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Les Balkans (et la Hongrie), Janvier 1944
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Sam Avr 13, 2019 22:14    Sujet du message: Répondre en citant

Oui bien sûr, c'est 1921.
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Casus Frankie

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JPBWEB



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MessagePosté le: Dim Avr 14, 2019 05:33    Sujet du message: Répondre en citant

demolitiondan a écrit:
Pourquoi les hongrois devraient revendiquer la Slovaquie ? En référence à l'empire - quelque chose qui n'est pas forcément juste pour moi ou pour vous, mais qui l'est incontestablement à Budapest en 40 ou même encore aujourd'hui.


Dans la Hongrie de 1914, les Magyars (magyarophones, en fait) n’étaient qu’a peine majoritaires (54%). Le reste de la population comprenait des Roumains, des Serbes, des Ruthenes et des Allemands. Ce qu’on appelait Transleithanie était composée du royaume de Hongrie proprement dit, et du royaume de Croatie-Slavonie, les deux constituant les terres de la couronne de Saint-Etienne, dont l’empereur d’Autriche était le souverain, était couronné et prenait serment a Buda (devant l’église Saint-Mathias) sur un tertre constitué par de la terre amenée de chaque comitat du royaume.

La Croatie jouissait d’un statut autonome au sein du royaume, ainsi que de la reconnaissance du croate comme langue officielle, a côté du hongrois. Ce statut favorisé appelé Hrvatsko-ugarska Nagodba (compromis croato-magyar, Horvát–magyar Kiegyezés en hongrois) a été négocié eu 1868, en miroir du fameux Compromis (Ausgleich, Kiegyezés en hongrois) de 1867 qui avait établi la Double -Monarchie austro-hongroise. La Croatie-Slavonie envoyait 40 députés au parlement de Budapest, ainsi que 3 membres de la Chambre des Magnats, la chambre haute du parlement, une sorte de House of Lords.

Dans le reste du royaume de Hongrie, la minorité germanophone (10%) y compris ceux des Juifs non-magyarophones et qui parlaient le Yiddish) bénéficiait de la bienveillance des autorités, probablement en référence a la partie autrichienne de l’empire. En revanche, les Slovaques (10%) et les Roumains (16%) ne bénéficiaient d’aucune reconnaissance, et au contraire étaient soumis depuis un demi-siècle a une politique de magyarisation musclée.

Dans la vision traditionnelle de la Hongrie, la nation hongroise (Magyar Nemzet) est une et indivisible, mais elle est composée de nationalités (nemzetség), dont la principale est la nationalité hongroise (magyarophone), a côté des autres (slovaque, roumaine etc.).

Il n’est donc absolument pas surprenant que les Hongrois des années 40 considèrent que la Slovaquie et la Transylvanie font partie integrante de la Hongrie, que ces régions comptent encore une forte minorité hongroise très mal traitée par les autorités slovaques et roumaines, et que la récupération de ces territoires qui font partie de la Hongrie millénaire ne fait pas un pli.

Un parallèle relativement pertinent pourrait être fait avec une Algérie ex-Française, devenue indépendante non pas suite a la Guerre d’Algérie mais plutôt suite a l’effondrement de 1940, dont la population pied-noire aurait été maintenue sur place, mais très maltraitée par les nouvelles autorités algériennes. Il ne serait pas surprenant qu’il y aurait dès lors un très fort sentiment en France pour réclamer la récupération de ces territoires a la faveur d’un nouveau conflit mondial dans lequel la France semblerait être du côté du manche.
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Konrad Adenauer
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MessagePosté le: Dim Avr 14, 2019 09:25    Sujet du message: Répondre en citant

JPBWEB a écrit:
La Croatie jouissait d’un statut autonome au sein du royaume, ainsi que de la reconnaissance du croate comme langue officielle, a côté du hongrois. Ce statut favorisé appelé Hrvatsko-ugarska Nagodba (compromis croato-magyar, Horvát–magyar Kiegyezés en hongrois) a été négocié eu 1868, en miroir du fameux Compromis (Ausgleich, Kiegyezés en hongrois) de 1867 qui avait établi la Double -Monarchie austro-hongroise. La Croatie-Slavonie envoyait 40 députés au parlement de Budapest, ainsi que 3 membres de la Chambre des Magnats, la chambre haute du parlement, une sorte de House of Lords.

Ce statut me semble n'être qu'une version modernisée des pacta conventa de 1102, ces conventions - peut-être rédigées après coup au XIVème siècle pour légitimer la situation existante - régissant les rapports entre royaumes de Hongrie et de Croatie : union personnelle (et perpétuelle), large autonomie croate contre présence d'un vice-roi, etc.
Malgré tout, il était peut-être nécessaire. Depuis la défaite de Mohacs, c'est le duc d'Autriche qui était le roi des Croates..
Ce qui m'étonne un peu, c'est que, dans le cadre du revanchisme magyar, la Croatie semble complètement oubliée. Peut-être faute de magyarophones, qui sont très minoritaires et cantonnés à quelques localités de Slavonie… En tout cas, très différent des revendications sur la Slovaquie ou le Siebenbürgen (faut pas oublier les allemands dans l'équation transylvanienne Laughing)

