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1940 - La France continue la guerre
 
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Histoires belges (et sérieuses)
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Wil the Coyote



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MessagePosté le: Ven Déc 18, 2015 15:00    Sujet du message: Répondre en citant

Je ne pense pas...car si la Belgique en est revenu à la neutralité c'est:
1° du fait des politiques (les nationalistes flamands qui disaient en substance "cessons notre Alliance avec la France", et les socialistes francophone qui etait pacifiste...)
2° suite aux différentes reculades face à l'Allemagne (si j'ai bon souvenir, c'est la ré-occupation de la Rhénanie qui à fait déborder le vase).
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Benoit XVII



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MessagePosté le: Ven Déc 18, 2015 17:36    Sujet du message: Répondre en citant

Casus Frankie a écrit:
Si j'ai bien compris le récit de l'équipe belge, (1) c'est OTL et (2) l'Allemagne se fiche éperdument de justifier cette mesure, même chose pour sa non-conformité au droit international.
Je n'ai pas dit de bêtise, Saint-Père ?


C'est bien correct.
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Benoit XVII



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MessagePosté le: Ven Déc 18, 2015 17:57    Sujet du message: Répondre en citant

Techniquement, la France et la Grande-Bretagne étaient bel et bien les garants de la Belgique. Le gouvernement belge avait sollicité cette garantie au moment du retour à la politique d'indépendance en 1936 et demandé confirmation après la déclaration de guerre en 1939. La France avait répondu positivement sans aucune ambiguïté, alors que la Grande-Bretagne, à la diplomatie toujours aussi tordue, avait évité de s'engager sur la question de l'intégrité territoriale et du Congo. L'Allemagne, non sollicitée par la Belgique, avait "spontanément" offert sa garantie également.

Le terme est ici mis dans la bouche de Capelle. Le Roi, et une bonne partie de son entourage, estimaient en effet que la Belgique n' était pas engagée dans une alliance avec la France et la Grande-Bretagne. C'était du reste aussi la vision du roi Albert pendant la Première Guerre. Le gouvernement de Londres reconnaissait que ce raisonnement était juridiquement correct, mais que l'assistance apportée par les Alliés à la Belgique avaient créé une obligation dans son chef à leur égard. C'est la signature de la Charte de l'Atlantique qui a engagé la Belgique formellement dans l'Alliance.
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Capu Rossu



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MessagePosté le: Ven Déc 18, 2015 23:08    Sujet du message: Répondre en citant

Bonsoir,

Au 23 octobre :

Citation:
contre les Italiens au Soudan,


@+
Alain
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Sam Déc 19, 2015 00:15    Sujet du message: Répondre en citant

Merci Capu Rossu
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Casus Frankie

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Casus Frankie
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MessagePosté le: Jeu Déc 31, 2015 13:04    Sujet du message: Vol de journal Répondre en citant

Une nouvelle retouche de Benoit XVII sur un épisode peu connu en France à propos du plus réputé (je crois) des journaux belges.

Vol d’un journal
Ce 14 juin reparaît le quotidien Le Soir, qui avait interrompu son activité depuis l’arrivée des Allemands à Bruxelles le 18 mai. Mais c’est une équipe à la botte de l’occupant qui a pris les rênes de la rédaction, sous la direction de l’écrivain pacifiste Horace Van Offel. C’est sans doute son goût assez kitsch pour les contes fantastiques et les romans de science-fiction qui lui font écrire des éloges dithyrambiques du chancelier Hitler.
Cependant, le personnage qui va véritablement marquer Le Soir volé de son empreinte intellectuelle est Raymond De Becker. Tempérament instable et éclectique, traversé d’éclairs névrotiques, il porte le complexe de n’avoir jamais terminé ses études secondaires. Son parcours s’est d’abord enraciné dans une foi catholique fervente qui devait trouver sa réalisation au sein d’une utopique communauté d’élites, couronnée par une retraite spirituelle à l’ermitage de Tamié. Il fréquente Jacques Maritain et Henri Bauchau, mais aussi André Gide et Henri De Man. Suite à une crise mystique, sa soif d’absolu se dévoie en une admiration éperdue pour l’autorité que dégagent les régimes dictatoriaux en Allemagne et en Italie. Plusieurs voyages en Allemagne l’ont exposé à la mâle vigueur de la jeunesse aryenne et mis en émoi son homosexualité longtemps refoulée mais à présent pleinement assumée…
Marie-Thérèse Rossel, héritière des fondateurs du Soir, essaiera pendant toute l’Occupation de retrouver la maîtrise du journal, mais les Allemands la lui refuseront toujours en raison de son intransigeance absolue sur la question de l’indépendance rédactionnelle.
De son côté, De Becker défendra toujours une ligne nationaliste belge, royaliste et unitaire, qui le mettra plusieurs fois en difficulté avec la Propaganda-Abteilung et les nationalistes flamands du V.N.V. Les Allemands tolèreront ces écarts jusqu’à un certain point, comprenant qu’une ligne trop outrancièrement pro-allemande desservait finalement leurs desseins. En effet, ils ont dû interrompre la publication de La Nation Belge qu’ils avaient relancée quinze jours plus tôt, le journal ayant été promptement rebaptisé La Nation Boche par la population.
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Jeu Déc 31, 2015 13:21    Sujet du message: Répondre en citant

Deux autres ajouts à la Chrono (toujours dues à Benoit XVII).

18 août 1940
Sacrifice
Belgique occupée
– Une nouvelle mission d’infiltration est tentée par le Special Intelligence Service, qui cherche à se constituer un réseau de renseignements. Arthur Gobeaux, un ancien de la Dame Blanche qui s’est embarqué pour la Grande-Bretagne en mai, apporte son aide en fournissant des listes d’anciens agents avec qui il a travaillé en 1914-18, ou qu’il a recruté pendant la Drôle de Guerre. C’est ainsi qu’un avion doit déposer l’agent Leenaerts en Belgique occupée. Malheureusement, le champ où doit se poser l’avion est en labours, ce qui l’oblige à faire demi-tour et l’appareil est abattu par la Flak en passant la côte belge.

22 août 1940
Lohnsstop
Bruxelles
– Alors que l’activité économique reprend très progressivement en Belgique avec le retour des réfugiés de France (du moins, ceux qui n’ont pas été “déménagés”), les pressions inflationnistes s’accentuent en Belgique : manque de main d’œuvre, cours de change pour le franc belge fixé à un niveau honteusement favorable aux Allemands, pénuries de matériel, indemnités d’occupation astronomiques, etc. Avec l’accord discret d’une bonne partie du patronat belge, l’Occupant décide d’un blocage généralisé des salaires, mesure qui sera connue sous son appellation allemande, « Lohnsstop ».
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ViKing



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MessagePosté le: Jeu Déc 31, 2015 13:24    Sujet du message: Répondre en citant

Tout ça me fait penser...
et Hergé ? Que devient-il ? ça ne doit pas être très différent d'OTL.
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- Winston Churchill
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Jeu Déc 31, 2015 13:30    Sujet du message: Répondre en citant

Du calme, Viking Wink


17 octobre 1940
Presse et collaboration
Bruxelles
– Sous le titre « Tintin et Milou sont revenus ! », Le Soir volé lance son supplément Jeunesse. Raymond De Becker a réussi à s’adjoindre les services de Georges Rémi, alias Hergé, qui reprend la publication des aventures de Tintin. Les deux hommes s’étaient connus dans les années trente au sein des mouvements d’action catholique. La publication des aventures du jeune reporter va grandement contribuer au succès du Soir, qui atteindra sous l’Occupation des tirages de l’ordre de 300 000 exemplaires.

20 octobre
Bruxelles
– Parachuté avec Baeyens, Constant Martiny n’a pas perdu de temps non plus. Il a réussi à prendre contact avec le comte Capelle pour lui remettre le document signé par Spaak, Denis, De Vleeschauwer et De Schrijver, qui sont devenus au sein du Gouvernement les plus ardents défenseurs d’une réconciliation complète avec le Roi. Après avoir rappelé que se trouvent à Londres « le seul Gouvernement belge légal, les seuls Ministres qui aient été nommés par le Roi », les quatre ministres rappellent que, « en fait comme en droit, la Belgique est toujours en guerre avec l’Allemagne ». Ils expriment leur volonté de « poursuivre la lutte avec les Alliés jusqu’à la victoire finale » et confirment les plans de « reconstituer une armée belge en exil, avec les nombreuses troupes et recrues évacuées de France pendant le Grand Déménagement. » Ils abordent enfin la question des relations entre le Roi et le Gouvernement : « L’union entre tous les Belges est plus que jamais indispensable. Par son refus obstiné de collaborer avec l’ennemi, le Roi n’est pas seulement le symbole de la résistance passive en Belgique, mais il est aussi devenu un élément important de la résistance active. Dans l’intérêt du pays et du Roi lui-même, chacun souhaite qu’Il continue à s’abstenir. Nous sommes certains que s’Il respecte cette passivité, le Roi recouvrera l’intégralité de Ses prérogatives, ce que Lui comme nous désirons au plus haut point. Rien ne satisferait plus les signataires de cette lettre qu’une réconciliation pleine et entière entre le Roi et le Gouvernement. Sa Majesté et Ses ministres se sont quittés dans des circonstances tragiques ; les événements ont permis depuis de redresser bien des erreurs et des malentendus de part et d’autre. Bien que nous déplorions chaque jour l’absence de Sa Majesté, qui alourdit et complique tant notre tâche, nous admirons son attitude au pays occupé et nous savons quel soutien il apporte à nos compatriotes. Nous pensons souvent à Sa Majesté, à ses peines et ses épreuves, à son isolement si pénible. […] Nos sentiments pour Sa Majesté sont aujourd’hui comme ils l’étaient le 10 mai : respect et loyal dévouement. Que Sa Majesté nous fasse confiance ! »
En l’absence de réactions encourageantes du secrétaire du Roi, Martiny préfère ne pas s’engager dans une discussion qui pourrait le mettre en difficulté et prend rapidement congé.

