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1940 - La France continue la guerre
 
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L'Espagne
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Anaxagore



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MessagePosté le: Mer Juin 12, 2019 14:09    Sujet du message: Répondre en citant

... c'est fini oui ? Je vois du coin de l’œil un chat noir éploré armé de ciseaux. Loïc va finir par faire une dépression nerveuse. Wink
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Ecoutez mon conseil : mariez-vous.
Si vous épousez une femme belle et douce, vous serez heureux... sinon, vous deviendrez un excellent philosophe.
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Pendjari



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MessagePosté le: Mer Juin 12, 2019 14:16    Sujet du message: Répondre en citant

@ MARC : Magma... toute ma jeunesse...

Un chat noir ? Moi je ne connais que les Chats Sauvages Very Happy

Ok, j'arrête Rasta
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"J'ai glissé Chef !"
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requesens



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MessagePosté le: Mer Juin 12, 2019 14:20    Sujet du message: Répondre en citant

Pendjari a écrit:
@ MARC : Magma... toute ma jeunesse...

Un chat noir ? Moi je ne connais que les Chats Sauvages Very Happy

Ok, j'arrête Rasta


Zut, c'était marrant. Not talking
Bon, pour faire monter la température, je spoile un peu, l'épisode numero 3 est un peu plus exotique que les précédents...
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"- Tous les allemands ne sont pas nazis, monsieur !
- Oui, je connais cette théorie, oui."
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Pendjari



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MessagePosté le: Mer Juin 12, 2019 14:36    Sujet du message: Répondre en citant

Chouette...

Personnellement, j'ai retrouvé quelques références à un film de Loach "Land & Freedom" dans le passage sur la collectivisation des terres. Enfin, ça m'a fait penser à ce film mais peut-être que l'Estimado Señor Requesens ne l'a pas fait exprès... ou peut^-être que si, allez savoir avec un tel coquin Smile
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FREGATON



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MessagePosté le: Mer Juin 12, 2019 14:51    Sujet du message: Répondre en citant

requesens a écrit:

Bon, pour faire monter la température, je spoile un peu, l'épisode numero 3 est un peu plus exotique que les précédents...

Avec un peu de soleil les ibères sont moins rudes... Arrow
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La guerre virtuelle est une affaire trop sérieuse pour la laisser aux civils.
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Mer Juin 12, 2019 15:14    Sujet du message: Répondre en citant

Exotique et sexy !