@ demolitiondan : Archiduc - Erzherzog - désigne tout simplement un Habsbourg-Lorraine, comme Grand-Duc pour un Romanov en Russie. A la cour de France, on parlait de prince du sang : un proche parent du roi, frère, cousin, etc.
Le problème avec l'ex-empereur Charles de Habsbourg-Lorraine, c'est qu'il est bien difficile, même aux Magyars, de passer sous silence qu'il a été - même si ce n'est que pendant deux ans et que ça ne semble pas avoir été une grande réussite - le souverain légitime de la Hongrie : IV Karoly. Et qu'il cherche même, par tous les moyens, à le rester !
Il est donc ou roi, ou ci-devant roi (j'aime bien l'expression "ci-devant" Very Happy), ou alors … juste Charles de Habsbourg-Lorraine ! Mais Archiduc… Rolling Eyes
En France, après le 10-Août, on parlait de Louis Capet, du tyran détrôné, ou même de Louis XVI…
Quant au fond, je suppose qu'il s'appuie sur la biographie de Horthy parue en 2014 aux éditions Perrin.
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Dim Avr 14, 2019 09:43    Sujet du message: Répondre en citant

Après ce petit résumé historique d'une période très compliquée (et même embrouillée) en Hongrie, revenons aux Balkans en général…



1er janvier
La campagne des Balkans
Hibernation
Balkans
– La patrie des Slaves du Sud – ou du moins ceux sur son territoire qui se définissent en tant que tels – connait une période de calme après la succession de drames et de batailles qui a ponctué l’année dernière. Pourtant, et même si 1943 s’est achevé sur d’indéniables succès alliés, l’ambiance post-réveillon n’est pas à la fête, et ce à Belgrade comme à Athènes.
En effet, les armées que le général Ilija Brasic a fait gaillardement bondir en avant pour la libération de la capitale yougoslave se trouvent désormais dans une situation étrange et qui, sur d’autres fronts, pourrait même être qualifiée d’incertaine. Plus vraiment au contact de l’ennemi, dans le flou quant au dispositif de l’Axe, les troupes alliées ont épuisé leur potentiel et sont à la merci d’une contre-attaque. Le ravitaillement, qui monte avec difficulté et quasi-exclusivement par voie routière de Skopje (à 450 kilomètres de là !) arrive au compte-goutte, au hasard des conditions climatiques et des livraisons débarquant à Salonique.
Le réseau routier serbe, déjà notoirement insuffisant – la défunte armée austro-hongroise pouvait en témoigner ! – est ravagé et ne tardera pas à subir les effets de l’hiver. Quant à la voie ferrée Belgrade-Salonique, elle est encore en cours… d’évaluation par les Royal Engineers, lesquels acheminent au prix des plus grands efforts le matériel nécessaire à la mise en place des installations provisoires immédiatement nécessaires. Et il est d’ores et déjà acquis que ces dernières ne sauraient être ni suffisantes, ni pérennes.
Sur ces bases, le 18e GAA se contente de consolider ses positions en Serbie, en tâchant de faire monter en ligne la 6th Australian Division de Vasey (qui vient de Macédoine) et dans l’attente du retour d’au moins un des deux corps d’armée grecs. Pendant ce temps, il n’est évidemment pas question de demander au 2e CA polonais du général Władysław Anders d’avancer dans le nord de l’Albanie (où la situation civile reste chaotique), ou au XIIIth Corps d’occuper le Kosovo (qui s’avère une sorte de no man’s land cauchemardesque). D’ailleurs, avancer pour aller où, en plein hiver ? Dans l’impasse des montagnes de Bosnie ?
Les forces alliées semblent bien entrer dans une phase d’hibernation – du moins pour ceux qui ignoreraient que les éblouissantes chevauchées des grands capitaines se préparent en général durant de telles périodes obscures.
………
De Sparte à Teutoburg (capitaine Pierre Percay)
Désir de perspectives
Belgrade
« Le commandant Dumaire m’avait planté là, au milieu d’une armée plus neutre qu’alliée, peut-être même hostile. Je n’évoquerai donc pas ce pathétique réveillon passé autour d’un braséro avec le sergent Augagneur qui dégustait lentement une bouteille de Rakija (Dieu seul sait où il était allé la chercher !) et le caporal Dennoyeur, qui récitait à la cantonade les vers d’un obscur poète médiéval français. Coincé sous une tente au fond des Balkans avec deux anciens traîtres alors que d’autres que moi libéraient la France ! Ce n’est pas de cette gloire que j’avais rêvé en entrant à Saint-Cyr !
Au matin, j’avais la gueule de bois – moins du fait de l’alcool que sous le poids des mésaventures subies durant l’année achevée. Le soleil se levait, morne et triste à travers la brume qui montait du Danube. Je me pris à espérer – les anciens Egyptiens ne voyaient-ils pas en lui un symbole d’éternel recommencement ? C’était vrai : pour l’instant, mon destin était indéniablement médiocre. Mais il ne tenait qu’à moi de changer cela ! Je filai donc me raser et mettre mon plus bel uniforme – je représentais la France, que diable ! Et je valais mieux que ma situation actuelle – j’allais le prouver. »