30 octobre
Laeken
– Van Overstraeten vérifie avec Frédéricq et son adjoint, Gobert d’Aspremont-Lynden (le frère du ministre Charles…), les documents remis aux envoyés du Gouvernement à Berne début juin. Ayant reconstitué la chronologie des interactions entre l’entourage du Roi et le Gouvernement depuis la dramatique entrevue de Wijnendaele le 25 mai [voir annexe A A3], il constate qu’aucune notification n’a été faite aux Ministres quant à la position résultant du protocole de capitulation ou à la conduite à tenir. Il en conclut donc que les Ministres présents à Londres agissent de bonne foi en se considérant comme détenteurs légitimes du pouvoir exécutif, de même que le Gouverneur-Général du Congo en engageant le Congo dans la lutte contre l’Axe.
Mais Frédéricq a des objections : « Les anciens ministres doivent être ignorés. Ils ne peuvent être révoqués par le Roi, puisqu’Il est captif, mais leur mandat est un mandat de confiance. Or, ils ont perdu tout droit à la confiance du Souverain. »


31 octobre
Bruxelles
– Constant Martiny rencontre maintenant le général Auguste Tilkens, chef de la Maison Militaire du Roi. Depuis son entretien du 20 avec Capelle, il a compris que la mentalité de celui-ci empêchera sûrement qu’il serve d’intermédiaire à une réconciliation entre le Roi et le Gouvernement. Par contre, Tilkens affiche une attitude pro-Alliés très marquée.
Martiny résume au général le contenu de la lettre des quatre ministres. Il ajoute également que « nonobstant la politique d’abstention ainsi recommandée, une approbation officieuse mais claire des actions du Gouvernement par le Roi pourrait s’indiquer. Pas tant pour les Ministres eux-mêmes, qui ont choisi leur voie et qui savent qu’elle est juste, mais pour pouvoir la communiquer en toute discrétion à Churchill, à Blum [par tact, Martiny ne mentionne pas Reynaud, toujours honni en Belgique], à Roosevelt et à la reine Wilhelmine. Cela renforcerait l’image de notre pays à l’étranger. »
« A titre personnel »
, Tilkens répond qu’il approuve totalement l’action du Gouvernement. Mais il n’a hélas plus rencontré le Roi depuis longtemps. C’est le général Van Overstraeten qui est devenu Son plus proche conseiller, et Tilkens exprime des doutes quant à l’attitude de ce dernier vis-à-vis des Alliés et du gouvernement Pierlot.
Il questionne ensuite Martiny sur les projets de reconstitution d’une armée belge en exil qui ont filtré jusqu’à Bruxelles. Martiny, tout en confirmant l’évacuation de nombreuses troupes et recrues lors du Grand Déménagement, reconnaît qu’il n’est pas au courant des détails de ces plans. Dans l’inspiration du moment, il suggère toutefois que « le Roi et Son entourage pourraient encourager dans leur entreprise les officiers qui souhaitent rejoindre l’armée en exil. »
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ViKing



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MessagePosté le: Jeu Déc 31, 2015 14:21    Sujet du message: Répondre en citant

Suffit de demander Very Happy
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Sam Jan 02, 2016 14:53    Sujet du message: Novembre 40 pour les Belges Répondre en citant

L’Union fait la Force
Du sang sur Bruxelles

1er novembre 1940


2 novembre

L’OTAD peut vraiment se lancer
Bruxelles
– Keyaerts informe Van Overstraeten que ses rapports avec Plisnier se sont détendus. Il peut enfin disposer de l’ensemble des moyens nécessaires à sa mission. Cependant, il règne encore une grande méfiance quant à l’idée de réformer la gendarmerie, certains y voyant le prélude à une prise de pouvoir par l’autorité militaire…


3 novembre
En quête d’officiers belges
Bruxelles
– Le commandant Baeyens se présente à l’OTAD. Le général Keyaerts ayant donné des ordres à son sujet, il se retrouve au service des soldes et traitements. Deux mois après la création de l’OTAD, de nombreux dossiers individuels ne sont toujours pas en ordre. Il faut également assurer le suivi des retours des prisonniers libérés, les démobilisations, les décès tardifs suite aux blessures subies au cours des combats, etc.
Ce service représente un excellent observatoire, puisqu’il donne accès à la totalité du fichier du personnel de l’armée. C’est ainsi que Baeyens peut savoir exactement qui se trouve où, de quelle unité chacun provient, quels sont les états de service des uns et des autres, etc. Il tâche de ne pas trop se faire remarquer durant quelque temps, tout en constituant petit à petit son propre fichier. Ce sera bien utile pour le Deuxième Bureau !


4 novembre
Divergences au Palais
Laeken
– Van Overstraeten relance le débat avec Frédéricq concernant l’attitude à adopter à l’égard du Gouvernement de Londres. Il ne voit pas comment concilier la « rupture du mandat de confiance » avec l’interprétation de l’article 82 de la Constitution – prévoyant l’exercice des pouvoirs royaux par le Gouvernement réuni en Conseil du fait de “l’impossibilité de régner” du Roi – qui était acceptée par la note rédigée fin mai par Devèze, Pholien et Hayoit de Thermicourt [voir annexe A A3] et remise aux envoyés du Gouvernement à Berne le 4 juin.
A nouveau, Frédéricq répond : « Seul le document des trois juristes de Bruges a examiné l’application éventuelle de l’article 82 de la Constitution aux circonstances présentes ; il conclut à la possibilité de cette application grâce à une interprétation sollicitée mais non prévue. Mais, ce n’est là qu’une spéculation théorique ; elle aurait pu s’appliquer si les Ministres s’étaient montrés dignes et loyaux. Leur attitude a rendu cette interprétation inadmissible pour rupture de confiance. En conséquence, la tactique à suivre consiste à ignorer les Ministres. Même à Berne d’ailleurs, communication et documents ont été adressés aux ambassadeurs du Roi et non aux Ministres. Ceux-ci sont ignorés, à défaut de pouvoir les révoquer, puisque l’état de captivité empêche le Roi de faire acte de souveraineté. Il est regrettable qu’ils n’aient pas été révoqués avant la reddition ! »
Van Overstraeten confirme dans une note au Roi qu’un « profond malaise règne entre certains dignitaires de la Maison, tous néanmoins attachés à Le servir de leur entier dévouement. Ce malaise porte sur l’attitude à observer à l’égard des membres du Gouvernement Pierlot. Il donne lieu à des divergences de vues – peut-être supposées plutôt que réelles – mais qui sont perçues hors du Palais. »


5 novembre
Remotiver les troupes
Eaton Square (siège du gouvernement belge)
– La réunion du jour doit étudier le résultat des récents entretiens entre le ministre Gutt et les ministres alliés des Finances et de l’Economie. En effet, les accords ébauchés doivent être approuvés par le Gouvernement avant qu’une délégation ministérielle belge de haut niveau s’envole vers l’Afrique du Nord.
Pierlot ouvre la discussion : « Je vous en prie Monsieur Gutt, nous vous écoutons. »
– Merci. Chers collègues, après d’âpres négociations, nous avons trouvé plusieurs points de convergence avec nos alliés. Ces accords devraient nous permettre de ne plus être traités comme un “petit” pays allié.
– Poursuivez, lance Spaak, qui a pu apprécier au cours des dernières semaines les talents de négociateur de son collègue des Finances, vous allez intéresser nos collègues.
– Comme vous le savez, le gouvernement américain applique aux achats militaires le système “Payer et emporter”, ou, en anglais, “Cash and carry”. Mais ce système a pour effet, que d’aucuns pensent prémédité, d’assécher peu à peu les réserves d’or de nos alliés. Par bonheur, les nôtres sont disponibles, soit en Afrique, soit en Amérique, soit ici même, dans les coffres de la Banque d’Angleterre.
– Nous avons bien fait de commencer leur transfert au lendemain de la déclaration de guerre en 39, commente Jaspar.
– Nous avons donc conclu l’accord suivant, si vous lui donnez votre agrément : nous prêtons notre or aux Franco-Britanniques pour qu’ils puissent continuer leurs achats, et en échange, nous obtenons un siège à la Commission d’achat interalliée. Nous obtiendrons ainsi des prix plus avantageux pour le rééquipement de nos propres troupes, ainsi qu’un accès direct au matériel le plus moderne. De plus, comme nous avons accepté d’aligner notre équipement en matériel lourd (chars, artillerie, avions) sur celui de nos alliés sur chacun des théâtres d’opération, nous avons obtenu qu’il soit considéré comme prêté, et non vendu. Cela évitera d’assécher trop vite nos réserves. Ai-je sur ces points l’approbation du gouvernement ?
– Quelqu’un a-t-il une objection ? demande le Premier ministre. Non ? Bien, Monsieur Gutt, au nom du gouvernement, vous pouvez signer cet accord. Mais je vous en prie, continuez, car ce que vous m’avez déjà expliqué seul à seul est au moins aussi intéressant.
– Merci. La deuxième proposition fait suite à une négociation avec Messieurs Schuman et Monnet pour la France et Sir Kingsley Wood pour le Royaume-Uni. Je dois encore me concerter avec nos collègues Janson [Justice] et De Schrijver [Economie] pour traduire cet accord dans une règlementation conforme à nos lois économiques et sociales. Il s’agit de créer en Afrique du Nord et en Grande-Bretagne une Entité Economique Belge, qui nous permettra d’affirmer une forme de souveraineté sur l’activité économique des entreprises belges installées en territoire français ou britannique, ou susceptibles de le faire. Ces entreprises pourront continuer à fonctionner selon notre réglementation, ce Gouvernement percevra l’impôt sur ces sociétés et leurs salariés et la vente de leurs produits et services sera considérée comme des exportations, ce qui aidera à préserver notre stock d’or.
– Et nos alliés n’ont pas sourcillé ? demande Soudan, interloqué.
– Hum, un peu quand même, mais MM. Schuman et Monnet ont convaincu leur gouvernement que cela stimulerait l’activité de nos sociétés, et donc l’économie de leurs territoires. Alors M. Monnet a expliqué à Sir Howard que ce serait un accord « win-win », comme ils disent, c’est à dire que chacun y gagne, et les Britanniques ont accepté eux aussi. Il faut dire qu’ils anticipent une pénurie de main d’œuvre dans leur industrie suite à la généralisation de la conscription. Il serait donc très regrettable à leurs yeux que les réfugiés belges en Grande-Bretagne prennent tous le chemin de l’Afrique du Nord, ajoute Gutt avec une malicieuse candeur.
– Mais il a raison ! Nous allons pouvoir installer, par exemple, des entreprises de travaux publics en Afrique du Nord, car les Français vont avoir besoin d’aide pour la modernisation de leurs infrastructures. Cela nous ouvrira des portes et créera des liens pour l’après-guerre… commente Spaak, qui voit loin !
– Mais qui va travailler dans ces entreprises ? demande De Schrijver.
– Nous pourrions y affecter les membres de la Réserve de Recrutement qui ne sont pas encore en âge d’être incorporés, propose Denis.
– En effet, ce serait une bonne solution, approuve Soudan.
– Mais va-t-on alors instaurer des droits de douane pour les productions de nos entreprises en Grande-Bretagne et dans les colonies françaises ? poursuit De Schrijver.
– Non, je vous rassure, intervient Spaak. Ni à l’importation, ni à l’exportation. Ce n’est pas le moment d’entraver la collaboration entre alliés par ce genre de barrières protectionnistes. J’espère bien d’ailleurs que ce précédent pourra servir de modèle aux échanges commerciaux entre pays européens après la guerre !
– Avez-vous pris des engagements similaires pour le Congo ? demande De Vleeschauwer, inquiet de ne pas avoir été consulté à ce sujet.
– Je l’ai effectivement proposé à chacun de nos Alliés, répond Gutt, sous réserve d’un accès réciproque à leurs marchés coloniaux pour la Belgique après la guerre. Mais ni la Grande-Bretagne, ni la France, ne semblent disposées à remettre en cause leurs systèmes respectifs de préférence impériale. Le Congo est donc bel et bien hors du champ d’application de cette espèce d’union douanière. Je n’aurais pas manqué de vous en parler si tel n’avait pas été le cas, Monsieur le Ministre, ajoute Gutt avec un sourire collégial à l’intention du Ministre des Colonies.
– Voilà qui clarifie un point important. Messieurs, quelqu’un d’autre a-t-il des questions ou une objection ? Non ? Parfait, conclut Pierlot. Monsieur Gutt, vous pourrez signer également cet accord . Nous vous remercions pour votre travail. Le pays s’en souviendra.


