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La Vengeance d'Héphaïstos (CARTHAGE)
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loic
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MessagePosté le: Sam Mar 26, 2016 18:14    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
une longue plateforme commençant par en biseau

"en biseau" ou "par un biseau"
_________________
On ne trébuche pas deux fois sur la même pierre (proverbe oriental)
En principe (moi) ...
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Capu Rossu



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MessagePosté le: Sam Mar 26, 2016 18:20    Sujet du message: Répondre en citant

Bonsoir

Citation:
le treuil fut mis en marche et une longue plateforme commençant par en biseau saillit de l’étrave dans un long gémissement de ferraille torturée malgré les rouleaux censés réduire le problème


Il manque quelque chose, non ?

@+
Alain
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Wil the Coyote



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MessagePosté le: Sam Mar 26, 2016 20:31    Sujet du message: Répondre en citant

Superbe et savoureux.....
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Sam Mar 26, 2016 20:56    Sujet du message: Répondre en citant

Capu Rossu a écrit:
Bonsoir

Citation:
le treuil fut mis en marche et une longue plateforme commençant par en biseau saillit de l’étrave dans un long gémissement de ferraille torturée malgré les rouleaux censés réduire le problème

Il manque quelque chose, non ?
@+
Alain


Non, il y a un "par" en trop. "commençant en biseau"
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Casus Frankie

"Si l'on n'était pas frivole, la plupart des gens se pendraient" (Voltaire)
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Dim Mar 27, 2016 11:28    Sujet du message: Répondre en citant

