Fantasque Time Line Index du Forum Fantasque Time Line
1940 - La France continue la guerre
 
 FAQFAQ   RechercherRechercher   Liste des MembresListe des Membres   Groupes d'utilisateursGroupes d'utilisateurs   S'enregistrerS'enregistrer 
 ProfilProfil   Se connecter pour vérifier ses messages privésSe connecter pour vérifier ses messages privés   ConnexionConnexion 

Histoires belges (et sérieuses)
Aller à la page 1, 2, 3, 4  Suivante
 
Poster un nouveau sujet   Répondre au sujet    Fantasque Time Line Index du Forum -> 1940 - Discussions
Voir le sujet précédent :: Voir le sujet suivant  
Auteur Message
Casus Frankie
Administrateur - Site Admin


Inscrit le: 16 Oct 2006
Messages: 13715
Localisation: Paris

MessagePosté le: Mar Déc 15, 2015 11:35    Sujet du message: Histoires belges (et sérieuses) Répondre en citant

Notre St Père Benoit XVII, assisté de l'enfant de choeur Wil Coyote, a révisé à fond ce qu'on pourrait appeler "La Belgique si la France avait continué la guerre".
Je vais poster ici les nombreux éléments inédits, dont certains surprendront même les lecteurs belges.

_________________
Casus Frankie

"Si l'on n'était pas frivole, la plupart des gens se pendraient" (Voltaire)
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Casus Frankie
Administrateur - Site Admin


Inscrit le: 16 Oct 2006
Messages: 13715
Localisation: Paris

MessagePosté le: Mar Déc 15, 2015 11:37    Sujet du message: Juin 40 - Ajouts belges Répondre en citant

Attention, je précise que ce qui suit consiste uniquement en ajouts aux textes déjà en ligne.

10 juin

Dans la soirée, Hubert Pierlot confie au chargé d’affaires de Grande-Bretagne qu’il préfère « laisser la question constitutionnelle en suspens et consacrer toute notre énergie à la poursuite de la guerre. »
………
Louvain – L’avis du Premier Ministre belge n’est pas partagé par tout le monde au pays. Ainsi du vicomte Charles Terlinden. Professeur d’histoire à l’Université de Louvain, spécialiste des principautés bourguignonnes et de l’Ordre de la Toison d’Or, c’est aussi un nationaliste exalté, qui s’inspire pour sa pensée politique de cette époque où le Prince régnait en maître d’un état corporatiste. Début juin, il avait joué un rôle d’intermédiaire occulte entre le Palais et l’occupant allemand.
A présent, il communique à la Cour une note où il décrit le gouvernement Pierlot comme « révolutionnaire » et ne disposant d’aucune légitimité en Belgique occupée. Il en vient même à contester son élection, car le suffrage universel [masculin] a été instauré après la Grande Guerre sans passer par la procédure normale de révision de la Constitution. A ses yeux, seule l’autorité du Roi est intacte et c’est elle qui pourra sauver la Belgique.


15 juin
Chut ! d’un côté, collabos de l’autre
Bruxelles
– Parution du premier numéro de Chut !, journal clandestin qui sera imperturbablement publié jusqu’à la libération de la Belgique. Il est l’œuvre d’un avocat bruxellois de 75 ans, Albert Van de Kerckhove, un récidiviste qui signait déjà du pseudonyme de “Fidelis” dans la Libre Belgique clandestine de 1914-18.
En sens inverse, dans un mémorandum, le chef du V.N.V. (nationalistes flamands), Staf De Clercq, promet la collaboration complète de son parti à l’Allemagne. Il s’y fait l’avocat d’une “Grande-Néerlande” comprenant la Flandre, les Pays-Bas et la Flandre française, mais également la Wallonie, qui serait colonisée par des Flamands après que ses habitants auraient été déportés vers la France.
Ce même jour, un télégramme du Führer confirme à von Falkenhausen que les départements du Nord et du Pas-de-Calais restent bien rattachés à la Militärverwaltung de Bruxelles


16 juin
Des renforts belges pour la RAF
Bordeaux, 14h00
– Le lieutenant-colonel Wouters téléphone de Londres pour annoncer qu’après de longues tractations, l’Air Ministry a donné son accord à la constitution d’escadrilles volant sous cocardes belges. Le transfert vers l’Angleterre des aviateurs belges commencera le 19 juin par ceux qui connaissent le matériel britannique. Parmi les 600 pilotes et hommes d’équipage belges encore présents en France, 90 pilotes de chasse et 75 équipages de bombardier sont dans ce cas.

Royalistes et Résistants
Bruxelles
– Le bâtonnier près la Cour de Cassation, Paul Veldekens, remet au chef de cabinet du Roi, Louis Frédéricq, une note juridique fouillée rédigée par huit éminents avocats. La note reconnaît au Roi la possibilité de nommer un nouveau Gouvernement sans contreseing des ministres en exercice et de conclure ensuite une paix séparée avec l’Allemagne dès que le territoire de la Belgique cesserait de servir aux hostilités contre ses garants, même si la France continuait la guerre depuis ses colonies. Les juristes estiment même que le Roi pourrait faire approuver à la fin de la guerre une nouvelle Constitution par référendum, dérogeant ainsi aux règles constitutionnelles en vigueur. La note en question va donner des idées à de nombreux constitutionnalistes en herbe sous les années d’occupation, y compris au Cabinet du Roi, mais sans que cela prête jamais à conséquence.
Le même jour, le ministre des Communications, Antoine Delfosse, qui, pris dans le chaudron des Flandres, n’avait pu rejoindre ses collègues en France, met sa signature à la disposition du Roi… mais ce dernier n’en fera rien !

Reconstituer l’Armée belge
Bruxelles
– Alors que certains se demandent comment s’accommoder de l’Occupation, ce sont de tout autres sentiments qui animent aujourd’hui le colonel Robert Lentz. Le colonel est une vielle connaissance du général Van Overstraeten : ils ont défendu ensemble la ferme des Tuileries lors de la bataille de Haelen, en août 1914 – cette bataille, dites « des casques d’argent », avait vu une spectaculaire victoire des forces belges contre la cavalerie allemande. Puis Lentz a été le répétiteur de Van Overstraeten à l’Ecole Royale Militaire. Ce dernier l’a décrit comme un « fils d’officier, neveu d’officier, [qui] incarne le type, peu commun en Belgique, de l’officier guerrier. La taille élancée prise dans l’élégant dolman de lancier, la coiffure en bataille, l’œil goguenard sous le monocle inamovible, le verbe franc et jovial, il campe une silhouette qu’on n’oublie pas. » Officier de réserve, Lentz a été chef d’état-major de la 17e Division, une unité de seconde réserve qui s’est comportée plus qu’honorablement au cours de la Campagne des Dix-Huit jours. La capitulation, qu’il qualifie d’« incident sans importance », l’a surpris en Flandre zélandaise, et il n’a pu que récemment retrouver son foyer, avenue Huart-Hamoir à Bruxelles.
En 1935, le colonel a fondé l’Union Nationale des Officiers de Réserve, et c’est dans ce vivier qu’il compte puiser pour constituer une organisation militaire clandestine. Le jour venu, cette organisation « mettra à la disposition du Roi, seul chef ayant la confiance entière et absolue de l’armée, à l’exclusion de toute autre personnalité, au moment, où, pour une raison quelconque (débarquement des troupes alliées, désagrégation intérieure, etc.), les Allemands abandonneraient volontairement ou non le territoire national, une force minimum de 40 à 50 000 hommes, armés, décidés, ayant confiance complète dans ceux qui les conduisent et prêts à toute mission quelconque pour assurer la paisabilité [sic] du pays pendant le temps nécessaire au Roi pour réorganiser le Gouvernement et décider du sort du pays, en toute tranquillité d’esprit. […] Le but accessoire de l’organisation, ou considéré comme tel à l’heure actuelle, mais qui est préparé minutieusement et pourrait devenir à un certain moment le but principal, est : aide la plus complète à donner aux armées alliées en cas de débarquement sur le sol national, tant par des actes de sabotage systématiquement organisés et généralisés, que par l’entrave apportée aux services arrières de l’ennemi (routes coupées, nœuds routiers occupés, ponts à détruire ou à conserver, occupation de centraux téléphoniques, casernes, ministères, gares, kommandanturs, etc.) que par le soulèvement général de la population. »
C’est via le cercle industriel et commercial Mars & Mercure, qui regroupe précisément les officiers de réserve actifs dans la vie économique, que Lentz établit ses premiers contacts. Les tendances d’Ordre Nouveau dominent nettement dans ce milieu, mais elles y sont transcendées par un patriotisme farouche empreint d’une haine féroce de l’Allemagne. Au fur et à mesure, Lentz va ainsi établir un réseau qui couvrira toute la Belgique et sera connu sous le nom d’Armée Belge Reconstituée.
………
Laeken – Le Roi et le général Van Overstraeten commentent la situation militaire. Le Roi s’étonne que les Français ne semblent pas avoir décidé de capituler, alors que leur situation est clairement désespérée. Van Overstraeten explique alors que les Allemands rencontreront probablement des difficultés avant de pouvoir conquérir le reste de la France, et que les possibilités de poursuivre la lutte à partir de l’Afrique du Nord, en évacuant les troupes françaises restantes avec le soutien de la Royal Navy, sont réelles. Le général ne peut s’empêcher de penser qu’il y aurait dû y avoir moyen d’évacuer quelques dizaines de milliers de soldats belges depuis les ports de la Mer du Nord si l’armée belge avait fait retraite sur l’Yser le 27 mai, comme il l’avait conseillé, au lieu de capituler. Il n’imagine pas ce que les Belges de France sont en train de tenter !
Le général poursuit en indiquant l’intérêt qu’il y aurait, en les circonstances, d’assurer « une survivance du ministère de la Défense nationale, à l’instar des autres départements, dont la permanence est assurée sous la direction d’un secrétaire général ». L’objectif serait d’organiser la démobilisation, de continuer à administrer le personnel militaire et de régler la question des traitements, mises à la retraite, invalidités, etc. Cela permettrait aussi, et surtout, de reprendre en main la gendarmerie. Van Overstraeten suggère que le général Michiels, chef d’état-major de l’Armée, pourrait être chargé d’une telle tâche, avec l’aide d’une douzaine d’officiers subalternes.
Le Roi trouve la suggestion intéressante et accepte que Van Overstraeten tente de gagner le colonel Kiewitz à cette idée.