6 novembre
La nouvelle Armée belge
Nouvelles affectations
Camp de Great Malvern
– Depuis près d’une semaine, le camp paraît saisi de frénésie. Le personnel se réorganise suivant les affectations, même si pour le moment, les insignes sont pour le moins hétéroclites. De son côté, le tout nouveau colonel Wets s’entretient avec ses officiers pour décider de leur affectation.
– Lieutenant, euh pardon, Capitaine Balleger, à vos ordres mon Colonel.
– Repos, Capitaine. D’après mes informations, vous effectuez un travail remarquable pour remotiver nos hommes dans ce camp. Et en mai, déjà, vous avez fait plus que votre devoir. Vous vous êtes battu sur la Lys ?
– Oui mon Colonel, j’y commandais un peloton de mitrailleuses et…
Balleger s’interrompt, repensant à l’ordre qu’il a dû donner.
– Ensuite, vous avez embarqué à Dunkerque. Pourquoi n’êtes-vous pas resté en Belgique ?
– Après ce que j’ai vu, il était hors de question que je me laisse faire prisonnier. Même si nous n’avions été qu’une poignée, j’aurais été de ceux-là.
Le colonel se tourne vers les deux majors debout derrière lui : « Jacques, je pense que je viens de trouver ton commandant en second. Capitaine, je vous présente le Major Benedictus, qui est le commandant en second du Régiment, et votre nouveau chef de Bataillon, le Major Weber. Je vous affecte au 1er Bataillon en tant que second. »
– Bienvenue au 1er Bataillon, Capitaine, dit Weber, nous allons avoir du travail.
– Ca ne me fait pas peur.
– Tant mieux, nous avons du retard à combler et des lacunes à corriger, reprend Wets. Je vous laisse avec le major Weber. Voyez avec le Ravitaillement pour le peu d’équipement déjà disponible, en sachant que, d’ici quinze jours, nous ferons mouvement vers l’Afrique.
Le major et le capitaine se rendent alors au service Ravitaillement. Celui-ci est géré par l’adjudant Delville, lui aussi nouvellement affecté au 3e Ch.
– Major, Capitaine, je ne saurai vous donnez que des sacs de voyage et un casque. Pour le reste, il faudra attendre d’être en Afrique.
– Auriez-vous tout de même des insignes du 3e Chasseurs à Pied ?
– Ah, ça, je devrais pouvoir en trouver.
– Merci Adjudant ! Le major se tourne alors vers Balleger : « Au fait, heu, Bernard – c’est bien ton prénom ? »
– Oui, mon Major.
– Les hommes que tu avais demandés, ceux que tu avais déjà rassemblés et qui provenaient de la 10e DI, ils nous sont affectés, ainsi que des membres du 3e CRI.
– Avec eux, nous serons en bonne compagnie… en attendant le bataillon ! répond Balleger.
………
Ailleurs dans le camp, les caporaux Bert et Joos discutent.
– Alleï, j’ai reçu mon affectation, 2e Grenadiers.
– Comme moi ! On sera ensemble, une fois !
– Ouais, grogne Joos, mais pas tout de suite : je suis proposé à l’avancement, je vais suivre des cours de cadres pour devenir sous-off’.
– Ah bien, répond Bert, mais moi aussi, je dois suivre ces cours. Enfin, pour toi, ça ne m’étonne pas.
– Bof, ils m’ont dit que vu mon attitude en France, je méritais de monter en grade. Pourtant, je n’ai fait que mon devoir.
– Te fais pas de mouron, tu en as les capacités, je t’ai vu sur le T-13, quand ton chef s’est pris une balle, tu as su le remplacer. Allez, viens maintenant, nous devons trouver nos officiers. Lui, peut-être ?… Permettez, mon Lieutenant ?
– Vous ne connaissez pas vos grades, soldats ?
– Euh pardon, mon Capitaine, c’est que tout à l’heure, vous étiez lieutenant.
– Oui, mais maintenant c’est Capitaine Van Strijdonck. Compris ?
– Oui, mon Capitaine.
– Quelle est votre Unité ?
– 2e Régiment de Grenadiers.
– Alors suivez-moi, j’ai été également affecté à cette unité.
« Qu’il est stijf [rigide, du style à avoir avalé son parapluie…], cet officier ! ce ne sera pas facile à vivre », se dit Joos. Comme il aimerait pouvoir en parler à Marieke…


7 novembre
La nouvelle Armée belge
Migrations
GQG de l’Armée belge (Londres)
– Les choses se mettent en place progressivement. Le général Van Daele transmet les ordres de transfert des Unités vers l’AfN au colonel Borremans.
– Nous avons différents accords avec nos alliés. Pour ne pas bloquer des navires rien que pour le transport de nos troupes, nous profiterons de ceux qui font le trajet quotidiennement et qui se trouvent avoir de la place.
– Donc, nous travaillerons par petits paquets.
– Oui, mais c’est mieux que rien. Le premier transfert aura lieu la semaine prochaine. Nous pourrons envoyer 600 hommes vers Oran.
– Par quel port ?
– Liverpool. La semaine prochaine aura lieu également le premier transfert d’AfN vers l’Angleterre. Mais là, ce sera 1 100 hommes. Ils seront concentrés de leurs divers points de cantonnement vers Oran également. Dans les deux cas, tâchez de faire partir en premier les Unités qui sont déjà plus ou moins constituées, conclut Van Daele.


8 novembre
Divergences au Palais
Laeken
– Les discussions reprennent entre Frédéricq, d’Aspremont, Van Overstraeten et Capelle concernant l’attitude à adopter à l’égard des “Londoniens”. Après de longues discussions, Van Overstraeten accule ses interlocuteurs à reconnaître qu’en l’absence de tout acte du Roi allant en sens contraire depuis la capitulation, le Gouvernement de Londres est « fondé à se considérer comme régulier et à agir en conséquence ». D’Aspremont oppose pourtant au raisonnement de Van Overstraeten, qu’il qualifie de « mathématique », l’aspect « psychologique » du problème. Et si, pour Van Overstraeten, la position du Gouvernement constitue une « réalité » Frédéricq estime qu’elle est « douteuse » et pour Capelle, elle est « illégale ».
Van Overstraeten admet une réserve quant à la composition du Gouvernement, estimant que les quatre ministres présents à Wijnendaele (Pierlot, Spaak, Denis et Vanderpoorten, qui n’a toutefois pas suivi ses collègues en Angleterre [voir annexe A A3]) ont effectivement perdu la confiance du Roi. Mais il insiste sur un point : le maintien d’un Gouvernement au côté des Alliés « répond à une nécessité nationale ».

9 novembre
Un accord économique précurseur
Ministère français des Affaires Etrangères (rue Michelet, Alger)
– Hubert Pierlot, Paul-Henri Spaak et Camille Gutt ont fait le déplacement en Algérie pour signer, au nom de la Belgique, les accords économiques et monétaires négociés par le ministre des Finances. Tout n’est pas encore installé au sein des bâtiments du ministère déménagés, ce qui amuse les diplomates belges, mais beaucoup moins leurs collègues français, qui regrettent les ors de la République au Quai d’Orsay.
– Monsieur le Premier ministre, dit Paul Reynaud en accueillant la délégation, permettez-moi de vous affirmer que Monsieur Gutt est un fin négociateur… Je me suis laissé dire que nos services des Affaires Etrangères et des Finances ont passé plusieurs nuits blanches à cause de lui !
Reynaud ne paraît pas conscient de son impopularité auprès de beaucoup de Belges. Pierlot répond, sans rien laisser paraître : « Je crois que tout le monde a bien travaillé, Monsieur le Président du Conseil. Je suis convaincu que c’est un accord qui sera profitable à nos deux pays. Il resserrera les liens entre la Belgique et la France. »
Spaak garde le silence, ce qui ne l’empêche pas d’apposer sa signature avec empressement, près de celles de Pierlot, Reynaud, Gutt et Blum, ainsi que du ministre des Finances français, Vincent Auriol. Chacun fait ensuite honneur au champagne que les personnels du Quai d’Orsay ont réussi à Déménager.


