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De l'Agence HAVAS à l'A.F.P. (by Menon-Marec)
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dak69



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MessagePosté le: Ven Jan 30, 2009 11:00    Sujet du message: Répondre en citant

Bonjour

A mon tour d'apporter quelques précisions...

Pour les communications avec les sous-marins en plongée, la problématique avait été abordée en France dès 1917, et on savait que les ondes longues de type "radiodiffusion grandes ondes" ne pouvaient pas être captées.

Seules les ondes très longues (et en morse) peuvent être captées quelques mètres sous l'eau. En France (bien que le sujet soit mal documenté), l'émetteur de Basse-Lande (près de Nantes) était utilisé pour cela avant 1939. (Il resservit d'ailleurs pour la Kriegsmarine OTL avec celui de Sainte-Adresse et d'autres situés en Allemagne à cette fin).

Ensuite, pour l'émetteur de Tipasa, 2000 kW, c'est de trop pour les moyens de l'époque. Allouis "l'émetteur le plus puissant du monde" n'en faisait que 900, et la mise au point avait été très délicate, notamment avec les fameux tubes refroidis à eau. 500 kW me semble plus réaliste dans les délais impartis, et, avec une antenne aussi élaborée qu'à Allouis, la portée devrait suffire. D'autant plus que, même avec 500 kW seulement, les ressources électriques du coin devaient être sérieusement renforcées pour alimenter la station d'émission. (Pour 500 kW "émetteur", il fallait compter environ 2 000 kW "électricité", en se basant sur le ratio d'Allouis qui était là-aussi ce qui se faisait de mieux à l'époque).

Bien amicalement
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Menon-Marec



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MessagePosté le: Ven Jan 30, 2009 18:43    Sujet du message: Répondre en citant

Marci Dak. D'après l'histoire d'Allouis - via Google -, on aurait démarré en 1939 avec deux émetteurs ondes longues de 450 kW et un ondes courtes de 100kW. Donc on peut supposer que Tipasa, vu la distance, est doté dès le départ de quatre 450 kw, ce qui nous donnerait un total de 1 800 kW. Mais est-ce réaliste, et réalisable techniquement en 1940-41?
Amts, ainsi que l'on écrit à l'AFP.
M-M.
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dak69



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MessagePosté le: Ven Jan 30, 2009 21:37    Sujet du message: Répondre en citant

Bonjour

Tout dépend de la technologie disponible. Si celle de la SFR (région parisienne) a pu être sauvée lors du grand déménagement (moyens de fabrication des lampes spéciales refroidies à eau compris), un émetteur de type Allouis réduit de moitié (450 kW) est faisable, avec un plan de doublement à 900 kW. S’il faut se rabattre sur la technologie US, la limite du réalisé à l’époque est à 500 kW, avec des lampes de puissance plus nombreuses et refroidies à air.

L’inconvénient de la technologie US (RCA, GE) est qu’elle est plus coûteuse en électricité (ce qui ne pose pas de problème outre Atlantique, mais ce qui peut en devenir un en Algérie). Et pour 500 kW en techno US, il faut de quoi alimenter 10 000 particuliers avec les standards de consommation « France métropolitaine 1939 ».

Bien amicalement
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Lun Fév 02, 2009 21:47    Sujet du message: Un beau bateau Répondre en citant

Un petit ajout de Menon-Marec...

