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Février 44 - Balkans et Hongrie
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Capu Rossu



Inscrit le: 22 Oct 2011
Messages: 2557
Localisation: Mittlemeerküstenfront

MessagePosté le: Sam Juin 01, 2019 22:25    Sujet du message: Répondre en citant

Bonsoir,

Loïc a écrit :

Citation:
OTL, avant l'entrée en guerre des USA, c'est le MoWT (ministère du transport de guerre) qui organise les convois avec toutes les ressources navales alliées (anglais et Commonwealth bien sûr, mais aussi belges, néerlandaises, navires français avant l'Armistice, puis navires FFL ou saisis, ...). Lorsque les USA entrent en guerre, grosso modo ils se raccrochent au système.
Donc, du point de vue US, avant décembre 1941, c'est en effet le prété (anglais) qui prend en charge la livraison. Après, ça se complique.


Pendant les premières années de la guerre durant les quelles ils sont neutres, les USA ont, hypocritement, autorisé les différents belligérants à acheter du matériel en Amérique suivant le principe du "Cash and Carry", c'est à dire vous payez et vous vous chargez de transporter les marchandises que vous venez d'acquérir. Je dis "hypocritement" car ils savaient bien que par les positions géographiques des divers belligérants et la maîtrise des mers des Alliés, seuls ces derniers pouvaient pratiquer ce Cash and Carry.
Ce n'est qu'après l'entée e guerre des USA que le système devient le Lend - lease.

@+
Alain
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Casus Frankie
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Inscrit le: 16 Oct 2006
Messages: 13822
Localisation: Paris

MessagePosté le: Dim Juin 02, 2019 09:58    Sujet du message: Répondre en citant

15 février
La campagne des Balkans
Des Ecossais rebelles
Sindos (région de Salonique)
– La neige qui est tombée durant la nuit n’a pas découragé les mutins écossais, qui refusent encore obstinément de quitter les lieux – au grand désespoir de la hiérarchie alliée. Aussi, ce matin, c’est le lieutenant-général Richard McCreery, du Xth Corps, arrivé en urgence, qui se présente à eux pour tenter de désamorcer la crise.
McCreery se veut conciliant : une erreur regrettable a été commise dans la transmission de leurs ordres, et il n’est absolument pas question de muter définitivement les valeureux vétérans. Si ces derniers doivent être déployés en Italie, c’est avant tout à des fins de formation des nouvelles recrues, en prévision de la future offensive programmée au printemps prochain. Les soldats de Sa Majesté ne sont donc absolument pas traités comme du bétail – au contraire, comme preuve du respect qu’on leur porte, il leur promet formellement qu’ils retourneront vers la 51th Highlands sitôt les bleus de la 46th Infantry Division au point.
Et le général conclut : « Gentlemen, je crois que la réalité de la situation est désormais rétablie. Je vous présente les excuses du haut commandement pour la façon dont on vous a traités – des camions viendront vous chercher demain à 6h00 pile pour vous ramener au port de Salonique. Je compte sur vous tous pour avoir fait vos paquetages, dans le calme et la discipline. Je me dois toutefois de vous prévenir que ceux qui ne souhaiteraient pas jouer le jeu s’exposent désormais à des conséquences fâcheuses – la mutinerie est une chose sérieuse, surtout en temps de guerre. »
Le lieutenant-général reçoit un silence froid pour toute réponse : est-ce de la détermination ? Ou bien un simple reste de mauvaise humeur susceptible de s’estomper dans la nuit ? Impossible à dire – mais en remontant dans sa Jeep qui l’attendait non loin des MP, McCreery ne peut s’empêcher de grimacer : « J’ai fait de mon mieux – maintenant on verra bien ! »