Rendez-vous

Vers vingt-trois heures, mille et un hommes quittèrent une crête en suivant trois véhicules. Deux formes humaines avançant tout doucement quittèrent le village au même moment et s’engagèrent dans la ravine.
Brécargue avait toujours eu de la chance c’était un fait, sauf aux abords de la ligne Maginot ce qui en était un autre, bref, il marchait à la boussole au milieu de ses hommes, une section les éclairait ce qui était prudent, la nuit n’étant pas toujours une amie des plus sympathiques. L’AMD, elle, ne voyait rigoureusement rien, tous les personnels avaient ouvert qui leurs volets qui leurs tourelleaux, seul le radio-chargeur restait muré dans son poste, écoutant avec ravissement son cher émetteur-récepteur, il y avait beaucoup de trafic en phonie dans, du moins le semblait-il, toutes les langues de la Terre.
Le colonel donc naviguait à la boussole, un peu perdu dans le vaste univers de cette petite île, quand une rafale éclata en tête de colonne, un bataillonnaire était tombé face contre terre, l’AMD réagit immédiatement, elle s’approcha, tout l’équipage muré sous son blindage, et les Reibel se mirent à cracher, le conducteur avant y passa bien deux tambours mais la MG-34 se tut d’un coup, le cadavre fut chargé sur l’un des Laffly et la progression continua, lente et plus qu’agaçante, il y eut trois rencontres supplémentaires qui coûtèrent encore cinq hommes au BILA, Brécargue était fou de rage, le lancer en pays ennemi avec pour tout viatique une carte et une boussole mais il se rappela que vingt-cinq ans avant cela lui était déjà arrivé dans l’approche d’une certaine fortification prise et reprise moult fois, le lieutenant qu’il était alors y avait laissé soixante-dix pour cent de son effectif alors six hommes, pensez !
Ce qui sauva Brécargue ce fut son képi, qu’il portait obstinément au lieu d’un casque. Quand la plage apparut, avec ce qui semblait être une énorme baleine échouée, tous les hommes s’arrêtèrent et se mirent à le regarder, il s’avança seul vers le monstre.
Dans la tranchée creusée le long de la plage avec des outils trouvés à bord de l’hydravion, le tireur voisin du Capitaine l’ajusta posément dans sa ligne de mire, le prétendu Alexandre l’entendait respirer tranquillement et rattraper le jeu de détente, il reprit ses jumelles et distingua une coiffure militaire qui lui rappelait forcément quelque chose, il compta cinq galons et suspendit le tir avant de se lever et de sortir de son trou.
Brécargue fut un peu surpris par l’apparition d’un homme qui semblait recouvert de chiffons d’où émanait (malgré la douche de la veille) un fumet puissant, il fut rassuré par l’apparition d’un deuxième homme plus réglementairement vêtu d’une tenue britannique avec un béret porté à l’anglaise et d’un individu dégingandé dont l’allure décontractée et l’uniforme peu militaire sentaient leur aviateur à plein nez, britannique qui plus était (sur ce dernier point, il faisait erreur). Le Sunderland surchargé du lieutenant Pym avait pu se traîner sur trois moteurs jusqu’à cette plage de Limnos, hélas en plein milieu des combats. Quelques heures durant, il avait joué à l’épave innocente, et puis ses passagers avaient bien dû sortir, attirant l’attention germanique.
Les mots échangés furent lapidaires, chacun donnant tour à tour ses grades et qualités, on était enfin entre soi et les amis étaient bien au rendez-vous, on se congratula avant de passer à l’essentiel des choses, Brécargue avertissant que l’attaque des troupes aéroportées ennemies ne saurait tarder bien longtemps et qu’ils n’avaient qu’une petite heure pour prendre des dispositions élémentaires, on fit comme d’habitude dans ces cas là, on creusa et recreusa dans un sol bien trop dur.
Vers cinq heures, les transmetteurs vinrent faire leur rapport, ils avaient constaté un net accroissement du trafic radio ennemi, l’attaque semblait imminente, un quart d’heure plus tard, une fusée verte monta dans le jour naissant et l’enfer se déclencha, les bataillonnaires tiraient et rechargeaient très calmement mais fort doucement, le fusil du système Gras était une arme lente mais d’une absolue précision à deux cents mètres, sa balle chemisée en plomb pur, propulsée à une vitesse relativement basse faisait d’effroyables dégâts, tout homme touché et où qu’il le soit tombait sans aucune rémission, le plan de feu de Brécargue, dressé avec un soin extrême, deux demi-cercles concentriques qui rayonnaient autour de la plage, ne laissait aucune chance aux assaillants, de plus l’AMD se déplaçait en tous sens pour soutenir de ses feux les zones les plus menacées, elle devint rapidement l’objectif à atteindre pour l’ennemi, il lui fallait se débarrasser de ce satané engin qui enrayait toute velléité de percée.