2 juillet 1940
Casablanca
Le grand paquebot Île-de-France (lancé en 1927, 23 nœuds) entre dans le port avec un chargement d’obus de 75 et de 105 en provenance des arsenaux américains. Il transporte aussi quatre compagnies de marche de l’Infanterie coloniale (l’équivalent d’un gros bataillon). Elles ont été formées d’urgence à la Martinique et en Guadeloupe avec des rappelés, des recrues qui viennent de terminer leurs classes et des mobilisés de fraîche date des classes 19, 20 et 21.
Désarmé à New York depuis l’automne 1939 à côté du Normandie, l’Île-de-France, gloire quelque peu déchue de la French Line, a été réarmé en mars 1940 puis transformé à Marseille en transport de troupes et de matériel. Il assurera désormais la liaison Casablanca - États-Unis et retour, avec des traversées de six jours et demi en moyenne. On a considéré à l’Amirauté qu’il était suffisamment rapide pour échapper aux U-Boots et s’éviter la lenteur de la navigation en convoi.
En principe, il reprendra la mer le 4 juillet, après déchargement et avitaillement. Il n’aura à bord qu’une trentaine de passagers, dont trois ingénieurs et cinq techniciens de la SFR: ils sont chargés d’enseigner à leurs collègues de la General Electric les secrets de la mise au point des lampes radio refroidies à l’eau. Déjà utilisée avec succès à Allouis, ces lampes, dont on confie désormais la fabrication à l’Amérique, devront équiper l’émetteur qui va être édifié à Tipasa, en Algérie.
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loic
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MessagePosté le: Lun Fév 02, 2009 22:25    Sujet du message: Répondre en citant

Tiens, on l'avait oublié celui-là. Je l'ajoute dans le sujet navires.
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Lun Fév 09, 2009 22:21    Sujet du message: aout-septembre-octobre 41 dans la Presse Répondre en citant

Et de qui cette chronique? Mais de Menon-Marec, bien sûr !

4 août 1941
Paris
Le poète Robert Desnos, journaliste au quotidien Aujourd’hui créé par Henri Jeanson, dont le pacifisme doit composer de son mieux avec la censure allemande, déclare à sa femme Youki qu’il est temps d’entrer en Résistance. Surréaliste d’origine mais d’opinions proches du radical-socialisme des Jeunes Turcs, antinazi de toujours, Desnos ne veut plus se contenter de sous-entendus au ixième degré – « mine de rien » dit-il – dans ses articles de critique littéraire. Il entend agir contre les occupants et leurs complices.
Cela ne l’empêche pas, en parallèle, de revenir à la poésie après un long passage par la publicité et le cinéma : Fortunes – bilan, assez désenchanté, des années 30, Le Président Ducono – où il raille Pierre Laval en vers argotiques, Chantefables à chanter sur n’importe quel air pour retrouver du courage, ou bien encore Le Veilleur du Pont-au-Change – qui ne cesse de veiller, tel une vestale, sur la flamme de l’espoir.


10 août 1941
Stroud (Gloucestershire)
Sefton Delmer et Pierre Bourdan réunissent à Hawkwood College la petite équipe des “radios noires” pour fixer définitivement les lignes directrices de leurs programmes. Hawkwood College, établissement d’enseignement de l’anthroposophie réquisitionné depuis mai 1940, offre le secret, la tranquillité et les paysages des Cotswolds dont le calme contraste avec la fièvre qui anime les ruines du centre de Londres. Les réactions remontées d’Allemagne, d’Italie et des pays occupés, par des voies que nul n’oserait même imaginer, de peur que la Gestapo ne sache lire dans les pensées, indiquent que les premiers essais ont trouvé leur public d’entrée de jeu.
En ce qui concerne Der Chef, incarné par Delmer lui-même, les émissions pourront bénéficier d’informations transmises par le MI-6, sans source évidemment, du dépouillement de la Presse allemande reçue en Suisse par les services des ambassades du Royaume-Uni et de France à Berne et, surtout, des rapports d’écoute des radios des unités de la Wehrmacht, des navires de la Kriegsmarine et des groupes de la Luftwaffe : tout n’est pas codé, loin de là. On a pu apprécier, durant la Drôle de Guerre, l’effet démoralisant de ce genre de renseignements dans la bouche de Lord Haw-Haw ou de Ferdonnet, “le traître de radio Stuttgart”, qui donnent quelque consistance au mythe de la trahison. Der Chef va, plus que jamais, poser au nazi fanatique, désolé de voir le Führer mal entouré par une bande de profiteurs et mal conseillé par une clique d’incapables. Bourdan ne saura jamais si Delmer a lu les œuvres du général de Gaulle, mais il constate que son alter ego s’efforce – et il ne doute pas de son succès – d’attiser, comme à loisir, “la discorde chez l’ennemi”.
Le tenente-colonello De Natale, lui, jouera sur le velours en exaltant le roi, présenté désormais – pourquoi se gêner ? – comme la nouvelle incarnation du Risorgimento et, du même mouvement, en célébrant les mérites de Badoglio, dont le désaccord avec le Duce est chaque jour davantage porté sur la place publique. Il en serait bruit jusque dans les offices feutrés de la Cité du Vatican, où les uns s’en réjouissent tandis que d’autres s’en inquiètent. Des âmes pieuses s’en font l’écho auprès de qui de droit. De Natale, d’ailleurs, ne manquera jamais de rappeler les Italiens aux exigences de leur catholicisme originel mis à mal par le fascisme, « ce qui ne mange pas de pain » commente Bourdan. Par contre, le tenente-colonello tirera à boulets rouges sur le Duce lui-même, « questo facchino e poltrone », dont la popularité s’effrite désormais à proportion des revers essuyés par les forces armées de l’Italie sur terre, sur mer et dans les airs. Il cogne aussi sur la camarilla qui l’entoure, mais pas au-delà : Delmer et Bourdan jugent de bonne politique de ne pas paraître vouloir exclure du jeu politique de l’avenir la quasi totalité des fascistes.


