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FREGATON



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MessagePosté le: Mar Avr 30, 2019 09:44    Sujet du message: Répondre en citant

raven 03 a écrit:

je me demande quand meme si il y a de la pomme dedans ????


Juste de la betterave et de la sciure...8)

Pour les armes du Paco, le Lebel peut être un des rares exemplaires pour "bons tireur"(on ne parlait pas de sniper à l'époque) équipé d'une lunette APX modèle 1921 montée sur un support directement fixé sur l'arme (contrairement aux APX modèle 16 et 17) avec une hausse de 50 à 1300 m. Pour le MAS 36, pas évident d'y adapter une optique sans passer par un usinage qui dépasse probablement les capacités sur le terrain. Sinon, nous sommes en mai 41 et les américains ont probablement déjà du fournir des Sprindfield 1903 avec scope ...

Oups, doublé par Dronne... Very Happy
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requesens



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MessagePosté le: Mar Avr 30, 2019 09:49    Sujet du message: Répondre en citant

Une précision technique. Le Mas 36 n'a jamais été livré avec une lunette, l'arme des tireurs d'élite était le Lebel 1886 M93, bref celui de la 1º guerre. Toutefois il y eu des bricolages, le net regorge de photos de Mas36 avec des lunettes de visée. Pour des raisons que d'autres expliqueront bien mieux que moi, la lunette devait être montée très en arrière et la position de tir devenait inconfortable.
Ceci étant le Mas36 était plus court que le Lebel, mon héros l'utilise en arme de recours, un plan B en quelque sorte.

Re-oups...doublé par Dronne et Fregaton
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FREGATON



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MessagePosté le: Mar Avr 30, 2019 10:06    Sujet du message: Répondre en citant

requesens a écrit:
... le net regorge de photos de Mas36 avec des lunettes de visée.

Exact, il s'agit le plus souvent d'exemplaires "customisés" par des armuriers civils. Ils n'ont rien de réglementaires et sont généralement très largement postérieurs à la 2éme GM.
Le montage dont tu parles (avec lunette très en arrière) doit être une adaptation de l'APX 806 (lunette mod 53), qui se montait sur les MAS 49 et 49/56.
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requesens



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MessagePosté le: Mar Avr 30, 2019 10:15    Sujet du message: Répondre en citant

FREGATON a écrit:
requesens a écrit:
... le net regorge de photos de Mas36 avec des lunettes de visée.

Exact, il s'agit le plus souvent d'exemplaires "customisés" par des armuriers civils. Ils n'ont rien de réglementaires et sont généralement très largement postérieurs à la 2éme GM.
Le montage dont tu parles (avec lunette très en arrière) doit être une adaptation de l'APX 806 (lunette mod 53), qui se montait sur les MAS 49 et 49/56.


Je m'incline devant tant de savoir..
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Mar Avr 30, 2019 16:01    Sujet du message: Répondre en citant