Noirs soldats, noirs projets
Ljubljana
– La Domobranci envoyée par Le SS-Obergruppenführer Erwin Rösener arrive à la frontière du NDH et entre en contact avec son homologue, la Garde nationale croate ou Hrvatsko domobranstvo, passée récemment sous le commandement du Krilnik Ante Vokić. En coordination avec cette dernière, les Slovènes vont se positionner, les jours qui viennent, dans une large région comprise entre Otočac et Karlovac – soit une bande de tout de même presque 80 kilomètres en territoire croate, même si elle n’inclut évidemment pas la région de Zagreb.
Les relations entre les deux Gardes sont… distantes – le Krilnik ne semble pas particulièrement heureux de voir arriver des Slovènes dans son secteur ! Hier encore, Vokić tonnait : il ne croit pas en la fidélité de ces miliciens, pour la plupart vétérans de la Légion de la Mort, qui se sont déjà opposé (mollement…) au Reich durant les derniers jours de 1942 ! Leur ancien chef, Karl Novak, est en exil à Rome et n’a désormais plus aucune autorité sur ses hommes ? La belle affaire ! Les Slovènes ont déjà trahi l’Axe une fois, ils ne sont donc pas plus dignes de confiance que les Tchetniks. Et ils doivent repartir d’où ils viennent au plus vite. Le chef oustachi s’ouvrira longuement de tout ceci auprès de nombreux responsables de la Heer ou de la SS, dont le général Glaise-Horstenau – mais sans obtenir gain de cause.
En effet, du strict point de vue du Reich, Ante Vokić a bien tort de mettre en doute la loyauté de la nouvelle Domobranci. Depuis 1942, cette formation a beaucoup changé ! Et le 30 janvier dernier (l’anniversaire de l’arrivée au pouvoir des Nazis en Allemagne), les miliciens ont même participé à une grande cérémonie au stade Bežigrad, en présence du SS-Obergruppenführer Rösener et de l’inspecteur en chef Léon Rupnik – lequel est aussi le gouverneur provincial pour le compte du Reich (1). Une belle cérémonie, avec deux beaux discours. Les Slovènes, émus, ont vu pour la première fois depuis longtemps le drapeau aux armes de Carniole (2) flotter au vent à côté de la croix gammée. Puis, alors qu’on jouait le Horst Wessel Lied puis le Naprej zastava slave (l’hymne slovène), les gardes nationaux ont levé le bras droit et prêté serment d’allégeance à la nation slovène… mais pas uniquement : « Je jure par Dieu tout puissant que je serai loyal, courageux et obéissant envers mes supérieurs, que je lutterai de concert avec les forces armées allemandes qui se tiennent sous le commandement du chef de la Grande-Allemagne, des troupes SS et de la police contre les bandits, le communisme et leurs alliés. Je m’acquitterai consciencieusement de ce devoir pour ma patrie slovène dans le cadre d’une Europe libre. Pour cette lutte, je suis également prêt à sacrifier ma vie. Aide-moi donc, Dieu ! »
Certaines mauvaises langues pourraient sans doute faire remarquer qu’il s’agit, pour une bonne partie de ces hommes, de leur deuxième serment de fidélité en trois ans – le premier étant évidemment adressé à Pierre II… Mais peu importe : alors que Rösener passait dans les rangs pour distribuer des médailles à de glorieux vétérans, on a présenté une déclaration rédigée en slovène et en allemand qui a ensuite été signée par chacun des nouveaux soldats du Reich : « Je suis entré volontairement au sein de la Slovensko Domobranstvo dans la bataille pour la destruction du communisme qui a déjà provoqué la tristesse dans mon pays et mis en danger toute l’Europe. Ma ferme résolution est de combattre de toute ma force sous la direction de l'Allemagne pour la satisfaction de mon pays et de l’Europe et à cela, je consacre ma vie. J’ai confirmé cet engagement par un serment sacré aujourd’hui. J'ai été informé de mes devoirs et de mes droits en matière de service, de discipline et de paiement. »
Les miliciens sont donc désormais des troupes loyales, disciplinées, et surtout régulièrement engagées pour le compte du Reich – hormis toutefois certaines unités du littoral ou de la Haute-Carniole qui semblent traîner un peu les pieds. Mais peu importe ! Car, sous les yeux de la Propagandastaffel, ce sont désormais 18 000 hommes armés et motivés qui viennent renforcer la Heer, la SS et les forces du NDH. Et ce n’est qu’un début – on prévoit d’ores et déjà une cérémonie analogue le 20 avril 1944, pour l’anniversaire du Führer. Les Slovènes semblent très motivés pour la Cause de l’Axe, autant que les Croates et peut-être même plus. Rien d’étonnant en vérité pour des quasi-aryens ! L’aumônier Zorman de la Domobranci ne s’exclamait-il pas encore récemment : « Il vaut mieux que le peuple slovène meure tout entier en héros plutôt qu’il vive dans la vilenie communiste ! »
Avec un peu de chances, cela ne sera pas nécessaire – la garde dispose désormais de chefs capables, comme Franc Kenner, un ancien lieutenant-colonel d’artillerie yougoslave, formé à la faculté technique de Prague, ou Ernest Peterlin, autrefois chef d’état-major de la 15e DI royale Zetska. L’avenir de la Garde nationale slovène, bras armé du “Pacte slovène”, s’annonce radieux, alors qu’elle vole au secours des camarades croates.
Tout cela, Vokić devrait le savoir. Le consul honoraire croate en Slovénie était présent, envoyé par Ante Pavelic lui-même. Et il le sait vraisemblablement – c’est d’ailleurs peut-être ce qui l’inquiète un peu, en réalité.

Les Balkans compliqués
Mouvements d’humeur yougoslaves
Palais Blanc (Belgrade)
– Aujourd’hui, c’est une Belgrade blanche de deuil qui commémore la première révolte serbe contre les Turcs. C’est le jour choisi par Pierre II Karađorđević pour annoncer son nouveau gouvernement. Sans surprise, ce dernier fait la part belle aux éléments serbes les plus nationalistes.
- Premier ministre : Božidar Purić (Serbe, diplomate),
- Vice-premier ministre : Miloš Trifunović (Serbe, philosophe et homme politique),
- Premier ministre adjoint : Momčilo Ninčić (Serbe, diplomate),
- Ministre de l’Intérieur : Vladeta Milicevic (Serbe, ancien diplomate auprès de l’Italie fasciste),
- Ministre des PTT : Jovan Banjanin (Croate, homme politique),
- Ministre de la Construction : Milan Martinovic (Serbe, homme politique),
- Ministre des Affaires étrangères : Milan Grol (Serbe, homme politique),
- Ministre de l’Education : Miha Krek (Slovène, avocat),
- Ministre de l’Armée, de la Marine et de l’Aviation : général Petar Živković (Serbe),
- Ministre des Transports : capitaine de vaisseau Ivan Kern (Slovène, ingénieur et officier de marine),
- Ministre de la Justice : Nenad Grisogono (Serbe, avocat),
- Ministre des Finances, du Commerce et de l’Industrie : Boris Furlan (Slovène, avocat et philosophe),
- Ministre de l’Agriculture, de l’Alimentation et de la Nutrition : Branko Čubrilović (Bosniaque, homme politique),
- Ministre des Forêts et des Mines : Bogoljub Jevtić (Serbe, diplomate),
- Ministre de la Politique sociale et de la Santé publique : Nikola Niko Mirosevic-Sorgo (Serbe né en Croatie, diplomate et homme politique).