12 août 1941
Paris
06h30 – Jean Fontenoy embarque à Villacoublay dans un Ju-52 de la Luftwaffe pour un vol à destination d’Ulm. Il doit y rencontrer ses deux accompagnateurs, le Sonderführer Alfons Schöttle, wurtembergeois mielleux, et Hans-Peter Lüchs, photographe de Signal, nazi grand teint mais talentueux. C’est la première étape du voyage vers le front de Grèce pour lequel il a reçu son visa le 8.
10h30 – Otto Abetz, qui s’apprête à prendre deux semaines de vacances chez lui, en Forêt-Noire, appelle Gabriel Jeantet au téléphone pour lui annoncer une bonne nouvelle. Le Propagandaministerium a estimé qu’Havas-OFI pouvait dorénavant recevoir le service de l’agence italienne Stefani pour donner un peu plus de variété à ses nouvelles de l’Étranger. Jeantet soupire. Il ne lui reste plus qu’à recruter une équipe de journalistes italophones, ce qui ne sera pas facile dans le Paris de l’été 1941.
Abetz ajoute que Josef Goebbels a demandé un rapport technique sur l’éventualité de la réception par Havas-OFI du service de l’agence espagnole EFE par radio, destiné d’abord à l’Amérique latine – où il paraît assez peu prisé, pour cause de franquisme impénitent, sauf en Argentine. « Si le rapport est positif, affirme-t-il, je suis sûr que notre ministre vous permettra aussi d’utiliser EFE. » Gabriel Jeantet le remercie en grimaçant et griffonne sur son bloc-notes : « Chercher urgence rédacteurs hispanophones – en plus. »


15 août 1941
Athènes
Jean Fontenoy, qui a conservé les habitudes de l’avant-guerre, découvre les limites de la liberté de la Presse selon le IIIe Reich. Au moment où il s’apprête à demander la liaison téléphonique avec Paris pour transmettre sa première dépêche, le Sonderführer Schöttle, l’air menaçant, s’interpose et lui déclare tout de go qu’il n’est autorisé à écrire qu’un reportage sur l’ensemble de son séjour. Ce texte sera soumis à la censure allemande avant d’être envoyé à la place de la Bourse, puis relu, préalablement à toute diffusion, par un expert de la Propaganda Staffel du Bezirk Groß Paris (Zone [ou circonscription] du Grand Paris). Fasciste depuis la fin des années Vingt après être passé par le PCF, aujourd’hui ténor du PPF mais non dépourvu de lucidité, Fontenoy note son désenchantement dans le carnet de moleskine qui ne le quitte jamais : « La Presse pourrie de la Troisième offrait, je dois le reconnaître, quelques avantages du point de vue de l’aisance de plume. »


