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L'Espagne
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ciders



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Messages: 1126
Localisation: Sur un piton

MessagePosté le: Sam Juin 15, 2019 15:00    Sujet du message: Répondre en citant

Pour les T-34 à matelas, la réponse est simple : en Allemagne, ils avaient des matelas, au moins dans les zones urbaines (et ce malgré la pauvreté de la population car oui, l'Allemagne des années 1903-1940 était un pays plutôt plus pauvre que le Royaume-Uni). Les Soviétiques les avaient "empruntés" dans les nombreuses maisons rencontrées depuis la Vistule.

Contre les Panzerfausten, ça ne marchait pas. Ce qui marchait, c'était d'arrimer des grilles métalliques sur les flancs et la tourelle du char. On se donnait ainsi une chance non négligeable d'empêcher la charge de la roquette de s'approcher suffisamment de la coque pour que le jet de métal brûlant perce celle-ci. En 1945, on a vu pas mal de chars ainsi modifiés. C'était même une pratique courante au sein de la 2è Armée blindée soviétique dans les derniers combats sur l'Oder et à Berlin. Dans les autres formations de l'Armée Rouge, chaque équipage faisait en fonction de ses moyens et de son imagination. Ça sort du cadre mais dans les années 1990, Bosniaques et Serbes accrochaient des tapis en plastique sur leurs chars dans l'espoir d'en diminuer la signature thermique.
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Finen



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Messages: 1947

MessagePosté le: Sam Juin 15, 2019 15:24    Sujet du message: Répondre en citant

En fait, l'habillage bois des blindées de la légion aura pour effet positif principal de rendre leur indentification très difficile et donc de retarder notablement la remontée de l'information sur leur présence.

Effet important sur leur sécurité s'il en est!
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Archibald



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Messages: 9407

MessagePosté le: Sam Juin 15, 2019 18:01    Sujet du message: Répondre en citant

Hendryk a écrit:
marinade a écrit:
Ensuite il faut penser local et d'époque : le matelas était une chose CHERE et rare (de la laine cardée dans une toile avec une piqûre de serrage/maintien).
Bien des populations dormaient dans un lit avec un sac de paille pour matelas. Bon courage pour trouver des matelas à placer sur les chars.

Une blague de l'époque maoïste me revient en tête.

Peu après le succès du premier test nucléaire chinois, Mao rassemble ses généraux et déclare: "A présent, nous allons envoyer dix volontaires avec chacun une bombe atomique dans une valise pour se faire sauter dans les dix plus grandes villes de l'Occident capitaliste!"

Les généraux répondent: "Pour les bombes, pas de problème, on les a. Les volontaires, pas de problème non plus, on les trouvera. Mais ce qui ne va pas du tout, c'est les valises! On n'arrivera jamais à en trouver dix!"


J'adore cette blague...
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Sergueï Lavrov: "l'Ukraine subira le sort de l'Afghanistan" - Moi: ah ouais, comme en 1988.
...
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Sam Juin 15, 2019 22:44    Sujet du message: Répondre en citant