Résistants
Liège
– Walthère Dewé, l’ancien chef du réseau de renseignement de la Dame Blanche pendant la Grande Guerre, rencontre son ami, l’ingénieur Hector Demarque. « L’Angleterre tiendra aussi longtemps qu’il sera nécessaire, affirme Dewé. S’il en était besoin, le refus des Français d’accepter la défaite ne peut que l’y encourager. Tôt ou tard, les Etats-Unis et l’Union Soviétique seront contraints à l’intervention. La guerre sera très longue. Qu’importe ! La grandeur de la cause exige que nous ne fixions aucune limite à notre devoir. Quoi qu’il arrive, nous irons jusqu’au bout. » Les deux amis décident de fonder ce qui deviendra le réseau de renseignements Clarence (d’après le pseudonyme que se choisira Demarque), réseau qui comptera plus de 1 500 agents. Pour l’heure, Dewé dispose encore de deux radios émettrices sur les quatre qui lui avaient été remises par les Britanniques avant l’invasion de la Belgique. Il compte en faire bon usage, même si l’absence de fonction de réception va considérablement handicaper la communication avec Londres dans les premiers mois.
« Par la qualité et la quantité des messages et documents qu’il fournit, dira le grand responsable des services secrets britanniques, sir Claude Dansey, le réseau Clarence occupe la première place parmi les réseaux de renseignements militaire de toute l’Europe occupée. »

(à suivre !)
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Casus Frankie
Administrateur - Site Admin


Inscrit le: 16 Oct 2006
Messages: 13715
Localisation: Paris

MessagePosté le: Mer Déc 16, 2015 00:21    Sujet du message: Répondre en citant

(On avait oublié le Luxembourg !)

18 juin
Atermoiements luxembourgeois
Bordeaux
– La grande-duchesse Charlotte de Luxembourg et son gouvernement se sont eux aussi réfugiés à Bordeaux. La famille grand-ducale et cinq des six ministres qui composent le gouvernement avaient réussi à fuir in extremis l’invasion allemande dans la nuit du 9 au 10 mai et depuis maintenant plus d’un mois, le gouvernement luxembourgeois hésite quant à l’attitude à adopter vis-à-vis de l’Allemagne et des Alliés, justifiant ses atermoiements par la neutralité imposée par le traité de Londres de 1867. Ainsi, quand le ministre de la Justice, Victor Bodson, avait proposé de déclarer la guerre à l’Allemagne le 12 mai, il n’avait pas été suivi par ses collègues. De même, les bureaux de recrutement de la “Légion des Volontaires Luxembourgeois en France” à Paris avaient été déplacés de la légation à la Chambre de Commerce, pour éviter de donner un caractère trop officiel à cette belliqueuse initiative.
A leur tour, la grande-duchesse et son gouvernement sont informés des intentions françaises. Le gouvernement français invite la famille grand-ducale à quitter le territoire métropolitain, soit vers l’Afrique du Nord, soit vers l’Angleterre. Une fois la surprise digérée, les ministres débattent à n’en plus finir de l’attitude à prendre. Les uns envisagent de recommander à la Grande-Duchesse d’adopter la « solution danoise » et de rentrer au pays ; le gouvernement démissionnerait alors pour lui permettre de former un nouveau ministère sous l’Occupation. Au contraire, les autres préfèrent la « solution hollandaise » et le départ pour l’Angleterre ; ils voient dans un engagement net auprès des Alliés la meilleure garantie pour l’indépendance future de leur petite nation. Le Premier Ministre, Pierre Dupong, suggère finalement de consulter le gouvernement belge, dont il a appris qu’il se trouvait également à Bordeaux.

Royalistes ou collabos ?
Laeken
– Le chef de cabinet du Roi, Louis Frédéricq, reçoit Hendrik Borgignon, figure de proue des nationalistes flamands “modérés”. Le but de l’entrevue est d’établir des ponts afin de s’assurer que le mouvement flamand ne se lance pas dans une politique de collaboration avec les Allemands, à l’instar des « activistes » de la Première Guerre.
De son côté, le général Van Overstraeten gagne Kiewitz à l’idée de reconstituer un secrétariat-général à la Défense Nationale. Kiewitz promet d’en référer à « l’autorité supérieure » pour obtenir la libération de prisonniers que le Roi proposerait d’affecter à cet organisme/

Résistance à particules
Ixelles
– C’est dans son hôtel particulier, 41 avenue de la Couronne, que la baronne Thérèse de Radiguès de Chennevière reçoit le Comité de direction de Clarence pour sa première réunion. Ni son sexe “faible”, ni ses septante-cinq ans (soixante-quinze pour les Français), qu’elle porte allègrement, ne vont empêcher cette aristocrate, vétéran elle aussi de la Dame Blanche de l’Autre Guerre, d’assumer un des rôles dirigeants de ce qui deviendra un des principaux réseaux de renseignements en Europe occupée.


19 juin
Atermoiements luxembourgeois
Bordeaux
– Hubert Pierlot et Paul-Henri Spaak reçoivent une délégation du Gouvernement luxembourgeois composée du Premier Ministre Pierre Dupong et du ministre des Affaires Etrangères Joseph Bech (qui compte aussi parmi ses attributions l’Intérieur, l’Education, les Arts et Sciences et… la Viticulture). Aux édiles luxembourgeois qui s’enquièrent de l’attitude de la Belgique, Pierlot et Spaak font part de leur décision de partir pour Londres et de poursuivre le combat en évacuant un maximum de soldats et recrues belges pendant les combats retardateurs en France. Ils insistent particulièrement pour que la Grande-Duchesse s’associe à ce mouvement, laissant entrevoir les déchirements douloureux auxquels l’attitude du roi Léopold III a mené.
La résolution belge, combinée aux pressions françaises exercées depuis deux jours (étrangement, les Britanniques se sont complètement désintéressés du Grand-Duché depuis le 10 mai), finit par emporter l’adhésion des Luxembourgeois. Dupong, qui se souvient soudainement qu’il est aussi Ministre des Forces Armées luxembourgeoises [non, on ne sourit pas !], demande si la Belgique pourrait également prendre en charge l’évacuation des volontaires de la Légion Luxembourgeoise.


