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Opération Tortues Ninja, par Colonel Gaunt
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Mar Oct 09, 2018 09:34    Sujet du message: Opération Tortues Ninja, par Colonel Gaunt Répondre en citant

Colonel Gaunt m'a envoyé ce texte et quand j'ai commencé à le lire, je me suis dit "Il n'a pas osé…" et puis si, il a osé. 8)
Je préviens d'abord le lecteur : il n'y a que deux épisodes (aujourd'hui et demain). Si vous voulez la suite, il faudra le dire très haut !

_________________
Casus Frankie

"Si l'on n'était pas frivole, la plupart des gens se pendraient" (Voltaire)


Dernière édition par Casus Frankie le Mar Oct 09, 2018 10:47; édité 1 fois
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demolitiondan



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MessagePosté le: Mar Oct 09, 2018 09:39    Sujet du message: Répondre en citant

Ca a l'air intéressant mais ... normal qu'il n'y ait pas de textes ??? Laughing
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Quand la vérité n’ose pas aller toute nue, la robe qui l’habille le mieux est encore l’humour &
C’est en trichant pour le beau que l’on est artiste
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Colonel Gaunt



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MessagePosté le: Mar Oct 09, 2018 09:40    Sujet du message: Répondre en citant

La suite je bosse dessus, je bosse dessus !
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Finen



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MessagePosté le: Mar Oct 09, 2018 09:44    Sujet du message: Répondre en citant

Faut-il délivrer un bref pour que ce texte (pas si bref espérons nous) sorte au grand jour tel les navires bretons de leurs ports?

Wink
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Mar Oct 09, 2018 09:45    Sujet du message: Répondre en citant

