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Unité d'Elite (par Carthage)
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Anaxagore



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MessagePosté le: Jeu Avr 28, 2011 22:04    Sujet du message: Répondre en citant

Exact ! D'ailleurs il ne faut pas se moquer de ses projets, le comble c'est que ces "canons de l'apocalypse" capable de tirer des obus à plusieurs milliers de kilomètres sont parfaitement constructible. Leurs seuls défauts sont d'être énormes et peu mobiles, donc très vulnérables à une attaque aérienne.
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Sam Avr 30, 2011 17:40    Sujet du message: Répondre en citant

Je suis sûr que vous vous demandiez ce qu'était devenu le Seyan-Tsushima, et ce que les VSOP pouvaient encore fabriquer...
Réjouissez-vous, Carthage vous offre une fleur pour le 1er mai.

Je tiens à souligner que Fregaton, consulté, a d'abord poussé des cris mêlés d'éclats de rire, puis il s'est mis au travail pour arrondir quelques angles par trop biscornus (qu'il en soit au passage chaudement remercié), allant jusqu'à nous fournir quelques photos que j'ai du mal à faire passer. Le résultat final est... bon, vous jugerez.



Chapitre 41 – Belle-de-jour

Deuxième dimanche de l’Avent 1941 – Très loin de la Tunisie

Dans le calme du petit matin, le Commandant Wassingre glissait doucement sur l’eau irisée par moult souillures d’hydrocarbures. Son pont arrière était couvert de véhicules embarqués sur les deux côtes américaines, ses cales étaient bourrées de fournitures et matériels divers forts stratégiques pour l’effort de guerre de la France combattante. L’aube pointait à peine quand le lourd mais gracieux navire marchand avait été écarté du quai par un petit remorqueur portuaire. La dernière aussière rentrée à bord, il s’était bientôt dirigé, avec une sage lenteur, vers la sortie du port.
Le commandant Reuillard, presque seul maître à bord après D…, se tenait juste derrière son homme de barre, ses ordres avaient été simples, cinq nœuds et au 160, un seul moteur était embrayé au coupleur hydraulique de chaque ligne d’arbres mais à tout hasard, il fit démarrer les deux autres.
Il avait pris ce commandement, à la demande de la compagnie et à celle la Marine Nationale, avec quelque passion et d’abord en mémoire de Wassingre – mais il devait s’avouer qu’il était heureux de présider aux destinées du navire le plus moderne de la marine marchande française, confié à la compagnie pour la durée des hostilités en remplacement du Belain-d’Esnambuc, qui avait beaucoup souffert lors des Pâques sanglantes du Cap Bon – lui en avait pour une bonne année de réparations et ne réintégrerait sans doute jamais la Marchande.
Un beau navire vraiment, ce “Turc”, comme l’appelait son équipage ! Des modifications relativement discrètes mais importantes lui avaient été apportées : les panneaux de cales avaient été renforcés par des plaques d’acier amovibles formant des rampes aptes à supporter le poids de véhicules divers, les mâts de charge avant avaient disparu, remplacés par un large pont roulant “emprunté” aux ateliers des chemins de fer de Tunisie et qui circulait sur quatre rails Vignoles soudés sur les côtés de l’interminable plage avant, bricolage bien pratique qui, bien que réduisant quelque peu les qualités de stabilité latérale du navire, permettait même d’embarquer du matériel ferroviaire, le dit pont roulant était pour l’instant solidement arrimé par de très grosses clavettes à l’îlot central du navire, ses deux excroissances latérales de quatre mètres sagement repliées sur l’ensemble.
Reuillard était soucieux, il avait dû faire ce détour par Hawaï pour charger des torpilles de 550 destinées au Surcouf qui allait s’installer à Tahiti, il avait donc récupéré ses torpilles à l’atelier ad hoc de l’US Navy, le croiseur auxiliaire qui devait l’escorter sur ces mers parfois hantées de corsaires germaniques aurait dû être là depuis deux jours mais bernique, il n’était arrivé que la veille… Un beau navire, vraiment, le Turc, tout y était inhabituel, ses machines, son équipement, son équipage, tiens l’équipage, trente matelots de la marmar, dix Italiens, matelots civils de l’ancien équipage qui avaient préféré signer un engagement dans la marine marchande plutôt que de moisir dans une quelconque villégiature du Sud Tunisien, vingt Joyeux arrachés au Bila et une petite dizaine d’officiers et sous-officiers des trois armées, dont le lieutenant de vaisseau Perrineau, représentant la MN à bord et qui se tenait sur l’aileron de passerelle bâbord, les jumelles vissées aux yeux comme d’habitude, il y avait fort peu de circulation dans la rade en ce dimanche matin, seules quelques vedettes de servitude et un paquebot mixte au loin, agrémentaient le paysage, Perrineau rentra sur la passerelle : « Oui, c’est bien l’El-Mansour, mais il se croit où, notre garde du corps ? En croisière d’agrément ? » Reuillard surveillait du coin de l’œil le joli ex-paquebot qui leur avait été assigné comme escorte.

