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demolitiondan



Inscrit le: 19 Sep 2016
Messages: 9250
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MessagePosté le: Sam Jan 06, 2018 20:57    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
Il faut qu'ils restent des ombres au loin... dans la grisaille de ce quotidien de fer, de feu et de sang..

Et ainsi dans une prophétie auto-réalisatrice, les priver des clés permettant leurs survies... Que c'est joliment dit pour tant de laideur
_________________
Quand la vérité n’ose pas aller toute nue, la robe qui l’habille le mieux est encore l’humour &
C’est en trichant pour le beau que l’on est artiste
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Anaxagore



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MessagePosté le: Sam Jan 13, 2018 15:22    Sujet du message: Répondre en citant

8 janvier 1943

Dimitri Aksonov détestait les batailles, pour un capitaine de l'Armée Rouge cela pouvait paraître surprenant. Mais, huit mois plus tôt, il était encore étudiant. Alors, le calme qui régnait depuis deux jours le rassérénait quelque peu. Malgré tout, il avait reçu une suite de corvées dont il se serait passé. Dans le trou humide et froid qui lui servait de P.C., il rédigeait des rapports à l'intention du colonel Poulounine et du général Batov, d'autres pour l'intendance : demande de fournitures, évaluation de la consommation de munitions. Une des raisons de la suspension de l'offensive était la difficulté pour ravitailler les troupes de première ligne tout en envoyant simultanément des renforts. Les routes étaient tellement encombrées, et souvent à portée de l'artillerie ennemie, que les obus manquaient.
Dimitri posa un instant son stylo. Combien de temps l'offensive contre Kobleve allait-elle être suspendue ? On continuait à se battre plus au nord, on entendait tonner le canon jusqu'ici. Il haussa les épaules. Ce n'était pas à lui de se préoccuper de choses comme ça.
Le capitaine signa différents documents que le sergent Ieletcheva lui apportait : recommandation pour des décorations et des promotions.
La pile de documents suivante était la dernière... Aksonov avait repoussé son traitement au dernier moment. Le jeune homme demanda à Darya Ieletcheva de le laisser seul. Il posa le premier dossier, une simple fiche tapée à la machine à écrire, avec une photo de mauvaise qualité, d'un soldat trop jeune. Il y avait un large coup de tampon rouge qui se superposait au texte des états de service - si brefs- de ce très jeune homme. Décédé.

Aksonov prit une feuille blanche rechargea son porte-plume à une bouteille.

Camarade Alexandrov,

J'ai le triste devoir de vous informer de la mort de votre fils. Je me doute bien qu'aucun mot que je pourrais dire ne pourra alléger votre peine. Sachez cependant, que le soldat Alexandrov est mort pour protéger l'URSS de la barbarie fasciste et sans doute aussi en pensant vous protéger, vous.
Je vous prie d'accepter mes condoléances, en vous assurant que la mort de votre fils n'a pas été inutile. Nous continuerons le combat jusqu'à ce plus aucun enfant de l'URSS n'ait à mourir pour défendre la mère patrie.

Capitaine Dimitri Ivanovitch Aksonov.

Il se demanda un instant ce qu'il pouvait rajouter... rien... la mère lirait probablement la première ligne et s'effondrerait en associant les deux mots "mort" et "fils"... elle ne lirait probablement pas la suite. Dimitri grinça les dents et compta les feuilles... autant de dossiers... autant de mort... cinquante-sept. Et il y avait ceux qui étaient emmené à l'arrière, assommés de médicaments et qui mourraient avant, pendant ou après l'opération sensée les sauver. Au moins eux, ils n'étaient déjà plus à sa charge.
Aksonov repoussa la première lettre dans le coin gauche de son bureau et posa une nouvelle feuille blanche sur son sous-main.
_________________
Ecoutez mon conseil : mariez-vous.
Si vous épousez une femme belle et douce, vous serez heureux... sinon, vous deviendrez un excellent philosophe.


Dernière édition par Anaxagore le Sam Jan 13, 2018 16:00; édité 1 fois
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Imberator



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MessagePosté le: Sam Jan 13, 2018 15:49    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
Il se demanda un instant ce qu'il pouvait rajouter... rien... la mère lirait probablement la première ligne et s'effondrerait en associant les deux morts "mort" et "fils"...

