Fantasque Time Line

[Clappique]

[Clappique]

La Porte

Malte, Mdina & La Valette

Le groupe retraversa la demeure, toujours silencieuse et maintenant déserte. Le majordome avait disparu. Les deux marins échangèrent un coup d’œil, Raspoutine disparut à son tour. Miller et Mallory encadrèrent le rabbin, une main sur la crosse de leurs armes.

Retrouver les ruelles, après la pénombre oppressante de la casa Manduca, fut un bain de lumière – et faillit leur coûter la vie. Mallory vit une silhouette à contre-jour, se rejeta sous un porche en bousculant Miller et le rabbin. Une rafale crépita sur un pilastre, deux décharges de chevrotine hachèrent la porte. Le marin avait roulé de l’autre coté d’une minuscule placette, sous une fontaine, et baissait la tête.
Ils avaient deux adversaires, postés à chaque extrémité de la ruelle. Ils avaient ouvert le feu trop tard, mais allaient vite rectifier ça. L’homme à la Sten les clouait sur place, celui au fusil de chasse allait bouger et prendrait le porche en enfilade. Puis la Sten s’occuperait du marin sous la fontaine.

Deux coups de pistolet claquèrent derrière la mitraillette ; ils saisirent leur chance, bondirent et ouvrirent le feu sur l’homme au fusil. Trois impacts à douze mètres, tout au plus, l’homme tituba en arrière et glissa à terre.

« Rabbi, vous n’avez rien ?
- Je vais bien mon fils, euh, capitaine
- coach gun » dit Miller en poussant du pied le fusil à canon scié de leur assaillant.
« Dans cette partie-ci du monde, on appelle ça une Lupara » corrigea le marin « Sicilien … »
« Ouais, bien lui, il n’était pas sicilien » grogna Raspoutine, en se penchant sur l’homme à la Sten. Un type blond, costaud, en uniforme des Anzac. « Un voisin rancunier, capitaine Mallory ? » demanda-t-il au Néo-zélandais.
« Et bien, on a tous nos moutons noirs, j’imagine. Surtout en Nouvelle-Zélande »
……………………………
« Messieurs, nous en savons un peu plus sur vos assaillants, et cela ne me rassure pas » déclara Jensen. « L’homme à la Lupara était bien un sicilien. Parcours typique, né en 1903 dans les environs de Caltanissetta, les bancs de son école s’appelaient racket et homicide. Soldat dans la puissante Cosca des Salvo. Réfugié à Malte à l’époque du préfet Cesare Mori.
- la Mafia nous apporte habituellement son concours, non ?
- exact, mais il semble que cet homme ait pris ses distances avec sa famille, et soit devenu un simple « gun for hire ». L’autre homme est plus intéressant. En principe, il s’agit du Lieutenant Meindl, officier à l’Etat-major. Grand-parents allemands émigrés en Nouvelle-Zélande en 1895, père médaillé à Gallipoli, aucun doute sur leur loyauté, n’a jamais mis les pieds en Allemagne. Mais il a un cousin qui a fait partie du Heimat Rückkehr lancé par les Nazis dans les années 30. Nous pensons que le véritable lieutenant a disparu à son arrivée au Caire en 1940, et a été … remplacé » Jensen secoua la tête.

« Là où je veux en venir, c’est que l’ennemi a choisi d’activer un agent précieux, pour une mission suicide. Même s’il vous avait tué, cet homme n’avait aucune chance de quitter Malte vivant ou libre.
Quoi que soit exactement ce que vous avez trouvé, l’ennemi le veut, même au prix fort. J’en conclus donc que le dernier des Manduca a dû faire des confidences sur le patrimoine un peu particulier de sa demeure familiale. Nous sommes maintenant dans une course, avec les nazis et peut-être aussi la R.S.I pour mettre la main sur … Dieu sait quoi exactement !
Mr Melchisédech, où en êtes-vous de la lecture et de l’interprétation des documents ?
- Commandant, ils confirment toutes nos hypothèses. Je n’ai plus aucun doute sur le danger encouru. Toutefois, j’ai le devoir intellectuel et moral d’en conférer avec certaines autorités, académiques ou spirituelles . Puis-je vous suggérer de demander instamment leur concours ? » le rabbin glissa à Jensen une courte liste, qui la parcourut rapidement