………
Près de Greve in Chianti, vingt kilomètres derrière le front allemand, 16h30 – Les trois blindés roulaient depuis plus d’une heure, d’abord vers le sud-sud-est avant de bifurquer vers l’ouest. Ils avançaient lentement, espacés, les chefs de chars essayant de deviner à la jumelle l’apparition d’éventuelles patrouilles. Si une rencontre avec des blindés ennemis était peu probable, se retrouver face à une moto en patrouille ou à une section placée en sonnette était tout à fait envisageable.
Le chemin qu’ils suivaient était étroit et ombragé, des pins et des cyprès les cachaient à la vue d’éventuels appareils allemands. Le sommet des arbres s’inclinait chaque fois plus sous l’effet d’un vent qui forcissait de minute en minute. Des rafales rageuses soulevaient de petits nuages de poussière qui se mêlaient à ceux que provoquait leur marche. Plus au nord, des nuages noirs annonciateurs d’orage commençaient à s’élever et bouchaient partiellement l’horizon. Taguena, toujours inquiet quant à la sécurité de la mission, avait fait remarquer que si l’attaque avait lieu trop tard, ils risquaient de se faire surprendre par la nuit, courant le risque de se perdre ou d’être pris pour cible par l’un ou l’autre deux camps. Muntaner dut admettre que l’argument était juste et le risque élevé. Au milieu d’une bataille comme celle-ci prévalait le “tirer d’abord, demander ensuite”. Le torse hors de la tourelle, il regardait attentivement les alentours, attentif à tout mouvement ou à tout ce qui pouvait paraitre incongru dans ce cadre champêtre. Les bruits des combats lui parvenaient nettement. La distance les transformait en un unique et monstrueux grondement qui concentrait la violence des hommes. De temps à autres, le capitaine jetait un regard dubitatif sur la silhouette empâtée des trois chars. L’ajout des rondins leur avait fait prendre de l’embonpoint, ils ressemblaient à trois grosses dindes se promenant sur un chemin de campagne. Tout ce montage pouvait-il servir à quelque chose ?
Peu à peu, ils se rapprochaient de la dernière colline qui allait leur permettre de traverser les lignes allemandes. Un bouquet d’arbres situé près de la route leur offrit une protection supplémentaire pour une brève pause, aucune trace de chenille ne devait être vue du ciel. Les quinze hommes se regroupèrent dans l’espace libre entre les chars. Tous regardaient Muntaner, qui à genoux, essayait de maintenir dépliée une carte que le vent s’obstinait à enlever. « Au bas de la colline, il y a Greve in Chianti, mais si vous regardez bien la carte vous verrez qu’il y a un chemin qui suit le sommet jusqu’à Strada. De là, on aura une bonne vue sur les deux vallées, si nous ne voyons rien d’intéressant nous poursuivrons. Je ne sais pas ce qui nous attends en bas, mais nous descendrons par là, vous voyez ? Ce bois s’étend sur les deux pentes et forme une corne vers les positions allemandes. Nous sortirons du couvert directement sur eux. Notre objectif est de les pendre par surprise, de flanc, et de démolir tout ce que nous pourrons trouver. Il faudra travailler vite et bien. Nous tirerons à coup sûr et à courte distance, hors de question d’engager un panzer à 800 mètres ! Nous faisons un unique passage, nous ne reviendrons pas sur nos pas. Notre succès est basé sur la surprise, ils ne s’attendent pas à nous voir arriver de cette direction. Les priorités sont, s’il y a le choix, les dépôts d’essence, de munitions et l’artillerie. Sinon, nous ferons en fonction des opportunités. Au contact, toi Taguena, tu te déploies sur ma droite et toi lieutenant sur ma gauche. Nous nous assurons qu’il n’y a rien de dangereux derrière nous, si c’est le cas, alors… nous chargeons à fond ! »
Quelques sourires apparurent enfin sur les visages.
« Vous deux, engagez un obus explosif dans vos canons. » – « Et si nous rencontrons un char ? » – « J’aurai un perforant prêt. Tout est clair ? »
Modesto regarda le ciel, qui tournait à l’encre : « L’orage devrait nous aider, avec le tonnerre et le bruit de la pluie, ils ne nous entendront arriver qu’au dernier moment, quand nous serons sur eux ! »
« ¡ Suerte para todos ! »
Un chœur de quatorze voix lui répondit : « ¡ Suerte ! » Aucun d’entre eux ne remarqua qu’ils avaient tous porté leur poing fermé au niveau de la tempe, le salut de l’armée républicaine espagnole.
« Une fois le passage terminé, nous fonçons plein est vers San Polo, d’où nous suivrons une autre route, qui traverse la colline que nous avons longée. Nous retrouverons nos positions ici à San Donato, notre point de départ de ce matin. Un point important, nous n’aurons de couverture radio que vers Strada, donc pas de bêtise, car nous ne pourrons pas appeler Tom Mix ou John Wayne à la rescousse ! »
………
