republicana, centre gauche), ministre des Communications et des Transports
– Josep Moix (PSUC – Parti Socialiste Unifié de Catalogne), Ministre du Travail et du Bien-Être Social
………
Moix, Giner de los Rios, Velao, Blanco sont réfugiés au Mexique depuis 1940 et Gomez a trouvé asile en Colombie. Uribe a séjourné en Afrique du Nord en 1943 dans le cadre du rapprochement entre le PCE (dont il est le numéro 2, en charge de la diaspora américaine) et Negrin. Mendez-Aspe s’est occupé du secrétariat du SERE (Servicio de emigracion de refugiados españoles) jusqu’à sa dissolution pendant la guerre – sa gestion des fonds a parfois été plutôt trouble. Gonzalez-Peña a été porte-parole du SERE avant de rejoindre le Mexique, une fois le service dissout, pour chapeauter les negrinistes.
Quant à Alvarez del Vayo, il s’est peu à peu radicalisé. En effet, au départ supporter de Negrin dans sa volonté de continuer à combattre les fascistes pour préparer la segunda vuelta, il s’est lassé de l’isolement progressif du Premier ministre et de l’éloignement des Pyrénées des unités espagnoles de la Légion Étrangère. Del Vayo est fermement opposé à toute négociation et considère que la seule solution est l’élimination pure et simple du régime de Franco, à commencer par l’élimination physique de Franco lui-même ! S’étant éloigné des manœuvres politiques de Negrin tout en continuant à soutenir sa position jusqu’au-boutiste (quoique trop molle à son goût), Alvarez del Vayo est resté en Afrique du Nord, où il s’efforce, avec l’aide de légionnaires espagnols convalescents, de poser les bases de la reprise d’une lutte armée contre le régime de Franco dès qu’elle sera possible !


15 juillet 1944
Una, grande, libre
Ite missa est ?
Paris
– Il a tenu à assister aux cérémonies de la fête nationale au sein de la capitale française libérée depuis peu. Il est vrai que le nonce apostolique Roncalli a eu son rôle à jouer dans cette affaire, mais il faut rester discret… Le nonce a voulu passer encore quelques jours à Paris avant de devoir se rendre dans sa nouvelle affectation, qui le réjouit sans doute à moitié : l’Espagne franquiste ! Le Saint Siège compte peser diplomatiquement – autant que faire se peut dans une Europe qui semble de plus en plus menacée par l’athéisme bolchevique qui remonte des steppes vers le cœur du continent… Jusqu’où ira l’Armée Rouge ? Roncalli a donc été chargé de faire comprendre au clergé espagnol que si le catholicisme du régime franquiste est appréciable et apprécié, son phalangisme l’est un peu moins et que son intransigeance à refuser le pardon à ses opposants, même modérés, pourrait provoquer une nouvelle révolution rouge en pleine Europe de l’Ouest !
Le remplaçant de Roncalli en France Libérée est Monseigneur Giuseppe Fietta, ancien nonce apostolique en Argentine. Pour l’anecdote, en 1941, lors du remplacement du nonce Valeri à la demande du gouvernement d’Alger, le Saint Siège s’était tourné vers Fietta. Mais ce dernier, à la perspective de prendre un poste pour le moins compliqué (gouvernement à majorité socialiste, clergé partagé entre patriotisme et occupation étrangère) avait souffert de problèmes de santé subits l’empêchant malheureusement de quitter l’Amérique du Sud. Mais au cœur de ce bel été 1944, alors que la métropole française est en grande partie libérée et à présent que Roncalli a plus ou moins réglé le problème de la fraction du clergé qui trouvait des qualités au NEF et à ses maîtres allemands, la santé de Monseigneur Fietta va beaucoup mieux ! Il devrait pouvoir honorer sans aucun problème ses nouvelles fonctions diplomatiques auprès de la Fille aînée de l’Église.


16 juillet 1944
Una, grande, libre
Un ambassadeur de choc
Londres/Madrid
– L’identité du remplaçant de Sir Samuel Hoare auprès de Franco est connue : il s’agit de Lord Robert Vansittart, un vétéran de la diplomatie britannique qui officie au Foreign Office depuis 1902 et qui a été Sous-secrétaire d’État aux Affaires Étrangères entre 1930 et 1938 (notamment sous les ordres d’un certain Samuel Hoare entre juin et décembre 1935). Il s’est caractérisé par un rejet d’Hitler dès son arrivée au pouvoir et a été un fervent opposant à la politique de Chamberlain à la fin des années 30.
La nouvelle ne va pas rassurer Franco, qui avait un moment espéré un diplomate arrivant d’un quelconque pays neutre ou avec une expérience limitée. Si avec un partisan de l’appeasement, il a dû subir des pressions pro-monarchistes tout au long de la guerre, qu’attendre d’un homme qui a rejeté Hitler dès 1933 ?