_________________
Point ne feras de machine à l'esprit de l'homme semblable !
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Anaxagore



Inscrit le: 02 Aoû 2010
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MessagePosté le: Sam Jan 13, 2018 16:00    Sujet du message: Répondre en citant

Là c'est clairement une trop grande obnubilation de l'auteur ...
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Anaxagore



Inscrit le: 02 Aoû 2010
Messages: 9994

MessagePosté le: Sam Jan 20, 2018 15:44    Sujet du message: Répondre en citant

9 janvier 1943

L'offensive sur Kobleve était toujours "suspendue". Pour l'heure aucune annonce n'avait été faite quant à la reprise où l'abandon de celle-ci. Aksonov n'avait pas laissé les soldats soviétiques inoccupés. Il n'y avait rien de pire que trop de temps pour réfléchir entre deux batailles. Les hommes avaient œuvré avec leurs pelles pour transformer les trous individuels en véritable réseau de tranchées, avec des créneaux pour les mitrailleuses DP, des positions de mortiers entourées de sacs de sable, des postes d'observations abrités, et un QG étendu.
Les travaux s'effectuaient à portée de l'artillerie régimentaire roumaine et de temps en temps quelques obus tombaient sur leurs lignes. Les soviétiques ripostaient de la même façon. C'était les seuls combats, si on excluait les coups de feu qui claquaient de temps en temps lorsque patrouilles et avant-postes des deux camps se retrouvaient à portée les uns des autres. On pouvait dire qu'il s'agissait d'un calme complet, comparativement à d'autres zones du front.
Le bruit d'un nombre importants de moteurs fit sortir Aksonov de son Q.G. Des camions frappés de l'étoile rouge longeaient la rivière, venus du nord. Ils devaient bien être à deux kilomètres derrière leur position. Atteignant la route qui conduisait à Nicholaiëv, ils s'immobilisèrent. Dans ses jumelles, le jeune capitaine vit des hommes descendre du camion de tête pour parler aux autres conducteurs de la colonne.
D'autres véhicules continuaient à arriver. Des camions GAZ - variante soviétique sous License du camion Chevrolet - mais aussi des tatchanka (1). Un AX4 GAZ (2) se détacha de la queue de la formation pour se diriger vers eux.
L'officier au côté du conducteur, salua Aksonov.
- Je suis le capitaine Lvov, de la 127 DI, camarade.
- Camarade Lvov, je suis le capitaine Aksonov. En quoi puis-je vous aider ?
- Avez-vous du personnel médical ? Des fournitures : pansements, médicaments dont vous pouvez vous passer ?
- Pour combien de blessés ?
Lvov voulut répondre, mais se secoua la tête après un instant d'incertitude.
- Je crois qu'il vaut mieux que vous veniez avec moi et que vous voyiez par vous-même.
Ce fut au tour d'Aksonov d'hésiter, il balaya du regard ses soldats.
- Sergent Ieletcheva, venez avec moi, deux paires d'yeux sont mieux qu'une.
- A vos ordres camarade capitaine.
Dimitri Aksonov connaissait Daria Ieletcheva depuis assez longtemps... enfin six mois... moins en fait... très longtemps pour cette guerre ! ... enfin il la connaissait assez pour savoir que la mission lui répugnait. L'hésitation de Lvov en disait long. Ils allaient devoir faire face à quelque chose d'horrible, une fois de plus.
Ce fut en silence que le 4X4 GAZ les conduisit aux camions arrêtés sur la route. Lvov sauta au sol et souleva la bâche du plus proche véhicule... l'odeur de décomposition suffisait. Avec un hoquet de dégoût, Aksonov découvrit des hommes effondrés les uns sur les autres. Pas des Soviétiques, des Roumains !
Lvov se mit à parler à toute vitesse.
- On est tombé sur eux hier, un hôpital de campagne abandonné au cours de la débâcle des Roumains. Les médecins ont pris la fuite avec les blessés les plus valides, abandonnant... je ne sais pas on a remplis cinq camions et autant de tatchanka. Peut-être cent cinquante blessés. La plupart sont amputés d'une ou deux jambes. Ils ne sont pas partis parce qu'ils ne pouvaient pas marcher. Ils n'ont pas reçu de soins, ni même mangé depuis quatre jours. J'ai reçu l'ordre de les évacuer vers Nicholaiëv, mais combien arriveront vivant ?
- Calmez-vous, camarade Lvov, nous allons vous aider. Ramenez-moi à mon Q.G.
Assis sur la banquette arrière du 4X4, Dimitri regarda Daria, elle avait une expression étrange.
- Ils font pitié, camarade Ieletcheva ?
A sa plus grande surprise, cette dernière secoua la tête.
- Je n'ai pas de pitié pour eux.
- Vous les haïssez ?
- Pas eux... pas les blessés. Non, j'espère qu'ils survivront. Mais ce n'est pas de la pitié. Ils nous ont traités comme... des animaux nuisibles. Alors je souhaite qu'ils soient soignés, bien traités et rentrent chez eux. Et vous savez pourquoi, camarade capitaine ?
- Non.
La voix de Daria tremblait de colère lorsqu'elle reprit la parole. Et il y avait des larmes dans ses yeux. Pas une d'entre elle n'était gâchée sur les blessés roumains... elle revivait les derniers jours d'Odessa, le massacre des Juifs et des commissaires politiques, exécutés à la mitrailleuse dans les rues.
- Je ne suis pas éduquée comme vous, Dimitri. Je suis juste une ouvrière du kolkhoze de Nove. Mais je sais quelque chose du plus profond de mon cœur. On est meilleur que quelqu'un quand on le traite mieux que lui ne vous traite. Je veux qu'ils vivent. Je veux qu'ils rentrent chez eux. Qu'ils retrouvent leurs familles. Et qu'ils leur disent : " Ces Soviétiques que nous avons massacré comme des animaux, nous ont soigné et traité humainement." Ce jour là, Dimitri, nous aurons vraiment gagné.