………
Chacun notera au premier coup d’œil l’absence de représentant du Monténégro et de la Macédoine – les revendications de l’ASNOM (que Pierre refuse toujours obstinément de recevoir en personne !) ont laissé des traces… Au surplus, pour le gouvernement royal, les Macédoniens restent bel et bien suspects in solidum de sympathie pro-bulgare (ce qui est avéré) et communiste (ce qui n’est pas forcément le cas). Il n’est donc pas question d’offrir une tribune à ces dissidents pour qu’ils puissent y exprimer leurs opinions déviantes, a fortiori avant que le Royaume se soit rétabli dans son Droit, et surtout dans sa Force. Quant aux Monténégrins, il ne s’est apparemment trouvé aucune personnalité disponible qui mérite un ministère – un détail pour cette région liée à la Serbie depuis Stefan Uroš II Milutin et dont l’histoire se confond donc avec celle du Royaume depuis le XIIIe siècle.
Toutefois, le changement le plus significatif est évidemment celui du Premier ministre. Initialement, le nom de Miloš Trifunović, philosophe serbe et homme politique expérimenté, semble avoir été suggéré par Slobodan Jovanović avant son éviction – en vain. En réalité, Purić prêtait serment dans le bureau du Roi avant même que son prédécesseur ait fermé ses cartons ! Trifunović se contentera d’un strapontin de vice-premier ministre, avec avis consultatif… Une tentative peu convaincante de voiler la vérité.
Bozidar Purić est tout sauf un inconnu, notamment pour les Français et les Américains : c’est l’ancien ambassadeur de Yougoslavie à Paris de 1935 à 1940, et à Washington durant les six années précédentes. Zélateur notoire de la Grande Serbie, proche du défunt général Mihailović, le choix de cet homme est plus qu’une décision : c’est un message envoyé aux capitales occidentales. Derrière cette quasi-provocation, on devine bien sûr l’ombre des chefs de la révolte de Belgrade, mais aussi du cabinet militaire du roi. Lequel est composé notamment du major Živan Knežević et de son frère Radoje Knezevic, deux autres anciens organisateurs du coup d’état de 1941, farouchement anti-communistes et pro-Tchetniks. Avec eux, Pierre II est hélas désormais complètement entouré par des éléments radicaux… et ambitieux – le général Petar Živković ignore qu’il a bien failli lui-même perdre sa place en faveur de Živan Knežević !
L’autre surprise de ce remaniement vient du remplacement de Momčilo Ninčić, considéré comme discrédité auprès des puissances alliées, par Milan Grol, apparemment bien plus présentable : dramaturge au Théâtre National, président du Parti démocrate et fédéraliste bien connu. Mais c’est aussi et surtout, lui aussi, un anti-communiste forcené ! Comme quoi, au-delà des apparences, il semble bien que Pierre II apprenne très vite. Cependant, le fidèle Ninčić n’est pas disgracié pour autant : il hérite d’un poste de premier ministre adjoint, qui fait certes double emploi avec celui de vice-premier ministre… mais qui lui permettra de surveiller de près Miloš Trifunović le modéré !
Par ailleurs, la nomination de Bogoljub Jevtić est plus importante que son poste modeste de ministre des Forêts et des Mines pourrait le faire croire. Cet homme politique d’expérience, qui a recueilli le dernier souffle d’Alexandre Ier, apparaît comme un gardien de l’unité du Royaume – mais évidemment sur la base du régime voulu par le défunt roi.
Pour finir, en poussant plus avant l’analyse, l’observateur attentif remarquera également, au-delà des facteurs ethniques, la présence à de nombreux portefeuilles d’individus plus respectés pour leur expertise technique que pour leur subtilité politique. On dirait presque un gouvernement de transition… mais en attendant quoi ? Nul ne le sait pour l’instant. Quant aux anciens ministres croates Juraj Krnjević et Juraj Sutej, ils semblent enfin définitivement sur la touche !
L’une des premières décisions du nouveau gouvernement est évidemment de donner son accord aux noces entre Pierre et Alexandra, noces dont la date sera annoncée officiellement ce soir, sitôt les derniers détails réglés avec Athènes. Cet heureux événement décidé, le cabinet se met à la tâche avec l’ardeur de ceux qui pensent sauver leur pays. Il est d’ores et déjà question d’une commission d’enquête destinée à déterminer l’origine de certaines fuites survenues ces derniers mois…
………
« Le remaniement du 15 février fut considéré, non pas comme un choc ou une révélation par les capitales occidentales – elles avaient depuis longtemps dépassé ce stade – mais bien comme une véritable profession de foi jetée à la face du monde. Le Royaume de Yougoslavie s’engageait définitivement dans une nouvelle politique axée avant tout sur ce qu’il estimait être la défense de ce qu’il considérait comme ses intérêts – lesquels passaient bien sûr avant ceux des Nations-Unies. Un choix unique dans ce conflit, qui ne ressemble à rien de ce qui fut décidé ailleurs dans le monde, hormis le cas très particulier de l’Argentine, laquelle allait faire à peu près de même quelques semaines plus tard – mais l’Argentine, elle, n’était pas en guerre depuis trois années. En fait, elle ne serait même en guerre que trois jours !
Quoi qu’il en fût, cette décision concluait la valse de la Saint-Sava – laquelle était fort heureusement restée secrète, pour le bien de tous ces protagonistes (les détails n’en seront d’ailleurs connus que cinquante ans après les faits et déchaineront la polémique !). On peut s’étonner, au vu de ses conséquences, qu’elle n’ait pas suscité davantage de réactions. Mais la raison de ce silence est simple : le remaniement, malgré ses innombrables défauts, arrangeait presque tout le monde ! Globalement, le gouvernement yougoslave, bien que d’une architecture déplaisante, paraissait enfin stable et surtout orienté vers la guerre. Il pouvait donc servir quelques mois – passé ce délai, il serait toujours temps de faire la leçon à Belgrade et de faire revenir Pierre II à de meilleurs sentiments. Pour l’instant, chacun se contenta donc de prendre note – même si la nouvelle fut bien entendu accueillie diversement par les grands Alliés.
Cette réorganisation arrangeait évidemment fort bien l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques – qui voyait là confirmation et justification de son soutien de plus en plus visible au NKOJ – mais aussi les Etats-Unis d’Amérique – pour qui un regain de tension entre Belgrade et les capitales européennes ne pouvait que servir ses projets. Londres, de son côté, choisit de traiter l’affaire par le mépris : Winston Churchill venait de s’expliquer avec Pierre II, tout avait été dit et le roi de Yougoslavie allait rentrer dans le rang, au moins pour ce qui concernait la guerre contre l’Allemagne. Ce qu’il faisait sur le plan intérieur ne pouvait avoir de conséquences sérieuses pour l’avenir, surtout durant une période que l’Angleterre imaginait volontiers brève – une sorte d’intermède préalable à la réconciliation nationale…
Restait donc la République Française, peinée de voir ses efforts si mal récompensés. Elle tira les conséquences de la duplicité de Momčilo Ninčić – lequel poussa le front jusqu’à évoquer « les conseils amicaux de Monsieur Blum, qui nous suggérait encore récemment de changer certains des ministres royaux. » Mais la France n’abandonnait pas la partie pour autant – et pour cause ! Les événements des derniers jours prenaient tout à coup un sens bien particulier. Et les tiraillements que chacun devinait de Marseille semblaient désormais bel et bien menacer de dégénérer en catastrophe si personne ne daignait intervenir. C’est dans ce sens, bien plus axé sur la confrontation, que le Quai de la Joliette et le 2e Bureau agiraient désormais – par souci humanitaire, mais aussi bien sûr pour sauvegarder les intérêts stratégiques hexagonaux dans la région.
Interrogé bien plus tard sur ces pénibles épisodes – qui concernaient tout à la fois de si loin et de si près l’avenir de la France – le général De Gaulle aura cette réponse sibylline : « La Yougoslavie devait survivre et a survécu car il existait des hommes valeureux qui en avaient compris l’idée et qui y croyaient. Il y en a eu chez nous, il y en a eu là-bas. Et il y en aura vraisemblablement d’autres demain. » En écoutant le Grand Charles, chacun pouvait comprendre qu’il ne pensait pas spécialement à Pierre II Karađorđević…
Un calme trompeur retomba donc pour quelque temps sur Belgrade : le calme de la colère qui gronde et des nuages qui s’amoncellent. »
(Yougoslavie, le pari impossible, par Robert Stan Pratsky – L’Harmattan, 1996)