Récupération
Balkans
– Les forces de l’Axe, de leur côté, sonnées par les multiples coups qu’elles ont encaissé l’année passée, ne sauraient évidemment exploiter l’épuisement de leurs adversaires.
Les Landsers, les SS et – c’est nouveau – les Oustachis et autres Croates profitent donc du calme revenu (et assurément provisoire) pour prendre leurs quartiers d’hiver et sécuriser leurs positions. La pelle est l’outil premier du fantassin, souvent même avant le fusil. Plus d’un soldat allemand, les deux mains posées sur cet outil, contemplera avec satisfaction les nuages d’hiver s’accumuler au-dessus de sa tête – ils sont la garantie de sa tranquillité. A condition, bien sûr, que les camarades de l’Ostfront parviennent à tenir en respect les Bolcheviques.
………
Autriche – Le général Maximilian Von Weichs, en transit à Vienne, en est évidemment parfaitement conscient – tout comme il est conscient d’être la cinquième roue de ce carrosse de plus en plus incontrôlable que constitue la Heer. Le chef du GA E pense bien à la Heer, et seulement à elle : depuis qu’on lui a annoncé que les forces SS qu’il est censé commander seraient regroupées au sein d’un nouveau III. SS-Gebirgs-Armee-Korps, il a bien compris que deux divisions et demi venaient encore d’échapper à son contrôle. Tout cela, il compte bien l’expliquer aux pontes de l’OKW – il lui faut absolument des renforts !
………
L’Esprit de la Guerre (Dennis Kolte)
Froid dans les corps, froid dans les âmes
Dobrinci, Serbie
« C’est peu dire que ma “promotion” n’avait pas été fêtée. Le commandement régimentaire n’avait même pas attendu 1944 pour se débarrasser de moi – et du même coup de ma troupe de camarades. Section de reconnaissance ? Alors fichez moi le camp et au trot ! Nous avons donc dormi à cinq, par roulement, à l’arrière de Doris, dans le froid des confins de la plaine danubienne. Au matin, je crus surprendre un éclair de haine au fond des yeux d’Olaf. Cet imbécile me rendait évidemment responsable de son sort, oubliant déjà que, sans moi, il serait sûrement au fond d’une fosse à Kavadartsi ! Je l’ignorai donc et préparai la patrouille de la journée, entre professionnels. L’action, il n’y a que ça de vrai pour se réchauffer ! Et puis, j’aurais sûrement encore l’occasion de complaire à la Dame. »

Entretien avec un Oustachi
« L’année 1944 allait voir la montée en ligne, sinon en puissance de l’armée oustachie – elle aurait l’occasion de se montrer une fois encore digne de son effroyable réputation, et même d’aller au-delà. Sur ces terribles épisodes, dont il ne reste aujourd’hui hélas que fort peu d’acteurs, il est difficile d’obtenir un témoignage clair, exhaustif et surtout dépassionné. Pourtant, l’action des unités croates lors de la campagne de 1944 gagnerait à être éclairée – ne serait-ce que dans l’intérêt de l’Humanité, qui se doit d’observer en face des comportements qui tinrent parfois de la pure folie.
En pareil cas, et pour l’amour de sa discipline, l’historien doit parfois se salir les mains. L’Histoire peut être une maitresse cruelle, et certaines choses ne peuvent être racontées que par ceux qui les ont vécues – c’est à dire subies… ou commises. C’est pourquoi je me devais de retourner à l’hôpital psychiatrique du Laza Lazarevic, malgré sa sinistre réputation. Cette fois-ci, le Professeur Adzovic souhaitait me présenter un personnage enfermé dans l’aile pour individus dangereux.
Je m’acheminai donc à grandes enjambées pour la recherche de la vérité, au travers d’une foule de malheureux au regard à jamais perdu dans leur propre esprit. Le robuste infirmier qui me servait de chaperon m’introduisit finalement dans une pièce triste et sombre, éclairée par une unique lampe à la lueur blafarde. Sous cette lampe, une table nue et deux chaises ; celle qui me faisait face était déjà occupée. Mon hôte restait dans l’ombre, autant y aller carrément. D’un air bravache qui tentait de camoufler mon appréhension, je m’assis tout en lançant : « Bonjour Monsieur, le Professeur a dû vous prévenir de mon arrivée. » Pas de réponse, pas même une réaction. Je persistai : « Il m’a dit aussi que vous étiez d’accord pour évoquer avec moi quelques-uns de vos souvenirs. Si nous commencions par la base. Quels sont vos nom, prénom et profession ? »
– Je suis le major Ratko Vlašic, de l’ancienne 2e Brigade de la 1ère Division de Montagne oustachie. J’étais sous le commandement du brigadier Matija Čanić… »
(Dans la tête du monstre – Conversation avec un officier oustachi, Robert Stan Pratsky, Flammarion 1982)

Jouer le mort
Yougoslavie
– Alors que les principaux protagonistes pansent leurs plaies chacun dans leur coin – Allemands et Croates d’un côté, Alliés de l’autre – un autre joueur participe très discrètement à cette meurtrière partie de bridge. Pour filer la métaphore, on pourrait dire que le partenaire des Alliés dans la partie joue le mort. Aux confins des monts de Bosnie et du Monténégro, dans le vaste no man’s land déserté par les armées officielles, Josip Broz attend et reconstitue patiemment ses forces usées par l’insurrection déclenchée pour Market.
Entre Užice et Sjenica, les soldats du NVOJ (Narodnooslobodilačka vojska i partizanski odredi Jugoslavije, Armée de libération nationale et détachements de partisans de Yougoslavie) n’ont pas grand-chose à craindre. Les forces allemandes se sont repliées en Bosnie et les traîtres de tout poil évitent le secteur. Le mouvement, régulièrement sinon copieusement ravitaillé par l’aviation alliée, prospère donc tranquillement : les rangs des Partisans se gonflent de nombreuses recrues, hommes et femmes indifféremment. Celles-ci sont d’origines très diverses : en fuite après les représailles allemandes, ramenés par une patrouille ou tout simplement affamés par “Brzo”. Mais tous sont en quête de protection et de vengeance. Ce sang neuf demande évidemment à être instruit, à la fois dans le métier des armes et dans la dialectique communiste. L’hiver y pourvoira.
Ces recrues ne sont pas les seules : d’anciens auxiliaires des Allemands, voire des Tchetniks “verts” du Monténégro, rejoignent également le PCY pour contribuer à l’effort commun, avec plus ou moins de sincérité évidemment. Mais comment pourrait-il en être autrement ? Depuis que la ligne de front passe par le Monténégro, les forces indépendantistes de Krsto Popović sont en déroute, écrasées. Et les autres réactionnaires de la région sont soit en zone dite libérée (c’est-à-dire au nord), soit aux confins des montagnes, à s’entretuer pour choisir leurs chefs. Décidément, rien n’a changé depuis l’année dernière – en Dalmatie et au sud de la Croatie, plus personne ne dirige ces hommes depuis la mort d’Ilija Trifunović-Birčanin, il y a près d’un an !
La situation de Tito n’a donc absolument rien de dramatique – il a connu bien pire. C’est pourquoi, dans ses cavernes, le chef du comité militaire et secrétaire général du Parti communiste yougoslave compte les points, accumule des forces et attend…