17 juillet 1944
Plus ultra !
Ils sont venus, ils sont tous là… ou presque
Mexico
– La voilà enfin, la fameuse réunion qui doit permettre à tous les Républicains espagnols de s’accorder sur un projet d’envergure, une synthèse qui permettra d’emporter l’adhésion populaire et le soutien des puissances occidentales pour faire tomber le régime de Franco, qui s’est beaucoup trop acoquiné avec l’Axe pour survivre à la prochaine défaite de ce dernier. L’ambition est grandiose, mais comme dans toute réunion de famille, il ne faudra pas longtemps avant que les dents ne commencent à grincer… Car si Martinez-Barrio et Negrin aspirent à ce que tous les députés présents s’embrassent et s’accordent, chacun ne va pas tarder à jouer sa partition.
Sur près de 350 députés de la chambre du Frente Popular encore en vie en 1944, une petite centaine à peine sont présents ! Presque autant continuent d’ailleurs à vivre en Espagne. Le quorum, cher à Prieto, est cependant respecté et la réunion des Cortès va malgré tout pouvoir se dérouler… Elle sera légitime et constitutionnelle, ce qui n’est pas pour déplaire à Martinez-Barrio qui se voit enfin officiellement élu Président de la République (par intérim), ce qu’il attendait depuis maintenant cinq ans !
Negrin a accepté de reconnaître officiellement la fin de la Guerre Civile devant les Cortès, pour mieux procéder à un bilan de son action… qui permettra, il l’espère, la constitution d’un nouveau gouvernement sous son autorité ! Ce qui fait lâcher à Alvarez del Vayo que « Si Martinez-Barrio est président, c’est principalement grâce à Negrin et moi ! »
Malgré l’opposition des prietistes, Negrin s’échine donc dans un long discours à justifier son attitude, son jusqu’au-boutisme du printemps 1939 et la légitimité de la lutte à outrance contre les Nationalistes.
De son côté, Martinez-Barrio met en avant la Constitution de 1931, née pratiquement par accident, mais qu’il juge inébranlable et à laquelle les Cortès doivent se fier comme à un phare dans la nuit pour que le bon droit finisse par triompher !
Largo Caballero, syndicaliste et personnalité socialiste de premier plan, président du Conseil de septembre 1936 à mai 1937, s’est tenu à l’écart de toutes les intrigues de couloirs pendant son exil mexicain. Il a ainsi adopté l’attitude d’un vieux sage et, suivant la Lettre à un ouvrier qu’il a publiée il y a peu, ébauche un modèle d’organisation territoriale laissant une grande place aux autonomies, parle de tolérance religieuse et recommande une relance de l’économie et de la culture. Il garde rancune à Prieto, à qui il s’était opposé sur le devenir du PSOE au début des années 30 et à qui il reproche d’avoir laissé le SIM (Service d’Information Militaire, créé en 1937 quand Prieto était ministre de la Défense) tomber sous la funeste coupe du NKVD. Mais – miraculeusement – les deux hommes, sans le reconnaître, se rejoignent sur un point : l’idée d’un référendum sur le devenir de l’Espagne pour choisir la meilleure forme de gouvernement, en faisant fi des barrières idéologiques. Même si Prieto est de plus en plus convaincu que c’est sous la tutelle d’un Roi que ce sera possible…
Faire fi des barrières idéologiques semble un vœu bien pieux quand Gil-Roblès monte à la tribune pour défendre une restauration monarchique qui permettrait de réunir de nouveau les Espagnols ! Malgré les quolibets et les insultes de la plupart des membres des Cortès présents (dont certains regrettent ouvertement que les armes soient interdites dans l’enceinte de la réunion…), l’ancien dirigeant de la CEDA parvient à s’exprimer. Il laisse de côté les éléments les plus à droite de son programme (état corporatiste…) pour insister sur le besoin d’une figure tutélaire au-dessus des partis, qui chapeauterait un gouvernement rassembleur avec un programme politique clair pour plus de justice sociale et pour l’unité de la nation espagnole. Chacun comprend que la figure tutélaire en question réside actuellement au Portugal…
D’unité de la nation espagnole il est un peu moins question quand Companys vient parler, au nom des autonomistes catalans. Ces derniers vont jusqu’à dire que si les résultats de cette réunion des Cortès ne les satisfont pas, ils iront jusqu’à demander l’autonomie au nom du droit à l’auto-détermination des peuples auprès de cette Organisation des Nations Unies qui devrait naître à la fin de la guerre mondiale.
En revanche, Aguirre, au nom des nationalistes basques, prend le contrepied du Catalan. Pour contrer Franco et les monarchistes, il faut au contraire apparaître unis ! Un président de la République devrait désigner un Premier ministre représentant la majorité des Cortès en exil. Celui-ci sera le mieux placé pour porter la voix de la République Espagnole !
Une solution à ces divergences est proposée par le député prietiste Manuel Albar, pour qui il faudrait tout simplement dissoudre tous les groupes politiques, avec ou sans pouvoir exécutif, et repartir de zéro pour le bien de l’Espagne. Mais, au milieu de la gigantesque querelle de clochers qui divise les Cortès en exil, son message ne va pas être beaucoup entendu.
En somme, on se déchire au nom des multiples visions de l’unité espagnole. Pendant ce temps, en Espagne, on met la dernière touche aux préparatifs de la commémoration du huitième anniversaire du Mouvement National…


22 juillet 1944
Plus ultra !
Un inventaire soldé et une union limitée
Mexico
– La stratégie de Juan Negrin n’a pas fonctionné. L’inventaire de son action pour mieux rebondir à la tête d’un gouvernement élu aux Cortès de Mexico a fait un flop. En effet, les prietistes n’en ont pas démordu : il est hors de question de reconduire Negrin à la tête d’un gouvernement qui serait inféodé à l’URSS. En face, negrinistes et communistes jugent hors de question d’élire un chef de gouvernement qui ne soit pas Negrin ! A force de discussions et négociations, le président Martinez-Barrio parvient, au bout de quelques jours, à une forme de synthèse.
Le Premier ministre du nouveau gouvernement, surnommé « gouvernement de l’Espoir » tant la chute de Franco apparaît imminente pour tout le monde, sera José Giral. Issu de la gauche modérée, il fait office de « choix raisonnable ». Il est à a tête d’un gouvernement d’union, composé de personnalités républicaines (Alvaro de Albornoz et Manuel Torres Campana), de socialistes (Fernando de los Rios et Trifon Gomez San José) et de nationalistes basques et catalans (comme Manuel de Irujo et Miguel Santalo).
Prieto et Negrin, sollicités par Giral pour faire partie de ce gouvernement, ont décliné la proposition. Prieto, car il est persuadé que la constitution d’un nouveau gouvernement républicain n’est pas la solution idéale pour résoudre les problèmes espagnols, loin de là ! Negrin, car il est mortifié de voir que la seule chose ou presque sur laquelle les Cortès ont réussi à s’entendre, c’est d’avoir sa tête – et il ne se voit pas à un autre poste que celui de Premier ministre.
Les autonomistes, les Basques plus que les Catalans au demeurant, font contre mauvaise fortune bon cœur en se disant que plus unie la République semblera être, plus les Alliés la soutiendront, quitte à aller déposer Franco par les armes une fois qu’ils en auront fini avec l’Allemagne.
En Espagne, la presse franquiste va faire des gorges chaudes des dissensions affichées tout au long des sessions des Cortès et attaquer violemment ce Premier ministre qui, en plus d’être de gauche, donc coupable, se trouve être un franc-maçon avéré, donc un suppôt du démon ! De quoi alimenter la propagande phalangiste…
Certains verront un symbole dans le fait que, huit ans plus tôt, José Giral était déjà Premier ministre de la République espagnole – un Premier ministre éphémère : du 19 juillet au 4 septembre 1936. En cette fin juillet poisseuse et mexicaine, un sentiment de “plus ça change, plus c’est la même chose” gagne bien des participants. Prieto, Gil-Roblès, Albar, Largo Caballero et Companys ne ressortent pas de cette session le sourire aux lèvres, loin de là.
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demolitiondan



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MessagePosté le: Lun Nov 11, 2019 11:57    Sujet du message: Répondre en citant

Huhuhu quelle bonne ambiance !

Citation:
manifestations spontanées » manifester


Répétition.

Citation:
l’éloignement des Pyrénées des unités espagnoles de la Légion Étrangère. Del Vayo est fermement opposé à toute négociation et considère que la seule solution est l’élimination pure et simple du régime de Franco, à commencer par l’élimination physique de Franco lui-même ! S’étant éloigné des manœuvres politiques


Citation:
Mais ce dernier, à la perspective de prendre un poste pour le moins compliqué (gouvernement à majorité socialiste, clergé partagé entre patriotisme et occupation étrangère) avait souffert de problèmes de santé subits l’empêchant malheureusement de quitter l’Amérique du Sud. Mais au cœur de ce bel été 1944


Idem.

