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Anaxagore



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MessagePosté le: Ven Mar 16, 2018 13:02    Sujet du message: Répondre en citant

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Anaxagore



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MessagePosté le: Sam Avr 07, 2018 09:50    Sujet du message: Répondre en citant

Le tome 3 de Zhongguo est presque achevé, publication... et bien cela dépends surtout de l’illustrateur de la couverture, mais RA n'a pas encore commencé et il faut aussi que cela me plaise donc on va avoir un certain nombre d'aller-retour.

Voilà un extrait pour vous faire patienter.

Chapitre 3


河出图洛出书圣人则之
Du Fleuve Jaune est sortie une image et de la rivière Luo un livre, un saint les a imités.
Yizing (classique des changements, datant de la dynastie Zhou)

Voilà encore une citation qu'il est difficile à comprendre sans explication. L'image surgie du Fleuve Jaune est tout simplement la civilisation chinoise. Le livre est le Yi Jing (ou Yi-King) qui sert à la divination, et le saint est Fuxi, le créateur de l'écriture. Les trois sont donc placés à égalité, car la Chine ne pourrait exister sans l'écrit (sa mémoire) et la divination (qui permet à la volonté des dieux de s'exprimer).



- Tam.... tam-tam... tam... tam-tam... tam... tam-tam...
Le rythme simple, entêtant, sortait d'une bouche peinte en rouge.
Dame Yen se tenait les yeux fermés, debout à cloche-pied et sautillant sur place. La cadence de sa mélopée la guidait vers un état de transe. Ses mains serraient un rosaire taôiste. Elle s'immobilisa soudain, respirant lourdement, la tête rejetée en arrière.
Lorsque la dame chamane se plia brusquement en avant, Tan Kai voulut instinctivement la retenir. Cependant, un assistant de la devineresse le retint. Tremblante, la femme en transe se tordait sur elle-même. De nouveau, elle s'arqua et le marquis de Guangyang vit ses yeux révulsés. Yen Yi se mit alors à parler... ou plutôt quelqu'un se servit de sa voix, car le timbre adopté était profondément différent de celui de dame Yen. L'intonation d'un homme mature sortait de la gorge d'une jeune femme. L'effet était saisissant :
"Écoute fils du serpent, les dieux te mettent en garde.
Le jour du soleil noir, le sang d'une jeune innocente sera répandu dans un temple enfoui.
Alors ceux qui dorment dans le froid sommeil de la pierre, mais trompent la mort, se lèveront les armes à la main.
Hâte-toi ! Car ton destin est d'empêcher cet acte contre-nature. "
La prophétesse s'effondra sur les genoux et ses aides se précipitèrent. Ébranlé, Tan Kai regarda les prêtres taôistes qui entouraient à présent dame Yen. Ils se mirent à discuter les termes de la prédiction. Cela ne fut guère long.
Un d'eux fit quelques pas vers le marquis et s'inclina profondément, les mains jointes.
- Monseigneur, voilà notre interprétation. Le "jour du soleil noir" est probablement une éclipse du soleil. Les astronomes de Sa Majesté, le Fils du Ciel, ont justement prédis qu'il y en aurait une dans deux semaines. Ceux qui "dorment" mais "trompent la mort" ne peuvent qu'être des morts-vivants. Il s'agit probablement d'une référence aux créatures d'Yǐn guāngpǔ guówáng. Les rois spectres seraient donc prêts à s'éveiller une nouvelle fois. Du moins si on n'empêche pas le sacrifice mentionné dans la prédiction.
