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Février 44 - Balkans et Hongrie
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lbouveron44



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MessagePosté le: Mar Juil 02, 2019 09:24    Sujet du message: Répondre en citant

Je propose qu'on fasse pareil avec la Grèce

Greece : GB in accord with USA & France 90 , URSS 10
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demolitiondan



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Messages: 9376
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MessagePosté le: Mar Juil 02, 2019 09:31    Sujet du message: Répondre en citant

Non - la Grèce a été de tout temps chasse gardé britannique et plus encore aujourd'hui (enfin en 44 FTL). Je veux bien faire un geste mais faut pas exagérer ! 8)
_________________
Quand la vérité n’ose pas aller toute nue, la robe qui l’habille le mieux est encore l’humour &
C’est en trichant pour le beau que l’on est artiste
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Anaxagore



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MessagePosté le: Mar Juil 02, 2019 09:33    Sujet du message: Répondre en citant

lbouveron44 a écrit:
Je propose qu'on fasse pareil avec la Grèce

Greece : GB in accord with USA & France 90 , URSS 10


Non, pour Churchill, la Grèce est son près carré.
_________________
Ecoutez mon conseil : mariez-vous.
Si vous épousez une femme belle et douce, vous serez heureux... sinon, vous deviendrez un excellent philosophe.
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Capitaine caverne



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MessagePosté le: Mar Juil 02, 2019 09:36    Sujet du message: Répondre en citant

Anaxagore a écrit:
lbouveron44 a écrit:
Je propose qu'on fasse pareil avec la Grèce

Greece : GB in accord with USA & France 90 , URSS 10


Non, pour Churchill, la Grèce est son près carré.


Il peut très bien s'agir d'un bobard churchillien. Mister Prime fait semblant d'inclure Alger dans la boucle pour renforcer sa position sans avoir l'intention un seul instant de céder quoique ce soit aux froggies.
_________________
"La véritable obscénité ne réside pas dans les mots crus et la pornographie, mais dans la façon dont la société, les institutions, la bonne moralité masquent leur violence coercitive sous des dehors de fausse vertu" .Lenny Bruce.
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lbouveron44



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MessagePosté le: Mar Juil 02, 2019 09:39    Sujet du message: Répondre en citant

Capitaine caverne a écrit:
Anaxagore a écrit:
lbouveron44 a écrit:
Je propose qu'on fasse pareil avec la Grèce

Greece : GB in accord with USA & France 90 , URSS 10


Non, pour Churchill, la Grèce est son près carré.


Il peut très bien s'agir d'un bobard churchillien. Mister Prime fait semblant d'inclure Alger dans la boucle pour renforcer sa position sans avoir l'intention un seul instant de céder quoique ce soit aux froggies.


Difficile d'ignorer l'engagement français sans créer des frictions préjudiciables entre alliés
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Mar Juil 02, 2019 09:54    Sujet du message: Répondre en citant

Capitaine caverne a écrit:
Il peut très bien s'agir d'un bobard churchillien. Mister Prime fait semblant d'inclure Alger dans la boucle pour renforcer sa position sans avoir l'intention un seul instant de céder quoique ce soit aux froggies.


Bizarrement, Churchill a pris cette histoire relativement au sérieux.

FTL comme OTL, il n'écrira rien qui puisse perturber la position anglaise en Grèce.
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Casus Frankie

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ciders



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MessagePosté le: Mar Juil 02, 2019 15:18    Sujet du message: Répondre en citant

Paradoxalement, Staline aussi a pris ces chiffres au sérieux ! Bien sur, il était globalement gagnant dans l'affaire mais abandonner les communistes grecs qui étaient loin d'être en position de faiblesse était de son fait. Il aurait pu tenter de faire tapis mais il ne l'a pas fait. N'oubliez pas que, fort curieusement eu égard à sa paranoïa et à son habileté politique, Staline s'est souvent efforcé de respecter à la lettre nombre d'accords internationaux.

Concernant la France, notez que les papiers incluent presque toujours le terme "the Others". Là est le polichinelle dans le tiroir et la clé de toutes les interprétations possibles, surtout dans la mesure où aucun acteur de la discussion ne laissera de Mémoires sur ce point précis : est-ce que Staline a compris que cela concernait tous les alliés occidentaux ? Est-ce que Churchill l'a pensé aussi ? Est-ce que Churchill mettait volontairement de côté la France ? Est-ce que Staline l'a compris ? Qui peut savoir ?

Que De Gaulle puisse se cabrer est finalement un bonus pour la suite.
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Mar Juil 02, 2019 18:00    Sujet du message: Répondre en citant

18 février
La campagne des Balkans
Les Grecs remotivés
Athènes (GQG de la place Syntagma)
– C’est aujourd’hui la grand-messe qui lance la préparation concrète du duo Plunder – Veritable. Montgomery la célèbre en présence de tous les officiers alliés à la fois d’importance et de confiance – ce qui exclut apparemment les Yougoslaves, mais inclut bien évidemment Grecs, Français, Polonais et les représentants du Commonwealth.
Parmi les participants, on peut observer que les généraux grecs Efstathios Liosis (chef d’état-major de l’armée) et Panagiotis Spiliotopoulos (second adjoint du général Montgomery) ne se sentent apparemment plus de joie. En effet, et malgré la perspective désormais quasi-certaine d’un retour au front de leurs soldats pour une opération de diversion risquée sur un terrain difficile, ils ont reçu il y a peu d’excellentes nouvelles du gouvernement. Il semble bien qu’en plus du rééquipement en cours des forces royales et de leur expansion prochaine, le Royaume lui-même doive prochainement s’agrandir ! A la réflexion, les Grecs parleraient plutôt de réunification. Mr Roosevelt n’a-t-il pas précisé naguère que les Alliés ne recherchaient aucun avantage territorial !
Mais une chose à la fois. Le colonel Canterbry, à peine rentré de Belgrade, est dans la salle pour confirmer le renforcement de l’armée royale hellène. Il annonce notamment la formation d’une nouvelle division d’infanterie, la 2e DI, ce qui permettra la montée en ligne du 1er CA grec. Formée d’éléments recrutés en Attique, cette division aura pour vocation d’absorber et d’organiser la foule de partisans désœuvrés de diverses obédiences – et en particulier d’un certain nombre de vétérans de 1941 ayant rejoint l’EKKA – tout en assurant la sécurité dans la région de la capitale. Evidemment, pour une telle tâche, le Royaume-Uni n’a pas été excessivement généreux : des fusils déclassés et une poignée d’armes lourdes de seconde voire de troisième main suffiront largement. Mais c’est un détail pour Athènes – d’ailleurs, il semble déjà acquis que cet équipement sera renforcé par l’armement encore caché dans les maquis, qui compterait un certain nombre d’armes lourdes de prise.
Comme l’indique Liosis, cette formation ad hoc, peut-être la première d’une série, sera confiée au général Evripídis Bakirtzís, récemment promu… après un brillant passage à l’état-major de la 1ère DI, qu’il avait rejoint à la suite d’une affaire compliquée qui s’était déroulée l’été dernier. Nul doute que ce vétéran de tous les conflits depuis 1912 saura remplir son rôle à merveille, à la grande satisfaction des Britanniques, qui préfèrent décidément que ce bavard reste loin de leurs unités…
Efstathios Liosis ne le précise pas, mais Evripídis Bakirtzís est sans doute également un excellent choix sur d’autres aspects que ceux strictement militaires. En effet, si l’homme a beaucoup contribué au relèvement de l’armée grecque après la révolution antiroyaliste de 1922… c’était après avoir lui-même largement participé à cette révolution, tout comme il a participé aux coups d’état (réussis ou non) de 1923 et de 1935. Toujours dans le camp des républicains (il a refusé une promotion flatteuse sous Metaxás), cet ancien responsable des services secrets, détaché – puis exilé – en Roumanie et en Bulgarie, est déjà un professionnel compétent éloigné des tentations autoritaires. Mais c’est aussi un écrivain de talent et un authentique patriote, qui est allé jusqu’à demander à s’engager comme simple soldat en 1941 ! Ecarté à l’époque par l’armée royale, il avait rejoint la Résistance après la défaite sur le continent, avant de participer à la fondation de l’EKKA puis d’assurer la liaison avec celle-ci et la Crète. C’est un profil très différent des officiers royalistes ou metaxistes qui monopolisaient jusque-là les postes à responsabilités dans la hiérarchie grecque… Et sa nomination va obliger le Palais à continuer de multiplier les signes de bonne volonté en direction de ces militaires compréhensifs envers la monarchie, pourvu que cette dernière sache s’amender puis se faire oublier.
Tout cela, le chef d’état-major de l’armée grecque le sait bien – mais il se garde évidemment de tout commentaire inutile devant des oreilles étrangères. Il choisit plutôt de laisser la parole à Spiliotopoulos, qui déclare un peu théâtralement : « Chers amis, en prévision de l’opération Veritable, au sein de laquelle l’armée grecque reconstituée tiendra toute sa place, c’est avec plaisir que je vous annonce la nomination du général Alexandros Othonaios comme adjoint auprès du général Audet, commandant la 2e Armée française. Cette nomination est logique, puisque nos 1er et 2e CA seront tous deux rattachés à cette armée. Je sais que cet homme de talent saura aider nos hommes et nos armes à démontrer toute leur valeur. »
Othonaios, qui était bien évidemment présent, se lève pour recevoir une ovation de bon aloi auquel tout le monde se joint, et notamment ses (désormais) collègues hexagonaux Audet et Béthouart. Le premier se doutait bien que les Grecs ne se contenteraient pas de jouer les seconds rôles dans son armée, alors qu’ils vont en composer plus de la moitié des effectifs. Quant au second, il n’y voit pas d’objection : Athènes est une alliée précieuse dans la partie qui se joue, et de surcroît bien plus raisonnable que Belgrade. Alors, même si c’est rendre service aux Britanniques, autant jouer le jeu… D’autant plus que, comme par hasard, Othonaios est lui aussi bien connu pour ses opinions républicaines – il a même été brièvement Premier ministre lors du coup d’état de 1933. Non, décidément, les Français ne regrettent absolument pas les Serbes !
Puis, alors qu’Othonaios se rassoit, Spiliotopoulos poursuit d’une façon inattendue : « Enfin, avant de commencer, je ne résiste pas au plaisir de demander à cette assemblée d’applaudir chaleureusement notre collègue et ami le général Sylvestre-Gérard Audet, qui a aujourd’hui soixante ans. Gloire à ce grand soldat ! »
Nouveau tonnerre d’applaudissements – Audet ne peut que sourire et remercier, même s’il aurait tout de même préféré qu’on ne lui rappelle pas son âge. Il est si proche de la retraite désormais… Montgomery conclut finalement, en masquant sous le vernis d’une courtoisie sans faille son discret agacement envers ces interminables mondanités : « De mon côté, je suis heureux d’informer ici même le général Audet que je viens de recevoir ce jour l’accord de Marseille pour son départ en permission. Revenez-nous en pleine forme, mon cher ami, de grandes choses nous attendent ! »
Cette fois, le Français ne peut que soupirer discrètement : un peu de soulagement, et un peu de dépit. Il est évident que l’influence des Grecs sur “sa” 2e Armée ne lui laissera bientôt plus qu’un rôle de représentation. L’influence française dans cette région risque-t-elle d’en souffrir ? Enfin, tout cela ne concerne pas le général. Il remercie donc à nouveau et promet de rapporter de France quelques bonnes bouteilles – mais il ne partira pas avant d’avoir transmis le maximum de données à Othonaios.
Ainsi sera fait – et pas seulement pour Sylvestre Audet. Les semaines qui suivront, de nombreux responsables alliés iront les uns après les autres prendre quelque repos, laissant la main à leur supérieur ou tout simplement à leurs aides de camp. Montgomery tient à avoir tout son monde en forme au printemps prochain…