Citation:
En somme, on se déchire au nom des multiples visions de l’unité espagnole. Pendant ce temps, en Espagne, on met la dernière touche aux préparatifs de la commémoration du huitième anniversaire du Mouvement National…


Tout est dit !
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Quand la vérité n’ose pas aller toute nue, la robe qui l’habille le mieux est encore l’humour &
C’est en trichant pour le beau que l’on est artiste
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Etienne



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MessagePosté le: Lun Nov 11, 2019 12:14    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
Gonzalez-Peña a été porte-parole du SERE avant de rejoindre le Mexique, une fois le service dissout, pour

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Hendryk



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MessagePosté le: Lun Nov 11, 2019 13:28    Sujet du message: Répondre en citant

Casus Frankie a écrit:
En somme, on se déchire au nom des multiples visions de l’unité espagnole.

On a tous connu ça...




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Archibald



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MessagePosté le: Lun Nov 11, 2019 17:29    Sujet du message: Répondre en citant

Laughing Laughing Laughing Laughing Laughing Laughing Laughing Laughing Laughing

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demolitiondan



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MessagePosté le: Lun Nov 11, 2019 18:28    Sujet du message: Répondre en citant

Ca suffit Archibald - je ne laisserait pas ce poste être ridiculisé par la soldatesque commune !
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C’est en trichant pour le beau que l’on est artiste
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Mar Nov 12, 2019 11:32    Sujet du message: Répondre en citant

7 octobre 1944
¡ Plus ultra !
Le programme des Républicains
Mexico
– Sous la bienveillante autorité du président de la République espagnole en exil, Diego Martinez-Barrio, son Premier ministre José Giral présente ce jour devant environ 140 députés des Cortès républicains le programme de son gouvernement. Il tient en huit points.
« - Le Gouvernement est fondé sur la plus large base possible en fonction des présentes circonstances. Les partis qui ne sont pas représentés refusent de l’être.
- Le Gouvernement va faire de son mieux pour obtenir sa reconnaissance internationale de la part des états démocratiques et spécialement de ceux qui n’ont jamais reconnus le général Franco.
- Le Gouvernement préférerait que la destitution du général félon Francisco Franco se fasse sans verser de sang, mais n’hésitera pas à avoir recours à l’usage de la force s’il s’agit de la seule option possible.
- Si et quand le Gouvernement reprendra pied sur le sol espagnol, ce sera au nom de l’unité nationale. Excepté pour obtenir une juste punition des crimes commis sous l’autorité de Francisco Franco, le Gouvernement s’efforcera de créer une atmosphère d’harmonie et de tolérance.
- L’Église catholique romaine sera respectée, mais il ne lui sera pas permis d’intervenir en politique.
- Les autonomies des régions basques, catalanes et galiciennes seront respectées.
- La taille de l’Armée sera réduite et les dépenses en matière de Défense dépendront des capacités budgétaires gouvernementales.
- Une grande attention sera portée à l’agriculture, l’éducation, le travail, et la législation favorisera l’amélioration du niveau de vie. »

………
Une fois n’est pas coutume : à écouter les premières réactions, communistes et prietistes semblent unis – dans l’opposition, bien sûr. Impression quelque peu démentie par le discours de Prieto à la tribune des Cortès, qui affiche un soutien poli à José Giral. Poli et sous réserves…
« Nous accordons, pour le moment, notre soutien enthousiaste au Gouvernement. (…) Je dis néanmoins au Gouvernement et au Congrès que si jamais ces institutions devaient perdre de leur vitalité et si, au niveau national ou international, émergeait une solution alternative capable de restaurer la Démocratie – et que l’Espagne l’accepte – nous favoriserons cette solution. Après cette déclaration, personne ne pourra nous accuser d’être déloyaux. Nous continuerons, car il n’y a pas d’autre chemin. Mais si une autre voie se présente et qu’elle est honorable, nous ferons notre choix en toute liberté. »
Soutien ou avertissement ? Nombreux sont les députés qui, dans les salons de Mexico, vont débattre de cette intervention de Prieto. Mais l’important n’est plus vraiment là. Tout le monde attend avec impatience la conférence de San Francisco, qui débutera le mois prochain et permettra de juger un peu plus précisément des intentions des puissances alliées à l’égard de la République espagnole.


21 octobre 1944
¡ Viva el Rey !
Un général souriant
Burgos
– Ce soir, le général Juan Yague, commandant la 6e Région militaire, est soulagé. Il n’est donc pas seul, d’autres partagent sa vision de l’Espagne et de son futur ! Les victoires alliées sur le front Ouest y ont peut-être été pour quelque chose. L’entêtement du Caudillo à confondre mener sa propre barque et diriger le destin de l’Espagne aussi. Pourquoi continuer à refuser cette réconciliation nationale qui serait si raisonnable ? Les Nationalistes ont gagné la guerre, les Républicains l’ont perdu. De République il n’y a plus. Cette même République pour laquelle Yague était prêt à faire couler le sang en 1934 lors de la révolution asturienne… Mais à l’époque, il avait choisi le moindre mal : les insurgés étaient des Rouges qui voulaient instaurer le socialisme !
A présent, il est temps que l’Espagne se stabilise. Et Yague est persuadé que cela ne peut pas être autour de la personne du Caudillo. Il faut rassembler les Espagnols, or Franco symbolise leur division ! En tant que phalangiste historique, Yague souhaite intégrer les classes populaires dans la nouvelle Espagne, et il est persuadé que le dictateur en est incapable.
Depuis son arrivée à Burgos l’an dernier, il a échangé à de nombreuses reprises avec Don Juan, le prétendant à la Couronne, par l’intermédiaire de Don Alfonso, le général commandant l’aviation de la 2e Région militaire. Après la mascarade de l’été dernier à Mexico et la proclamation du soi-disant gouvernement républicain en exil – qui a commencé par demander la réduction de l’Armée ! – Yague a été rassuré : aucune chance que Don Juan soit tenté par une monarchie parlementaire !
Si Muñoz-Grandes n’était pas tombé sous les balles soviétiques en Ukraine il y a deux ans, Yague aurait pu être tenté par un complot visant à écarter Franco et mettre Don Juan sur le trône avec Muñoz-Grandes à sa droite pour garantir la fidélité aux idéaux phalangistes du royaume d’Espagne ! Mais Muñoz-Grandes était allé se faire tuer. Il est vrai qu’avant même sa mort, Yague avait mis de côté ce projet après qu’on lui ait fait savoir qu’un certain Führer le tenait en très haute estime et voyait volontiers en lui un remplaçant du Caudillo si jamais le Reich avait besoin de quelqu’un de confiance à Madrid…
Mais le cours de la guerre a changé. Pour assurer l’avenir de l’Espagne, il faut se mettre du côté de ceux qui ont pris parti pour l’Angleterre. Tant pis pour son amour-propre, même s’il se souvient encore avec amertume de l’exil brutal dans son village natal que Franco lui avait infligé en juin 1940, alors qu’il était ministre de l’Air, sous prétexte qu’il s’était moqué du Royaume-Uni et de la France lors d’un entretien avec l’ambassadeur américain. Le général en grimace encore…
Mais Juan Yague sourit à nouveau en relisant le message envoyé par Don Alfonso de Orleans y Borbon. Les partisans de la monarchie en Espagne lui proposent de prendre contact avec eux pour réfléchir aux meilleures dispositions à prendre pour assurer le retour du Roi ! Quelque chose doit se préparer pour obliger le Caudillo à céder la place à Juan III. Et Yague va faire en sorte que cette transmission se passe d’une manière qui lui convienne. Pas question qu’après le Mouvement National confisqué par Franco, la Monarchie soit confisquée par un quelconque parlementaire !