21 février 1944
Des bactéries et des tortues
Dien-Bien-Phu
– La guerre en Europe prenait bonne tournure. La libération de la Métropole avait commencé, on allait pouvoir se préoccuper des autres territoires sous occupation étrangère. Sainteny pouvait presque pousser un soupir de soulagement, les dernières nouvelles parvenues d’Alger… non, de Marseille, à présent… faisaient état d’un substantiel renfort militaire et logistique pour soutenir les armes françaises en Indochine. Pas avant l’été, certes (enfin, l’été en Métropole), mais le général Charles Mast et son état-major travaillaient déjà sur des projets d’offensives.
Il fallait montrer que la France n’avait pas oublié ses possessions d’Extrême-Orient et signaler discrètement aux forces de l’Oncle Ho que le drapeau tricolore ne quitterait pas l’Indochine dans n’importe quelle condition. Le Président du Conseil, Charles de Gaulle, avait été très clair dans le mémo reçu par Sainteny : en résumé, l’autonomie, bien sûr (De Gaulle n’employait pas les termes Home Rule), l’indépendance, inévitablement par la suite, mais la chienlit, non ! Sainteny avait trouvé (par quel miracle ?) un dictionnaire donnant la définition du mot chienlit et l’avait précieusement notée.
………
Comme d’habitude, la base Epervier fourmillait d’activité. Les équipes de Giap s’activaient avec acharnement et les Caterpillar étaient de sortie pour agrandir encore l’aérodrome, qui débordait à présent de la célèbre cuvette. Il fallait aussi construire de nouvelles alvéoles de protection : Dien-Bien-Phu allait accueillir à titre permanent les B-25 d’un Groupe de Bombardement de la 62e EB.
Le nouveau commandant du groupe, le commandant Nguyen Van Hinh, venait juste d’arriver d’Alger pour superviser les travaux d’aménagement. Quand Sainteny avait appris son nom, il n’avait pu réprimer un sourire. Comme la France avait changé en si peu de temps : le fils d’un dignitaire vietnamien commandait tout un groupe de l’Armée de l’Air, on disait même qu’il deviendrait sous peu lieutenant-colonel et qu’il prendrait le commandement de toute la 62e EB. Sans doute, on murmurait qu’il devait cette promotion à des amitiés ministérielles bien placées, mais quand on creusait un peu, on s’apercevait qu’il devait cette amitié à ses mérites d’officier et d’aviateur…
Il avait belle allure, l’ancien équipier du ministre des Finances (et capitaine de l’Armée de l’Air) Pierre Mendès-France. Les nombreuses médailles alliées ornant son uniforme bleu nuit galonné avaient fait forte impression parmi les troupes indochinoises. Légion d’Honneur, Croix de Guerre, deux Distinguished Flying Cross (une du Royaume-Uni, l’autre des Etats-Unis) ! Nguyen Van Hinh s’était d’abord illustré sur Consolidated-32 Libérateur (selon les documents officiels de l’Armée de l’Air, qui ne parlaient jamais de B-24 Liberator). Puis il était passés sur Mitchell (nom que les bureaux de l’AdA avaient renoncé à traduire…), pour rompre, paraît-il, avec la monotonie des missions sur quadrimoteur. Un beau jour, son groupe, avait assailli un bataillon blindé SS cantonné dans un village italien. Travaillant d’une façon qui aurait mieux convenu à des monomoteurs, au mépris de la flak, il avait mené ses avions (et ses hommes) en rase-mottes pour délivrer son chargement avec précision et épargner la partie du village encore habitée. Après l’attaque, selon les renseignements transmis par les partisans italiens, le bataillon n’avait plus que deux Panzer IV opérationnels… et il n’y avait pas un seul mort civil.
Le général Giap n’avait pas fait mystère de sa satisfaction à l’annonce de l’arrivée de l’aviateur. Sainteny le soupçonnait de lui faire déjà des avances pour que, famille bourgeoise ou pas, il mette après la guerre ses compétences au service de la future force aérienne du Vietnam.
………
Pourquoi le général Giap lui avait-il demandé un entretien et pourquoi avait-il sa tête des mauvais jours ? Sainteny s’en était aperçu dès l’entrée de l’ex-prof d’Histoire dans son bureau. Rompu aux usages de l’Orient extrême, Sainteny avait déjà fait mettre à bouillir de l’eau pour le thé.
– Ah, cher ami, j’aimerais votre avis sur ce thé, un Darjeeling des plus réputés selon nos amis britanniques, qui m’en ont fait tenir une boîte par le DC-3 d’hier au nom de l’alliance de nos deux pays.
Giap accepta avec grâce la tasse de thé qui lui était offerte et apprécia le moment de détente que lui offrait l’observation de volutes de vapeur s’élevant du liquide ambré. Sainteny s’assit et attendit – à l’asiatique – que Giap prenne la parole.
Après quelques instants de réflexion, le Vietnamien s’adressa enfin à son interlocuteur : « Hé bien, M. Sainteny, nous sommes devant une affaire potentiellement explosive, et même plusieurs. Avec la tournure que prend la guerre, certains soutiens de l’autre camp ont commencé à réfléchir sur leur… choix de carrière et se disent qu’il serait bon d’évaluer leur possibilité… d’évolution politique. Quelques supplétifs locaux de la Kempetai et même des proches du QG ennemi ont déjà pris leur décision et cherchent à entrer dans nos bonnes grâces en nous transmettant des informations d’intérêt stratégique. »
Sainteny ne put s’empêcher de hausser un sourcil.
– Nous n’avons jamais eu de rapport de votre part concernant les informations glanées de cette façon.
Giap réagit comme prévu, par un sourire aimable : « C’est que, jusqu’à présent, nous n’avions pas considéré qu’elles pouvaient vous être utiles d’une quelconque façon, il s’agissait essentiellement d’informations de… de politique intérieure, des mouvements de troupes provinciales afin de monter des opérations locales, ou des noms d’informateurs. Vous voyez, ce genre de petites choses sans conséquence pour vous. »
Sainteny sentait poindre son mal de tête légendaire, alors que Giap, habituellement sûr de lui, paraissait vouloir se trouver ailleurs, semblant scruter le fond de sa tasse comme s’il espérait y trouver des réponses, mais à quelles questions ?
– Bref, Monsieur le Haut-Commissaire (oh oh, Giap ne lui donnait du Haut-Commissaire que lorsqu’il y avait anguille sous roche), afin de renforcer notre coopération, nous avons décidé de partager désormais fraternellement ces informations avec vous.
– J’apprécie à sa juste valeur cette preuve de confiance,
rétorqua immédiatement le haut-commissaire en question, avec une légère inclinaison du buste très orientale.
Giap ne releva pas directement la critique cachée sous la « juste valeur » et poursuivit : « Certains membres de notre mouvement redoutent que la fin de la guerre et la victoire n’amènent un durcissement des positions françaises quant à l’accès à l’indépendance du Vietnam. Ne pas partager toutes les informations pourrait nous aider à sortir du conflit en position de force. Je m’empresse de préciser que ni Monsieur Hô Chi-Minh ni moi-même ne partageons cette façon de voir. J’ai d’ailleurs voulu vous informer personnellement dès que j’ai appris les deux informations dont je dois vous parler aujourd’hui. »
Autrement dit, il y a du tirage au sein du Vietminh et il y a eu du retard dans la transmission, se dit Sainteny. J’espère que cela ne tirera pas à conséquence…
– La première information nous concerne tous, Français et Indochinois, qui défendons Dien-Bien-Phu, continua Giap. Il semble que les Japonais aient décidé de recourir à des mesures… extrêmes pour se débarrasser de nous et reprendre le contrôle de l’Indochine. Le général Tyo et le consul-général Ogawa ont envoyé à Tokyo un message prioritaire demandant que leur soient fournies des armes “spéciales” afin de détruire, selon leurs termes, l’ultime bastion colonialiste en Indochine. Leur échec catastrophique de l’an dernier a évidemment laissé des traces et, selon certains de nos informateurs, il vaudrait mieux pour eux, dans les circonstances actuelles, faire seppuku que rentrer au Japon après un tel fiasco.
Sainteny grimaça : « Des armes spéciales ? Que veulent-ils dire ? Des gaz ? »
– Les gaz ont une efficacité très inégale dans la région, en raison de la végétation et du climat… Non, il s’agirait de substances développées en Chine par une certaine Unité 731 de l’Armée Impériale et déjà utilisées là-bas. Des cultures microbiennes, si nos renseignements sont bons.
– Mon dieu, des armes bactériologiques ! C’est exact, le général Mast m’a indiqué qu’ils en ont fait usage dans différentes régions de Chine, sans grande efficacité militaire, mais en faisant de nombreux morts. Il faut que j’en réfère immédiatement à Alger et à Kunming ! Et… il y a autre chose ?