Le colonel qui commandait cette partie de l’offensive des troupes parachutistes vivait dans un trou que lui avaient creusé ses hommes au début de la nuit, un bon équipement radio lui permettait de commander et d’être renseigné, ce qui l’ennuyait le plus, c’était la résistance imprévue du secteur de l’hydravion (mais qu’est-ce qu’il fichait là ?), ailleurs on progressait quelque peu, ce verrou devait sauter, il résolut de s’avancer sur la gauche de son dispositif pour voir s’il n’y avait pas quelque chose à faire, tout était préférable à pourrir dans une taupinière.
Suivi de ses radios, il avança par la gauche et finit par tomber sur un adjudant complètement terreux qui lui fit un rapport bref qu’on pourrait qualifier d’à l’allemande, le colonel, se haussant quelque peu hors de la tranchée, prit la mesure du problème en voyant l’AMD de profil, à peut être cinquante mètres, qui éjectait une douille de 75, il fouilla sa mémoire mais ne reconnut pas le modèle, qui lui rappelait cependant quelque chose car il avait participé à la campagne de France, retombé dans la tranchée, il soumit à l’adjudant une idée des plus brillantes. Cinq minutes plus tard, sur la totalité de la ligne de contact, la gauche des Français exceptée, un feu violent d’infanterie éclatait, forçant les bataillonnaires à piquer du nez dans leurs trous.
Le jour se levait sur un terrain chaotique, le sergent Bobillaux, qui faisait partie de la réserve mobile, crut voir quelque chose et tira la manche du bataillonnaire voisin ; après avoir pointé le doigt vers la cible et pendant que l’autre ajustait, il dégaina le 1892 de son jambon et entraîna la réserve mobile baïonnette au canon, le tireur fit mouche et un parachutiste équipé d’un PzB 39 retomba dans son trou, malheureusement, il y avait un deuxième tireur, le jour était levé maintenant et il ne laissa aucune chance à l’AMD à moins de quarante mètres.
Tout le monde vit l’explosion, somme toute très réduite, à l’avant du véhicule en plein sur le volet du conducteur, le tireur doubla son coup sur l’épiscope du pointeur, le chef d’atelier auto de l’Amiral qui jouait le rôle du pilote ainsi que le pointeur tireur furent tués sur le coup, l’artilleur de la flotte blessé au thorax, seuls l’inverseur et le radio chargeur s’en tirèrent quoiqu’avec des blessures par éclats.
Un assaut général s’ensuivit qui se termina au corps à corps, l’ardoise fut terrible, les parachutistes parvenant à trente mètres du Sunderland avant d’être refoulés par une série de charges à la baïonnette soutenues par les tirs des mitrailleuses de l’hydravion.
………………………
L’AMD meurtrie devait être récupérée huit mois plus tard et rapatriée à Bizerte lors d’une rotation du Commandant Wassingre. Là-bas, elle remonta sur son petit tertre en face des formes de radoub, elle y est toujours, il y a maintenant une plaque qui rappelle l’identité des membres de tous ses équipages morts à l’ennemi, chaque 14 juillet, l’attaché militaire de l’ambassade vient la fleurir, accompagné d’un membre du gouvernement tunisien.
………………………
Le “Tourbillon” survola la plage où s’était échoué le Sunderland, Just pouvait voir une triple couronne de corps allongés en direction nord-ouest et un monceau de cadavres qui semblait agglutinés près de l’hydravion, des groupes d’hommes en gris déambulaient au milieu de cette boucherie en portant d’autres hommes en tenue grise ou olivâtre. Brécargue avait fait ses comptes, il avait perdu quatre-vingt-dix-huit hommes, morts et blessés, en trois heures de temps, il ne comptait pas les morts de l’AMD qui n’appartenaient pas à ses effectifs mais décida de les inclure en tant que frères d’armes pour son compte-rendu par radio au général, ce qui faisait cent trois tout rond. Il y avait aussi le problème de l’armement des Joyeux qui était scandaleusement vétuste mais le lieutenant Roblin avait une solution aussi brillante que peu coûteuse : se servir sur l’ennemi, Alexandre, Malaurie et Le Bobinnec avaient chaudement approuvé cette proposition. Ils avaient eu, dans ce long corps-à-corps, des sensations très diverses dont ils garderaient pour toujours le souvenir, le “Tourbillon” cercla quelque temps puis fit demi-tour et survola la longue colonne des légionnaires en progression de combat qui allaient assurer la relève.
………
Les bataillonnaires avaient été rejoints par les mulets, leurs conducteurs et les deux bulldozers, ces derniers ouvrirent deux grandes fosses où les cadavres des paras, Alpini et Joyeux furent enterrés séparément après identification, de toute façon, il faudrait y revenir, les blessés furent convoyés en cacolets sur les mulets vers l’hôpital qui était tout proche de l’état-major, les toubibs allaient avoir encore plus de boulot.
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Lun Mar 28, 2016 12:01    Sujet du message: Répondre en citant