Carnet blanc
Palais Blanc (Belgrade), 17h00
– La maison royale de Yougoslavie annonce ‘officiellement et avec joie que le mariage de Sa Majesté Pierre II de Yougoslavie et de la Princesse Alexandra de Grèce sera célébré le 20 mars en l’église Saint-Sava de Belgrade.’
Des invitations sont évidemment transmises immédiatement au Who’s who de la diplomatie et du gotha mondial. Recevant son télégramme, Léon Blum fait la moue. Son chef de cabinet risque : « C’est une bêtise certes, mais elle ne déstabilisera pas non plus le pays. »
Les yeux dans le vague, le ministre des Affaires étrangères soupire : « Je l’espère. Mais n’oubliez pas que Louis X, dit Le Hutin, c’est à dire le velléitaire, a abandonné la campagne de Flandres pour rejoindre Clémence de Hongrie… Mal lui en a pris ! Son règne fut celui d’un roi maudit. »

Churchill en mission
Destination secrète
Aéroport de Tatoi
– Après une escale de cinq jours sur les côtes de la mer Egée, l’Avro York Ascalon repart vers de nouveaux horizons, et dans une certaine précipitation. En effet, on annonce une nouvelle dépression porteuse d’averses de neige en provenance du nord – il importe donc pour William J. Vanderkloot Jr de décoller avant. Un risque calculé, comme il en prend souvent afin de satisfaire son exigeant patron.
Sir Winston, à peine rentré de Skyros, quitte avec une pointe de regret ce pays vers lequel il reviendrait volontiers plus tard, et surtout en été. Georges Papandréou a tenu à l’accompagner jusqu’au pied de l’appareil : après tout, cette visite diplomatique apparaît comme un beau succès pour le gouvernement royal. Les deux hommes échangent des civilités, regrettent l’absence du régent Paul (évidemment retenu par ses tâches gouvernementales), puis Britannique et Grec se serrent la main avant que Churchill disparaisse pour de bon dans l’avion dont les quatre moteurs tournent déjà.
Sitôt en l’air, Ascalon, escorté par huit Banshee du Sqn 6, oblique vers l’est, officiellement pour éviter le mauvais temps. Car, du fait de la santé chancelante (paraît-il) de son auguste passager, l’équipage a l’interdiction de monter au-dessus des 300 mètres/sol – une prescription médicale que l’intéressé affecte de mépriser mais que ses subordonnés, eux, sont bien contraints de suivre !
Les Grecs l’ignorent bien sûr, mais la destination du grand quadrimoteur n’est absolument pas Naples, mais Sébastopol. Les neuf appareils vont survoler incognito un petit morceau de Turquie puis un grand morceau de Mer Noire. Sitôt arrivés en territoire soviétique, un escadron de MiG 5 prendra le relais des chasseurs britanniques, qui iront se poser à Sébastopol pendant qu’Ascalon poursuivra sa route vers Moscou.