Il avait visiblement augmenté sa vitesse et filait maintenant plein nord, quand de petites étincelles apparurent sur sa plage avant, diable, il tirait avec ses 25 jumelés sur quelque chose, Reuillard prit ses jumelles et vit des avions, train fixe à larges pantalons et soleil levant sur leurs ailes, qui tournoyaient façon Stuka au dessus des vaisseaux de l’US Navy. Des Japonais au dessus de l’île Ford ! Plus rapide que Perrineau, il écrasa le gros bouton rouge du klaxon d’alerte aérienne et ordonna en avant toute, cap au 20°, la plage avant se couvrit d’un tas de bonshommes, vêtus de tenues très diverses et qui galopaient vers ce qui pouvait ressembler à un mât de charge mais n’en était pas un.
Le lieutenant Curvelier, artilleur de l’Armée de l’Air, battit le sergent Lejeune, de l’Armée de Terre, d’une courte foulée – comme il avait gagné, il prit la place du tireur dans le “fuselage” avant, le sergent fut dans l’obligation de grimper dans le second cockpit, situé dans le même axe mais 1,50 m plus haut, il serait donc désignateur régleur pour ce combat, deux hommes les aidèrent à se harnacher en serrant bien fort les courroies, ils garnirent ensuite les huit dispositifs pyrotechniques d’autant de chargeurs emplis chacun de dix cartouches de tromblon Vivien Bessière, puis approvisionnèrent manuellement chacune des culasses avec une cartouche unique de 25 et armèrent, enfin le sergent testa la liaison par laryngophone avec la passerelle et son coéquipier, satisfait, il appuya sur un bouton et un drapeau vert fit son apparition au dessus de lui, bien visible pour Perrineau toujours sur son aileron bâbord. Grâce à l’heureux climat d’Hawaï, ni lui ni son équipier n’avaient refermé leurs verrières (toutes deux provenaient de MS-406 de réforme, Curvelier, par coquetterie, aurait aimé celle d’un Bf 109, mais celles qu’on récupérait avaient le défaut d’être fort abîmées). Pendant ce temps deux autres hommes avaient démarré le gros et vénérable moteur d’aviation Clerget, en étoile et refroidi par air par deux soufflantes, il était solidaire de la grande plateforme circulaire de trois mètres de rayon qui servait de base au tout, supportant les batteries, la nourrice de carburant, les radiateurs d’huile, le gros alternateur, le non moins gros compresseur et son réservoir – un MAN le compresseur, taré à quinze atmosphères – le tout parfaitement réparti pour l’équilibrage, en dessous il y avait les pistons et culasses à air comprimé et le dispositif de freinage, au centre on trouvait une sorte de gros vérin qui supportait la deuxième plateforme deux mètres plus haut ; plus petite, de seulement deux mètres de rayon, celle-ci portait les deux “fuselages” solidaires et encadrés (grâce à une sorte de balançoire en gros profilés d’acier, articulée sur un axe passant entre les deux hommes) de huit tubes de 25 mm CA.
Par sa verrière ouverte, Lejeune tira au dessus de sa tête une poignée, du genre de celle d’une douche de plage, il se prit évidemment la goupille sur le coin de la fiole, comme à chaque fois !
Sur la passerelle, Perrineau leva la tête, d’autres avions apparaissaient, en plein dans l’axe, très bas, des torpilleurs, il fallait faire plus vite, il cria des ordres relayés par les haut-parleurs, deux hommes casqués en tenue de cuistot le bousculèrent sur l’aileron et s’emparèrent du jumelage de 13,2 sur affût crinoline dit type Bizerte, issu de la transformation d’un affût standard pour être plus réactif – ils enclenchèrent les deux chargeurs et armèrent, un des deux passa entre les épaulières, quatre minutes s’étaient déjà écoulées.