« Vous voulez que j’amène ces gens-là à Malte, en pleine guerre ? Et comment pensez-vous que j’y arrive ?
- Et bien, j’ai pris la liberté de préparer cette autre communication. Pour la Studholme Lodge de Londres. A l’attention de Sir Winston, Leonard, Spencer. Un vieil ami. »
Jensen hocha la tête, de l’air d’un homme que plus rien ne pouvait surprendre dans cette histoire

Trois jours plus tard, arrivaient à Hal-Far, via Gibraltar, un universitaire en tweed et un évêque anglican, rejoints quelques heures plus tard par un envoyé de la Curie et un émissaire spécial du Général de Gaulle, un petit français brun aux yeux vifs, bourré de tics. Et enfin une jeune femme blonde, aux yeux verts, les cheveux coupés à la garçonne.
_________________
Si on ne croit à rien, surtout si on ne croit à rien, on est obligé de croire aux qualités du coeur quand on les rencontre, ça va de soi.

[FREGATON]

Beaucoup de joli monde dans cette affaire... On dirait une quête du Graal... D'ici à ce que l'universitaire en tweed fasse appel à son fils il n'y à qu'un pas... Que ne ne franchirai pas!

_________________
La guerre virtuelle est une affaire trop sérieuse pour la laisser aux civils.

[Casus Frankie]

Je suis mauvais à ce jeu, je n'ai reconnu que le Français, "Michou" !
_________________
Casus Frankie

"Si l'on n'était pas frivole, la plupart des gens se pendraient" (Voltaire)

[Clappique]

[Casus Frankie]

Ah oui, le tweed, bien sûr. Et avec un parapluie, aussi.
Le mélange est curieux !
La blonde me dit quelque chose, mais quoi…
_________________
Casus Frankie

"Si l'on n'était pas frivole, la plupart des gens se pendraient" (Voltaire)

[Clappique]

[Casus Frankie]

[FREGATON]

[Clappique]

La Porte

Malte, La Valette

« Madame, Monseigneur, Gentlemen … je vous remercie de vous être joints à nous. J’ai compris que les réunions préparatoires avec Mr Melchisédech et ses compagnons vous ont permis de dégager une position commune sur notre … - Jensen se racla la gorge - … affaire. Je vous saurais gré de nous en faire un bref exposé »

Mallory parcourut l’assemblée. Il avait déjà vu Jensen inquiet, en colère, triste mais jamais perplexe. Et l’adjectif perplexe semblait faible.

En face de lui, la jeune femme avait interrompu une conversation amicale et passionnée avec le rabbi, en hébreu, sur les formes grammaticales archaïques de l’araméen ; les deux autres ecclésiastiques semblaient au contraire prendre le plus grand soin possible à rester le plus éloigné d’elle. Le Français fumait cigarette sur cigarette. Miller semblait résigné, et les marins restaient impassibles.

« Et bien, il s’agît d’un manuscrit. Un manuscrit très ancien, dont on fait remonter l’origine à la plus haute antiquité. Sa présence est attestée dans le catalogue de la bibliothèque d’Alexandrie, et il semble que seuls deux exemplaires aient survécu à son incendie.
L’un fût la propriété personnelle de Roger Bacon, et cet ouvrage là fut assurément brûlé vers 1350, sur ordre formel du pape Innocent VI ; l’autre était conservé dans un monastère de Haute-Ligurie, qui lui aussi fut détruit par un incendie vers 1324. Un conflit entre Guelfes et Gibelins, ou une affaire d’hérésie fraticelle, on n’en connait pas vraiment la cause. Et les médiévistes du monde entier se sont longtemps accordé pour en considérer la perte comme totale.