- Un instant, qui est le "fils du serpent" ?
Les prêtres se regardèrent les uns les autres, puis l'un d'eux hocha la tête.
- Monseigneur, dame Yen Yin vous a offert cet oracle pour vous aider. C'est donc bien à vous que les dieux ont parlé. Pour les dieux, vous êtes donc ce "fils du serpent". Je ne peux toutefois pas vous éclairer sur le sens du titre qu'ils vous ont décerné.
Un deuxième taoïste hésita un instant, puis prit la parole.
- Les dieux n'interviennent que rarement et cet augure est tout ce qu'ils peuvent se permettre sans déroger aux lois mêmes qu'ils sont sensés défendre. Pour ne pas influencer les mortels, il leur faut rester vague et en dire le moins possible. Cette allusion à la lignée de monseigneur, surtout de cette manière obscure est loin d'être anodine. Peut-être venez-vous de recevoir un renseignement ou un avertissement très important, en relation ou non avec le réveil possible des rois spectres.
Fils du serpent ? Qui était le serpent alors ? Son père ? Wu Ten, le précédent marquis de Guangyang, avait eu bien des secrets. Son fils découvrait encore des choses sur sa jeunesse. Toutefois, rien de ce qu'il savait ne pouvait le désigner comme le "serpent". Restait sa mère, dame Chesa. Au contraire, il n'avait aucun souvenir d'elle. Ils avaient été séparés peu après sa naissance. Tan Kai connaissait juste ce que maître Zhang lui avait appris. Elle avait été une personne de qualité. Son père s'était rendu au Tibet pour approcher dame Chesa, et avait fini par s'en éprendre. De plus, le prince Han Sun Huangdi, l'actuel empereur et frère cadet de celui qui régnait à l'époque, avait envahi le pays pour s'emparer d'elle. Dame Chesa serait toujours en vie, maintenue depuis plus de vingt ans en captivité. Pourquoi ? Le général Zhang Sei lui avait juste expliqué qu'elle avait un "pouvoir "... Était-ce elle que les dieux appelaient "serpent " ?
- Monseigneur ?
Wu Tan Kai releva la tête, soudain conscient d'être resté silencieux un long moment.
- Oui ?
- Que monseigneur se rassure, les dieux ont dit que vous étiez prédestiné à empêcher le réveil des dormeurs dans la pierre. Bien sûr, tous ne réussissent pas à accomplir leur destinée. Cependant, vous êtes prévenus, et vous serez guidé dans votre quête. Ayez foi, garder confiance dans les dieux et en vous-même. Les puissances supérieures ne choisissent pas n'importe qui pour accomplir ce genre de tâche.
- Vous avez raison.
Le marquis demanda de quoi écrire et rédigea rapidement un rapport pour le roi Zan. Il apposa ensuite son sceau à l'encre rouge.
- Dès que la route sera libre, allez le plus vide possible à Fan Yang. Remettez ce pli au Roi d'Or de Youzhou. Il faut absolument que Sa Majesté soit informé.
Le prêtre s'inclina profondément, avant d'enfouir la lettre dans sa manche.
- Que monseigneur se rassure, nous porterons votre avertissement à Sa Majesté le Roi d'Or de Youzhou.