20 juin
Atermoiements luxembourgeois
Luxembourg
– La Chambre des Députés se réunit en grand secret sous la présidence d’Emile Reuter, qui a également consulté la Commission Administrative à qui les pouvoirs exécutifs ont été transférés après la fuite du gouvernement, le 10 mai. Ignorant les derniers développements intervenus en France, les députés décident d’envoyer un message à la Grande-Duchesse par l’intermédiaire du chargé d’affaires américain, Platt Waller : « Le peuple luxembourgeois désire ardemment le retour au Luxembourg de Son Altesse Royale la Grande Duchesse, afin de rétablir le Gouvernement constitutionnel et l’autorité exécutive. Il déplore le départ des membres du Gouvernement le 10 mai, et, à travers la Chambre des Députés, exprime le souhait que le Gouvernement, en démissionnant, rende possible la formation d’un Gouvernement constitutionnel aussi rapidement que possible. La Chambre des Députés et la Commission Administrative sont disposées à envoyer une délégation à Son Altesse Royale la Grande-Duchesse pour des discussions si tel est Son désir et si cela est possible. »
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Casus Frankie
Administrateur - Site Admin


Inscrit le: 16 Oct 2006
Messages: 13715
Localisation: Paris

MessagePosté le: Mer Déc 16, 2015 00:25    Sujet du message: Répondre en citant

22 juin
Une Phalange belge
Bruxelles
– Sénateur rexiste de 1936 à 1939, le comte François-Xavier de Hemricourt de Grunne descend d’un des plus vieilles familles de l’aristocratie belge. L’homme, proche de la famille royale, a participé à des expéditions d’alpinisme avec les rois Albert et Léopold. Son frère Guillaume [Willy] est Grand-Maître de la Maison de la reine Elisabeth.
Toujours hospitalisé suite aux blessures qu’il a subies au cours des combats de Deinze comme major au 5e Chasseurs Ardennais, le comte fait paraître un manifeste dans Le Soir volé, où il en appelle « aux camarades qui ont combattu » pendant la Campagne des Dix-Huit jours. Soulignant le désespoir de la génération qui a connu 1918 à l’annonce de la capitulation, il met en évidence le cas du peuple allemand qui connut la même situation et mit quatorze ans pour « retrouver l’espérance et bientôt un dynamisme tel qu’il nous a tous laissés pleins de stupeur. » Il désigne ensuite à la vindicte des Belges les responsables de la débâcle – Anglais fuyards, Français incapables, ministres déloyaux – avant d’exposer son projet de rassemblement autour du Roi : « Le procédé est simple : chacun d’entre nous a appartenu à un corps, un régiment, un groupe ou un bataillon. Il faut qu’un représentant par corps se mette à l’ouvrage pour retrouver les camarades qui ont bien fait leur devoir. […] Lorsque les listes seront rédigées, le moment sera venu d’établir une phalange, dont la valeur ne se manifestera pas par des mots, mais par le feu et par l’épée. » Cette phalange se tiendra prête à « soutenir sans discussion l’autorité compétente librement désignée par le Roi. »


23 juin
Résistance
Klemskerke (côte belge)
– Dans la nuit, une vedette rapide de la Royal Navy dépose Joseph Degreef et deux équipiers sur cette plage proche de la station balnéaire du Coq. Degreef, qui avait été approché pendant la Drôle de Guerre par l’attaché militaire britannique à Bruxelles, s’était embarqué pour la Grande-Bretagne au moment de la capitulation de l’armée belge. Il est censé effectuer une mission de reconnaissance avant de se faire récupérer deux jours plus tard au même endroit.
Cependant, les circonstances rendront ce rembarquement impossible. Il restera donc au pays, où il fondera le réseau Tulipe, avec l’aide de ses deux compagnons.


24 juin
Atermoiements luxembourgeois
Londres
– Le message envoyé par la Chambre des Députés le 20 juin parvient à la Grande-Duchesse, ravivant une nouvelle fois les hésitations des dernières semaines. Mais l’esprit de résolution qui domine dans la capitale britannique fait pencher la balance du bon côté. Pour le bonne forme cependant, le gouvernement de Pierre Dupong remet sa démission à la Grande-Duchesse, comme demandé par la Chambre. La souveraine s’empresse aussitôt de refuser ladite démission, comme l’y autorise la Constitution.


30 juin
Un roi déprimé
Laeken
– Le roi Léopold III, très déprimé, envisage une démarche envers Hitler pour demander son transfert en Allemagne. Il pense invoquer le fait qu’il souhaite partager le sort de ses soldats toujours prisonniers. En fait, il est las des multiples sollicitations dont il est l’objet de la part de diverses personnalités pour former un nouveau gouvernement en Belgique occupée et espère que l’éloignement lui permettra de s’y soustraire.
Néanmoins, son conseiller militaire, le général Raoul Van Overstraeten, soutenu en cela par le colonel Kiewitz, désigné par Hitler pour assurer sa garde, réussissent à dissuader Léopold III d’effectuer cette démarche. Ils lui affirment qu’en son absence, l’administration militaire, qui laisse somme toute une certaine latitude à l’administration civile belge, serait remplacée comme aux Pays-Bas par une administration d’occupation civile, beaucoup plus dure. Cette analyse est partagée par beaucoup d’observateurs en Belgique, qui se félicitent ainsi de la présence du Roi au pays.
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Casus Frankie
Administrateur - Site Admin


Inscrit le: 16 Oct 2006
Messages: 13715
Localisation: Paris

MessagePosté le: Mer Déc 16, 2015 11:53    Sujet du message: Répondre en citant

3 juillet 1940
Un arriviste inopportun
Charleroi
– La Gazette de Charleroi publie le manifeste de De Man aux militants socialistes : « Ne croyez pas qu’il faille résister à l’occupant… » Le général Van Overstraeten le qualifie de « profession de foi inopportune d’un arriviste pressé ».


4 juillet
Manœuvres et expulsions
Bruxelles
– Le chef de cabinet du Roi, Louis Frédéricq, suggère à Alexandre Delmer, Secrétaire général aux Travaux Publics et président du Comité des Secrétaires Généraux, qu’il serait bon de nommer à la tête dudit Comité un “Commissaire-Général à l’Administration”. Cette manœuvre assurerait que la coordination du travail entre les Secrétaires généraux reste entre des mains belges. Frédéricq ajoute que l’idée est soutenue “en haut lieu” et recommande même le nom de l’industriel courtraisien Léon Bekaert pour assumer la fonction.
Delmer va donc proposer cette nomination au chef de la Militärverwaltung, Eggert Reeder, mais celui-ci la refusera. Il a en effet été prévenu contre Bekaert par le V.N.V., le parti nationaliste flamand. D’autres candidatures seront envisagées, mais aucune n’aboutira.
Le même jour, la fin de la campagne de France, donc la victoire totale allemande, paraissant proche, les membres du corps diplomatique sont invités par l’autorité occupante à quitter le pays avant la fin du mois. Cela concerne notamment les neutres, dont l’ambassadeur des Etats-Unis, John Cudahy, ainsi que le nonce apostolique, Monseigneur Clemente Micara. Ce départ imposé n’a pas de précédent au cours de la Grande Guerre, où les ambassadeurs des neutres, notamment Brand-Whitlock, des Etats-Unis, et le marquis de Villalobar, d’Espagne, avaient joué un rôle majeur dans les secours apportés à la population belge occupée.


6 juillet
Manœuvres
Bruxelles
– Au cours d’un entretien avec le comte Robert Capelle, secrétaire du Roi, le comte Lippens, ministre d’Etat libéral, propose de mettre en place une sorte de gouvernement royal, qu’il appelle “Conseil d’Etat”, car il estime qu’on ne peut laisser le pouvoir aux seuls Secrétaires Généraux, aussi estimables que soient ces hauts fonctionnaires. Il suggère Max-Léo Gérard, de la Banque de Bruxelles, aux Finances ; le vicomte Davignon [qui se trouve pourtant à Londres auprès du Gouvernement Pierlot !], ancien ambassadeur à Berlin, aux Affaires Etrangères ; un général, sans doute Oscar Michiels, à la Défense ; Hayoit de Thermicourt à la Justice ; et lui-même à l’Intérieur. Il annonce également son intention de relancer son “Centre pour la Réforme de l’Etat”, qui avait élaboré avant la guerre un projet de transformation du régime, avec pour axes principaux le renforcement de l’exécutif et du pouvoir royal et une représentation corporatiste. « Je vous remercie de ces suggestions fort intéressantes, répond le comte Capelle, mais je dois vous rappeler que Sa Majesté, étant prisonnier, ne peut prendre aucune initiative de nature politique. »
Le même jour, le manifeste de De Man paraît à Bruxelles dans Le Soir volé (sous contrôle allemand).


