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Les Balkans (et la Hongrie), Janvier 1944
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Archibald



Inscrit le: 04 Aoû 2007
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MessagePosté le: Ven Avr 26, 2019 21:07    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
Les bonnes références des Guignols ... Quand c'était bien ... et quand ca existait. Put...n je deviens vieux moi.


Et moi donc ! Mon collègue de boulot à 7 ans de moins que moi, mais ça suffit pour traverser les années 80... les chevaliers du zodiaque, jamais entendu parler... Je m'en suis sorti "honorablement" en lui disant que, trop jeune, ce n'était vraiment pas une perte pour son cerveau d'avoir raté le Club Dorothée et la "grande" époque de TF1 année 90... Coca Cola et temps de cerveau disponible... on sauve les apparences comme on peut... Rolling Eyes
_________________
Sergueï Lavrov: "l'Ukraine subira le sort de l'Afghanistan" - Moi: ah ouais, comme en 1988.
...
"C'est un asile de fous; pas un asile de cons. Faudrait construire des asiles de cons mais - vous imaginez un peu la taille des bâtiments..."
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Casus Frankie
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Messages: 13715
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MessagePosté le: Ven Mai 03, 2019 13:00    Sujet du message: Répondre en citant

Entracte dans "Les Espagnols à Kumanovo", pour des raisons touchant l'emploi du temps de Requesens et le mien…
On revient donc en janvier 44 et dans les Balkans. Je suis sûr que la Légion Noire, le roi Pierre II, Tito et Montgomery vous manquaient !



21 janvier
La campagne des Balkans
Précautions nécessaires
Zagreb
– Au QG de la 20. Armee, afin de répondre aux légitimes inquiétudes de son supérieur Maximilian von Weichs quant à l’ouverture que représentent, pour les forces ennemies, les complexes manœuvres en cours, Lothar Rendulic met la dernière main au plan d’une nouvelle opération de répression – pardon, de pacification – dans la région de Goražde.
Cette zone, située entre la Serbie et Sarajevo, est encore relativement peu tenue par les forces de l’Axe, même si le XV. GAK de Lüters s’est récemment porté en avant entre Užice et Priboj. De fait, c’est le 2e CA de Franjo Pacak qui est réputé tenir les arrières de ce secteur… Et les Oustachis vont avoir du travail – sitôt le LXVIII. Armee-Korps sur la route, Rendulic lancera une nouvelle purge, au doux nom de Schneesturm.

Migrations contraintes et ajustements
Kosovo
– Dans le froid et l’humidité, les soldats de la 192e DIA de Paul Jouffrault et ceux de la 1ère DI tchèque d’Alois Liška font leurs entrées dans Pristina. Sans attendre, des éléments avancés poursuivent vers Kosovska Mitrovica et Podujevo, permettant ainsi aux forces du XIIIth Corps de se retirer, tout en laissant au 2e CA grec de Georgios Tsolakoglou le soin de tenir l’ouest et Gjakovë. Le regard passant des nuages gris au vert sombre des forêts, puis au kaki des soldats britanniques faisant leurs bagages sans une once de regret, Jouffrault ne peut s’empêcher de soupirer : « Encore une tâche glorieuse… Nous faisons décidément partie d’une sorte d’armée clandestine. » Puis il file à l’hôtel de ville pour conférer avec ses homologues anglo-saxons et le lieutenant-général Brian Horrocks. Les redéploiements d’unités demanderont encore du temps, et il faut faire vite : on annonce une nouvelle dépression venant du nord – il pleuvrait déjà en Hongrie.

Vers de nouveaux horizons
Aérodrome du Pirée
– Sur le terrain bourdonnant d’activité, où passent de nombreux avions en cours de maintenance, de rodage ou de prise en main, un bimoteur de transport Bloch 220 fait paresseusement tourner ses hélices sous le soleil du matin. C’est un appareil exotique – il n’y en eu que 16 exemplaires de produits, sans compter le prototype – mais il n’en est pas moins discret sur le tarmac. De toute façon, il y a tellement d’oiseaux différents à Athènes ! Les anciens P-40N et Blenheim grecs côtoient leurs successeurs, “Bucéphale” (Tornado) et Boston, alors que dans le fond, un Banshee du Sqn 213 passe devant une rangée de Spitfire IX du Sqn 238, qui sont en transit avant de monter vers Skopje.
A la coudée, Sylvestre Audet jette un dernier regard à Athènes, qu’il va quitter pour de bon pour rejoindre Tirana et ses froides montagnes hostiles. Une destination pas très riante – mais qui, Dieu merci, ne devrait être que temporaire. Il a une pensée pour ce pauvre Béthouart à qui il laisse sa place dans la fosse aux lions. Regrette-il pour autant sa nouvelle affectation ? A la réflexion… absolument pas !
……..
Tirana – Sitôt arrivé, Sylvestre Audet est conduit auprès d’Henri Dentz, qui a choisi de maintenir son quartier général dans une grande bâtisse bourgeoise située à la périphérie de la ville. Une précaution bien compréhensible, pour qui connait le caractère… agité de la capitale albanaise.
Une demi-journée suffit pour procéder au transfert des charges et responsabilités, sans autre cérémonie particulière qu’une simple présentation aux responsables présents, et une légère collation en forme de pot de départ pour Dentz. Son état-major est au point, il sera parfaitement à même d’assister Audet dans les tâches courantes – et puis, l’intéressé aura tout l’hiver pour se familiariser avec ses troupes.
Heureusement pour lui, le tout neuf général d’armée est déjà très acclimaté à l’Albanie, notamment depuis la conférence de Tirana en septembre dernier… Une tournée d’inspection est annoncée, elle achèvera de lui permettre de rencontrer tout son monde.
Le général Dentz n’a donc pas prévu de rester davantage en Albanie – on l’attend en France pour la suite des opérations en Métropole. Les deux hommes se saluent, se serrent la main, se souhaitent bonne chance, et le général roannais embarque dans le Bloch 220, en partance pour Marseille via Naples.

A l’est, du nouveau
Roumanie cobelligérante
– Sir Rhodes a pratiquement achevé son tour de Roumanie et pense avoir trouvé le chemin menant à Salonique. Il passe par Calafat, un port d’importance sur le Danube, lequel est relié à Vidin, en Bulgarie… par ferry. En effet, et c’est un signe de plus des… petites tensions entre les deux pays, le Danube n’est plus franchi par des ouvrages d’art dans cette région depuis, hé bien… depuis le pont romain de Constantin, au IVe siècle (de l’ère chrétienne tout de même).
Il en faut toutefois bien plus pour décourager l’audacieux Canadien – passer par l’ouest de la Bulgarie est intéressant à plus d’un titre. D’abord, Vidin offre un accès direct à Sofia via Vratsa. Or, la capitale bulgare est reliée à Blagoevgrad puis Salonique, tout comme à Nis puis à Belgrade. Il est donc possible de créer une véritable voie parallèle à embranchements multiples, susceptible d’être remplacée à l’avancement des travaux menés en Yougoslavie.
Rhodes sollicite donc sans attendre Athènes pour la mise en place d’un second ouvrage d’art provisoire, évidemment avec le concours des autorités locales existant des deux côtés du Danube. Maintenant qu’elles sont dans le même camp, elles en auront certainement l’utilité ! Quant à son équipe, elle prévoit d’achever sa tournée par une inspection des chemins de fer bulgares, avant de repasser enfin du côté “occidental” des Balkans.