Après la bataille

La bataille était finie. Mais devant l’énormité des pertes et surtout le nombre de blessés, le général Kœnig prévint le Major Général par voie hiérarchique, ce dernier en référa dans l’après-midi au Ministre, qui, tout en soupirant fort, ouvrit un joli boîtier de bois clair posé sur un petit guéridon dans son bureau, décrocha le combiné et composa le 22.
Charles remercia beaucoup Winston pour le bouclier d’Achille qui leur avait sauvé la mise et il lui demanda un petit service supplémentaire en lui donnant quelques menus motifs, Winston déclara : « The Princess Astrid fera perfectly the affaire », Charles tout en raccrochant se demanda en quoi cette altesse pourrait les aider. Le soir même, le navire-hôpital HMS Princess Astrid, ex-belge Léopoldville, quittait Alexandrie et faisait route sur Limnos.
Les pertes étaient absolument effarantes, au moins 4 000 morts alliés et pour l’Axe, on estimait le bilan à 10000, tout ceci était fort préoccupant et le général Kœnig, qui s’apprêtait à plier bagage avec ses troupes, eut une longue, très longue entrevue avec Brécargue, à l’issue de laquelle, d’un commun accord, ils décidèrent d’en référer au Major Général.
Bien emm…dé, le Major Général, c’est toujours le numéro deux qui se tape les problèmes et celui-ci était de taille, pour une fois il en référa au numéro un qui resta béant devant cette initiative scandaleuse et refila le bébé, l’eau du bain et la baignoire au comité des chefs d’état-major qui, après mûres réflexions, sollicita courtoisement et en toute humilité l’attention du Ministre.
Charles piqua une colère restée célèbre dans les annales du ministère sous le nom d’Ire de Limnos, quatorze mille morts pour une affaire somme toute secondaire, il en bavait de rage, sans compter les navires et avions, tous perdus avec leurs équipages qui étaient si précieux à la France Combattante, ils lui la baillaient belle avec leur fadaise de schwerpunkt, tout était de la faute de ces enragés de Hitler et Giraud ! Puis, un peu calmé, il intervint devant le Conseil des Ministres pour faire un compte-rendu fort circonstancié de la bataille qui fit souvent monter les larmes aux yeux de ses auditeurs, ceux-ci votèrent à l’unanimité une motion de reconnaissance de la Patrie à tout soldat allié ayant participé aux combats de Limnos, pour la première fois depuis leur création, les hommes du 1er BILA eurent les honneurs du communiqué, les disciplinaires étaient enfin reconnus, pour faire bonne mesure, Charles demanda un effort collectif à la nation en guerre pour assurer une sépulture décente à tous les combattants, quels qu’ils fussent, il en allait de l’honneur des armes de la France face à l’opinion internationale, qui n’était pas toujours si bonne fille.
………………………
L’amiral Husson cachait sa tristesse sous une activité fébrile, il n’avait pas le choix, la rade était pleine de navires qui venaient pour réparations diverses, cette bataille avait été fort coûteuse et l’arsenal et ses bassins de radoub ne désemplissaient pas, une vraie ruche, il y avait même des navires britanniques en particulier un beau croiseur, le HMS Dido, une tourelle arrachée par une bombe, il y aurait un énorme travail de reconstruction mais ça ne remplaçait pas les hommes perdus, il passait tout les jours à l’arsenal et jetait machinalement un œil au petit tertre encore désert. Certes, il avait conservé l’officier canonnier de la flotte qui était très prometteur mais la disparition de son chef d’atelier auto le laissait un peu perdu, un ami plus qu’un subordonné, un quatrième à la manille absolument redoutable et que dire du poker ! De plus, ils avaient le même âge et auraient dû, n’eût été la guerre, prendre leur retraite de concert, Husson fit coudre sur une manche de sa vareuse un brassard noir qu’il devait garder jusqu’à la fin des hostilités.
Le quartier-maître fusilier Iturri accepta l’intérim à l’atelier sur la recommandation de ses pairs, tous les maîtres principaux ayant décliné poliment l’offre du pavillon, Iturri hérita donc d’une collection hétéroclite de véhicules divers à l’entretien des plus compliqués, un an plus tard, ses efforts constants avaient porté leurs fruits, il avait discrètement reversé tous les vistemboires de la campagne de France et autres au matériel et les avait remplacés par du matériel neuf d’origine américaine, généralement des Dodge en 4x4 ou 6x6 et des Jeeps aussi, grâce à de louches accointances, il s’était hâté de faire repeindre le tout en gris et seule la Delahaye couleur nacre de l’Amiral, jalousée jusqu’à Alger, témoignait encore d’un passé heureusement révolu, la jeunesse est sans pitié !
………………………