Tito a gagné ses galons
Ile de Skyros
– Pour Tito aussi, c’est l’heure du retour. Le récent maréchal a le sourire ! Car, au-delà des gains substantiels (mais à confirmer) obtenus pour le mouvement des Partisans, Josip Broz peut désormais se targuer d’avoir négocié d’égal à égal et en son nom propre avec Winston Churchill lui-même ! Comme le roi Pierre II, diront les esprits affutés – et le Croate est de ceux-là.
Il faut à présent cultiver ce succès. C’est pourquoi, avant de retourner dans ses montagnes, le président du Comité national de libération de la Yougoslavie donne sa première interview à un média occidental, en l’espèce l’Associated Press, représentée par son correspondant Joseph Morton. Pour Tito, il s’agit de damer le pion au gouvernement royal, alors que l’entretien posthume du général Mihailović semble avoir connu un fort écho outre-Atlantique. Face au journaliste, Tito retrouve toutefois sa langue de bois usuelle – il ira même jusqu’à affirmer, contre bien des évidences, que le mouvement des partisans est « dénué d’éléments prosoviétiques ».
La vraisemblance n’est pas son souci premier – l’important est bien que le NKOJ devienne crédible et acceptable pour le monde, et si possible davantage que le gouvernement royal. Ce qui paraît déjà être le cas dans l’esprit de son président ! En effet, sitôt de retour auprès de son état-major, le maréchal Tito passera de longs moments à décrire à sa cour, en détails et avec fierté, l’accueil chaleureux qui lui a été fait ainsi que le respect qu’il inspire désormais. Sans toutefois empêcher certains sceptiques de murmurer à voix basse que le capitaliste est un serpent qui séduit ses victimes pour mieux les étouffer ensuite…

L’orgueil d’un amiral
Bilans et perspectives
Palais Budavár (Budapest)
– Le palais du Régent est le cadre d’une nouvelle entrevue secrète entre l’amiral Horthy, le premier ministre Miklós Kállay, ainsi que les ministres Vilmos Nagy de Nagybaczon et Jenő Ghyczy de Ghicz. Ce dernier vient présenter le résumé des dernières discussions en cours – que ce soit à Berne, Ankara, Lisbonne ou Stockholm.
Ses conclusions sont franchement mauvaises : « Je crains, Messieurs, que nous n’ayons surestimé le crédit de sympathie dont bénéficie notre pays. Il va falloir nous plier aux conditions alliées, pour ne pas tomber sous le joug du Reich. »
Un mouvement d’approbation discret mais substantiel parcourt la table. Jusqu’à atteindre la place du régent Horthy, qui lance : « N’y a-t-il vraiment rien à faire pour obtenir au moins des intentions, sinon des garanties quant au futur de la Hongrie ? Je croyais notre diplomatie plus efficace que cela ! »
– Nous ne sommes pas résignés, Régent. Mais il est clair que le dialogue direct et exclusif que nous entretenons avec les Anglo-Saxons ne donnera rien d’autre avec les émissaires actuels. C’est pourquoi j’ai pris sur moi, avec l’accord des autorités concernées, d’envoyer à Londres Son Excellence András Frey, notre ancien ambassadeur en Turquie, afin de mobiliser nos soutiens français et polonais. Ils seront vraisemblablement plus influents sur place qu’au Portugal !

Le général Nagy de Nagybaczon approuve : « Frey est un bon choix – mais les Allemands aussi ont leurs agents à Ankara. Et nous savons qu’ils ont des soupçons, hélas ! » dit-il en se tournant vers l’amiral. « Comment allons-nous justifier son départ ? »
– Nous dirons tout simplement qu’il est rappelé pour consultation, suite aux… rumeurs auxquelles vous faites allusions. La suite des négociations à Ankara sera assurée par Antal Ullein-Revickzky, qui se trouve à Stockholm, et dont le voyage s’expliquera par des vacances. Après tout, son beau-père est l’ancien consul britannique en Turquie et réside toujours à Istanbul. Personne n’ira lui reprocher de rendre visite à de la famille.
– Tout cela est bel et bon. Mais l’étau allemand se resserre, et les Rouges approchent à grands pas. Il nous faut prendre une décision rapidement,
s’inquiète le général.
Mais Horthy reste très raide : « Je ne peux pas plus me résoudre à laisser les clés de la Hongrie aux Alliés qu’aux envahisseurs germains ou soviétiques. A ce compte, autant rentrer à Kenderes – ce n’est pas le sens de mon serment ! »
Le Premier ministre Kállay tente une fois de plus de concilier les points de vue : « Donner notre accord sur les termes d’une intervention alliée en notre faveur n’engage pas forcément l’avenir. Les Alliés aussi sont en train de négocier… mais entre eux. La grande conférence tenue à Athènes en novembre n’a sûrement pas réglé tous leurs problèmes ! Nous pouvons plier… mais en continuant à faire valoir nos arguments. Et comme le temps n’entamera pas leur pertinence, il se trouvera bien un moment où ils seront écoutés. »
– Peut-être. Mais j’exige, Monsieur le Premier ministre, que nous obtenions au moins les moyens de coordonner notre déclaration de neutralité – car pour l’Histoire, il ne saurait être question d’autre chose – avec les futures offensives alliées. Il ne manquerait plus que nous attendions en vain les Britanniques au bord du Danube, comme ce pauvre Kyril de Preslav l’été dernier. Pour ce faire, Monsieur le ministre des Affaires étrangères, vous voudrez bien relancer la totalité de vos réseaux – dont le Centre culturel de Genève et Monsieur Laszlo Veres, dont personne ne semble savoir ce qu’il fait au Caire !