10 novembre
Collaboration et trahison
Bruxelles
– Devant un comité restreint des cadres du V.N.V., Staf De Clercq expose sa pensée : « Le vainqueur sera, le vainqueur est l’Allemagne. C’est elle qui fixera nos frontières. Dans notre combat contre la Belgique, nous devions parler de frontières, car la Belgique était notre ennemie. L’Allemagne n’est pas notre ennemie. Nous avons foi dans le Führer ! […] La destinée du peuple flamand est néerlandaise, donc germanique. […] D’où notre devise entre les deux guerres : “Los van Wallonië ! Los van Frankrijk !” [Sans la Wallonie ! Sans la France !] Et aussi : “Geen Vlaamsch bloed voor vreemde belangen” [Pas de sang flamand pour les intérêts étrangers].
Nous avons tenu cette promesse. Si, en mai, il n’est pas tombé des milliers de soldats flamands et allemands de plus, c’est grâce au V.N.V. Nous le prouverons ! Mais le moment n’est pas venu de publier cette page éclatante de l’histoire de la Flandre. Le Führer a déclaré : “Ni le Danemark, ni la Hollande, ni la Belgique ne seront traités en ennemis par l’Allemagne”. En ce qui nous concerne, cela est dû au V.N.V.
Nous devons nous intégrer à l’Ordre Nouveau, né de la révolution nationale-socialiste. Nous devons combattre la propagande des Anglais et des Français, la spéculation, les Juifs ! […] La lettre des évêques [appelant à l’unité nationale autour du Roi] est une provocation. La Belgique n’est pas, n’a jamais été, la patrie des Flamands. Nous n’avons jamais aimé la Belgique. Nous l’avons supportée par impuissance. La Flandre reprend le chemin de son destin. Ce destin est germanique. Le jour approche où nous publierons l’œuvre glorieuse du V.N.V. au cours de la mobilisation et de la guerre : une des pages les plus éclatantes de l’histoire de Flandre ! »
Ce discours, qui lève ainsi le voile sur des intelligences passées, des connivences présentes et des spéculations à venir, est en fait avant tout destiné aux Allemands. Même si le V.N.V. fait l’objet d’un traitement préférentiel de la part de l’Occupant, il n’a pu obtenir jusqu’à présent le statut de parti unique qu’il convoitait. En grossissant le rôle du V.N.V. dans les défaillances de certaines unités flamandes au cours de la Campagne des Dix-Huit Jours, De Clercq cherche à démontrer qu’il peut être pour les Allemands un partenaire efficace, et il répètera des propos similaires à de nombreuses reprises dans les mois qui viennent.


11 novembre
Le Sang du Onze Novembre
Bruxelles
– Depuis la veille, un dimanche, gerbes, couronnes et bouquets s’accumulent devant le monument à l’Infanterie belge. Dès le matin, une vive agitation s’est emparée de la Place Poulaert, où se situe le monument, mais aussi le bas-relief en hommage à l’Armée Britannique. Au Parc Josaphat de Schaerbeek, la stèle au Maréchal Foch disparaît sous un amoncellement de fleurs. Des dizaines de milliers de personnes, parmi lesquelles un grand nombre d’écoliers, d’étudiants et d’anciens combattants, s’y retrouvent, arborant les couleurs noir-jaune-rouge ou des cocardes aux couleurs des Alliés. La foule entonne la Brabançonne et défile en criant « Sales Boches », « A bas les Allemands », « Vive l’Angleterre », « Vive la France ». Les bravades se multiplient à l’égard des soldats allemands présents, alors que la police belge reste ostensiblement passive.
L’explosion survient quand un ancien combattant décide de prendre la parole. La police allemande tente de l’arrêter, mais les Gestapistes sont pris à partie par la foule. L’un d’eux, bousculé, perd l’équilibre, tombe et, craignant d’être piétiné, dégaine son arme et tire. Un étudiant s’écroule, touché à mort, et l’émeute éclate. Tandis que la plupart des patriotes présents cherchent à fuir le lieu du drame, les plus excités arrachent les pavés de la place et commencent à les lancer en direction des soldats allemands. La Feldgendarmerie, appelée en renfort, commence à tirer, le plus souvent en l’air, mais pas toujours. Trois nouvelles victimes tombent.
Plusieurs centaines d’arrestations suivront, accompagnées de lourdes condamnations.
Dans les autres villes de Belgique – Anvers, Gand, Charleroi, Verviers, Mons, des manifestations patriotiques ont également lieu, mais sans conséquences aussi dramatiques qu’à Bruxelles.
Furieux, le général Reeder, chef de la Militärverwaltung, convoque les Secrétaires Généraux des ministères dans la soirée. En représailles contre cette journée de manifestations, le Commandement allemand impose une amende de 500 millions de francs belges à la Ville de Bruxelles, et interdit tout rassemblement de plus de cinq personnes à l’occasion de la Fête du Roi, qui doit avoir lieu le 15 novembre. Toute infraction sera lourdement punie.
………
Les jours suivants, les journaux d’Alger titreront sur le « Sang du Onze Novembre », constatant que le drame démontre combien l’équipe Laval (la plupart des journaux parlent de « bande ») s’est discréditée et s’est coupée du peuple français. En effet, on ne manque pas de préciser qu’en Belgique, au moins, la répression a été déclenchée par les Allemands eux même, alors qu’à Paris, elle a été demandée par une autorité française, ou prétendue telle.

Des avions de combat et des enfants combatifs
Alger Maison-Blanche
Les Ailes Belges reprennent le combat (article de William “Bill” Clifton, publié dans le New York Times)
« En cette date symbolique, l’une des plus petites nations alliées, la Belgique, reprend aujourd’hui sa place dans le ciel en Méditerranée. En présence de M. Hubert Pierlot, chef du gouvernement belge en exil, de M. Paul-Henri Spaak, son ministre des Affaires Etrangères, du Premier ministre français M. Paul Reynaud et du ministre de la Guerre, le fameux général Charles de Gaulle, une émouvante cérémonie s’est déroulée à l’aérodrome d’Alger, “Maison-Blanche” (sans rapport avec notre White House). Le général Houdemon, chef d’état-major de l’Armée de l’Air française, et le général-major Legros, commandant en chef de l’Aéronautique Militaire belge, ont mis officiellement en service opérationnel une nouvelle escadre de chasse, la 41e, intégrée à l’Armée de l’Air mais entièrement constituée de pilotes belges et baptisée “Escadre Reine Astrid”, du nom de la défunte reine de Belgique, très aimée de son peuple et malheureusement décédée accidentellement quelques années avant la guerre. Les trois groupes de l’escadre ont reçu les noms des trois enfants royaux. Le Groupe I/41, “Prince Baudouin”, a hérité l’insigne du “Chardon” de la 2e Escadrille de chasse belge d’avant-guerre. Le II/41, ”Prince Albert”, arbore fièrement la “Cocotte Rouge” de la 3e Escadrille et le III/41, “Princesse Joséphine-Charlotte”, la “Comète” de la 1ère Escadrille. Les trois Groupes volent sur Curtiss Hawk-75, ce qui les change des biplans Gloster Gladiator ou Fiat CR.42.
Une escadre de bombardement a également été mise sur pied et sera opérationnelle dans les prochains jours. Elle est équipée de Douglas DB-7 et de Fairey Battle. Son nom de baptême: “Escadre Roi des Belges”. Ses trois Groupes seront dénommés “Roi Chevalier” (en l’honneur d’Albert Ier, le roi de la Première Guerre ; l’insigne sera le Dragon d’Or de la 1ère Escadrille de Bombardement), “Roi Fondateur” (en l’honneur de Léopold Ier, premier roi des Belges ; l’insigne sera le Faucon Egyptien de la 5e Escadrille) et “Roi Prisonnier” (en l’honneur, bien sûr, du malheureux Léopold III ; l’insigne sera la Flèche Ailée de la 7e Escadrille).
Après de longues négociations, les avions belges ont été autorisés à voler sous leurs cocardes nationales, noir-jaune-rouge, à condition que celles-ci soient peintes exactement selon le même schéma que les insignes français bleu-blanc-rouge .
Ces deux escadres intégrées à l’Armée de l’Air sont loin de représenter toute la force aérienne belge, puisque l’Aéronautique Militaire se bat actuellement contre les Italiens en Ethiopie, sous la forme d’une force aérienne autonome, et contre les Allemands en Angleterre, au sein de la RAF, sous forme de plusieurs squadrons belges, qui ont eux aussi obtenu le droit d’arborer leurs couleurs nationales.
Le moment le plus touchant de la cérémonie a été l’arrivée des trois enfants royaux eux-mêmes. On se souvient que ces derniers, réfugiés en France, avaient été évacués vers Londres à la demande de M. Pierlot pendant les terribles journées de juin 1940, alors que leur père s’était laissé faire prisonnier par les Allemands dans l’espoir d’atténuer les souffrances de ses sujets en les représentant personnellement auprès de l’occupant . Ils vivent depuis lors en Angleterre, et les aviateurs de l’Escadre Reine-Astrid ne s’attendaient pas à les voir venir les saluer. Devant ces trois enfants dépositaires des espoirs et de la fierté de tout un peuple, plus d’un de leurs jeunes guerriers de l’air avait la larme à l’œil.
Après avoir encouragé les combattants, les enfants royaux ont salué les membres du gouvernement belge présents, et il était prévu qu’ils soient présentés aux ministres français. Une scène qui en dit long sur la qualité de la fibre morale de la nation belge s’est alors déroulée : le jeune Prince héritier Baudouin (10 ans) a refusé de serrer la main que lui tendait M. Paul Reynaud ! Le jeune garçon, très digne, son petit visage crispé, a fait un pas de côté pour tendre la main au général De Gaulle, lui disant d’une voix frêle mais distincte : « Mon général, nous avions hâte de vous rencontrer et de vous remercier pour l’amitié que vous avez témoignée à la Belgique et à ses forces armées du Congo, qui se battent aujourd’hui bravement en Abyssinie. » Il est évident que ce comportement inhabituel, qui a jeté les diplomates des deux pays dans la plus grande confusion, est à relier au discours insultant pour Léopold III prononcé par M. Paul Reynaud le 28 mai dernier, à la suite de la capitulation brutale de l’Armée belge, sur l’ordre du roi. Après cet incident, M. Reynaud avait cependant l’air plus attristé que mécontent. »