26 octobre 1944
¡ Viva el Rey !
Réunion de famille
Brentridge Park (Western Sussex), Angleterre
– Son Altesse Royale la princesse Béatrice du Royaume-Uni était le dernier enfant encore en vie de la légendaire Reine Victoria. Gouverneur en titre de l’île de Wight depuis… la fin du siècle précédent (!), elle vient de s’éteindre paisiblement dans son sommeil, à l’âge de 87 ans. Ce deuil jette une ombre sur la joie de la famille royale britannique qui attend, comme tous les sujets du Roi et Empereur, la fin de la guerre en Europe. C’est donc tout naturellement que Georges VI envoie un avion pour permettre à la fille de sa grand-tante, Victoria-Eugénie, d’assister à ses funérailles. Et puisqu’il invite Victoria-Eugénie, il lui est difficile de ne pas inviter aussi son fils… le prétendant à la couronne d’Espagne, Don Juan ou Juan III.
A cette occasion, le War Cabinet se divise encore une fois entre les partisans de Cadogan et ceux d’Eden sur l’attitude à adopter concernant la venue en Angleterre de Victoria-Eugénie et surtout de Don Juan. Le premier conseille qu’aucun membre du gouvernement ne rencontre l’un ou l’autre des membres de la famille royale espagnole, alors que le second serait plutôt partisan d’une rencontre, même officieuse, avec ce fameux aspirant Roi d’Espagne.


3 novembre 1944
¡ Viva el Rey !
Réunion de famille
Chapelle Saint-George du château de Windsor
– Après un service funèbre dans la chapelle du palais, le cercueil de la princesse Béatrice du Royaume-Uni est placé dans le caveau de la famille royale. La cérémonie et le reste de la journée sont l’occasion pour Don Juan de rencontrer Winston Churchill pendant quelques dizaines de minutes. Si le Prime Minister a bien d’autres choses en tête – les armées alliées déferlent sur l’Allemagne et les Occidentaux vont bientôt se retrouver nez à nez avec l’Armée Rouge – il ne pouvait décemment pas manquer l’enterrement d’un membre de la famille royale. Et comme, pour le comte de Barcelone, celui qui a raison est souvent le dernier qui a parlé, Don Juan va tenir un discours propre à rassurer Churchill, qui a l’esprit tourné vers des échéances prochaines et des enjeux plus concrets pour lui qu’une possible restauration monarchique en Espagne.
Quelque peu distrait par les dernières nouvelles du monde et par la préparation de la toute prochaine conférence de San Francisco, le Premier Britannique propose un peu légèrement à Don Juan de profiter de son séjour en Angleterre pour lancer un appel solennel à ses compatriotes. Qu’il leur propose de se rallier à son panache, cela mettra Franco encore plus en difficulté. Un appel de Londres ? Pourquoi pas ! L’idée a bien des attraits pour Don Juan, obnubilé par sa couronne et qui oublie bien vite les funérailles de sa grand-mère…


6 novembre 1944
¡ Plus ultra !
La République est-elle morte ou encore vivante ?
Mexico
– Alors que le Reich s’écroule et que la fin de la guerre en Europe paraît imminente, Indalecio Prieto poursuit sa réflexion politique sur le devenir de l’Espagne. Il en expose plus précisément les points forts devant les Cortès en exil. Un gouvernement transitoire composé de personnalités non coupables de la répression rétablira les libertés publiques fondamentales et organisera un plébiscite, sous le contrôle de pays latino-américains, afin de déterminer la nature du nouveau régime. Voilà la proposition de Prieto. Les Cortès grondent à la mention d’un “nouveau” régime, mais il y trouve un soutien important en la personne de celui qui fut son meilleur ennemi au cours de la décennie précédente : Francisco Largo Caballero !
« La République assassinée, toutes les institutions qui l’incarnaient sont mortes, s’exclame ce dernier. Sans la République, il ne peut exister de président, ni de Parlement, ni de délégation permanente des Cortès, ni de gouvernement. Tout ce qui se dit à l’encontre de cette constatation est, à mon avis, subterfuge. »
Le tollé général provoqué par l’intervention de Largo Caballero fait fortement réfléchir Prieto. Celui-ci va temporiser afin de pouvoir participer à la délégation républicaine envoyée à San Francisco. Il veut pouvoir juger par lui-même de l’attitude de la communauté internationale envers la cause des Espagnols anti-franquistes.


8 novembre 1944
¡ Viva el Rey !
Le Manifeste de Londres
Estoril
– L’appel de Don Juan est officiellement publié de sa résidence portugaise, sous prétexte qu’au moment de sa publication, le comte de Barcelone se trouvait dans un avion entre l’Angleterre et Lisbonne. Mais cette coquetterie ne trompe personne et cette intervention entrera vite dans les mémoires comme le “Manifeste de Londres”. En substance, Juan III énonce que…
« Dès le départ, le régime établi par le général Franco a été inspiré par les systèmes totalitaires des puissances de l’Axe, qui étaient contraires au caractère et à la tradition du peuple espagnol et qui sont incompatibles avec les conditions que la guerre actuelle crée pour le monde. La politique extérieure suivie par ce régime compromet également l’avenir de la nation.
La solution n’est pas dans une nouvelle République qui ne manquerait pas, même avec les meilleures intentions, de conduire de nouveau le peuple à une guerre civile. Seule une monarchie traditionnelle peut être un instrument de paix et de concorde propre à réconcilier les Espagnols entre eux. Seul cette institution pourra obtenir le respect de l’étranger, donner au pays les moyens d’un état de droit et réaliser la synthèse harmonieuse entre l’Ordre et la Liberté sur laquelle est basé le concept chrétien de l’État.
Des millions d’Espagnols, aux idéologies les plus variées, sont convaincus de cet état de fait et voient en la Monarchie la seule institution viable pour notre pays. C’est pourquoi, pour décharger ma conscience du poids de plus en plus accablant de la responsabilité qui m’incombe, je dois aujourd’hui élever la voix pour demander au général Franco de reconnaître l’échec de sa conception totalitaire de l’État et d’abandonner le pouvoir pour laisser la place à la restauration du régime traditionnel de l’Espagne. »