10 mai 1941
Première campagne de Grèce
Kumanovo
– La veille au soir, un orage avait illuminé la campagne. Eclairs et tonnerre, comme une répétition générale du bruit et de la fureur de la lutte qui s’annonçait. Les combats autour de la ville s’achevaient peu à peu, les troupes françaises se repliaient. Souvent estropiés, les blindés encore capables de se mouvoir tentaient de se mettre à l’abri, laissant le terrain aux Allemands. Regroupées dans la ville, les forces du général Dentz attendaient le choc à venir.
Au petit matin, le lieutenant avait réuni tous ses hommes, seuls manquaient ceux qui étaient de garde. Le discours fut bref, chacun connaissait son emplacement, les armes approvisionnées, les explosifs positionnés, toute l’unité connaissait le plan. De la Motte regarda ses hommes – « Le calme des vieilles troupes » pensa-t-il, satisfait.
– Allez Messieurs, pour la…
La quoi d’ailleurs ? La France ? Ils étaient tous Espagnols, la Légion ? Beaucoup d’entre eux étaient des antimilitaristes acharnés, la victoire ? Oui bien sûr, la victoire, mais…
A ce moment, il entendit à côté de lui la voix du légionnaire David Toledano, qui avait perçu son hésitation et lui venait en aide avec son accent bizarre : « Lechaïm, mon lieutenant. A la vie ! »
Et le lieutenant Philibert de la Motte, aristocrate et héritier d’une longue lignée de militaires, reprit : « Oui, à la vie, Messieurs ! »
Incorrigible, il ne put s’empêcher de murmurer à voix basse : « Ah, que tout cela est donc romanesque ! »
David Toledano était un Juif de Ceuta à qui ses petites lunettes rondes donnaient un air d’intellectuel distrait. A la différence de tous ses camarades, il ne se battait pas pour la république – française ou espagnole – ni pour le socialisme, le communisme ou une autre doctrine politique. Non il luttait contre l’intolérance, contre l’obscurantisme, contre le fanatisme. Bref, il s’opposait à l’époque et croyait encore en l’Homme. Au sectarisme, il opposait l’universalité de la culture. Et puis, il n’avait pas envie que les Allemands viennent faire à Ceuta ce qu’ils avaient fait aux Juifs chez eux.
A l’automne 1940, il était passé au Maroc français pour s’engager dans la Légion – il avait dû batailler ferme avec l’officier recruteur pour ne pas être incorporé à la 15e DBLE Massada-Valmy mais à la 14e Ebro. Il avait expliqué qu’en tant que Séfarade, il préférait être avec des non-juifs espagnols qu’avec des Ashkénazes baragouinant un yiddish auquel il ne comprenait goutte. Perplexe, le vieux capitaine avait accepté en constatant qu’il parlait, en plus de l’espagnol, le français et le ladino. Ladino ? Latin, peut-être ? Mais pourquoi diable un juif parlait-il latin ? Vraiment, la Légion était un monde à part !
Sans idéologie particulière si ce n’est la défense de la liberté, il fut versé dans le groupe le moins nombreux, celui des communistes. Dire que son arrivée passa inaperçue serait mensonger. Jeune et n’ayant jamais combattu, il se démarquait de ses camarades, qui étaient tous des soldats expérimentés. Pire : fils de négociants, c’était un bourgeois. Bien pire encore : juif, c’était un représentant de la banque et du capitalisme ! Bref, David Toledano était un ennemi de classe typique ! Néanmoins, une question fut bientôt murmurée de bouche à oreille dans le groupe : « Mais, heu… Tu sais ce que c’est un juif, au juste ? » Pinti qui, en plus d’être communiste, était doté du sens de l’humour et d’une certaine culture, répondit : « Non, bien sûr, aucun de nous ne le sait plus depuis le XVe siècle ! » Ce qui était historiquement pertinent, mais n’éclairait guère la lanterne de ses camarades. Tous ces révolutionnaires anticléricaux s’efforcèrent de se rappeler ce qu’ils avaient appris sur ceux qu’on appelait parfois « le peuple élu » (pourquoi, d’ailleurs ? et élu par qui ?). Dans leur prime jeunesse, au catéchisme ou à la messe, on leur disait : « Ils ont tué le Christ » et c’était à peu près tout. Ce crime, il faut bien le dire, rendait plutôt les juifs sympathiques à leurs yeux de bouffeurs de curés, mais n’exonérait pas leur nouveau camarade d’être de naissance un ennemi du prolétariat. Que faire ? Ils n’allaient quand même pas avouer leur ignorance aux socialistes, moins encore aux anarchistes !
La section décida donc d’inviter le camarade Toledano à lui expliquer ce qu’était le judaïsme et à justifier son engagement dans la lutte antifasciste. Le lendemain soir, la nouvelle recrue expliquait la Torah, le Talmud et même un peu le Zohar à un auditoire peu habitué à ce type de discours. Sans le savoir, il fit céder toutes les préventions à son égard en racontant que près de l’entrée de la maison de ses parents, à Ceuta, il y avait une niche dans laquelle était accrochée la clé de la porte que ses ancêtres avaient refermé derrière eux quand, près de cinq siècles plus tôt, ils avaient dû quitter Tolède. Exilés eux aussi, ils comprenaient la souffrance du départ et espéraient que leur absence serait bien plus courte que celle de leur nouveau camarade.
Mais pour que l’intégration au groupe fût parfaite, il fallait que le jeune homme devienne un vrai communiste. Velasco Pinti s’attela à la tâche et fit preuve de prosélytisme. Il essaya d’enseigner à David une nouvelle foi : foi en la propriété collective des moyens de production, foi dans le triomphe de la Patrie des Travailleurs et foi en la clairvoyance du camarade Staline. Pour finir, content de lui, il conclut son exposé par une citation de Marx : « De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins. »
– Tu connais Marx, au moins, camarade ?
– Mais oui, Karl Marx – encore un de ces Juifs du Froid, comme dit mon rabbin. Son grand-père était rabbin et son père un converti. Un converso, donc, comme en Espagne au temps de l’Inquisition.