Perrineau se pencha, il était, comme toujours, fasciné par ce qui allait suivre – subitement, sur le pseudo mât de charge, quatre bras contre-coudés s’abaissèrent en se logeant dans les encoches ménagées à cet effet à la périphérie de la plate-forme inférieure et les coudes de presque deux mètres, articulés sur de gros axes de roulement, relevèrent la plate forme supérieure à près de quatre mètres du pont, Lejeune se retrouvait presque à six mètres d’altitude et jouissait d’une vue imprenable sur Oahu, les bras se calèrent dans les évidements pratiqués sous la plate-forme supérieure, le vérin cannelé, purement passif à ce moment, solidarisait avec l’aide des bras les deux ensembles, les grosses boîtes de munitions aux extrémités avaient servi de contre-poids – il y en avait huit, chaque tube étant approvisionné à une minute de feu (soit 300 coups pour chaque boîte, ou l’équivalent de vingt chargeurs standards !).
Un armurier mit en marche, à partir d’un tableau électrique situé à côté des batteries, les transporteurs à palettes contenus dans les tubes contre-coudés et qui se poursuivaient par des conduits de tôle jusqu’à la culasse dévorante de chaque tube que Filloux, avec élégance, avait couché sur ses dessins de 45° à droite pour les uns, à gauche pour les autres – dix secondes plus tard, huit petits voyants verts s’allumèrent sur les tableaux de bord de chaque cockpit, deux autres se mirent à clignoter, indiquant que les introducteurs à poussoirs détectaient, grâce aux palpeurs, les premières munitions, les transporteurs s’arrêtèrent, maintenant tout serait guidé par Curvelier qui n’avait plus qu’à appuyer sur le gros bouton vert actionnant les solénoïdes de détente, « Tous au vert ! » annonça Lejeune, « Paré pour le tir ! »
………
« Je vais leur faire le coup du diabolo à rallonge, avait dit Rimailho, tu leur feras le coup du vrai tir rapide et continu mon vieux Filloux, qu’en aurait dit Deport ou même Dreyfus ? »
Ils avaient longuement écouté servants et chefs de pièce, les questionnant sur ce qui allait et ce qui n’allait pas, une visite dans les tréfonds de l’arsenal leur avait permis de faire d’intéressantes découvertes, une Gatling manuelle à poudre noire réglementaire en 1881 et un canon revolver de 37 à manivelle de 1906 – ils avaient essuyé une larme devant ces émouvantes antiquités qu’ils avaient, cependant, autopsiées avec ravissement. Ils s’étaient également baladés à l’espèce de foire du Trône permanente qui jouxtait le vieux port de Bizerte – en septembre 39, quand la guerre avait supprimé les transports civils de fret pondéreux non essentiels à l’économie, beaucoup de forains français et italiens s’étant retrouvés coincés en Tunisie où, après la saison des fêtes votives métropolitaines, les manèges venaient hiverner dans la douceur de l’hiver africain. Il y avait là de forts beaux métiers, en particulier une gigantesque assiette au beurre qui s’inclinait sur son axe central et une immense balançoire lancée par air comprimé, qui contenait 60 personnes, ils avaient enfin visité l’usine d’embouteillage et de lavage des Brasseries réunies de Tunisie. Au retour, la table à dessin, la théière et les cervelles avaient fumé !
Le reste de leur bricolage était dû à une passion discrète ou si vous préférez un vice caché des deux VSOP – oh, rien de grave, juste la botanique, ils avaient trouvé à la bibliothèque de l’amirauté une flore des plantes méditerranéennes avec de magnifiques dessins et Filloux n’avait pas été sans faire remarquer que leur toute petite terrasse était couverte de liseron tricolore, bleu, blanc et jaune, son nom savant, Convolvulus tricolor, parait ce liseron diurne d’une renommée latine inattendue, ils avaient souvent contemplé, aux bonnes heures, l’ouverture ou la fermeture des pétales de la plante, merveille de la nature, que tout cela était admirable – Rimailho, un peu frustré de la trouvaille de son compère, avait fait remarquer que la plante avait un autre nom, moins usuel mais beaucoup plus joli : belle-de-jour, il n’avait pu remarquer, dans son innocence peut-être affectée, que cette dénomination pouvait recouvrir d’autres activités plus trivialement humaines, quoi qu’il en soit, la dénomination resta pour la pièce, parfois traduite en d’autres langues par des appellations moins élégantes.