8 juillet
Une curieuse "Rénovation"
Laeken
– Le vicomte Terlinden fait à nouveau parvenir au Palais une « Note sur la procédure à suivre en vue de la Rénovation Nationale ». Il y préconise de faire table rase des institutions existantes et s’y déclare partisan de la mise sur pied à la Libération d’un gouvernement provisoire à caractère militaire et doté de pouvoirs exceptionnels. Ce gouvernement s’appuierait sur l’armée reconstituée pour le maintien de l’ordre dans le pays, et l’état de siège serait maintenu. Terlinden préconise de mettre à la tête de ce gouvernement « un général ou une personnalité jouissant d’un prestige incontesté sur l’armée ».
Le chef de cabinet du Roi, Louis Frédéricq, conscient du caractère explosif de ce document, s’est arrangé pour l’intercepter avant qu’il atteigne son auguste destinataire. Beaucoup y liront cependant, tantôt avec satisfaction, tantôt avec effroi, l’ébauche d’un coup d’état militaire conduit par le général Van Overstraeten. Ce dernier n’y peut rien, mais…


12 juillet
Une Phalange belge
Bruxelles
– Suite à son article du 22 juin, Xavier de Grunne a reçu un courrier volumineux qui le pousse à préciser sa pensée, toujours dans Le Soir volé. Il annonce notamment que la campagne de recrutement est en cours et qu’une des missions de sa Phalange sera d’empêcher le retour des anciens responsables politiques au pouvoir quand les combats auront cessé.


24 juillet
Reconstituer l’Armée belge
Londres
– Le gouvernement belge décrète la conscription pour tous les hommes belges de 18 à 45 ans qui se trouvent au Congo belge, dans l’Empire Britannique, en France non occupée ou dans les colonies françaises et dans les colonies néerlandaises. Seules sont exemptées les personnes exerçant une profession essentielle (dirigeants et cadres d’entreprises essentielles à l’effort de guerre, diplomates, marins… et, au Congo, ingénieurs et ouvriers spécialisés des industries essentielles à l’effort de guerre : mines, caoutchouc, chemins de fer…).
Dans ce qui reste de la France continentale non occupée, les conscrits doivent se présenter dans un des ports de la Méditerranée ou du Pays Basque pour pouvoir embarquer vers l’Afrique du Nord ou l’Angleterre. Au Congo, les conscrits disposent de deux semaines pour se présenter dans un des bureaux de recrutement de la Force Publique. Le délai de présentation à une ambassade ou un consulat de Belgique dans les empires alliés est fixé à six semaines.


28 juillet
Un secrétaire imprudent
Laeken
– A la demande du Roi, le comte Capelle rédige une note afin de préciser que l’entourage royal doit adopter la même attitude de réserve que le souverain, afin d’éviter toute répercussion malencontreuse sur la position du Roi. Le fidèle secrétaire du Roi ne sera pourtant pas le dernier à enfreindre ses propres instructions…
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
dado



Inscrit le: 12 Nov 2013
Messages: 995
Localisation: Lille

MessagePosté le: Mer Déc 16, 2015 12:55    Sujet du message: Répondre en citant

Au 24 juin, atermoiements luxembourgeois, 2ème ligne :
Citation:
Pour le bonne forme cependant,

la bonne forme
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Dronne



Inscrit le: 30 Jan 2014
Messages: 620
Localisation: France

MessagePosté le: Ven Déc 18, 2015 00:46    Sujet du message: Répondre en citant

Casus Frankie a écrit:

4 juillet
Manœuvres et expulsions
Le même jour, la fin de la campagne de France, donc la victoire totale allemande, paraissant proche, les membres du corps diplomatique sont invités par l’autorité occupante à quitter le pays avant la fin du mois. Cela concerne notamment les neutres, [ ....... ] Ce départ imposé n’a pas de précédent au cours de la Grande Guerre, où les ambassadeurs des neutres, notamment Brand-Whitlock, des Etats-Unis, et le marquis de Villalobar, d’Espagne, avaient joué un rôle majeur dans les secours apportés à la population belge occupée.


Bonsoir,
Est ce que l'Allemagne justifie cette mesure, et est ce que le droit diplomatique et consulaire de l'époque l'autorise?
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Casus Frankie
Administrateur - Site Admin


Inscrit le: 16 Oct 2006
Messages: 13715
Localisation: Paris

MessagePosté le: Ven Déc 18, 2015 01:48    Sujet du message: Répondre en citant

Si j'ai bien compris le récit de l'équipe belge, (1) c'est OTL et (2) l'Allemagne se fiche éperdument de justifier cette mesure, même chose pour sa non-conformité au droit international.
Je n'ai pas dit de bêtise, Saint-Père ?
_________________
Casus Frankie

"Si l'on n'était pas frivole, la plupart des gens se pendraient" (Voltaire)
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Casus Frankie
Administrateur - Site Admin


Inscrit le: 16 Oct 2006
Messages: 13715
Localisation: Paris

MessagePosté le: Ven Déc 18, 2015 10:10    Sujet du message: Août 40 (ajouts) Répondre en citant

6 août
Les bases de la Légion Belge
Belgique occupée
– Le capitaine-commandant Charles [Charley] Claser est membre de la 66e promotion de l’Ecole Royale Militaire… comme le roi Léopold. Blessé lors d’une contre-attaque au cours de la Bataille de la Lys, il a été recueilli, soigné et caché par une famille flamande, échappant ainsi à l’emprisonnement. A peu près guéri, il a décidé de reprendre contact avec ses anciens collègues de la 1ère DI de l’Etat-Major de laquelle il relevait. Durant les mois qui vont suivre, il va sillonner la Belgique sous le pseudonyme de Placide Van Nieuwenhove, jetant les bases de ce qui deviendra la Légion Belge. Au moment de rejoindre la Légion, les nouveaux membres doivent réciter la formule du Serment de Léopoldville, abondamment diffusée par Radio-Londres depuis quelques jours.

14 août
On recherche un Laval belge
Bruxelles
– L’annonce de la formation du pseudo-gouvernement Laval la veille en France relance les initiatives de divers groupes de pression, qui font le siège des collaborateurs du Roi. Selon certaines rumeurs, les autorités civiles allemandes désireraient que la Belgique se dote également d’une sorte de gouvernement qui allègerait la tâche de la Militärverwaltung. Il s’agit en réalité d’une convergence d’intérêts purement circonstancielle entre Himmler et Ribbentrop, qui cherchent tous deux par là à affaiblir la Wehrmacht.
A vrai dire, les quelques Belges qui marquent leur intérêt pour une telle solution sont des seconds couteaux largement discrédités, alors que les personnalités d’envergure qui s’étaient manifestées en ce sens quelques semaines plus tôt (Lippens, De Man, etc.) se montrent maintenant plus prudentes. En effet, le Grand Déménagement et les premiers succès de l’offensive alliée en Lybie montrent que les perspectives d’une paix prochaine se sont évaporées et la victoire allemande paraît loin d’être acquise. Le comte Capelle, qui n’est lui-même pas toujours insensible à certaines sirènes de l’Ordre Nouveau, s’arroge la tâche de recevoir – et d’éconduire – ces personnalités, ou prétendues telles.

19 août
Un secrétaire imprudent
Bruxelles
- Le comte Capelle reçoit le publiciste Pierre Daye à son domicile, rue Juste Lipse. Il enfreint ainsi les instructions qu’il avait lui-même rédigées trois semaines plus tôt, mais la reprise des grenouillages au sein d’une certaine élite belge depuis l’annonce de la formation du NEF lui semble l’imposer.
Grand amateur de luxe et homosexuel flamboyant, Pierre Daye est un personnage assez vain. Ancien député rexiste prétendument repenti, retourné au Parti Catholique depuis 1939, il se verrait bien confier un rôle politique de premier plan pour réconcilier ses anciens et ses nouveaux amis – à moins que ce ne soit l’inverse... Il envisage ainsi de diriger un Gouvernement de redressement national « à l’instar du Président Laval, pour mettre fin à la confusion qui règne dans le pays », et il sollicite pour cela la bénédiction royale. Il compte d’ailleurs aller en France chercher Léon Degrelle, qui y a été emmené en captivité au mois de mai et dont il prédit l’heure maintenant avenue. Il ne sait évidemment pas que le chef de “Rex” croupit dans une geôle au fin fond du Sahara.
Capelle lui répond de façon ambiguë, rappelant la nécessité pour le Roi de « préserver sa “pureté” jusqu’au jour où il sortira enfin de sa prison. » Le secrétaire du Roi propose plutôt à Daye de canaliser son énergie vers le journalisme, dont « les authentiques patriotes doivent reprendre le contrôle au lieu de laisser la place à d’autres ».

24 août
Un secrétaire imprudent
Bruxelles
– C’est Henri De Man qui rend à son tour visite au comte Capelle. Il revient de Paris, où il a notamment croisé Pierre Daye dans sa vaine quête du beau Léon. Mais il y a aussi rencontré Otto Abetz, qu’il connaissait de par ses visites régulières en Allemagne avant la guerre, et auprès de qui il pense avoir appris des éléments capitaux des entretiens de Montoire entre Hitler et Laval trois jours plus tôt. Abetz a estimé « tout-à-fait regrettable » que le roi Léopold ait refusé de rencontrer Hitler dans les jours qui ont suivi la capitulation. Il craint – dit-il – que la Belgique fasse les frais d’un arrangement entre le Nouvel Etat Français et l’Allemagne, où la Wallonie servirait de compensation pour la perte de l’Alsace-Lorraine.
De Man, qui sait jouer des cordes sensibles de Léopold III, souligne également que Laval a obtenu d’Hitler un traitement favorable pour les soldats français démobilisés à la dernière extrémité ; il se demande donc si le Roi ne pourrait obtenir une accélération de la libération des prisonniers de guerre en sollicitant une audience auprès du Chancelier.