L’ancien commissaire politique en resta bouche bée. Si c’était vrai, il valait mieux garder pour lui cette information. Il n’avait nulle envie de passer pour un révisionniste ou – pire encore – pour un trotskyste. Mais au fait…
– Heu, camarade… Tu n’as aucune sympathie pour Léon Trotsky, j’espère ?
– Trotsky ? Oh non ! Encore un Ashkénaze qui a préféré la politique à la Torah ! Tant pis pour lui, on sait ce que ça lui a apporté !

Pinti, un peu pâle, décida aussitôt qu’il pouvait s’en tenir là en ce qui concernait la formation politique du camarade Toledano. Celui-ci n’était pas un prolétaire : de ce fait, il ne pouvait avoir de conscience de classe, mais tous pouvaient le considérer comme un allié objectif dans la lutte. D’ailleurs, Marx et Engels eux-mêmes ne considéraient-ils pas que la classe ouvrière devait absolument s’adresser à la petite bourgeoisie afin de ne pas la rejeter dans la réaction ?
………
La veille au soir, Marcel avait reconnu les limites de Kumanovo. Les défenseurs avaient pris position dans les faubourgs, plus tout à fait la campagne mais pas encore la ville. Le tissu urbain n’était pas uniforme : des immeubles récents de plusieurs étages côtoyaient des maisonnettes en bois entourées de jardinets. Entre les rues s’étendaient quelques vergers, vestiges d’un récent passé agricole. Plus loin, la campagne était quadrillée de champs d’où s’élevaient de temps à autre les cimes de quelques arbres. Le long des canaux d’irrigation poussaient des buissons et arbustes qui rompaient l’uniformité monotone des cultures.
Du point le plus haut du quartier, il jouissait d’une vue d’ensemble. La ville était située dans une petite plaine entourée de montagnes, étroite au nord et à l’ouest et qui allait en s’élargissant vers le nord-est. C’était là que le commandement allemand avait massé le gros de ses troupes, sauf la 9e Panzer, qui arrivait de l’ouest.
La logique voulait que les Allemands, supérieurs en nombre et en armement, ne prennent pas de risques inutiles. La zone d’approche la plus large et la plus facile était située au nord-nord-est, le gros de l’attaque devait se situer là. En faisant demi-tour sur lui-même, il devinait le dispositif français, des immeubles fortifiés, des pièges. Derrière étaient embusqués les mortiers de 81, les anti-char de 47 et les pièces de 75. Les canons de 25 étaient quant à eux disséminés dans les faubourgs, en appui rapproché de l’infanterie.
La position défensive s’appuyait sur deux petits cours d’eau dont la réunion formait la Koumanovska, qui coulait vers le sud en longeant la ville. A l’est, elle représentait la dernière protection naturelle, si la défense échouait les ordres étaient de se replier derrière elle. A l’ouest, rien de tel, la seule option était de reculer rue par rue et d’entraîner les Allemands dans une guérilla urbaine. « ¡ No pasaran ! » pensa-t-il avec une ironie amère.
Il revint à sa petite guerre. Par expérience, il savait que le point le plus élevé n’était pas forcément celui qui offrait les meilleurs angles de tir, sans parler des possibilités de repli ! Après avoir visité plusieurs bâtiments, il choisit deux édifices récents de trois étages en briques. Les nombreuses fenêtres multipliaient les options de tir et quelques arbres au pied des immeubles dissimuleraient un départ précipité.
………
Vers 09h00, un raid de Ju 87 marqua le début de la bataille pour la ville. Peu après, les forces allemandes attaquèrent au nord-est et à l’ouest, la 9e Panzer heurtant de front la 191e DIA, à droite de l’Ebro. Les Allemands étaient allés au plus simple, en négligeant le nouveau faubourg. Se portant directement sur les limites de la cité, ils offraient leur flanc à une contre-attaque. Mais le caporal ne pouvait pas le voir.