10 mai 1941
La Brunete au Maroc…
Marrakech
– En cette fin d’après-midi, trois légionnaires déambulaient à pas lents dans le quartier du Guéliz – le quartier européen de Marrakech. En ce samedi, le brouhaha des promeneurs résonnait sous les arcades de l’avenue Mangin. La température était douce et la foule heureuse du retour des beaux jours de printemps. Civils et militaires flânaient en regardant sous le couvert les étals des petits marchands des rues. Journaux, livres d’occasion, cartes postales se côtoyaient. Carvalo s’arrêtait régulièrement à la recherche d’ouvrage en espagnol ou en allemand – denrée plutôt rare voire suspecte en ces temps de conflits. Il avait récemment pu mettre la main sur un ouvrage de physique en français et depuis passait ses moments libres à remplir des feuilles de chiffres et de signes incompréhensibles. Pendant ce temps-là, ses deux amis regardaient les passants, ou plutôt les passantes. Les chapeaux clairs des femmes tranchaient sur les couleurs sombres des couvre-chefs masculins. De loin en loin, des képis blancs apportaient une note immaculée.
L’arrivée au croisement de l’avenue Landais donna lieu à un échange aussi agité qu’important entre les trois Espagnols. Vers quel bar se dirigeraient leurs pas : le Café de l’Atlas ou la Brasserie des Négociants ? Les deux établissements possédaient une terrasse d’où ils pouvaient admirer les audacieuses qui portaient les premières robes légères de la saison. Finalement, ils restèrent du même côté de l’avenue et s’installèrent aux Négociants.
Les relations des Espagnols avec les civils locaux – avec les colons du moins – étaient ambiguës. Ceux-ci étaient majoritairement hostiles aux “Rouges”, mais devaient reconnaître que ces “partageux” se battaient pour la France. Si seulement ils pouvaient rentrer chez eux après la victoire ! Le pays n’aurait nul besoin que des électeurs de fraîche date apportent leurs suffrages à un futur Front Populaire. Déjà que l’actuel gouvernement d’Union Nationale, que d’aucuns considéraient comme un faux nez des Socialistes, avait accordé la citoyenneté française à tous les Indigènes musulmans de la voisine Algérie qui s’engageaient dans l’Armée, ainsi qu’à leurs pères et à leurs fils ! Ce pauvre Reynaud ne voyait-il pas qu’ils en profiteraient un jour ou l’autre pour réclamer l’indépendance ! Et que ferait le Maroc, alors ? Dans le fond, on avait accordé la même chose à ces Espagnols – la nationalité française et le droit de mourir pour le drapeau tricolore. Du coup, une méfiance teintée de curiosité s’était installée dans les rapports entre les colons et les légionnaires de la Brunete, ce qui ne facilitait pas les contacts avec la gent féminine de Marrakech !
Si l’anisette coupée d’eau avait au début surpris les deux Catalans, ils s’y étaient à présent habitués. Carvalo quant à lui ne comprenait pas tout simplement pas ce goût pour l’anis, les olives ou bien les câpres des Méditerranéens ou plutôt, comme il disait, des « Levantins ». Et le son des gaïtas, les cornemuses galiciennes, lui manquait. Comme boisson, il préférait le cidre et l’eau-de-vie. Ici, une bière fraîche faisait l’affaire. Ils buvaient en silence, regardant les femmes qui passaient. Certaines leur adressaient des sourires fugaces ou des regards plus appuyés, la plupart passaient leur chemin. Quelques-unes, hautaines, passaient en les ignorant ostensiblement, marquant ainsi une évidente différence de classe. Parfois, très rarement, les yeux d’une gracieuse et svelte silhouette illuminaient l’instant. Mystérieux et cruels, ils laissaient un cœur saignant mais également un profond désir de vivre. Peut-être pourrais-je la revoir, peut-être m’attend-elle ? Les seules femmes qui éveillaient systématiquement leur intérêt étaient les musulmanes. Leurs yeux sombres souvent rehaussés de khôl étaient une invitation à la découverte. Qu’y avait-il sous le voile ?
Lors de leur arrivée, ils avaient été surpris par la géographie humaine de la ville, ce découpage net entre la Médina indigène et le Guéliz européen. Ils s’étaient rapidement lancés à la découverte du vieux Marrakech, où l’exotisme le disputait au mystère. Toutefois, ils devaient faire l’effort de considérer que les musulmans qu’ils croisaient n’étaient pas ceux contre lesquels ils s’étaient battus en Espagne. Le souvenir des horreurs que les troupes maures avaient commis sur les populations civiles et les prisonniers républicains avait creusé un fossé qu’il serait difficile de combler.
Seules les femmes, qui arpentaient la ville comme des fantômes blancs, trouvaient grâce à leurs yeux. Quand parfois, un groupe féminin croisait l’un d’eux en riant, ils regrettaient de ne pouvoir se mêler à l’échange, surtout quand elles échangeaient en pouffant des propos qu’ils ne pouvaient comprendre. Tout cela les fascinait. Cette lointaine proximité était troublante. Une partie de l’aura disparut quand des légionnaires du 4e REI leur apprirent qu’il leur serait difficile de concrétiser leurs espoirs, les relations personnelles entre les deux communautés étaient mal vues. Face à leur insistance, ils finirent par leur avouer que les seules espérances qu’ils pouvaient formuler seraient tarifées et limitées dans le temps.