À l'arrivée de la nuit, les Cavaliers Blancs établirent leur campement au bord de la route et tous purent se reposer sous la garde vigilante des sentinelles. Aux premiers rayons du soleil, tandis qu'une partie des hommes refaisait le paquetage de la troupe, d'autres furent employés aux corvées d'eau. Les premiers soldats à partir furent les éclaireurs, derrière eux le gros de l'armée se mit en branle.
Au fur et à mesure de l'étape du jour, le paysage se mit à changer. Les champs de blé cédèrent la place à un paysage de petites collines mornes couvertes de broussailles desséchées.
Depuis le matin, les nuages gris roulaient lentement dans le ciel. Cependant, au cours de l'après-midi, ils commencèrent à s'épaissir, annonçant un orage qui déjà illuminait les nuées de brèves fulgurances accompagnées de roulement de tambours lointains.
Les premières gouttes frappèrent isolément, laissant des traces humides sur les cailloux autour de la colonne qui s'avançait vers le nord. Puis, sans avertissement, les cumulonimbus crevèrent en une averse si serrée que le paysage parut se dissoudre à seulement quelques pas des soldats. Ces derniers, rapidement trempés, étaient comme auréolés par la pluie qui martelait leurs casques et leurs armures.
Les combattants d'élites continuèrent à avancer sans se plaindre. Ils avaient vu bien pire qu'un orage. Comme un éclair frappait un arbre isolé, des chevaux se cabrèrent. Cependant, aucun cavalier ne vida sa selle et les montures furent calmées de main de maître.
Peu après, alors que Tan Kai spéculait que l'après-midi touchait à sa fin - impossible d'en être sûr car la couverture nuageuse plongeait la contrée dans l'obscurité - deux éclaireurs revinrent, racontant avoir découvert une pagode à l'abandon. Le jeune marquis écouta leur rapport. Ce temple bouddhiste semblait avoir été pillé et ravagé récemment. Toutefois, il n'y avait pas de corps ni rien qui aurait permis d'identifier ceux qui avaient perpétré ce forfait.
Wu Tan Kai ordonna à ses hommes de suivre les avant-coureurs jusqu'à l'édifice. Le marquis de Guangyang espérait, en le visitant, recueillir quelques indices sur ce qui se tramait dans la région. De plus, comme la pluie ne voulait pas s'arrêter, le temple pourrait offrir un sommeil au sec à tous ceux qui pourraient y entrer.
La pagode s'élevait au sommet d'une colline aplatie. Des ronces avaient poussé et envahi les murs ébréchés qui entouraient le sanctuaire. Même si ce genre de plantes était vivace et croissait rapidement, il avait fallu des semaines pour qu'elles occupassent ainsi le terrain. À la lumière d'un éclair, Tan Kai put visualiser le bâtiment. L'estrade, l'escalier et le soubassement étaient de pierres blanches. Le pilier consistait en une armature de croisillons de bois recouverts d'un plâtre qui s'effritait. Plusieurs toits et avant-toits de tuiles vertes, soutenues par des consoles ornées, se succédaient jusqu'au faîteau artistiquement travaillé. Une balustrade à mi-hauteur faisait le tour de la pagode.
Comme le marquis montait les premières marches, un nouvel éclair révéla deux silhouettes dans la salle principale. Enveloppées dans des capes de feuilles, leurs visages invisibles dans l'ombre de chapeaux de paille coniques, ces hommes avaient un aspect menaçant... ou peut-être était-ce juste la surprise de les voir au dernier instant ? Toujours est-il que le cœur de Tan Kai s'emballa dans la poitrine. Sa main s'était instantanément posée sur le fourreau de Zhishi Guang (Juste Lumière) son épée magique.
- Holà ! Approchez et déclinez votre identité, nous sommes des soldats de Youzhou au service du roi légitime, Gongsun Zan. Si vous n'êtes pas des brigands ou des ennemis de Sa Majesté, vous n'avez rien à craindre.
Les deux hommes s'avancèrent, ôtant leurs chapeaux. Tan Kai reconnut des bonzes à leurs crânes rasés. Souriant, ils s'inclinèrent sans dire un mot. Rassuré, le marquis leur posa quelques questions. Néanmoins, pour toute réponse, l'ainé des moines ouvrit la bouche en grand... leur interlocuteur déglutit d'écœurement... on lui avait coupé la langue.
Pendant que les soldats s'installaient autour de la pagode, Tan Kai continua son "interrogatoire". Par signes, voire par des dessins dans la poussière du sol, les religieux racontèrent leur histoire. Ils étaient parmi les bonzes qui entretenaient ce monastère isolé. Un jour, une importante troupe de gens en arme était arrivée. Ces hommes pillèrent, détruisirent avant de repartir après avoir enlevé l'abbé et la plupart des moines. Eux, ils avaient été laissés sur place... mais avant de partir les assaillants les avait mutilés de la manière que l'on sait.
Bien sûr le récit manquait de détail, vu la difficulté à communiquer et l'ignorance des bonzes en matière militaire. Toutefois, leur histoire ne fit qu'accroitre le malaise du marquis de Guangyang. Les assaillants n'avaient pas tué les moines, ils les avaient enlevé... sauf deux. Laissés volontairement en arrière, ils avaient eu la langue arrachée. Pour quelle raison, si ce n'est pour les empêcher de s'exprimer. Peut-être aussi avaient-ils été laissés là comme une sorte de mise en garde ?
Wu Tan Kai repensa à sa rencontre avec dame Yen Yi, la veille. La chamane pensait que les enfants avaient été pris en otages dans les villes proches, afin d'empêcher les habitants d'appeler à l'aide les étrangers de passage. Les bonzes avaient-ils étés enlevés par la troupe ennemie pour la même raison ?
En tout cas, cela suggérait qu'une formation nombreuse et bien organisée avait pris le contrôle de la région. Pire, qu'elle l'avait fait en étouffant toute rumeur qui aurait pu alerter la capitale. Le secret ! Le silence ! Pourquoi de telles précautions ? Pour éviter que le roi Zan n'apprenne qu'une région de Youzhou avait été conquise ? Non... personne ne pouvait croire que l'on puisse cacher longtemps quelque chose de cette ampleur. La disparition des fonctionnaires des impôts, puis celle du régiment du colonel Di ne pouvaient qu'attirer l'attention. Il y avait forcément autre chose.
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MessagePosté le: Sam Avr 07, 2018 11:25    Sujet du message: Répondre en citant