Les Croates en première ligne
Yougoslavie occupée
– C’est au tour du 3e CA oustachi, commandé par Ivan Markuli, d’arriver sur le front des Balkans, entre Berane et Andrijevica – c’est-à-dire aux confins du Monténégro. Cette formation est composée d’unités d’une qualité un peu meilleure que celles du 4e CA de Mihajlo Lukić, à savoir la 5e Division d’Infanterie Bosanka du colonel Roman Domanic et la 2e Division de Montagne du général Antun Prohaska.
Encore à l’instruction lors de la cession de la Bosnie au NDH, ces divisions ont été mobilisées dans l’urgence, mais pas dans la précipitation. Sur le papier, leurs effectifs et leur armement sont presque au complet, ce qui peut être rassurant, vu de Zagreb. Toutefois, elles manquent encore sérieusement d’entrainement et d’encadrement pour être vraiment opérationnelles – les sous-officiers, en particulier, font souvent défaut. Quant à l’équipement, il se distingue par son âge vénérable et sa grande diversité. Pas vraiment l’idéal pour affronter les armées alliées…
Tout cela, le général Markuli en est parfaitement conscient – mais il n’a pas pu empêcher pour autant les moyens qui lui font défaut de partir vers les unités situées dans les régions plus au sud, jugées davantage exposées à une éventuelle action alliée. Faute de mieux, le 3e CA croate déploie donc sa division de montagne à Andrijevica et sa 5e DI à Berane, prête à voler au secours du 4e CA si nécessaire. Un rôle de couverture, pour une formation qui serait de toute façon bien incapable d’autre chose !
………
Zagreb – Ce n’est pas le problème du général Rendulic, qui officialise ce jour, sur l’ordre direct de son supérieur Maximilien von Weichs, le transfert des 369., 373. et 392. ID au NDH. Charge à ce dernier de faire de ces unités disjointes (la 392. DI vient à peine d’arriver de Dakovo !) une formation cohérente, « fer de lance de l’armée croate » (selon le Poglavnik), destinée à opérer en étroite interaction avec le commandement allemand, dont le 3. SS-GAK de Phelps, qui constituera son front arrière. Cela ne devrait pas poser de gros problèmes… Après tout, ces soldats sont désormais très bien connus de leurs camarades aryens et bénéficient de l’équipement comme de l’entraînement allemand !
C’est exact, bien sûr – tout comme il est vrai que cette généreuse cession risque de créer comme un vide dans la hiérarchie des 373. et 392. ID. En effet, les officiers allemands assurant le commandement de ces divisions s’en vont renforcer les unités de la 20. Armee. Et il n’est pas sûr que les Oustachis disposent de suffisamment de personnel compétent pour combler les vides… Les généraux choisis par Štancer, c’est-à-dire par Pavelic, feront toutefois évidemment de leur mieux !
Kroatische Legion Armee Korps (Corps d’Armée de la Légion Croate ou Vojni korpus hrvatske legije dans la langue de Pavelic) : Ivo Herenčić,
- 369. ID ou Vražja divizija (Division du Diable) [déjà sous commandement croate] : Marko Mesić.
- 373. ID ou Tigar divizija (Division du Tigre) : Nikolaus Boicetta.
- 392. ID ou Plava divizija (Division Bleue) [en fin d’entraînement] : Artur Gustovic.

Mais la bonne volonté ne saurait suffire à tout. Et à dire vrai, en faisant le point avec leurs remplaçants, une curieuse impression a envahi les Allemands : on a choisi leurs successeurs dans la précipitation et parce qu’on les avait sous la main, bien davantage que pour leurs compétences… Dans le lot, seul Mesić semble véritablement trouver grâce à leurs yeux – peut-être est-ce son efficacité certaine dans la lutte anti-partisan au Monténégro, peut-être est-ce l’expérience passée (et réussie) de la Légion croate, peut-être est-ce sa récente Croix de Fer de 1ère classe attribuée pour « courage exceptionnel » ! Les autres ne sont connus que comme de simples subalternes, ou bien n’ont tout simplement pas encore fait leurs preuves…
Tout cela n’est donc guère encourageant – et même si ce n’est plus vraiment le problème de la Heer, il faut tout de même s’assurer que le temps et l’argent du Reich n’ont pas été dépensés en vain. C’est pourquoi, après de longues hésitations, von Weichs a décidé d’affecter un “conseiller” auprès du général Herenčić. L’heureux élu est Johann Mickl, l’ancien commandant de la 392. ID Plava divizija. L’entraînement de cette dernière unité, composée pour une bonne part de Bosniaques, n’a pas pu être mené jusqu’à son terme par son chef – il est logique que ses plaintes agaçantes trouvent ici une forme d’aboutissement. De surcroit, Mickl est peu suspect de complaisance envers les Oustachis : ses « interventions et ingérences régulières » dans le commandement des unités croates n’ont pas fait beaucoup pour sa popularité. Il ne risque donc pas de prendre trop ses aises – et puis, comme chacun l’aura compris, on manque d’officiers compétents dans le nouveau KAK !

Manœuvres obscures
Zagreb (Etat indépendant de Croatie)
– Le cardinal Alojzije Stepinac tente à son tour une médiation via les services diplomatiques du Vatican, afin de tenter d’éviter « un bain de sang entre chrétiens, qui ne profiterait qu’à une cause anticléricale ». On a bien compris que, bien plus que le sang, c’est bien le risque de propagation du communisme qui inquiète Son Eminence – ce qui peut d’ailleurs expliquer certaines actions de ses subordonnés durant l’hiver dernier.
La Curie, et plus particulièrement le fameux Giovanni Montini, qui a déjà tant œuvré pour le retournement italien, montre assez peu d’enthousiasme pour cette démarche : est-il bien raisonnable de soutenir aussi ouvertement un régime qui a autant de morts sur la conscience ? Toutefois, on parle ici de chrétiens avant de criminels. Et il ne revient pas au Vicaire de Saint-Pierre de juger l’action des hommes –Dieu seul le peut.
Le Vatican engagera donc, les semaines suivantes, de discrètes ouvertures en direction des Alliés afin de tenter de favoriser le camp de la Paix et (éventuellement, plus tard…) de la Justice. Mais sans que sa voix obtienne beaucoup plus qu’une attention polie. Pour les Alliés occidentaux, contrairement à l’Italie de 1942, la Croatie n’a pas grand-chose à offrir !
………
Région de Zagreb – Ce n’est pas du tout l’avis de certains membres du NVOJ de Tito, au premier rang desquels on trouve bien sûr le Croate Ivo Krbek. Ce dernier met justement la dernière main au rapport adressé au Commissaire aux Affaires intérieures du Comité national de libération de la Yougoslavie, Vlada Zecevic. Ce document est issu d’une longue série d’entretiens avec différents membres du HSS dits “loyalistes” (dont August Košutić). Il précise notamment que :
« Malgré les hésitations et difficultés inévitables, car inhérentes à ce type de démarche, l’intérêt d’un retournement au moins partiel des forces du soi-disant “Etat indépendant de Croatie” ne doit pas être sous-estimé. Sans même évoquer d’éventuelles synergies avec les projets britanniques (projets qui, en l’état, ne sont d’ailleurs pas forcément compatibles avec les nôtres), il parait évident que le régime d’Ante Pavelic est beaucoup plus fragile que ce qu’il paraît. Une scission dans son appareil politique, qui serait inévitablement suivie par une fracture sur le plan militaire, pourrait provoquer un effondrement du régime de Zagreb et fournir ainsi au NVOJ l’occasion de réintégrer au sein de la nouvelle Yougoslavie le peuple croate. En effet, pour ce dernier, notre Comité apparaîtra de toute évidence comme un facteur de paix, bien plus à même de pardonner les fautes les moins graves puis de séparer le bon grain de l’ivraie, que les assassins tchetniks qui pourraient être envoyés par le prétendu Roi Pierre. Le gain au bénéfice du Comité, en territoire, en prestige et en puissance militaire, serait alors sans égal. En conséquence, je recommande mon maintien sur place, avec les moyens qui permettront peut-être d’exploiter cette faille, le moment venu. »
En fermant le pli avant de le confier au service de chiffrement, Krbek se doute bien que ce rapport risque de ne pas traîner longtemps sur le bureau de Vlada Zecevic. Il risque même de monter bien plus haut !

Renfort ou aumône ?
Szeged (Hongrie)
– La 7. Gebirgs-Division arrive enfin à la frontière hongroise d’avant-guerre, après un voyage depuis la Norvège long et éprouvant, entre transports chaotiques et alertes constantes au bombardement. Bien sûr, la pluie n’améliore pas l’humeur du général August Krakau… Pour une unité aussi neuve, il est de meilleures affectations.
Le XXI. GAK, dont la 7. GD fait désormais partie, n’est plus très loin. Les ordres de Hans-Gustav Felber sont déjà là : « se rendre de toute urgence à Valvejo afin de renforcer les positions du KG Braun dans les reliefs de Bosnie ». Encore une bonne semaine de transport !

Churchill en mission
Winston au Pays des Soviets
Aéroport de Vnoukovo (Moscou)
– Winston Churchill remonte dans Ascalon peu après déjeuner pour un dernier et long voyage de retour vers l’Angleterre. Son appareil va devoir faire tout le tour de la Méditerranée ! Fichus Suédois et leur soi-disant neutralité, fichus Norvégiens pas fichus de se défendre seuls en 1940 et surtout fichus Allemands qui ont mis l’Europe à feu et à sang !
Sir Winston en a donc pour 6 500 kilomètres, avec deux escales à Palerme et Gibraltar. Inutile de repasser par Athènes, cela pourrait donner des soupçons ! De son pas de sénateur, le Premier ministre monte dans son appareil après avoir fait ses adieux à une délégation soviétique restreinte dirigée cette fois encore par Molotov. A mi-chemin de la passerelle, il s’arrête et frissonne : est-ce le froid de l’hiver moscovite ? Ou bien le sentiment d’avoir raté quelque chose en étant trop fébrile hier au soir ? Impossible à dire… Oh my dear, it’s done now ! Et Churchill salue les Soviétiques avant de disparaitre dans la carlingue, avec une pointe de nostalgie pour le somptueux banquet qui lui a été offert.

Bonnes paroles
Kremlin
– A une trentaine de kilomètres de là, Joseph Staline fait le point, seul à sa fenêtre. Lui qui a toujours vu dans Tito et ses hommes les “idiots utiles” des Balkans, qu’il convenait de soutenir de temps à autres pour mieux les discipliner puis éventuellement les négocier, voit soudainement apparaitre la possibilité de mettre la main sur la Yougoslavie, et d’en faire une sorte de client de l’URSS (on ne parle pas encore de pays satellites…). Le gain stratégique serait inestimable ! La Yougoslavie, c’est un accès direct à la Méditerranée, donc à l’Afrique, tout en amenant la puissance de l’Union Soviétique au seuil de l’Italie, où les camarades du PCI seraient galvanisés !
Evidemment, pareil prix ne s’acquiert pas sans effort ni sans finesse. Churchill pense avoir gagné la partie – mais dans le fond, il n’a pas négocié autre chose que la neutralité de la puissante Patrie des Travailleurs dans le conflit en cours entre Tito et Pierre II. Non – on doit pouvoir faire quelque chose avec les “idiots” des Balkans. En les soutenant fraternellement, non pas selon le modèle de la Révolution mondiale, mais bien sur le principe de la lutte contre les Fascistes (auxquels on pourrait presque assimiler le gouvernement de Belgrade !). Oui, en jouant avec intelligence, Staline peut espérer mettre le “camarade Walter” au pinacle pour atteindre ses objectifs… quitte à s’en débarrasser ensuite, si nécessaire. Exactement ce que prévoit sans doute de son côté le camarade Churchill ! Quelle ironie ! Cette pensée amuse le Premier Secrétaire, qui part d’un grand rire dont l’éclat inquiète un instant les gardes postés devant son bureau.

Les Balkans compliqués
Mouvements d’humeur alliés
Palais Blanc (Belgrade)
– Faisant suite aux relances de moins en moins subtiles de la part de la Grande-Bretagne et (c’est nouveau) de la République Française, le cabinet du Roi contacte Ivan Šubašić par l’intermédiaire du Premier ministre adjoint, Momčilo Ninčić. Šubašić doit s’enquérir au plus vite des exigences concrètes du NVOJ pour rejoindre un gouvernement d’Union Nationale !
L’intéressé ne peut s’empêcher d’être surpris – il sait fort bien que, depuis trois semaines, son travail n’a guère été soutenu que par les puissances alliées. En fin politique, il sent que quelque chose cloche – mais il ne parvient pas, pour l’instant, à l’identifier. Et Šubašić de relancer immédiatement le NVOJ, dont le tout nouveau commissaire aux Affaires étrangères, Josip Smodlaka, aura bien un avis sur la question.
Evidemment, l’idéal (qui serait très étonnant, il faut le dire) serait que les conditions du NVOJ soient acceptables pour le gouvernement royal. Impossible de le garantir – la réconciliation nationale est encore bien loin.