Cela ne les empêchait pas, en ce samedi après-midi de regarder les femmes voilées qui se mêlaient aux autres promeneurs de l’avenue Mangin.
Montalban, bavard comme de coutume, finit par relancer la conversation : « Et Gustavo, que fait-il ce soir ? » Entre eux, le commandant Duran devenait Gustavo.
Ce fut Muntaner qui répondit, bien sûr : « Il avait des obligations sociales. » Il sourit devant le sourcil levé du sergent : « Il était invité. Tu sais qu’il est devenu la coqueluche de la bonne société de Marrakech voire de tout le Maroc français ! Que veux-tu : colonel en Espagne à 30 ans, excellent pianiste, polyglotte, ami du Tout-Paris littéraire, bel homme et, de plus, célibataire. Tous ces braves gens doivent se demander comment quelqu’un comme lui a pu combattre pour la République ! Ils n’osent pas le demander mais cela se voit. Lui, si distingué, au milieu de ces pouilleux, de ces miliciens dépenaillés. Vraiment quelle horreur ! S’ils savaient, les malheureux, que Gustavo a longtemps été proche des communistes et qu’à la demande des Soviétiques, il a brièvement commandé le renseignement militaire de Madrid. Certaines de ces dames tomberaient en pamoison en apprenant de telles horreurs. Rendez-vous compte chère amie, un communiste, un agent de Staline, quel dommage, un si bel homme ! »
Il leva son verre en un toast silencieux à l’attention de son ami.
– L’histoire du livre doit être pour beaucoup dans l’intérêt qu’on lui porte ! ajouta Carvalo.
Quelques mois plus tôt, le général Faure avait convoqué Duran afin de lui remettre en main propre un colis aussi mystérieux qu’officiel. Expédié d’Alger par le ministère des Affaires étrangères, il émanait des services culturels de l’ambassade de France aux États-Unis. Visiblement intrigué, le général attendait que son subordonné ouvrît le paquet – ce n’était pas tous les jours qu’un légionnaire, même commandant, recevait un courrier de la sorte. Gustavo prit plaisir à faire durer l’affaire, affectant la nonchalance et parlant de la situation militaire, jusqu’à ce que son supérieur lui demande : « Vous ne l’ouvrez pas ? »
A l’intérieur, un livre, un simple roman écrit en anglais. For Whom the Bell Tolls, d’Ernest Hemingway. Hemingway ! les deux hommes s’étaient côtoyés à Madrid en 1936-1937. Duran appréciait le côté excessif et plein de vie de l’Américain. Un soir, l’écrivain, totalement saoul, avait défié un officier soviétique aussi ivre que lui, tous deux, face à face, se menaçaient d’une arme jusqu’à ce qu’ils éclatent de rire et remplacent les automatiques par une bouteille et des verres. De toute façon, à cette époque, tout était excessif ! Avec le livre, une enveloppe ne contenant que quelques lignes : « Gustavo, mon vieil ami, il m’a été difficile de vous retrouver. Je vous conseille de sauter les 29 premiers chapitres du livre et d’aller directement au suivant. Vous y retrouverez, j’espère avec plaisir, un personnage qui non seulement vous ressemble mais de plus porte votre nom. Soyez prudent. A bientôt à Paris, je vous attendrai au bar du Ritz. Salud. Ernest Hemingway »
La nouvelle avait fait le tour du mess, du camp puis des autorités civiles et militaires du Maroc. Tout le monde voulait connaître cet officier qui apparaissait dans le livre de cet Américain. Quand quelqu’un plus lettré que les autres relia Duran et le personnage du roman de Malraux, Manuel Garcia, ce fut la cohue. Il fallait absolument inviter ce commandant de la Légion, Gustavo était devenu incontournable. Bien sûr il ne pouvait être que légionnaire, un personnage forcement mystérieux et romantique, comme dans la chanson. Aucun de ses hôtes ne fut déçu et tous tombèrent sous le charme. Il devint rapidement évident que certaines bonnes familles considéraient le commandant Duran comme un parti intéressant pour leurs filles. Mais sans doute, homme plein de tact, ne souhaitait-il pas s’engager auprès d’une jeune femme alors qu’il allait bientôt risquer (à nouveau) sa vie.
Muntaner reprit la parole : « Gustavo m’a dit un jour que lorsqu’il avait appris l’exécution de Garcia Lorca, il avait pleuré la journée entière, comme jamais il n’avait pleuré. J’ai toujours pensé qu’il y avait plus que de l’amitié ou de l’estime entre eux et qu’ils avaient… été amants. »
Après un court silence, Montalban ne put s’empêcher de commenter : « Ça fait quand même bizarre que Gustavo aime les hommes, non ? C’est un soldat courageux et pourtant c’est un… un… »
– Un quoi Manuel ? Tu deviens moralisateur avec l’âge ? Bigot ?
– Non bien sûr, mais quand même c’est surprenant.
– Pour commencer, sache que j’ai une antipathie innée pour les censeurs. Maintenant écoute, tous les trois ici, nous avons lutté pour la liberté, pour pouvoir faire, dire et penser ce que nous voulions. Tu te rends compte que tu es en train de contredire ce pourquoi tu t’es battu ? Tu ne vas pas devenir comme ces camarades qui voulaient interdire la prostitution, le cinéma voire le sport, car pour eux seule la lutte sociale était importante. De vrais frères prêcheurs, des Savonarole laïques !
– Des quoi ?