Giap ne répondit pas immédiatement. Puis, avec une curieuse hésitation : « Nous… Nous avons appris que l’armée japonaise élaborait une autre opération destinée à saper le moral et la combativité du peuple vietnamien. En fait, le Japon monte d’un degré supplémentaire dans l’infamie. »
Plus infâme que l’arme bactériologique ? Sainteny fut surpris par le ton véhément de Giap. Pas plus que les autres peuples d’Extrême-Orient, les Vietnamiens n’aiment faire étalage de leurs émotions. A voir les mâchoires serrées de son allié, la chose devait être d’une importance brûlante.
– Voilà : ils veulent tuer les tortues du lac Hoam Kiem, près d’Hanoi.
Sainteny, les yeux écarquillés, se demanda s’il avait bien entendu : « Pardon ? »
– Vous connaissez l’importance de ces tortues ?
– Heu ! Non… Attendez, je crois me souvenir, elles sont liées à une de vos vieilles légendes, n’est-ce pas ?
– Exactement. Au XVe siècle, le pays avait été une nouvelle fois occupé et pillé par des envahisseurs chinois – sans doute des troupes d’un empereur Ming. Un homme du peuple nommé Lé Loi, un simple pêcheur du lac Hoam Kiem, se vit confier par des êtres magiques, les tortues du lac, une épée enchantée en or dotée d’un grand pouvoir, pour aider ses compatriotes à chasser l’ennemi. Il se révolta donc, vainquit et chassa facilement les Chinois grâce à l’épée, fut couronné empereur et fonda sa dynastie. Quelques années après son couronnement, alors qu’il se promenait près du lac, l’épée dans son fourreau sur sa hanche, une des tortues sortit du lac et lui ravit l’épée. Lé Loi voulut constituer une flottille sur le lac afin de récupérer l’épée, quand une Tortue apparut et lui dit qu’il n’en avait plus besoin, car il avait accompli son destin et qu’avec le mandat du Ciel, il avait ramené la justice et la paix à son pays. Mais elle ajouta que l’épée n’était pas perdue, car si un jour le pays était gravement menacé, les tortues confieraient l’épée à un nouveau héros.