Le Lebel croisé dans le dos, le Mas 36 à la main, il s’était aventuré dans la campagne alors que le jour ne s’était pas levé. Il avait laissé derrière lui son casque et tout ce qui était métallique, allant jusqu’à remplacer son bidon par une outre en peau. Ses camarades l’avaient vu entourer ses armes de guenilles, découper une ouverture dans une couverture sur laquelle il avait cousu des feuillages avant d’y passer la tête. Ils l’avaient regardé s’éloigner couvert de cette cape de fortune, après lui avoir souhaité « Suerte ».
Velasco Pinti l’avait longtemps suivi du regard, hésitant entre admiration et répulsion. Il admirait le courage de cet homme qui allait s’opposer seul à une force supérieure, tel un torero dans l’arène qui, sûr de sa valeur, attend la charge du bravo les deux genoux au sol, sa cape mauve étendue devant lui. Lui-même se savait courageux et l’avait prouvé tout au long de ces années de guerre, mais lui, l’ancien du Quinto Regimento, serait-il capable de faire de même ? Bien sûr, depuis 1936, il avait tué. Combien de fois ? Il était incapable de le dire. La guerre, c’était souvent tirer sur une silhouette qui court, qui parfois tombe mais qui reste lointaine. Rares sont les fois où l’on voit les traits de l’homme que l’on essaye d’abattre, une vision fugace, rarement plus. Muntaner, lui, prenait son temps tel un chasseur à l’affut, il choisissait sa proie, l’observait grossir dans sa lunette, étudiait l’homme, voyait son visage, son regard. Pouvait-il saisir la lueur de surprise dans ses yeux quand il était frappé, savait-il à cet instant qu’il allait mourir ? Que se passait-il dans la tête du tireur durant la seconde pendant laquelle la balle traversait l’air, que pensait-il quand il la voyait pénétrer les tissus et éclater la chair et les os dans un nuage de gouttelettes rouges… Et ensuite, comment pouvait-il dormir sereinement ?
Essayant de ne faire qu’un avec l’obscurité, Muntaner s’était lentement dirigé vers un petit bois légèrement en hauteur situé à peu moins d’un kilomètre des lignes françaises. De là partait un fossé d’irrigation qui lui serait utile pour se replier. Se guidant sur lui, veillant à ne pas trébucher, il avait préféré parcourir les dernières dizaines de mètres à genoux, en silence. Le léger vent qui soufflait apportait des bruits de moteurs.
………
Vers 11h00, allongé sous sa couverture, essayant de se fondre avec les quelques buissons du sous-bois, il vit arriver un nouveau raid allemand – une dizaine de Ju 87, dont les bombes mirent à mal la défense des Algériens. Cela ne leur porta pas chance, des chasseurs alliés en abattirent deux. Mais la situation devenait critique et le commandement français demanda aux légionnaires de rétablir la situation en attaquant le flanc de la pointe allemande.
Une demi-heure plus tard, les chars qui étaient cachés dans le petit village de Lopate, à deux kilomètres des premieres lignes, se mirent en mouvement afin d’attaquer les positions désormais dégarnies de l’Ebro.
A quatre cents mètres, Marcel dans sa lunette, vit un groupe d’officiers penchés sur une carte, la parcourant du doigt avant de regarder à la jumelle vers la ville. Celui qui était au centre du groupe avait une cinquantaine d’années, légèrement dégarni, il portait des pattes d’épaules tressées, une croix de fer autour du cou. La distance était importante, mais le vent était tombé et avec une cible quasiment immobile, le tir était possible. Seul sous sa cape, il respira à fond, expira lentement, bloqua sa respiration et appuya sur la gâchette. Le chiffon roulé serré sur le bout du canon étouffa le bruit du départ. Une seconde plus tard, l’officier tomba à la renverse, l’aigle sur la poitrine avait disparu, une fleur rouge ornait son cœur. Dans le désordre qui suivit, si certains se mirent à l’abri, d’autres essayèrent de secourir le mourant. Il aperçut d’autres épaulettes, d’abord sur un homme accroupi à côté du mort, qui fut projeté sur le côté par la balle qui le frappa à la tempe. Trois tirs plus tard, le paco recula en rampant afin de changer de position. Avant de partir, il prit le temps de recueillir les douilles.