Ce fut Carvalo qui répondit : « Un prêtre florentin qui dirigea la ville au XVe siècle. Il interdit le jeu et la prostitution et ferma les tavernes. L’homosexualité était passible de la peine de mort. Régulièrement, on brûlait sur ce qu’on appelait le bûcher des vanités tous les objets considérés comme corrompus. Jusqu'à des tableaux de Botticelli, Botticelli vous vous rendez compte ! »
– Et comment cela s’est-il terminé ?
– Pour lui ? Plutôt mal. Il fut pendu et son corps brûlé. Tu vois ce qui t’attends !

Montalban était un homme simple et bon tant qu’on ne parlait ni de gastronomie ni de guerre – il pouvait alors devenir d’une férocité frisant la cruauté. Il éclata de rire : « Vous avez raison, je ne peux vraiment pas être d’accord avec quelqu’un qui ferme les restaurants ! Parlons d’autre chose. »
Comme souvent quand il s’agissait de nourriture, Muntaner dut faire front à l’assaut conjugué de ses deux compagnons unis par la gourmandise. Bien que l’heure ne soit pas très avancée, ils voulaient se rendre pour dîner au voisin et bien nommé restaurant La Terrasse. Le lieutenant capitula. Après avoir réglé leurs consommations, ils se dirigèrent vers l’établissement où ils purent obtenir une bonne table. Une fois installés devant une bouteille de vin, la conversation reprit.
– As-tu des nouvelles de ton frère ?
– Oui, sa dernière lettre est datée du mois de mars. Il venait d’arriver en Grèce.
– Tu crois qu’il était dans cette ville dont la radio n’arrête pas de parler ?
– Kumanovo ? C’est probable. Il y a une unité de Légion engagée et comme je crois que la Ebro est la seule présente là-bas, il doit y être.
– J’espère qu’il va bien.
– Moi aussi.
– Et moi !