Machinations serbes
Palais Blanc (domaine royal de Dedinje, Belgrade)
– Pierre II a bien compris l’embarras de ses alliés occidentaux quant au maintien de l’ordre au Kosovo comme en Macédoine – il convient de les soulager au plus tôt de cette tâche. Aussi, et conformément à ce qu’il avait indiqué à son Premier ministre Slobodan Jovanović, le roi de Yougoslavie prend le premier décret d’une longue série de textes, qui provoqueront ultérieurement de violentes polémiques.
Ce décret, dit « du pardon par les armes », s’appuie sur deux articles de la constitution yougoslave, avec laquelle il est parfaitement cohérent – dans la lettre sinon dans l’esprit. S’appuyant sur l’article 30, il promet aux combattants et miliciens dits tchetniks une amnistie complète pour les crimes et délits commis « durant la période de troubles et de vacance qu’a traversée le Royaume », contre un engagement avec armes et bagages dans une nouvelle force armée, les “corps-francs yougoslaves”, opérant sous le contrôle direct du cabinet du roi. L’amnistie pénale promise aux engagés n’interdit pas, toutefois, des poursuites civiles (comme le précise l’article 30), mais encore faut-il qu’il se trouve des victimes vivantes pour venir réclamer réparation.
Puis, s’appuyant désormais sur l’article 112, qui précise que l’Armée ne peut être employée au maintien de l’ordre que sur réquisition de l’autorité civile compétente, le roi ordonne que les corps-francs yougoslaves soient déployés sur les arrières alliés, afin de suppléer à la gendarmerie et aux forces de police défaillantes – ils n’opéreront aucunement sous leurs ordres. L’une des premières destinations de ces unités, confiées au bon soin du voïvode Dobroslav Jevđević, sera le Kosovo… mais ce ne sera pas la seule, loin de là.
Les autres chefs de guerre survivants de l’insurrection de Belgrade resteront donc dans la capitale, du moins pour l’instant. En effet, Pierre II ne fait pas encore complètement confiance à Vojislav Lukačević et Zaharije Ostojić, qui sont jugés un peu trop proche des Partisans (ils ont tenté de négocier avec eux il y a longtemps…). Quant à Petar Baćović, il soigne toujours sa terrible blessure au bras droit.
………
Ces décisions prises, Pierre II s’attaque à un problème plus… délicat. Il est au courant de l’avancement des travaux ferroviaires des Britanniques et n’en est absolument pas satisfait : il le trouve trop rapide ! En effet, il est désormais évident que les Occidentaux jouent double-jeu avec l’Union Soviétique, plus préoccupés de lutter contre l’Allemagne et de se partager l’Europe que d’assister le royaume de Yougoslavie. Déjà que les Rouges ont eu le front de mettre sur le même plan son gouvernement et les séditieux de Tito… voici maintenant qu’il apprend par une indiscrétion que les Britanniques préfèrent construire des voies ferrées en Roumanie plutôt que réparer ses infrastructures et ses usines ! Et qui sait à quoi ces installations pourraient servir après le conflit ? Elles mènent directement aux cantonnements de l’Armée Rouge !
Plus de doute – il lui faudra défendre son trône contre les Alliés eux-mêmes. Quel écœurement ! Mais après tout, si Churchill veut jouer au plus malin… Momčilo Ninčić a proposé de négocier avec l’AVNOJ, puisque tout le monde l’y invite. Et bien sûr, c’est ce qu’il va faire, mais avec une sage lenteur – négocier ne veut pas dire aboutir. Ce sera autant de temps gagné pour la suite, que le général Petar Živković prépare activement en ce moment même.
Reste l’irritante question des ministres « non fiables », dont il s’est déjà ouvert à son Premier ministre Jovanović. Comme faire pour confiner de la meilleure des façons ces mauvais sujets, avant –le cas échéant – de s’en débarrasser ? Pierre note d’évoquer la question avec le général Dušan Simović. Même s’il n’est plus officiellement dans le gouvernement, ce bon Serbe reste un homme loyal, qui sera de bon conseil. Dans l’attente, il va de soi que les personnes suspectes – avant tout Juraj Krnjević et Juraj Sutej – devront en savoir le moins possible sur les projets du Royaume. Une gageure, car le premier est tout de même vice-premier ministre, et le second ministre des Finances et de l’Industrie !
« Si seulement ils étaient complices de Tito ou de Pavelic, j’aurai un prétexte pour m’en débarrasser ! » s’exclame le souverain en levant le son poing pour l’abattre sur la table… Cependant, il interrompt son geste à mi-parcours. Mais oui…


22 janvier
La campagne des Balkans
Migrations contraintes
Bar (Monténégro)
– La 392. ID Plava Divizija (Johann Mickl) arrive enfin au Monténégro, pour relever la 173. ID de Heinrich von Behr – la dernière formation Volksdeutsch du LXVIII. Armee-Korps encore sur la côte adriatique. Les Landsers cèdent leurs positions avec rapidité, avant de remonter vers Podgorica pour renforcer leurs compatriotes de la 100. Jäger et attendre l’arrivée de la dernière division croate, la “Division du Tigre”, qui chemine actuellement depuis le Sandžak. Le passage de flambeau s’effectue sans incident, ni difficulté – bien que “bleus” (selon d’ailleurs le nom de leur division), les Croates sont des professionnels formés par le Reich et ils n’ont guère que 15 kilomètres de montagnes à défendre, coincées entre l’Adriatique et le lac Scutari.

Chapardage
GQG du 18e GAA (Athènes)
– La pluie souligne de son rythme régulier le silence dans la salle de conférence, alors que Bernard Law Montgomery considère ses deux adjoints : Panagiotis Spiliotopoulos et le nouveau, Antoine Béthouart. Un bien curieux personnage en vérité que ce Français. Pas déplaisant, mais qui demande encore à être jugé. Quant au Grec, il observe lui aussi (et même si sa moustache reste frémissante) une réserve fort étonnante pour qui l’a côtoyé durant ses flamboiements de 1943. Tous deux attendent la parole du patron – lequel attend que le thé soit servi. C’est fait, les plantons ferment les portes… Monty commence à discourir.
– Beau temps, n’est-ce pas, Messieurs ? Je vous remercie d’avoir pu vous libérer aussi vite pour assister à cette conférence secrète, destinée à évoquer la suite des opérations. Je dis bien secrète : je vous prie instamment de ne pas évoquer hors de ces murs ce dont nous allons discuter ici.
Monty se penche légèrement en avant, les deux mains posées bien à plat sur la table, pour mieux appuyer son propos : « En effet, je crains fort que la prochaine campagne ne fasse pas plaisir à tous nos alliés – et j’espère, général Spiliotopoulos, que vous conviendrez que je fais preuve ici d’une grande confiance à l’égard de l’Armée royale grecque. Alors même que sa discrétion n’a pas toujours été assurée par ailleurs ! »
Face à lui, le général grec encaisse sans broncher – il sait que Montgomery fait référence aux indiscrétions commises lors des événements de Volos, puis de Salonique. Mais cela ne l’empêche pas de les assumer. Et puis, la ligne de front n’est plus en Grèce – il n’y a donc plus rien de personnel pour lui dans les opérations. Peu importe, de toute façon : sans lui laisser le temps de répondre, Montgomery reprend.
– Vous êtes tous deux parfaitement informés de la situation présente de nos troupes, n’est-ce pas ? Suite au… petit accès d’humeur de nos alliés yougoslaves, nos forces sont désormais étirées sur un front de 320 miles, avec tout un tas de considérations annexes à gérer : foules affamées, désordres civils, bandes armées parcourant le pays… Je ne pensais pas dire ça un jour, mais… heureusement que les Rouges se sont occupés des Roumains et autres Bulgares ! En résumé, nous ne pouvons plus nous permettre d’avancer bille en tête et de bousculer le Hun. Il nous faut concentrer nos troupes pour percer, puis renverser le dispositif ennemi. La question est donc : où y parvenir ?
A ces mots, Béthouart comme Spiliotopoulos montrent un léger agacement. Ils se doutent bien que la prochaine offensive n’ira pas vers Sarajevo ! Le Français prend sur lui de déclarer : « Mon général, il est évident pour nous tous – comme pour l’ennemi, hélas – que notre prochaine action ne saurait partir que de Belgrade. »
– Evidemment, mon cher ami ! Toutefois, pour pouvoir concentrer nos meilleures forces à Belgrade, il est indispensable de nous assurer au préalable de nos flancs au Kosovo, en Albanie… et dans le sud de la Serbie. Général Spiliotopoulos, je vais vraiment avoir l’utilité de la 5e Division d’Infanterie grecque, qui végète toujours à Xanthi. Dans l’attente du prochain retour en ligne du 1er Corps du général Kosmas, évidemment !
– J’en prends note, mon général. Mais je me permets respectueusement de vous rappeler une fois encore que cette décision ne relève pas tant de moi que de mon gouvernement.
– Oui, oui, la politique… Nous allons y venir. Donc, une fois que nos gouvernements respectifs auront convenu du retour en ligne de vos evzones, nous aurons la possibilité de libérer l’ANZAC, comme nous sommes déjà en train de le faire pour le XIIIth Corps. A ce moment, avec le 1er Corps yougoslave qui fait face aux Hongrois et à la Voïvodine, nous aurons donc le XIIIth Corps, l’ANZAC et nos deux divisions blindées prêtes à bondir vers l’ouest. Pour aller où ?