L’Esprit de la Guerre (Dennis Kolte)
L’appel du sang
Près d’Ilinci (Serbie)
« Deux jours avaient passé depuis les désagréables événements de Šid. Notre groupe traînait à présent sa mauvaise humeur une quinzaine de kilomètres plus au nord, sans rencontrer grand monde, quand la Dame me sourit de nouveau, ainsi qu’à mon escouade.
C’est à coup sûr grâce à Elle que nous sommes tombés sur un petit groupe de Croates en uniforme noir – les mêmes que lors de cette infâme nuit au fond des bois. Mais cette fois, il s’agissait de déserteurs. Aussi agressifs que leurs congénères loyaux, ils n’attendirent même pas nos éventuelles injonctions de rejoindre le gros de leurs troupes : dès qu’ils découvrirent notre présence, une fusillade confuse éclata !
Je crois bien que ces imbéciles n’ont même pas eu le temps de comprendre à qui ils avaient à faire. Sur cette petite dizaine d’individus, Wilfried et notre duo de mitrailleurs en couche la moitié durant la première minute d’engagement. Le chef de la troupe hurle des choses en croate – je n’écoute pas et l’aligne aussitôt d’une balle en plein front. Pas de pitié pour les assassins, pas de pitié pour les lâches ! Finalement, il n’en reste plus que deux, qui s’enfuient chacun de son côté parmi les pins.
Je choisis celui de droite pour lui offrir une fin rapide d’une balle dans le dos, quand une voix familière me murmure à l’oreille « Non ! Chasse-le, Dennis ! » Pris d’une excitation que je ne me connaissais pas, je sors mon poignard argenté et me lance à sa poursuite.
Je ne saurais dire combien de temps nous avons couru dans les bois, en soulevant de grosses mottes de neiges humides à chaque fois que nous levions les genoux. Mon sang bat sur mes tempes, ma respiration se fait saccadée et je ne sens que la chaleur de mon corps, de mes expirations, alors que la forme noire se rapproche toujours un peu plus, si visible sur le gris-blanc du sol…
Le croate fait mine de tourner vers un ravin – un coup de feu soulève la neige devant lui. J’entends Olaf qui rit : « On va le rabattre comme un lapin en Bavière ! » La course reprend, ma proie panique. Je sens sa peur d’ici, alors qu’une chaleur rouge me monte à la gorge. Finalement, il trébuche sur une racine et s’étale de tout son long – c’est la mise à mort. Dans ma course, je m’élance et saute la lame en avant. Lui a roulé sur le sol et s’est retourné vers moi. Et alors que son regard terrifié croise le mien et que son visage déformé grandit dans mes yeux, il me semble voir la neige devenir rouge avant que je perde le souvenir de mes actes. »
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loic
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MessagePosté le: Mar Juil 02, 2019 18:11    Sujet du message: Répondre en citant

OK pour le texte modifié. Concernant la Grèce, l'influence française n'est pas négligeable (il y a du matériel militaire vendu).
La France a aussi un rôle fondamental dans l'établissement de l'Etat grec au 19e siècle (indépendance par rapport à l'Empire Ottoman et se positionnant comme garant), plus l'histoire commune pendant la 1ère GM.
_________________
On ne trébuche pas deux fois sur la même pierre (proverbe oriental)
En principe (moi) ...
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lbouveron44



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MessagePosté le: Mar Juil 02, 2019 19:27    Sujet du message: Répondre en citant

loic a écrit:
OK pour le texte modifié. Concernant la Grèce, l'influence française n'est pas négligeable (il y a du matériel militaire vendu).
La France a aussi un rôle fondamental dans l'établissement de l'Etat grec au 19e siècle (indépendance par rapport à l'Empire Ottoman et se positionnant comme garant), plus l'histoire commune pendant la 1ère GM.


Voilà voilà d'où mes remarques dans l'autre fil 😉
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Jeu Juil 04, 2019 11:06    Sujet du message: Répondre en citant

N'oubliez pas que cet accord est un bout de papier et que Churchill peut se montrer franc - il n'a pas la moindre envie de préserver l'influence française (ou de qui que ce soit d'autre que le Royaume-Uni, en fait) en Grèce !

La suite !



19 février
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Les Croates en première ligne
Yougoslavie occupée
– Les 1er et 2e CA croates (Ivan Brozovic et Franjo Pacak) arrivent finalement à leur tour (et eux aussi sous la pluie) sur les lignes allemandes, pour deux missions distinctes. En effet, selon les termes convenus avec le HG E, le 1er CA doit assurer la jonction entre le KAK et le 3e CA croate dans la région d’Andrijevica et de Plav (au nord du Monténégro), tandis que le 2e CA doit prendre le relais de deux divisions du XV. GAK dans le sud de la Serbie. Les deux unités en question, la 114. Jäger à Užice et la 277.ID à Prijepolje, sont séparées de 55 kilomètres, pas moins ! Cela fait beaucoup, surtout dans le climat d’insécurité permanente propre à la Yougoslavie.
Cependant, à Zagreb, on a jugé que cette région était peu susceptible d’être la cible d’une action ennemie, et que le 2e CA était suffisamment rodé pour tenir seul ce secteur du front. De fait, la 1ère DI Savska (général Mirko Zgaga) et la 2e DI Vrbaska (colonel Mirko Greguric) sont des troupes réputées fiables et leurs effectifs comme leurs matériels sont au complet – mais leurs officiers n’ont pour toute expérience que celle de la lutte anti-partisans dans la région de Sarajevo…
Ce n’est pas le cas du 1er CA, qui aligne les deux meilleures unités de l’armée croate hors KAK : la 1ère Division de Montagne (Matija Čanić) et la 3e DI Osijek (Emil Radl), constituées de vétérans de l’armée royale et formée avec la bénédiction des Allemands. Peut-être ces formations auraient-elles été plus à leur place dans les monts de Serbie, au lieu d’assurer une mission de couverture face au Kosovo… Las, le Poglavnik a été intraitable : le Monténégro et la côte adriatique sont prioritaires ! Les anciens de la Garde nationale oustachie que sont Brozovic et Čanić en sont donc quittes pour attendre la bataille finale retranchés dans les montagnes…

Migrations contraintes et ajustements
Split
– Pendant que certains s’installent, d’autres s’en vont. La 264. ID (Albin Nake) quitte en effet le grand port, avec un empressement tel qu’on pourrait croire à une évacuation. En effet, la 20. Armee cède officiellement (et immédiatement) le contrôle de Split à l’Oberbefehlshaber du littoral adriatique nord-est et à son unique 713. ID, qui devrait envoyer sous peu un bataillon pour tenter de garder un œil sur cette ville si agitée… Il est toutefois peu probable que les Landsers sortent beaucoup de la base navale.
Évidemment, ce « redéploiement » ne fait pas plaisir à beaucoup de monde, à commencer bien sûr par ce qui reste de la Kriegsmarine à Split. Mais von Weichs a été intraitable : pas question de laisser une de ses précieuses divisions esseulée entre les Croates et les Partisans. A d’autres de gérer les alliés oustachis et cette côte si agitée – cela ne concerne plus la 20. Armee.

Manœuvres obscures et doutes croates
Palais du gouvernement (Zagreb)
– La récente visite de Slavko Kvaternik n'a pas été tout à fait sans conséquence au sein de l’appareil d’état oustachi. Informé par son maître Pavelic des ridicules soupçons du Vitez Kvaternik, le vice-ministre de la Guerre, Vilko Begić, prend sur lui de convoquer « cordialement » le Krilnik Ante Vokić pour une fraternelle réunion de travail. Il s’agit de réfléchir aux moyens nécessaires pour conforter la foi de l’Ustaše en la Victoire finale – victoire chaque jour plus certaine pour chacun, bien sûr.
On parlera donc bien sûr moral, solde, distractions (elles sont nombreuses en Yougoslavie, à défaut d’être toujours morales !) puis… tentation défaitiste. « A ce sujet, mon cher Krilnik, vous n’avez pas d’informations ? » lâche Begić. La question est posée innocemment, et Vokić garde le sourire en répondant par la négative. Pas sûr que cela suffise toutefois – les autres membres de la conjuration seront très vite avertis de ces soupçons qui se précisent.

Machinations et doutes serbes
QG de l’Armée royale (Belgrade)
– Les miliciens tchetniks issus des différents mouvements poursuivent leur concentration et leurs enrôlements au service du roi, sous la bannière des Corps Francs Yougoslaves. Aujourd’hui, c’est la Brigade d’Assaut de feu Mihailovic qui vient prêter serment – un peu tard il est vrai, mais ses officiers ont été très occupés ces derniers temps à rassembler leurs troupes dispersées par la répression allemande… et à effacer leurs crimes les plus visibles.
Les membres de cette unité ont toutefois peu à craindre : comme à l’accoutumée, le recrutement n’est pas spécialement regardant. On manque de bras… D’ailleurs, les insurgés de Belgrade ont tous été incorporés : le monde semble avoir oublié que s’ils étaient dans la capitale lors du soulèvement, c’était pour la plupart à l’invitation des Allemands !
Un point toutefois interroge : le cas particulier de Jevrem Simic, chef du 2e Corps d’Assaut. Sa fiabilité paraît chaque jour un peu plus sujette à caution… L’homme n’a plus pour le protéger que le souvenir de Draza Mihailovic – et on murmure que ce dernier est mort par sa faute ! La prochaine affectation du colonel, vers Belanovica, dans l’ouest de la Serbie, face au Corps des Volontaires Serbes pro-allemands, devrait donc être suivie de très près.

Churchill en mission
Retour aux affaires courantes
Aérodrome de Croydon
Ascalon est enfin de retour en terre anglaise, après un long périple. Winston Churchill ne traîne pas à sa descente d'avion : direction le 10 Downing Street pour un bref repos bien mérité avant de vite passer à de nouveaux travaux urgents – fichu avion mal chauffé, l’auguste Premier Britannique est gelé ! Enfin, avec un peu de chance, Nelson, le souricier en chef du ministère, s’installera sur ses genoux pour le réchauffer durant sa prochaine nuit de travail.
Une nuit de travail fort nécessaire. Car plus il y réfléchit, plus Churchill s'inquiète de la fragilité de l’accord (faute d’autre mot) qu’il a conclu avec Staline. Le maître du Kremlin a la parole facile – mais peut-on vraiment s’y fier ? Qui sait si, dans quelque temps, il ne voudra pas rebattre les cartes en Europe centrale, si la situation évoluait en sa faveur ? Churchill veut donc profiter au plus vite de l’occasion. Et puis, il ne faudrait pas qu’avec la prochaine offensive en France, on néglige les Balkans. Le Premier prévoit donc de s’adresser sous peu à la Chambre des Communes afin d’entretenir la flamme. Et pour ça, il lui faudra un de ces discours dont il a le secret…