Ils levèrent leurs verres : « ¡ Por Marcel y por la victoria ! »
Le toast fit tourner la tête et froncer les sourcils de quelques civils installés aux tables voisines. Le serveur s’approcha afin de vérifier que tout allait bien, avec ces militaires on ne savait jamais ! « Nous buvions à la santé du frère du lieutenant, qui se couvre de gloire à Kumanovo », expliqua Carvalo, que son éducation mettait à l’aise dans le monde. L’employé salua et s’éloigna, pour revenir quelques instants plus tard avec un individu en costume d’un certain âge.
– Bonsoir Messieurs, je suis le directeur de cet établissement. Je viens d’apprendre que votre frère, mon lieutenant, se battait à Kumanovo, sous Dentz.
Muntaner acquiesça d’un léger mouvement de tête, curieux de savoir ou cela allait les mener.
– Durant l’Autre guerre, j’étais dans l’Armée d’Orient, sous Guillaumat et Franchet d’Esperey. J’étais maréchal des logis au 1er Régiment de spahis, sous le commandement du général Jouinot-Gambetta. En 1918, je me suis battu dans cette région et nous avons pris la ville de Skopje. Ce fut une grande victoire. Ce soir Messieurs, vous êtes mes invités et j’aimerais porter un toast avec vous.
Un serveur venait d’apparaître, le col d’une bouteille de champagne dépassait d’un seau, quatre verres furent posés sur la table, le directeur servit lui-même. Il leva la flûte et annonça d’une voix forte : « A la France et à la victoire ! » Cette fois, personne n’afficha une mine courroucée, au contraire, quelques civils et tous les militaires présents se levèrent et se joignirent au toast.
– Bonne soirée, Messieurs, et merci de m’avoir rajeuni de plus de vingt ans.
Les trois Espagnols se retrouvèrent seuls, un peu confus de ce qui venait de se passer et avait fait d’eux le centre d’attention de tout le restaurant.
– C’est la première fois que je bois du champagne ! annonça Montalban.
– Moi aussi, mais cela ressemble beaucoup à notre cava. Je ne vois pas pourquoi l’on en parle autant, répondit Muntaner. Vous croyez que son général Gambetta, c’est celui des rues ? Si c’est le cas c’est quelqu’un de très célèbre parce ce que des cours, des avenues et des squares à son nom, il y en a dans toutes les villes françaises !
Le repas fut de qualité, le moment agréable. Ils laissèrent un appréciable pourboire et saluèrent à nouveau le directeur qui, ému, leur souhaita bonne chance.
Une fois dehors, les avis divergèrent de nouveau, le lieutenant voulait rentrer alors que les deux autres considéraient que la nuit était jeune. Ils se souhaitèrent bonne nuit. Carvalo et Montalban se dirigèrent vers un bar américain où, pour une extraordinaire et incompréhensible raison, une somptueuse serveuse s’était éprise du jovial cavalier. Fille d’Espagnols qui, trouvant sans doute la France par trop laïque, l’avaient prénommée Rosario (Rosaire), elle s’était fait rapidement appeler Charo. Elle gardait toutefois de son éducation catholique quelques idées fixes, dont l’une mettait le sergent au supplice : « pas avant le mariage ». Elle le couvrait néanmoins de baisers avant de le laisser au bord de l’apoplexie.
Muntaner, lui, avait quelque temps auparavant entamé une relation enflammée avec l’épouse d’un contrôleur civil que son activité obligeait à de fréquents déplacements en dehors de la ville. Quand la place était libre, l’amante accrochait une lampe à la porte-fenêtre de sa chambre. Muntaner savait qu’à ce moment-là, il lui suffisait de traverser le jardin de la villa pour retrouver sa maîtresse. Ce qu’il ne savait pas – et que personne n’avait osé lui dire, c’était que la dame, mal mariée, s’était transformée en une sorte de rite initiatique pour jeune lieutenant. Elle choisissait les hommes sur pied comme le bétail à la foire et les consommait durant un laps de temps variable. Mais Muntaner, tout à son ivresse érotique, l’ignorait. Un soir, au mess des officiers, il entendit un lieutenant de tirailleurs se vanter de sa bonne fortune passée avec la dame. Trouvant que ce jeune homme manquait par trop d’éducation, le Catalan lui proposa de sortir du bâtiment et l’étendit pour le compte d’un magnifique uppercut, héritage de quelques années de boxe dans une salle du Parallelo de Barcelone. Mais à partir de ce moment, mêmes les plus discrets se firent bavards et il comprit ce que tout le monde savait. Il lui en coûta sa solde du mois en tournées pour que l’affaire ne s’ébruitât pas. Homme pratique, il continua cependant à répondre aux invites de la lampe jusqu’à ce qu’un lieutenant de spahis prît sa place. Au fond, c’était peut-être là une forme de patriotisme de la part de cette femme qui donnait du plaisir à ceux qui risquaient de mourir bientôt.
Le lieutenant se dirigea par l’avenue Mangin vers le camp militaire du même nom. Installé au pied de la colline du Ghéliz, c’était une ville dans la ville. S’y côtoyaient trois unités au complet : spahis, tirailleurs et légionnaires, ainsi que des artilleurs et des unités de soutien (train, service de santé, service vétérinaire, parc automobile).
Il passa devant le café du Sultan, encore ouvert. Ses compagnons avaient raison, il était encore tôt. Il dégusta une fine à l’eau seul en terrasse.
Il se souvenait des premiers temps, en 1940. Un seul mot pouvait résumer la situation telle qu’il l’avait vécue à l’époque : le chaos. Des milliers d’hommes qu’il fallait loger et nourrir, puis équiper et organiser. Au moins, ses camarades et lui n’eurent pas comme d’autres à dormir sous la tente : le camp Mangin avait été transformé quelques années plus tôt et de nouveaux casernements en dur construits. La question des équipements fut beaucoup plus critique. Les uniformes furent longtemps folkloriques, les hommes privilégiant le confort au règlement. Mais si avoir des vêtements dépareillés pouvait être divertissant, ne pas avoir de matériel l’était beaucoup moins. Tout manquait, les cadres, les instructeurs et surtout les chars. Quand arrivèrent les premiers FT-17 destinés à l’entraînement, il resta bouche bée. Même en Espagne, ces engins étaient obsolètes et avaient rapidement disparus des zones de combat. C’était donc ça l’armée française ? il en aurait pleuré. Que faisait-il ici ? Les premiers échanges avec les cadres furent tout aussi déprimants. Une conception dépassée de l’usage des chars prévalait parmi eux. Ils n’avaient visiblement pas compris ce qu’était une division panzer !
Fort heureusement, la situation s’améliora peu à peu. Le matériel américain, d’abord réservé à la destruction de l’Afrique du Nord Italienne, finit par arriver à Marrakech, et sa qualité technique réjouit le cœur de professionnel de la mécanique du jeune lieutenant. Un officier supérieur bien inspiré nomma instructeurs ceux qui avaient combattu dans les blindés en Espagne. Ce fut le cas de Muntaner, qui forma 120 tankistes avant que l’unité parte enfin au combat. En 1943, la 6º BMLE Brunete, bien que sans expérience de la bataille en tant qu’unité, montrait un véritable savoir-faire opérationnel que les Allemands allaient apprendre à connaître.
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Auguste