2 janvier
La campagne des Balkans
Machinations serbes
QG du 1er CA yougoslave, Belgrade
– Après une période de regroupement et de réorganisation bien méritée, le 1er CA (Y) prend position le long du Danube, de la région de la capitale jusqu’aux gorges du fleuve à Veliko Gradište. Les hommes du général Brasic (donc du roi Pierre II), renforcés d’éléments tchetniks plus ou moins intégrés à leurs unités (ne serait-ce que pour garantir leur loyauté…), couvrent ainsi le flanc est des armées alliées jusqu’à la frontière roumaine – où la présence de l’Armée Rouge est censée assurer leur sécurité.
Nonobstant cet irritant voisinage, l’état-major royal s’interroge désormais sur la cible de sa prochaine colère : Budapest et les traîtres hongrois ? Ou Zagreb et les judas croates ?
………
Forteresse ottomane, Belgrade – Dans l’ancien bureau d’Alexander Löhr, Pierre II Karađorđević continue d’échafauder des plans pour reprendre en main son pays, en liaison étroite avec ses ministres Momčilo Ninčić et Petar Živković, restés à Athènes. Il est question que ces derniers reviennent dans le mois courant à Belgrade, en compagnie du reste du gouvernement, pour l’heure encore à Alger. Il sera toujours temps ensuite de faire le tri…
Car pour l’heure, dans l’esprit du jeune souverain, le plus urgent est de consolider son pouvoir et la légitimité de son administration. La libération du reste du territoire national ne l’inquiète guère – ce n’est plus qu’une question de temps. Mais plus encore que les Allemands, les ennemis de la Yougoslavie sont désormais les Croates – qui empoissonnent le pays depuis sa création – et les communistes. Des décisions énergiques devront donc être prises, face aux uns comme aux autres. Pour les Croates, ce sera simple : ils ont choisi leur sort en se rangeant du côté du Reich. Mais les communistes, par contre…
Dans un geste d’agacement significatif, Pierre II envoie voler d’un revers de la main la pile de dossiers posée sur son bureau. Les collectivistes ont formé un gouvernement autonome qui prétend diriger seul les affaires dans les territoires libérés, sans prendre ses instructions de Belgrade… mais tout en reconnaissant le gouvernement royal, aussi contradictoire que cela puisse paraître ! L’AVNOJ, Antifašističko Vijeće Narodnog Oslobođenja Jugoslavije (Conseil antifasciste de libération nationale de Yougoslavie), est censé regrouper plusieurs conseils de libération nationaux, plusieurs sensibilités politiques – mais tout le monde sait bien qui le dirige en réalité. Cette assemblée a même eu le front de « suspendre la monarchie », en appelant à « la reconstruction de la Yougoslavie selon un nouveau régime politique, sur des bases démocratiques et fédérales ». Quelle insolence !
Le nommé Tito et ses bolcheviques semblent toutefois bien plus forts en paroles qu’en actes – du moins face au Roi. De fait, l’armée royale n’est pratiquement pas entrée en contact avec les Partisans en avançant dans la vallée de la Morava – ces rats auront eu peur des Allemands, puis de ses soldats et se seront enfuis dans les monts de Bosnie. Il faudra donc aller les y chercher. « Si seulement, d’ici là, les Allemands pouvaient finir le travail qu’ils ont commencé… »
Sur ces réflexions dangereuses, Pierre II retourne à son labeur.