………
Le santou kaisa (capitaine de corvette) Takashi Hashigushi, du porte-avions Kaga de la Marine Impériale, guidait de main de maître sa formation de Nakajima B5N1, il avait perdu deux minutes plus tôt son escorte de chasseurs, partie courir après deux Américains esseulés qui venaient de faire une passe de tir sur l’un de ses ailiers, qui s’était transformé en fleur rouge sur le sommet boisé d’une colline, mais il pensait n’avoir plus à craindre la chasse ennemie à présent – il donna l’ordre de descendre à 500 mètres, il leur fallait virer de 180° pour se mettre en position de lancer, le virage se ferait dans 2 nautiques juste au dessus d’un très gros marchand qui virait à pleine vitesse, la silhouette disait vaguement quelque chose à Hashigushi mais pour aujourd’hui, seuls les cuirassés américains le préoccupaient, c’est alors qu’une fleur étrange s’épanouit sur le pont du marchand, un peu comme un lotus au petit matin, mais un lotus ne se serait pas piqueté de lueurs jaunes venant droit dans sa direction.
………
Les deux VSOP, leurs explorations et entretiens divers terminés, avaient logiquement listé leurs priorités, il leur fallait :
– Concevoir un affût permettant, sous un encombrement réduit mais compatible avec le pont d’un navire marchand, de concentrer de multiples tubes de 25 CA – le meilleur canon était celui qui tirait le plus loin, le plus vite et qui délivrait la quantité ou plutôt la masse maximum de charge militaire par unité de temps.
– Trouver une solution technique quelconque pour pallier l’échauffement qui occasionnait moult incidents de tir, sans compter une usure trop rapide des tubes.
– Trouver un mode quelconque d’asservissement de la pièce qui permette le suivi efficace et continu de cibles volant parfois à 50 m et à 500 km/h, jusqu’à une inclinaison zénithale.
– Trouver une solution mécanique permettant l’approvisionnement en continu des tubes pour une minute de feu.
– Assurer à l’ensemble une autonomie énergétique qui le rende indépendant de l’état mécanique du navire qui en bénéficierait, le tout avec seulement deux hommes pour la visée et le tir, plus une petite dizaine de servants aux spécialités diverses.
Trois mois leur avaient été nécessaires pour concevoir et accoucher d’un dessin cohérent, trois autres pour réaliser et implanter l’usine à gaz (ce qui, en l’espèce constituait un doux euphémisme !) sur le pont du Commandant Wassingre, un bateau aussi original que leur invention. Le plus compliqué avait été de résoudre les problèmes de refroidissement des tubes – ils avaient dû faire des choses scandaleuses : un refroidissement par huile plutôt que par eau, c’était plus difficile mais bien plus beau. En effet, le devis de poids avait posé problème, il avait fallu faire la chasse aux grammes en trop et des radiateurs à eau auraient été trop lourds, Filloux avait eu une idée brillante, récupérer l’énergie de recul des tubes pour actionner des pompes à huile hypoïde , les tubes interconnectés entre eux avec des conduites souples pour qu’ils battent librement, puis à de petits radiateurs à la base des soufflantes, reliés au système et à une pompe électrique auxiliaire. Pour l’usure des tubes, on les chemiserait après réalésage, tout simplement, on avait les machines et les hommes nécessaires.
Lors des premiers essais, Rhimailho avait sentencieusement déclamé que ce qui se concevait bien se réalisait clairement, s’attirant en retour de Filloux un sonore « Tu l’as dit, bouffi ! Tu sais comment on nous appelle ? Les Bouvard et Pécuchet de la DCA ! » Et dire que, lorsqu’ils avaient réussi leurs concours d’entrée à l’X, hier semblait-il, seuls volaient quelques ballons…