12 novembre
Bonne entente franco-belge
Alger
– Le général de Gaulle a voulu s’entretenir de façon approfondie avec les Ministres belges présents en Afrique du Nord, afin de prendre connaissance des plans de reconstitution de l’armée belge en exil. De Gaulle est accompagné des sous-secrétaires d’état aux Affaires Etrangères, Roland de Margerie, et aux Approvisionnements Militaires, Pierre Cot, ainsi que du général Noguès, commandant en chef des forces alliées en Méditerranée Occidentale, du général d’armée Doumenc et du général d’armée aérienne Mouchard, tous deux de l’Etat-Major général de la Défense Nationale française. Au niveau politique, la délégation belge comprend le Premier ministre Hubert Pierlot, le ministre des Affaires Etrangères Paul-Henri Spaak, et le général Henri Denis en tant que ministre de la Défense Nationale, ainsi que l’Ambassadeur extraordinaire auprès du gouvernement français, Raoul Richard. Du côté militaire, on retrouve le général Wibier, commandant des Forces Belges en Méditerranée, le général-major Collinet, officier de liaison auprès de l’Etat-Major général de la Défense Nationale française, le lieutenant-général-aviateur Legros, commandant de l’Aéronautique Militaire, le général-major-aviateur Tapproge, commandant de l’Aéronautique Militaire belge en Méditerranée et le général-major Bastin, commandant de la 4e DI belge en cours de reconstitution.
Alors qu’il doit prendre la parole, le général Denis apparaît dans un état de grande confusion. D’ailleurs, il a raté la veille la cérémonie de prise d’armes des deux Groupes de l’Aéronautique Militaire à l’aéroport de Maison-Blanche, car il s’est trompé de jour dans son agenda. Il s’est même emporté contre son chef de cabinet, le colonel Goethals, qui avait vainement essayé de rectifier l’erreur. C’est le premier signe avant-coureur de la dégradation des facultés mentales du ministre de la Défense belge, qui allait justifier son remplacement l’année suivante.
Pour éviter tout embarras supplémentaire, ce sont finalement les généraux Wibier et Bastin qui présentent les plans belges à leurs interlocuteurs français. De Gaulle prodigue quelques mots d’encouragement chaleureux, évoquant la fraternité d’armes franco-belge de la Grande Guerre, et même la blessure qu’il avait reçue à Dinant en 1914. Il regrette toutefois qu’à l’exception de l’Aéronautique Militaire, l’activation de tout ce potentiel doive encore prendre près de deux ans. Doumenc fait toutefois remarquer que ce calendrier est peut-être plus opportun qu’il ne paraît à première vue, car les forces terrestres belges monteront en ligne quand le moment sera venu de reprendre pied sur le Continent et alors que le potentiel militaire français sera inévitablement érodé.
A De Gaulle qui demande en quoi la France peut être utile pour soutenir et accélérer les efforts belges, Wibier répond : « Monsieur le Ministre, les accords signés il y a trois jours concernant le rééquipement de nos forces armées démontrent toute la solidarité de la France et nous vous en sommes infiniment reconnaissants. A ce jour, notre préoccupation principale se situe au niveau de l’encadrement. Le manque est particulièrement criant pour les officiers supérieurs. Nous n’en avons pas assez et ceux qui avaient été évacués vers la France avec nos C.R.I. et la Réserve de Recrutement sont pour la plupart des rappelés, comme moi-même d’ailleurs. »
Pierlot intervient alors : « Nous devons mettre en place des filières d’évasion depuis la Belgique. »
– Voire même au sein des camps de prisonniers en Allemagne ! ajoute Bastin, fort de sa propre expérience.
Pierlot poursuit : « Nous cherchons à entrer en contact avec des groupements de militaires restés au pays pour les encourager à nous rejoindre. Il y a déjà eu une poignée d’évasions, mais nous ne disposons pas encore de moyens à une échelle suffisante. »
De Gaulle est très intéressé : « L’armée française est confrontée à des problèmes analogues et nous prenons des dispositions pour mettre en place des filières d’extraction. La géographie commande que nous collaborions étroitement sur ce sujet. Je demanderai à nos services compétents de se mettre en contact avec les vôtres. » Le colonel Groussard, chargé de l’organisation des filières d’évasion depuis la France occupée et des liaisons de la Résistance avec la Métropole, prendra effectivement contact peu après avec le Deuxième Bureau belge.
C’est alors que Denis, sortant de sa torpeur, interjette : « Et la Légion Etrangère ! »
Pendant que les membres de la délégation belge échangent des regards mi-dubitatifs, mi-embarrassés, de Gaulle répète interrogativement, soulevant son sourcil droit : « La Légion Etrangère ? »
– De nombreux Belges en font partie [Les Belges ont longtemps été la nationalité la mieux représentée à la Légion, car les Français qui souhaitaient s’y engager pour effacer un passé encombrant se faisaient le plus souvent passer pour Belges, justifiant ainsi leur connaissance du français]. Ils y ont reçu une formation militaire parmi les plus poussées. Leur expérience nous serait particulièrement utile ! répond Denis, qui a momentanément recouvré ses facultés.
Alors que Noguès s’apprête à objecter que la France a également besoin de toutes les forces à sa disposition, De Gaulle fait, lui, le calcul politique qu’un petit sacrifice aujourd’hui pourrait payer de bien précieux dividendes à long terme : « Mais c’est vrai, mon général, c’est une excellente observation. Général Doumenc, pourriez-vous faire procéder à un recensement des légionnaires belges ? Nous leur offrirons la possibilité de transférer leur engagement vers les forces belges – en Méditerranée, s’entend ! » précise le Général, qui ne souhaite tout de même pas renforcer à ses dépens les troupes à la disposition des Britanniques.
La réunion prend fin sur cet accord qui témoigne de la symbiose croissante entre les vues politiques et militaires des Français et des Belges. En fin de compte, un peu plus d’une centaine de légionnaires seront ainsi transférés vers les forces belges en Afrique du Nord : un apport certes limité quantitativement, mais qui contribuera grandement à accélérer la professionnalisation de ces unités.

(la fin du mois demain !)
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Dim Jan 03, 2016 10:58    Sujet du message: Répondre en citant

13 novembre
La nouvelle Armée belge
Migrations
Camp de Great Malvern
– Le colonel Wets réunit ses officiers pour leurs communiquer les directives qui viennent d’arriver : « Messieurs, nous venons de recevoir nos ordres de marche. Préparez-vous à faire mouvement demain en direction de Liverpool, où nous embarquerons pour Tunis ! »
– Enfin, s’exclame Bénédictus, nous allons enfin bouger.
– Oui, mais ne comptez pas trop profiter du soleil de l’Afrique. D’abord, en cette saison, il pleut souvent – moins qu’ici, c’est vrai. Mais surtout, dès que nous serons installés, nous reprenons l’entraînement. D’abord pour incorporer nos nouvelles recrues, mais aussi pour apprendre de nouvelles tactiques et surtout pour nous former au maniement du matériel que nous allons recevoir. Heureusement, là-bas, l’espace ne manque pas pour les manœuvres. Contrairement à la période de la Drôle de Guerre, nous ne resterons pas statiques.
– Quand recevrons-nous notre nouvel équipement ? interroge Weber. Nos hommes ont encore leurs tenues de campagne qui, je dois dire, commencent à rendre l’âme.
– Ce sera votre cadeau de Saint-Nicolas [le grand saint, fêté le 6 décembre, est très populaire auprès des écoliers belges] ! Pas d’autres questions ? Bien, départ demain à 06h00, nous nous rendrons en colonne à la gare.


14 novembre
Attention, fête dangereuse
Bruxelles
– Une proclamation des Secrétaires Généraux ministériels condamne les manifestations du 11 Novembre, et appelle la population à « faire preuve de la plus grande maîtrise d’elle-même » pour la journée du lendemain.

Divergences au Palais
Laeken
– Après de nouveaux échanges, aucun consensus ne semble émerger entre les dignitaires de la Cour concernant le Gouvernement Pierlot. Le général Van Overstraeten décide alors d’exprimer son avis dans une note au Roi. Cette note s’ouvre par une longue diatribe contre les exactions des Allemands et une mise en garde contre les agissements de leurs sbires au V.N.V. et des pathétiques lambeaux de Rex. Van Overstraeten aborde alors le cœur du sujet :
« 1) Aucune notification contraire ne leur ayant été transmise sous une forme valable, les membres du cabinet Pierlot sont, en théorie, fondés à prétendre qu’ils restent habilités à exercer l’action gouvernementale. Ils n’ont jamais douté du maintien légal de leur pouvoir, et la note des juristes qui leur a été transmise le 4 juin n’a pu que les conforter dans cette idée. En toute vraisemblance, ils ont même pu y lire l’approbation du Roi.
2) En pratique cependant, cette prétention doit être rejetée. En effet, Messieurs Pierlot, Spaak et Denis sont précisément les trois Ministres qui, par leur opposition ouverte à des décisions du Souverain qui échappaient à leur compétence, et par leurs imputations diffamatoires pour l’honneur de Sa Majesté proclamées à la face du monde, se sont frappés de déchéance pour indignité. Quelle que soit l’issue de la guerre, l’honneur national ne pourrait accepter que, ni pendant la durée des hostilités, ni au terme de celles-ci, un Gouvernement Pierlot-Spaak incarne légalement la patrie.
3) Du point de vue pratique, il est cependant indispensable que la Belgique ne se dépouille pas d’un des derniers attributs qui lui restent pour attester sa qualité d’Etat indépendant. La préservation du Congo et l’opportunité de reconstituer une armée belge en exil pour participer à la libération du territoire national l’imposent.
4) A cette fin, il paraît expédient de ne pas contester la légalité des pouvoirs gouvernementaux des autres Ministres présents à Londres, mais, au contraire, de les inviter à procéder à un remaniement ministériel qui écarte des responsabilités ceux qui s’en sont montrés indignes. Le Ministre des Colonies, dont l’attitude est en tout point demeurée irréprochable, pourrait prendre une telle initiative.
5) Il appartiendrait au Roi de notifier Ses vues par le canal de Ses représentants en pays neutres, selon des modalités d’exécution à décider et entreprendre sans délai. »