Un qui riait beaucoup moins, c’était Jules, il avait dû repasser au trapèze devant le Contrôleur Général, au début il avait été fort surpris par les vives félicitations que lui avait adressé son supérieur pour l’arrestation d’un malfrat en la bonne ville d’Oran où il n’avait jamais mis les pieds, tout s’éclaira quand Monsieur le Contrôleur lui narra les circonstances, le quidam avait fait une occlusion, avait été hospitalisé et dans son délire fébrile préopératoire avait livré des éléments très intéressants sur des méfaits en préparation au personnel hospitalier qui en avait averti la police, dûment opéré, il avait été embastillé après une courte semaine de convalescence et en avait profité pour livrer les identités de ses complices et celle du commanditaire, tout ce petit monde dormait en diverse cellules et le crédit de ces arrestations figurerait dans le dossier administratif de Jules en échange d’un tout petit service ! Jules s’enquit avec une grande douceur de la nature de ce petit service, il lui fut répondu qu’on recherchait un officier de police judiciaire pour une mission très spéciale en Mer Egée mais qu’on ne pouvait le lui ordonner car cette zone était encore l’objet d’opérations militaires, Jules répondit qu’il serait heureux d’y servir et qu’il ne voyait aucune raison sérieuse de déposséder ses collègues d’Oran de leur éclatant succès, le Contrôleur Général émit une sorte de gémissement saccadé qui voulait ressembler à un rire puis le taxa d’innocence avec un air de feinte commisération, un innocent, voilà ce qu’il était et puis, paradoxalement, ce pouvait être le début de la culpabilité, souvenez-vous Maigret, tous coupables ! Jules passa la porte sur cet exorde, il connaissait désormais le Vieux, qui pouvait tenir des heures sur le sujet.
Il s’en alla au magasin central du ministère de l’Intérieur quérir sa tenue et ses croquenots, il ne fut pas peu surpris de se voir intégralement vêtu de gris, d’être armé d’un 1892 dûment pourvu de son jambon et de munitions en boîtes métalliques et de recevoir en sus des galons de capitaine cousus sur un coquet bonnet de police, le fourrier en chef lui remit en outre une lettre personnelle du Ministre sous pli cacheté du style “à détruire avant de lire” tout en lui donnant un rendez-vous impératif pour le lendemain six heures pétantes sur l’aérodrome d’Alger Maison-Blanche, il signa les fiches de perception et d’habillement dans un soupir d’étonnement et décida d’ouvrir la lettre pour en savoir un peu plus.
………………………
Mathis tournait en rond, cette situation de plumitif enseveli dans un bureau l’étouffait positivement comme tout le reste d’ailleurs, sa brune était partie en Angleterre pour suivre un prétendu stage de gestion de l’espace aérien, elle reviendrait dans cinq semaines, il s’était, suivant les ordres reçus, acharné à monter des lignes régulières du nord au sud et d’est en ouest, d’Alger à Tombouctou et de Rabat à Freetown, ça tournait pas si mal que ça avec des terrains de secours bien étagés et une excellente collaboration avec les British, le problème c’était plutôt le matériel, le militaire était hors d’âge, le civil n’arrivait pas et la compagnie nationale campait sur ses positions discutables ! Pour le reste, Just avait emmené les “Tourbillon” à Lesbos et ceux qui restaient sur Bizerte étaient à bout de potentiel, faute de relève, l’unité serait bientôt dissoute, il avait réintégré son bureau à la base aérienne en délaissant le petit terrain qui n’abritait plus que le Salmson Cri-Cri qui prenait la poussière. Il sortit s’en fumer une et pensa soudain au Fieseler Storch de la cargaison du Turc qui était toujours en caisse, tout en marchant il fut frôlé par une voiture qui manqua bien le renverser, un être un peu hagard en sortit et lui tomba dans les bras, c’était Saumagne déguisé en administrateur général, casquette sur la tête et qui recherchait le nouveau bureau de l’Amiral, Mathis s’offrit, en quelque sorte, à le piloter jusqu’au dédale de l’arsenal où Husson avait pris tout provisoirement ses quartiers.
………
L’Amiral regardait les murs avec une grande circonspection, comme son bureau de l’Amirauté était en reconstruction, on avait tout d’abord tenté de lui refiler celui de l’officier commandant l’arsenal, après avoir vu qu’il était grand comme un terrain couvert propre à la pratique de la pétanque, il avait décliné courtoisement l’offre qui lui était faite, il avait choisi une pièce plus petite au dernier étage, qui offrait une fort jolie vue sur les bassins de radoub par une porte-fenêtre donnant sur une belle terrasse juste ébréchée par quelques impacts de projectiles divers. Son mobilier ne rentrant pas, il avait adopté un bureau très administratif de bois clair avec deux grands classeurs à rouleaux parfaitement assortis, il n’avait qu’un seul téléphone mais directement relié au central Transmissions, il avait pu rapatrier tous ses dessins de navires sur lesquels il avait servi ou qu’il avait commandés, il avait remarqué lors du déménagement que ses souvenirs, finalement, tenaient à l’aise dans quatre boîtes en carton, son hallebardier interrompit ces dangereuses rêveries en annonçant d’une voix caverneuse Monsieur l’Administrateur Général Saumagne et Monsieur le Général Mathis, Husson, tout émoustillé, bondit littéralement de sa chaise.
………