20 août 1941
Alger
20h15 – Pour la première fois, au beau milieu de la diffusion des Français parlent aux Français, la voix de Jean Oberlé s’élève pour annoncer : « Et voici maintenant quelques messages personnels ». Les auditeurs interloqués l’entendent lancer un inattendu « Hermione aura le béguin pour Pyrrhus » (parfaitement racinien toutefois), suivi d’un « La lune se couchera de bonne heure mercredi » (ce que l’almanach des PTT ne confirme pas) puis d’un « Papa a fumé sa pipe, trois fois » (l’époque ne connaissait pas de consignes anti-tabac). Chacune de ces phrases est aussitôt répétée, pour de meilleures chances que le message parvienne à son destinataire en dépit du brouillage continu en fond sonore.
Il ne faudra pas longtemps pour que tout le monde comprenne, à commencer par les Allemands et les Italiens, que ces “messages personnels”, indéchiffrables sauf cas de trahison, puisqu’il ne sont précisément pas chiffrés, s’adressent à ceux qui luttent, dans la clandestinité, contre l’Occupant.


30 août 1941
Alger
Arrivée d’Aldo Fenestrellino par le vol Londres-Alger de la BOAC. Les émissions d’Italia Libre Uno seront diffusées chaque jour, à partir du 1er septembre, par l’émetteur ondes courtes de Tipasa sur quatre fréquences différentes, entre 19h30 et 20h00. Pour assurer le secret, ce qui n’est pas simple dans un ville qui bruit de rumeurs du matin au soir et (surtout) du soir au matin, un studio particulier a été aménagé sur les hauteurs d’Alger, dans une villa anonyme, au départ du ravin de la Femme Sauvage. Ne le connaîtront que Bourdan, Fenestrellino et leurs cinq ou six techniciens.


4 septembre 1941
Londres
Der Chef, très en verve, s’en prend à la Luftwaffe en général – mais en particulier à Goering et à Kesselring - qui essuie au dessus de la Grèce des pertes terribles sans parvenir à obtenir des résultats décisifs. Décidé plus que jamais à attiser “la discorde chez l’ennemi”, Sefton Delmer affirme que le Führer est « sehr enttäuscht » par ses aviateurs, pour lesquels il a tant fait depuis l’avènement du régime en 1933. Puis il ajoute : « Glücklicherweise gibt es aber für Deutschland die Kriegsmarine, besonders die U-Boote, die Ihr, heute sowie gestern, nie enttäuscht haben. »


6 septembre 1941
Paris
Havas-OFI diffuse dans la matinée les huit feuillets du reportage de Jean Fontenoy sur le front de Grèce. La Propaganda Staffel a exigé la suppression de tous ses paragraphes sur la Luftwaffe. On a estimé que Fontenoy, très informé de ce qui touche à l’aviation , donnait, sans le vouloir peut-être, des informations précieuses à l’ennemi.


11 septembre 1941
Alger
La plupart des journaux reprennent un interview accordée par l’amiral Decoux à Havas Libre. S’il s’efforce de faire preuve d’optimisme à long terme, l’amiral reconnaît qu’il n’est guère enthousiasmé par les perspectives qui se dessinent à court terme pour l’Indochine. « Au cours de ces derniers mois, nous avons passé des heures difficiles, déclare-t-il. Et je ne me cache pas, pas plus que je ne le dissimule aux colons comme aux indigènes, que des moments plus pénibles encore nous attendent. » Dans les milieux dits autorisés de la capitale provisoire, particulièrement dans les cercles proches d’Édouard Daladier, on estime qu’il s’agit là de préparer l’opinion à de futurs revers, puisqu’il apparaît utopique de défendre l’Indochine par-delà l’indispensable baroud d’honneur.