Un silence pour ménager son effet, et Montgomery abat sa carte maîtresse dans un sourire : « Le long de la vallée de la Save, vers Varaždin et Maribor ! Car je vous annonce ici quelque chose de nouveau… mais à quoi nous devrions pourtant être aujourd’hui accoutumés : la Hongrie a entamé en toute discrétion des pourparlers de paix avec les Nations-Unies. Nous sommes donc assurés de sa neutralité, peut-être même de sa coopération. »
La nouvelle fait évidemment son petit effet. Béthouart, dont l’esprit tourne vite, intervient : « Très intéressant ! En ce cas, mon général, ne faudrait-il pas plutôt avancer vers Budapest et… Székesfehérvár (le Français souffle après avoir prononcé ce nom si hongrois)… plutôt que de faire un long détour vers la Slovénie ? »
– Non mon cher, car j’ai parlé de neutralité – pas de cobelligérance. A dessein, ben sûr – mes sources m’informent que les Hongrois sont compliqués à gérer… exigeants, tatillons… comme vous voudrez ! Bref, il n’est pas du tout certain que leurs affaires finissent mieux que celles des Bulgares – lesquels ne nous avaient pourtant pas prévenus. En résumé, dans cette situation, nous ne sommes sûrs de rien. Et je n’aime pas planifier sur du rien ! En revanche, nous sommes désormais certains qu’à un certain moment, le flanc gauche de l’ennemi sera déstabilisé. A nous d’en profiter et de foncer ! Qui sait, peut-être jusqu’à Nagykanizsa et au lac Balaton si ça nous arrange ! Le but n’étant pas de libérer les Hongrois, mais bien de se servir de leur territoire pour nos futures actions.

Evidemment, Montgomery se garde bien d’évoquer le fait que, dans le cas contraire, la susceptibilité des Soviets pourrait rapidement rendre la vie (et le ravitaillement) impossibles pour les forces alliées en Yougoslavie – d’où les discussions en cours avec Moscou. Un partage du monde qui risquerait d’ailleurs de vexer Panagiotis Spiliotopoulos si on lui en faisait part, et même s’il l’a peut-être déjà compris : « En résumé, nous allons commettre aux dépens de la Hongrie une espèce de vol à l’arraché ! »
– Oh, disons un chapardage ! Et qui permettra d’avancer vers le cœur du Reich,
complète Béthouart.
Monty n’est pas vexé – au contraire, l’idée paraît l’amuser. Il se lève et entreprend de détailler de son stick la large carte des opérations.
– Donc, nos forces avancent vers Maribor. Leur flanc gauche sera gardé par une action déterminée, mais non décisive, de la 2e Armée française – c’est à dire des CA grecs et du 2e CA polonais, essentiellement (il lâche un petit rire sardonique, puis poursuit). Il s’agira là de maintenir sous pression les Huns de Bosnie et leurs amis croates. Ces troupes attaqueront pratiquement à parité numérique, et sur un terrain épouvantable… mais je ne doute pas que les Partisans et autres miliciens rendent à ce moment la vie impossible à l’Axe, quand ce sera nécessaire. Nos services secrets y travaillent.
Spiliotopoulos fronce des sourcils – il n’aime pas l’idée de sacrifier la vie de ses compatriotes dans une action de diversion : « Alors, mon général, dans ces conditions, une fois nos forces à Maribor, pourquoi ne pas obliquer vers Zagreb et tendre la main aux forces du général Alexander, vers Venise ? Toute la 20. Armee serait alors encerclée et les Oustachis s’effondreraient. »
– Les Oustachis s’effondreront tout seul, mon cher ami. Les Allemands ne leur font pas confiance, ils ne leur ont jamais fait confiance. Ce sont des assassins, même pour les séides de Monsieur Hitler. Pensez donc – malgré tous leurs problèmes d’effectifs, ils se refusent toujours à les armer convenablement. De surcroît, ce que vous suggérez représente tout de même un trajet de 280 miles, pour bonne partie dans les montagnes de Slovénie. Les Allemands se défendront comme des enragés et nous serions à la merci d’une prise de flanc depuis l’Autriche. Non, désolé, je ne le vois pas comme ça. La Bosnie restera une grosse poche inutile, un abcès que nous presserons peu à peu pour le vider de son pus. Cela dit, avec un peu de chance, les Allemands penseront comme vous et évacueront sans combat ! Il sera bien temps alors de rejoindre ce cher Alexander – s’il daigne un jour quitter les délices de Capoue…

Tandis que le général grec remâche un certain ressentiment, Béthouart revient à la charge : « Et notre droite ? Si la Hongrie est occupée par le Reich, nous serons également à la merci d’une prise de flanc de ce côté. »
– Nous allons donc tâcher de maintenir au maximum l’incertitude quant à notre objectif final : Budapest ou ailleurs ? Et pour cela, nous allons continuer pour l’instant de traiter la Hongrie comme un adversaire. Le 1er Corps yougoslave de ce… de ce cher Brasic
(le stick se tord légèrement entre les mains de son propriétaire) lancera donc au préalable une forte offensive de diversion vers le nord du Danube et Bečej. Cela perturbera les Allemands, qui pourraient avoir peur d’être contournés par Novi Sad et rameuteront vraisemblablement des troupes pour défendre Szeged – même si évidemment, nous devrions nous arrêter avant. Par ailleurs, dans ce secteur, il n’y a que des Hongrois. La tâche ne devrait pas être trop compliquée pour nos amis serbes. Ils seront ravis de libérer leurs terres tout seuls !
– Sans toutefois aller vers Zagreb ?
– Sans toutefois aller vers Zagreb. Vous comprenez maintenant les raisons de mon injonction à la discrétion. Je n’ai pas envie de devoir souffrir des semaines de récriminations et de visites destinées à me faire changer d’avis. Nous sommes des soldats, Messieurs, pas des justiciers. Si tant est que le mot “justice” ait un sens dans cette région…

Les deux généraux ne peuvent qu’acquiescer… mais rappellent toutefois qu’ils vont devoir rendre compte à leurs gouvernements respectifs.
– Faites donc, Messieurs. Mais n’oubliez pas : le moins possible de choses doit filtrer jusqu’aux Yougoslaves. Et pas un mot à leur gouvernement, surtout !
Monty se rassoit. Ce jeune roitelet l’agace au plus haut point – moins il le voit… Un soupir, puis il décide de conclure sur un sujet plus léger.
– Il nous reste à choisir le nom de code de l’opération !
Le britannique considère Béthouart : « J’aime bien votre idée de… Comment avez-vous dit ? Ah oui, chapardage. Alors l’offensive vers Maribor sera “Plunder” [Pillage]."
Spiliotopoulos complète avec une feinte indifférence : « Et les deux actions sur les flancs ? »
– Eh bien, en Bosnie… Quelque chose qui rendra justice à vos forces et se prononce aussi bien en français qu’en anglais, comme c’est devenu l’usage…
– Pour une opération de diversion, “Veritable” me semble adapté !
propose Béthouart.
– Parfait… Et pour nos camarades yougoslaves, au caractère si explosif ?
– “Grenade” ?
– Excellent ! Messieurs, j’attends vos premières estimations sous une semaine. Elles devront évidemment intégrer toutes les forces royales grecques. La séance est levée.

En sortant de la pièce, Antoine Béthouart ressent une impression ambiguë. Il se dit que, décidément, Sylvestre Audet avait raison. Certes, l’orientation générale définie par Montgomery est très cohérente… Mais si cette affaire de “Grenade” s’avérait mal goupillée, elle pourrait bien sauter à la figure de tous ceux impliqués, au premier rang desquels se trouve sa propre personne !