Mécontent de voir la situation lui échapper, l’amiral se lève pour signifier à tous que la réunion est terminée : « Enfin ! C’est à peine croyable ! J’ai parfois l’impression d’avoir noué plus de liens lors de mon tour du monde sur la corvette Saida que tout le personnel diplomatique réuni (3). Bien sûr, j’espère me tromper, car l’instant est critique. Mais que les choses soient claires : je ne ferai pas le Kiugrás sans être sûr que c’est le bon moment. Est-ce bien compris ? La séance est levée. »
………
Restaurant Gundel (Budapest) – De son côté, le Standartenführer Edmund Veesenmayer fait lui aussi le point sur ses démarches des dernières semaines. Et il ne s’agit pas de prétendus contacts avec les industriels magyars ! Non, si le SS est à Budapest, c’est bien pour sonder les éléments les plus favorables à la cause nazie – dont évidemment les Croix-Fléchées de Ferenc Szálasi. Mais pas exclusivement.
Car dans les circonstances terribles qui s’annoncent, alors que la vague communiste semble prête à engloutir le Reich millénaire, la Chancellerie attend plus de la Hongrie qu’un simple comportement de territoire occupée. Non, elle veut un allié. Contraint peut-être, mais efficace et fiable. Deux qualités que les autres partenaires de l’Allemagne n’ont guère montrées !
Le rapport de Veesenmayer doit donc estimer la capacité de la société hongroise à participer activement au conflit sous un régime militaire soutenu par l’Allemagne. De ses conclusions dépendront l’ampleur et les modalités de l’opération Margareth – qui n’attend plus qu’un signal (et la concentration de suffisamment de troupes) pour être déclenchée.
Autant dire que la tâche est bien lourde, même pour un membre de la race des Seigneurs. Perdu dans ses pensées, un verre d’Egri Bikaver à la main, le SS brun, attablé dans un coin isolé du restaurant, promène son regard froid des lustres art déco jusqu’au sol bleu profond, sans oublier de foudroyer de temps à autre les serveurs, qui baissent les yeux mais traînent quand même pour lui apporter son repas.
Le Standartenführer considère son assiette comme s’il y trouvait la Hongrie elle-même. D’après ses constatations, la prise de contrôle du pays pourrait se heurter à une série de cinq obstacles pouvant s’enchaîner : une démission du Régent et du gouvernement qui créerait un vide à combler, suivie d’une prise du pouvoir par une coalition d’union nationale (comprenant vraisemblablement des éléments de gauche !), associée à une résistance passive de l’économie – les Hongrois en ont l’habitude – qui pourrait ensuite évoluer vers une grève générale (mais sans doute pas vers une insurrection), et à des affrontements certainement limités entre la Honvéd et la Heer. Ce scénario pourrait conduire à un effondrement général et soudain du pays, nécessitant le déploiement de troupes suffisantes en qualité et en quantité pour conserver le contrôle du territoire. Une cascade de contrariétés que tout le monde à Berlin souhaite évidemment éviter. Mais le SS conclut pour lui-même, avec un certain optimisme : « Le contrôle de la personne du Régent est la clé. Si nous le tenons, même comme une marionnette dont les fils seraient visibles de tous, mais que nous le laissons en place, alors le pays nous obéira. » C’est rassurant : le Reich a conquis l’Europe, il peut bien s’assurer de la personne d’un petit vieux perdu dans ses souvenirs ! Et dans ces conditions, Margareth réussira.
Veesenmayer sait déjà que le Führer décidera de lancer l’opération en fonction de la réponse du gouvernement actuel à sa mise en demeure. Un ultimatum, en fait, qui court jusqu’à début mars.
C’est alors qu’un serveur lui apporte enfin le plat qu’il a commandé. Un paprikás, sorte de ragoût de viande agrémenté d’oignons, de crème et évidemment de paprika. Il vient accompagné de ses pâtes Nokedli – en Allemagne, on dirait Spätzle. Veesenmayer congédie sèchement le garçon. « Enfin, se dit-il, j’espère qu’ils ne mettront pas aussi longtemps à me servir leur Gundel-palacsinta ! » Et il plante férocement sa fourchette dans la viande épaisse mais si tendre…