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MessagePosté le: Mer Juin 12, 2019 15:19    Sujet du message: L'Espagne Répondre en citant

Ce matin, après m'être levé, je suis allé admirer le paysage du bas des soi disant Hauts de France (ce bas fait d'ailleurs partie du haut des prétendus hauts puisque c'est à 205 mètres d'altitude alors que la majorité des Hauts est à moins de 50 mètres): à huit mètres, j'ai vu un chat noir qui me regardait assis sur son derrière (ce n'est pas une blague, c'est l'ennemi intime de ma chienne...), alors, je ne sais ce qui m'a pris, je me suis mis à miauler, ce que je fais assez bien (de toute façon je parle surtout aux animaux), le chat noir s'est alors mis à balancer sa queue comme les chats savent si bien le faire, ça a duré cinq bonnes secondes puis ma chienne vint interrompre ce tête à tête amical, furieuse après le matou, sans ciseaux celui là, tout au moins à ce qu'il m'a semblé; puis elle me regarda droit dans les yeux et m'emmena près de sa boîte de croquettes.
Quant au chat noir, il s'est évaporé, mais je sais que ce soir il viendra narguer ma chienne comme il le fait chaque jour depuis huit ans.
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Mer Juin 12, 2019 15:21    Sujet du message: Répondre en citant

@ Loïc = je sais, c'est hors sujet.

@ Auguste = mais avec une histoire de (vrai) chat, tu as touché un point vulnérable Wink
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demolitiondan



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MessagePosté le: Mer Juin 12, 2019 15:28    Sujet du message: Répondre en citant

Savonarole !!!
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C’est en trichant pour le beau que l’on est artiste
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requesens



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MessagePosté le: Mer Juin 12, 2019 15:30    Sujet du message: Répondre en citant

Pendjari a écrit:
Chouette...

Personnellement, j'ai retrouvé quelques références à un film de Loach "Land & Freedom" dans le passage sur la collectivisation des terres. Enfin, ça m'a fait penser à ce film mais peut-être que l'Estimado Señor Requesens ne l'a pas fait exprès... ou peut^-être que si, allez savoir avec un tel coquin Smile


J'ai vu le film mais j'avoue ne pas y avoir pensé lors de la rédaction. Il me semble qu'Orwell dans "Hommage à la Catalogne"évoque ce moment également. En fait c'est un passage assez connu de la guerre civile car ce que fut le seul moment ou les anarchistes imposèrent leurs idées contre les autres forces de la République. Cela dura jusqu'a ce que des unités sous commandement communiste rétablirent la propriété privée. Il est difficile de se faire un avis honnête sur ce que furent les collectivités aragonnaises. elles durèrent peu ( un an ) et donnèrent lieu à des avis trés tranchés et opposés.
Les chocs entre paysans et anarchistes furent assez frequents. Près de Barcelone, une tentative de collectivisation des terres opposa des paysans soutenus par le PC à la CNT-FAI. Il y eu une vingtaine de morts !.
Autant que les troupes nationalistes la Republique disparut à cause de ses divisions.
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Pendjari



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MessagePosté le: Mer Juin 12, 2019 15:32    Sujet du message: Répondre en citant

Orwell, en effet... bien vu l'artiste. Le film de Loach montre bien les divisions, et le mot est faible, entre CNT, POUM, Communistes et j'en passe, pas franchement des meilleurs.