Les Balkans compliqués
Staline dit la Loi
Moscou
– La Pravda publie ce matin un article d’une teneur inhabituelle, largement repris par tous les organes de presse soviétiques, dont notamment les Izvestia – journal qui sert comme chacun sait à la communication internationale du régime. Ce long texte procède à une analyse didactique des éléments fondateurs du marxisme dans un but « pédagogique », mais en les replaçant dans le contexte de la guerre contre le fascisme, ce qui est bien sûr fort utile pour éclairer les consciences. Plus intéressant encore, dans la période troublée que le monde traverse, il semble apporter une réponse claire au doute existentiel qui pourrait saisir le bon communiste devant les relations d’amitié qu’entretiennent désormais la Patrie des Travailleurs avec les capitalistes réactionnaires que le sens de l’Histoire voue à la disparition. En effet, l’auteur conclut :
« A la lueur des éléments présentés ci-dessus, il apparait clairement que la Révolution ne peut venir que de la Lutte des Classes, et pas de l’agitation politicienne. Elle est issue du Peuple, combat pour Lui et se développe dans son cadre national. En conséquence, toute action dans un pays non égalitaire qui pourrait faire croire que le révolutionnaire fait passer l’intérêt du Prolétariat après celui d’un pays que ce Prolétariat peut considérer comme étranger, voire après celui d’une clique politicienne, ne met pas seulement en danger la Révolution dans ce pays – elle décrédibilise le marxisme-léninisme lui-même ! Penser puis agir pour le Peuple et avec lui doit rester l’alpha et l’oméga de tout membre de l’Internationale : il n’a d’autre choix que de renoncer à ses ambitions individuelles pour gagner les cœurs et servir le Peuple.
Le camarade demandera alors “Comment servir ?” La réponse est simple : en prenant pour guide la pensée du Maréchal Staline, qui a su développer le communisme dans l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques et atteindre la perfection de la société sans classes, fournissant au monde un exemple à suivre et un modèle à célébrer. Le Vojd a tracé le chemin qu’il revient à tous d’emprunter.
Et sur cette voie, il est clair que la bête fasciste est la première menace à éliminer. Car les nazis et leurs valets ne sont pas de simples réactionnaires avides, qu’il conviendrait de neutraliser comme tant d’autres. Leur projet va bien au-delà de l’exploitation des masses laborieuses ! Il vise la disparition complète du Prolétariat et l’avènement de la société la plus inégalitaire qui soit – celle d’une hiérarchie basée sur le sang, que toute la doctrine de Marx et de Lénine nous enseigne à tenir pour imaginaire. Face à cette menace sans précédent pour l’Humanité, tous doivent faire bloc et remettre à plus tard les querelles stériles. Ceux qui préfèrent leur petit pouvoir immédiat à la Victoire ne font pas que retarder cette dernière – ils prêtent leurs concours aux fascistes avant de le vendre aux capitalistes ! »

Le texte est signé Ivanov – pseudonyme d’autant plus transparent qu’il est depuis de longues années l’un de ceux employés par Staline. L’article sera donc d’autant plus étudié à Athènes (et dans toute la Grèce)…

Folle du logis croate
Zagreb
– Le ministre des Affaires étrangères croate Mile Budak a-t-il lu la Pravda ? Sans doute pas. Par contre, les services secrets allemands et quelques indiscrétions venues de Belgrade l’ont bien informé des tensions de plus en plus vives entre Pierre II et les Alliés, voire entre ces derniers et les Soviétiques. Ravi de ces bruits qui vont dans le sens qu’il espère, Budak se réjouit ouvertement auprès de Pavelic des conséquences de ces divisions, dont il s’exagère à plaisir la profondeur.
« Bientôt, les Anglais se lasseront du petit roi de Serbie et devront bien admettre que nous sommes le meilleur rempart face à l’AVNOJ et aux communistes. Moi qui ai déjà subi dans ma chair les conséquences de la lâcheté vicieuse des Serbes , je saurai alors convaincre Londres de la justesse de notre cause et de la valeur de nos efforts. Évidemment, il est plus que probable que nous devions consentir à des concessions – il faudra faire tomber quelques têtes, fermer quelques camps… Mais cela n’a guère d’importance : la plupart des Serbes ont désormais quitté notre territoire. Kvaternik, par exemple, pourrait être une offrande idéale. »
Le Poglavnik ne partage pas toutes ces illusions – mais l’idée lui plait. Il craint toutefois que, s’il faut un jour faire tomber des têtes, celle de Slavko Kvaternik ne suffise pas…

L’Esprit de la Guerre (Dennis Kolte)
Bascule
Berkasovo (Serbie)
« Misérable et seul : c’était précisément ainsi que je me sentais devant mon pauvre feu, alors que nous nous préparions à retourner à la division pour notre rapport hebdomadaire. A quoi bon le nier ? J’étais en train de perdre la tête dans ce maudit pays. Ma petite troupe se rapprochait toujours plus dangereusement de la bande armée, et ma propre personne de l’animal sauvage.
Après ce que j'avais fait subir à ce Croate, le groupe s'était divisé en deux. Les jeunes, Olaf et Oskar, voyaient dans mon geste une juste colère teintée de vengeance – ils me gardaient leur respect, peut-être même en avais-je gagné. Par contre, les anciens, Kurt et Wilfried, me regardaient de l’œil méfiant du renard qui cherche à se débarrasser d’un chien devenu fou. Je ne leur en voulais pas – à vrai dire, je penchais même nettement de leur côté. Que faire d’un caporal-chef qui massacre des fuyards et qui entend des voix ? Ce soir encore, alors que la nuit tombait, j’avais failli tirer sur Wilfried : dans l’obscurité, j’avais cru voir une sorte de revenant décharné.
J’en étais donc là de mes réflexions, observant quelques rongeurs se risquer non loin de notre foyer pour tenter de chaparder ça et là quelques miettes dans une espèce de farandole grotesque, quand une silhouette bien connue m'apparut, à la limite de la zone éclairée par les flammes et de l’ombre de la nuit.
– Je ne te connaissais pas si mélancolique, Dennis.
– Comment ? Euh, pourquoi êtes-vous ici ?
– C’est toi qui m’a appelée, sans même t’en rendre compte.
– Peut-être. Je crois bien que toute ma vie part en morceaux. Je n’y arrive plus… Je ne suis pas assez fort pour ce que vous me demandez.
– Oh !

Elle eut un soupir de lassitude ou de surprise avant de s’avancer vers le feu et de tendre sa main droite au-dessus des flammes, qui s’élancèrent vers elle sans paraître la brûler. « Alors tout est de ma faute. »
C'était inattendu. Je bafouillai : « Je n’ai pas dit ça. »
– Si, si. Tout est de ma faute. Tu le penses et tu n’oses pas me le dire. C'est toujours comme cela depuis… trois mille cinq cents de vos années. Un troupeau s’est perdu dans le désert et a été dévoré par le sable brûlant ? Ma faute. Un empereur qui s’est pris pour notre égal meurt sans désigner d’héritier, lançant le monde dans une guerre sans fin ? Ma faute. Une bande de lionnes dévore un enfant nubien au fond de la savane, déclenchant une immense battue ? Ma faute encore. Un inconnu abat un archiduc insignifiant et déclenche le plus grand massacre jamais connu avant celui qui t’occupe ? Encore et toujours ma faute.

Un long silence suivit – elle paraissait profiter de la chaleur des braises, entourant les flammes de ses mains comme une espèce d'enchanteresse.
– C’est pour cela que j’existe, conclut-elle.
J’osais la contredire en partie : « Sans vouloir vous offenser, les hommes y sont aussi pour quelque chose. C’est leur responsabilité, ce sont leurs choix. »
– Tu as raison. Alors, disons que je suis un peu la personnification de leur Folie. Une part de leur nature qu’ils ne veulent pas voir, et préfèrent rejeter sur autrui. Mais tu parles de choix - je t’ai choisi. Es-tu en train de me dire que je me suis trompée ?
– Je ne saurais dire…
– Tant mieux. Parce que ce n’est pas à toi d’en décider. D’ailleurs, je ne t’ai pas vraiment choisi – je t’ai déplacé, comme un pion.

Elle se retourna soudain vers moi, avec une détermination coléreuse.
– Je t’ai déplacé parce que tu avais déjà presque tout ce qu’il fallait pour devenir un pion important. Je t’ai offert la seule chose qui te manquait – mais tu es trop sot pour t’en rendre compte.
– Je ne comprends pas.
– Evidemment, tu ne comprends pas !

Elle éclata de son rire rugissant de lionne : « Je t’ai donné ce qu’ont nombre des tiens, mais qui leur tient souvent lieu d’intelligence. » Un sourire carnassier suivit. « La foi en toi-même, la certitude de ta force. »
Elle voulait donc que j’aie foi en elle, puis en moi. Que j’aie en elle une confiance plus aveugle et plus brûlante que la foi en Hitler du plus fou des fanatiques de la Schutzstaffel. Elle le voulait, et même elle me l’ordonnait !
– Dois-je te gifler de nouveau, ou cela te suffira-t-il ?
– Je préférerais éviter.
– Tant mieux. Car j’ai mieux à faire que consoler tes plaintes. Et j’ai de grands projets pour toi. Alors rallie tes hommes et fais ton devoir. Ton devoir envers moi et à mon service.

Le soleil se levait. L’ombre disparut dans les lueurs pâles du matin. Sorti de je ne sais où au tréfonds de mon esprit, un verset me vint aux lèvres : « Tu te reposeras de la Vie, comme le Soleil se couche à l’Ouest. Mais tu t’élèveras de nouveau à l’Est, quand les premiers rayons d’Amon-Râ disperseront les ténèbres. » L’astre céleste me parut alors un beau visage bienveillant accompagnant une voûte étoilée féminine vers son repos.
Les choses étaient désormais claires. A moi de remettre mes affaires d’équerre. En redescendant de ma colline pour une tournée d’inspection (qui me permettrait notamment de jeter toutes les bouteilles d'alcool entassées dans Doris), je soupirai doucement. J’avais rencontré bien des femmes étranges dans ma vie, mais cette créature définissait le terme même d’étrange.
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Ven Juil 05, 2019 12:35    Sujet du message: Répondre en citant

20 février
La campagne des Balkans
Répit
Yougoslavie
– Alors qu’il continue encore de pleuvoir sur montagnes, bois et tranchées, le front des Balkans paraît bien assoupi. A l’aile sud de l’Axe, les Oustachis occupent leurs créneaux dans les lignes sans apercevoir le moindre soldat allié.
Ceux-ci sont le plus souvent à dix ou vingt kilomètres à l’est, tout étonnés du calme qui règne… sur leurs arrières. Voilà maintenant plusieurs jours qu’on ne signale plus le moindre incident impliquant des milices yougoslaves, kosovares ou albanaises d’obédiences quelconques. Pour des raisons qui leur sont propres, toutes semblent faire le dos rond. Satisfait de cet état de fait, le commandement de la 2e Armée française ordonne au général Dimitrios Papadopoulos (2e CA grec) d’être un peu moins compréhensif qu’auparavant avec les maquisards ballistes tenant la région de Prizren, sans aller toutefois jusqu’à créer un incident. En effet, il ne faudrait pas que ces groupes prennent trop leurs aises et considèrent que la partie du Kosovo qu’ils occupent leur est acquise pour l’éternité.

Accomplissement
Drobeta-Turnu Severin (frontière roumano-yougoslave)
– Les Royal Engineers n’ont trouvé ni sabre, ni champagne. Mais cela ne les empêche pas d’inaugurer avec satisfaction leur ouvrage sur le Danube : l’Iron Gates Bridge est enfin achevé et à même de faire passer des convois routiers.
Evidemment, c’est l’hiver et le beau fleuve bleu est gelé – les techniciens craignent déjà la débâcle du printemps. Il est peu probable que la structure y survive. Tant d’efforts pour un équipement provisoire, qui ne servira que jusqu’à la réparation et l’extension du réseau yougoslave ! Enfin – il restera la satisfaction du travail bien fait. Les sourires sur les quelques photos prises (exposées depuis au musée de Gillingham) ne sont à l’évidence pas forcés. Seul Sir Godfrey Dean Rhodes, à droite sur le cliché, paraît un peu préoccupé. Ses chefs auraient-ils oublié quelque chose ?