Plans britanniques
Athènes
– Les Serbes ne sont pas les seuls à échafauder des plans pour la suite des opérations. Seul à son bureau, Bernard Law Montgomery considère pensivement la situation, en attendant la voiture qui doit l’emmener à l’aérodrome où l’attend son B-17 personnel – un cadeau de Walter Bedell-Smith, après un pari quant à la date de la prise d’Athènes, que l’Américain a d’ailleurs mis quelque temps à honorer [Bedell-Smith, qui était tout de même chef d’état-major de l’US Army, avait en effet traîné les pieds avant de s’acquitter de son gage – car de son point de vue, ce pari était une simple plaisanterie. Quand Monty se mit à le harceler pour « récupérer ses gains », l’Américain plaida successivement l’ignorance, l’oubli, l’humour… avant de passer finalement à l’agacement. L’affaire remonta finalement jusqu’à Eisenhower, qui trancha diplomatiquement en faveur du Britannique, au prix d’un discret mais persistant malaise. Allan Brooke lui-même qualifiera ultérieurement cet épisode de « simplement stupide ».]. Destination Londres, via Naples et Gibraltar.
L’austère Britannique envisage de prendre deux à trois semaines de repos en Angleterre, entre la capitale et le Sussex – mais sans passer par Portsmouth, où sont pourtant entreposés tous ses biens personnels. En effet, Monty garde le souvenir brûlant de sa femme Betty, décédée dans cette ville d’une septicémie en 1937. Et depuis ce drame, il n’a plus guère d’attaches ou même de maison à Portsmouth. Ce n’est pas le moindre des paradoxes de l’homme : un des plus puissants généraux d’armée alliés, respecté, écouté… mais qui, au fond, vit dans un vieux camion Bedford.
Durant cette période, Spiliotopoulos et Audet (enfin, surtout Audet …) assureront l’intérim – un détail, rien ne devrait survenir cet hiver, et moins encore en janvier. Toutefois, avant de partir, Montgomery repasse une dernière fois en revue les rapports se trouvant sur son bureau. Le travail, il n’y a que ça de vrai ! Et il lui faut de la matière pour réfléchir à sa prochaine campagne durant son long trajet.
Evidemment, pour rompre avec la mauvaise pente sur laquelle ses forces se sont laissé glisser l’année passée, Monty souhaite commencer 1944 par un gros effort de logistique et de planification, afin de pouvoir ensuite marcher en direction de Vienne et vers le cœur de l’Allemagne. Que dit donc ce cher colonel Canterbry, du Supply Service ? Toujours la même chose – depuis son arrivée à Belgrade le 28 décembre, il recense des destructions aux conséquences catastrophiques.
La gare centrale de Belgrade, située au centre-ville, est hors service – et ce, au moins pour la durée du conflit. Le pauvre édifice a beaucoup souffert entre les bombardements allemands (en 1941), les bombardements alliés (après 1941), les sabotages (de 1941 à 1943) et évidemment les destructions du mois dernier – lesquelles ont achevé le travail. Entre autres dommages, ses deux tours latérales, rue Karađorđeva, se sont écroulées sur les halls – il faudrait au moins une semaine rien que pour déblayer les gravats. Peut-être même deux, alors que nous entrons en période hivernale et que le site est un marais.
Bref, le colonel ne propose pas de remettre en service cette installation : elle a plus de soixante ans et ne répond pas, de toute façon, aux besoins du 18e GAA – située au centre de la ville, elle ne convient évidemment pas pour débarquer des blindés. En bon Britannique, Canterbry propose toutefois une solution – herculéenne mais logique. Il propose carrément la construction d’une nouvelle gare dans les quartiers sud de Belgrade, plus précisément dans le secteur de Savski Venac. Ce dernier, relativement épargné par les combats, est situé à une poignée de kilomètres en amont de la Save, plus ou moins en face du domaine royal. « Ce qui risque fort de ne pas faire plaisir à ce jeune roi ! » pense Monty avec un sourire sardonique. Les études et premiers travaux pourraient démarrer immédiatement, sous réserve des autorisations nécessaires. Cinq semaines devraient suffire.
Evidemment, une gare seule n’est rien sans desserte. Ça, c’est l’affaire du brigadier Sir Godfrey Dean Rhodes – qui a également contribué au rapport du Supply Service. Que dit ce cher Canadien ? Rien d’étonnant non plus : le réseau entre Skopje, Leskovac, Nis et Belgrade est bien entendu lui aussi hors d’état de fonctionner. Ces damnés Huns ont vraiment bien fait leur travail ! Et pour le matériel roulant, ce n’est guère mieux – des machines à vapeur autrichiennes ou hongroises ! « Celles qui sont encore (par quelque miracle !) en état de marche devraient être réservées à un usage touristique, ou exposées dans un musée ! » Si même les Canadiens se mettent à faire de l’humour, maintenant… Que propose-t-il ?
« La résolution des problèmes de matériel roulant ne sera permise que par l’importation urgente de nouvelles unités de traction, qui viendront évidemment d’Angleterre, ou peut-être du Commonwealth. Les machines les plus anciennes de la British Railways pourraient trouver ici une fin de carrière utile – le recours à la vapeur n’est pas d’un caractère contraignant dans la province, qui dispose encore de bonnes réserves de charbon brut ou simplement caché à l’ennemi.
L’état du réseau est bien plus préoccupant. Sur les quelques 300 miles de voies ferrées, on peut considérer que plus de la moitié sont hors service ou nécessitent des réparations d’urgence en termes de haltes et d’aiguillages. Le reste ne suffit nullement pour approvisionner une armée moderne en campagne, sans même entrer dans des considérations techniques secondaires telles que voies d’attente, couronnes de retournement et signalisation. Par ailleurs, je crois bon de préciser que le secteur de Raška, entre Pristina et Kraljevo, n’est absolument pas couvert par le réseau actuel, ce qui contraindra évidemment nos éventuelles futures actions dans le secteur.
En l’état actuel des choses, je me vois donc contraint de signifier à votre commandement qu’il faudra bien compter 4 à 5 semaines de travaux avant de commencer à établir une liaison ferroviaire correcte entre Belgrade et Skopje (donc Salonique) – le tout évidemment sous réserve des conditions climatiques et des aspects sécuritaires, dont je ne doute pas que nous saurons les gérer. Dans l’attente, il parait préférable de limiter au maximum les consommations en aval de la ligne afin de ne pas surcharger nos unités du génie – sauf à maintenir les transports par camions, avec tous les aléas, délais et consommations qu’ils impliquent.
Cette liaison établie, le recomplément des stocks dans la plaine danubienne à un niveau compatible avec une future offensive prendra six semaines – non compressibles et non superposables avec les travaux ferroviaires présentés plus haut. Dans l’intervalle, les livraisons à Salonique devront se poursuivre, quitte pour cela à former d’importants dépôts dans la plaine d’Alexandria – dépôts à défendre de toute action ennemie, cela va sans dire. En résumé, le Supply Service ne saurait raisonnablement contribuer à la moindre offensive avant le 26 mars 1944 – date qu’il conviendra vraisemblablement de repousser de deux à trois semaines en raison du climat rigoureux de la région. D’ici là, le ravitaillement des troupes avancées dans la vallée de la Save sera limité au minimum. »