Par cette déclaration, Don Juan entend rassurer tout le monde sur la solidité de ses prétentions. En parlant de chrétienté et de traditionalisme, il veut ménager les monarchistes restés proches de Franco et ceux pour qui le Mouvement National veut dire quelque chose. Afin d’apparaître présentable aux démocraties occidentales, le comte de Barcelone mentionne aussi les Droits de l’Homme dans son manifeste, de même qu’il évoque un référendum constitutionnel, garantit les libertés politiques et la « diversité régionale » et promet une amnistie générale. Et pour convaincre le plus grand nombre de ses compatriotes, il brandit l’espoir d’une plus grande justice sociale et d’une plus juste distribution des richesses. Bref, comme tout politicien en campagne, Don Juan ratisse large – il estime que le jeu en vaut la chandelle. Les moyens de communication anglais doivent offrir à son appel une très large diffusion et il est persuadé que cela lui permettra de pousser à sa perte le régime de Franco, qu’on dit chancelant.


11 novembre 1944
¡ Una, grande, libre !
La triple guerre continue
Madrid
– Pour faire bonne figure auprès des Alliés alors que la conférence de San Francisco, qui doit créer la nouvelle Organisation des Nations Unies, va commencer, mais aussi pour contrer autant que faire se peut le Manifeste de Londres, l’Espagne de Franco décide de rompre ses relations diplomatiques avec l’Empire du Japon !
Du point de vue de Franco, il s’agit toujours de distinguer les composantes d’une triple guerre. Pour lui, l’Espagne doit être neutre dans le conflit entre les Occidentaux et l’Allemagne, du côté de l’Allemagne contre l’URSS et – comme il avait pu l’affirmer à l’ambassadeur américain Hayes – du côté des Alliés contre le Japon ! Pendant plusieurs jours, attendant une éventuelle déclaration de guerre, la plupart des services diplomatiques ont ressorti la lettre de félicitations adressée il y a un an par Franco à Laurel, le président des Philippines sous contrôle japonais… Mais même si Franco ose beaucoup, il n’ira pas jusque-là. Inutile de préciser que l’Espagne franquiste ne sera pas invitée à la conférence de San Francisco – même pas en dernière minute.
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Mer Nov 13, 2019 11:17    Sujet du message: Répondre en citant

Admirez l'artiste (même si vous n'aimez pas le personnage !)… et la qualité du récit de Tyler.


22 décembre 1944
¡ Una, grande, libre !
Solution numantine ?
Madrid
– Le mois de décembre 1944 aura été compliqué pour Francisco Franco et son régime. Aussi compliqué que le mois de mai 1941, qui avait vu s’écharper monarchistes et phalangistes, ce conflit faisant craindre que l’un ou l’autre des piliers du gouvernement ne le quitte, provoquant la chute du reste ou un nouveau conflit civil.
Cette fois, il y a eu au tout début du mois la lettre ouverte “El Saludo” (comme elle a vite été baptisée). Pas moins de 458 personnalités espagnoles ne pouvant être taxées de “républicanisme” saluaient l’initiative de Don Juan en affirmant : « Seule la monarchie dirigée par Votre Majesté peut être la base ferme d’un régime stable et solide. » Un mouvement d’une ampleur bien supérieure à celle du message similaire émis en début d’année par une cinquantaine de parlementaires. Une fois n’est pas coutume, le Caudillo a exprimé sa rage en public. Il a promis maints supplices à quelques-unes des têtes d’affiche de ce “Saludo”. « Le régime doit se défendre et serrer les dents jusqu’à l’âme ! » a-t-il éructé.
Quelques jours plus tard, l’assemblée réunie à San Francisco pour élaborer l’Organisation des Nations Unies a décidé de refuser l’adhésion de l’Espagne franquiste à ce nouvel organisme devant rassembler les puissances qui compteraient à l’avenir. L’Espagne a été considérée comme trop proche des puissances de l’Axe qui viennent d’être vaincues, ou le seront bientôt.
Mais l’estocade est venue du nouvel appel lancé par Don Juan dans l’euphorie de la fin de la guerre en Europe. Le comte de Barcelone a demandé la démission de Franco et proposé à ceux des Espagnols « qui [soutenaient] encore ce régime né d’une atroce guerre civile » de le rejoindre, lui, héritier du trône d’Espagne. Et la conjonction de nombreux facteurs a fait que cet appel a été entendu ! Tout au long du mois de décembre, les démissions et les prises de distance officielles avec le régime de Franco vont se multiplier. Le premier à agir a été le duc d’Albe, ambassadeur au Royaume-Uni. Il a été suivi de Don Alfonso, commandant l’aviation de la 2e Région militaire – et oncle de Don Juan, d’Antonio Goycoechea, dirigeant du parti monarchiste Renovacion Espanola et Président de la Banque d’Espagne, et de bien d’autres dignitaires civils. Enfin, les généraux qui avaient discrètement appuyé Don Juan vont finir par sortir du bois avec, en tête, Alfredo Kindelan (directeur de l’École de Guerre), Antonio Aranda, José-Enrique Varela, Luis Orgaz (haut-commissaire au Maroc), Miguel Ponte (député et président du Conseil suprême de la Justice Militaire), Juan-Bautista Sanchez-Gonzalez (commandant militaire de la Catalogne). Tous, s’affirmant favorables à la restauration de la monarchie, présentent leur démission ou annoncent qu’ils décident de « rester en poste jusqu’à nouvel ordre, pour des raisons techniques. »
Apprenant la mort de Mussolini, lynché par la foule, Franco avait confié à son frère aîné : « Si les choses tournent mal, je finirai comme Mussolini, car je résisterai jusqu’à ma dernière goutte de sang. Je ne m’enfuirai pas comme Alphonse XIII. »
Fidèle à cette ligne de conduite, le Caudillo s’est accroché tout le mois, préférant laisser pourrir cette situation, pensant que l’euphorie apparue avec la fin de la guerre en Europe allait s’estomper. Pourtant, aujourd’hui, il s’inquiète : son ministre de l’Air, le général Vigon, franquiste mais fébrile, vient de lui annoncer que les avions de transport de la 2e Région militaire du général Alfonso de Orleans y Borbon ont entamé depuis la veille des navettes inhabituelles avec le Maroc espagnol du général Orgaz. Et ils ne reviendraient pas en Espagne à vide… Ajouté à la présence depuis plusieurs jours dans cette même région du général Yague « en vue de préparer des manœuvres », Franco a la désagréable impression de revivre le mois de juillet 1936, mais du mauvais côté de la barrière…
Comme Vigon lui demande ce qu’il compte faire, Franco jette un œil sur les livres et les documents qui jonchent son bureau. Le regard du Caudillo reste un instant fixé sur l’ouvrage de Cervantès sur le siège de Numance que lui a conseillé le fidèle Carrero-Blanco. Depuis quelque temps, ce dernier va répétant « Il n’y a d’autre solution que la numantine », rappelant la résistance désespérée de la ville de Numance face aux légions romaines.
Après s’être laissé un temps de réflexion, Franco relève la tête et retrouve l’air de bravade de l’officier colonial qu’il fut dans sa jeunesse pour déclarer : « Je ne me sens pas l’âme d’un Alphonse XIII [qui a cédé son trône en 1931], ni d’une Marie-Christine [mère du précédent, elle fut régente de 1885 à 1902]. Je vais aller les affronter ! »
Les Numantins avaient proposé aux Romains un combat singulier pour en finir avec le siège. Scipion Emilien avait refusé, sachant sa victoire prochaine. Mais le Caudillo, lui, ne compte pas demander son avis au camp d’en face !