18 septembre 1941
Paris
Pour la première fois, l’éditorial de Défense de la France est signé de son rédacteur en chef, Indomitus . En dehors de l’équipe de la feuille clandestine, personne, pas même le 2e Bureau, ne sait quel journaliste ou quel universitaire se cache derrière ce pseudonyme romain. Indomitus, en tout état de cause, insiste sur la différence de son journal avec la plupart de ses confrères. S’il se rallie au gouvernement d’Alger, dont il souligne, à la fois, la légitimité et la légalité face à “l’autorité de fait” – il reprend la formule consacrée par Jean Zay – il n’en insiste pas moins sur la légitimité « propre aux mouvements et aux réseaux », dit-il, qui, en Métropole, ont poursuivi à leur manière la lutte contre les occupants. C’est la première fois que le mot “réseau”, issu semble-t-il du glossaire de… la Cagoule, est employé publiquement au sens de “groupe d’hommes et de femmes qui combattent les occupants dans la clandestinité”. Jusque-là, il était réservé aux responsables et aux agents des services spéciaux. Au sein du gouvernement, quelques voix s’inquiètent de ce qui apparaît déjà comme l’amorce d’une concurrence, sinon d’un conflit, de légitimité.


22 septembre 1941
Alger
Sollicité officieusement par Jean Zay au mois de juillet, Hubert Beuve-Méry lui remet un projet de création d’un quotidien “de référence”. Ce texte très détaillé comporte un schéma rédactionnel, y compris une esquisse de mise en pages et un chemin de fer, un calendrier de lancement, un budget prévisionnel sur deux années et des propositions pour les principaux postes de la rédaction et pour les correspondants à l’Étranger. Beuve-Méry souligne, non sans un sourire, qu’il suggère de passer de la catégorie de la durée, qui était celle du Temps, à celle de l’espace : il prévoit que ce nouveau journal devrait adopter pour titre Le Monde. Il n’en est pas moins vrai qu’il y aura, par la volonté même de Beuve-Méry et pour répondre au souhait du gouvernement, plus d’une ressemblance entre l’ancien et le nouveau.
Pour la surprise de Beuve-Méry, Jean Zay lui déclare que la décision du gouvernement est prise et les crédits nécessaires déjà ordonnancés par le ministère des Finances sur un compte ouvert à son nom à la Banque de France. Il peut donc se considérer, à dater du 1er octobre, comme le directeur en titre du Monde et entreprendre ses recrutements. À charge pour lui de se mettre en mesure de sortir le premier numéro dès la deuxième semaine de janvier 1942 !
« C’est entre nous, bien entendu, précise Jean Zay, et cela doit rester entre nous jusqu’à la mi-octobre au moins. » Beuve-Méry, qui n’a rien d’un naïf, feint de s’étonner : « Pourquoi cela, monsieur le ministre ? » Le sourire de Zay pourrait le dispenser de répondre, mais il tient à mettre les points sur les i : « Mon cher, disons qu’il y a, au sein même du Gouvernement, des personnalités… même entre nous, inutile de les nommer… qui pourraient prendre ombrage de la nomination d’un antimunichois tel que vous à un poste aussi prestigieux que stratégique. Ne les excitons pas trop tôt. »


30 septembre 1941
Paris
Le service international de l’agence Stefani est enfin reçu place de la Bourse.
Malgré la bonne volonté des Italiens, à laquelle peu de gens s’attendaient, il a été difficile d’installer une liaison directe Rome-Paris, en raison des nombreuses coupures dues à la guerre, qui sont loin d’avoir été toutes réparées. Les PTT français n’ont pas manqué de faire valoir qu’obéissant aux consignes du gouvernement du NEF, ils se sont préoccupés d’abord de rétablir les réseaux de communication télégraphiques et téléphoniques intérieurs (nul n’a jugé bon d’ajouter que les ingénieurs, techniciens et ouvriers, obéissant aux consignes du gouvernement d’Alger, se sont consacré à leur tâche avec une sage lenteur). Finalement, il a fallu obtenir des PTT helvétiques l’autorisation de brancher en Suisse une bretelle Berne-Bâle-Mulhouse-Nancy-Reims-Paris sur la ligne Rome-Berne via Florence, Milan, Domodossola, Lugano, Andermatt et Interlaken .
Le passage par l’Alsace annexée a satisfait les Allemands, qui se réservent in petto le droit de censurer à la volée les nouvelles émises par leurs alliés : l’Axe, affirme-t-on sans ambages à Berlin, sera d’autant plus solide que l’on veillera, du côté allemand, à protéger les Italiens de la tentation d’un coup de canif dans le contrat. Mais une liaison aussi complexe, utilisant autant de relais, est comme une invitation à la panne, si bien qu’Havas-OFI devra en règle générale demander à Stefani la répétition d’une dépêche sur quatre.