25 août
Pas de visite à Berchtesgaden
Laeken
– Capelle rapporte son entretien de la veille avec De Man au Roi et à son chef de cabinet, Louis Frédéricq. Les trois hommes tombent toutefois d’accord pour estimer une démarche de la part de Léopold III envers Hitler complètement inopportune dans la situation actuelle du Roi. De plus, les dirigeants du NEF sont inconnus ou peu appréciés de la population française et Laval ne semble pas le genre de personnage dans les traces de qui le souverain doive s’inscrire. La situation aurait été évidemment tout-à-fait différente s’il s’était agi d’« une personnalité incontestée, comme le maréchal Pétain, à la tête du Gouvernement légal et légitime de la France. »
Le Roi conclut les débats par cette boutade : « Si je dois me rendre à Berchtesgaden, ce sera après la guerre, pour y faire de l’alpinisme ! »

31 août
Naissance de l’OTAD
Bruxelles
– Avec l’accord de la Militärverwaltung, le secrétaire-général aux Finances, Oscar Plisnier, établit un “Office chargé des Travaux de l’Armée Démobilisée” , qui sera rapidement connue sous l’acronyme “OTAD”. C’est une première concrétisation des efforts du Roi et du général Van Overstraeten en vue de la reconstitution d’un ministère de la Défense Nationale. L’arrêté de Plisnier prévoit que ce service doit être dirigé par un général qui appartenait au cadre de l’active le 10 mai 1940, avec rang de directeur-général.
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Casus Frankie
Administrateur - Site Admin


Inscrit le: 16 Oct 2006
Messages: 13715
Localisation: Paris

MessagePosté le: Ven Déc 18, 2015 10:31    Sujet du message: Septembre 40 (ajouts belges) Répondre en citant

9 septembre
Un patron pour l’OTAD
Tibor, Oflag IIIB
– Le colonel Kiewitz a fait en personne le déplacement vers la Prusse pour y chercher le général Keyaerts et le ramener à Bruxelles. L’ancien chef du Corps des Ardennes a en effet été pressenti pour prendre le commandement de l’OTAD.

10 septembre
Un patron pour l’OTAD
Bruxelles
– Aussitôt rentré de captivité, le général Keyaerts a été convoqué chez le général Van Overstraeten, qui lui explique sa mission. Van Overstraeten lui enjoint d’assurer avec discrétion la continuité avec l’ancien ministère de la Défense Nationale, avec pour tâches principales le dénombrement et la gestion administrative du personnel ; la direction du service de Santé ; le service des prisonniers de guerre et l’inspection et le commandement supérieur de la gendarmerie. A cet égard, il indique notamment que von Falkenhausen aurait accepté le réarmement de la Gendarmerie et le complètement de son effectif à 15 000 hommes.

15 septembre
Des apôtres pour le Roi
Belgique occupée
– Le lieutenant-général Aloïse Biebuyck, ancien officier d’ordonnance du Roi Albert, publie un appel à la fondation d’un « Rassemblement National et Social des Anciens Combattants autour du Roi ». On y lit que « pour inspirer les masses […], on ne peut s’y prendre autrement qu’en concrétisant cet idéal dans une mystique plus accessible, à savoir : l’exaltation de la personne du Roi et de notre devoir d’obéissance envers Lui. Lui qui pensera pour nous, qui voudra pour nous, et qui nous conduira vers des temps meilleurs. Pour réaliser cet idéal, pour le transformer dans une mystique agissante, il faut que la Nation puisse disposer de quelques convaincus qui remplissent le rôle d’éclaireurs, de propagandistes, d’apôtres. » Vénérable octogénaire, Biebuyck n’est en fait que le porte-plume du secrétaire de mouvement, le commandant Marcel De Roover, lui-même conseiller du baron de Launoit. Le puissant magnat finance en effet le mouvement, ainsi d’ailleurs que divers groupements militaires plus ou moins clandestins.

17 septembre
Un secrétaire imprudent
Laeken
– Le comte Capelle reçoit Hendrik Elias, un des dirigeants du VNV, afin de s’informer de ses vues quant à la période d’Occupation, qui va probablement se prolonger.
Elias ne lui cache pas qu’il craint « une guerre civile si les Allemands ne s’interposent pas. De nombreuses personnalités politiques ou militaires tablent sur le caractère provisoire de l’Occupation et envisagent une victoire alliée à terme. Ils font circuler des rumeurs selon laquelle tous ceux, quels qu’ils soient, qui exercent une fonction sous l’Occupation, seront alors poursuivis. Depuis quelques semaines, les actes d’intimidation et de sabotage se multiplient. C’est pour nous défendre contre ces fauteurs de trouble que nous avons dû former la Zwarte Brigade [la “Brigade Noire”, milice des nationalistes flamands]. » Mais Hendrik Elias est un grand humaniste, et il suggère une solution à ce problème : « A mon avis, nous devrons tôt ou tard établir des camps de concentration où la vie serait possible et où seraient internés ceux qui espèrent encore conserver une partie de leurs anciens privilèges. Nous ne disposons malheureusement pas de l’équivalent de l’île de Lipari [le bagne où Mussolini exile les opposants à son régime], mais nous pourrions nous inspirer de cet exemple. »


18 septembre
Rapprochement entre Phalange et Légion Belge
Bruxelles
– A force de pêcher dans les mêmes viviers, les responsables de la Phalange du major comte de Grunne et de la Légion Belge du commandant Claser ont fini par prendre langue. Une première entrevue a lieu entre les adjoints directs des deux chefs, à savoir le lieutenant-aviateur René Gallant pour la Légion Belge et le lieutenant-colonel de réserve Emile Rosar pour la Phalange. Les deux hommes constatent immédiatement la similitude de leur objectif principal : mettre à la disposition au Roi une force loyale qui pourra maintenir l’ordre dans le pays le moment venu. Les deux mouvements divergent cependant sur un point important : alors que la Légion Belge croit fermement en la victoire ultime des Alliés et envisage de les soutenir militairement, la Phalange mise plutôt sur une paix de compromis qui verrait les Allemands évacuer progressivement le territoire national.
En fin de compte, les responsables de la Légion Belge décideront de noyauter progressivement les différentes sections de la Phalange, un exercice qui s’avèrera plutôt aisé étant donné la publicité imprudemment donnée par de Grunne à son mouvement.

30 septembre
Un secrétaire imprudent
Bruxelles
– Le comte Capelle reçoit le journaliste Robert Poulet à son domicile, rue Juste Lipse. Poulet, vétéran de la Grande Guerre et patriote convaincu autant qu’intellectuel brillant, a sollicité cet entretien via son ami Gaston Pulings, afin de s’enquérir de l’opinion de la Cour à propos d’un journal qu’il envisage de publier sous l’Occupation. Ce « Nouveau Journal » entend suivre une ligne strictement belge, plaidant pour l’unité nationale, la restauration de l’indépendance, l’intégrité du territoire et le maintien de la dynastie. Il combattra le communisme et luttera pour préserver l’esprit chrétien de la civilisation occidentale. Poulet dit avoir obtenu de l’Occupant qu’il renonce à la censure préalable, pour autant que les journalistes « se soumettent volontairement à ses directives ».
En réponse, Capelle commence par insister sur le caractère strictement personnel et privé de leur conversation : « Cet échange ne peut en aucune façon lier le Roi, dont l’attitude de retenue politique vous est connue. Je ne suis ici qu’un citoyen parmi d’autres, qui recherche le bien de ses compatriotes. » Après la guerre, Poulet affirmera au cours de son procès que cet avertissement lui avait semblé de pure forme et qu’il avait compris la suite de la conversation comme reflétant la réalité de la pensée de Léopold III…
Quoi qu’il en soit, après ces propos liminaires, Capelle approuve les plans de Poulet, étant donné d’une part l’indépendance et la liberté relatives accordées au journal et d’autre part les intentions patriotiques et loyales de ses rédacteurs. Il explique ensuite à Poulet que la guerre est terminée en ce qui concerne la Belgique, vu que ses « garants » [et non pas ses « alliés »] ont failli à leur mission de protéger son indépendance. Il estime que le Gouvernement Pierlot à Londres est illégal et qu’il faudra procéder à de profondes réformes du régime parlementaire et des institutions à l’issue du conflit. Le secrétaire du Roi conclut la conversation par un encouragement sans ambiguïté : « Vous faites œuvre patriotique ! »
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Casus Frankie
Administrateur - Site Admin