(1) Version hippomobile et rudimentaire de l'automitrailleuse
(2) Construite sous licence par GAZ, Il s'agit d'une version soviétique de la célèbre jeep. Elle n'a pas la fiabilité mécanique de l'original. Le problème vient des finitions (utilisation de pièces de métal plus minces, dans des alliages moins solides).
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Dernière édition par Anaxagore le Sam Jan 20, 2018 22:37; édité 4 fois
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Dronne



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MessagePosté le: Sam Jan 20, 2018 16:03    Sujet du message: Répondre en citant

Anaxagore a écrit:
transformer les trous individuels en véritable réseau de tranchées



Anaxagore a écrit:
des positions de mortiers entourées de sacs de sable

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Cinq fruits et légumes par jour, ils me font marrer! Moi, à la troisième pastèque, je cale..
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Anaxagore



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MessagePosté le: Sam Jan 20, 2018 16:13    Sujet du message: Répondre en citant

Merci.
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Dronne



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MessagePosté le: Sam Jan 20, 2018 16:30    Sujet du message: Répondre en citant

Не за что
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Capu Rossu



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MessagePosté le: Sam Jan 20, 2018 17:28    Sujet du message: Répondre en citant

Bonsoir,

Citation:
Je suis le capitaine Lvov, de la 127ème DI, camarade


Si tu as voulu parler d'une division d'infanterie bien sûr.

@+
Alain
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Anaxagore



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MessagePosté le: Sam Jan 20, 2018 20:50    Sujet du message: Répondre en citant

Oui , c'est la division qui juste plus au nord.
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DMZ



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MessagePosté le: Sam Jan 20, 2018 21:50    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
Le bruit d'un nombre importants de moteurs fit sortir Aksonov de son Q.G. des camions frappés de l'étoile rouge longeaient la rivière venus du nord. Ils devaient bien être à deux kilomètres derrière leur position.

Un point-virgule après Q. G. peut-être ?
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« Vi offro fame, sete, marce forzate, battaglia e morte. » « Je vous offre la faim, la soif, la marche forcée, la bataille et la mort. » Giuseppe Garibaldi
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Anaxagore



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MessagePosté le: Sam Jan 20, 2018 22:34    Sujet du message: Répondre en citant

Plutôt une majuscule.
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Anaxagore



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MessagePosté le: Dim Jan 28, 2018 13:38    Sujet du message: Répondre en citant