24 décembre 1944
¡ Una, grande, libre !
Le sacre de la Reine-Mère
Saragosse
– L’arrivée dans la ville s’est faite en secret, ou du moins en toute discrétion. Il était préférable que le moins de monde possible soit au courant. Longeant les bords de l’Ebre vers le palais de l’Aljaferia, le cortège impressionne les passants. Est-ce bien lui ? Le Caudillo Francisco Franco parcourt Saragosse, escorté par une trentaine d’hommes de sa Garde Maure. Alors que la nuit tombe et que les chants de Noël commencent à s’élever, le chef de l’état espagnol marche vers son destin. Le jeune garçon d’El Ferrol qui rêvait d’aventure et des plus belles heures de la glorieuse Histoire de l’Espagne serait fier de lui. Le petit Galicien s’avance d’un pas assuré vers l’ancien palais des Rois d’Aragon pour mettre à bas un complot fomenté par de vils félons pour le priver de son trône ! Mais il triomphera une fois de plus ! Au cœur du désert marocain, dans les années 1910, le jeune capitaine Francisco Franco n’a-t-il pas conquis l’estime des Maures par sa bravoure !
Est-ce l’ambiance de Noël qui entraîne le Caudillo à cette courte rêverie ? Dans la limousine officielle, l’enfant de Galice et le capitaine des troupes coloniales font place au général rebelle qui a terrassé la République avant de mettre à sa botte le Mouvement National.
Mystérieusement prévenus, une foule de curieux se demandant ce qui peut bien se tramer assistent à l’entrée du Caudillo dans le palais… Pourtant, quoi de plus normal si l’ancien généralissime des forces nationalistes s’invite à une réunion des plus importants généraux de son Armée ? Les badauds sauraient-ils que tout laisse à penser que cette Armée risque fort de s’opposer au Caudillo d’ici quelques semaines, voire d’ici quelques jours ?
Contrairement à ce qu’affirmeront plus tard les hagiographes du Caudillo, Francisco Franco ne va pas débouler de manière fracassante dans la salle de réunion en surprenant de veules conjurés, qui ne pourront que se plier à son autorité quasi divine. Comme toujours, les choses sont plus nuancées.
Ainsi, les généraux réunis à l’Aljaferia ont été informés de sa visite dès son arrivée en gare de Saragosse, et sans doute même dès son départ de Madrid. Ils auraient pu prendre des mesures, et peut-être en finir avec le régime du Caudillo, sinon avec Franco lui-même… Mais ils se sont contentés de discuter sans rien décider. Les officiers monarchistes, bien qu’ils aient senti depuis quelque temps des ailes leur pousser, ont encore du mal à se convaincre de franchir le Rubicon et de déclencher un nouveau coup d’état. Il est vrai que, pour un Mouvement National ayant réussi, combien de “sanjurjadas” (1), de révolutions asturiennes ou encore de pantomimes à la Casado ? Déjà, en septembre 1943, quand Franco avait vu un groupe de généraux lui demander de céder la place à Don Juan, il avait réussi à les retourner un par un et à les faire rentrer dans le rang. On comprend que les conjurés hésitent. Pourtant, cette fois, les circonstances les favorisent… Mais cette fois, c’est Franco qui va venir les trouver ! Une bravade comme lors de sa jeunesse marocaine ? Pas vraiment. La témérité du capitaine Franco a laissé place à une méthode plus froide, mais aussi implacable.
Quand le Caudillo pénètre dans la salle où se déroule la prétendue conférence d’état-major, il lui faut toute sa morgue naturelle pour compenser la surprise de voir réunis autant de lieutenants généraux. Presque tous les chefs des neuf régions militaires et de la capitainerie générales des Baléares sont dans la pièce (2) ! Poussant la dissimulation à un stade frôlant le trouble dissociatif, le Caudillo se lance alors dans un coup de main décisif. Pour une victoire comme à l’Alcazar de Tolède – qui a fait grandir son prestige lors de la guerre civile ? Ou pour un échec comme devant le fort d’El Biutz – où il fut gravement blessé en 1916 ?
Son premier objectif est de prendre l’ascendant le plus vite possible en profitant de la surprise – les généraux ne semblent pas être convaincus que Franco est bien devant eux !
– Bonsoir messieurs. On peut dire que vous faites la fierté de votre Caudillo ! lance-t-il en se dirigeant vers la table centrale, où est étalée une grande carte de l’Espagne jonchée de différents marqueurs. La phrase a été dite avec une froideur calme, presque indifférente. Un ton usuel pour le chef de l’État franquiste.
« Qui avons-nous là, autour de l’inévitable Kindelan, ce Cubain qui, après m’avoir aidé à devenir Généralissime du Mouvement National, s’est efforcé de saper mon autorité ? Si seulement il avait moins de crédit dans le corps des officiers, j’aurais réglé son cas depuis longtemps… »
Après ce coup de semonce, juger des réactions des uns et des autres puis porter une première banderille.
– La fierté, vraiment. La veille de Noël, vous voici en pleine réunion d’état-major ! Quelle abnégation dans l’accomplissement de votre devoir ! Quelque chose me dit que vous ne serez pas à l’heure pour la messe de Noël…
La plaisanterie est dite d’un ton trop mécanique pour que l’on pense que Franco ait vraiment voulu être drôle. Un ange passe avant que le général Aranda éclate d’un rire trop bruyant pour être honnête et tente une justification : « Hé bien, Caudillo, après les… importants changements qui ont eu lieu en Europe, nous préparons des grandes manœuvres pour le début de l’année… »
« Aranda, ce fort en gueule qui n’a jamais vraiment renié la République, qui ne cesse de dire à ses amis rouges et britanniques qu’il prépare un coup d’état et qui n’en a jamais rien fait… Il paraît que même les Britanniques le décrivent comme « une girouette irresponsable ». S’il est là, c’est qu’il s’est placé dans le sillage de Kindelan, il n’aurait rien entrepris de lui-même. »
– Des grandes manœuvres, vraiment ? Et où auront-elles lieu ? En Andalousie ? Au Maroc ? Dans ces deux régions, peut-être ? Il paraît que le trafic aérien a augmenté entre Tétouan et Séville ! A vous voir tous réunis et avec autant d’unités impliquées
[Il désigne les différents marqueurs sur la carte.], cela devrait être grandiose !
– C’est qu’il s’agit d’impressionner nos ennemis et de leur montrer à quel point notre Armée est aujourd’hui forte. Et qu’elle ne se laissera pas intimider, tant dans notre métropole que dans nos colonies,
assène le général Varela en cherchant du regard l’assentiment du général Orgaz, en charge des troupes marocaines.
« Ah, Varela et Orgaz ! Un carliste et un alphonsiste main dans la main ! L’alliance d’un l’éternel rebelle sanjurjiste (3) et d’un officier général corrompu jusqu’à la moelle (4) que j’aurais pu renvoyer depuis au moins un an ! Cela fera au moins un déçu… »
– C’est… C’est exact, Caudillo. Ma région aérienne militaire est la plus importante du pays (5). Il semblait donc tout à fait opportun qu’elle soit partie prenante de ce… des prochaines grandes manœuvres,
argumente le général De Orleans y Borbon, pourtant démissionnaire depuis le début du mois ! Armé d’un stick, il manipule divers marqueurs sur la carte comme pour embrouiller l’esprit du Caudillo.
– Présenté ainsi, il est vrai que les environs de Séville semblent être un champ de manœuvre idéal, lance Franco, qui s’est détourné de la carte de l’Espagne et scrute les visages de ses interlocuteurs. Pour voir ceux qui continuent de le regarder en face et ceux qui ont déjà, toute honte bue, baissés les yeux…
« Bien sûr, Alfonso de Orleans y Borbon est de la partie. N’est-il pas le chef du gros de l’Ejercito del Aire ? Et Don Alfonso n’est-il pas membre de la famille de ce fichu prétendant à la Couronne ? Voilà qu’il cherche sans vergogne à faire couronner le fils de l’homme qui l’a cocufié (6) ! La dignité de la lignée des Rois Catholiques est décidément bien loin ! »