Jules, pendant ce temps, atteignait les portes de l’arsenal, son vol, dans un élégant quadrimoteur, s’était fort bien déroulé, le taxi pris à l’aéroport le déposa devant le bâtiment central un peu comme un paquet, il est vrai que Jules avait réglé la course avec un bon de réquisition du ministère de l’Intérieur… Sac à dos sur ses épaules il s’enquit poliment du bureau 523 auprès d’un pépère à chaussettes rayées bizarrement vêtu d’une cotte blanche et mégot aux lèvres, celui-ci lui répondit sur un ton malicieux de prendre l’escalier et de monter au dernier étage, là-haut, tout lui serait indiqué ! Jules obtempéra et grimpa l’escalier allègrement du moins jusqu’au premier, les marches semblaient avoir été taillées pour des géants et en plus il y avait des demi-étages, dès le second il était en sueur, la suite fut interminable, son sac faisait dans les vingt kilos et lui sciait les épaules, à bout de souffle il atteignit le cinquième ou plutôt le dixième et poussa la porte battante qui s’ouvrit en gémissant et oscilla longuement dans son dos avec de petits bruits énervants, il était dans un long couloir éclairé par des impostes en verre armé, toutes les portes sur le même côté sauf une, en plein centre, à tout hasard, Jules y entra et tomba sur un autre vieillard étrange en uniforme de fusilier et charentaises aux pieds, il lui demanda poliment où se trouvait le bureau 523, le vieillard en retour lui réclama ses nom, prénom, grade et qualité, ouvrit une porte matelassée et annonça Monsieur l’Inspecteur Divisionnaire Jules Maigret d’une voix de stentor avant de le pousser dans la pièce. Jules put distinguer trois hommes installés sur une belle terrasse qui avait subi quelques dommages, ils avaient sorti des chaises, une petite table et buvaient tranquillement du café, ils le regardaient d’un air vaguement étonné presque interrogateur, Jules pouvait distinguer deux officiers généraux et un civil en uniforme, il manqua presque de les saluer, se retint en se raclant la gorge et demanda tout benoîtement le bureau 523.
Les trois hommes arquèrent chacun un sourcil quasi diabolique mais sûrement surpris, le civil en uniforme lui demanda fort doucement s’il désirait un café, avec ou sans sucre ajouta l’Amiral pendant que Mathis lui tendait une petite cuillère, Jules accepta avec reconnaissance et le hallebardier rapporta la cafetière, après avoir siroté son moka il lui fut gentiment demandé ce qu’il venait faire à l’arsenal et pour toute réponse il ne put que tendre la lettre du Ministre au civil en uniforme, après déchiffrage il fut déclaré admis au club des trépieds d’Héphaïstos, on lui expliquerait plus tard la signification du tout, le civil lui demanda alors où il avait trouvé cette originale tenue de drap gris et Jules raconta son entrevue avec le Contrôleur Général, une heure plus tard la glace était brisée et ils étaient passés à une boisson beaucoup plus virile, la fine à l’eau.
………………………
La mobilisation n’est pas la guerre mais cela y ressemble sauf si l’on est en guerre et là, bien sûr, c’est complètement différent, l’exorde de Charles devant le Conseil avait été entendu par toutes les forces, civiles et militaires, de la France Combattante mais, comme de coutume, on avait d’abord attendu la réaction des Armées, celle-ci se produisit sous la forme de la mise à disposition d’une unité alpine qui venait juste de récupérer des mulets, soit le 46e BCA, l’adjudant Santucci promu sous-lieutenant depuis peu fut chargé de veiller au bon embarquement des hommes et des brêles en Alger où le Commandant Wassingre vint les quérir, inutile de dire que la plate-forme de débarquement vit son rôle inversé et qu’il n’y eut aucun problème majeur à relever, le sous-lieutenant en fut fort heureux et se prépara à une traversée des plus tranquilles sous un beau soleil printanier. Cet expert des quatre vieilles, réserviste endurci, ne fut pas peu surpris de se voir traiter en personnalité d’importance par tout l’équipage et les officiers du bord, il y vit un effet de sa récente élévation ce en quoi il ne se trompa absolument pas, il avait une cabine certes partagée mais confortable et mangeait au carré des officiers des nourritures plus délectables que celles de la troupe, la cave étant des plus appréciables, bref rien que du bonheur, il avait fort peu de renseignements sur la mission qui leur était impartie dans une île lointaine de la Mer Egée mais s’en fichait complètement car seul le retour à la guerre comptait, il eut une fugace pensée pour une petite dame de l’arrière-pays niçois et s’en alla présenter ses devoirs au commandant du navire, mais une chose l’inquiétait : mis à part ses brêles et leurs conducteurs, il n’y avait, à part lui et un sergent, aucun encadrement.
………………………
Brécargue, un peu perdu, attendait des renforts, point des hommes mais plutôt des baudets et leurs conducteurs, à tout hasard, il avait demandé une compagnie de plus à Alger, directement au Ministre par la station radio et grâce à l’entregent de Le Bobinnec qui avait conservé quelques relations au sommet, c’est donc une demi-compagnie de dépôt du 22e RTS qui rejoignit le sous-lieutenant alpin autant que comptable à bord du fier navire, elle était commandée par un autre promu, le lieutenant N’dor.