………
Les railleries n’empêchant point l’artillerie de passer, l’usine à gaz de Bouvard et Pécuchet fonctionnait tout à fait correctement et même très bien pour un prototype, la formation d’Hashigushi allait en faire l’amère expérience.
A l’aide de son levier d’orientation prioritaire, Lejeune amena doucement la pièce dans l’axe de la formation japonaise, tripotant de multiples instruments dont une binoculaire d’artillerie et une petite maquette d’avion montée sur pivot (issue d’un correcteur de visée Le Prieur prélevé sur un affût 13,2 d’origine), il énonçait en même temps des variables mathématiques de tir que Curvelier affichait sur son collimateur, un modèle italien qui provenait d’un Fiat CR.42 abattu au printemps, modèle bien pratique car on pouvait en déplacer dans les deux axes la vitre portant la croix qui figurait le point théorique de visée ; le tireur prit alors la suite de son régleur et ramena à lui son volant-manche à balais prélevé à Bizerte sur l’épave d’un de ces hydravions antédiluviens bardés d’échauguettes et autres mâchicoulis qui plaisait tellement à la Marine des années trente, c’était une tentative intéressante et bien sur sans lendemain pour se passer de palonnier – quoiqu’il en soit, l’immense balançoire bascula à presque 80° par rapport à l’horizontale, 5° sur bâbord de la proue – le tireur, de son pouce droit, enfonça le bouton vert.
Perrineau n’avait pas mis ses protections auditives sous son casque ! Un bruit déchirant lui vrilla les oreilles, comme le découpage d’une plaque de tôle accompli par un pétomane géant, la gerbe quasi continue de projectiles (un perforant traçant, deux explosifs traçants et deux incendiaires pour cinq coups) cogna dans le troisième avion à partir du centre, qui se désintégra proprement dans l’explosion de sa torpille, celui qui le suivait, totalement déséquilibré par l’onde de choc, bascula dans la mer (encore en formation de route, les Kate étaient très proches les uns des autres), la deuxième rafale, plus longue, cogna dans les numéros six et huit, toujours à partir du centre et les deux avions torpilleurs, désemparés, piquèrent dans la baille (efficace, se dit Curvelier, c’est vrai que 2 400 coups/minute, ça fait un demi-quintal de ferraille pour une rafale de six secondes, tout de même !) ; le reste de la formation survola le cargo dans le rugissement des moteurs, Curvelier, à fond de volant sur tribord, la cervelle lui sortant presque par l’oreille gauche sous l’effet de l’accélération, les suivit facilement grâce aux pistons à air comprimé, freinant même la pièce avec la pédale de droite, il en abattit encore deux, les cuistots artilleurs de bâbord s’en adjugeant un dernier – Hashigushi se retrouva fort dépourvu avec ses équipiers survivants, il n’en prit pas moins la ligne de vol si particulière, si rectiligne des torpilleurs avant le largage, le santou kaisa, concentré sur sa mission, décida d’oublier cette horreur – on aurait dit le Riyu des légendes, enfin tant pis, ils étaient morts en guerriers, leurs familles seraient fières.