J'ai inclue au début du tome 3 une liste des personnages vu que nombre des lecteurs semblaient perdu avec les noms chinois. Je vous la donne.

Liste des personnages

Wu Tan Kai : le héros de cette histoire, général de l'Aile Gauche du royaume de Youzhou, marquis de Guangyang.

Chen Mudan : fille d'un marchand, concubine du précédent, mère d'une petite fille.

Wu Bao : la fille de Wu Tan Kai et Chen Mudan, elle n'est encore âgée que de quelques mois. Son prénom veut dire "trésor".

Gongsun Quian Shan : épouse de Tan Kai, fille de Gongsun Du, nièce de Gongsun Zan

Gongsun Zan : Roi d'Or de Youzhou, un héros renommé.

Gongsun Du : frère cadet du précédent, un nécromancien qui revendique le trône de Youzhou et qui a également accaparé le titre de prince hégémon (l'équivalent du Shogun japonais). Généralement appelé l'Usurpateur par les partisans de Gongsun Zan, le roi légitime.

Yen Yi : prophétesse et chamane qui devient la voix d'un dieu lorsqu'elle est en transe.

Ouyang Li : général de Youzhou, également responsable du guet de la ville de Bei Ping, la commanderie du Guangyang.

Ouyang Fen : fille du précédent.

Colonel Di : chef d'une unité de cavalerie du Youzhou.

Ma Ten : chef de l'école de Mozi (ou moïsme) dans le Guangyang. Il a pris le titre de maître de la Grande Paix et créé une armée de la Grande Paix (ou Turbans Blancs) chargée de répandre ses théories.

Lin Juhua : cheffe de la Société du Lotus Jaune, a été conseillère du marquis Tan Kai.

Ba Tou le Splendide : général de l'armée de Youzhou. Il a été sous le commandement du marquis Tan Kai et l'a aidé à réprimer plusieurs soulèvements.

Zhuge Liang : stratège qui dirigeait une école renommée à Chengdu, au royaume de Shu. Il est à présent conseiller de Wu Tan Kai.

Dai Xian : jeune noble de Shu, élève de Zhuge Liang, devenu aide de camp de Wu Tan Kai

Ming Jinse : héros autoproclamé de Zhongguo. Ce puissant guerrier semble dénué de toute peur de la mort et ne vit que pour accomplir de grands exploits.

Maître Nim : grand eunuque du palais de Bei Ping.

Wang Pi : supérieur du monastère bouddhiste de Bei Ping, conseiller du marquis de Guangyang.

Sun De : grand-prêtre des dieux, chef de file des confucianistes de Bei Ping, autre mentor du marquis de Guangyang.

Cao Zheng : le premier ministre de l'empereur. Homme d'état, philosophe et poète, Cao Zheng est aussi renommé pour savoir s'attacher les hommes de valeur.

Sun Quan, roi de Wu : jeune souverain, il vient juste de remplacer son frère ainé mort à la guerre. La plupart des grands seigneurs ne voient en lui qu'une pâle copie de son prédécesseur, les plus sages conseillent cependant de se méfier de lui, il pourrait être un candidat sérieux pour le trône impérial.

Chang Kong : général en chef de l'Usurpateur, il occupe le premier rang des mandarins militaires. Il remplace à ce poste Mo Ten, mort à la bataille de la Passe de Hu.

Hou Cheng : officier de l'Usurpateur en charge de la défense d'une des portes de la ville de Dai Xian.

Kao Chen : Grand Secrétaire de l'Usurpateur, note : Grand Secrétaire est le plus haut rang du mandarinat civil.

Kong Cai : Chancelier de la Maison Royale de l'Usurpateur.

Wang Qi : Général de l'Avant-garde de l'Usurpateur, il dirigea l'armée de Gongsun Du le premier jour de la bataille du défilé de Hu. Peu avant, il fut l'adversaire de Wu Tan Kai - qui le manœuvra superbement - à la bataille de la Jiāng Zi.

Han Sun Huangdi : actuel empereur de Zhongguo, comme ses prédécesseurs son pouvoir réel est faible. Cependant, il agit en utilisant des assassins, en fomentant des révoltes et en détruisant des villes entières. Cruel et manipulateur, il détient la mère de Wu Tan Kai dont il convoite le mystérieux pouvoir qu'elle partagerait avec son fils. De ce fait, il est l'ennemi principal du héros de notre histoire.

Masque de Mort : le mystérieux chef des assassins de l'empereur Han Sun. Nul ne connait son véritable nom ou son visage. Il porte en permanence un masque modelé à la ressemblance d'une face de squelette.
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MessagePosté le: Mar Avr 10, 2018 14:53    Sujet du message: Répondre en citant

Adam et Ève, bis repetita.