Sainteny ouvrait des yeux ronds : cette histoire de tortues magiques venant après cette affaire de guerre bactériologique ! « Oh, se dit-il finalement, nous avons bien l’histoire d’Arthur et d’Excalibur… »
Giap reprit : « Ces tortues ont une énorme portée symbolique. En les exterminant, les Japonais pensent montrer que leur occupation du pays est acceptée par nos ancêtres mêmes, et se venger sur elles de notre résistance. Comptez sur eux pour répandre dans tout le Vietnam la nouvelle de la mort des tortues sacrées !
Malheureusement, nous n’avons pas les moyens matériels pour organiser une opération de sauvetage qui ait des chances de réussir. Nous avons des hommes sur place, capables d’aller chercher les tortues dans le lac et d’effectuer une diversion pour détourner l’attention des Japonais pendant ce temps, mais nous craignons de ne pas pouvoir ensuite, comment dirais-je… exfiltrer les tortues sous le nez des Japonais. Certains proposent de les charger sur une barque, qui descendrait le Fleuve Rouge jusqu’au golfe du Tonkin. Mais comme les Japonais contrôlent régulièrement le trafic fluvial, ce serait fort dangereux.
L’idéal serait une exfiltration par avion… et cela nous oblige à… solliciter votre aide. »

Sainteny réussit à revenir de sa surprise pour répondre : « Une exfiltration aérienne pour des tortues ! Eh bien, c’est peut-être possible. Mais je dois convaincre nos militaires, nos aviateurs et sans doute le gouvernement d’Al… de Marseille du bien-fondé de cette opération. Certains pourraient trouver inutile de risquer la vie d’hommes pour sauver des animaux. Et puis, si je puis me permettre, je croyais que les marxistes comme vous n’aviez que faire des superstitions populaires… »
Giap pinça les lèvres. Avait-il déjà eu ce débat face à lui-même ? « Ce ne sont pas de simples superstitions, ni de simples tortues, Monsieur le Haut-Commissaire. Pas plus que la Tour Eiffel n’est un simple assemblage de bouts de ferraille et Notre-Dame de Paris un empilement de blocs de pierre. Comment réagirait votre peuple si Hitler décidait de les détruire ? »
Il posa sa tasse de thé, se leva de sa chaise et, très raide, lissa son uniforme avant de déclamer solennellement : « Le gouvernement vietnamien, que je représente, demande officiellement l’aide de son alliée la France afin d’organiser le sauvetage de nos trésors nationaux. »
Sainteny se leva à son tour et tendit la main à Giap : « Laissez-moi… laissez-nous quelques jours. Nous ferons tout notre possible pour vous aider. »
– Merci, Monsieur Sainteny.

Giap ouvrit sa sacoche et en sortit deux dossiers : « Le dossier contenu dans la chemise rouge concerne les informations que nous avons recueillies sur les préparatifs d’utilisation par les Japonais d’armes bactériologiques contre Dien-Bien-Phu. Le deuxième dossier, dans la chemise verte, est notre demande d’aide pour l’opération de sauvetage de nos tortues. »
Sainteny jeta un coup d’œil sur les deux dossiers. « Vous avez donné à l’opération de… sauvetage des tortues un nom japonais ? »
Giap eut un petit rire : « C’est un pied de nez à l’occupant, légende contre légende. Nous avons pioché dans le folklore dont ils sont si friands, samouraïs, bushi-do et ainsi de suite, le nom de personnages furtifs et invincibles. Le sauvetage des Tortues sera l’opération Ninja. »