La nouvelle Armée belge
Migrations
Camp de Great Malvern
– Dès 06h00, les colonnes du 3e Chasseurs à Pied et du 3e CRI font mouvement vers la gare sous les yeux des hommes qui restent. Ceux-ci balancent entre l’amertume de voir leurs collègues partir et l’impatience de les rejoindre. Quant à ceux qui partent, ils balancent entre la joie de faire enfin quelque chose et la crainte de l’inconnu.
– Mon Capitaine ?
– Oui, Caporal Callens.
– Ce n’est pas dangereux, l’Afrique du Nord ?
– Actuellement, pas plus que la Belgique et même moins. On n’y verra pas un seul Allemand et nos alliés ont même pris la peine d’envoyer les Italiens qui s’y trouvaient en camp de prisonniers pour qu’ils ne nous gênent pas.
– C’est que, vous savez, mon Capitaine, je n’étais jamais sorti du pays. Alors d’abord la France, puis ici et maintenant l’Afrique… Je suis un peu perdu, quoi. En plus, Paulette me manque.
– Paulette ?
– Ma fiancée. J’espère qu’elle va bien.
– Ne vous tracassez pas de trop. Dites, il me semble que vous êtes sur la liste des candidats proposés pour suivre les cours de sous-officiers.
– Oui, mais est-ce que j’en serai capable ?
– Après ce que j’ai vu de vous jusqu’ici, j’en suis certain. Paulette sera fière de vous !
………
Liverpool – Le grand nombre de navires et les mouvements du port surprennent bien des soldats. Ils embarquent sur deux bateaux – certains prennent un drôle de teint rien qu’en sentant la passerelle osciller sous leurs pieds.
Sur l’Emile Francqui (un des deux transports), Benedictus fait son rapport : « Mon Colonel, le 3e Chasseurs est à bord ».
– Merci Jean-Paul. Pas de malade ?
– Certains n’ont pas le pied marin, mais nous n’avons pas vraiment le choix !
………
Semaine après semaine, les transferts s’effectueront sans trop de problèmes, en dehors des alertes aux U-Boots – mais aucun des navires transportant des troupes belges ne figurera parmi les victimes des sous-marins allemands.


15 novembre
Fidélité
Bruxelles
– La Fête du Roi se déroule sans incident particulier, si ce n’est que tout au long des grilles et du mur entourant le parc du château de Laeken, des familles “en promenade” sont venues déposer… des feuilles de lierre, le simple fait de sortir dans la rue avec des fleurs ayant été interdit.

Spaak fête le Roi
Alger
– Alors que Pierlot est déjà reparti pour Londres, Paul-Henri Spaak prononce une allocution à Radio-Alger à l’occasion de la Fête du Roi. S’appuyant sur les récentes victoires alliées en Méditerranée, au Soudan et dans le ciel d’Angleterre, il déploie tout son talent oratoire pour réinsuffler l’espoir à ses compatriotes.
Cherchant indirectement à réparer les paroles malheureuses du 28 mai, il déclare que « Sans avions, sans blindés, à cours de ravitaillement, encerclée par une force largement supérieure, l’armée belge a dû mettre bas les armes après avoir combattu jusqu’à la dernière extrémité. Cette capitulation était inévitable ! » C’est la première fois qu’un ministre belge en exil excuse ainsi la capitulation. Cette absolution, tout sauf fortuite dans le chef de Spaak, passera largement inaperçue auprès des Alliés, mais elle jouera un rôle crucial pour réconcilier les officiers qui avaient combattu pendant la Campagne des Dix-Huit Jours avec le Gouvernement de Londres.
Et Spaak de poursuivre : « Mais cette défaite n’a pas mis fin à la guerre. Elle n’empêche pas la Belgique de contribuer à la libération de son territoire national et à la victoire finale ! » Il met alors en avant la contribution militaire belge, tout en promettant qu’elle ne fera que s’amplifier dans les mois qui viennent. Il invite aussi « tous les militaires belges, et en particuliers les officiers, qui, restés au pays ou prisonniers en Allemagne, refusent la défaite, à user de tous les moyens pour rejoindre la Grande-Bretagne ou l’Afrique de Nord et y reprendre le combat. »
Enfin, pour tuer dans l’œuf tout conflit de loyauté potentiel, il conclut sa péroraison en adjurant ses compatriotes : « En ce jour où nous célébrons la Dynastie, serrez-vous autour du Roi prisonnier. Il personnifie la patrie meurtrie mais vivace. N’abandonnez pas la lutte, c’est ce que commande votre devoir de fidélité envers Lui. Vive la Belgique, vive le Roi ! »

Une Armée clandestine ?
Caserne des Grenadiers, Bruxelles
– En ce 15 novembre, jour de la Fête du Roi, les membres de l’OTAD sont réunis pour porter un toast à Sa Majesté.
Au fil des conversations, certains officiers laissent entendre à Baeyens qu’ils seraient prêts à reprendre la lutte. Ils ont vaguement entendu parler du “Déménagement” des Troupes de Renfort et d’Instruction, ainsi que de la Réserve de Recrutement. Et les exploits de la Force Publique au Soudan enflamment les cœurs. Perdu dans ses pensées, Baeyens n’a pas remarqué que le major Souka, un ancien du 4e de Ligne, s’est approché de lui.
– Eh bien Commandant, vous rêvez ?
– Mes respects mon Major. Un cauchemar, plutôt. Je repensais au gâchis de mai 40… Et je ne suis pas trop fier de ce que j’ai fait depuis.
– Expliquez-vous.
– J’ai échappé à la capture, mais j’aurais dû tenter de rejoindre l’Angleterre pour reprendre la lutte !
– Vous semblez bien combatif !
– Je voudrais juste que les Allemands retournent du bon côté de la frontière.
– Je vois… Mais plutôt qu’outremer, pourquoi ne pas préparer la reprise de la lutte ici même, en toute fidélité envers Sa Majesté le Roi ?
– Que voulez-vous dire, mon Major ?
– Oh, pas grand-chose… Ce ne sont que des bruits, mais il semblerait que certains de nos collègues tentent de mettre une organisation sur pied. Alors, si ça vous intéresse…
– Hum… Merci mon Major, je vais y réfléchir. Mais entre nous, si vous aviez le choix entre quitter le pays pour se battre sous l’uniforme ou lutter de manière clandestine, que choisiriez-vous ?
– A vrai dire, on ne sait pas ce qu’on va trouver en Angleterre, sinon des politiciens qui ont insulté l’armée et son chef… Alors, si c’est pour n’être qu’un bataillon de l’armée anglaise, je préfère rester en Belgique et préparer la reprise de la lutte ici !
– Je vous comprends. Mais ils ont tout de même évacué une bonne partie des TRI et de la Réserve de Recrutement. Et vous savez qu’ils étaient plusieurs dizaines de milliers.
– Oh, que voulez-vous faire de ces pauvres hères sans instruction militaire ? Allons, réfléchissez à ma… à ce dont nous avons parlé.
– Je n’y manquerai pas, mon Major.
Cette conversation donne à penser à Baeyens. Il semblerait que quelqu’un soit en train de mettre sur pied une organisation armée clandestine sur pied… Il faudra le signaler à Londres !


17 novembre


18 novembre

En quête d’officiers belges
Bruxelles
– Un mot à son intention est sur le bureau de Baeyens : « Si vous avez réfléchi à ce que nous avons parlé le 15, cherchez l’ancien CEM de la 17e DI. »
Le jour même, après quelques recherches, il trouve le nom du chef d’état-major de la 17e Division : le colonel Lentz. Bon sang, que de temps perdu, il l’a déjà rencontré lors de la campagne des Dix-Huit jours… Il ne reste plus qu’à trouver là où il habite.


19 novembre
Divergences au Palais
Laeken
– Ayant reçu la note de Van Overstraeten, mais aussi des contributions contradictoires de Frédéricq et de Capelle, Léopold III a réuni ses collaborateurs pour arrêter l’attitude à prendre à l’égard du Gouvernement de Londres. Le Roi ouvre la réunion par cette interrogation : « J’espère qu’aucun dignitaire de ma Maison ne considère qu’il faut se réconcilier avec le gouvernement de Londres ? »
Van Overstraeten réplique: « Les ignorer, comme le suggère Monsieur Frédéricq, n’est pas une solution non plus. Il me paraît essentiel qu’un gouvernement résidant en pays libre personnifie l’existence de la Belgique. »
Frédéricq objecte : « Mais il est impossible que ceux qui ont rompu la confiance du Roi en fasse partie. Cette situation est insoluble, je répète qu’il convient de les ignorer. »
Van Overstraeten répond : « Il faudrait donc que les “quatre de Wijnendaele” – qui ne sont d’ailleurs plus que trois – en soient exclus. »
Capelle intervient : « Mais un gouvernement établi à Londres est immanquablement soumis aux pressions de l’étranger. Il ne peut valablement prétendre incarner l’indépendance nationale. »
Van Overstraeten : « Qu’à cela ne tienne, il n’aurait qu’à déménager au Congo ! Monsieur De Vleeschauwer est resté étranger à toutes les turpitudes de mai-juin. Il pourrait prendre la tête d’un tel exécutif. »
Frédéricq : « Et comment Sa Majesté fait-elle pour nommer De Vleeschauwer comme Premier Ministre ? Le Roi devrait se départir de son attitude de retenue, c’est parfaitement impossible vis-à-vis des Allemands. »
Léopold III : « En aucun cas je ne souhaite donner l’impression que je cautionne une forme de double jeu entre les Alliés et les Allemands. Même si la Belgique reste techniquement en guerre avec l’Allemagne, nous n’avons plus les moyens de peser sur le cours des événements militaires. »
Van Overstraeten : « Sire, je crains que cette vision soit dépassée par les faits. Dans son discours à Radio-Alger, Monsieur Spaak a clairement indiqué la volonté de reconstruire une armée belge en exil. Il a même encouragé les officiers belges qui le pourraient à la rejoindre, en se prévalant de leur serment de fidélité à l’égard de Sa Majesté. Sire, ne courez pas le risque que la situation échappe totalement à Votre contrôle, je Vous en conjure. »
L’argument de Van Overstraeten fait visiblement mouche sur le Roi qui se tait, pensif. Capelle intervient alors à nouveau : « Mais, Général, que voudriez-vous que fasse le Roi ? Il ne va tout de même pas reprendre contact avec ces félons, qui symbolisent le régime vermoulu qui a conduit le pays à la catastrophe. »
Léopold, qui s’est ressaisi, répond lui-même : « Le Roi ne peut agir directement en l’espèce. La solution doit venir des Ministres loyaux eux-mêmes. »
Frédéricq : « Mais ils ne pourront jamais deviner les intentions de Sa Majesté. Il faudrait au moins leur envoyer un signal, par le canal diplomatique par exemple. »
Léopold III conclut: « Messieurs, Général, je vous remercie pour vos conseils, qui m’ont permis de mieux discerner l’attitude à adopter. Réfléchissez donc à l’approche la plus appropriée pour obtenir le résultat souhaité, sans compromettre la Couronne. »