Les Allemands réagirent en envoyant des patrouilles battre le terrain devant eux. Elles parcoururent les champs et inspectèrent toutes les cachettes potentielles. Leurs recherches furent vaines, ni détonations ni douilles – sans les morts, ils auraient pu penser à un mauvais rêve. Pendant ce temps, le tireur s’était éloigné vers une nouvelle position. Délaissant cette fois un petit bouquet d’arbres sur sa gauche, il s’installa derrière les restes d’un muret, caché à la vue de ses poursuivants par un buisson de ronces. Après avoir changé son “silencieux” en tissu, il reprit son attente, immobile, l’œil rivé à la lunette.
Pendant ce temps, l’autre guerre se poursuivait et des milliers d’hommes s’entretuaient. L’intervention d’un des deux bataillons de légion avait permis à la DIA de reprendre pied et de rétablir ses lignes au prix d’un recul. Le faubourg où était positionné le deuxième bataillon de la DBLE ressemblait de plus en plus à une étroite péninsule tournée vers le large.
Le caporal fut surpris de voir que les troupes allemandes se mettaient en mouvement sans préparation d’artillerie. Mettant à profit les replis du terrain, elles devaient être encore à plus d’un kilomètre des premières maisons des faubourgs. Les guetteurs français les voyaient probablement, mais ils ne pouvaient sans doute pas discerner la totalité du dispositif.
Les Panzer III ouvraient la voie aux semi-chenillés. Confiants et sûrs d’eux, les chefs de char guidaient leurs engins le torse à l’extérieur de la tourelle. Muntaner prépara une série de tirs, cinq coups consécutifs en partant du dernier char de la file qui progressait devant lui. Ces hommes ne devaient pas s’apercevoir que celui qui les suivait venait de mourir, ils ne devaient pas voir arriver leur trépas. Il respira longuement et vida ses poumons, il devait être aussi calme que la situation le permettait, de nouveau il inspira longuement et expira lentement… un tir… une respiration… un tir… respirer… un tir… raté… respirer… tirer… Il inspira, vida ses poumons et tira la dernière balle du chargeur. Délaissant le Lebel, il épaula le Mas 36. Les chars étaient de nouveau à l’arrêt. Autour des véhicules des hommes s’agitaient, un corps fut extrait d’une des tourelles, une partie de la boite crânienne manquait. Trois autres cadavres furent emmenés à l’arrière. Comme un gros animal indifférent au sort de ceux qui avaient perdu la vie, la tourelle de l’un des panzers était en mouvement, comme si elle cherchait à voir ou à flairer l’origine des coups.
Cette fois les Allemands réagirent plus vite, des semi-chenillés quittèrent brusquement la formation et se dirigèrent vers l’origine probable des coups de feu, le petit bosquet d’arbres volontairement délaissé. Marcel se replia en rampant de nouveau dans un canal d’irrigation rempli d’eau stagnante, laissant ses poursuivants se lancer dans une vaine recherche. Caché sous sa couverture, il rejoignit, trempé, la dernière position qu’il avait repérée, un vulgaire trou envahi de broussailles. Il n’était plus qu’à trois cents mètres des premières maisons et devait faire attention aux mines. Conformément au plan, les troupes françaises ne réagissaient pas.