Inscrit le: 16 Oct 2006
Messages: 13715
Localisation: Paris

MessagePosté le: Ven Déc 18, 2015 10:59    Sujet du message: Octobre 40 (ajouts belges) Répondre en citant

1er octobre
Collaboration
Bruxelles
– Le premier numéro du Nouveau Journal sort de presse, sous la direction de Paul Colin. Le personnage s’était construit une réputation de critique d’art qui dépassait les frontières de la Belgique. Intellectuel brillant, remarquablement informé par de multiples réseaux, travailleur acharné, l’homme combinait toutes ces qualités avec un égocentrisme démesuré et un opportunisme dénué de tout scrupule. Depuis 1919 déjà, il manifestait une germanophilie très marquée.
Les informations diffusées par son Nouveau Journal émanent de Belgapress (contrôlée par les Allemands) et de l’agence Stefani. Son comité de rédaction comprend tout ce que la Belgique francophone compte d’idéalistes dévoyés, notamment Pierre Daye, qui suit ainsi les conseils du comte Capelle, et Robert Poulet, directeur politique. D’emblée, le premier éditorial de Poulet donne le ton : « Il faut maintenant comprendre que le continent ne pourra s’agencer qu’en fonction d’un rapport de forces dominé par l’Axe italo-allemand et qu’il convient dès lors d’en finir avec les vieux errements politiques, économiques et sociaux. » Il poursuit par des critiques virulentes envers les Alliés et le Gouvernement Pierlot, concluant par un éloge du Nouvel Etat Français de Pierre Laval et de son engagement dans une « collaboration loyale » avec l’Allemagne. Avec Le Soir volé, le Pays Réel (organe du parti rexiste, où sévit Paul Jamin, talentueux mais nauséabond caricaturiste) et l’hebdomadaire Cassandre (lui aussi dirigé par Paul Colin !), le Nouveau Journal deviendra un des principaux organes de la presse collaborationniste belge en langue française.

La franchise d’un aide de camp
Laeken
– Le général Van Overstraeten sollicite d’urgence une audience auprès du Roi. En effet, il a appris que le comte Capelle, secrétaire du Roi, continue à recevoir des personnages que le général juge peu recommandables, et qu’il a défendu auprès de certains d’entre eux l’idée que depuis la capitulation, la Belgique en serait revenue à une sorte de position de neutralité dans le conflit. Le général estime cette conception insoutenable : même un armistice ne fait qu’interrompre les hostilités, mais ne supprime pas l’état de guerre. Il veut mettre fin aux manœuvres dangereuses d’un homme dont il n’a jamais tenu l’intelligence en haute estime.
Après s’être excusé auprès du Souverain de commettre ainsi une « intrusion non sollicitée dans le domaine de la politique extérieure », le général met le Roi en garde : « Il ne faut pas se le dissimuler : de jour en jour, la position du Roi s’affaiblit. Vénéré comme le sauveur quand régnait l’angoisse et que les armées alliées paraissaient irrémédiablement battues, Son prestige est aujourd’hui miné au fur et à mesure que les Alliés reprennent l’initiative en Méditerranée et accumulent les victoires en Libye, en Sardaigne ou dans le Dodécanèse. Il est aujourd’hui manifeste que les armées allemandes ne pourront traverser ni la Manche, ni le Détroit de Sicile.
Entretemps, l’Occupant a démasqué son vrai visage. A la correction séduisante, admirable d’ailleurs, des troupes ; à l’assistance empressée, cordiale, touchante parfois, des militaires grands et petits pour faciliter la rentrée au foyer des populations émigrées, ont succédé le pillage sournois de nos approvisionnements, l’exode massif des stocks de nos magasins, fondé sur la dévaluation excessive du franc, le prélèvement d’une contribution de guerre énorme, sans oublier les multiples vexations de la vie quotidienne et, par-dessus tout, l’incertitude. De nombreuses familles restent sans nouvelles de leurs fils, frères et maris, les uns disparus dans les combats ou prisonniers en Allemagne, les autres égarés sur les routes de l’exil en France ou
« déménagés » vers l’Angleterre et l’Afrique du Nord,
A tout cela, le Roi ne peut rien. Mais Sa présence à Laeken et la reprise d’une certaine activité de Son entourage Lui donnent aux yeux du public les apparences d’une liberté d’action, de défense, de protestation. Cette possibilité demeure non utilisée, et par conséquent, cette attitude étonne et déroute, alors que les regards sont tournés vers la Couronne et l’interrogent pour découvrir la conduite à tenir.
La position du Roi est fausse. Et pour tout dire, il vaudrait infiniment mieux que nous fussions tous deux prisonniers dans une forteresse au fin fond de l’Allemagne. Du reste, le Gouvernement, de Londres, projette une image de résolution et rappelle, lui, que le Reich nous a envahis contre tous droits. Aux yeux de la population, cet état de fait peut excuser, sinon légitimer, l’ignominie de Limoges
[le général évoque la réunion des parlementaires belges exilés en France en juin 1940, où l’attitude du Roi avait été publiquement flétrie].
Comment admettre que la lutte a cessé entre la Belgique et l’Allemagne ? Elle a seulement pris une autre forme, plus pénible, plus ingrate… La guerre est si peu finie que 160 000 de nos soldats sont rigoureusement gardés captifs loin du pays natal et que le chef de l’Etat, leur commandant en chef, n’est plus lui-même que prisonnier de guerre. De là à la position de neutralité, il y a de la marge. La conduite à tenir s’impose : résister ! Et la consigne doit venir de tout en haut, d’ici ! »
Ebranlé, le souverain interrompt néanmoins la longue harangue du général : « Comment résister, quand les moyens d’action ont disparu ? C’est du peuple même que doit partir la réaction, la défense pour son existence. Mais le Belge se préoccupe avant tout de faire des affaires et de satisfaire son estomac. L’avenir du pays ne vient qu’en second… Quant à un appui extérieur, où le trouver ? C’est une chose de conquérir quelques îles et un lambeau de désert avec la suprématie de la Royal Navy, c’en serait une autre de débarquer sur le Continent et de chasser l’armée allemande de ses conquêtes. »
Van Overstraeten s’acharne : « L’armée allemande a beaucoup souffert de la longue Campagne de France, et la Luftwaffe n’apparaît pas capable de faire grand-chose contre l’Angleterre. Hitler se trouve devant un problème non préparé, ni même entrevu. La Grande-Bretagne et la France ont gagné un délai d’une valeur inestimable, et elles l’ont mis à profit. Je doute encore qu’elles sortent triomphantes de cette guerre, mais elles tiendront et elles échapperont à la défaite complète qui leur était promise. L’Italie est fragile, la situation stratégique peut encore basculer. J’adjure Sa Majesté de démontrer qu’Elle ne s’accommode en aucun cas de la situation présente. Il en va de l’avenir de la Belgique et de la monarchie.
Les réfugiés rentrés de France
[près de deux millions de Belges !] ont entendu les discours infamants de Reynaud et Pierlot le 28 mai, et ils ont aussi pu observer l’admirable sursaut de la France. Ils se sont formé une autre opinion des événements entourant la capitulation, et ne comprennent pas pourquoi, à l’instar des Britanniques à Dunkerque ou des Français lors du Grand Déménagement, l’armée belge ne s’est pas repliée vers la côte et embarquée pour l’Angleterre. Cette vision se diffuse dans le reste de la population. D’ailleurs, le Gouvernement de Londres… »
A cette seconde évocation du Gouvernement, le Roi se lève brusquement et le coupe sèchement : « Les personnalités présentes à Londres ne sont pas le Gouvernement du Roi. L’entretien est terminé, général. »


2 octobre
Occupation
Bruxelles
– En fin de compte, les généraux Reeder et von Craushaar, de la Militärveraltung, s’opposent à la transformation de l’OTAD en un secrétariat-général à la Défense nationale, ce qui aurait pu donner la fâcheuse impression qu’une armée belge existât encore… Ils sont également hostiles au rétablissement de l’Inspection générale de la Gendarmerie sous un officier de l’Armée. La gendarmerie ressortira donc du secrétaire-général à l’Intérieur.
Ces vues sont partagées par le secrétaire-général aux Finances, Oscar Plisnier, qui a refusé que le général Keyaerts siège avec le collège des secrétaires-généraux. La prise de contact entre les deux hommes a manqué de cordialité, et c’est un euphémisme.