Curvelier regarda ses voyants, tous à l’état nominal sauf le tube n°3 à gauche, qui avait eu un raté de percussion, il le réarma avec la pyrotechnie puis avisa ses jauges qui affichaient des valeurs positives mais pas trop, la température des tubes restait acceptable, il demanda à Lejeune de forcer la circulation d’huile pour abaisser quand même un peu tout ça, il lui restait 40 secondes de feu… Il se remit dans l’axe et vit une autre formation arriver, plus lentement et plus haut, ils avaient dû voir ou être prévenus, il écouta la litanie des valeurs énoncées par Lejeune et se prépara au tir, ceux-là étaient à 900 m et 350 km/h, il les accrocha à un quart de nautique, en faisant spiraler sa pièce, un truc très efficace, ils ne furent que quatre à en réchapper mais il avait dépensé trop de munitions, il lui restait moins de cinq secondes… Lejeune demanda un ravitaillement, deux portes s’ouvrirent à l’avant du château et des pépères en gris souris, des Joyeux, se mirent à pousser deux wagonnets sur la voie Decauville soudée au centre du pont, ils couraient comme des dératés, une bonne dizaine, accompagnés d’un armurier. Lejeune, pendant ce temps, forçait derechef la circulation d’huile hypoïde dans les manchons qui entouraient les tubes, c’était un moment délicat, sauf les 13,2 des ailerons de la passerelle, ils étaient à poil, il déboucla son harnais et se leva à demi en se penchant pour houspiller les Joyeux, déjà quatre minutes et seulement trois boîtes échangées sur huit, il faut dire que chacune d’elles pesait 350 kg, ce fut le moment choisi par un Mitsubishi A6M Reisen “type zéro” pour surgir de nulle par et mitrailler le pont, six hommes dont Lejeune furent touchés, les cuistots mirent le Zéro en feu mais trop tard, il fallut dix bonnes minutes pour remettre la pièce en état de tir après mise sous pression du vérin central, désaccouplement des bras et évacuation des blessés, de toutes façon, les autres formations ennemies étaient passées à distance respectueuse…
L’île Ford était couverte de fumées et de flammes, à l’invitation d’une vedette toute noircie, ils mirent les baleinières à l’eau pour repêcher, parmi une multitude d’Américains qui avaient fui leurs cuirassés en feu, quatre ou cinq Japonais qui s’avérèrent coriaces, il fallut les assommer à coups de rame pour les sauver de la noyade. Puis le Commandant Wassingre jeta l’ancre pour attendre le deuxième assaut, qui ne vint jamais. Lejeune et deux des Joyeux blessés, ainsi que plusieurs Américains et un Japonais atrocement brûlés, moururent à bord dans la nuit, ils n’avaient pu être évacués, les hôpitaux étant débordés – un détachement de la Navy vint le lendemain, au petit jour, rendre les honneurs à tous les morts avant l’immersion, après tout ils étaient morts en mer et à présent, on était Alliés – puis le détachement repartit en emmenant Américains et Japonais.
Les tubes de l’El-Mansour étaient fichus, pas tout neufs au départ, ils avaient cette fois dépassé leur limite technique, on lui fit passer deux tubes chemisés de rechange, le Commandant Wassingre emportait d’ailleurs deux mille ébauches de ces chemises, un des tubes fut déclaré définitivement irrécupérable, un long feu ayant occasionné un gonflement ; il orne depuis ce temps, à Oahu, le bureau de l’amiral commandant la flotte du Pacifique de l’US Navy, accroché au mur – un souvenir interallié en quelque sorte, un souvenir d’un dimanche de l’Avent à Hawaï.
………
Deux mois après cet épisode hawaïen, à la suite d’un débat particulièrement saignant entre les deux VSOP sur la culpabilité de Dreyfus, Rimailho, qui n’avait toujours pas digéré la remarque de Filloux sur leur dénomination flaubertienne, lui asséna méchamment : « Sais tu, mon vieux, comment les Ricains appellent notre belle-de-jour de puis le 7 décembre ? La rose d’Oahu ! » Poétique, dit l’autre, mais Rimailho lui rétorqua : « Pas du tout ! C’est un nom local pour le chancre syphilitique ! »
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patzekiller