25 février 1944
Des cigarettes et des tortues
Marseille, bureaux provisoires de la Présidence du Conseil
– En cette froide matinée de février, une lettre barrée de la mention en rouge « Epervier – Urgent – Prioritaire pour le Président du Conseil » trônait bien en évidence sur la pile de lettres posées sur le bureau. Lequel Président du Conseil venait juste d’arriver, dégustant un café-chicorée (restrictions alimentaires obligent et surtout pas de passe-droit), tout en lisant les derniers rapports arrivés du front.
Evidemment, son œil accrocha la mention, l’obligeant à ouvrir la lettre et à prendre connaissance de son contenu. Car si Sainteny en faisait appel directement au sommet de l’Etat sans passer par les canaux habituels, il s’agissait sûrement d’une information de la plus haute importance. Il lut et relut la lettre (certains secrétaires affirmèrent par la suite avoir entendus quelques expressions bigarrées sur la généalogie des communistes vietnamiens, seulement à demi étouffées par les murs) puis s’accorda un moment de réflexion. Il farfouilla quelques instants dans les tiroirs de son bureau.
Un « Chevrier ! » poussé d’une voix retentissante rebondit jusque dans le bureau du secrétaire du Président du Conseil. Le secrétaire en question bondit sur ses pieds et se précipita.
– Vous m’avez demandé, Monsieur le Prés… mon Général ? (Les vieilles habitudes sont difficiles à perdre, mais Chevrier savait bien où allaient les préférences de son patron.)
– J’ai reçu une étrange lettre de ces Messieurs de notre Gibraltar asiatique.
– Gibraltar, mon Général ?
– La base Epervier, Chevrier, Epervier en Indochine, à Dien-Bien-Phu, au Tonkin. Mais ce n’est pas pour vous parler géographie que je vous ai appelé. Où sont-elles, Chevrier ?
– Je vous demande pardon, Monsieur le Président du Conseil ?
– Ne faites pas l’innocent, je cherche mon paquet de Player’s.
– Vos cigarettes ?
– Oui Chevrier, je ne retrouve plus ces foutues cigarette dans mon bureau.
– Euh… c’est que j’ai reçu des instructions de Madame.
– Première nouvelle Chevrier, je ne savais pas que Mme De Gaulle avait obtenu un poste au sein du gouvernement.
– Comme vous êtes censé avoir arrêté de fumer, Mme De Gaulle nous avait expressément demandé de retirer les paquets se trouvant dans votre bureau et aussi de, euh… de ne pas, euh…
– Au fait, Chevrier !
– De ne pas vous fournir d’autres cigarettes, mon Général,
acheva dans un souffle Chevrier.
Lequel ne demandait plus qu’une chose, pouvoir se réfugier dans un trou de souris.
Un léger sourire éclaira le visage du Général. « Sacrée bonne femme ! » murmura-t-il.
– Eh bien aujourd’hui nous allons faire une exception. Trouvez-moi des cigarettes, et de préférence des Player’s. Evidemment, tout ceci est secret-défense, Chevrier.
Une heure plus tard et une vingtaine de cigarettes ayant fini rageusement écrasées dans un cendrier, Chevrier entra de nouveau dans le bureau à la demande du Général et le trouva faisant les cent pas devant les fenêtres entrouvertes pour évacuer la fumée de tabac.
– Vous m’avez fait demander, Monsieur le Président du Conseil ?
– Oui, appelez-moi immédiatement le ministre des Affaires Etrangères, demandez-lui de me rejoindre, et allez me chercher le chargé de liaison auprès de l’Etat-Major pour l’Asie. Ah, bien sûr, trouvez-moi aussi Soustelle, j’aurai besoin de ses lumières. Et d’un deuxième paquet de Player’s !