6 octobre
Résistance au Palais
Laeken
– Le général Van Overstraeten reçoit discrètement le colonel Lentz, dont il a appris les agissements. Le colonel lui expose les buts et la structure de son Armée Belge Reconstituée, en insistant sur l’obéissance absolue envers le Roi qui est attendue de ses membres. Lentz confirme également à Van Overstraeten qu’il est en contact avec une organisation similaire mise sur pied par le commandant Claser.
Van Overstraeten approuve avec satisfaction le travail de son ancien collaborateur : « L’idée du compartimentage régional me paraît heureuse et je ne puis que me réjouir de savoir ce regroupement capital en bonne voie sous un chef aussi sûr. Je n’ai qu’un seul regret, que ma position m’interdise de m’y intégrer effectivement, du moins pour le moment. Vous devez savoir que le Gouvernement Pierlot a fait évacuer de nombreuses troupes et recrues vers la Grande Bretagne et l’Afrique de Nord. Il s’agirait de plus de 100 000 hommes. »
Lentz ne peut s’empêcher de marquer sa surprise à l’évocation de chiffre. Cependant, Van Overstraeten poursuit : « Dans ce contexte, votre initiative est cruciale, car elle garantira la présence d’une force intégralement loyale envers le Roi quand le territoire national sera libéré. En dépit des déclarations d’apparence rassurante qui nous sont parvenues de Londres, nous ne pouvons en dire autant des ministres qui s’y sont réfugiés, ni d’ailleurs des troupes qu’ils y ont rassemblées et qui ne doivent compter dans leurs rangs qu’un nombre infime de militaires de carrière. »

10 octobre
Malentendu
Bruxelles
– Le commandant Claser, toujours accompagné de son adjoint Gallant, a tenu à rencontrer le vicomte Terlinden, dont il croit partager de nombreux points de vue. Ils se retrouvent au cercle Mars & Mercure, où l’historien a donné plusieurs conférences avant le déclenchement du conflit. Claser pense que Terlinden peut non seulement donner plus de consistance intellectuelle à son mouvement, mais aussi lui procurer une caution royale, l’homme étant bien introduit à la Cour. Mais Terlinden doit reconnaître que le Roi n’a jamais donné suite aux notes qu’il Lui avait fait parvenir fin juin et début juillet (et pour cause, le chef de cabinet du Roi les ayant interceptées).
Les deux hommes décident néanmoins de travailler ensemble. Les relations entre les deux hommes deviendront cependant de plus en plus difficiles, car il apparaîtra vite que leurs priorités divergent : l’action militaire en vue d’accélérer la libération du pays pour Claser, l’instauration de l’Ordre Nouveau pour Terlinden. Ce rapprochement provisoire va cependant teinter la Légion Belge d’une couleur qui suscitera longtemps une méfiance en partie imméritée dans les milieux démocratiques.
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Casus Frankie
Administrateur - Site Admin


Inscrit le: 16 Oct 2006
Messages: 13715
Localisation: Paris

MessagePosté le: Ven Déc 18, 2015 11:09    Sujet du message: Répondre en citant

15 octobre
Infiltration
Dans la soute d’un Whitley, au-dessus de la Belgique, 02h00
– Le commandant Baeyens est perdu dans ses pensées. Il sait qu’il n’a pas droit à l’erreur et une sourde angoisse l’étreint… Sauter d’un avion dans la nuit noire n’a rien de naturel ! Où va-t-il tomber ? Les Anglais lui ont montré une carte du secteur prévu : ce n’est pas très loin de La Roche-en-Ardenne… si tout va bien ! Avec lui, dans la soute, se trouve Constant Martigny, un civil, qui doit prendre contact avec un réseau dans la région et établir une liaison avec Londres. Il doit le suivre avant de rejoindre Bruxelles, car c’est par les Ardennes qu’il sera exfiltré.
Ready, gentlemen ? interroge le sous-officier de la RAF.
Yes…
– Fine, here you go!

Et l’Anglais ouvre la trappe de saut.
Le froid s’engouffre dans la soute tandis que Baeyens et Martiny s’assoient, les jambes pendant dans le vide. Ils vérifient que leurs sangles sont bien fixées aux câbles et attendent.
Red Light, Red Light, Red Light… Green Light! Go!
Pas le temps de réfléchir, Baeyens saute, suivi de son équipier. Un grand choc lui signale que le parachute s’est bien ouvert et la descente continue. Il aperçoit le sol dans les derniers instants et se réceptionne tant bien que mal. Vite, camoufler la toile le mieux possible, puis se cacher et attendre les premières lueurs du jour.
Quelques heures plus tard, lorsqu’il fait assez clair pour se repérer, Baeyens et Martiny se disent que la précision britannique vaut bien celle des Suisses ! Ils ne sont qu’à 3 kilomètres de La Roche.
Martiny et Baeyens se dirigent discrètement vers le lieu de rendez-vous. Sur place, Martiny est pris en charge par les hommes de Daumerie, tandis que l’on donne au commandant des informations sur son voyage de retour. Baeyens ne le sait pas, mais c’est la dernière fois qu’il verra Constant Martiny.
Il est maintenant l’heure de rejoindre la capitale et Baeyens se dirige vers la gare de Marloie pour prendre le train vers Bruxelles-Luxembourg. Arrivé à la capitale, Baeyens s’installe à l’hôtel des Colonies, place Rogier, où il s’endort, épuisé. La suite de sa mission attendra le lendemain…


16 octobre
Infiltration
Bruxelles
– De bonne heure, le commandant Baeyens se rend à pied au 41 avenue de la Couronne, à Ixelles. Sachant qui il va rencontrer, il a décidé d’y aller au culot. Une demi-heure plus tard, il sonne à la porte d’une élégante bâtisse ; une servante vient lui ouvrir.
Bonjour, suis-je bien chez la baronne Thérèse de Radiguès ?
– Oui, Monsieur. Qui dois-je annoncer ?
– Clarence Lambrecht
[Lambrecht était le nom de famille du fondateur de la Dame Blanche pendant l’Autre Guerre. Cousin de Walthère Dewé, il avait été arrêté et exécuté par les Allemands en 1916].
Veuillez attendre dans le vestibule. Je vais voir si Madame la Baronne peut vous recevoir.
Lorsque la servante annonce le nom du visiteur à Thérèse de Radiguès, celle-ci ne laisse rien paraître, mais elle n’a pas manqué pas de reconnaître le nom. Après avoir prévenu sa fille et lui avoir demandé d’écouter la conversation d’une pièce voisine, elle fait introduire le visiteur impromptu dans la bibliothèque.
Lorsque l’élégante douairière se présente à lui, la taille rehaussée par son chignon blanc haut perché, Baeyens ne s’embarrasse pas de manières inutiles : « Madame la Baronne, je n’irai pas par quatre chemins. Je suis envoyé par Londres, nous connaissons votre ferveur patriotique et nous savons que vous êtes en train de reconstituer le réseau de la Dame Blanche. Le Gouvernement et l’Armée ont besoin de votre aide. »
– Mon aide ? Et pour quoi faire ? Allons, Monsieur… Lambrecht… Regardez-moi ! J’ai 75 ans, croyez-vous que j’aie encore l’âge de pareilles aventures ! Ces messieurs de Londres pensent peut-être que je pourrais reprendre du service et j’en suis touchée, mais je n’en serais plus capable. Je le regrette, mais non, cher monsieur, vous êtes mal renseigné.

Baeyens fait la moue mais décide de ne pas insister : « Je comprends, Madame, il doit effectivement y avoir erreur. Je ne vais point vous déranger plus longtemps. Puis-je vous demander d’oublier cette conversation ? Je vous souhaite une bonne journée. »
Baeyens à peine sorti, Thérèse de Radiguès appelle sa fille : « Marguerite, tu vas suivre cet homme, et discrètement n’est-ce pas ! Moi, je vais prévenir qui de droit. »
Marguerite a été à bonne école. Sans se faire remarquer, elle suit Baeyens et constate qu’il loge à l’hôtel des Colonies.


17 octobre
Infiltration
Bruxelles
– Thérèse de Radiguès a prévenu qui de droit… En fin de journée, un homme accoste Baeyens devant son hôtel : « Monsieur Clarence Lambrecht ? »
– Oui,
répond Baeyens, surpris : il n’a utilisé ce nom que la veille.
Puis-je vous parler un moment ?
– Certainement.
– Vous devez connaître mon oncle. Il s’appelle Hubert et il vient de Cugnon
[le village natal d’Hubert Pierlot].
Oui, bien sûr. C’est lui qui m’envoie. Nous sommes au courant de ce que vous faites et nous pouvons vous aider.
– Je vois… Qui me dit que je peux vous faire confiance ?
– Personne pour le moment, en effet. Vous ne me connaissez pas. Mais…
– Mais le fait que vous disiez vous nommer Clarence Lambrecht et que vous vous soyez rendu rue de la Couronne signifie que vous disposez de sérieuses informations… Alors, nous allons rester en contact. Mais je vous préviens, si j’ai le moindre doute, vous ne verrez pas la fin de la guerre !
– Je comprends.