180ème jour de la mission

La première sensation de Stephen Parker à son réveil fut le froid. Il se sentait faible et transi, grelottant. L'astronaute anglais ouvrit les yeux et déglutit. Bien que tous ses sens ne lui fussent pas encore revenus, il se mit à respirer calmement pour réprimer l'envie de vomir qu'il ressentait. Ce réflexe lui avait été appris durant sa longue formation. Il sut alors qu'il était en impesanteur. La paroi devant lui, avec ses terminaux, ses sangles, et ses câblages, ne pouvait appartenir qu'à un habitat spatial. Comme quelque chose le gênait dans les narines, il tira et ôta le cathéter qu'il avait dans le nez.
Bien sûr... il se souvenait maintenant.... il venait de passer deux semaines en hibernation artificielle. C'était la procédure normale à bord du vaisseau Mars Pioneer. L'équipage international dormait par roulement, quatorze jours de sommeil, trois jours d'éveil. De cette manière, les astronautes pouvaient affronter le voyage de 560 millions de kilomètres jusqu'à la planète rouge. Les problèmes de cohabitation, le stress, la consommation d'air et de nourriture avaient jusque là été insolubles. Sans le sommeil artificiel, obtenu en refroidissant progressivement l'organisme grâce un gaz réfrigérant, il n'aurait pas été possible de se rendre sur Mars.
Stephen commença à s'extraire du sac de couchage accroché à la paroi sphérique de l'habitat. Cet œuf blindé protégeait les astronautes des rayonnements cosmiques. L'exercice était difficile. Non seulement à cause de l'Impesanteur, mais aussi parce le jeune anglais portait une tenue couverte de circuits électriques. En microgravité, la musculature fondait. Après des mois dans le cosmos, les hommes ne pouvaient même plus tenir debout sur Terre. Aussi, pendant leur sommeil, les membres de l'équipage subissaient un massage permanent qui contractait les muscles pour les faire travailler.
Normalement, quatre autres astronautes auraient dû être en sommeil. La routine concoctée par les divers spécialistes voulait que Stephen passe son premier jour hors d'hibernation avec un camarade qui passait lui son dernier jour éveillé. Il aurait ensuite été un jour seul, puis un autre se serait éveillé pour passer son premier jour avec lui.
Seulement, tous les sacs de couchage étaient vides.
La dernière fois que Stephen s'était endormi, il savait qu'il en serait ainsi. Le 180ème jour du voyage était aussi celui de la mise en orbite autour de Mars.
Après avoir passé la combinaison bleue qui servait de tenue de bord, Stephen se glissa dans l'écoutille qui menait à la section avant. Il s'agissait du module de vie avec l'infirmerie, le coin cuisine, le vélo d'appartement. Un espace oblong, étroit, envahis de câbles et d'ordinateurs. Il y rencontra Annie Paline. La Française était le médecin de l'expédition. En tant que géologue, Stephen était sans doute l'astronaute qui pratiquait la discipline la plus éloignée de celle de la jeune femme. Mais, peut-être parce que les contraires s'attirent, ils étaient devenus proches.
- Bonjour, demoiselle.
- Bonjour, le british charmeur. Bien dormi ?
- J'ai fait la grasse matinée.
Au cours de leurs réveils successifs à bord du Mars Pioneer, les passagers avaient eu le temps d'épuiser le registre des blagues sur les cures de sommeil. Mais la jeune femme brune sourit quand même.
- Je vais te faire à manger.
- Quelle bonne idée... je meurs de faim... mon dernier repas remonte à quinze jours.
Annie se mit à rire. Une autre plaisanterie éculée. Le ralentissement du métabolisme lors du sommeil artificiel leur permettait justement de manger peu. Pendant que Stephen se faisait un sandwich avec une tortilla (1) et du beurre de cacahouète, la Française s'occupa de la cuisine. Dans ce cas cela se résumait à connecter un plat déshydraté en sachet plastique à un embout. Tourner un sélecteur pour la quantité d'eau, un autre pour la température souhaitée. Une fois ceci fait, il suffisait d'appuyer sur le bouton de mise en marche.
- Où sont les autres ?
- Kimi et Chang font des vérifications sur notre générateur nucléaire. Olga et Chris sont au poste de pilotage... Officiellement, ils vérifient notre trajectoire.
- Oh...
Kimi Matsushima, la Japonaise, et Li We Chang, le Chinois, avaient les mêmes diplômes : mécanique, informatique et électronique. Cette redondance était jugée obligatoire dans l'intérêt de la survie de la mission. Si l'un d'eux venait à mourir, il resterait une personne capable de réparer et entretenir les délicats organes du vaisseau spatial.
Chris Makanga était un noir américain, major de l'Air Force. Il commandait la mission et était également leur pilote. Olga Anatoliovna Tchernenkova, la Russe, était leur biochimiste. Elle ne connaissait rien au pilotage... mais s'isolait souvent avec leur commandant de bord. Mais après tout, le fait que l'équipe soit formée de six jeunes célibataires, trois hommes et trois femmes avait été choisi pour favoriser des rapprochements.