Ce qui nous renvoie au 16 avril… si tout va bien. Brillant tableau ! Mais ce sombre nuage a toutefois une frange brillante : « En tant qu’hommes du métier, nous souhaitons soumettre au commandement l’observation suivante : il n’est pas forcément pertinent d’utiliser le réseau yougoslave pour atteindre Belgrade. Les voies ferrées de Bulgarie, puis de Roumanie, desservent actuellement la ville de Craiova, située à 200 miles à peine de Belgrade. Elles ont sans doute peu souffert des combats, eu égard aux circonstances de l’été dernier. De plus, la voie décrit une large boucle vers Drobeta-Turnu Severin, ce qui ramène la distance à franchir à 120 miles environ. Nous ne pouvons que suggérer aux responsables la construction d’une nouvelle ligne allant de cette localité vers Belgrade et desservant la nouvelle gare – dont la construction nous parait inévitable. Pendant ce temps, des solutions techniques de type routier ou fluvial pourraient prendre le relais par le même chemin et réduire quelque peu les tensions sur notre logistique. La solution roumano-bulgare, bien que techniquement valide, nécessitera toutefois des études supplémentaires, sans parler des arbitrages politiques que vous êtes seul à même d’obtenir, si vous le jugez bon.
Dans l’attente de vos instructions, nous vous prions d’agréer… »

Montgomery repose le document. Son œil pétille, à la fois d’intérêt et d’agacement – c’est audacieux, mais cela risque de ne pas plaire aux Serbes. Sans même parler de Churchill, même si le vieux bouledogue lui en doit une depuis son dédit au démarrage de Garden. Et comment réagiront les Soviets ?
Il est presque l’heure. Avant de descendre vers sa voiture, Monty appelle De Guincamp pour jeter d’urgence sa réponse sur le papier.
Il est évidemment d’accord pour tout ! La nouvelle gare de Belgrade, les explorations vers la Roumanie – le but est de gagner cette guerre, le plus vite possible. Et le général britannique ne compte pas se laisser marcher sur les pieds par ce jeune roitelet arrogant, sans parler de s’abaisser à marchander tout et n’importe quoi.
Agissons ! Montgomery fait aussi transmettre à Audet l’ordre de démarrer les travaux sans attendre son retour. D’ici à ce qu’ils soient réalisés, chacun aura le temps de voir venir. Les troupes auront le temps de se reposer, tandis que le Prime Minister pourra arbitrer les… difficultés politiques avec Moscou, s’il devait y en avoir, et gérer le problème yougoslave. Enfin, ce sera à lui-même de décider de la suite. On vient juste de déboucher dans les plaines – ce serait trop bête de s’arrêter là et de laisser les Rouges d’un côté, les Américains de l’autre, cueillir tous les lauriers.
Sur ces pensées énergiques, Montgomery file vers les escaliers, la place Syntagma et des vacances bienvenues.

Noirs projets SS
Ex-Yougoslavie
– En conformité avec les instructions du SS-Hauptamt, les divisions Handschar (11. SS-GD) et Prinz Eugen (7. SS-GD) commencent à se concentrer dans la région de Mostar. Les Croates observent avec curiosité ces soldats politiques, mais pas forcément aryens, qui paraissent très différents des hommes du XV. Gebirgs-Armee-Korps. Seront-ils plus compréhensifs envers la Cause ?
En fait, les SS préparent une action en concertation avec les 1er et 2e CA oustachis, même si les hommes de ces formations ne sont pas encore au courant de leurs intentions. Car la Bosnie reste un secteur à haut risque pour le Heeresgruppe E. Et malgré les ravages causés par Brzo, le commandement allemand se doute bien que les raids et actions insurrectionnelles reprendront dès le printemps prochain. Or, cette fois-ci, les Partisans pourraient bien bénéficier d’un appui aérien allié, voire d’une offensive terrestre ou d’un débarquement en Adriatique. La 12. Armee a beau avoir perdu la porte d’entrée des Balkans, les Alliés n’en sont pas à une surprise près.
Il est donc décidé de renouveler très vite durant l’hiver, et autant de fois que nécessaire, le succès récent de Kugelblitz au Monténégro. Pour ce faire, le SS-Obergruppenführer Artur Phleps prévoit d’appuyer les actions de ses SS de montagne grâce aux canons d’une unité de création assez récente : le 105. SS-Sturmgeschutz Abteilung des SS-Gebirgs-Korps (SS-Hauptsturmführer Mühlenkamp). Cette unité est équipée de matériel italien de prise, pour l’essentiel des Semovente (des canons automoteurs), dont les armes vont du 47 mm au 105 mm. Des engins… inégaux donc, et avec peu de pièces de rechange. Il faudra pourtant faire avec. Après tout, ces Partisans n’ont rien pour faire face à un canon automoteur, mécanique latine ou pas !