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MessagePosté le: Sam Avr 30, 2011 19:27    Sujet du message: Répondre en citant

c'etait pas le croiseur auxiliaire jeanne d'arc qui faisait son entrée dans pearl à ce moment là dans la chrono officielle?
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lebobouba



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MessagePosté le: Sam Avr 30, 2011 20:22    Sujet du message: Répondre en citant

Non, la "Jeanne" est un croiseur-école.

C'est l'ex-paquebot converti en croiseur auxiliaire "El-Mansour" qui entre dans le port au moment de l'attaque.

Sinon bravo à tous ceux qui participent à cette saga des plus originales Very Happy

(Mais qui hélas se termine... Crying or Very sad Crying or Very sad Crying or Very sad )


PS:l'invention diabolique des 2 VSOP me fais furieusement penser à une version 1941 FTL du système Phalanx. Shocked Twisted Evil

Excellent ! J'en suis resté pantois...

(les pilotes de la Marine Impériale aussi, mais surement pas pour les mêmes raisons Evil or Very Mad )
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raven 03



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MessagePosté le: Dim Mai 01, 2011 11:49    Sujet du message: Répondre en citant

Bonjour,
decidement encore et toujours savoureux.
Ca devient de plus en plus dur d'attendre la suite.

mais plutot qu'un PHALANX automatisé, je dirai un systeme VULCAN operé manuellement.

Petit detail technique:
les "Kate " utilisés à Pearl Harbour etaient dejà des B5N2 et non du modele anterieur B5N1.

amicalement
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carthage



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MessagePosté le: Dim Mai 01, 2011 22:03    Sujet du message: Répondre en citant

Ok pour la numérotation des kate, pour le reste, les vsop n'ont fait que réunir 8 pièces sur un affut un peu spécial en recherchant une autonomie pour le tout, l'air comprimé peut fournir de bons résultats, évidemment, la circulaire sous le pont est une pièce complexe tout juste interrompue au droit du château du navire, amitiés, carthage.
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Fantasque



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MessagePosté le: Lun Mai 02, 2011 05:39    Sujet du message: Répondre en citant

En fait, c'est plutôt le système "MEROKA" utilisé par les espagnols que cette arme anticipe.

Il faut savoir que des études sur des affuts multiples étaient faites dans les années 30. Rien de ce qui est écrit n'est impossible, au niveau de l'étude. La réalisation, elle, relève de l'alternative poétique.

Et pour tout dire, ce fut superbe!
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marc le bayon



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MessagePosté le: Lun Mai 02, 2011 08:08    Sujet du message: Répondre en citant

je pense que ca ressemble plus a une gatling à canon fixe 8 tubes calibre 25mm... Shocked Shocked .
Pas encore le vulcain mais pas loin... avec une alimentation sous la structure.
En tout cas pas un affut Nordenfeld, trop complexe a modifier et à mettre en place sur une telle structure.

Le casque anti bruit est obligatoire, ca doit faire un raffut...

Je pensait plutot 600cp/mn par armes, ce qui nous 4800cp/mn pour l'affut au total, et non 2400...
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Marc Le Bayon

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Anaxagore



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MessagePosté le: Lun Mai 02, 2011 08:38    Sujet du message: Répondre en citant

Fantasque a écrit:
En fait, c'est plutôt le système "MEROKA" utilisé par les espagnols que cette arme anticipe.