Un sacré pataquès cette guerre civile Espagnole, comme beaucoup de guerres civiles vous me direz mais celle-là était particulièrement gratinée.
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requesens



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MessagePosté le: Mer Juin 12, 2019 15:38    Sujet du message: Répondre en citant

Pendjari a écrit:


Un sacré pataquès cette guerre civile Espagnole, comme beaucoup de guerres civiles vous me direz mais celle-là était particulièrement gratinée.


C'est le problème des régimes démocratiques vs les regimes autoritaires ou dictatoriaux. La Republique connu 3 presidents du conseil, des changements de ministres et de portefeuilles. Au sein de la Generalité de Catalogne il y avait une opposition de droite, catalaniste mais de droite.
En face, c'etait plus simple!.
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Pendjari



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MessagePosté le: Mer Juin 12, 2019 15:49    Sujet du message: Répondre en citant

Indeed mais on aurait, tout de même, pu espérer que l'ensemble des forces "démocratiques" (j'ai du mal à ranger les communistes sous cette appellation) du pays se seraient entendues pour barrer la route à Franco, Mola, Yagüe et consorts...

Mais non, ils se sont perdus en vaines tentatives d'avoir le pouvoir pour eux seuls voire en de stériles discussions doctrinaires. L'exemple frappant et la guerre civile dans la guerre civile qui a eu lieu à Barcelone.
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requesens



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MessagePosté le: Mer Juin 12, 2019 16:27    Sujet du message: Répondre en citant

Pendjari a écrit:
Indeed mais on aurait, tout de même, pu espérer que l'ensemble des forces "démocratiques" (j'ai du mal à ranger les communistes sous cette appellation) du pays se seraient entendues pour barrer la route à Franco, Mola, Yagüe et consorts...

Mais non, ils se sont perdus en vaines tentatives d'avoir le pouvoir pour eux seuls voire en de stériles discussions doctrinaires. L'exemple frappant et la guerre civile dans la guerre civile qui a eu lieu à Barcelone.


Tu oublies les querelles de personnes: Largo Caballero et Prieto se détestent et les problèmes centre/péripherie. Les gouvernements basque et catalán sont jaloux de leur independance et cela à pu nuire aux operations militaires.
En résumé un vrai b.....l.
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Anaxagore



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MessagePosté le: Mer Juin 12, 2019 17:48    Sujet du message: Répondre en citant

requesens a écrit:
Pendjari a écrit:
Indeed mais on aurait, tout de même, pu espérer que l'ensemble des forces "démocratiques" (j'ai du mal à ranger les communistes sous cette appellation) du pays se seraient entendues pour barrer la route à Franco, Mola, Yagüe et consorts...

Mais non, ils se sont perdus en vaines tentatives d'avoir le pouvoir pour eux seuls voire en de stériles discussions doctrinaires. L'exemple frappant et la guerre civile dans la guerre civile qui a eu lieu à Barcelone.


Tu oublies les querelles de personnes: Largo Caballero et Prieto se détestent et les problèmes centre/péripherie. Les gouvernements basque et catalán sont jaloux de leur independance et cela à pu nuire aux operations militaires.
En résumé un vrai b.....l.


On a fait pire, en France on a réussit à déclencher une guerre civile pendant une invasion (ce qui était déjà fort) puis un des camps français a réussis à entrer dans sa propre petite guerre intestine, tandis que des armées de mercenaires complètement hors de contrôle ravageaient le pays pour leur propre bien sans se soucier du reste de la guerre....
Vous ne voyez pas de quoi je parle ? De la guerre de Cent Ans ! Spécifiquement le début du règne du dauphin Charles le "roi de Bourges".
_________________
Ecoutez mon conseil : mariez-vous.
Si vous épousez une femme belle et douce, vous serez heureux... sinon, vous deviendrez un excellent philosophe.
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