Toutefois, il semble bien que quelque chose ait survécu. Un jeune moine aurait recueilli – a recueilli, nous en avons maintenant l’assurance – des pages clefs de cet ouvrage, les aurait sauvegardées, puis cachées

- Un manuscrit ?! » Mallory n’avait pu se retenir « Commandant, nous avons des centaines de milliers d’hommes déployés rien qu’en Méditerranée Occidentale, je viens de patauger dans le bain de sang yougoslave, les soviétiques sont en train de redessiner la carte de l’Europe, et nous parlons d’un … manuscrit médiéval !
- Capitaine Mallory, j’ai mes ordres et vous aurez bientôt les vôtres » claqua Jensen

« Capitaine » murmura doucement le rabbi « ce livre c’est le Delomelanicon.. Le codex composé, suivant la tradition, par Lucifer après sa défaite et son expulsion du Ciel. Le formulaire occulte, compréhensible par ses adeptes. Le traité sur l’art d’invoquer les ténèbres, et de déchainer les puissances infernales
- ou de contempler la lumière face à face » corrigea gentiment la jeune femme, à la grande horreur des ecclésiastiques

« Entre ici, Lucifer, avec ton long cortège d’ombres … » entonna le Français d’une voix hantée, avant d’être coupé par Jensen
«My dear André, nous voulons garder cette affaire aussi rationnelle que possible. This bloody business is weird enough as it is"

"Capitaine – reprit Jensen, plus conciliant - je suis conscient de l’étrangeté de tout ceci. Mais nous avons, ici comme à Londres, à Marseille ou Warm Springs des raisons suffisantes de prendre un minimum de précautions afin de … prévenir tout usage de ce manuscrit préjudiciable à la cause alliée. Vous serez, avec Mr Maltese et son compagnon, ce minimum de précautions »

Miller siffla une lente obscénité.

« Bien. Il ressort des documents trouvés à Mdina que ce qui reste du manuscrit a très certainement été caché par le moine à la fin de sa vie, dans son monastère. La mission que nous allons préparer, messieurs, consistera à s’infiltrer dans ce monastère – avec l’aide de Mrs Adler, ici présente – de le retrouver avant notre adversaire, et de le confier à Mrs Adler qui a, nous en avons reçu l'assurance, toutes les compétences nécessaires à sa … neutralisation. Nous sommes bien d’accord sur ce dernier point, Monseigneur ? » Conclut Jensen en s’adressant à chacun des hommes d’église.

Ceux-ci opinèrent, avec une répugnance visible. La jeune femme eut un mince sourire

« Et ce monastère se trouve où ?
- oh, sur les bords du Danube. A Melk. En Autriche » répondit Jensen d’un air affable
« Et notre adversaire, la Wehrmacht toute entière j’imagine ?
- Non, non. Juste un dignitaire nazi et sa faction. Quelqu’un de particulièrement puissant et féru d’occultisme, il est vrai. Le Reichfürher Heinrich Himmler. »
« God help us » gémit Miller. Les ecclésiastiques prirent un air peiné, la jeune femme souriait franchement maintenant. Miller se demanda ce qu’il avait bien pu rater.
_________________
Si on ne croit à rien, surtout si on ne croit à rien, on est obligé de croire aux qualités du coeur quand on les rencontre, ça va de soi.

[requesens]

[Clappique]

[Clappique]

Et un point pour Requesens.

mais les personnages de Corto ne vieillissent pas ...

Au fait, Esther, elle préfigure un peu Zlabya dans le "Chat du Rabbin" non ? Faudra poser la question à Sfarr ...
_________________
Si on ne croit à rien, surtout si on ne croit à rien, on est obligé de croire aux qualités du coeur quand on les rencontre, ça va de soi.

[requesens]

[quote="Clappique"]
Plus loin, un antique instrument à corde – « une viole de gambe » murmura le marin.

Hommage à Jean Pierre Marielle pour "Tous les matins du monde " de J.P Corneau ?


: stat rosa pristina nomine, nomina nuda tenemus [/i]… »
« c’est une histoire de moine amoureux de bouquins et de roses ! »
Et oui, "le nom de la Rose", j'adore le film. Le choix des acteurs est superbe!
_________________
"- Tous les allemands ne sont pas nazis, monsieur !
- Oui, je connais cette théorie, oui."

[Clappique]

[quote="requesens"]