Manœuvres obscures et croates
Monts de Croatie
– Au milieu des bois et en toute discrétion, le colonel Franjo Šimić rencontre, sous la protection d’hommes choisis de son 1er Régiment de la Garde Nationale, des envoyés du SOE – les Anglais sont venus accompagnés de Partisans du NVOJ, qui servent, une fois encore, d’intermédiaires. Le colonel MacLean sera mis très vite au courant : les Croates désirent arrêter les frais…
………
Budapest – Au même moment, dans la capitale hongroise du Reich, l’ambassadeur de l’Etat Indépendant de Croatie, Branko Benzon, se rend à l’ambassade helvétique pour un entretien informel avec le vice-consul de Suisse Carl Lutz.
Benzon n’est pas un personnage d’importance dans la diplomatie mondiale – c’est le moins qu’on puisse dire ! D’ailleurs, il n’est même pas du métier : ancien cardiologue radié du corps médical pour “action politique”, il est bien moins connu pour ses qualités de négociateur que pour l’intense activité qu’il a déployée à Berlin en faveur de la création d’un état indépendant croate et pour son appel vibrant aux troupes croates afin que celles-ci ne résistent pas aux forces de la Wehrmacht lors de l’invasion de 1941. Récompensé pour ses bons et loyaux services par un poste d’ambassadeur dans la capitale allemande, il a été révoqué six mois plus tard à peine, officiellement pour d’obscures histoires de jupons, mais plus probablement pour son hostilité affichée envers l’Italie fasciste. Expédié durant un an à Bucarest, il est installé depuis décembre 1942 à Budapest… où il ne fait pas grand-chose, tant le régime Horthy affecte de mépriser les Oustachis.
Il a donc fallu beaucoup d’énergie à Benzon pour obtenir cette entrevue. Le consul Lutz déteste les fascistes, il n’en fait pas mystère – et malgré sa neutralité toute helvétique, il juge beaucoup plus productif de tenter d’influer sur le cours des événements auprès du gouvernement de Budapest que de recevoir un quelconque satrape de Pavelic. Pourtant, Son Excellence se rendra compte assez vite qu’il y a assurément quelque chose à tirer de cette entrevue…
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Anaxagore



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MessagePosté le: Ven Mai 03, 2019 13:20    Sujet du message: Répondre en citant

Casus Frankie a écrit:
[b]Entracte dans "Les Espagnols à Kumanovo", pour des raisons touchant l'emploi du temps de Requesens et le mien…
On revient donc en janvier 44 et dans les Balkans. Je suis sûr que la Légion Noire, le roi Pierre II, Tito et Montgomery vous manquaient !


Monty ? Un peu... Pierre II et Tito..; pas des masses... la Légion Noire ? Si on m'apprenait qu'elle avait disparue dans un trou (noir, naturellement) je sabrerais le champagne. Les comparer à du pus comme Monty le fait, c'est faire une injure mortelle au pus...
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Hendryk



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MessagePosté le: Ven Mai 03, 2019 14:43    Sujet du message: Répondre en citant

Casus Frankie a écrit:
Evidemment, Montgomery se garde bien d’évoquer le fait que, dans le cas contraire, la susceptibilité des Soviets pourrait rapidement rendre la vie (et le ravitaillement) impossibles pour les forces alliées en Yougoslavie – d’où les discussions en cours avec Moscou.

Là, on comprend pourquoi les Soviétiques ont accepté l'idée du "raccourci" roumain: le passage du ravitaillement allié sur un territoire qu'ils contrôlent leur donne un excellent moyen de pression pour faire valoir leurs intérêts dans la région.
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Anaxagore



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MessagePosté le: Ven Mai 03, 2019 15:04    Sujet du message: Répondre en citant

Et les Anglais vont construire à leurs frais des ponts, réparer le chemin de fer etc... N'oublions pas non plus l'argument moral. "Regardez comme nous sommes gentil, nous vous autorisons même à passer sur NOTRE territoire"
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demolitiondan



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MessagePosté le: Ven Mai 03, 2019 15:14    Sujet du message: Répondre en citant

Qu'est ce qu'il est sympa ce Staline quand même. Au moins autant que dans les films de la trilogie 'Libération' - grand moment quand on le voit arroser ses pommiers en bon père de famille. La vérité est simple - avec les yougoslaves qui font suer, les grecs pas motivés et les anglais qui ont pas trop de moyens ... ben faut que je trouve des solutions. Et puis ,c 'est cool cette petite couture non ?
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Quand la vérité n’ose pas aller toute nue, la robe qui l’habille le mieux est encore l’humour &
C’est en trichant pour le beau que l’on est artiste
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Bob Zoran



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MessagePosté le: Ven Mai 03, 2019 17:12    Sujet du message: Répondre en citant

Étonnamment (ou pas), acthellement il n'y a pas beaucoup plus de pont sur le Danube entre la Roumanie et la Bulgarie. Heureusement avec l'intégration dans l'UE, les choses changent.
D'ailleurs au début de l'Orient Express, on avait un transbordement à Vidin par ferry il me semble pour continuer à Constantinople.
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demolitiondan



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MessagePosté le: Ven Mai 03, 2019 19:23    Sujet du message: Répondre en citant

Cher bob ... j aime quand les esprits se rencontrent ! Very Happy
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Bob Zoran



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MessagePosté le: Ven Mai 03, 2019 20:01    Sujet du message: Répondre en citant

Ma modeste contribution se limite aux transports et un peu à leur histoire. Je n'ai pas le talent littéraire et les connaissances pour plonger le lecteur dans la noirceur du front balkanique ou les aventures de la division Azul....sans oublier bien sûr les autres fronts et leurs auteurs !
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demolitiondan



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MessagePosté le: Ven Mai 03, 2019 21:22    Sujet du message: Répondre en citant

Alors sache si on va bientôt parler de certains sujets ... Very Happy
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Quand la vérité n’ose pas aller toute nue, la robe qui l’habille le mieux est encore l’humour &
C’est en trichant pour le beau que l’on est artiste
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Lascaris



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MessagePosté le: Sam Mai 04, 2019 18:09    Sujet du message: Répondre en citant

Casus Frankie a écrit:



Vers de nouveaux horizons
Aérodrome du Pirée


And where that might be? Commercial flying boats were landing at Phalerum and land planes at Tatoi airport, while two more military airports would exist at Eleusis and Hellenikon (completed during the occupation and turned over to commercial use post-war.

Citation:

j’espère, général Spiliotopoulos, que vous conviendrez que je fais preuve ici d’une grande confiance à l’égard de l’Armée royale grecque.


Minor note. It NEVER was the Royal Hellenic army unlike the navy and the air force. It's Hellenic army.[/quote]
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Sam Mai 04, 2019 18:38    Sujet du message: Répondre en citant

Hi Lascaris
I knew, about Piraeus. But this time, I forgot to change the word when I read Dan's tale. Sorry.
About Hellenic Army - this I didn't know, we'll change that. Funny it was Royal navy and Royal Air force, but not Royal Army ! Is there a reason ?
_________________
Casus Frankie

"Si l'on n'était pas frivole, la plupart des gens se pendraient" (Voltaire)


Dernière édition par Casus Frankie le Sam Mai 04, 2019 20:52; édité 1 fois
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Sam Mai 04, 2019 20:49    Sujet du message: Répondre en citant

(Et le spectacle continue…)