Préparatifs aériens
GQG de la place Syntagma (Athènes)
– L’Air-Marshal Tedder, en compagnie de son adjoint français, le général Weiss, fait le point sur le rééquipement de ses forces aériennes et sur la mise à disposition des nouvelles unités qu’il a demandées. Les nouvelles sont bonnes – meilleures même qu’attendu. En effet, Le Caire vient de confirmer qu’en plus des squadrons de bombardiers basés en Italie, sa Balkans Air Force pourra recourir aux services des B-24 sud-africains des Sqn 31 et 34 (basés à Corfou) pour des opérations de patrouille maritime et de parachutage. Autant de tâches qui n’incomberont plus seulement aux Halifax basés en Crète…
Cette nouvelle compense un peu la petite déception que l’Air-Marshal vient d’encaisser de Moscou via Londres : pour les Soviétiques, il n’est pas envisageable de déployer leur “Aviation à Longue Portée” vers les Balkans, car elle est requise… ailleurs (comme toujours, les Rouges sont d’une transparence admirable). Toutefois, en guise de lot de consolation, le maréchal Novikov a tenu à signaler que les divisions de bombardiers tactiques des 5e et 17e Armées aériennes, qui dépendent respectivement des 2e et 4e Fronts d’Ukraine, seront à même de « contribuer à l’effort commun face aux fascistes et à leurs alliés ». Ce qui représenterait apparemment près de 400 appareils de divers types, en majorité des Petlyakov Pe-2 – une machine dont les performances restent bien mal connues à l’Ouest.
Il faudrait donc tâcher de clarifier tout cela avant de lancer effectivement les ordres afférents à la prochaine offensive aérienne, baptisée Perun (le dieu du Ciel et des Eclairs du panthéon slave). Et par bonheur, dans sa grande bonté, Novikov a justement promis à Tedder de lui envoyer très vite deux officiers de liaison pour démêler l’écheveau et préparer la suite. Une démarche diplomatique qui ne trompe toutefois personne à Athènes : la participation des VVS sera, au mieux, ponctuelle.
– Je ne crois pas que les Soviets nous aideront beaucoup, mon cher Weiss, maugrée avec déception le Britannique. Dommage… Enfin, commençons sans eux, ils n’auront qu’à nous rejoindre en route !
Le Français ne peut qu’abonder : « C’est aussi mon avis. Heureusement, nos moyens sont déjà très suffisants pour l’opposition que nous risquons de rencontrer. Nos pilotes de chasse s’ennuient à tourner seuls dans le ciel vide ! A ce propos, notre premier coup de sonde sur Zagreb est bien maintenu ? »
– Oui, une attaque de nuit sans réel lien avec “Perun”. Ordre direct de Monty. Le pauvre n’en peut plus d’entendre les reproches et jérémiades des Serbes sur notre supposée passivité face aux Oustachis. Et puis, cela nous occupera un peu, sans nous faire courir de grands risques –on ne risque plus guère de croiser un chasseur boche en Croatie ! Nous n’avons même plus de grand as dans nos rangs – même ce transfuge bulgare a préféré aller s’engager dans votre Légion Etrangère pour aller se battre en France !
A ces mots, le Français sourit, heureux d’annoncer une bonne nouvelle : « Ce n’est plus vrai, Air Marshall. J’ai appris ce matin de Marseille l’arrivée prochaine du commandant Pierre Le Gloan, qui vient prendre la tête de notre GC I/39. Le “Bouclier de la Méditerranée » chez nous. Qui a dit que la République nous oubliait ? »


Aviation de seconde ligne
Palais du gouvernement (Zagreb)
– Pendant que les responsables alliés dénombrent leurs considérables moyens aériens, le général Vladimir Kren, de l’aviation oustachie (ZNDH), fait de même – mais c’est plus bref.
La chasse, d’abord. Les 22 Bf 109E commandés en 1941 viennent enfin d’être livrés ! Avec presque trois ans de retard, certes, ce qui les rend irrémédiablement dépassés… mais c’est tout de même un progrès par rapport aux antiquités qui tenaient jusqu’à présent lieu de montures aux pilotes. Signe de leurs valeurs, les précieux chasseurs ont été déployés sur les trois terrains autour de la capitale : Črnomerec, Lučko et Borongaj (l’aérodrome qui sert au – rare – trafic civil desservant encore Zagreb). Evidemment, les trois escadrilles sont loin d’être opérationnelles : la transformation des pilotes vient à peine de débuter, grâce à une douzaine de Bücker 131 d’entraînement volant sans contraintes en dépit des restrictions d’essence. C’est un effort onéreux, mais nécessaire, pour la ZNDH : il semble que les instructeurs envoyés par Berlin soient navrés de constater le niveau général de leurs élèves (qui n’ont jamais piloté que des biplans à train fixe), au moins autant que de la tournure du conflit.
Le général Kren ne se fait donc guère d’illusions sur les chances de ses hommes en cas d’affrontement sérieux – pourtant, il se veut optimiste. Après tout, les Balkans doivent être aussi secondaires pour les Alliés que pour les Allemands. On ne risque pas d’y voir beaucoup d’action avant longtemps. Et comme les Titistes n’ont pas d’aviation, la Zrakoplovstvo Nezavisne Države Hrvatske pourrait bien conserver la maîtrise d’une partie du ciel croate, faute d’adversaires !
Le général oustachi passe aux bombardiers. Il recevra sous peu “ses” 30 Do 17E (qui devraient être immédiatement opérationnels, les équipages connaissant l’appareil) et “ses” 12 Fi 167, auxquels il lui reste encore à trouver une utilité. Quant aux appareils italiens, livrés au compte-goutte par le Reich au fur et à mesure des possibilités (les mauvaises langues disent de leur remise en état), ils serviront à l’entraînement et à la liaison (pour les 12 Cant Z.1007 et les 8 Fiat BR.20) et à l’appui au sol (en l’absence d’opposition aérienne ennemie !) pour les 25 Fiat G.50 et les 6 Fiat CR.42. Avec de tels moyens, nul doute que la ZNDH pourra bientôt contribuer vaillamment à la défense de la Croatie, et obtenir enfin des appareils dignes d’elle. « Il faut bien commencer… » conclut le responsable oustachi.

Timeo Danaos…
Irrédentisme
Palais royal (Athènes)
– Sous l’égide du gouverneur de Chypre, Charles Campbell Woolley, le gouvernement royal grec ouvre dans la discrétion, mais aussi dans la bonne humeur, des discussions préparatoires avec les représentants de la communauté grecque de l’île d’Aphrodite. Celle-ci est la seule conviée, à la fois pour d’évidentes raisons de discrétion et parce qu’elle est très largement majoritaire : Chypre compte environ 350 000 Grecs pour seulement 75 000 Turcs (il convient d’ajouter 3 000 Arméniens, 1 750 maronites et 1 500 membres d’ethnies diverses). Symbole de cette très forte supériorité numérique, la délégation chypriote est conduite par Monseigneur Makarios, tout nouvel évêque de Chypre et pan-helléniste méprisant notoirement les Ottomans. Pour lui, la capitale grecques serait bien plus à sa place à Constantinople qu’à Athènes ! Il est notamment accompagné de Georgios Grivas, un ancien officier de l’armée royale grecque connu pour ses opinions… tranchées (voire tranchantes) vis-à-vis des Turcs comme des communistes.
Ces personnalités peuvent paraitre radicales – et elles le sont assurément. Elles n’en sont pas moins représentatives de l’opinion générale de leur communauté sur une île britannique depuis 1878, mais qui tente depuis bientôt trente ans de rejoindre la mère patrie ! Les Britanniques se doutent donc que l’affaire risque bien de se régler rapidement, peut-être même un peu trop rapidement. Mais ce n’est pas la préoccupation de Londres, dont le seul souhait affiché est de conserver la pleine souveraineté sur les bases d’Akrotiri et Dhekelia, très utiles à la Navy comme à la RAF.
Il n’en reste pas moins que, pour le gouverneur et son équipe, tout doit être organisé dans les règles, afin d’avoir l’allure d’un mouvement populaire et spontané – il ne faudrait pas qu’on accuse l’Empire de vendre le mandat qui lui a été confié. Dans ce but, Mgr Makarios propose que sa puissante Eglise prépare un grand événement pour le 10 mars (le jour du “Lundi Pur” ou Kathari Deftera). Ce dernier serait le point de départ d’une intense campagne mise sur pied par Grivas et culminant le 25 mars – le jour de la fête de l’indépendance, commémorant le soulèvement contre les Turcs de 1821 !
L’affaire a manifestement été bien préparée. Les Britanniques ne peuvent qu’acquiescer. Mais, un peu inquiets pour la suite, ils ne manqueront pas de suivre les événements de très près – ils le font bien savoir au ministre de l’Intérieur Philip Manouilidis et au Premier ministre Papandréou. A eux de modérer leurs futurs compatriotes, puisqu’ils prétendent les gouverner !
……….
Dans une autre salle du palais, le général Liosis met la dernière main au déploiement des forces d’interposition grecques en Epire du Nord. Celles-ci, issues pour l’essentiel de la gendarmerie royale reconstituée, représentent pour le Royaume un effort substantiel. En effet, elles comptent presque 3 000 hommes équipés d’armes venant des maquis ou saisies sur des unités allemandes capturées en Macédoine. Cette force va bientôt quitter le territoire grec officiel pour cette région irrédentiste. Une légère prise de risque vis-à-vis des communistes, peut-être, mais la réunification des Hellènes n’a pas de prix.
Le déploiement devrait démarrer d’ici une semaine, en commençant par les localités principales : Korçë, Girokastër et Sarandë sur la côte. La situation a beau paraître se détendre en Albanie, il n’est pas question de traîner pour autant !
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MessagePosté le: Ven Juil 05, 2019 12:37    Sujet du message: Répondre en citant

Les Balkans compliqués
Tout le monde aime Tito !
Yougoslavie
– Il pleut encore aux confins de la Serbie et du Monténégro. Mais cela ne gêne pas Jozip Broz Tito qui, bien à l’abri dans sa grotte confortablement aménagée, se laisse aller à quelques confidences devant sa cour : Milovan Đilas, Aleksandar Ranković, Edvard Kardelj et bien sûr Zdenka, sa “secrétaire”. La chose est rare – le “Vieux” est réputé très secret. Ne dit-on pas qu’il va jusqu’à cacher dans ses bottes les dépêches en provenance de Moscou ? Ses paroles n’en ont donc que plus d’importance, surtout peu après son retour de sa mystérieuse escapade en Grèce. Que s’est-il dit au bord de la Méditerranée ? Et quand Tito compte-t-il se rendre de nouveau à Moscou pour discuter avec le Petit Père des peuples, plutôt qu’avec les capitalistes décadents ? Car il est évident que les Occidentaux n’offriront jamais à l’AVNOJ le centième du soutien que lui assure le Paradis des travailleurs. Sans doute, la plupart des armes parachutées en Yougoslavie depuis trois ans ne sont pas venues des arsenaux soviétiques… Mais à présent, l’Armée Rouge est toute proche des frontières de la Yougoslavie, et elle ne se contentera pas de leur envoyer de vieux fusils et une poignée de grenades !
Face à toutes les questions qui affleurent, le chef des Partisans reste peu disert. Il interroge plus qu’il ne répond, évoque longuement l’état de préparation de ses forces en Bosnie, Slovénie et Croatie, questionne Đilas sur l’état d’esprit qui règne à Zagreb, sonde Ranković sur ce qu’il devine des intentions des agents occidentaux présents parmi ses troupes. Finalement, il conclut : « L’heure de la Révolution approche. Je sais que mes déclarations et mes récentes rencontres ont pu semer le trouble dans les esprits. Je répondrai seulement : fiez-vous à moi et aimez-moi comme je vous aime. Comme j’aime tous les Yougoslaves ! »
– Même les Croates du NDH ?
interroge Zdenka, sentencieuse.
– Même les Croates du NDH, qui reviendront immanquablement à la raison le moment venu. T’ai-je déjà raconté l’histoire de ce petit faucon que les camarades m’avaient offert ? Je l’ai dressé, nourri de viande, appris à venir se poser sur mon épaule. Un jour, une fois qu’il fut devenu grand, je lui ai rendu sa liberté. Et bien il est revenu de lui-même deux jours plus tard, de lui-même, pour se poser sur mon épaule afin que je le nourrisse ! Je crois bien qu’il est revenu quatre fois vers moi avant de disparaitre pour de bon. Ahahah ! Depuis ce jour, il est des camarades qui me disent « Tout ce qui est vivant devrait aimer un homme tel que toi ! » Je ne suis pas inquiet pour les Croates en tant que peuple – ils ne sont pas différents des autres Yougoslaves. Ils souffrent autant que les autres de l’oppression fasciste. On leur a simplement un peu mieux bourré le crâne, grâce à la complicité de quelques traîtres.
– Puisses-tu avoir raison…

Aleksandar Ranković intervient, en bon membre du Politburo et chef de la police de l’AVNOJ : « L’Histoire a toujours donné raison au maréchal ! Déjà, lors du 5e congrès-conférence du PCY, en 1940, il avait eu la sagesse d’appeler à lutter immédiatement contre les fascistes, sans actions hâtives certes, mais sans jamais se compromettre avec eux (1). »
– Hélas, Aleksandar, la situation s’est encore dégradée depuis. La Yougoslavie est aujourd’hui menacée d’implosion face aux menées fascistes et au retour des capitalistes.