Il faut savoir que des études sur des affuts multiples étaient faites dans les années 30. Rien de ce qui est écrit n'est impossible, au niveau de l'étude. La réalisation, elle, relève de l'alternative poétique.

Et pour tout dire, ce fut superbe!


Je crois que le gros problème de ce matériel est l'enrayement. L'arme se bloquerait trop souvent et nécessiterait un entretient constant avec démontage, remontage. En fait, elle serait indisponible les trois quarts du temps. Ce machin - Meroka, Vulcan, phallank, CIWS (Close-In Weapon System)- est un bricolage ingénieux sans doute mais d'expérience je peux dire que mettre ensemble des trucs et des machins non prévus pour s'associer donne un bon avant-gout de l'enfer. Ou comment résoudre des problèmes de mécanique dont vous n'avez jamais appris l'existence !
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carthage



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MessagePosté le: Lun Mai 02, 2011 13:06    Sujet du message: Répondre en citant

Plus que la pièce c'est l'asservissement qui pose problème, en béotien partiel, je ne me suis pas étendu sur certains aspects, en bref, qu'y a t'il sous le pont ou la plateforme inférieure? Accoupler et alimenter en continu huit tubes de 25mm Hotchkiss est parfaitement à la portée des VSOP, pour le refroidissement et les ratés de tir, je pense avoir trouvé une solution, d'autres sont possibles, amitiés, Carthage.
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Finen



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MessagePosté le: Lun Mai 02, 2011 15:28    Sujet du message: Répondre en citant

Pour l'asservissement de tir, la solution des solénoïdes couplés est le truc moderne et à la fois disponible à ce moment, il y aura bien sur deux fois plus de temps de réglages et reréglage que de tir Smile (Voir les affuts type HTM16 avec 4 mitrailleuses de 12.7, c'est très comparable et surement aussi pénible à régler)

Pour l'alimentation, pas de miracle, on réalimente plateforme de tir horizontale (du moins immobile)

Pour le refroidissement, une seule solution pratique, le canon de rechange après deux voir trois unités de feu pour assurer au moins un refroidissement complet et donc modérer l'usure de l'âme (prévoir du temps et de la stabilité pour cela, un tube de 25 devant peser sont poids.

Le souci de tir engendré par le montage en affut est un faux problème dans ce cas précis. En effet, ce canon est monté régulièrement en bitube AA pour la marine ce qui ne résout pas les problèmes de collimation dû aux vibrations (collimation = réglage de tout les canon vers un même point pour concentrer le feu à la distance de tir utile). Avec le temps cet affût doit devenir une saupoudreuse d'obus de 25 Wink
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Lun Mai 02, 2011 15:49    Sujet du message: Répondre en citant

Aaah, l'usure de l'âme... Rolling Eyes
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MessagePosté le: Lun Mai 02, 2011 17:38    Sujet du message: Répondre en citant

Non solum sed etiam, il y a aussi les piqures à l'âme, mon cher Casus, les utilisateurs de divers canons militaires, de toute taille et tous calibres, comprendront, je signale juste que l'arsenal de Bizerte s'est vu confier, en FTL, la maintenance des armes Hotchkiss qui sont installées, peu à peu, sur des navires marchands, pour le 25mm, le chemisage est la règle instaurée par les VSOP, d'ailleurs, le Turc en ramène des Etats Unis, amitiés.
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MessagePosté le: Lun Mai 02, 2011 18:32    Sujet du message: Répondre en citant

Finen a écrit:
En effet, ce canon est monté régulièrement en bitube AA pour la marine

L'affut AA c'est fait en 4 tubes horizontaux dans la marine impériale japonaise, Type 95( de memoire), licence Hotchkiss. 3 servants et boitiers chargeurs de 30 coups.
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Marc Le Bayon

La liberte ne s'use que si l'on ne s'en sert pas
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MessagePosté le: Lun Mai 02, 2011 20:54    Sujet du message: Répondre en citant

Scrognogno!

3 tubes! Et type 96 qui plus est! Wink

m'ferez 8 dont 4! Enguele Garde à vous
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