L’Esprit de la Guerre (Dennis Kolte)
Mauvaise conscience
Douze kilomètres au sud de Šid (Serbie)
– « Nous étions parti depuis moins d’une demi-heure quand nous croisâmes une patrouille de miliciens croates vêtus d’un uniforme noir et aux manières hostiles (mais qui changèrent toutefois très rapidement quand ses membres comprirent à qui ils avaient à faire). Morgue, agressivité… mais aussi tenue hasardeuse et matériel mal entretenu… Ces individus étaient des caricatures de Schutzstaffel – lesquels sont pourtant déjà loin d’être tous des soldats !
Apparemment, ils avaient été attirés ici par le bruit d’explosions, si on en croyait leurs gestes expressifs et leurs onomatopées. Nous eûmes nous aussi des gestes… expressifs – je n’aimais pas à être mis en joue en pleine nuit par n’importe quel lampiste. Quelques exclamations hostiles plus tard, nous passions notre chemin.
Il fallut plus de dix minutes avant qu’Olaf risque une remarque innocente : « Euh, Herr Obergefreiter ? Les “Boums” des Oustachis, c’était pas nos grenades, des fois ? » Un regard avec Wilfried, puis Kurt… Et Scheisse ! Nous faisons demi-tour en dérapant dans la boue.
Nous avons su que c’était trop tard alors que nous étions encore à des centaines de mètres de la bâtisse. Des cris de douleur inhumains – ceux du vieillard évidemment. Je fis descendre le groupe à 300 mètres environ. Il était inutile de se faire tirer dessus dans la confusion, avec un peu de chance, nous arriverions à temps pour…
Pour rien du tout. Au détour du sentier, je vis les Croates assis à quatre sur un pauvre pantin humain, alors qu’un cinquième, dont on ne voyait que l’ombre, tirait un long couteau de son fourreau. Un éclat métallique, un hurlement terrible. L’ombre arracha quelque chose d’entre les jambes du pantin et le jeta au loin. Je restai bouche bée et bras ballants : depuis mon engagement en 1940, j’avais fait un certain nombre de choses dont je n’étais pas forcément fier, et j’avais vu faire pire. Mais ça… c’était de la barbarie pure et simple. Et gratuite, qui plus est ! Olaf eut un haut-le-cœur, Oskar était consterné. Wilfried préféra aller faire un tour – jamais expressif notre chauffeur, mais je pressentais déjà que sa conduite serait brusque. Quant à Kurt, il commenta simplement : « Je crois qu’on aurait mieux fait de l’emmener, le vieux… »
C’était sans doute vrai. Mais pour ce soir, il n’y avait plus rien à faire. Et la nuit fut évidemment très mauvaise. »



Notes
1- Parmi tous les notables présents, il y avait aussi l’évêque Gregorij Rožman, qui présida à une brève messe silencieuse… du fond de la tribune, avant de s’éclipser malgré la place d’honneur qui lui était offerte. Sans doute le saint homme craignait-il les photographes…
2- Région traditionnelle de Slovénie et ancienne province du Saint-Empire romain germanique.
3- Entre 1892 et 1894, l’amiral Horthy (alors enseigne de vaisseau) a effectivement fait le tour du monde, passant notamment par Calcutta, Melbourne (et son fameux Vienna Coffee, tenu par un compatriote) et la colonie pénitentiaire de Nouméa. Il a aussi participé à une expédition minière aux îles Salomon et aux Nouvelles-Hébrides destinée à trouver du nickel. Celle-ci a été interrompue par les attaques d’indigènes qui ont fait plusieurs morts, dont le géologue Foullon-Norbeck. Cependant, malgré ses nombreux voyages, Horthy n’est jamais allé aux Etats-Unis.
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demolitiondan



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MessagePosté le: Dim Juin 02, 2019 19:29    Sujet du message: Répondre en citant

Le texte a été clarifié sur l'aspect pré-bail. Confused
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Lun Juin 03, 2019 15:53    Sujet du message: Répondre en citant

L'épisode des aventures de Dennis narré un peu plus haut suit en réalité immédiatement celui de la veille (le 14).

Voici celui du 15 (le lendemain matin).


L’Esprit de la Guerre (Dennis Kolte)
Douloureux réalisme
A proximité de Lipovac (Serbie)
– « Olaf me donne un coup de coude, alors que je suis encore occupé à observer à la jumelle. « Alors, Herr Obergefreiter ? On se les fait ou pas ? »
Devant moi, parfaitement visible dans mes oculaires, la colonne de légionnaires croates avance sur le chemin en beuglant un chant guerrier quelconque. Je sais qu’à environ 150 mètres sur ma gauche, il y a Kurt et Oskar avec la MG-42, qui n’attendent que mon signal. Wilfried couvre seul le flanc droit. Tout le monde est parfaitement camouflé. Les Oustachis ont beau être six fois plus nombreux que nous, ils n’ont pas l’ombre d’une chance : d’abord, j’abats l’officier d’une balle en plein front. Puis notre mitrailleuse en couche sans difficulté une douzaine avant que les survivants aient la moindre possibilité de se mettre à couvert… et ils sont ensuite pris entre mon feu et celui de Wilfried. A ce moment, ils devraient en toute logique commencer à lâcher prise et à se débander – mais ils n’ont nulle part où courir ! La prochaine haie est à 400 mètres au moins. Ils seront morts bien avant de l’atteindre… Le reste sera une question de nettoyage – achever les blessés. Sale et efficace : en vérité, les Partisans n’auraient pas fait mieux !
Pourtant, sous le regard consterné de mon observateur, je laisse passer la colonne, qui continue de remonter vers le nord. Fidèles et disciplinés, mes camarades ne tirent pas – la rigueur des Brandenburgers ! Je vois défiler les assassins, puis je les entends encore chanter pendant dix longues minutes avant que leur nuisance ne s’évanouisse dans le matin.
Je me relève – Olaf est furieux, mais semble garder son calme. Il progresse, apparemment. Il articule juste une simple question : « Pourquoi ? »
Je me veux professoral, pour mieux cacher ma propre déception : « Oberschütze, comme d’habitude, vous ne réfléchissez pas. Nous aurions certes pu massacrer ces abrutis, nous venger et nous donner bonne conscience à peu de frais. Allez, on aurait même pu s’imaginer vaguement du côté de la Justice, pour cette fois. Et on se serait surtout prouvé que nous sommes des soldats et pas des assassins. Mais dites-moi, que se serait-il passé après ? »
– Rien du tout, Herr Obergefreiter ! Il n’y aurait eu aucun témoin. Tout le monde aurait cru à une attaque terroriste et…
– Exactement. Tout le monde aurait cru à une attaque terroriste ! Et alors ?
– Je ne comprends pas, Herr Obergefreiter.
– Je sais. Je vais donc vous le dire. Si nous couchons cette patrouille de Croates, la région grouillera demain de miliciens avides de venger leurs camarades. Ils tueront tous ceux sur lesquels ils pourront mettre la main, brûleront tous les villages à vingt kilomètres à la ronde et mettrons les arrières de notre division à feu et à sang. Ce qui, par ricochet, rendra les Partisans enragés et mettra nos camarades en danger. C’est cela que vous souhaitez, Oberschütze ?