19 octobre
En quête d’officiers belges
Bruxelles
– Le commandant Baeyens réside toujours à l’hôtel des Colonies. Il a déjà repéré la maison du général Keyaerts, discrètement, en prenant la ligne de tram qui passe devant. Il se rendra chez lui le samedi suivant.
Ce soir, il doit rencontrer un autre membre de Clarence. C’est un homme d’allure banale, qui se présente sobrement : « Bonjour, je suis Monsieur Claude. Mes amis et moi avons reçu confirmation de qui vous êtes, et des connaissances nous ont demandé de vous apporter notre aide. »
– Je vous en remercie d’avance. L’une des raisons de ma… visite est de vous aider à établir un contact régulier entre vous et les autorités du pays – celles qui sont libres de leurs actions, je veux dire.
– Hélas, pour le moment, nous ne pouvons que difficilement joindre l’Angleterre. Il nous faudrait des émetteurs radio plus puissants que ceux dont nous disposons actuellement. Et nous n’avons aucune capacité de réception. Vous incarnez la première confirmation que nous ayons reçue que certains de nos messages sont bien arrivés.
– Les services belges en Grande-Bretagne
[Baeyens ne sait pas s’il peut employer le terme Armée belge] peuvent s’arranger pour que vous en receviez.
– Ce serait un grand pas en avant.

Après avoir discuté de la façon dont le réseau Clarence pourrait “prendre livraison” de postes de radio et d’au moins un opérateur entraîné, les deux hommes se séparent.


23 octobre
Désaccord
Bruxelles
– Les relations entre Plisnier et Keyaerts ne s’arrangeant décidément pas, le Roi a demandé au général Van Overstraeten de jouer les bons offices. C’est ainsi que le conseiller militaire du Roi se rend au ministère des Finances, 10 rue de la Loi, pour y rencontrer le secrétaire-général. L’entretien se déroule dans une apparence de cordialité, mais Plisnier indique clairement qu’il ne saurait être question pour lui de reconstituer un secrétariat-général à la Défense Nationale. En réponse, Van Overstraeten continue à pousser son idée de reconstitution d’un corps de gendarmerie étoffé sous la direction de Keyaerts, laissant entendre qu’il convient, dans les circonstances présentes, de sauvegarder le principe d’une armée belge « in being ».

De Man intrigue toujours…
L’après-midi, Henri De Man, toujours en quête d’un rôle d’importance, demande à être reçu par le général. Il n’a pu rencontrer le Roi ces derniers temps, ce qui écorne l’image qu’il se fait de sa propre importance. Il se fait pourtant fort de pouvoir obtenir des concessions supplémentaires de la part des Allemands concernant les prisonniers de guerre.
Mais De Man veut avant tout mettre le souverain en garde : la participation d’un contingent belge significatif aux combats contre les Italiens ou Soudan, mais aussi et surtout, les signaux de plus en plus clairs selon lesquels une armée belge serait en voie de reconstitution avec les troupes évacuées lors du Grand Déménagement, donnent la fâcheuse impression que la Belgique cherche à jouer sur les deux tableaux. Les Allemands pourraient dès lors remettre en cause le régime d’occupation relativement favorable dont a bénéficié le pays. Et l’intrigant de recommander que le Roi clarifie de façon beaucoup plus nette Sa position par rapport aux Ministres en exil.


24 octobre
En quête d’officiers belges
Bruxelles
– Baeyens est reçu sans difficulté par le général Keyaerts, qui ne met pas longtemps pour le reconnaître : « Il me semblait bien que votre nom ne m’était pas inconnu. Commandant Baeyens, ancien chef d’état-major de la 1ère Division de Cavalerie, n’est-ce pas ? Mais d’où diable sortez-vous ? »
– Mon Général, lorsque nous avons capitulé, l’état-major de la 1ère Division de Cavalerie était du côté de Knokke. Ne voulant pas être fait prisonnier, je me suis caché jusqu’à présent.
– Je vois. Et que désirez-vous, Commandant ?
– J’ai appris la mise sur pied de l’OTAD et je souhaiterais me rendre utile.
– Ce souhait vous honore. Et le travail ne manque pas, nous avons besoin d’hommes de valeur ! Présentez-vous ce 3 novembre à la Caserne des Grenadiers à Laeken. On vous trouvera une place.



25 octobre
Rapprochement entre Légion Belge et Phalange
Bruxelles
– Constatant d’une part que sa Phalange s’étiole sous l’effet des recrutements de la Légion Belge, et d’autre part, que les succès alliés en Méditerranée semblent démentir son hypothèse d’une paix de compromis, François-Xavier de Grunne décide finalement de se rallier au commandant Claser, parachevant l’intégration des deux mouvements. On murmure que des pressions en provenance de la Cour n’ont pas été étrangères à cette décision.

Le Roi doit clarifier
Laeken
– Van Overstraeten fait rapport au Roi de sa conversation avec De Man. Même si les intrigues de l’ancien ministre lui déplaisent, il reconnaît que l’ambiguïté qui subsiste quant à la légitimité de Pierlot et de sa suite doit être levée. Il recommande donc au Roi de clarifier ce qui a été effectivement communiqué au Gouvernement lors de la mission de Berne début juin [voir annexe A A3 sur la Belgique avant le Sursaut français].
Le Roi rappelle qu’il s’en tient à sa politique de neutralité, et qu’il s’est d’ailleurs catégoriquement refusé à ce que la Belgique soit utilisée contre les Alliés. Mais il approuve la suggestion de son conseiller militaire : il lui demande d’examiner la situation des Ministres à Londres et de lui revenir dans les quinze jours avec une recommandation concertée avec Capelle et Frédéricq.
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
JPBWEB



Inscrit le: 26 Mar 2010
Messages: 4087
Localisation: Thailande

MessagePosté le: Ven Déc 18, 2015 11:20    Sujet du message: Répondre en citant

Peut-on encore en 1940 parler de garants pour désigner les Alliés? C’était certainement le cas en 1914, en vertu ‘un traite international qui consacrait la neutralité belge, garantie par les grandes puissances européennes. En 1939 toutefois, si la Belgique était certes encore (ou de nouveau) neutre, elle l’etait de son propre chef, me semble-t-il, et non plus par traité liant la France et le Royaume-Uni. Mais bien entendu, le visiteur du comte Capelle peut vouloir jouer sur les mots a dessein.
_________________
"L'histoire est le total des choses qui auraient pu être évitées"
Konrad Adenauer
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Casus Frankie
Administrateur - Site Admin


Inscrit le: 16 Oct 2006
Messages: 13715
Localisation: Paris

MessagePosté le: Ven Déc 18, 2015 11:38    Sujet du message: Répondre en citant

JPBWEB a écrit:
Mais bien entendu, le visiteur du comte Capelle peut vouloir jouer sur les mots a dessein.

Hé oui ! Wink
_________________
Casus Frankie

"Si l'on n'était pas frivole, la plupart des gens se pendraient" (Voltaire)
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Andrew



Inscrit le: 06 Juil 2015
Messages: 826
Localisation: Hartford (Connecticut-USA)

MessagePosté le: Ven Déc 18, 2015 14:10    Sujet du message: Répondre en citant

JPBWEB a écrit:
Peut-on encore en 1940 parler de garants pour désigner les Alliés? C’était certainement le cas en 1914, en vertu ‘un traite international qui consacrait la neutralité belge, garantie par les grandes puissances européennes. En 1939 toutefois, si la Belgique était certes encore (ou de nouveau) neutre, elle l’etait de son propre chef, me semble-t-il, et non plus par traité liant la France et le Royaume-Uni. Mais bien entendu, le visiteur du comte Capelle peut vouloir jouer sur les mots a dessein.


Il me semble avoir lu quelque part que quand la Belgique s'est remis à la neutralité en 1936,ce pays avait obtenu une garantie de la France et de l'Angleterre comme avant 1914,si je retrouve ce livre je mettrais le lien.
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Montrer les messages depuis:   
Poster un nouveau sujet   Répondre au sujet    Fantasque Time Line Index du Forum -> 1940 - Discussions Toutes les heures sont au format GMT + 1 Heure
Aller à la page 1, 2, 3, 4  Suivante
Page 1 sur 4

 
Sauter vers:  
Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas voter dans les sondages de ce forum


Powered by phpBB © 2001, 2005 phpBB Group
Traduction par : phpBB-fr.com