6 octobre 1941
Alger
La censure laisse sortir un papier d’éclairage du bureau d’Associated Press qui, sous couvert d’une revue de Presse, démontre que les autorités françaises ont entrepris de préparer l’opinion à une dégradation de la situation dans le sud-est asiatique, voire peut-être, est-il écrit sans fard, « à la perte de l’Indochine ». Très vite répercuté par New York, ce papier sera repris, via Havas Libre, par la plupart des journaux publiés en Afrique du Nord. Cependant, une D-notice du ministre de l’Information, Brendan Bracken , en interdira, sous prétexte de défense des intérêts nationaux, la diffusion en Grande Bretagne. Il faudra qu’une dépêche du bureau d’AP à Londres, utilisant le même procédé, annonce qu’à lire la Presse et à écouter la BBC, le War Cabinet prépare lui aussi les Britanniques à des difficultés en Asie, notamment à Hong Kong et en Malaisie, voire en Birmanie, pour que le Times, le Daily Telegraph et le Manchester Guardian puissent reproduire le papier d’Alger, avec trois jours de retard.


12 octobre 1941
Tokyo
Les autorités japonaises informent le chef correspondant d’Havas Libre, Félix Lobeau, et celui du Temps, Robert Lainguy (qui coexistaient sans difficulté), qu’ils sont privés de leur accréditation et ont à quitter le Japon sous vingt-quatre heures. Leur cabine est retenue sur le paquebot mixte portugais SS Cabo Verde venant de Timor et Macao, en escale à Nagoya, qui doit regagner l’Europe via le canal de Panama. Aucun motif n’est apporté à cette expulsion. Lobeau devra en outre fermer sine die le bureau de son agence, non sans avoir dû verser à ses collaborateurs nippons – deux traducteurs, une secrétaire et trois opérateurs – une indemnité en livres sterling fixée arbitrairement à l’équivalent de onze mois de leur salaire.


15 octobre 1941
Rome
Une note manuscrite de Benito Mussolini à Alessandro Pavolini, titulaire du Ministero della Cultura popolare , dénonce les succès d’audience du tenente-colonnello De Natale. Le Duce exige que, pour riposter à ses attaques, l’EIA (Ente Italiano Audizioni Radiofoniche, Agence Italienne des Diffusions Radiophoniques) se montre à nouveau offensive dans la Guerra delle Onde, la Guerre des Ondes. Mussolini a été exaspéré et même angoissé, dit-on dans les couloirs du Palazzo Venezia, par divers rapports de l’OVRA selon lesquels les mots d’ordre du soi-disant ancien des Alpini se diffusaient dans la population en Lombardie et en Toscane. Pire encore : il apparaît qu’ils ont été repris par l’appareil clandestin du PCI, jamais totalement éliminé et qui, sur l’ordre du Komintern, propose la formation d’un front uni, « sans exclusive », des adversaires des fascistes « par nature ou objectifs », quelles qu’aient pu être, depuis 1922, leur place et leur évolution sur l’éventail politique de la Péninsule.
Le tout-Rome se murmure que le Duce a souffert d’un nouvel accès de ses habituels maux de ventre en découvrant les dernières trouvailles de De Natale : « Con il re, tutto per l’Italia » (Avec le Roi, tout pour l’Italie) et « Grazie, Duce, l’Italia vola a sconfiggere sconfitta » (Merci, Duce, l’Italie vole de défaite en défaite). On ajoute, avec l’accent de pitié qui s’impose quand on parle de la femme du Premier Maréchal de l’Empire, que Donna Rachele a été catastrophée par la plus récente prédiction du tenente-colonnello, habile à toucher au point sensible : « Gli Italiani vanno in paradiso, fascisti sono attesi per l’inferno ». Les Italiens vont au paradis, l’enfer attend les fascistes…