(Fin provisoire… N'hésitez pas à exiger la suite à Carthage en postant ici même les menaces les plus féroces…)
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Dronne



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MessagePosté le: Lun Mar 28, 2016 12:43    Sujet du message: Répondre en citant

J'exiiige la suite! Sinon en comparaison, les menaces les plus féroces ravaleront les sept plaies d’Égypte au rang d'aimables jeux d'éveil pour boys scouts attardés!!!
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Anaxagore



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MessagePosté le: Lun Mar 28, 2016 13:14    Sujet du message: Répondre en citant

Cela va être difficile de faire mieux... voyons voir...
Si nous n'avons pas la suite pour hier, j’appellerais à une vengeance mythologie qui fera blêmir d'effroi les auteurs des supplices de Tantale, d'Atlas et De Sisyphe réunis.
_________________
Ecoutez mon conseil : mariez-vous.
Si vous épousez une femme belle et douce, vous serez heureux... sinon, vous deviendrez un excellent philosophe.
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Capitaine caverne



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MessagePosté le: Lun Mar 28, 2016 13:31    Sujet du message: Répondre en citant

Anaxagore a écrit:
Cela va être difficile de faire mieux... voyons voir...
Si nous n'avons pas la suite pour hier, j’appellerais à une vengeance mythologie qui fera blêmir d'effroi les auteurs des supplices de Tantale, d'Atlas et De Sisyphe réunis.