– Peut-être nous conseilleriez-vous d’organiser ces manœuvres en Galice ?
demande le général Yague, d’un ton innocent tranchant singulièrement avec la dureté du regard qu’il pointe ostensiblement sur le Caudillo. Malheureusement, ce n’est pas la saison appropriée pour ce que nous voulons faire.
Le Galicien Franco aime à séjourner longuement l’été dans sa province natale. Il a parfaitement compris le sens de l’intervention du général phalangiste…
« Yague ? Le Boucher de Badajoz trouve le moyen de faire le coq ? Celui qui me pressait de réformer notre aviation en profondeur pour qu’elle puisse participer au conflit mondial, et pas du côté des Alliés, marche avec les Juanistes ?! Le favori d’Hitler à ma succession si d’aventure je n’avais plus convenu aux Allemands ! L’homme qui aspirait à une révolution phalangiste ! C’est lui qui pousse aujourd’hui en avant le pion des Anglais pour mener une restauration monarchique ! Quel reniement ! »
Reniement ou pas, il semble que le plus dangereux de ses adversaires soit Yague… Il va donc falloir le déstabiliser au moins provisoirement, le temps pour le dictateur d’obtenir ce qu’il est venu chercher.
– Je comprends ! Mais pourquoi ne pas choisir la Castille ? Nous nous sommes tant battus pour l’avoir… Et à Madrid, je serais aux premières loges pour observer le déroulement de ces manœuvres ! lance à la cantonade Franco, d’un ton où se mêlent à égalité la plaisanterie et le défi. Et Yague est Castillan, ce qui ne gâche rien. A menace, menace et demie…
Pour le Caudillo, l’instant est décisif. Un mot et tout pourrait s’écrouler. Son régime. Sa vie même. Mais un mot et tout pourrait être sauvé. Quel mot ? Franco y a longuement pensé depuis que son ministre de l’Air, Vigon, l’a informé des mouvements de troupes suspects entre le Maroc espagnol et la métropole. A présent, tout en arpentait la pièce, il passe en revue les positions des uns et des autres, que le comportement des conjurés ou de ceux qui s’apprêtent à le devenir a mises crument en lumière.
Le dictateur est en bout de table. Kindelan, Orgaz, Yague et Don Alfonso sont restés proches de la carte, ne manquant pas un mot du Caudillo mais semblant prêts, muscles tendus, à réagir quoi qu’il puisse advenir – que ce soit une irruption de la Garde Maure ou que l’un d’eux – mais lequel ? – se décide à proclamer que le maître de l’Espagne est mis aux arrêts ! Les autres se sont mis en retrait au fond de la pièce à des degrés divers. Certains se sont même sagement assis attendant la suite des événements…
Faut-il faire arrêter tout le monde ? Et quoi ensuite ? Franco est parfaitement au courant que, depuis la fin de la Guerre Civile, la plupart de ses généraux ont trempé dans des complots de plus ou moins grande ampleur, tantôt phalangistes tantôt monarchistes, pour le faire tomber. Il sait aussi pertinemment qu’au moins les premiers temps du conflit en Europe, Britanniques et Français ont soudoyé certains de ses officiers pour que son Espagne n’entre pas en guerre aux côtés des Allemands et des Italiens. Il sait tout cela et il a su en jouer pendant cinq ans.
Alors, les faire arrêter maintenant ? Pis qu’inutile, stupide !
Les autres conjurés, moins importants, se sentant acculés, se révolteraient quand même et on aurait une nouvelle guerre civile ! Du pain béni pour les Républicains en exil et pour les Soviétiques, qui seraient trop heureux de pouvoir reprendre pied en Espagne. Il n’est même pas sûr que les Français n’interviennent pas, poussés par une sorte de fraternité d’armes, pour rendre aux Républicains espagnols l’aide reçue d’eux durant l’Exil. Ces fous ont bien refusé la défaite en s’exilant, qui sait s’ils ne voudraient pas réussir ce que Napoléon a raté ?
Et quand bien même l’arrestation des généraux ne provoquerait pas de révolte, de grandes purges dans son armée, comme les Soviétiques en ont fait avant la guerre, ferait passer pour faible son pays encore convalescent. Cela aussi pourrait donner des idées aux puissances étrangères… Et si les Américains ne vont pas manquer de percevoir le danger bolchevique qui menace l’Europe, voire l’Occident tout entier, il est encore trop tôt pour pouvoir bénéficier de leur soutien ! Il n’est donc pas possible d'en finir avec ces comploteurs d’opérette d’une façon aussi tranchée qu’une partie de lui le souhaiterait… Mais ils vont lui être utiles !
Alors, Francisco Franco va parler. Une demi-douzaine de minutes. Un long monologue. Rien de flamboyant : l’homme n’est pas vraiment un orateur, il ne l’a jamais été. Mais ses mots (en grande partie ceux de Carrero Blanco), n’ont pas vraiment pour objectif de convaincre son auditoire. Ils doivent juste semer le trouble dans les esprits des généraux réunis autour de Kindelan. Juste assez dans juste assez de têtes pour pouvoir reprendre la main. Une allusion au chaos ambiant créé par la République agonisante infiltrée par les Soviétiques. Une autre aux durs sacrifices consentis par tous pour sauver l’Espagne, afin de raviver la mémoire d’un proche – un fils, un frère… – perdu pendant la Guerre Civile. Une affirmation de la nécessité pour le pays de conserver une certaine stabilité pour que la Nouvelle Espagne continue à se régénérer.
Si son discours a un réel effet, Franco constate, sans le montrer bien entendu, que cela ne sera pas suffisant. Il doit donc abattre sa dernière carte, celle qui lui coûte le plus, même s’il sait déjà comment il tâchera de compenser l’amertume de ce sacrifice…
« Et c’est pourquoi, Messieurs, je vous fais ici la promesse que d’ici à la Noël de l’an prochain, j’aurai rencontré Don Juan afin de m’accorder avec lui sur la meilleure manière de lui remettre la Couronne d’Espagne – et j’aurai rétabli la Monarchie. »
– La Monarchie rétablie d’ici un an ?
s’exclame Yague, entre satisfaction d’atteindre son objectif avoué et déception que ce soit sans s’être battu pour l’arracher.
– C’est ce que j’ai dit.
– Mais… Et vous ? Que deviendrez-vous ?
– Moi ? Eh bien, je serai Reine-Mère,
assène celui qui est encore le Caudillo, d’un ton très calme et avec tout juste un léger sourire.
Franco ne sourit pas à la perspective de ce qu’il vient d’annoncer, mais en voyant le trouble qui s’empare de tous les généraux présents et la désunion qui fait éclater leur groupe. Kindelan et Yague sont les moins affectés, mais ils n’y peuvent plus rien. C’en est fait de leurs projets, projets de quoi d’ailleurs ? Avec un Roi, tout ira pour le mieux dans l’Espagne des années à venir, n’est-ce pas ?
Cette soirée est connue dans certains livres d’Histoire comme « Le Réveillon des Généraux », dans d’autres comme « La Noël des dupes » et dans quelques-uns comme « Le sacre de la Reine-Mère ».
L’illustration la plus célèbre de ce moment clé de l’histoire de l’Espagne d’après la Guerre Civile reste la photographie prise à la basilique de Nuestra Señora del Pilar – car Franco et ceux qui étaient à nouveau ses généraux n’allaient pas rater la Messe de Minuit ! Ce portrait de famille est révélateur de ce qui venait de se passer en coulisses. Kindelan et Yague y apparaissent en retrait, les mâchoires serrées, alors que la plupart des autres généraux affichent une mine soulagée. Don Alfonso, sans doute, parce qu’un Bourbon va remonter sur le trône d’Espagne. Orgaz, car une certaine stabilité signifie la poursuite de ses fructueuses affaires. Les autres sont très probablement ravis de voir s’éloigner la perspective d’une éventuelle seconde guerre civile. Quant à Francisco Franco, il arbore un sourire éclatant qu’on lui voit rarement ! L’Armée a cédé, le Caudillo va pouvoir conduire l’année 1945 de la manière qui lui conviendra et adapter au mieux de ses intérêts la promesse qu’il vient de faire…