23 janvier
La campagne des Balkans
Maladie incurable
Kosovo
– Il neige, comme partout dans les Balkans, alors que les forces alliées se déploient dans le Kosovo, ramenant enfin un calme complet dans les vallées. Les evzones tiennent désormais fermement – ou peu s’en faut – la partie ouest de la province. Seule la frontière avec l’Albanie, notamment dans le secteur de Zhur, montre encore des signes d’agitation. Cette zone a été, en novembre précédent, le théâtre de désagréables incidents entre combattants du Balli Kombëtar et des assaillants non identifiés – sans doute des soldats de la 1ère Brigade d’assaut de Mehmet Shehu. Ceci explique sans doute cela.
Les ballistes, toujours vexés de l’absence de soutien allié lors de l’épisode de répression avant que l’Axe n’évacue la province, puis des récriminations du SOE lors des massacres de la Noël, ne paraissent d’ailleurs pas pressés du tout de collaborer avec les forces alliées. Par contre, ils s’efforcent, avec une vigueur véhémente, de minimiser autant que possible toute influence étrangère dans leur fief historique. En réalité, il semble bien que les miliciens souhaiteraient avant tout que ces damnés orthodoxes Grecs se décident : soit ils évacuent la région et les laissent régler leurs affaires en paix (enfin, en paix… façon de parler), soit ils les soutiennent franchement face aux collectivistes.
Confronté à ces manœuvres politiques, en l’absence d’interlocuteurs valables et pour ne pas se laisser entraîner dans un nouvel épisode de la guerre civile albanaise, Georgios Tsolakoglou, passé de Macédoine au Kosovo, prend une décision qui lui sera reprochée par la suite, mais qui est des plus logique de son point de vue comme de celui de sa hiérarchie. Il interrompt son avance à la frontière albano-yougoslave. Il entérine ainsi les positions des forces communistes dans la région de Kukës telles qu’elles sont figées depuis les événements suivant la mort de Gani Bey Kryeziu – ce qui correspond à une extension de la zone dévolue au Parti communiste albanais. Ce choix, très mal vu par Safet Butka comme par le général Pervizi, fragilise un peu plus la crédibilité des arbitrages alliés dans la région… mais dans le fond, et sauf à intervenir dans le conflit, les Grecs n’avaient pas vraiment le choix. De son côté, Brian Horrocks n’a pas souhaité donner son opinion : tout cela ne le concerne plus, il chemine actuellement vers Belgrade avec tout son monde. Un long voyage, par Podujevo et Nis… et en voiture, faute de train.

Prise de contact
Milot (Albanie)
– Sylvestre Audet, de son côté, affecte de ne pas s’intéresser à ces considérations. Il a fait son devoir lors de la conférence de Tirana et il a dû gérer une Noël sanglante à la mode balkanique, mais s’il est revenu dans la région, c’est pour prendre un commandement opérationnel : à Athènes de se débrouiller avec la politique ! D’ailleurs, il est pour l’heure sur le front, en Albanie : le Kosovo attendra.
Face à la rivière Mat qui gronde, en compagnie des généraux Anders, Maczek et Bronisław-Duch, le Français ne peut que réprimer une moue de dépit. Il y a déjà fort longtemps que les Jägers allemands ont déserté cette position – les reconnaissances le confirment sans aucune ambigüité. L’Axe n’a plus rien jusqu’au lac Scutari, à 45 kilomètres plus au nord. Et c’est vraisemblablement la même chose dans les monts de Puka.
Audet considère à présent ses camarades polonais : ils semblent se demander ce qu’ils font là. Et surtout combien de temps ils vont encore y rester ! Une troupe qui s’ennuie est une troupe qui… « Général Anders, que diriez-vous de quitter cet endroit fort peu agréable pour avancer jusqu’aux Allemands ? Avec prudence, mais au moins pour leur montrer que nous existons ? »
La situation sur les arrières du 2e CA polonais est calme, le ravitaillement fonctionne sans difficulté depuis Durrës… La proposition reçoit une approbation satisfaite sinon enthousiaste. Toutefois, afin de sécuriser les flancs polonais, Sylvestre Audet note de demander à Athènes l’autorisation de faire monter le 4e RST vers la frontière nord de l’Albanie et la région de Puka. Elle est réputée sûre et tenue par le PC albanais, lui-même réputé être un allié… Mais avec les drôles d’oiseaux qu’on rencontre dans la région, on ne sait jamais.

Migrations contraintes
Podgorica (Monténégro)
– La 373. ID Tigar Divizija d’Emil Zellner arrive dans la capitale monténégrine, prenant la place des rares éléments allemands encore présents dans la région. Ces derniers se retirent dans l’après-midi – les Croates (sous commandement allemand, cependant) sont désormais seuls aux commandes d’une section de front de 40 kilomètres, dont la 373. ID assure les arrières avec le soutien du 3. SS-GAK.
C’est donc une légitime fierté qui parcourt les rangs oustachis : le Reich fait enfin confiance au partenaire croate. Ante Pavelic est très vite mis au courant, par son commandant en chef Slavko Štancer. Très satisfait, il lui paraît évident que c’est un signe précurseur pour de bien plus grandes faveurs – un corps d’armée indépendant peut-être ?

A l’est, du nouveau
Drobeta-Turnu Severin (frontière roumano-yougoslave)
– L’équipe de pontonniers des Royal Engineers suivant la voie tracée par Sir Rhodes rend ses premières conclusions sur les possibilités techniques de construction d’un ouvrage d’art enjambant le Danube entre Roumanie et Yougoslavie dans le secteur du Danube. Avec flegme, les sapeurs experts de Sa Majesté précisent que : « l’opération, pour longue et coûteuse qu’elle puisse être, ne comporte pas de difficultés techniques majeures. Les tourbillons formés par les Portes de Fer, relativement proches du site choisi, pourraient toutefois mettre en péril à long terme la tenue de l’ouvrage, que nous recommandons donc aussi léger et souple que possible. C’est pourquoi un pont de bateaux, toujours susceptible d’être détaché en cas de crue, nous paraît une solution intermédiaire idéale, dans l’attente d’études plus poussées.
Un événement fortuit peut par ailleurs favoriser l’implantation de nos propres installations, s’il est exploité intelligemment : le Reich a sabordé dans ce secteur plusieurs dizaines de barges et autres embarcations incapables de remonter le cours du Danube, afin d’éviter leur capture. Ces épaves, bien que dangereuses pour la navigation, facilitent évidemment le repérage des hauts fonds et peuvent même servir de support provisoire aux câbles de guidage nécessaires à nos travaux. Nous nous proposons évidemment de procéder ainsi pour la suite des opérations.
Dans cette optique, un premier contact a été pris, selon vos instructions, avec les autorités militaires de la rive opposée. Celles-ci ne semblent pas devoir nous créer de difficultés, dans la mesure où nos activités leur sont rigoureusement annoncées à l’avance et encadrées par leurs effectifs. Je regrette toutefois de devoir préciser qu’elles nous ont indiqué ne disposer à l’heure actuelle d’aucun moyen humain ou matériel susceptible de nous assister. Nous ne pouvons donc qu’espérer que cet esprit de tolérance, sinon de collaboration, se prolongent aussi longtemps que nous serons conduits à franchir le Danube par cette future voie. »


Machinations serbes
Palais Blanc (domaine royal de Dedinje, Belgrade)
– Sur instruction directe du Roi, le ministre de la Justice Milan Gavrilović (ancien ambassadeur de Yougoslavie à Moscou et diplomate expérimenté) lance une enquête sur les liens présumés entre ses ministres Juraj Krnjević et Juraj Sutej (tous deux membres du HSS) et leur président Vladimir “Vladko” Maček, qui serait en résidence surveillée à Zagreb, mais qui reste un allié de jure d’Ante Pavelic. En effet, selon les informations des services secrets alliés (lesquels font d’ailleurs état d’une importante campagne politique menée par August Košutić), Maček serait aujourd’hui une personnalité majeure du NDH et considéré par certains comme « le chef incontesté du peuple croate », et ce bien que son statut personnel soit peu clair. Une information en partie confirmée par Krnjević lui-même, qui reste évidemment loyal à sa famille politique.
Or, s’exclame Pierre II Karađorđević : « Comment, dans les circonstances tragiques que traverse notre pays, est-il possible de conserver le moindre lien, ma moindre communauté de pensée avec des traîtres qui menacent l’unité même du Royaume et massacrent nos concitoyens ? »
Bien sûr, nul ne met vraiment en cause les deux ministres croates… du moins pour l’instant. Il s’agit de simples vérifications de routine, fort courantes dans le contexte du conflit actuel. Et d’ailleurs, très peu de monde dans l’appareil d’état yougoslave est véritablement au courant de l’étendue exacte de cette enquête, hormis le cabinet restreint du roi et le Premier ministre Slobodan Jovanović. Mais il n’empêche… Suspicions et bruits de couloirs courent vite dans les allées du palais. Par exemple : « Comment se fait-il que les chars allemands se soient retrouvés exactement sur la route du général Brasic ? »