Une fois ce petit monde réuni, le Général s’enferma encore deux bonnes heures dans son bureau avec ses visiteurs. Les participants sortirent avec la mine sombre des mauvais jours et le Président du Conseil réclama un troisième paquet de cigarettes à Chevrier, ainsi qu’un moyen efficace d’enlever l’odeur de tabac froid sur les vêtements.


1er mars 1944
Des tortues et un bon accord
Dien-Bien-Phu
– Manifestement, l’affaire avait été prise très au sérieux par le gouvernement puisque, moins d’une semaine après l’envoi de sa missive, Sainteny reçut une réponse laconique : « Informations Très Secrètes concernant l’utilisation possible en Indochine d’armes bactériologiques transmises à qui de droit. (Stop) Un complément d’information de la part de nos alliés vietnamiens concernant les possibles conditions d’utilisation serait des plus utiles. (Stop) Opération Ninja acceptée, un complément de forces vous sera envoyé afin de traiter les deux opérations. »
Le haut-commissaire mit immédiatement Giap au courant, à la plus grande joie de ce dernier. Sainteny s’efforça de tempérer son enthousiasme.
– Attention, rien n’est fait, l’acceptation de la mission n’implique pas sa réussite. Il reste un gros travail préliminaire pour réfléchir au moindre détail. Il y aura beaucoup de vies en jeu.
– Evidemment ! Il ne faut pas mettre, comment dit-on, la charrue avant les bœufs. Mais le simple fait que l’opération soit acceptée est très positif. Il faut voir cette affaire de notre point de vue : nous demandons à la puissance coloniale d’engager des ressources et des hommes afin de défendre un joyau de notre histoire et de notre patrimoine culturel et malgré les risques de pertes humaines, et elle répond à notre appel. Cela ne sera pas oublié,
déclama Giap sur un ton solennel.
Sainteny se dit qu’il ne manquerait pas de lui rappeler cette déclaration en temps utile…
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Anaxagore



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MessagePosté le: Mar Oct 09, 2018 09:51    Sujet du message: Répondre en citant

désolé, mais à cette date, Giap est encre colonel et c'est déjà une promotion extrêmement rapide pour... un non-militaire !

De plus, les Français sont déjà au courant pour le ralliement opportuniste de proches des Japonais, la désinformation pour la bataille de Cao Bang/ RC 4 a été organisée avec leur aide.
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Dernière édition par Anaxagore le Mar Oct 09, 2018 09:54; édité 1 fois
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Mar Oct 09, 2018 09:52    Sujet du message: Répondre en citant

C'est exact (même si ça n'a aucune importance pour ce qui nous occupe…).
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demolitiondan



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MessagePosté le: Mar Oct 09, 2018 09:56    Sujet du message: Répondre en citant

Excellent - pile ce que j'aime. Et ca faisait un petit moment que je me demandais si les Japs n'allaient pas recourir plus vite qu'OTL aux armes spéciales. Après tout, ce n'est pas comme si leurs situations était bien plus mauvaise qu'OTL.

Normal que nos francais aient renoncés à traduire Mitchell, ce n'est pas un nom propre Rolling Eyes . Je les vois bien changer de nom par contre. Mitchell ... un des pères de l'aviation US ... je ne vois pas - ou alors des gens encore vivants mais ca ferait présomptueux !
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Anaxagore



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MessagePosté le: Mar Oct 09, 2018 09:56    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
Autrement dit, il y a du tirage au sein du Vietminh et il y a eu du retard dans la transmission, se dit Sainteny. J’espère que cela ne tirera pas à conséquence…


Maladroit d'utiliser deux mots du même champ lexical dans une seule phrase.
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Anaxagore



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MessagePosté le: Mar Oct 09, 2018 09:58    Sujet du message: Répondre en citant

demolitiondan a écrit:
Excellent - pile ce que j'aime. Et ca faisait un petit moment que je me demandais si les Japs n'allaient pas recourir plus vite qu'OTL aux armes spéciales. Après tout, ce n'est pas comme si leurs situations était bien plus mauvaise qu'OTL.