Ils avaient quitté le chemin, passé la crête et descendaient la pente vers les positions allemandes. La traversée de la forêt s’annonçait plus difficile qu’ils ne l’avaient imaginé. L’orage venait d’éclater et des torrents d’eau descendaient la colline. Oui, ils avaient sous-estimé les difficultés. La conduite était périlleuse, le terrain glissant, les arbres cachaient la vue alors que la pluie et l’obscurité réduisaient la visibilité. Montalban jurait en continu, égrenant un long chapelet d’imprécations castillanes, catalanes et françaises. « Je ne te savais ni aussi polyglotte ni aussi cultivé » commenta Carvalo. « Plaisante, moque-toi, je n’y vois vraiment rien. Il pourrait y avoir un ravin juste devant que je ne le saurais qu’une fois au fond ! » Muntaner pouvait voir que les deux autres chars suivaient des chemins parallèles au sien, au moins ainsi les risques d’accrochage étaient réduits.
« Arrête Pépé, laisse Manuel, il a besoin de se concentrer. » Le capitaine était lui aussi préoccupé, les branches basses des feuillus accrochaient la tourelle, l’obligeant à rentrer la tête et réduisant sa visibilité à néant. Il contacta les deux autres chars : « Nous n’y voyons rien, arrêtons-nous sous les derniers arbres et si nécessaire sortons à pied voir ce qui se passe. »
Il était plus de 17h00 quand ils stoppèrent. Les nuages noirs masquant le soleil donnaient l’impression qu’il faisait presque nuit. Sous le couvert du bois il semblait qu’un rideau de pluie avait été tiré devant eux. « Je sors !" annonça Muntaner, qui n’y tenait plus. Aussitôt les deux anciens s’écrièrent : « C’est dangereux, avec ce temps, un homme seul pourrait t’abattre sans se faire voir et balancer une grenade à l’intérieur ! » – « Avec ce temps, il n’y a pas un homme sensé dehors ! Pépé, verrouille la trappe derrière moi » – « Prends au moins le PM. » De ses campagnes espagnoles, il avait réussi à sauvegarder sa casquette d’officier de char. Curieusement, elle ressemblait à ces coiffes souples qu’arboraient parfois les officiers allemands. Par superstition, il la portait toujours au combat et l’ajusta sur son crâne avant de sortir. Il sauta au sol et s’enfonça jusqu’aux chevilles dans une flaque de boue. Il eut une grimace de dépit qui s’accentua au fur et à mesure que son uniforme s’imprégnait d’eau. Un déluge tombait sur la vieille casquette.
En quelques enjambées qui finirent de maculer son pantalon d’un fangeux mélange d’eau, de terre et de feuilles, il arriva à la lisière du bois. Se collant contre un tronc, il balaya de ses jumelles l’espace devant lui. Le paysage était typique de la Toscane, des champs, des rideaux d’arbres, quelques bouquets de pins parasols, des vergers et un village au loin. Une silhouette verte se matérialisa sur sa droite. Taguena, élégamment vêtu d’un imperméable d’officier, lui tendit, hilare, une toile de tente dont il s’entoura. « Tu ressembles à une petite vieille avec un fichu ! »« Je suis content de t’entendre plaisanter de nouveau, même si c’est à mes dépens ! » Il posa amicalement une main sur l´épaule du sergent. « D’où sors-tu ça ? » dit-il en montrant l’imperméable. « Gagné aux cartes ! » Les deux hommes sourirent avant de diriger leurs regards vers le champ de bataille. Durant quelques instants ils ne virent rien, simplement un paysage gris dont la pluie gommait les détails. Ce fut Taguena qui les aperçut le premier. « Regarde les arbres à 11 heures, tu les vois ? » Sans attendre de réponse il continua : « Maintenant, compte-les, regarde au pied du quatrième et des suivants. » La vue de Muntaner devait être moins bonne que celle du sous-officier il lui coûta apercevoir les deux Pak camouflés. Les servants regroupés essayaient de se protéger comme ils le pouvaient. Le mouvement de l’un d’entre eux les avaient trahis. Modesto, une seconde veste passée sur les épaules les rejoignit : « Désolé, j’ai été un peu long. Alors ? » – « Regarde là-bas. » – « A combien sont-ils d’ici, d’après vous ? » – « Cinq cents mètres maximum. » Après un moment à regarder la position, il demanda : « Quoi d’autre ? » – « Rien pour le moment, mais il y a forcément du monde pas loin, sinon que feraient deux canons embusqués au milieu de nulle part ? »
Ils observèrent ainsi durant une vingtaine de minutes, silencieux et immobiles, seul parfois l’un d’entre eux indiquait une direction. Carvalo, qui n’en pouvait plus, vint les rejoindre : « Alors ? » Sans se retourner, Muntaner lui demanda : « A moins que tu n’apportes du café chaud, fais-moi le plaisir de retourner dans le char. » – « Nous étions inquiets… » – « Allez rentre, laisse nous quelques minutes et nous y allons. » Trempé et penaud, le Galicien retourna vers son blindé.
Les trois hommes s’entretinrent sous la toile de tente que Muntaner avait déployée en forme d’abri improvisé. De l’intérieur des engins, les équipages essayaient de les apercevoir et surtout de deviner quel allait être leur futur immédiat. La pluie empêcha les traditionnels abrazos, ils se serrèrent la main et chacun retourna vers son char.