L’orgueil d’un amiral
La piste turque
Budapest
– Le ministre des Affaires étrangères hongrois Jenő Ghyczy de Ghicz remet au Régent son premier rapport relatif aux négociations en cours à Ankara avec les Alliés. Elles ne sont hélas pas aussi encourageantes qu’attendues. En effet, les Anglais refusent la quasi-totalité des propositions, cependant bien raisonnables, formulées par Budapest.
Pourtant, depuis les premiers contacts, les Hongrois ont déjà mis beaucoup d’eau dans leur Egri Bikaver : ils ne demandent plus vraiment que la garantie que l’Armée Rouge n’entrera pas sur leur territoire – territoire dont les frontières exactes restent d’ailleurs à définir. Hélas, à Londres, on refuse de s’engager sur ce point. Et pourtant, les armées du roi George VI campent aux portes de la Hongrie ! Vraiment, la courtoisie des Britanniques, tant vantée par Horthy, semble bien passée de mode. Car leur contre-proposition fort simple : la Hongrie doit rompre immédiatement avec l’Axe, ouvrir son territoire à toutes les armées alliées et attendre la fin du conflit pour négocier une paix avec la totalité des Nations-Unies, qui détermineront en commun le sort du régime actuel et de ses dirigeants. Ce n’est pas une capitulation sans conditions – mais cela y ressemble fort !
Miklós Horthy repose le document sur son bureau d’un air agacé. Evidemment, l’amiral-régent espérait un peu mieux. Et il ne comprend absolument pas pourquoi les Alliés font tant d’histoires au sujet de son avenir personnel. La stabilité du régime actuel est pourtant un atout pour l’après-guerre – nul doute que Győrgy Barcza saura le leur expliquer à Berne.
Car si chose paraît claire dans l’esprit d’Horthy, c’est que, dans cette affaire, le ver n’est pas dans le fruit. Il est dans celui qui le cueille. Qu’est-ce qui a pris aux services diplomatiques de s’appuyer pour les négociations d’Ankara sur ce George Paloczi-Horwath, un exilé vraisemblablement circonvenu par Tito et ses communistes ! Et qui nous dit qu’il ne joue pas également un double jeu avec les Britanniques ?
Une colère amirale plus tard, Ghyczy de Ghicz ressort du bureau du Régent avec l’ordre de remplacer Paloczi-Horwath par un personnage plus sûr : ce sera Lázló Veres, un responsable du service de presse gouvernemental magyar qui partira pour la Turquie afin de préparer la foire internationale d’Izmir (laquelle n’aura pourtant lieu qu’en septembre). Sitôt Veres arrivé à Ankara, il sera possible de relancer les négociations par ce canal – dans l’attente, les autres actions doivent bien évidemment se poursuivre.
L’amiral Horthy replonge dans ses dossiers, sans réaliser que si cette piste turque est une impasse, ce n’est pas totalement du fait du négociateur. Certes, il sera bien prouvé après la guerre que Paloczi-Horwath était un militant communiste… mais les exigences hongroises sont inaudibles pour les Alliés, peu importe qui les expose. Les autres plénipotentiaires magyars vont très vite en faire l’expérience. Et puis, la filière turque a un autre grave défaut, qui engage encore plus l’avenir : elle comporte bien trop d’intermédiaires, pas tous forcément bien disposés envers la Hongrie. Car Budapest s’est fait de très nombreux ennemis ces dernières années – et pas uniquement les communistes et autres titistes …


24 janvier
La campagne des Balkans
Reprise de contact
Albanie
– Avec toutes les précautions nées de l’expérience, le 2e Corps polonais commence à faire avancer une brigade de la 5e Division d’Infanterie du général Bolesław Bronisław-Duch en direction du nord, vers Shkodër. Bien que renforcés d’un régiment blindé, les fantassins cheminent avec une sage lenteur : en se retirant, les Allemands ont sûrement laissé une foule de mines et autres pièges. Or, aucun Polonais n’est disposé à mourir pour libérer un peu plus vite un morceau du nord de l’Albanie.
Sylvestre Audet, de son côté, a obtenu d’Athènes l’autorisation d’avancer le 4e RST et le 107e RALCA de Gostivar jusqu’à Ujmisht, soit aux confins de la Terre comme de la zone tenue par le PC albanais. Conscient qu’il ne peut éternellement laisser traîner le problème, et avec l’accord (ravi) de sa hiérarchie, le Français remonte donc vers le Kosovo pour tenter une fois de plus de contrôler le chaos.

Tempête de neige
Yougoslavie
– Il neige aujourd’hui sur tous les Balkans. Ce sont donc des conditions idéales pour l’Axe, qui lance une nouvelle opération de “pacification” : Schneesturm. Ayant déjà constaté l’efficacité du procédé lors de Kugelblitz, la 20. Armee envoie les hommes du XV. Gebirgs-Armee-Korps à l’assaut de deux cercles équivalents, centrés respectivement sur Pljevlja et Plužine. Il convient de dégager une fois pour toutes les voies de communications à l’arrière des unités allemandes, alors que ces dernières vont bientôt “glisser” vers le nord, selon le souhait de von Weichs. Pour cette tâche, la 117. Jäger de Karl von Le Suire (toujours en réserve à Goražde) met la main à la pâte. Elle est renforcée d’éléments du SS Polizei-Selbstschutz-Regiment Sandjak et des troupes de Pavle Đurišić, venant du sud. Enfin, un régiment de la 7. SS-Gebirgs-Division Prinz Eugen apporte son expertise, même s’il lui est visiblement pénible de suivre les directives de la Heer. Mais peu importe pour le commun des mortels : dans la région, chacun retient désormais son souffle…

Préparatifs aériens
GQG du 18e GAA (Athènes)
– L’Air-Marshal Sir Arthur Tedder préside à une réunion de préparation interarmes, en présence d’Antoine Béthouart, de Panagiotis Spiliotopoulos et du général Weiss, de l’Armée de l’Air. Le but de cette entrevue est de définir, dans le cadre de la planification du triptyque Plunder-Véritable-Grenade, les futurs besoins des forces terrestres en appui aérien comme en campagne avancée. Les décisions prises stipulent que :
– Les conditions climatiques et le rééquipement en cours d’une partie des squadrons interdisent toute action majeure avant début mars ;
– cette contrainte est pleinement cohérente avec le démarrage des opérations terrestres, prévu pour fin avril eu égard aux opérations de construction ferroviaire et de recomplément logistique en cours ;
– la poussée initiale des trois offensives devra être soutenue par le maximum de moyens aériens et sur leurs trois axes, afin de maintenir l’ennemi dans l’incertitude sur le but réel de l’action alliée ;
– ce doute devra avoir été instillé au préalable par une campagne de bombardement semi-stratégique s’étalant tout au long de mars et d’avril et qui visera autant la Yougoslavie que la Hongrie, des actions sur Trieste et l’Autriche n’étant pas exclues ;
– la redirection des moyens aériens s’effectuera, après la poussée initiale, en fonction des résultats des trois actions terrestres et en privilégiant les plus favorables, étant entendu que Plunder conserve une priorité totale sur les deux autres opérations.
Fin connaisseur des Balkans et diplomate averti, Béthouart a suggéré que les formations yougoslaves (soit sept groupes), soient affectées spécifiquement à Grenade – délicate attention qui plaira (peut-être) à l’état-major royal, et favorisera sans aucun doute l’efficacité du soutien ! Evidemment, à propos des Yougoslaves, chacun convient qu’il est préférable de ne pas leur fournir plus d’informations que le strict nécessaire sur la délicate interaction entre les trois offensives – la “yougoslavisation” totale de Grenade allant bien sûr dans ce sens.
Sur ce, Béthouart et Spiliotopoulos prennent congé. Désormais entre aviateurs, Tedder et Weiss se mettent sans tarder à l’ouvrage. Il y a beaucoup de travail et il est probable que les squadrons de bombardiers lourds déployés en Italie – qu’ils soient britanniques ou de la 12th Air Force – devront être mis à contribution. Les négociations avec le général Alexander et son état-major s’annoncent donc très serrées…