Normal que nos francais aient renoncés à traduire Mitchell, ce n'est pas un nom propre Rolling Eyes . Je les vois bien changer de nom par contre. Mitchell ... un des pères de l'aviation US ... je ne vois pas - ou alors des gens encore vivants mais ca ferait présomptueux !


Euh, ils ont déjà recouru au gaz moutarde à deux reprises et ont essayé de répandre la peste au Laos après l'avoir évacué.
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Anaxagore



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MessagePosté le: Mar Oct 09, 2018 10:03    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
Pas plus que les autres peuples d’Extrême-Orient, les Vietnamiens n’aiment faire étalage de leurs émotions. A voir les mâchoires serrées de son allié, la chose devait être d’une importance brûlante.


Non, ce n'est pas exactement cela. Les Asiatiques sont aussi démonstratifs que les Occidentaux. Toutefois, ils ne montrent guère leurs émotions aux inconnus ce qui est à la fois une forme de politesse (ne pas embarrasser un inconnu en montrant de la sensiblerie) et une forme de pudeur/ fierté personnelle (ne pas se ridiculiser en se montrant trop émotif).
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MessagePosté le: Mar Oct 09, 2018 10:06    Sujet du message: Répondre en citant

voilà un debut de trucs tordus comme je les adore...!!!!!

donc la suite ... bo...l !!

au fait c'etait il y a longtemps , mais n'avait-on pas acté que Giap etait bien trop jeune pour etre general avant la fin de la guerre ...???

ou alors j'ai raté quelques episodes ...??? choses plus que probables voir certaines ...!!!
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Anaxagore



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MessagePosté le: Mar Oct 09, 2018 10:16    Sujet du message: Répondre en citant

Non, Raven, tu as raison.

En tout cas excellent récits avec deux très bonnes idées ! Nguyen Van Hinh en remplacement du colonel Devèze (on avait acté qu'il était trop vieux et devait être remplacé, mais personne n'avait proposé de nom... )

Et en tant que grand admirateur de la légende arthurienne, et de son universalité, je prends cette légende que je ne connaissais pas (en fait je savais que les Ming avait été renvoyé à coup de pied dans le derch par un simple paysan... mais j'ignorais l'histoire de l'épée d'or). Encore de l'eau à mon moulin après tout la légende du roi Arthur a des échos en Italie, dans toute la sphère celte et même en Scandinavie.
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MessagePosté le: Mar Oct 09, 2018 10:20    Sujet du message: Répondre en citant

1) La pensée de Sainteny suivant son cours, le premier mot du champ lexical "tirer" en attirer en quelque sorte un autre. C'est le haut-commissaire qu'il faut critiquer, pas l'auteur.

2) En effet, les Nippons ont déjà essayé d'utiliser des armes "spéciales", Sainteny a été informé de l'utilisation d'armes biologiques, quant aux gaz, le texte ne dit pas qu'ils ne l'ont pas fait (on peut se dire que c'est parce qu'il est au courant de leur utilisation à Hanoi que Sainteny y pense tout de suite).

3) "ne pas faire étalage de ses émotions" c'est précisément "ne guère montrer ses émotions à un inconnu" - et même à un étranger. Sainteny et Giap ne sont pas intimes au point que le second puisse pleurer sur l'épaule du premier !

4) En effet, ne pas lire "général Giap" mais "colonel Giap" les deux fois où c'est indiqué.
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Casus Frankie

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Tyler



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MessagePosté le: Mar Oct 09, 2018 10:42    Sujet du message: Répondre en citant

Anaxagore a écrit:


Nguyen Van Hinh en remplacement du colonel Devèze (on avait acté qu'il était trop vieux et devait être remplacé, mais personne n'avait proposé de nom... )

.


Van Hinh ne remplace pas Devèze, il n'est que le commandant d'un groupe de bombardiers.
Devèze n'est pas trop vieux, il est né dans les années 1890 de mémoire. On avait acté que Devèze pouvait très légitimement passer au grade de général.

Ce sont la plupart des généraux de l'armée de terre qui sont, eux, rattrapés par la limite d'age.
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