Notes
1- Allusion à la tentative de pronunciamento de Sanjurjo en 1931, qui avait lamentablement échoué.
2- Le seul absent notable est Garcia-Escamez, capitaine-général des îles Canaries. Il fut l’un des principaux instigateurs de l’insurrection de 1936, mais depuis 1940, du fait de son éloignement et peut-être par tempérament, il brille par sa discrétion et n’a participé de près ou de loin à aucun des complots agitant l’état franquiste.
3- Varela avait été l’un des principaux soutiens de Sanjurjo en 1931.
4- Franco a reçu à l’automne 1943 un rapport révélant qu’Orgaz était impliqué dans de très nombreuses affaires de corruption au Maroc.
5- En effet, la plus grande partie de l’aviation espagnole est concentrée en Andalousie.
6- En 1915, la rumeur d’une liaison entre Béatrice, épouse d’Alfonso de Orleans, et le roi Alphonse XIII était devenue quasi-publique. Le roi, qui avait apparemment toute confiance en son cousin, l’avait chargé de plusieurs missions diplomatiques longues et lointaines, où sa femme ne pouvait l’accompagner… Pour faire cesser le scandale, la reine douairière Marie-Christine avait dû demander au couple de quitter l’Espagne.
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Hendryk



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MessagePosté le: Mer Nov 13, 2019 11:37    Sujet du message: Répondre en citant

Sacré retournement de situation, en effet. Comme disent nos voisins britanniques, If you can't beat them, join them.

Casus Frankie a écrit:
Apprenant la mort de Mussolini, lynché par la foule, Franco avait confié à son frère aîné : « Si les choses tournent mal, je finirai comme Mussolini, car je résisterai jusqu’à ma dernière goutte de sang. Je ne m’enfuirai pas comme Alphonse XIII. »

En voilà en tout cas un pour qui FTL ne finit pas mieux qu'OTL.
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Etienne



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MessagePosté le: Mer Nov 13, 2019 11:42    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
A présent, tout en arpentait la pièce, il passe en revue les positions des uns et des autres, que le comportement des conjurés ou de ceux qui s’apprêtent à le devenir a mises crument en lumière.

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MessagePosté le: Mer Nov 13, 2019 11:54    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
« Si les choses tournent mal, je finirai comme Mussolini, car je résisterai jusqu’à ma dernière goutte de sang. Je ne m’enfuirai pas comme Alphonse XIII. »


Pan sur le bec ! Mais sur le fond ca ne change rien ...

Pourquoi certaines phrases sont en bleu ? Des pensées ?

Citation:
« Et c’est pourquoi, Messieurs, je vous fais ici la promesse que d’ici à la Noël de l’an prochain, j’aurai rencontré Don Juan afin de m’accorder avec lui sur la meilleure manière de lui remettre la Couronne d’Espagne – et j’aurai rétabli la Monarchie. »


Comment perdre un prétexte pour le coup d'Etat ... Tant pis pour la monarchie et Juan Carlos par contre ...

Alors du coup, Patz a décidé de la mort de Mussolini ?
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Quand la vérité n’ose pas aller toute nue, la robe qui l’habille le mieux est encore l’humour &
C’est en trichant pour le beau que l’on est artiste
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patzekiller



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MessagePosté le: Mer Nov 13, 2019 12:06    Sujet du message: Répondre en citant

oui, après longues réflexions, en fait quasiment depuis qu'il est devenu évident que la guerre se terminerait avant sur le front italien (il y a plusieurs années, avant de prendre en charge dragon). la décision finale n'a été prise en ce sens qu'il n'y a quelques mois
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