A l’intérieur du Guadalajara, même Montalban était silencieux, quatre paires d’yeux regardaient la flaque qui s’élargissait sous le siège de Muntaner. Après un sommaire séchage, il regarda tristement sa vieille coiffure, pourrait-elle un jour retrouver sa forme habituelle ? Il finit enfin par prendre la parole.
« Voilà les cibles. Sur notre gauche, à 11 heures, à cinq cents mètres, il y a une batterie de 105 en lisière du bois, entre les feuillages et les filets de protection, elle doit être à peu près invisible depuis le ciel. Elle est notre cible nº1. Devant elle, en protection il y a au moins deux Pak camouflés, cela sera notre deuxième cible. En face de nous et sur la droite, à 1 heure, il y a une ferme avec des bâtiments agricoles, devant, il y a deux semi-chenillés. Quelques fantassins aussi, mais la plupart doivent être à l’abri dans la ferme. » Les hommes restaient silencieux, dans l’attente des détails du plan. « Taguena et nous allons suivre la lisière du bois aussi loin que possible. Au dernier moment l’un s’occupera des obusiers et l’autre des antichars. » – « Quelle est la distance entre les deux ? » – « Trois ou quatre cents mètres, pas plus » – « Et la ferme ? » – « Plus loin, plutôt huit cents mètres par rapport à nous. » – « Et entre la ferme et les canons ? » – « Probablement un peu plus d’un kilomètre. » – « Et donc, la ferme ? » – « Modesto restera en arrière et la canonnera. L’objectif est surtout que les troupes qui sont là-bas ne puissent pas rejoindre. Il nous suivra sur ordre. Manuel, nous nous éloignerons du Madrid à angle droit. De cette façon, nous arriverons sur les Pak en leur présentant une cible minimale, et surtout, ils devront faire pivoter leurs pièces à 180° car nous serons derrière eux. Avec la pluie, la boue et le camouflage, cela risque d’être difficile et donc lent. C’est compris ? » Les hommes hochèrent la tête en silence. « Bien, un obus explosif dans le canon, mitrailleur tu tires sur tout ce qui bouge et même sur ce qui ne bouge pas si tu as un doute. Tu as compris, Plegamans, fais-toi plaisir ! » Le jeune homme sourit timidement, partagé entre l’euphorie et la panique.
Les ronflements des moteurs et le crissement menaçant des chenilles ne dominaient guère le bruit du vent et le grondement du tonnerre quand les trois blindés surgirent des bois qui les cachaient. Comme prévu les deux premiers virèrent vers la gauche et accélèrent. Vert olive, ils ne faisaient qu’un avec la triste couleur de la forêt. Le troisième s’était avancé hors de l’abri des arbres et attendait, seule la tourelle bougea quelque peu avant de se figer dans une attente létale. Les secondes passaient.
« Je les vois ! » hurla Taguena à la radio. « Pépé prépare ta visée, Manuel tu vires à droite quand je te le dis. Juan prépare-toi ! »
« Feu ! »
Taguena venait de tirer le premier obus. « Juan, feu. Manuel, maintenant. » Les deux blindés se séparèrent. Le Madrid avait pris pour cible les malheureux artilleurs des 105, qui avaient dû profiter de l’orage pour faire une pause. Dans le Guadalajara, chacun sentit son sang se figer, là-bas il semblait que les buissons et les broussailles prenaient vie. Les servants des Pak essayaient de tourner leurs pièces. « Plegamans, à toi ! » Le garçon sembla ne pas entendre, Montalban lui envoya un direct du droit sur l’épaule : « Tire ! Tire n’importe où, mais tire ! » Plegamans eut un hoquet et la mitrailleuse se mit à cracher, ses rafales claquant comme des coups de fouet. « Pépé ? » – « Difficile, on est en mouvement ! Nous bougeons trop. » – « Ça ne fait rien, tire. Si tu touches un tronc les éclats aussi peuvent être mortels. » L’obus s’enfonça dans le sol à quelques mètres de la cible, couvrant de terre les servants. Montalban grogna : « Raté ! » – « Mitrailleur, vise celui sur lequel on vient de tirer, Pépé prends l’autre ! » La tourelle pivota.
Dans ses écouteurs Muntaner, entendait les cris d’indien que poussait Taguena – par contre, Modesto restait silencieux. « Manuel, je ne peux pas viser ! » Le char était lancé à pleine vitesse. « Pépé tire, Manuel, ralentis ! » Coup de chance ou coup de maître, leur deuxième obus toucha de plein fouet le second antichar. Pendant ce temps, les servants du premier canon avaient abandonné leur pièce. La mitrailleuse de Plegamans avait malgré tout causé des dégâts, deux corps cassés gisaient près du 75. Montalban réduisit enfin la vitesse et décrivit un arrondi, maintenant le char longeait les arbres. Le premier canon passa sous les chenilles, suivi quelques instants plus tard du second. Les corps allongés furent transformés en une masse sanglante. Muntaner put voir avec horreur le corps d’un soldat dont la tête et les épaules étaient demeurées intactes, mais le reste n’était plus qu’une bouillie. Maintenant le Guadalajara progressait lentement, il atteignit bientôt la lisière du rideau d’arbres.