181ème jour de la mission

Chris Makanga était face à ses équipiers, flottant dans le module de vie.
- Ce que je vais vous dire, vous le savez déjà. Si vous êtes ici, c'est que vous avez signé pour vivre ce moment.
Les astronautes acquiescèrent alors qu'il les considérait l'un après l'autre. Il reprit la parole.
- Nous avons achevé notre satellisation autour de Mars.
Il désigna un hublot où apparaissait la planète écarlate.
- Jusque là, seule la durée du voyage présentait une difficulté. Nous avons utilisé des techniques éprouvées et des technologies muries depuis près d'un siècle. Seulement, nous allons nous installer dans le module Mars Lander et.... vivre ce que les créateurs de la mission ont appelé " six minutes de terreur". Alunir, c'est se poser sur un corps à faible gravité. Atterrir, c'est se servir de la friction atmosphérique pour nous freiner et finalement, en fait... amerrir. Mais Mars a une gravité plus élevée que celle de la Lune. Tandis que son atmosphère a une densité égale à seulement 1% de celle de la Terre, et donc pas de mer. C'est donc la partie la plus délicate du voyage. D'autant plus qu'il va nous falloir nous poser près de Kunowsky, au nord-est d'Acidalia Planitia. C'est en cet endroit précis que se trouve le module de liaison qui va nous permettre de rejoindre Pioneer une fois notre mission terminée. Et évidemment, c'est aussi là que tout le nécessaire à notre vie et à nos travaux sur Mars a été apporté au cours des dix dernières années. Voilà ! Préparez-vous, nous commençons la manœuvre dans onze heures. Vous avez le temps d'appeler la Terre, profitez-en.
Chris avait passé deux choses sous silence. Deux choses que tous ses compagnons savaient. La première, c'est que Mars Lander ne pouvait toucher terre à plus de huit heures de marche du camp de base installé par les missions automatiques. Cette durée correspondait à la contenance en oxygène (2) des combinaisons martiennes. Il y avait aussi un autre hic qui avait manqué de faire annuler la mission. Trois ans plus tôt, un des containers envoyé par une expédition robot s'était crashé. Un système d'électrolyse avait été perdu. Comme tout le matériel vital, il s'agissait d'un doublon. Un atterrisseur qui s'était posé sur Mars l'année précédente avait amené une usine de synthèse capable de créer six kilos d'oxygène à partir de sept kilos d'eau, soit la consommation journalière de six adultes. Les autres atterrissages avaient apporté des systèmes de recyclage de l'air très efficaces. En fait, ils suppléeraient au deux tiers de la consommation d'oxygène. Pour éviter que le gaz carbonique et les vapeurs d'eau exhalées par les astronautes ne finissent par rendre l'air irrespirable, les astronautes apportaient avec eux un système de purification. Il s'agissait d'une cuve d'eau dans laquelle flottaient des algues. De plus, l'expédition pouvait compter sur... des plants de pommes de terre! Car les plantes, via la photosynthèse transformaient le carbone de l'air en matière organique, rejetant de l'oxygène au cours du processus. Gaz également bienvenu pour la constitution du mélange respiré au sein du module d'habitation martien.

- .... et voilà, maman, comme tu le vois il n'y a pas grand chose de nouveau depuis le dernier message. Mais demain, je serais sur Mars et la partie importante de la mission commencera.
En effet, Stephen Parker bouillonnait à l'idée de commencer enfin ses recherches. Durant son enfance, il s'était découvert une passion pour la géologie en voyant aux infos les images des rover martiens qui exploraient le fond des anciens lacs. Ces machines commandées à distance et d'une autonomie limitée ne pouvaient qu'égratigner la surface de la planète. Mais les astronautes auraient une paire de buggys pressurisés et deux trépans capables de forer jusqu'à cent mètres de profondeur, de quoi apprendre beaucoup plus.
Un bruit fit se retourner Stephen. Kimi Matsushima arrivait par le boyau de communication. Elle agrippa une poignée pour s'en extraire. La Japonaise pirouetta en impesanteur avant de s'accrocher à une sangle à proximité des ordinateurs.
- Salut vous, fit-elle en agitant la main en direction de la caméra.
- Tu as entendu ? Kimi te dit bonjour. Et si elle arrive, ça veut dire que mon temps de communication est écoulé. Voilà, j'attends ta réponse. À tout de suite !
Stephen coupa l'enregistrement et appuya sur la touche d'envois. Vu la distance avec la Terre, la communication en temps réel était impossible. Il fallait à présent près de dix-huit minutes à la lumière pour faire l'aller-retour entre Mars Pioneer et le centre de communication de Houston.