A l’est, du nouveau
Col de Kulata (frontière bulgaro-grecque)
– Sir Rhodes et son équipe repassent enfin de l’autre côté du Danube, vers ce que l’on n’appelle pas encore “l’Ouest”, avec une curieuse impression mais le sentiment du devoir accompli. En effet, la route de Belgrade est enfin tracée et dégagée. Modulo les petits problèmes de traversée du Danube, qui étaient de toute façon prévisibles, ou de raccordement entre Blagoevgrad et la ligne Salonique-Alexandroupolis , ce sont tout de même 190 miles de voies préexistantes, et immédiatement exploitables pour la logistique alliée, qui ont été repérées.
En fait, pour établir la connexion avec Salonique, il n’y a plus qu’à construire le raccordement évoqué plus haut, ainsi que la ligne Zaječar-Belgrade – soit 135 miles seulement. Peut-être encore moins, si d’aventure il était possible de procéder à un second raccordement au sud de Belgrade, sur les sections les mieux conservées du réseau yougoslave. En tout cas, cela fera toujours plus court que les 250 miles du trajet direct Skopje-Belgrade, qui passent de surcroît dans des régions bien plus ravagées par la guerre.
Evidemment, Godfrey Rhodes sait bien que sa construction n’est rien d’autre qu’un arrangement transitoire, « un détour par le quartier rouge », plaisantent déjà certains… Mais il n’empêche : le Canadien est fier de sa trouvaille et regagne Salonique avec la certitude qu’il restera forcément quelque chose des ponts qu’il fait construire pour enjamber les rivières, les frontières et les régimes.
De sa courte excursion de l’autre côté du futur “Rideau de fer”, et plus généralement de sa longue traversée des Balkans, la postérité tirera une biographie romancée, intitulée Un Train pour la Liberté. Celle-ci décrit par le menu et avec un réelle rigueur technique les travaux menés par le Supply Service, ainsi que les méthodes tout à fait capitalistes et la débauche de moyens utilisés par ses chantiers – chantiers menés, faut-il le rappeler, dans des pays en grande partie agraires et (depuis peu) communistes. L’histoire s’achève tragiquement quand certains soldats soviétiques, médusés par la puissance industrielle du monde réactionnaire, tentent de “passer à l’Ouest” sous les tirs des gardes-frontières et le regard dépité de Rhodes. L’ouvrage sera plus tard adapté au cinéma, avec William Holden dans le rôle de Rhodes, Sir Alec Guinness dans celui du colonel Canterbry et Donald Pleasance dans le rôle du sinistre responsable soviétique du NKVD…
En réalité, les choses n’allèrent pas aussi loin – et ce, du fait de ce fameux NKVD, qui fit en sorte de limiter le plus possible les interactions entre les représentants des deux mondes, allant jusqu’à organiser une sorte d’invisibilité des travaux en cours par les troupes d’occupation. Cette séparation répondait évidemment à des considérations de propagande intérieure : pour le stalinisme, il ne pouvait être question d’envisager la moindre réussite capitaliste, a fortiori sur le sol d’un pays libéré par l’Armée Rouge. Les seuls (et fort rares) “passages à l’Ouest” furent le fait de civils roumains, dont certains furent parfois repoussés par les soldats alliés une fois parvenus en Yougoslavie.

Machinations serbes
Palais Blanc (domaine royal de Dedinje, Belgrade)
– Dans le cadre de la préparation de la future offensive alliée, dont il ignore encore tout mais dont il paraît évident qu’elle partira de Serbie, Pierre II décrète « la mobilisation générale de tous les Yougoslaves et de toutes les énergies pour libérer la Patrie ». Les pouvoirs civils sitôt réinstallés et une ébauche de gendarmerie remise en place, une opération de conscription massive est lancée, sans d’ailleurs qu’il soit systématiquement nécessaire de recourir à la force. La jeunesse serbe et macédonienne (mais surtout serbe), affamée mais enthousiaste (et peut-être enthousiaste parce qu’affamée) est debout. Elle est sur le front dans l’Armée, dont les effectifs sont regonflés par de jeunes recrues, comme sur les routes, à l’arrière, pour réparer les ouvrages d’art, déblayer les ruines et remettre les infrastructures en état. « Si les Occidentaux ne veulent pas nous aider, nous ferons sans eux ! » dira à ce sujet Pierre II Karađorđević – même s’il se gardera de le faire en public ou devant les caméras.
Les caméras des services alliés, elles, sont déjà bien assez occupées pour s’intéresser d’aussi près au pays des Slaves du Sud – ce qui ne les empêche pas de tourner plusieurs reportages à son sujet, tous dûment encadrés par les services du Palais et clairement destinées à émouvoir le public international. Pour qui ne connaît pas le pays, et vu (par exemple) des Etats-Unis, le redressement du Royaume est une belle histoire, celle d’un peuple fier et guerrier, qui n’a jamais cédé un pouce de son honneur. Ainsi, la photographie d’un (très) jeune engagé sur le front du Danube, dans la 1ère Division du général Krstic, auquel son père (habitant non loin) vient rendre visite dans sa tranchée, fera le tour du monde et tirera des larmes dans mainte chaumière du Middle-West.
Mais tout cela, bien sûr, est pour la galerie… La réalité est sensiblement plus complexe. Parfois, seul parmi les fantômes de sa demeure, Pierre II a du vague à l’âme. Il sait que le compte n’y est pas et que la Yougoslavie est encore très loin d’avoir retrouvé sa grandeur.
Ce soir, il songe ainsi quand Momčilo Ninčić entre dans la pièce – bien que jugé des plus douteux par les autres gouvernements alliés (qui lui reprochent autant son extrémisme pan-serbe qu’une grande propension à l’intrigue), le ministre des Affaires étrangères yougoslaves bénéficie d’un crédit important auprès du jeune souverain. Ce qui n’est pas forcément une bonne chose… Mais peu importe pour Pierre, qui se redresse en le voyant arriver : « Ah, Monsieur le Ministre ! Quelle nouvelle déconvenue venez-vous m’annoncer cette fois-ci ? »
Ninčić est tout miel face au roi : « Déconvenue ? Aucune, Sire ! La situation du Royaume s’améliore de jour en jour. Et la Victoire parait désormais certaine ! »
– Certes, Monsieur le ministre. Certes. Mais quelle victoire ? Celle du Royaume, des Occidentaux ou même des Bolcheviks ? Nos forces sont dramatiquement faibles, Monsieur Ninčić, de par le sort des armes ou le trop faible soutien qui leur est offert. Je dois avouer que je ne sais comment y remédier, alors que la trahison assaille le pays.
– Si Votre Majesté m’autorise à émettre un avis, il faut apporter des solutions locales à nos problèmes locaux. Anglais et Français, malgré leur indéniable bravoure, n’ont pas notre vision ni notre triste expérience de la sédition. Il nous faut donc y remédier par nous même, pour le bien de tous.
– Et comment ? Avec quels moyens se débarrasser des Oustachis, puis de la bande de ce… Tito ? Quels alliés trouver contre eux ?