Le blondinet pâlit : « Euh, non pas vraiment. »
– Eh bien moi non plus. Et vos copains de la section non plus, je pense. Je ne laisserai pas notre unité mettre en péril tous nos camarades dans cette région, pour le simple plaisir de jouer les justiciers.

Je range mon arme et passe devant lui sans un regard, pour aller expliquer ma décision aux autres. Olaf reste en haut de la colline – je devine sans même avoir besoin de me retourner qu’il a les larmes aux yeux devant la cruauté de la situation. Il trépigne, alors que je suis déjà loin : « Alors pourquoi nous avoir donné un espoir, si c’était pour nous l’enlever aussitôt ? »
– J’AI FAIT UNE ERREUR !

Pour me faire entendre, j’ai dû hurler dans le vent glacé, qui me brûle les yeux au point de me faire larmoyer. »
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Imberator



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MessagePosté le: Lun Juin 03, 2019 16:16    Sujet du message: Répondre en citant

Les mémoires de Dennis Kolte à mettre en bleu, non ?
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loic
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MessagePosté le: Lun Juin 03, 2019 20:42    Sujet du message: Répondre en citant

Excellente, l'entrevue Churchill - Tito !
À propos de la phrase suivante :
Citation:
Sir, je ne peux pas admettre deux individus armés de Sten dans la même pièce que vous !

L'origine britannique des armes mériterait d'être soulignée. Par exemple :
Citation:
Sir, je ne peux pas admettre deux individus, fussent-ils armés de Sten, dans la même pièce que vous !

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On ne trébuche pas deux fois sur la même pierre (proverbe oriental)
En principe (moi) ...
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demolitiondan



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MessagePosté le: Lun Juin 03, 2019 20:47    Sujet du message: Répondre en citant

Effectivement Imberator - mais Casus est déjà au-delà de la compréhension avec moi ... Very Happy Very Happy Very Happy
Eventuellement Loic - mais je trouve que cela manque un peu de naturel. Je veux dire, c'est quand même le fait d'être armé qui pose problème. D'ailleurs ... ai-je besoin de préciser que la foule de détails (dont notamment y-celui) est OTL ?
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demolitiondan



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MessagePosté le: Lun Juin 03, 2019 20:50    Sujet du message: Répondre en citant

D'ailleurs, vous savez quoi ? On va vous donner une idée de l'ambiance (d'été) OTL :





Remarquez l'uniforme à la soviétique - ce n'est pas le blanc que l'histoire retiendra.
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Lun Juin 03, 2019 21:32    Sujet du message: Répondre en citant

Imberator a écrit:
Les mémoires de Dennis Kolte à mettre en bleu, non ?


En général, mais ce n'est que dans les fichiers archivés que ce genre de choses est nécessaire.
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Casus Frankie

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Hendryk



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MessagePosté le: Mar Juin 04, 2019 06:11    Sujet du message: Répondre en citant

demolitiondan a écrit:
ce n'est pas le blanc que l'histoire retiendra.

Tant mieux pour Churchill, parce que, disons-le franchement, sur ces photos il est habillé comme un sac de patates. D'une manière générale, dès qu'il mettait quelque chose se voulant décontracté, c'était un désastre vestimentaire.


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Anaxagore



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MessagePosté le: Mar Juin 04, 2019 12:02    Sujet du message: Répondre en citant

C'est le problème d'être gros - je parle en connaissance de cause- à moins d'être très bien habillé, les vêtements font des plis très peu seyant.
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Archibald



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Messages: 9457

MessagePosté le: Mar Juin 04, 2019 17:59    Sujet du message: Répondre en citant

J'ai explosé de rire comme un imbécile en lisant ces derniers échanges. Aussi la tronche a Winston sur cette dernière photo, mon Dieu, on dirait qu'il mâchouille un citron ou un piment réunionnais bien carabiné.

Vous êtes fabuleux dans votre genre, chers membres du forum FTL.
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Bob Zoran



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MessagePosté le: Mer Juin 05, 2019 09:08    Sujet du message: Répondre en citant

Casus Frankie a écrit:
14 février
La campagne des Balkans

[b]Churchill en mission
Le vieux Lion et le jeune Tigre




Evidemment, Tito n’est pas d’accord du tout – mais l’angoisse qu’il exprime est bien réelle, elle. Kardelj racontera plus tard qu’il craignait, à cette époque, la partition de la Yougoslavie en deux nations – d’un côté la Serbie, le Monténégro et la Macédoine, sous influence britannique ; de l’autre la Bosnie, la Croatie et la Slovénie, sous influence soviétique.


ça ne serait pas plutôt l'inverse? D'un point de vue géographique, ce serait une enclave communiste dans le bloc occidental, ou une enclave occidental dans le bloc communiste?
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egdltp



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MessagePosté le: Mer Juin 05, 2019 09:16    Sujet du message: Répondre en citant

C'est un peu des deux, c'est comme si la situation OTL de la Grèce était étendue à la Serbie, le Monténégro et la Macédoine "du Nord" Wink.
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demolitiondan



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MessagePosté le: Mer Juin 05, 2019 11:15    Sujet du message: Répondre en citant

Ben non - Tito craint que les soviets débordent de la Hongrie sur les territoires encore occupés et que la Serbie refuse - avec le soutien des occidentaux, une réunification.
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