Après quelques minutes, d’autres engins remplacèrent ceux dont les chefs étaient hors de combat. Cette fois, seules quelques têtes étaient visibles, voire pour les plus prudents, simplement les yeux et le front. Marcel resserra le manchon de tissu au bout de son fusil. La distance se réduisait et il allait devoir se replier jusqu’à l’édifice qu’il avait choisi. Si près de son abri, le silence était fondamental, d’autant plus que voir la mort frapper un camarade tout près de soi en silence était éprouvant pour les survivants. Il choisit ses cibles avec soin – à deux cent cinquante mètres des premiers chars, les tirs s’avéraient difficiles, de bas en haut, sur des objectifs de petite taille en mouvement. Il répéta ses exercices de respiration et rata son premier tir. Le deuxième fut plus réussi. Après son cinquième et dernier tir, les chars s’étaient de nouveau arrêtés. Non à cause des pertes, cette fois – un seul mort et un blessé – que du fait de l’incompréhension et de la nervosité qui régnaient dans les rangs allemands. Un panzer tira au canon sur une vieille masure à demi-ruinée, un autre se mit á mitrailler les buissons. Tassé au fond de son trou, le caporal Marcel Muntaner souriait : l’ennemi commençait à perdre son calme. Maintenant, il devait attendre que l’orage se calme pour se mettre à l’abri. Entre temps, il refaisait mentalement le trajet à suivre entre les mines.
Les Allemands, quant à eux, étaient décontenancés par cette tactique qu’ils n’avaient pas rencontrée depuis 1939, de Pologne en Corse. Mais finalement, le principal était que la diversion avait fonctionné : les troupes françaises s’étaient concentrées sur l’attaque de la matinée. C’était le moment de percer leur défense affaiblie. Bien sûr, les pertes d’officiers, surtout celle du colonel von Bismarck, étaient gênantes, mais le général von Hubicki savait s’adapter, il l’avait démontré en France l’année précédente. A présent, l’effet de surprise étant perdu, il fallait s’emparer du faubourg, tourner la défense de la division africaine et se ruer vers le centre de la ville afin de tendre la main au XL. PzKorps. Une fois la jonction faite, on pourrait déguster la ville coupée en deux, quartier par quartier, comme une orange !
De nouveaux ordres tombèrent : l’assaut sera précédé d’une préparation d’artillerie, suivie d’une reconnaissance en force pour parer à toute surprise. Puis, les panzers attaqueront à fond, appuyés par les grenadiers qui nettoieront la place. Pendant ce temps, les autres troupes maintiendront la pression sur les Français, ou plutôt sur les Africains, en faisant glisser leur axe d’attaque vers la gauche pour converger avec le deuxième assaut. Une fois la jonction réalisée, une branche se rabattra sur l’arrière des défenseurs, l’autre prolongeant plein est.
Bien loin de ces considérations tactiques, Marcel s’était glissé hors de son trou et rampait vers la protection des arbres en faisant attention à ne pas dévier du chemin qu’il avait mémorisé. Les premiers obus le firent sursauter : les chars fonçaient à découvert puis s’arrêtaient, tiraient sur les façades des immeubles devant lui et repartaient. Il voyait les bâtiments se déformer sous les impacts, très vite, des pans de murs s’effondrèrent dans un nuage de poussière. Le petit verger qui marquait la limite entre la campagne et la ville n’était plus qu’à une cinquantaine de mètres. Il abandonna le Lebel, dont il avait enlevé la lunette.
A vingt mètres, il fut tenté de se lever, mais en fut dissuadé par des bruits de moteur tout proches. Une torsion du cou vers l’arrière lui permit de voir avec angoisse deux semi-chenillés qui s’approchaient. Prudents, ils avançaient lentement, mais cela n’empêcha pas l’un d’eux de sauter sur une mine qui lui arracha une chenille. Les passagers, choqués, descendirent, mais ils pensaient visiblement qu’il devait aussi y avoir des mines antipersonnel et restèrent groupés derrière leur engin immobilisé.
Encore dix mètres, il était épuisé mais ne pouvait ralentir, il savait que le champ de mines était étroit et peu dense, les Allemands ne seraient pas longs à le traverser.
Trois mètres, il n’y tint plus, se redressa à moitié, le buste parallèle au sol, il plongea sous la protection du couvert des arbres.
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requesens