Un silence, un sourire grimaçant – Momčilo Ninčić se lance : « Hé bien Sire, il y a encore des combattants qui se cachent dans les montagnes… »
A ce moment, un courant d’air glacé pénètre dans la pièce – une huisserie mal fermée, une fenêtre mal calfeutrée peut-être. Pierre II est interloqué, effrayé, même, par cette suggestion qu’il rejette d’autant plus qu’elle le fascine : « Mais ce sont des meurtriers et des traîtres ! Vous les enrôleriez ? Ils ne sont même pas Serbes ! »
– C’est vrai, Sire, mais ce sont des Yougoslaves, si nous leur donnons la possibilité de le prouver…


Les Grecs font les difficiles
Athènes (Palais royal)
– Faisant suite à la réunion discrète (mais non totalement secrète) du 22 janvier, le gouvernement de Georgios Papandreou répond une nouvelle fois à l’état-major du 18e GAA qu’il oppose « à regret mais avec une fermeté absolue une fin de non-recevoir quant à la mise à disposition hors des frontières grecques de la 5e Division d’Infanterie, actuellement à Xanthi, ainsi que du 1er Corps d’Armée, déployé en Attique, tant que les considérations de sécurité sur la frontière bulgare ne seront pas résolues et que les risques de déstabilisation de notre Nation par des agents de l’Etranger ne seront pas éliminés. Le Royaume de Grèce, qui n’ignore rien des efforts considérables fournis par ses valeureux alliés pour sa libération, ne saurait évidemment reprendre sa parole et réaffirme sa pleine implication dans la lutte commune. Mais ces mêmes alliés doivent également considérer le fait que leurs efforts risqueraient de s’avérer vains et leurs sacrifices inutiles si d’aventure, attisée par quelque influence malfaisante, la guerre civile devait engloutir le pays.
Toutefois, le gouvernement ne doute pas que le Premier ministre Winston Churchill, qui a déjà fourni au Royaume un soutien aussi généreux que désintéressé [sic !], saura fournir les assurances à même de permettre un accord mutuellement profitable entre les deux parties. »

Le câble est transmis au Foreign Office aux environs de 14 heures – il est sur le bureau de Churchill pour l’heure du thé (même si l’homme n’en boit guère). Prenant connaissance de ce texte sous le regard d’un calme étudié de Sir Anthony, l’épicurien politique s’exclame : « Des garanties ! Ils veulent des garanties face à Staline ! Alors que je suis bien en peine d’en obtenir moi-même au nom du Commonwealth tout entier ! »
Anthony Eden ne peut qu’abonder dans ce sens, avec une réserve toutefois : « Prime Minister, je conçois votre agacement, que je partage évidemment. Toutefois, il n’est point ici question de garantie écrite – je pense que la parole de l’Angleterre, qui n’a jamais manqué à ses alliés, devrait… »
– Oui, oui ! Une fois encore, nous allons devoir porter nos amis à bout de bras. Comme en 1940 ! Je vous le dis, Anthony, heureusement que la Grèce est un beau pays !

Puis, Churchill sort un havane particulièrement onéreux d’un élégant coffret et entreprend de l’allumer. Quelques bouffées plus tard, il reprend, le regard perdu vers les boiseries du plafond : « Hmmm… Vous avez raison, évidemment. Parler à ce régent Paul, s’accommoder Pierre II et même discuter avec le Diable et ses démons mineurs : Staline et Tito. Où en est le voyage prévu en février ? »
– Les discussions avec les services soviétiques avancent bien, Prime Minister. La date du 16 février est évoquée pour une entrevue avec le maréchal Staline.
– Parfait. Sur la route de Moscou, arrangez-moi, je vous prie, quelques rendez-vous à Athènes. Avec le régent grec, mais aussi avec le jeune roi Pierre et avec ce Mister Tito. Eux feront bien le voyage d’Athènes pour venir me voir, hmm ? Et tant qu’à faire, vous mettrez en temps utile la presse au courant de ces entretiens – avec le monde entier à témoin, personne n’osera me dire non.
– Comme vous le souhaitez, Prime Minister.


L’orgueil d’un amiral
Doutes allemands et dénonciation
6e Division du RSHA (Palais Prinz-Albrecht, 102 Wilhelmstraße, Berlin)
– Le bureau du SS-Brigadeführer Walter Schellenberg voit se succéder entrevues officieuses, réunions officielles et remise de rapports d’informateurs. C’est que, avec la chute inévitable (et méritée !) de cette incompétente d’Abwehr, la Ausland-SD (1) assume désormais seule la lourde responsabilité de renseigner l’Allemagne sur les menées de ses nombreux ennemis. Etats-Unis, Angleterre, France (même ici, on commence à perdre l’habitude de dire “Afrique”), Moyen-Orient, Amérique latine (y compris l’Argentine !)… il y a tant à faire et si peu de moyens !
Aujourd’hui, c’est la Section E qui demande l’attention de l’efficace et redoutable administrateur SS (2). L’unité chargée de l’espionnage en Europe de l’Est. Elle n’a pas brillé ces derniers temps, c’est le moins que l’on puisse dire ! Qu’a-t-elle à annoncer de si important ? Le jeune officier – il n’a que 33 ans ! – parcourt rapidement le rapport dactylographié et frappé du tampon « Streng geheim » en gothiques. Hum… Apparemment, un “informateur Z” (donc considéré comme fiable) informe le Grand Reich avec force détails et documents de négociations secrètes en cours entre la Hongrie et les puissances ennemies du dit Reich. L’éventualité d’un basculement, ou du moins d’une tentative de basculement du pays, selon le modèle inauguré par l’Italie et reproduit (avec plus ou moins de succès) par la Roumanie et la Bulgarie, parait « grave et imminente ».
Schellenberg repousse le document avec gravité. L’homme est évidemment un nazi fanatique, mais cela ne l’empêche pas de réfléchir – et il a clairement le bagage nécessaire pour cela. Diplômé de droit, méprisé par les gros bras de la Schutzstaffel (qui lui ont toujours reproché ses manières d’intellectuel), le SS-Brigadeführer est arrivé à son poste à force de travail, et ce dans tous les domaines. Outre ses responsabilités dans le renseignement, il est également en charge de la coordination entre la Heer et les Einsatzgruppen, et a l’oreille du Reichsführer SS en personne (3) ! Feu Reinhard Heydrich l’appréciait d’ailleurs au moins autant…
Alors que la SS resserre enfin le lacet sur le cou des civils et militaires incompétents ou insuffisamment fanatisés, une place est clairement à prendre dans la nouvelle Allemagne pour le chef de la 6e Division du RSHA. Prédire avec exactitude un événement important pourrait bien assurer une fois pour toutes la suprématie de son service ! Et puis, dans le fond, ce rapport ne contient rien de vraiment surprenant : les Hongrois ont prouvé depuis longtemps leur duplicité et leur ingratitude, d’autres agents, dûment sollicités, devraient sans doute pouvoir recouper très vite ces informations.
Le document part donc vers la Chancellerie et le bureau d’Himmler avec la mention « Urgence Absolue ». Voilà qui devrait faire plaisir au Führer, lequel va sous peu rencontrer le Régent ! « Décidément, ce vieux croulant n’est plus bon à rien ! » se dit Schellenberg avec un sourire mauvais. Cependant, il s’interroge : « Mais qui a bien pu le dénoncer ? »

Notes
1- Le service de renseignements extérieurs de la SS, ou « Département VI du Bureau de Sécurité principal du Reich ».
2- Le service de Schellenberg est divisé en six sections : A (Organisation, administration), B (Europe de l’Ouest), C (Union Soviétique et Japon), D (sphère américaine), E (Europe de l’Est) et F (section technique).
3- Notamment parce qu’en 1938, en Autriche, Schellenberg a sauvé la vie d’Himmler en lui évitant un accident de voiture.


Dernière édition par Casus Frankie le Sam Mai 04, 2019 20:51; édité 1 fois
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demolitiondan



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MessagePosté le: Sam Mai 04, 2019 20:49    Sujet du message: Répondre en citant

A short-way in my spirit - i will check for other iterations on both Item 8) 8) you re very welcome Lascaris !
_________________
Quand la vérité n’ose pas aller toute nue, la robe qui l’habille le mieux est encore l’humour &
C’est en trichant pour le beau que l’on est artiste
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Capu Rossu



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MessagePosté le: Sam Mai 04, 2019 21:25    Sujet du message: Répondre en citant

Bonsoir,
Citation:

Comment, dans les circonstances tragiques que traverse notre pays, est-il possible de conserver le moindre lien, la moindre communauté de pensée avec des traîtres qui menacent l’unité même du Royaume et massacrent nos concitoyens ?


Citation:
ils ne demandent plus vraiment la garantie que l’Armée Rouge n’entrera pas sur leur territoire


@+
Alain
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