Bien calé sur la caisse qui lui sert de fauteuil, face à la petite assemblée qui l’observe, le chef de guerre reprend d’un ton professoral : « Plus que jamais, notre Nation a besoin d’un gouvernement réellement populaire pour mener la résistance armée, réunir ses composantes et lutter contre les tentatives de dépeçage du pays. Ce n’est pas l’imposteur, le parasite social de Belgrade qui pourra mener à bien pareille tâche ! Pourquoi ? L’histoire de la Révolution elle-même nous l’apprend ! En Russie, en 1917 – j’y étais, je peux vous en parler – le changement est d’abord venu d’une révolution bourgeoise, soutenue par les masses laborieuses et les classes moyennes libérales. C’est cette union qui a renversé le tyran Nicolas II et qui a accompli la première étape de la révolution. Nous sommes à présent dans une situation analogue : plus personne dans le pays ne croit au pouvoir royal. Et nous devons nous aussi nous unir, sinon les pays yougoslaves seront séparés et deviendront des protectorats anglais ou américains – comme ils auraient pu devenir allemands ou italiens – mais cette fois, sans même qu’une invasion étrangère soit nécessaire. C’est au Parti de s’opposer dès à présent à cette catastrophe en organisant la lutte populaire et en démasquant la trahison bourgeoise et les violences exercées par les puissances capitalistes étrangères. »
Tito laisse à son auditoire le temps d’assimiler cette leçon de communisme quelque peu scolaire, avant de poursuivre. « Voilà pourquoi il faut dès à présent travailler à l’union du prolétariat, à l’union des classes laborieuses, pour éliminer toutes les possibilités d’action des réactionnaires. Par la lutte armée s’il le faut ! Vous avez évidemment tous lu mon livre à ce sujet (2) ? » Tous hochent la tête à l’unisson. « Alors, n’oubliez pas ce qu’a dit Lénine : la révolution prolétarienne est la forme la plus élevée de la lutte des classes. Et l’agitation des masses provoquée par la guerre nous en offre enfin l’occasion. »
L’orateur ouvre les bras dans un geste affectueux vers son auditoire. « Et grâce à vous tous ici, nous en avons enfin les moyens. La longue expérience tirée de la guerre en Espagne ou de la lecture des œuvres de grands esprits comme Clausewitz ou Napoléon – réactionnaires mais valeureux tout de même – va enfin porter ses fruits ! »
Milovan Đilas assure l'un des répons de ce rituel : « Notre armée sera le poing de fer du prolétariat, qui mènera la lutte et entraînera avec elle les ouvriers, les paysans et les différents mouvements de libération nationale. Au passage, elle neutralisera puis détruira l’ancien système administratif et militaire. »
– Je l’ai dit il y a déjà 3 ans, le 15 avril 1941 : un nouveau monde naitra de cette sanglante guerre impérialiste. Une communauté véritablement fraternelle se formera sur la base de l’indépendance réelle de tous les peuples de Yougoslavie.

Tito fait une brève pause après cette auto-citation, puis reprend : « Il est vrai que les camarades de Moscou m’ont à l’époque trouvé trop aventureux – mais la réalité est là. Par la volonté populaire, je serai le chef de cette communauté. Je peux, je veux et je dois être son chef ! Pour le bien de tous ! Enfin, si Moscou n’y voit pas d’objection bien sûr. »
Ranković éclate de rire : « Aucun risque – c’est aussi grâce à nos informations que l’Armée Rouge a pu châtier si vite les armées fascistes qui ont attaqué l’Union Soviétique (3) ! C’est grâce à notre participation à l’effort collectif que le jardin des Ouvriers et Paysans a pu fleurir sans craindre l’invasion ! »
Edvard Kardelj ne peut s’empêcher de montrer un peu d’amertume : « Oui, nous avons immédiatement répondu à l’appel du camarade Dimitrov : “Le PCY doit faire tout son possible pour soutenir et faciliter le juste combat mené par les peuples révolutionnaires ! Chaque membre du Parti est aujourd’hui un soldat de l’Armée Rouge !” Hélas, il est dommage que la solidarité de l’Armée Rouge ait mis aussi longtemps à se concrétiser. Je ne crois pas que certains de ses officiers aient attendu comme Moša Pijade durant 37 nuits d’affilée un ravitaillement qui ne devait jamais arriver. »
Ce désagréable rappel historique de la part de l’intellectuel slovène refroidit un instant l’atmosphère. Tous ici savent que Moša Pijade et ses hommes se sont effectivement longtemps gelés dans la plaine sous le mont Durmitor en espérant une aide promise mais qui n’était pas venue. Le Komintern s’était contenté d’envoyer des recettes de fabrication d’explosif !
Tito corrige, pour la forme mais avec autorité : « Camarades, les bavardages nuisent à la lutte. Le grand-père Ded l’a encore dit très récemment à nos camarades grecs… Et d’ailleurs, à l’époque de cette histoire, ce n’est pas nous qui étions en tort, mais notre politique jugée, j’en ris aujourd’hui, trop à gauche ! Cela m’avait vexé, mais j’ai compris à présent. J’ai compris que la Patrie des Travailleurs ne voulait pas soutenir trop visiblement notre combat de crainte de déclencher une réaction des capitalistes ! Ce qui explique mes déclarations récentes. Mais rien n’a changé dans notre projet. Vous savez tous ce qu’exprime notre slogan “Pas de retour à l’ordre ancien !” Nous ne renonçons pas à la Révolution, nous sommes simplement désormais en accord avec la doctrine soviétique qui met l’accent sur le caractère patriotique du combat. »
– Dans le combat contre l’occupant, la Révolution se trouvera d’elle-même !
– Oui, camarade Đilas ! Brillant ! Et pour ce combat, nous avons des armes, des hommes, des femmes, et même des bateaux ! Ah – et deux avions je crois, même si je ne suis pas sûr qu’ils puissent encore voler. Dommage que le camarade Jovanović ne soit pas parmi nous, il aurait pu me le confirmer. Enfin, chacun sait le bien qu’il fait à présent en Slovénie.

Effectivement, chacun sait qu’Arso Jovanović est près de Ljubjana. Et ce pour une raison simple : si Tito l’y a expédié, c’est pour s’en débarrasser ! Sans y parvenir totalement d’ailleurs, car cet ancien capitaine de l’armée yougoslave se distingue décidément par son étroitesse d’esprit et ses innombrables maladresses. En effet, sitôt arrivé chez les Slovènes, ce Monténégrin a refusé avec morgue de tenir compte des avis du PCS et du Comité Exécutif du Front de Libération Nationale, et même d’en recevoir les représentants ! Pire, il a ordonné une série de changements qui ont fortement déplu aux Partisans locaux. Obligation du port de l’étoile rouge. Changements arbitraires dans l’état-major au profit de ses proches Serbes (tous arrivés armés jusqu’aux dents, fiers d’être « terrifiants » !). Enfin, déploiement des Slovènes en Croatie (au sud de la rivière Kolpa), au motif que la Slovénie ne serait pas « un terrain propre au combat de masses de Partisans » ! Il avait fallu que Kardelj en personne le convoque pour arrêter le massacre et – situation inédite pour un chef militaire – lui interdire de mener tout action dans l’accord express de l’état-major central ! Les mesures litigieuses avaient bien sûr été immédiatement abrogées, mais sans que cela suffise à calmer totalement la grogne. Comme Kardelj devait tenter plus tard – vainement – de le lui expliquer, « si une armée régulière peut se déplacer comme bon lui semble, une armée révolutionnaire doit croître à partir de ses propres racines révolutionnaires dans son propre pays ». Attiser la défiance slovène, toujours aussi forte, en tentant d’imposer par la force une réforme centralisatrice était bien la dernière chose à faire.
Jovanović n’en était d’ailleurs pas à son coup d’essai. Ce n’est pas pour rien que Kardelj dit de lui qu’il est « de ces anciens officiers d’état-major qui ne comprennent pas que les méthodes caractérisant la guerre menée par les partisans sont très différentes de celles propres aux guerres frontales. » Illustration de cette incompréhension coûteuse et déjà ancienne : le 1er décembre 1941, à Levja (province du Sandzak), il a fait massacrer près de cinq cents combattants (203 morts et 269 blessés) en ordonnant de stupides attaques frontales contre les Allemands. Pourtant, Tito l’a nommé au commandement suprême en Slovénie – le Vieux est vraiment fidèle en amitié (4).
Devinant les sombres pensées de chacun, Josip Broz reprend d’une voix forte : « Fraternité et unité, camarades ! On nous a dit morts, finis, ayant renoncé à la Révolution mondiale ! Et pourtant nous sommes toujours là, plus puissants que jamais ! Avec l’AVNOJ, nous touchons au but ! Alors soyez exigeants avec vos hommes, mais apprenez aussi à pardonner. Comme j’ai pardonné aux camarades Kardelj et Đilas, ici présents, de m’avoir fourni des passeports d’une qualité déplorable, ou encore de m’avoir fait lanterner deux mois à Istanbul. »
Le tout avec un grand sourire – évidemment rendu. Si le Vieux pardonne facilement, il oublie beaucoup moins facilement… La cordialité n’exclut pas le contrôle (5).
– Et je n’ai pas besoin de vous dire qu’il n’y a rien à pardonner au maréchal Staline, qui nous enverra bientôt une mission militaire que l’on annonce nombreuse, et qui a consenti à nous offrir, non pas un prêt, mais un don important. N’est-ce pas, camarade Đilas ?
– C’est vrai, Tito. Quand j’ai parlé de rembourser, il m’a dit :
« Vous m’offensez. Vous répandez votre sang et vous voudriez que j’accepte que vous me remboursiez un argent qui vous aura servi à acquérir des armes. Je ne suis pas un marchand. Nous ne sommes pas des marchands, nous autres ! »
– Voilà, il nous fait l’honneur de sa confiance. Il a toujours eu droit à la nôtre. Ce qui n’est pas le cas de ces capitalistes occidentaux qui nous soutiennent par opportunisme. Ne baissez pas la garde, amis ! Je crois avoir été clair ? En revanche, nous devons ouvrir grandes les portes du Parti à tous les repentants. Mêmes aux anciens soldats de Mihailovic, ce vieux grigou qui se vantait de nos exploits, avec qui nous partagions notre butin et qui ne cessait de tenter de nous poignarder dans le dos (6). »
Se rendant compte que son jugement risque d’être mal interprété, Tito corrige immédiatement : « Quoique, à la réflexion, je n’avais rien contre Draza lui-même. Mais il était mal entouré, par des officiers indignes de confiance, des ivrognes indisciplinés, des pillards, des violeurs ! Ceux qui sont désormais à Belgrade ! Eh, qui sait si les Anglais n’étaient pas derrière certains affrontements fratricides – ce Hudson qui a conseillé Draza… »
A cet instant, un gros berger allemand surgit de l’ombre pour se jeter sur le Maréchal. Le redoutable chef des Partisans abandonne alors son discours pour flatter, caresser et embrasser l’affectueux animal, qui multiplie les coups de langue.
– Oh ça, c’est un bon chien ! Tiger, tu es plus fidèle que les Anglais, j’en suis sûr ! Loyal comme ton prédécesseur Luks ! J’espère que tu ne connaîtras pas le même sort. Non, sûrement pas – les mauvais jours sont passés !
Tout l’AVNOJ connait l’histoire de Luks, le fidèle compagnon du chef qui s’est sacrifié durant les combats de 1942 pour protéger son maître blessé au bras. Le chien s’était couché au milieu de la mitraille sur la tête de Tito, retombant sur son visage « tel un sac de blé plein » (un sac sale, puant et infesté de puces) au risque de l’étouffer et malgré les tentatives de son maître pour l’écarter. Puis, alors que ce dernier allait finir par le frapper, Luks avait soudainement frissonné pour tomber raide mort sur le Croate stupéfait. Le chien venait d’encaisser un shrapnel qui, sans lui, eût décapité Tito !
L’histoire est belle – et elle est même authentique. Inspirante aussi : bien des Partisans seraient prêts à imiter le pauvre Luks, si cela s’avérait un jour nécessaire…