10 janvier 1943

La matinée était étrangement calme. Dimitri posa un instant ses jumelles pour se frotter les yeux... trop de nuits à veiller, pas assez de sommeil ni de nourriture. Il se sentait épuisé. Rien ne bougeait sur la ligne de front, aussi loin qu'il pouvait le voir. On n'entendait même pas le canon.
- Du thé, camarade capitaine.
Dimitri Aksonov jeta un regard à celle qui l'interpellait, chaudement vêtue d'une veste matelassée, gantée, Daria Ieletcheva se tenait debout au milieu de la tranchée gelée, la buée sortait au rythme de sa respiration. Il faisait vraiment froid. Le réaliser lui tira un frisson qui se termina sur un claquement de dent.
- Merci, camarade sergent.
Il prit le quart métallique des mains de la jeune femme, jouissant de la chaleur qui se communiquait aux travers de ses gants. Le thé était bouillant, ce qui cachait son manque de goût. Il faut dire qu'un samovar installé dans un bunker le produisait en continu pour réchauffer les sentinelles qui jalonnaient les défenses soviétiques. Le reste des soldats, ceux qui n'étaient pas de corvée, se terrait dans les abris, se calfeutrant contre le froid.
Le bruit de crécelle du téléphone retentit, étouffé par la terre et le bois qui protégeait le PC de l'artillerie fasciste. Quelques instants plus tard, la tête du caporal Trifonov émergea à l'air libre.
- Camarade capitaine, le camarade colonel est en ligne.
- J'arrive.
Le temps de s'engouffrer dans l'abri et de prendre le combiné des mains du caporal et la voix du colonel Poulounine - assourdie par la mauvaise qualité de la ligne- retentit à son oreille.
- Camarade Aksonov ?
- À vos ordres, camarade colonel.
- Quelle est la situation à Kobleve ?
- Aucun mouvement ennemi, camarade colonel.
Il y eut un silence.
- Bien. J'ai de nouveaux ordres pour vous. L'offensive Uranus est suspendue. Continuez les travaux commencés pour sécuriser vos positions. Surveillez l'ennemi. J'attends un rapport concernant la manière dont votre unité s'est battue. Vos devrez également faire l'état de vos stocks : vivres, armes et munitions. Chiffrez vos pertes humaines.
- À vos ordres, camarade colonel.
- Très bien, je veux cela sur mon bureau dès demain.
Sans un mot de politesse Poulonine raccrocha et Dimitri resta quelques secondes le téléphone au creux de l'oreille avant de l'imiter. Encore du travail de petit épicier en perspective. Il fallait justifier chaque balle tirée, ou presque. Et bien sûr, il était impossible de faire correspondre ce qui était sensé être sorti avec ce qui restait en réserve. Il y avait toujours des caisses entières qui semblaient disparaître sans que personne ne se rappelle les avoir utilisé...
Aksonov jeta un regard dégoûté à la planche de bois qu'il appelait pompeusement "son bureau" tant de paperasserie s'y entassaient déjà. Il était sur le point de commencer le travail que lui avait demandé le colonel Poulounine lorsque Daria souleva la couverture qui servait de coupe-vent.
- Camarade capitaine, vous devriez venir.
Le sergent Daria Ieletcheva avait sa tête des mauvais jours. Reboutonnant sa veste et recoiffant sa chapka, il la suivit dans le dédale des tranchées pendant qu'elle expliquait la situation.
- Ils sont venus de la route, surtout des vieilles femmes. Ce sont des villageois venus de hameaux rasés par les Allemands au cours de leur retraite. Ils sont bien soixante, et ils meurent de faim. Que fait-on d'eux ?
C'était la bonne question. Que peut-on faire d'eux ?
Suivant le sergent, Dimitri Aksonov arriva à l'arrière des tranchées. Une dizaine de ses hommes s'étaient attroupés, occupés à repousser un groupe qui cherchait à entrer. La scène avait quelque chose de surréaliste. D'un coup d'œil, le capitaine confirma ce qui avait dit Daria Ieletcheva. Ces silhouettes courbées par l'âge, ces châles noirs et ces fichus appartenaient à des babas (1). Elles assiégeaient littéralement les jeunes soldats, profondément mal à l'aise :
- ... ils ont complètement rasé le village, n'en laissant que la terre nue. Ils ont tué les hommes ou les ont emportés... et les jeunes femmes... ce que mes yeux ont vu, Dieu. Les Allemands ont pris nos chevaux, ils ont tué nos chiens. Nous sommes partis nous réfugier dans la forêt. Mais la guerre avait fait fuir les animaux. Il n'y avait même pas un oiseau dans les arbres ! Qu'avons-nous mangé ? Des chats... eux aussi chassés de leurs foyers. Voilà tout ce que nous avons mangé. Nous avons faim ! Nous avons froid. Il ne reste plus que des vieilles femmes, de vieux hommes et quelques enfants... tout ce qui a survécu dans les villages.
- Sergent Ieletcheva. Distribuez-leur des vivres, donnez-leur des couvertures et...
- Camarade capitaine ?
- Dites-leur de marcher jusqu'à Nicholaïev ! On ne peut rien de plus pour eux.
Dans cette guerre, Dimitri Ivanovitch Aksonov faisait face à une horreur après l'autre. Et ce qu'il pouvait faire... si peu ! Ces vieillards pourraient-ils marcher trente kilomètres jusqu'à la ville ? Par ce froid ? Il grimaça... Et surtout, comment allait-il pouvoir justifier de la disparition de vivres et de couvertures ? Sa dernière réflexion lui fit secouer la tête. Il s'inquiétait de ça, dans une telle situation ? On s'habituait à tout et l'homme restait égoïste. Bah, il trouverait une explication. Il n'allait pas être envoyé au goulag pour avoir perdu quelques caisses de vivres... enfin, il fallait l'espérer.

(1) grand-mère, en russe.
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Dernière édition par Anaxagore le Dim Jan 28, 2018 20:16; édité 2 fois
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solarien



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MessagePosté le: Dim Jan 28, 2018 16:36    Sujet du message: Répondre en citant

Jolie texte.

Par contre, plutôt que matière, ce ne serai pas manière ??

Code:
J'attends un rapport concernant la matière dont votre unité s'est battue.
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Anaxagore



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Messages: 9994

MessagePosté le: Dim Jan 28, 2018 16:45    Sujet du message: Répondre en citant

euh... je plaide pour la faute de frappe et le correcteur orthographique dépourvu de sensibilité !
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