« Attends, Manuel. » – « Juan, comment ça se passe ? » La réponse ne fut pas immédiate. « Juan ? » – « Il y a plus de monde que prévu. » Un signal d’alarme se mit à résonner dans la tête de Muntaner. « J’ai d’abord démoli un semi-chenillé, mais il y avait des StuG III cachés dans la ferme » – « Combien ? » – « Trois, j’en ai touché un mais il n’est pas mort. C’est difficile. » – « Décroche tout de suite. » Nouveau silence. « Juan, décroche. » – « Je ne peux pas, j’ai été touché deux fois, j’ai pu simplement reculer de quelques mètres à l’abri des arbres. Je les empêche de se diriger vers vous, c’est tout ce que je peux faire. » – « Quelles sont les avaries ? » – « D’abord, pas grand-chose, les troncs ont absorbé le choc, le train de roulement était coincé, on a pu réparer. » Ils ont réparé sous le feu, pensa Muntaner, quelle folie ! « On a pu reculer mais à ce moment nous avons pris un obus qui nous a déchenillés, cette fois nous sommes immobilisés pour de bon. » – « Vous avez encore des munitions ? » – « Oui, de quoi soutenir un siège, tu as bien fait de nous faire prendre une double dotation. » Modesto indiqua ensuite les positions de ses trois adversaires. « D’accord, tenez bon. »
Et Taguena qui ne disait plus rien !
« Manuel, sergent, comment ça se passe ? » La voix excitée de Taguena lui vrilla les oreilles : « Six canons ! Toute la batterie, les six sont inutilisables. Désolé, j’avais perdu mon casque radio en sortant la tête pour ne pas en oublier un seul, mais les copains seront tranquilles. Quand nous partirons, je ferai sauter les munitions. » – « Attends, Manuel. » Taguena nota le ton sombre, l’inquiétude l’envahit. « Il y a un problème, en fait deux. Nous avons trois StuG dans la ferme et Juan est immobilisé. » – « ¡ Me cago en la mar ! Que faisons-nous ? » – « Nous allons chercher Juan et ses gars, mais en laissant un espace entre nous. Tu me couvres. » – « Tu sais capitaine, je n’ai jamais aimé cette mission. » – « Et moi je n’aime pas cette guerre et pourtant je la fais ! Bon, je me suis fait expliquer par Juan la position des StuG, je passe le premier par la forêt. Toi tu me suis, à mon commandement nous tirons pour faire diversion. Pendant ce temps, ils abandonnent le char, ils nous rejoignent à pieds et nous filons. » – « Il y a une autre solution ? » – « Non. » La pluie avait cessé, mais le tonnerre se faisait toujours entendre et le ciel était bouché – pas d’aviation à espérer.
Montalban étalait tout son avoir faire, il conduisait le mastodonte avec délicatesse, serpentant entre les arbres. Le capitaine était en contact permanent avec Modesto. Un nouvel obus les avait atteints, cette fois il y avait des blessés. Ils n’allaient pas pouvoir courir à travers bois, il fallait se rapprocher d’eux pour les évacuer. En dépit des risques, Muntaner, sorti à mi-corps de la tourelle, essayait de deviner la position du Belchite en se guidant sur les départs de coup. « Sergent, sors de la forêt et fais du tir sur cibles. » – « Et toi ? » – « Ils ont des blessés, je dois aller tout près d’eux. J’ai besoin que tu fasses diversion quelques minutes. » – « Ne t’inquiète pas, je vais les amuser. » Il prévint Modesto de son arrivée.
Le Madrid stoppa à la lisière du bois, tout en restant dans l’ombre des arbres, il ajusta précautionneusement son tir sur le StuG le plus proche, qui lui présentait son flanc. L’autre était plus loin, et le troisième, atteint par le Belchite au début du combat, traînait derrière. Touché, l’engin prit immédiatement feu, ils purent voir deux hommes l’évacuer avant qu’il n’explose. Muntaner profita du flottement provoqué par le tir de Taguena pour rejoindre le Belchite, dont l’équipage évacuait, pendant que le Madrid continuait de tirer.
La situation des hommes secourus était critique. Tous étaient touchés, Modesto à l’épaule, le tireur à un bras, le pourvoyeur dans le dos et au côté, le mitrailleur à la tête et le conducteur avait reçu en pleine face un éclat qui lui avait fracassé la pommette et arraché quelques dents. Muntaner resta un moment silencieux, cette mission devenait un chemin de croix !
« Pépé, viens avec moi dans le Belchite. Manuel, rejoins Taguena, répartissez et pansez les blessés. Quand ce sera fait, prévenez-nous par radio et nous vous rejoindrons en courant. » Carvalo le regardait sans savoir que dire, le cuisinier réagit en premier. « Pas question que je vous laisse ici, je reste avec vous. » Muntaner se surprit à être ému de cette marque d’amitié. « Tu ne peux pas, nous devons les retenir ici, le temps que tu rejoignes Taguena. Je te promets que nous allons les amuser un peu, c’est tout. » – « Agustin, je ne… »« Manuel, cette fois je te donne un ordre. Préviens-nous quand vous serez prêts. » Montalban baissa la tête. « Vous avez intérêt à revenir tous les deux » – « Bien sûr, filez maintenant. » Carvalo et Muntaner passèrent dans le char endommagé. « Tu as compris ce que nous allons faire ? La tourelle marche bien et il y a des munitions. » L’œil sur le viseur, l’ancien étudiant en physique répondit : « Engage un obus, ils arrivent. »
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houps