Notes
1- Du 19 au 23 octobre 1940, 108 délégués s’étaient réunis à Dubrava (en Croatie) pour étudier l’orientation future qu’il convenait de donner au Parti, sous la surveillance étroite de Moscou. En réalité, Tito avait précisément décidé l’inverse : à savoir, de ne pas s’opposer immédiatement aux “fascistes”…
2- Technique et stratégie de l’Insurrection Armée – étude rédigée par Tito entre février et mars 1941 pour une conférence tenue à l’école du Parti.
3- Au printemps 1942, le PCY a envoyé à Moscou de nombreux rapports faisant état de mouvements de troupes vers la Roumanie, de blindés porteurs de mentions “Nach Moskau” et même de conversations d’officiers avinés se vantant, au comptoir d’un bar quelconque, du fait qu’ils allaient « rentrer en Russie comme dans du beurre ».
4- Tito écrira plus tard : « Les Slovènes ne me le pardonneront jamais, car cet homme a fait dans leur pays toutes sortes de choses. Mais moi, j’ai tout de même réussi à m’affranchir de sa présence durant les ultimes offensives ! »
5- Ainsi en fut-il de sa relation amicale avec l’écrivain Miroslav Krleža, qui revint de sa propre initiative à Belgrade en 1945, bien qu’il fût très critique envers le pouvoir titiste. Informé, Tito le reçut très froidement dans son bureau, sans lui serrer la main et en lui ordonnant sèchement de s’assoir face à lui. Une demi-heure après, il l’invitait à déjeuner. La camaraderie née de la Première guerre mondiale avait toutefois ses limites – Krleža déclarera par la suite à de jeunes cadres communistes : « Vous n’avez aucune idée de ce qu’est le Parti (…) c’est une meule à grains qui broie. »
6- Tito fait ici référence à l’épisode de la prise d’Užice, en 1941, après laquelle Partisans et Tchetniks se partagèrent 15 000 fusils et 5 millions de Dinars en espèces. Le chef du PCY espérait alors conclure un cessez-le-feu durable avec ses rivaux – mais deux jours plus tard, des émissaires tchetniks sollicitaient la Wehrmacht pour obtenir des armes supplémentaires « afin de lutter contre les communistes » !
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Ven Juil 05, 2019 12:52    Sujet du message: Répondre en citant

Et troisième épisode du 20 février 44, starring Winston.


Churchill en mission
Démocratie
Chambre des Communes (Londres)
– Il n’est pas encore tea time quand le vieux Lion remonte sur la tribune pour une « courte » déclaration relative à sa récente tournée méditerranéenne (ce qui n’inclut évidemment pas son escale à Moscou …). Devant les députés, Churchill va tenter de trouver le ton juste pour défendre les efforts colossaux consentis par la Couronne sur le théâtre balkanique. Un théâtre, il faut bien le dire, où les forces de Sa Majesté ont rencontré beaucoup de problèmes et un peu de frustration… Mais le Premier ministre se montre enthousiaste, d’autant qu’il estime avoir désormais assuré ses arrières. Aussi, après avoir exposé et défendu ses échanges avec les gouvernements grec et yougoslave, il conclut…
« Je souhaite attirer votre attention à tous, Ladies and gentlemen, sur l’extrême complexité de la politique intérieure de ces deux royaumes. Dans notre chère ville de Londres, on dit beaucoup de choses sur ces pays – certaines sont exactes. Pour d’autres, d’après mes informations, ce serait plutôt l’inverse. Quoi qu’il en soit, des heures de débats durant de nombreuses journées seraient nécessaires pour que la Chambre saisisse toutes les subtilités de nos positions en Grèce ou en Yougoslavie. Je ne saurais trop insister sur le fait que ces positions n’ont été acquises qu’au prix des plus grands efforts, et en dépit d’autres préoccupations au moins aussi sérieuses.
Je m’adresse donc à votre honorable Assemblée pour rappeler que nous ne parlons pas seulement ici de l’avenir du royaume de Grèce ou du royaume de Yougoslavie, mais aussi de celui de bien d’autres pays d’Europe, soumis à de si terribles tourments alors que leurs soldats, à l’intérieur comme à l’extérieur de ces pays, nous ont valeureusement assistés dans la lutte face à l’Ennemi. La Chambre aura donc à cœur, j’en suis certain, de continuer à placer sa confiance en ma personne pour diriger notre intervention dans cette région, et pour en définir tout à la fois le ton, la personnalité, le caractère et surtout l’objet. C’est le sens de mon appel, ainsi que de mon intervention du 19 novembre dernier. »