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MessagePosté le: Mar Avr 30, 2019 16:33    Sujet du message: Répondre en citant

Deux episodes dans la journée, c'est Noel ou bien est-ce pour célébrer la victoire du prolétariat sur la bourgeoisie et ses nervis à l'occasion de la fête du travail?
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houps



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MessagePosté le: Mar Avr 30, 2019 16:37    Sujet du message: Répondre en citant

Histoire de chicaner, je suggère une utilisation du conditionnel en lieu et place du futur :
..."De nouveaux ordres tombèrent : l’assaut serait précédé d’une préparation d’artillerie, suivie d’une reconnaissance en force pour parer à toute surprise. Puis, les panzers attaqueraient à fond, appuyés par les grenadiers qui nettoieraient la place. Pendant ce temps, les autres troupes maintiendraient la pression sur les Français, ou plutôt sur les Africains, en faisant glisser leur axe d’attaque vers la gauche pour converger avec le deuxième assaut. Une fois la jonction réalisée, une branche se rabattrait sur l’arrière des défenseurs, l’autre prolongeant plein est..."
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Mar Avr 30, 2019 16:40    Sujet du message: Répondre en citant

Le futur est employé pour montrer la confiance des attaquants. "Ça sera comme ça, un point c'est tout !"
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Mar Avr 30, 2019 16:41    Sujet du message: Répondre en citant

requesens a écrit:
Deux episodes dans la journée


Heu, Requesens, le précédent épisode c'était hier !
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requesens



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MessagePosté le: Mar Avr 30, 2019 16:50    Sujet du message: Répondre en citant

Casus Frankie a écrit:
requesens a écrit:
Deux episodes dans la journée


Heu, Requesens, le précédent épisode c'était hier !


Certes Môssieur Casus mais pour bien peu...A une heure ou les distingués membres de ce forum se reposent d'une longue journée de labeur...
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demolitiondan



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MessagePosté le: Mar Avr 30, 2019 18:24    Sujet du message: Répondre en citant

Les hussards de Kumanovo ! Smile Une ville qui souffrira bcp moins au match retour 8)
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Capu Rossu



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MessagePosté le: Mar Avr 30, 2019 20:01    Sujet du message: Répondre en citant

Bonsoir,

Citation:
il y avait une niche dans laquelle était accrochée la clé de la porte que ses ancêtres avaient refermée derrière eux quand


Citation:
Une demi-heure plus tard, les chars qui étaient cachés dans le petit village de Lopate, à deux kilomètres des premières lignes, se mirent en mouvement afin d’attaquer les positions désormais dégarnies de l’Ebro.


@+
Alain
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FREGATON



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MessagePosté le: Mar Avr 30, 2019 20:08    Sujet du message: Répondre en citant

demolitiondan a écrit:
Les hussards de Kumanovo ! Smile


Ah, Hubert de Poulpiquet le cousin de Charles de Kerdonval... 8)
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La guerre virtuelle est une affaire trop sérieuse pour la laisser aux civils.
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Dronne



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MessagePosté le: Mer Mai 01, 2019 04:35    Sujet du message: Répondre en citant

"Pinti, un peu pâle, décida aussitôt qu’il pouvait s’en tenir là en ce qui concernait la formation politique du camarade Toledano."

J'ai ri!!


"appuya sur la gâchette" la détente.
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Cinq fruits et légumes par jour, ils me font marrer! Moi, à la troisième pastèque, je cale..
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Archibald



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MessagePosté le: Mer Mai 01, 2019 09:25    Sujet du message: Répondre en citant

Sacré humour et logique juives, toujours une réponse... déconcertante a toutes les questions, y compris a la très tortueuse rhétorique marxiste. Quand Karl Marx rencontre Groucho Marx ! énorme...
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Sergueï Lavrov: "l'Ukraine subira le sort de l'Afghanistan" - Moi: ah ouais, comme en 1988.
...
"C'est un asile de fous; pas un asile de cons. Faudrait construire des asiles de cons mais - vous imaginez un peu la taille des bâtiments..."
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