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MessagePosté le: Dim Juin 16, 2019 08:04    Sujet du message: Répondre en citant

A force de dire "bravo !", on va manquer de main et de vocabulaire !
"...Je ne sais pas ce qui nous[i] attends..."
...Je ne sais pas ce qui nous attend..."
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Timeo danaos et dona ferentes.
Quand un PDG fait naufrage, on peut crier "La grosse légume s'échoue".
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Etienne



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MessagePosté le: Dim Juin 16, 2019 08:30    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
Notre objectif est de les pendre par surprise, de flanc,

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Dronne



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MessagePosté le: Dim Juin 16, 2019 09:46    Sujet du message: Répondre en citant

La coupure est presque douloureuse! Hein?, Quoi? C'est déjà fini???
Faut pas faire des trucs pareils!!
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Dim Juin 16, 2019 10:01    Sujet du message: Répondre en citant

Ça s'appelle du cliff-hanging Wink (et c'est fait par Requesens)
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Casus Frankie

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marc le bayon



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MessagePosté le: Dim Juin 16, 2019 10:59    Sujet du message: Répondre en citant

Montalban étalait tout son savoir faire,
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La liberte ne s'use que si l'on ne s'en sert pas
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Hendryk



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MessagePosté le: Lun Juin 17, 2019 07:06    Sujet du message: Répondre en citant

Je suppose que l'idée a déjà été évoquée, mais il me vient à l'esprit que, la guerre finie, les Alliés disposeront avec les vétérans espagnols d'un moyen de pression non négligeable sur Franco (en plus des autres).