Obscures manœuvres croates
Lukavec (Etat indépendant de Croatie)
– Dans ce petit village de la banlieue sud de Zagreb, le désormais ministre sans portefeuille Mladen Lorković reçoit en toute discrétion son collègue Ante Vokić, ministre des Transports et des Travaux publics. Les deux hommes se connaissent assez peu et la méfiance parait réciproque. Pourtant, petit à petit, sur un ton qui se veut badin, la conversation dérive subtilement vers l’avenir de la Croatie en fonction des événements de l’année écoulée et de la tournure que prend le conflit européen.
Evidemment, tout au long de la conversation, Vokić reste sur ses gardes – qui peut affirmer qu’il connaît son avenir dans la Croatie de Pavelic ? Mais par-delà les soupçons, des projets semblent s’échafauder… Des projets où il est de plus en plus ouvertement question de discuter avec les Alliés.
Finalement, sans s’engager mais sans rien refuser non plus, Ante Vokić prend congé en indiquant qu’il aura « vraisemblablement besoin de revenir vers vous dans un futur proche ». Lorković est tout sourire – il n’en demandait pas tant.


L’orgueil d’un amiral
Mobilisation diplomatique tous azimuts
Palais Sándor (Budapest)
– Au gouvernement hongrois, chacun espère désormais que l’année 1944 sera meilleure que l’année 1943 – au vu de la succession de désastres qui a rythmé cette dernière, il semble qu’elle ne saurait être pire. Miklós Kállay a réuni tout le cabinet des Affaires étrangères pour définir une stratégie permettant de négocier une sortie du conflit pour le pays. Un tel rassemblement pourrait favoriser les indiscrétions. Mais il ne présente pourtant pas grand risque à Budapest : la quasi-totalité du personnel diplomatique est partisan du “Saut dehors”, hormis le cas très particulier de Döme Sztójay, tenant déclaré du nazisme et ambassadeur à Berlin depuis 1935. Autant dire que le Magyarország külügyminisztere sera muet comme une tombe – non, à bien y réfléchir, le gouvernement hongrois redoute bien davantage les gaffes et réactions impulsives de l’amiral Horthy, qui pourraient porter tort à un ouvrage aussi délicat. D’autant plus qu’il est prévu que le Régent rencontre Hitler à la fin du mois !
Nonobstant ces inquiétudes, les diplomates hongrois, aiguillonné par Kállay comme par leur ministre Jenő Ghyczy de Ghicz, identifient plusieurs pistes permettant d’approcher discrètement les Alliés.
La première passe par la Turquie. Miklós Kállay est un ami personnel de l’ambassadeur turc en Hongrie, Ruşen Eşref Ünaydin – il est donc assuré a minima de la compréhension de son gouvernement et de son entremise intéressée dans cette démarche, laquelle permettra à coup sûr de toucher une Angleterre qui disposerait de nombreux agents dans la région. Nul doute, toutefois, que les Turcs sauront faire payer ultérieurement leur compréhension.
« Nous vivons vraiment une époque étonnante, pense le noble magyar dans le secret de son âme, qui aurait pu s’imaginer que les Ottomans reviendraient mettre leurs nez dans les affaires balkaniques à notre demande ? » Mais évidemment, nécessité fait loi – et de l’avis même du Régent. En effet, ce dernier connait très bien Istanbul – et pour cause, il y a été en garnison pendant trois ans, de 1906 à 1909 [Horthy, marin mais aussi cavalier émérite, en profitera pour gagner le Grand Prix d’équitation du Bosphore.]. Il commandait alors le vapeur Taurus, chargé d’assurer la protection de l’ambassade d’Autriche-Hongrie. Résidant dans une luxueuse villa et bénéficiant d’une vie sociale très active, il avait donc eu tout loisir de tisser des liens avec la bonne société internationale. Dommage que ses principaux contacts (le Belge Villebois, le Britannique Thomas Hohler et le prince italien Colonna) ne soient plus en poste – ils auraient été plus utiles aujourd’hui qu’autrefois lors de l’annexion de la Bosnie-Herzégovine. Quoi qu’il en soit, le gisement n’en reste pas moins prometteur.
La seconde piste passe par le Portugal. Non par les Portugais, mais par le baron Andor Wodianer. Celui-ci n’est plus ambassadeur de Hongrie à Lisbonne, mais il a néanmoins choisi de rester sur place. L’homme est très introduit dans le gouvernement polonais en exil – il parait même qu’il a plus ou moins réussi à s’y faire accréditer. Kállay privilégierait bien cette carte : les Polonais sont des chrétiens corporatistes et conservateurs, amis historiques, sinon de jure, de la Hongrie, depuis les Jagellon et la révolution de 1848 [La dynastie des Jagellon, d’origine polonaise, régna sur la Hongrie jusqu’à l’invasion ottomane. Et durant la révolution de 1848, de nombreux volontaires polonais sont venus aider les Hongrois à combattre la répression autrichienne. Et dans les années 1930-40, le principal parti politique d’opposition hongrois était le parti chrétien socialiste, infiniment plus chrétien que socialiste.]. Horthy lui-même n’avait-il pas tenté un rapprochement avec le président Joseph Beck contre le danger russe ou allemand ? Pour cela, les Polonais avaient sollicité l’ambassadeur Andras Hory, ce qui avait conduit à une visite d’Etat du Régent à Varsovie du 5 au 9 février 1938 – une visite très mal vue par le Reich [Goebbels notera avec rage dans son Journal : « Horthy a été reçu à Varsovie comme un empereur ! »]. Hélas, cette rencontre n’avait pas abouti, les positions de Beck et de Kánya (ministre des Afffaires étrangères hongrois à l’époque) étant de toutes évidences irréconciliables.
Par ailleurs, le Portugal offre une seconde possibilité : la France. Celle-ci n’a eu de cesse de courtiser la Hongrie depuis 1918 pour ses divers plans concernant l’Europe centrale : l’Union économique du Danube sous Tardieu, puis la Petite Entente sous Herriot. Le comte Bethlen avait d’ailleurs été reçu en 1929 à Paris à ce sujet… Bon, l’affaire avait également capoté, Paris étant incapable de promettre une révision du Traité du Trianon – mais il n’en restait pas moins que la République avait porté à bout de bras le développement économique du pays par des prêts de plus en plus importants. Qui s’en était occupé avant André Tardieu ? Ah oui, Pierre Laval… A la réflexion, ce n’est peut-être pas une bonne idée de le rappeler. Toutefois, la France a des intérêts économiques sur le Danube, c’est une réalité à elle de les défendre.
Toutefois, prendre contact avec les Français pose un problème typiquement hongrois, car issu de la dualité typique de ce pays. Le Régent ne croit pas en l’intercession française : « Un pays trop latin, éloigné de nos conceptions traditionnelles et dirigé de surcroît par un gouvernement infiltré par les communistes ! » Son anglophilie navale le pousserait bien davantage vers les rives de Londres que vers celles de Marseille. Impossible d’ignorer complètement l’avis de l’amiral. Labanc contre Kuruc, catholique contre calviniste, militaire contre politique… réalisme contre utopisme ?
Passer par le canal d’un pays neutre est une dernière possibilité. Mais des neutres, il n’y en a plus guère ! La Suisse et la Suède, c’est à peu près tout. Jenő Ghyczy part rendre visite à l’ambassadeur en poste à Stockholm. Et Győrgy Barcza, l’ancien ambassadeur à Londres, ira quant à lui faire une visite de courtoisie à Berne… Avec toutes ces lignes, ce serait bien le diable si la Hongrie ne remontait pas un poisson !
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houps