20 novembre
Divergences au Palais
Laeken
- Capelle, Frédéricq, d’Aspremont et Van Overstraeten se revoient pour, ainsi que le leur a demandé le Roi, résoudre une nouvelle variante politique de la quadrature du cercle : révoquer un Gouvernement sans en avoir l’air… Capelle préfère une communication orale. Frédéricq insiste encore qu’il vaudrait mieux ne rien faire du tout, mais qu’à tout prendre, le mieux serait de passer par l’ambassadeur Adrien Nieuwenhuys au Vatican, qui a réaffirmé sa fidélité au Roi et ferait lui-même suivre un éventuel message vers l’ambassadeur à Londres, le baron Emile Cartier de Marchienne. Capelle se souvient alors que le ministre Antoine Delfosse est toujours en Belgique, car il n’avait pu rejoindre ses collègues en France en raison de l’avance allemande. Il avait proposé au Roi sa signature pour former un nouveau gouvernement durant l’été ; peut-être accepterait-il une telle mission ? En fin de compte, tous s’accordent pour utiliser les deux canaux en parallèle : Capelle recevra Delfosse chez lui pour lui expliquer la situation et solliciter son concours, tandis qu’un message sera envoyé via le Vatican.
Le débat se poursuit alors concernant la formulation précise du message à envoyer. Frédéricq, toujours à sa première idée, suggère simplement : « Le Palais n’a jamais eu, et ne souhaite pas, avoir de contact avec Londres. » Van Overstraeten objecte que « Londres » est trop général, ce sont les trois de Wijnendaele qu’il faut viser ; sinon, on pourrait croire que le Roi ne désire même plus de nouvelles de ses enfants ! Frédéricq suggère de préciser qu’on parle ici du « Roi prisonnier ». Mais Capelle estime que ce n’est pas parce que le Roi est prisonnier qu’il ne souhaite pas reprendre contact avec Pierlot et ses acolytes ; même si le Roi était libre, Il adopterait la même attitude. D’Aspremont s’essaie alors à synthétiser les points de vue : « Le Roi ne souhaite pas avoir de contact avec les Ministres qui ont rompu avec Lui le 25 mai. » Capelle complète : « Le Roi et le Palais n’aspirent pas à entrer en contact avec les Ministres… ».
Après quelques palabres supplémentaires, la formule devient finalement : « Le Roi et sa Maison ne souhaitent pas que soit établie une liaison avec le cabinet Pierlot présent à Londres dans sa composition présente. »


21 novembre
En quête d’officiers belges
Bruxelles
– Sous une pluie battante, Baeyens se rend au domicile de Lentz, avenue Huart-Hamoir à Schaerbeek. C’est Lentz en personne qui lui ouvre.
– Colonel Robert Lentz ? Mes respects, mon Colonel. Je suis le commandant Baeyens, CEM de la 1ère Division de Cavalerie.
– Hum… Mais votre division n’existe plus, non ? répond Lentz, méfiant.
– Hélas, tout comme la vôtre, n’est-ce pas ?
– C’est exact. Mais entrez donc, vous risquez de vous noyer par ce temps.
– Nous nous sommes déjà rencontrés, mon Colonel. Le 24 mai exactement, pour coordonner le renfort du groupe Cycliste de votre division vers le 2e Lancier.
– En effet, je me souviens de vous. Mais je suppose que si vous êtes ici, ce n’est pas pour refaire la bataille de la Lys…
– Non, c’est vrai. Je travaille à l’OTAD, où des… rumeurs ont mentionné votre nom.
– Des rumeurs ?
– Il se dit que vous recherchez des gens pour reconstituer une Armée belge clandestine.
– Vraiment ? Et que diriez-vous d’un tel projet, s’il existait ?
– Oh moi, vous savez, je tiens surtout à ce que le pays retrouve sa liberté et le Roi ses pouvoirs constitutionnels. Après tout, c’est pour défendre tout cela que je suis entré dans l’Armée !
– C’est en effet le but… Mais vous n’avez pas vraiment répondu à ma question. Seriez-vous prêt à rejoindre une telle organisation, toujours à supposer qu’elle existe ?
– A vrai dire, mon Colonel, je cherche surtout à passer en Angleterre. Je préférerais me battre en uniforme.
– Bah, vous ne servirez pas à grand-chose à des centaines de kilomètres… Tandis qu’ici, nous pouvons rassembler tous ceux qui n’ont pas été fait prisonniers, ou qui ont pu être libérés. Et nous disposons de soutiens haut placés. Et quoi qu’aient pu en dire les Pierlot et consorts, les hommes demeurent fidèles à leur serment au Roi, ne l’oubliez pas !
– Certes, mon Colonel, mais vous semblez négliger les TRI et la Réserve de Recrutement. Ils doivent être nombreux en Angleterre ou en Afrique du Nord. Ils pourront y être rééquipés et entraînés pour participer à la reconquête et à la libération du territoire national !
– Tout cela me semble encore fort spéculatif. Qui sait ce que les prochains mois nous réservent ? A mes yeux, le plus important consiste à mettre à la disposition du Roi une force loyale lorsque le pays retrouvera sa liberté, afin de Lui permettre de procéder aux nécessaires réformes en dehors de toute pression intérieure ou extérieure.
– Je comprends votre démarche, mon Colonel. Donc, vous ne sauriez pas m’aider à rejoindre l’Angleterre ?
– Non, je suis désolé, je ne dispose d’aucun moyen pour vous assister dans cette entreprise. Votre envie de reprendre le combat vous honore, et je n’ai pas à juger la façon dont vous souhaitez le faire. Je regrette cependant de ne pouvoir vous rallier à notre cause. Je dis « notre cause », car je ne suis pas seul. Des hommes font depuis des semaines le tour du pays pour réunir le plus de monde possible.
– Ne m’en dites pas plus, mon Colonel. Pour ma part, je vais tenter ma chance vers Londres. Et vous avez ma parole d’officier que j’ai déjà oublié cette conversation et votre adresse.
– Je vous souhaite tout de même bonne chance.
– Merci, mon Colonel.
Encore une conversation qu’il faudra communiquer à Londres, se dit Baeyens en sortant.

Divergences au Palais
Laeken
– Capelle soumet le résultat des cogitations de la veille au Roi, qui approuve l’envoi du message par les deux canaux prévus.

Un secrétaire imprudent
Bruxelles
– Le soir-même, Capelle, toujours imprudent, reçoit Poulet, le rédacteur en chef du Nouveau Journal. Il l’informe de l’attitude que le Roi a décidé d’adopter vis-à-vis du Gouvernement de Londres, en insistant surtout sur l’absence de liaison et en faisant l’impasse sur la porte légèrement entr’ouverte que pourrait représenter un remaniement. Fort de ce renseignement, le Nouveau Journal va lancer dans les prochains jours une campagne de presse hargneuse contre les ministres exilés.


22-23 novembre


24 novembre

OTAD oui, gendarmerie renforcée non
Bruxelles
– Après des mois de tergiversation, Plisnier a enfin accepté de proposer à la Militärverwaltung que l’inspection de la gendarmerie soit confiée au général Keyaerts. Le secrétaire-général à l’Intérieur a, lui aussi, donné son approbation. Mais cette proposition est rédigée de façon si peu persuasive que les Allemands n’y donneront aucune suite… D’autant plus qu’ils ont eu vent de tentatives de constitutions de réseaux militaires clandestins et qu’ils ne voudraient pas qu’une gendarmerie renforcée leur serve de paravent ou, pire, de matrice.