182ème jour de la mission

Une nouvelle fois, les astronautes étaient réunis dans le module de vie. Ils faisaient face à la caméra du système de communication. Chris Makanga parlait à l'intention des journalistes réunis dans la salle de Briefing de la mission Mars Pioneer. Ceux-ci avaient envoyé une suite de questions. Elles concernaient bien entendu l'atterrissage sur Mars (devait-on dire l'amarssissage ?).
- Pour poser un vaisseau sur Mars, il faut réduire sa vitesse de chute à zéro. Lors des missions Appolo, on utilisa des rétrofusées. Mais le carburant embarqué constituait la moitié du poids du module. Mars ayant une gravité trois fois supérieure à la Lune, cette option a donc été rejetée dès les premières étapes de la planification de la mission.
Chis eut un sourire légèrement crispé.
- Pour freiner Mars Lander nous avons choisi d'utiliser l'atmosphère de Mars à notre profit. Plus exactement, nous allons utiliser la traînée aérodynamique. L'atmosphère va transformer notre énergie cinétique en chaleur.
Le commandant montra la maquette de l'atterrisseur qui flottait près de lui en impesanteur.
- Mars Lander est un engin à usage unique. La partie conique en dessous est un bouclier thermique. Il est conçu pour offrir une résistance maximale à notre pénétration dans l'atmosphère, et donc nous freiner de manière optimale. Il devra aussi dissiper une chaleur, due à la friction, évaluée à plus de 2000 ° Celsius. Une fois sa tâche accomplie, il sera éjecté. À ce moment, Mars Lander sera encore en vol hypersonique. Pour nous permettre d'atteindre le sol sain et sauf, nous comptons sur un parachute de très grand diamètre. Il s'ouvrira juste après que nous nous soyons débarrassés du bouclier. Malgré cela, le contact avec le sol sera sans doute très rude. Au terme de cette phase d'atterrissage qui durera six minutes, six Terriens... et des pommes de terre seront devenus les premiers Martiens.
Décrochant le sachet de sa "tasse à café," scotchée au mur par une bande de velcro, Stephen aspira le liquide chaud grâce à une paille. Six minutes après plus de cent quatre-vingt jours de voyage, cela semblait ridicule... et pourtant ces six minutes allaient être affreusement longues. L'astronaute anglais avait cessé d'écouter les explications qu'il connaissait déjà, il s'était lancé dans un exercice de respiration. Son cœur battait trop vite.
Chris avait terminé l'enregistrement et appuya sur la touche d'expédition.
- C'est le moment de tirer les combinaisons à la courte paille.
Chaque membre de l'expédition avait sa propre combinaison "martienne" une version simplifiée des combinaisons de sortie extravéhiculaires. Pour pouvoir être utilisées sur Mars, il avait fallu diminuer leur poids... et donc leur résistance. Il y avait aussi deux combinaisons conçues pour les réparations à l'extérieur de Mars Pioneer. Leurs porteurs auraient une chance légèrement supérieure de survie en cas de crash.
- Kimi ? Li ? La première tenue se joue entre vous deux, les mécanos.
Chris tendit dans son poing deux bouts de papier torsadés. Il les présenta à la Japonaise.
- À toi l'honneur.
Le visage rond de l'Asiatique trahissait une forte tension. Elle saisit un papier avec hésitation. Le bout était marqué de noir. Elle soupira de soulagement. Chris ouvrit la main et le second bout de papier se mit à flotter dans le module. Son extrémité ne portait aucun signe distinctif.
- Très, bien. Kimi aura la première combinaison. On recommence pour les autres spécialistes.
Olga, Annie et Stephen se groupèrent autour du commandant de la mission et chacun choisit un papier. Cette fois ce fut Stephen qui eut le papier marqué.

Une plaine de rouille formait des dunes peu élevées, moutonnant vers l'infini. Par endroit, d'anciens cratères de météorites, érodés par le vent, parsemaient le paysage. Pas un relief plus accentué ne venait rompre la monotonie d'Acidalia Planitia. Le ciel... le ciel était rose.
Stephen Parker avançait mécaniquement. Son esprit était entièrement focalisé sur la "boussole" qui faisait parti de l'interface incrusté dans son viseur. Il ne faisait plus attention à la jauge d'oxygène dans le rouge. À peine avait-il le réflexe de tirer derrière lui Kimi Matsushima, encore plus épuisée qu'il ne l'était.
Les lourdes combinaisons extravéhiculaires, n'étaient pas faites pour marcher sur Mars. Elles semblaient encore peser une trentaine de kilos et seule la force des astronautes, multipliée par la faible gravité leur permettait de marcher relativement sans encombre.
Une sonnerie rythmée carillonnait depuis quelques instants dans le casque, perçant le nuage gris qui obscurcissait les pensées de Stephen. Le signal venait de l'indicateur de distance. Il avait commencé à égrener la dernière centaine de mètres. Stephen eut un coup de fouet en réalisant qu'il était arrivé à destination. Sa vue était trouble sous l'effet de l'épuisement, mais il identifia trois cylindres d'un blanc très clair, posé sur des béquilles métalliques. D'autres structures artificielles se trouvaient à proximité. Mais elles ne l'intéressait pas... Il ne regardait que les habitats pressurisés. Inconsciemment il accéléra, faisant trébucher sa compagne.
- Kimi... on est arrivé.
L'espoir rendit de la force à Stephen. Redressant la jeune Japonaise, il l'entraîna vers l'avant. Alors qu'il franchissait les derniers mètres, il vit l'escalier d'accès et obliqua pour l'atteindre. Ses pas épuisés le conduisirent jusqu'au sas. Stephen ouvrit et tira la jeune femme à l'intérieur. Une fois la porte extérieure refermée, il suffisait d'appuyer sur un bouton pour que les pompes se mettent en marche injectant de l'air dans la pièce. L'astronaute empêcha son amie d'ouvrir son casque. L'atmosphère était certes devenue respirable. Cependant, la pièce était remplie de sable martien et celui-ci, très fin, était toxique. Des aspirateurs aspirèrent les grains avant que la porte intérieure daigne enfin s'ouvrir. Kimi s'effondra sur le sol, respirant à plein poumon et Stephen perdit connaissance.