24 octobre 1941
Lyon
Par un câble expédié de Panama, Robert Lainguy informe la direction du Temps de sa démission. Il ajoute qu’il entend rejoindre Alger et « y prendre enfin sa part du combat contre les Occupants ». Donnant dans la dérision, il précise qu’il s’abstient pour l’instant de demander que ses notes de frais lui soient remboursées : « Je ne vous les présenterai qu’après la victoire, mais vous aurez à les payer comme le reste ».


27 octobre
Londres
Pour varier ses angles d’attaque, der Chef, toujours paladin du Führer, s’attaque aux Gauleiter, personnages en général peu populaires, tenus souvent par la population pour des satrapes et qui, affirme-t-il, « nur an dem Maul und dem Bauch denken » – ne pensent qu’à leur gueule et à leur ventre. Il les accuse aussi de ne pas obéir aux ordres de Berlin et de saboter l’effort de guerre.


1er novembre 1941
Alger
Hubert Beuve-Méry dépose au tribunal de Commerce les statuts du Monde. D’accord avec Jean Zay, c’est la formule d’une SARL, au capital “entièrement versé” de 200 000 francs, qui a été retenue. Les statuts ne précisent pas que le Monde, outre qu’il bénéficiera de tous les avantages prévus pour les journaux nationaux, recevra du ministère de l’Information un fonds de roulement d’un million de francs (sous la forme d’une “avance remboursable” à douze ans), des locaux situés boulevard Laferrière (location à titre gratuit d’un immeuble sous séquestre, assez miteux à la vérité) et, pour un franc symbolique, une allocation de papier suffisante pour les deux premiers mois de fonctionnement.
Le rédacteur en chef, André Chênebenoit – ancien du Temps lui aussi – et Beuve-Méry ont déjà réuni la moitié à peu près de l’effectif de départ. Délibérément, ils ont choisi de mêler quelques grandes plumes, déjà réputées avant la guerre, à de quasi débutants. Le recrutement des correspondants à l’Étranger et dans l’Empire va bon train. Le premier numéro zéro est prévu pour le 7 novembre.
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MessagePosté le: Mar Fév 10, 2009 07:51    Sujet du message: Re: aout-septembre-octobre 41 dans la Presse Répondre en citant

Casus Frankie a écrit:
[...] la Presse allemande reçue en Suisse par les services des ambassades du Royaume-Uni et de France à Berne [...]

J'ignorais que Berne avait maintenu une ambassade pour Alger ? L'Allemagne a du faire pression pour la faire fermer, non ?
Sinon, je suis un peu dubitatif sur le fait d'anticiper la perte de l'Indochine et des colonies britanniques dès septembre 1941. Il y a quand même dans le monde occidental (britannique en particulier), OTL comme FFO, un sentiment de supériorité sur le Japon et ses capacités.
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MessagePosté le: Mar Fév 10, 2009 09:29    Sujet du message: Suisse Répondre en citant

Cette histoire-là reste encore à écrire en OTL (si j'ai le temps, un jour sans pluie...). Mais il faut se souvenir que les Suisses ont la neutralité chatouilleuse lorsque les apparences de la souveraineté sont en cause. On ne conçoit pas Berne - et moins encore le général Guisan et son état-major - céder à une quelconque pression du Reich dans ce domaine.
Je suggère, en première analyse, que nous nous en tenions à l'un de ces compromis savants ("une formule magique" dit-on sur les rives de l'Aar) dont la Confédération semble posséder le secret:
1) une légation de Suisse à Alger, et trois consulats généraux à Alger, Rabat et Tunis
2) une ambassade de France (Alger) à Berne et trois consulats généraux à Genève, Zurich et Lugano
3) deux consulats généraux de Suisse à Paris et Lyon
4) une "représentation commerciale" de France (Paris) à Berne dotée des privilèges et immunités diplomatiques.
Il va de soi que la France (Alger) conserve sa délégation, dont le chef a le rang d'ambassadeur, auprès de la Société des Nations à Genève.
Amts, ainsi que l'on écrit à l'AFP.
M-M.
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MessagePosté le: Mar Fév 10, 2009 09:57    Sujet du message: Re: aout-septembre-octobre 41 dans la Presse Répondre en citant