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MessagePosté le: Dim Avr 14, 2019 10:09    Sujet du message: Répondre en citant

"...les Croates – qui empoissonnent le pays depuis sa création – ..."

pauvres pêcheurs ....
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Etienne



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MessagePosté le: Dim Avr 14, 2019 10:32    Sujet du message: Répondre en citant

Avec les cadavres dans les rivières et fleuves, doit y avoir du poisson... Laughing
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Capitaine caverne



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MessagePosté le: Dim Avr 14, 2019 10:32    Sujet du message: Répondre en citant

J'ai la fâcheuse impression qu'après avoir vu les malheureux bulgares se faire yaourter par les allemands puis les soviétiques, les hongrois vont se faire changer en bortsch de la même façon!
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ChtiJef



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MessagePosté le: Dim Avr 14, 2019 10:33    Sujet du message: Répondre en citant

houps a écrit:
"...les Croates – qui empoissonnent le pays depuis sa création – ..."

pauvres pêcheurs ....


C'est donc en cette période pascale qu'on peut sans hésiter dire :
"Halez et ne pêchez plus"...
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DMZ



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MessagePosté le: Dim Avr 14, 2019 10:37    Sujet du message: Répondre en citant

Ce n’est pas de cette gloire dont j’avais rêvé en entrant à Saint-Cyr !
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Bob Zoran



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MessagePosté le: Dim Avr 14, 2019 11:51    Sujet du message: Répondre en citant

"couronnes de retournement" dans le rapport du Canadien Rhodes. Je n'avais jamais lu ce terme. On pourrait dire plutôt pont tournant ou à la limite rotonde.
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Dim Avr 14, 2019 12:50    Sujet du message: Répondre en citant

Empoisonnent, évidemment…

Mais, DMZ - "dont" remplace "de que" ou "de qui"…… or, là, le "de" est déjà présent (de cette gloire). Tu confonds avec (par exemple) : "Cette gloire dont j'ai rêvé, je l'obtiens enfin !"

Quelques réactions sur le fond, peut-être ? Wink
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Casus Frankie

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patzekiller



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MessagePosté le: Dim Avr 14, 2019 13:32    Sujet du message: Répondre en citant

partisan du dont
à mon sens le de ne change rien
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www.frogofwar.org
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Archibald



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MessagePosté le: Dim Avr 14, 2019 15:05    Sujet du message: Répondre en citant

houps a écrit:
"...les Croates – qui empoissonnent le pays depuis sa création – ..."

pauvres pêcheurs ....


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DMZ



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MessagePosté le: Dim Avr 14, 2019 15:15    Sujet du message: Répondre en citant

Casus Frankie a écrit:
Quelques réactions sur le fond, peut-être ? Wink
Toujours impressionné par les développements imaginés et les descriptions des contextes politique de l'époque et des lieux. C'est triste à dire pour moi mais ma modeste contribution ne peut qu'ergoter sur un dont - que...
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houps



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MessagePosté le: Dim Avr 14, 2019 15:45    Sujet du message: Répondre en citant

Casus Frankie a écrit:


Quelques réactions sur le fond, peut-être ? Wink


Eh bien, je trouve que le Capitaine n'a pas tort
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