Tout à fait d'accord! On le forcera a regarder tous les clips des différents Boys Band de la grande époque des années 1990-2000. Jusqu'à ce qu'il cède et publie à nouveau. Et si cela ne suffit pas, on lui fera écouter toute la discographie de Dorothée en boucle!
_________________
"La véritable obscénité ne réside pas dans les mots crus et la pornographie, mais dans la façon dont la société, les institutions, la bonne moralité masquent leur violence coercitive sous des dehors de fausse vertu" .Lenny Bruce.
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Chabert



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MessagePosté le: Lun Mar 28, 2016 13:48    Sujet du message: Répondre en citant

Je ne sais pas si c'est l'influence d'Oran mais il y a un côté Camus dans le style.
Quel plaisir, tout simplement...
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Wil the Coyote



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MessagePosté le: Lun Mar 28, 2016 17:12    Sujet du message: Répondre en citant

Les Belges menacent Carthage de lâcher sur lui toutes les mascottes régimentaire de l'ABL.... (des Sangliers, beliers et même des tigres), si une suite n'est pas fournie ASAP...

8) Laughing 8) Laughing
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Capu Rossu



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MessagePosté le: Lun Mar 28, 2016 17:55    Sujet du message: Répondre en citant

Bonsoir,

Citation:
celle-ci se produisit sous la forme de la mise à disposition d’une unité alpine qui venait juste de récupérer des mulets, soit le 46e BCA, l’adjudant Santucci promu sous-lieutenant depuis peu fut chargé de veiller au bon embarquement des hommes et des brêles en Alger où le Commandant Wassingre vint les quérir, inutile de dire que la plate-forme de débarquement vit son rôle inversé et qu’il n’y eut aucun problème majeur à relever, le sous-lieutenant en fut fort heureux et se prépara à une traversée des plus tranquilles sous un beau soleil printanier.


Dans la Geste des Joyeux, Santucci et ses Alpins, comme le lieutenant N'Dor et ses Sénégalais, sont à Tunis et en particulier un certain 14 juillet.

@+
Alain
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Fantasque



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MessagePosté le: Lun Mar 28, 2016 18:16    Sujet du message: Répondre en citant

J'userai de la nostalgie....Rien de tel que de prendre un (vieux) soldat par les sentiments...

Il y a quelques jours, j'étais monté à Sainte-Agnès avec ma douce et tendre dans l'intention de redescendre sur Menton à pieds. Chacun est trahi par sa volupté (la notre étant la marche).
Arrivant sur l'esplanade, nous la vîmes remplies des véhicules d'un club de collectionneurs pas sectaires (4 et 2 roues mélangés). Au milieu trônait une magnifique DS-21 Lie de Vin. Et, en cherchant bien, j'ai trouvé une superbe "4 pattes" Honda, superbement restaurée. Je n'ai pas osé demander si elle se nommait Fanchon, mais je me suis pris à penser, nous étions le 22 courant, que l'histoire imaginaire et alternative et parfois plus belle que la réalité...

F
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carthage



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MessagePosté le: Mer Mar 30, 2016 21:15    Sujet du message: Répondre en citant

Trahit sua quemque voluptas, il est bien vrai que la fluidité apparente de la DS et la force brute de la 750 Honda semblent être incompatibles mais une esplanade devant un fort du SFAM permet de concilier tout cela grâce aux marcheurs impénitents qui arpentent le globe en lui conférant une harmonie retrouvée malgré les éphémères constructions humaines, bravo pour le dénivelé et hommages à la dame, amitiés, Pascal.
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solarien



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MessagePosté le: Jeu Mar 31, 2016 02:43    Sujet du message: Répondre en citant

Régime eau, pain sec et surtout, diffusion constante des meilleurs moments de la vie politique française (c'est a dire, les débats au parlement, au sénat, les discours des présidents, les promesses des candidats, etc etc etc.....) depuis les années 1950 jusqu'a maintenant, le tout en boucle.

Et pour faire bonne mesure, je suis prêt a ajouter le pire, un concert concernant l'histoire de la musique depuis 1900 à aujourd'hui, fait par un groupe de malade d'Alzheimer, de Parkinson avec des bégues comme chanteur.

Et jamais deux sans trois, on dis que l'enfer est pavé de bonne intention, mes bonnes intentions sont au dessus, alors imaginer ce que pourrait donner les mauvaises intentions ? Vous voyez, bon, vous multipliez cela par 1000 et vous avez juste 1% de se que je suis capable. Wink

Toujours se méfier des humains, surtout quant ils sont accroc à quelque chose.
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