loic a écrit:
J'ignorais que Berne avait maintenu une ambassade pour Alger ? L'Allemagne a du faire pression pour la faire fermer, non ?


Comme dit M-M, les Suisses tiennent beaucoup aux apparences de neutralité.
Si Dak69 est dans le coin, il devrait pouvoir nous fixer tout à fait sur ce point !

loic a écrit:
Sinon, je suis un peu dubitatif sur le fait d'anticiper la perte de l'Indochine et des colonies britanniques dès septembre 1941. Il y a quand même dans le monde occidental (britannique en particulier), OTL comme FFO, un sentiment de supériorité sur le Japon et ses capacités.


Pour l'Indochine, nous avons déjà vu que les Français savent que ça va mal se passer...
Et pour les Anglais, il ne s'agit que de préparer l'opinion à "des difficultés".
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Casus Frankie

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MessagePosté le: Mar Fév 10, 2009 10:44    Sujet du message: Répondre en citant

Bonjour

Le schéma de Manon-Marec pour la représentation hélvétique est tout à fait réaliste dans le contexte FTL. Personnellement, j'aurais placé la 'mission commerciale' à Genève, et, mais on ne le découvrira qu'après la libération, son rôle essentiel était de mettre à l'abri les copieux profits faits par certains en France occupée.

Bien amicalement
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Fantasque



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MessagePosté le: Mar Fév 10, 2009 11:34    Sujet du message: Répondre en citant

J'approuve quant à la position des Suisses, alors bien plus prudents que ne l'ont été leurs descendants à UBS (qui vient d'annoncer 6 milliards de doolars de pertes supplémentaires pour un total de 43 milliards. UBS = Used to Be Smart...).

Pour les slogans antifascistes de dérision je me souviens de ce que me racontait la branche italienne de ma famille:

ecrire sur une route sinueuse: Irremo Davanti! (nous irons tout droit). J'ai encore vu au début des années 60 une telle inscription sur un mur sur les bords de la route longeant le Lac de Garde..

La carte du parti devient la "carte du Pain" (Tessera del pane)

F
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Menon-Marec



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MessagePosté le: Mar Fév 10, 2009 13:21    Sujet du message: Diplomatie Répondre en citant

Par parenthèse, la formule de la soi-disant "délégation commerciale" avec privilèges et immunités diplomatiques est celle qui a été adoptée depuis des années par de très nombnreux pays (en FTL) pour assurer les relations avec Taiwan. C'est le cas de la France. Le système fonctionne à la satisfaction de tous, y compris de Pékin.
Amts.
M-M.
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Menon-Marec



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MessagePosté le: Mar Fév 10, 2009 16:18    Sujet du message: Erratum Répondre en citant

Bien entendu, c'est en OTL qu'il faut lire. Les vieillards sont sujets... ô vieillesse ennemie... à des fautes d'erreur.
Apologies. M-M.
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patzekiller



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MessagePosté le: Mar Fév 10, 2009 21:20    Sujet du message: Répondre en citant

je suis plutot d'accord, le reich, du moins ses industries, ont besoin de la suisse comme plateforme bancaire
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Benoit XVII



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MessagePosté le: Mer Fév 11, 2009 19:16    Sujet du message: Répondre en citant

J'attends la première réunion de rédaction du Monde, où Beuve-Méry pourra lancer son fameux "Ecrivez emmerdant"...
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