"Au fait, je vous rappelle que nous avons parmi nos forces des dizaines de milliers d'anciens républicains formés à la guerre moderne et qui brûlent de prendre leur revanche. Ce serait dommage qu'on les rende à la vie civile et qu'ils décident tous de retourner en Espagne, qui sait même, avec des armes qu'on aura bêtement oublié de leur redemander. Alors on pourrait les garder un peu, mais de votre côté, il faudra faire un gros effort pour nous convaincre."
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MessagePosté le: Lun Juin 17, 2019 07:47    Sujet du message: Répondre en citant

Une fois la guerre finie, l'Espagne redevient un pays assez insignifiant. Comme OTL, l'anticommunisme de Franco lui vaudra la sympathie de Washington, en échange de quoi Franco gardera profil bas. Ce qui intéresse le Caudillo, c'est de durer. Vu de Washington, le bon moyen de pression sur Franco (sur tout le monde, de fait, à des degrés divers), c'est surtout l'arme économique. Plan Marshall etc. On pourrait donc s’y se méprendre, voire se froisser, d'une initiative essentiellement française pour indument influer sur les affaires espagnoles. Au contraire même, on peut supposer que comme personne n’a vraiment intérêt à déstabiliser le régime franquiste, on découragera les vétérans républicains de rentrer en Espagne pour y faire du grabuge. Ils iront ouvrir des bars à tapas un peu partout en Europe et ailleurs, ou bien ils rentreront en Espagne et s’y tiendront sages.
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"L'histoire est le total des choses qui auraient pu être évitées"
Konrad Adenauer
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demolitiondan



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MessagePosté le: Lun Juin 17, 2019 08:22    Sujet du message: Répondre en citant

S'ils obéissent tous ! On risque d avoir les années de plomb en Espagne.
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Quand la vérité n’ose pas aller toute nue, la robe qui l’habille le mieux est encore l’humour &
C’est en trichant pour le beau que l’on est artiste
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requesens



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MessagePosté le: Lun Juin 17, 2019 09:45    Sujet du message: Répondre en citant

Pour mémoire, OTL, Julian Grimau dirigeant du PCE clandestin fut arrêté en 1962 et fusille en 1963. Beaucoup considèrent qu’il s’agit du dernier mort de la guerre civile, soit 24 ans après la fin du conflit !.
Sa condamnation provoqua un tollé international et même quelques vagues en Espagne. La garde civile refusa de fournir le peloton d’exécution !. L’on eu recours à des appelés, 27 balles furent tirées et l’officier donna 3 fois le coup de grâce !.
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"- Tous les allemands ne sont pas nazis, monsieur !
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Hendryk



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MessagePosté le: Lun Juin 17, 2019 09:51    Sujet du message: Répondre en citant

Il y en a qui connaissent cette BD?



Citation:
A travers les souvenirs d'un espagnol exilé républicain en France, Paco Roca reconstitue l'histoire de la Nueve ou Neuvième compagnie. Un remarquable album sur ces héros oubliés qui ont pourtant libéré Paris en 1944. La majorité des hommes qui composaient la Nueve avaient moins de vingt ans lorsqu'ils prirent les armes, en 1936, pour défendre la République espagnole : les survivants ne les déposeraient que huit ans plus tard après s'être illustrés sur le sol africain et avoir libéré Paris dans la nuit du 24 août 1944. Ils étaient convaincus de reprendre la lutte contre le franquisme. Avec de l'aide qui ne viendra jamais.

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MessagePosté le: Lun Juin 17, 2019 10:51    Sujet du message: Répondre en citant

demolitiondan a écrit:
S'ils obéissent tous ! On risque d avoir les années de plomb en Espagne.


A ça, évidemment, ceux qui moufteront le feront à leurs risques et périls. Le franquisme est une dictature devenue relativement soft dans la manière, par rapport aux autres régimes du même tonneau, mais ça reste quand même un régime très intolérant et capable de se débarrasser de ceux qui le gênent et l'indisposent, ou qu'il voit comme une menace, sans trop se préoccuper des formes.
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