Cette prière ne semble pas convaincre la Chambre, agitée de “mouvements divers”. A l’évidence, les députés sont moins sensibles qu’autrefois aux envolées churchilliennes. Les travaillistes, en particulier, ont la dent dure – les Balkans sont un angle d’attaque idéal pour fragiliser le Bouledogue alors que la Victoire semble proche. On sait le goût de l’homme pour les expéditions dispendieuses. Pourquoi gaspiller du temps et de l’argent à soutenir des régimes douteux du point de vue de la démocratie ? Pourquoi s’acharner à porter à bout de bras des rois chancelants, et présentant parfois d’inquiétants accès d’autoritarisme ?
Fin politique, Churchill choisit d’aller au-devant des critiques qui lui seront inévitablement adressées. Le compte-rendu de la chambre en gardera trace.
Le Premier ministre – « Avant de détailler le sort de nations ou de régions particulières, qu’il me soit permis d’évoquer devant la Chambre les attaques dont nous avons été la cible. Il a été dit que nous utilisons les forces de Sa Majesté pour désarmer les amis de la Démocratie dans les Balkans, et pour museler des mouvements qui nous ont héroïquement assistés. C’est une accusation d’importance, à laquelle je souhaite répondre dès à présent.
Certainement, le gouvernement de Sa Majesté serait indigne de confiance s’il utilisait les forces du Commonwealth et de ses alliés pour désarmer les démocrates de Grèce ou d’autres pays et soutenir des régimes autoritaires. La question a néanmoins été posée, il faut donc y répondre. Mais auparavant, il convient de se demander : “Qui sont, dans ces pays, les vrais amis de la Démocratie, et de quelle Démocratie parle-t-on ?” Mon idée de ce régime est qu’il permet à l’homme simple, modeste et commun – le plus ordinaire des hommes, avec son épouse et sa famille, qui se bat pour son pays quand il le faut – qu’il permet à cet homme, donc, de se rendre aux urnes dans des circonstances déterminées, et de mettre une croix sur son bulletin pour désigner le candidat qu’il souhaite voir élu au parlement. C’est l’essence de la Démocratie. Et selon cette même essence, il est essentiel que cet homme…
Docteur Edith Summerkill (West Fulham) – Ou cette femme!
Le Premier ministre – Je vous prie de m’excuser. Je pars toujours du principe que l’Homme englobe la femme, à moins que le contexte ne suggère l’inverse. Donc, il est essentiel que cet homme ou cette femme puisse faire ce geste sans peur, et sans subir aucune forme d’intimidation ou d’oppression.
Il met dans l’urne le bulletin de son choix dans le plus strict secret, puis les représentants élus se rassemblent et décident en commun quelle politique et quel gouvernement ils souhaitent pour leur pays. Ceci est la Démocratie. Je la salue, je l’épouse et je travaille pour Elle.
Mr Shinwell (Seaham) – Comme en Espagne !
Le Premier Ministre – Je ne crains absolument pas de m’engager sur ce sujet, mais celui qui nous occupe actuellement suffit pour l’instant. Il est grossièrement faux de prétendre, comme certaines personnes le font, que j’ai un jour fait l’éloge de Franco. J’ai par contre toujours prétendu – et je suis prêt à le maintenir encore aujourd’hui – que la politique espagnole est bien plus complexe que le dessin grossier que l’on s’en fait. Il est totalement inutile de grimacer devant l’adversité comme si on avalait une potion amère.
Mr Shinwell (Seaham) – L’honorable Premier ministre a raison. Hélas, c’est précisément ce que je fais, comme de nombreuses autres personnes dans notre pays, en apprenant les événements survenus en Grèce et les tremblements qui saisissent la Yougoslavie.
Le Premier ministre – Je ne m’exprimerais pas sur l’opinion des “nombreuses autres personnes” dont parle l’honorable Gentleman, car elles ont tout à fait le droit d’avoir leurs avis sur la question. Et quant à l’Honorable Gentleman qui s’en inquiète, je m’attends à ce qu’il ait d’autres médicaments déplaisants à avaler sur bien d’autres sujets avant la fin du conflit – je ne manquerai pas de les lui présenter avec le plus grand respect. Je répète donc que je ne m’engagerai pas aujourd’hui sur un débat concernant l’Espagne. Dans mes commentaires sur la Démocratie, comme dans l’attitude que je conserve en tout temps depuis que la Providence m’a porté aux responsabilités, et même généralement dans toutes les opinions politiques que j’ai exprimées ma vie durant, j’ai toujours privilégié la mise en place d’élections au suffrage universel direct. C’est la base de la Démocratie, et le cœur de ma politique.
Mais j’éprouve des sentiments très différents pour une autre forme de Démocratie, ou plutôt pour un régime tordu qui se prétend démocratique du fait qu’il s’affiche de gauche. Il faut l’expression de tous les partis pour créer la Démocratie, pas d’un seul – serait-il socialiste ou communiste. Je ne dirai pas qu’un parti est démocratique sous prétexte qu’il pratique une surenchère permanente le conduisant aux formes les plus extrêmes de révolution. Je n’accepte pas qu’un parti qui prétend représenter l’ensemble de la population prône la violence – le plus souvent avec d’autant plus d’ardeur qu’il est en fait minoritaire. Je ne peux accepter quoi que ce soit de ce genre en démocratie : j’ai trop de respect pour ce régime, et l’on ne saurait utiliser son nom à la légère. La révolution violente est la loi de la Foule et non du Peuple, une loi imposée par des bandes de gangsters lourdement armés, allant s’emparer des postes de police et des lieux de pouvoir pour ensuite imposer un régime totalitaire d’une main de fer…
Mr Gallacher (West Fife) – L’honorable Premier ministre vient de faire une description éloquente de certains régimes dit alliés !
Le Premier ministre – Je suis au désespoir de rencontrer tant d’incompréhension ! [Vif brouhahas et interruption de séance – Churchill reprend d’une voix plus forte.] J’ai tout mon temps et les éclats de voix de mes honorables opposants politiques ne m’empêcheront pas d’exprimer ma pensée. Ils ne pourront qu’en ralentir la démonstration, ce qui serait évidemment regrettable. Je redis donc que la dernière chose qui représente la démocratie serait la loi de la foule et la volonté d’introduire un régime totalitaire autorisant à tirer sur n’importe qui – et croyez-moi, en politique aujourd’hui, il est de très nombreuses occasions de le faire, notamment sur celui qui est politiquement gênant et que l’on accuse souvent (et en général à tort) d’avoir collaboré avec les Allemands. Ne laissons pas la Démocratie s’abaisser si vilement au point de devenir un simple jeu de saisie du pouvoir où l’on assassine celui qui n’est pas d’accord avec vous. Cela, c’est l’antithèse de la Démocratie.
Mr Gallacher (West Fife) – Ce n’est pas ce qui s’est passé – du moins pas de la part des mouvements que vise l’Honorable Premier ministre. Lesquels mouvements, d’ailleurs, ont été armés par les arsenaux de Sa Majesté.
Le Premier Ministre – L’honorable Membre du Parlement ne devrait s’enfiévrer autant – il ne fait qu’attiser les flammes de la polémique puis de la division. J’ai mis onze ans, seul dans cette Assemblée, pour faire valoir mes vues. Il a donc lui aussi de l’espoir… Ceci étant, et sans revenir sur ma précédente description, je me dois de rappeler que notre devoir est de nous assurer que, dans les pays libérés, le Peuple – et pas une masse de bandits des montagnes ou de la campagne – assume le pouvoir. Mais il ne l’assumera certainement pas en renversant des Parlements, Gouvernements ou Etats légaux. Durant cette guerre, bien sûr, nous avons dû armer quiconque pouvait nous aider abattre le Hun. Au-delà, il n’était pas question d’interroger nos partenaires sur leur personnalité, leurs convictions et leurs actes passés. S’ils voulaient tuer de l’Allemand, ils étaient nos amis et nous avions à cœur de les aider à satisfaire cette saine envie.
Mr Mac Govern (Shettleston, Glasgow) – Et maintenant nous payons cet état de fait !
Le Premier ministre – Nous le payons du débat que nous avons ce jour, et que, pour l’instant, je trouve personnellement enthousiasmant. Nous le payons honorablement avec notre or plutôt qu’avec notre sang ou par notre défaite. Il n’a jamais été souhaité qu’une fois ces pays libérés, ceux qui ont reçu des armes de notre part se laissent aller à la violence et au meurtre pour ensanglanter des traditions et renverser des pouvoirs auxquels les populations concernées sont – je le crois – fermement attachées. Si aider la Démocratie consiste à favoriser des coups d’état commis par des gangs sans légitimité mais à la main de fer, composés de voyous souhaitant se hisser au Pouvoir sans même qu’un vote se soit un jour exprimé en leur faveur, je crois que la Chambre entière sera unie pour appeler cela une farce. Je ne crois pas que le fait d’avoir valeureusement combattu face à l’ennemi donne le droit de s’avancer puis de déclarer simplement : « Nous sommes les Sauveurs de la Nation, et devons donc en être les Dirigeants. Ceci est notre récompense, nous devons à présent régner en Majesté. » Ce comportement ne diffère que fort peu du régime que les populations opprimées eurent à subir sous la botte du Reich.
Dr Haden Guest (Islington Nord) – A qui s’adressent ces généralités ? Aux Grecs ou aux Yougoslaves ?
Le Premier Ministre – A tous ceux qui veulent rétablir la Démocratie et la Civilisation. [Brouhaha.] Les honorables membres de l’Opposition doivent apprendre à donner autant qu’ils reçoivent. Les interruptions, cris et clameurs ne servent à rien – je les ai entendus aussi bien que je vois leurs auteurs. Tout comme je vois à présent les honorables membres de la Majorité rire de ce comportement. Qu’ils soient satisfaits qu’il ne s’agisse que de rire.
Donc, comme je le disais, je soutiens les partisans de la Démocratie et du suffrage universel. Il serait impensable qu’après trois années de tyrannie allemande, ces valeurs soient liquidées et jetées aux orties dans une série de guerres sociales. Même les systèmes les plus imparfaits évoluent si on leur laisse le temps – je laisse aux honorables membres de l’Opposition le soin de méditer cette sentence qui saura à coup sûr inspirer leur comportement.
Si les amis de la Démocratie et ses défenseurs soi-disant muselés sont si certains d’exprimer les souhaits de notre Peuple, que n’attendent-ils le jugement des urnes ? Quelle est notre politique dans toutes les nations traversées par nos armées ? Favoriser la formation d’un gouvernement d’union nationale avant la fin du conflit, puis le choix en conscience de l’avenir de cette nation par le peuple qui l’habite. Il en est de même dans les pays évoqués, les services de Sa Majesté y travaillent chaque jour avec ardeur.
Mr Shinwell (Seaham) – L’honorable Premier ministre n’a-t-il pas en d’autres temps éprouvé des craintes analogues quant à la République française ?
Le Premier ministre – Quelle petite remarque, et pourtant quelle inspiration. Il n’est pas question ici de la France. Le Premier De Gaulle m’inspire des sentiments sans commune mesure avec les dirigeants des autres pays. Comme son prédécesseur, l’actuel Président Reynaud, c’est un homme d’honneur, qui n’a jamais renié sa parole. Envers son pays comme envers le Royaume. Néanmoins, la comparaison a une valeur : avec notre soutien fraternel, dans des moments terribles qui n’ont Dieu merci que fort peu à voir avec ceux que nous vivons dorénavant, notre valeureuse alliée s’est redressée au bord du gouffre et n’a cessé de brandir à notre côté le Glaive de la Justice. Ce, partout dans le monde et notamment sur son propre territoire. Le tout sans rien abandonner des principes fondateurs de sa démocratie : les élections organisées l’année dernière en sont la preuve. Il n’est pas à craindre que le même soutien de notre part ait ailleurs des effets opposés – ce qui plaide évidemment pour un renforcement de ce soutien selon la réalité de la situation sur le terrain.
Mr Bowles (Nuneaton) – Et qu’en sera-t-il de l’Italie ? L’honorable Premier ministre a autrefois soutenu Mussolini !
Le Premier ministre – En 1928 ? C’est vrai, si l’on appelle soutien le fait que j’ai produit des discours me félicitant du fait que Rome n’ait pas sombré dans le bolchevisme.
Mr Shinwell (Seaham) – Et ou était alors la Démocratie vantée par l’honorable Premier Ministre ? Qui nous garantit aujourd’hui que ce même soutien de notre part n’aboutira pas aux mêmes effets qu’il y a vingt ans dans ce pays ?
Le Premier ministre – Il faut faire confiance à la sagesse de chacun et ne pas intervenir dans les affaires internes d’autrui. Notre rôle est uniquement de nous assurer que la violence ou la menace de la violence ne sera pas utilisée par l’une des parties contre l’autre.
Mr Shinwell (Seaham) – L’alliance des meilleurs hommes sous notre patronage ?
Le Premier ministre – Je n’irai pas contre l’avis de l’honorable Gentleman quand la Vérité sort par accident de sa bouche de temps à autre. J’ajouterai toutefois ceci : il est désormais évident que l’admirable avance des armées russes… [Brouhaha sur les bancs conservateurs : « Bolcheviques ! » lancent de nombreuses voix, à quoi quelques voix répondent, en face : [/i]« Soviétiques ! » – mais Churchill fait mine de n’avoir entendu que les premières.] Oh non certainement pas. C’est une remarque pernicieuse. Certains membres de l’Assemblée tentent toujours de capturer ou de déformer ma pensée. C’est aussi pour cela que les débats sur la politique étrangère sont si difficiles. On ne me fera pas manquer de respect aux splendides patriotes de l’armée qui a chassé le Hun du sol russe.
Donc, ces armées, dans leur marche héroïque et triomphale vers le cœur du Reich, assument évidemment des tâches analogues aux nôtres, avec des difficultés d’autant plus grandes que le Hun, dans sa malice, a ravagé soigneusement la terre qu’il n’a pu conserver. En ce sens, le maréchal Staline fait preuve d’un grand esprit de responsabilité, sans que l’avenir de ces régions soit pour autant décidé. La question est : pouvons-nous nous dédire notre parole et faire moins que le maréchal Staline ? Pouvons-nous nous laver les mains de l’avenir de peuples qui nous ont fait confiance, au secours desquels nous nous sommes portés et qui, demain peut-être, subiront l’assaut des extrémistes de toutes sortes ? Oui, de ceux-là même qui ont accueilli notre armée avec d’autant plus d’empressement qu’ils s’imaginaient déjà qu’elle leur offrirait le pouvoir et ne ferait que passer ?
La conférence de l’Attique, organisée avec nos alliés français, s’est achevée comme chacun sait sur un succès éclatant. Elle prouve à elle seule la justesse de notre politique et l’éminente nécessité de sa poursuite. Cette entreprise a été menée à bien grâce à la sagesse des participants, des personnalités expérimentées et vénérables… [Un cri dans la salle : « Tout comme vous ! »] Oui, tout comme moi ! Cette sagesse a permis la formation d’un gouvernement réunissant toutes les composantes de la société hellène, de gauche comme de droite. Ce faisant, les membres conservateurs de ce même gouvernement ont choisi avec sagesse de taire et même d’oublier un certain nombre de crimes documentés commis par l’ELAS…
Mr Gallacher (West Fife) – C’est faux!
Le Premier ministre – Dans ce pays, nous essayons d’avoir un débat. L’honorable Gentleman, dont je suis sûr qu’il admettra avoir été traité avec le plus grand respect et la plus grande considération, doit maintenant apprendre à clore sa bouche. ELAS n’a pas hésité, en son temps, à assassiné des membres de l’EKKA et même à collaborer avec les Allemands contre l’EDES, favorisant ainsi le règne du Reich en Grèce et facilitant ses hideuses représailles, organisées avec l’accord tacite de ses propres bataillons de sécurité.
Nous ne pouvons bien sûr tolérer de pareils agissements – mais nous pouvons admettre que leur jugement soit remis à plus tard pour éviter de ranimer les plaies de la division et le feu de la guerre civile. Il en sera bien sûr de même en Yougoslavie, pour tous les partis, tchetniks comme communistes. C’est la mission que se sont fixée, selon mes directives, les forces de Sa Majesté afin d’aider de la meilleure des façons ce malheureux pays.
Si je dois être blâmé aujourd’hui pour cette décision, j’accepte volontiers de remettre ma démission entre les mains de la Chambre. Mais si cette dernière souhaite m’accorder sa confiance, soyez sûrs que je persisterai dans cette voie, qui est celle de la Justice, du Droit et de la Démocratie. Le gouvernement royal de Grèce [Cris sur les bancs : « Pourquoi royal ? »] et celui de Yougoslavie [Nouveaux cris : « Avec ses Quisling ! »] comptent sur notre aide et notre sagesse.
J’espère avoir exposé le plus clairement possible ma position concernant tout à la fois le monde, la guerre et le Gouvernement. Je ne crains ni ses conséquences, ni l’examen qui pourra en être fait ultérieurement. Nul homme sensé et de bonne volonté qui saurait l’examiner, nulle épreuve qui pourrait lui être infligée, ne pourra démontrer que nous poursuivons une politique réactionnaire entravant l’expression de la Volonté Nationale des pays libérés et empêchant des pays ayant souffert sous la botte nazie de retourner à un état normal. La Chambre peut juger, et si elle m’y autorise, nous travaillerons en ce sens dès demain, avec notre ardeur coutumière et notre confiance inébranlable en l’avenir.
………
« Bien sûr, le vote de la Chambre fut un succès pour le Premier ministre : on ne change pas une équipe qui gagne (surtout une guerre mondiale) sous prétexte d’un désaccord sur un sujet mineur – du moins vu de Londres. Toutefois, le résultat ne fut pas le triomphe attendu : une partie significative des députés choisirent l’abstention sur ce point précis de la politique anglaise. Churchill pouvait bien sûr s’estimer satisfait de l’absence de voix contre lui, mais si le vieux routier ne manqua pas d’afficher un sourire relevé d’un havane et de brandir le V de la victoire en sortant de Westminster, il n’en parlera pas moins dans ses mémoires d’une « affaire complexe ».
De fait, l’alerte était sérieuse. La Chambre, et par son intermédiaire l’opinion, s’alarmait de la situation en Grèce et surtout en Yougoslavie. Une situation sur laquelle elle ne disposait pourtant que de rumeurs ou d’articles censurés ! Qui sait ce que l’homme de la rue londonien aurait pensé en apprenant les actions des corps-francs yougoslaves, ou s’il avait su que les troupes alliées étaient contraintes de jouer les forces d’interposition au Kosovo…
La brèche était ouverte, et ne pouvait plus être refermée : la politique du roi Pierre II était bel et bien devenue un sujet intéressant les Britanniques et engageant la crédibilité de l’action du Premier ministre ! Un sujet de discorde – un facteur de risque politique même. Les conséquences ne tardèrent pas à se faire sentir, sous la forme d’une pression toujours plus intense de Londres sur Belgrade et sur les Français, toujours censés parrainer le gouvernement royal. »
(Robert Stan Pratsky, La Libération de la Grèce et des Balkans, Flammarion, 2005)
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FREGATON



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MessagePosté le: Ven Juil 05, 2019 12:57    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
...les troupes alliées étaient contraintes de jouer les forces d’interposition au Kosovo...

L'Histoire serait-elle un éternel recommencement...? Confused
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