25-26 novembre


27 novembre

Légion belge et Armée belge reconstituée
Bruxelles
– En ce jour se tient pour la première fois une rencontre au sommet entre les dirigeants de la Légion Belge (représentés par le lieutenant-aviateur René Gallant et le lieutenant de réserve Charles Vander Putten) et ceux de l’Armée Belge Reconstituée, ABR (représentée par le colonel Lentz et le capitaine BEM Charles de Walckiers). Le commandant Claser, toujours dans la clandestinité, n’est pas présent.
Marcel de Roover reçoit les quatre hommes au 2 rue de la Régence, dans les locaux de la Brufina, holding faîtier de la Banque de Bruxelles. L’homme de confiance du baron Paul de Launoit a suivi le développement des deux mouvements depuis l’été : étant donné la proximité de leurs objectifs et de leurs méthodes, ainsi que leur loyauté envers le Roi, il estime le moment venu de procéder à un rapprochement. Pour convaincre ses interlocuteurs, il dispose d’arguments sonnants et trébuchants : de Launoit s’est déclaré prêt à subsidier discrètement une telle initiative, pour autant que les différentes tendances unissent leurs efforts. En vérité, le baron, en bon financier, “couvre” sa prise de risques : sous la pression allemande et en accord avec la politique dictée par le comité Galopin, il a relancé la production dans ses charbonnages et aciéries du groupe Ougrée-Marihaye, tout en sachant que la majeure partie est exportée vers l’industrie de guerre allemande. Se rapprocher de la Résistance naissante lui permet de rééquilibrer sa position et de se procurer un brevet de patriotisme qui pourrait s’avérer utile le jour venu.
Au cours des discussions, les uns et les autres constatent un grand degré de convergence, avec toutefois quelques nuances. La Légion Belge envisage un passage à l’action plus rapide que les disciples de Lentz ; elle est de ce fait structurée de façon beaucoup plus rigoureuse et secrète. Gallant et Vander Putten refusent d’ailleurs de communiquer les noms des autres dirigeants de la LB à leurs homologues de l’ABR.
Alors que la conversation se porte vers l’attitude à adopter envers les Alliés, Lentz indique que quelques officiers ont manifesté le souhait de rejoindre les forces belges « déménagées » vers la Grande-Bretagne ou l’Afrique du Nord. Il se rappelle sa conversation avec Baeyens quelques jours plus tôt et se demande quelle attitude adopter. Mais se pose alors la question des rapports avec le Gouvernement Pierlot : les messages, certes encourageants, qui ont été envoyés ces derniers temps signalent-ils une véritable réconciliation avec le Roi ?
En fin de compte, aucune décision finale n’est prise concernant un éventuel rapprochement entre les deux organisations, mais il est convenu de rester en contact pour mieux se connaître. Ce sont le lieutenant Gallant et le capitaine de Walckiers qui joueront le rôle d’agents de liaison.


28 novembre


29 novembre

Un diplomate averti
Londres
– Via son homologue du Vatican et Lisbonne, l’ambassadeur Cartier de Marchienne a reçu un message pour le moins sibyllin, en provenance – semble-t-il – de Laeken. Après avoir bien réfléchi, il en comprend, effaré, le sous-texte. Ce n’est pas le moment de causer une splendide crise constitutionnelle et de créer un motif d’embarras majeur envers les Alliés ! Par le même canal en retour, le subtil diplomate fait alors répondre : « J’ai bien reçu le message, je ne vais lui donner aucune suite. »

Légion belge et Armée belge reconstituée
Bruxelles
– Gallant fait rapport à Claser de sa réunion de l’avant-veille avec l’ABR. Après mûre réflexion, et malgré les idéaux communs aux deux mouvements, les deux hommes conviennent que la personnalité de Lentz, figure reconnue et parfois tapageuse, ne semble pas la plus adéquate pour l’action clandestine. Dans un premier temps, ils décident donc de suivre l’évolution de la surveillance que les Allemands exercent sur le colonel Lentz et son mouvement. Dans un second temps, une fusion pourrait être envisagée, pour autant que le flamboyant colonel accepte d’être momentanément écarté, le temps de rentrer dans l’ombre et d’endormir la surveillance de l’ennemi. La perspective de bénéficier de subsides du baron de Launoit incite Claser à une certaine souplesse, car Gallant et lui-même ont dû financer toutes les activités de la Légion Belge sur leurs propres deniers depuis l’été.
Gallant aborde également la question des évasions pour rejoindre les territoires contrôlés par les Alliés et renforcer une éventuelle armée belge en exil. La question paraît tellement épineuse à Claser qu’il estime devoir récolter l’opinion de Léopold III lui-même avant de prendre position. Pour ce faire, il compte passer par l’intermédiaire de leur ancien camarade et chef de promotion à l’Ecole Royale Militaire, l’abbé Joseph De Schuyteneer. Ce dernier était rentré dans les ordres après sa formation militaire, sans rompre toutefois avec ses anciens condisciples ; familier du Roi, il l’a déjà rencontré à l’une ou l’autre reprise depuis la capitulation.


30 novembre
La colonisation belge en question
Khartoum
– Avant de repartir pour Léopoldville, le gouverneur général du Congo belge, Pierre Ryckmans (venu à Khartoum pour la conférence interalliée sur l’Afrique de l’Est) accepte de donner une interview à Jo Gérard. Celle-ci aura des conséquences imprévues et importantes ; le journaliste lui fait une large place dans ses souvenirs.
« Monsieur le Gouverneur, je voudrais vous remercier de bien vouloir consacrer quelques minutes à nos lecteurs. Quel regard nos Alliés portent-ils sur la contribution du Congo Belge à l’effort de guerre ?
– Un regard on ne peut plus positif. Notre production de matières premières s’est rapidement réorientée pour fournir en quantité les industries d’armement britannique et américaine, et je ne puis que me féliciter des excellentes relations que nous entretenons avec l’Afrique Equatoriale Française. Le rôle capital que la Force Publique vient de jouer dans la levée du siège de Khartoum vaut à nos troupes une réelle estime de la part de nos Alliés.
– J’ai pu moi-même constater l’excellente tenue de notre contingent. Nos soldats sont dignes de leurs prédécesseurs de la campagne d’Afrique Orientale Allemande, à laquelle – je tiens à le rappeler à nos lecteurs – vous avez participé comme capitaine dans la Force Publique.
– Une excellente tenue, assurément. Il conviendrait d’ailleurs, comme d’autres l’ont déjà fait, que la Belgique réfléchisse à la façon dont elle marquera sa reconnaissance aux enfants du Congo prêts à sacrifier leur vie pour elle.
Je comprenais parfaitement l’allusion de Ryckmans à la décision prise par Alger l’été précédent d’octroyer la citoyenneté française aux indigènes engagés volontaires dans l’armée française.
– Vous avez toujours tenu à cœur les intérêts de vos administrés.
– Les droits du colonisateur n’existent que dans la stricte limite où il se reconnaît des devoirs. Conçue autrement, la colonisation est synonyme de conquête injuste, de spoliation pure et simple.
– Que voudriez-vous dire aux Belges de Métropole s’ils pouvaient nous lire ?
– Que le Congo, conscient de tout ce qu’il a reçu de la Belgique ces dernières décennies, est déterminé à tout mettre en œuvre pour la libération de la patrie et de son Roi. Mais au-delà des heures tragiques que nous connaissons, il faudra continuer à s’assurer que les Congolais soient les premiers bénéficiaires de notre présence au Congo.
– Personne n’a oublié votre serment de Léopoldville !
– Il s’était créé début juillet un antagonisme absurde entre partisans et adversaires du Roi. J’avais même dû faire enlever les portraits du Sa Majesté des bâtiments publics pour ne plus donner prétexte à des affrontements imbéciles. C’est l’immense mérite de Monsieur le ministre des Colonies d’avoir mis clairement en évidence que le silence du Roi prisonnier et l’action énergique du Gouvernement ne sont que deux aspects d’une même politique, qui se renforcent l’un l’autre.
– Monsieur le Gouverneur, je vous remercie. » (Jo Gérard, op. cit.)
Cet entretien va être dix jours plus tard à l’origine de la première grande polémique de la carrière de Jo Gérard (qui devait en compter de nombreuses !). Il s’agit de la fameuse “Controverse des Médailles en Chocolat”.

Légion belge et Armée belge reconstituée
Bruxelles
– Vander Putten a fait la même analyse que Claser et Gallant concernant l’aide éventuelle à apporter à le reconstitution de l’armée belge en exil. C’est pourquoi, sans connaître les rapports qu’entretient Lentz directement avec le général Van Overstraeten, il demande au lieutenant de réserve Georges Rhodius de se renseigner auprès de l’entourage du Roi. Ancien député rexiste de Namur mais patriote sans concession, Rhodius a été parmi les premiers officiers à militer auprès de Lentz au cours de l’été. Mais surtout, il est bien introduit auprès du commandant Hubert Rombouts, secrétaire de la Maison Militaire du Roi.
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MessagePosté le: Dim Jan 03, 2016 19:51    Sujet du message: Re: Novembre 40 pour les Belges Répondre en citant

Casus Frankie a écrit:
C’est alors que Denis, sortant de sa torpeur, interjette : « Et la Légion Etrangère ! »
Pendant que les membres de la délégation belge échangent des regards mi-dubitatifs, mi-embarrassés, de Gaulle répète interrogativement, soulevant son sourcil droit : « La Légion Etrangère ? »
– De nombreux Belges en font partie [Les Belges ont longtemps été la nationalité la mieux représentée à la Légion, car les Français qui souhaitaient s’y engager pour effacer un passé encombrant se faisaient le plus souvent passer pour Belges, justifiant ainsi leur connaissance du français]. Ils y ont reçu une formation militaire parmi les plus poussées. Leur expérience nous serait particulièrement utile ! répond Denis, qui a momentanément recouvré ses facultés.


Mmh, ça va être plus compliqué que ça : puisque des Français se sont engagés dans la Légion en se faisant passer pour des Belges, on va leur proposer aussi ce transfert, mais à ce moment là leur fausse identité sera découverte soit par la hiérarchie française de la Légion (comment ça vous n'êtes pas belge ?), soit par l'armée belge (désolé, on ne trouve pas trace de vous) !
Tout dépend des archives (militaires et état-civil) qui ont pu être déménagées par les deux pays !
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On ne trébuche pas deux fois sur la même pierre (proverbe oriental)
En principe (moi) ...
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MessagePosté le: Dim Jan 03, 2016 19:52    Sujet du message: Répondre en citant

Oh, vu le joyeux… désordre qui doit régner (ces archives n'ont pas dû être prioritaires pour le Déménagement) ça devrait s'arranger, d'autant plus que la mutation se fera sur la base du volontariat : un Français pseudo-Belge n'aura qu'à dire qu'il ne souhaite pas être transféré pour éviter d'être découvert.
_________________
Casus Frankie

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MessagePosté le: Dim Jan 03, 2016 19:54    Sujet du message: Répondre en citant

...et puis dans la legion, à cette époque, il y a la théorie et la pratique...on est encore loin de notre époque où il suffit de deux clic de souris pour avoir un extrait de casier judicaire par exemple
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www.strategikon.info
www.frogofwar.org
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