183ème jour de la mission

Stephen Parker avait longuement réfléchi à la manière de présenter les choses. Mais il ne savait que rien ne pouvait changer le caractère abrupt de sa déclaration. Un dernier doute le fit hésiter. Il le repoussa et appuya sur le bouton d'enregistrement.
- Allo la Terre, ici Mars. C'est Stephen Parker de la mission Mars Pionner. J'ai écouté les messages que vous nous avez envoyé et j'imagine votre panique. Elle est malheureusement justifiée. L'atterrissage de Mars Lander ne s'est pas passé comme prévu. Notre dérive par rapport à la trajectoire idéale s'est révélée très importante, contraignant le major Chris Makanga à une correction manuelle. En fait, il a écrasé Mars Lander pour éviter que nous nous retrouvions à des centaines de kilomètres de notre but, condamné à mourir par asphyxie. Les astronautes Li We Chang, Chris Makanga, Olga Anatoliovna Tchernenkova et Annie Paline ont trouvé la mort dans l'accident. Kimi Matsushima et moi sommes les seuls survivants. Nous avons pu rejoindre à pied les habitats martiens même si ce fut de justesse.
Vingt minutes après l'envoi de son message, un voyant s'alluma sur la console. Kimi fut la première à réagir, lançant la diffusion. L'écran s'alluma révélant le visage de Kurt Weissmann, le directeur de mission. Il était blanc comme un linge.
- Kimi, Stephen, je voudrais d'abord vous dire notre joie en recevant votre message. Ensuite l'équipe se joint à moi pour vous offrir ses condoléances. Restez à l'écoute, nous allons débattre du meilleur choix possible pour vous. Gardez confiance, nous allons vous ramener sur Terre.
Avec la lenteur des communications entre les planètes, il fallu une heure pour que Kurt Weissmann reprenne la parole.
- Stephen, vous avez dit que vous êtes arrivé à pied et de justesse. Cela signifie donc que vous n'avez pas amené avec vous le bac d'algues servant au retraitement de l'air. S'il est en bon état, il faut impérativement que vous alliez rapidement le chercher. Vous avez trois habitats. Chaque habitat peut héberger deux personnes. Il n'y a pas de problème pour l'approvisionnement en oxygène tant que vous avez de l'eau. Mais au bout de 38 jours, chaque habitat sera saturé par le gaz carbonique. Ce qui fait que vous n'avez que 127 jours de mélange respirable. Vous ne pourrez quitter Mars avant 498 jours... il faut donc que vous retraitiez l'air ambiant pour qu'il reste respirable. Vous allez devoir prendre un rover, retourner à l'épave de Mars Lander et ramener la cuve d'algue.

L'équipement apporté par les missions robots comportait trois rovers. Deux d'entre eux étaient pressurisés et permettaient de rayonner jusqu'à cent kilomètres de la base. Il s'agissait de véhicules en forme d'obus, couverts de panneaux solaires. L'habitacle, à l'avant, avait deux fenêtres munies d'essuie-glaces. Au milieu, une porte circulaire permettait d'entrer dans le sas. La rover était mu par six trains de roues doubles, tous motorisés indépendamment. Le véhicule n'avait rien d'une formule 1 atteignant tout juste 3 km/h sur terrain plat, mais il embarquait un système de production/ retraitement de l'oxygène ayant une semaine d'autonomie.
Stephen Parker s'était installé aux commandes, et Kimi Matsushima se trouvait dans le siège voisin. Grâce à la présence de Mars Pioneer, en orbite géostationnaire, les astronautes savaient exactement où trouver l'épave de l'atterrisseur. Le site du crash n'était distant que de quinze kilomètres. Une broutille à l'échelle de Mars, mais il avait tout de même fallu six heures pour arriver sur place. Les combinaisons martiennes étaient longues à mettre. De plus, l'atmosphère du Rover était un mélange d'azote et d'oxygène. Et il fallait respirer s'habituer à respirer de l'oxygène pur avant de se risquer à l'extérieur. Aussi, ce ne fut que trois quart d'heure après leur arrivés que les deux astronautes quittèrent leur véhicule.
Rien n'avait changé depuis l'avant-veille. L'épave avait juste commencé à se remplir de sable. Mars Lander était à présent une tombe où reposaient quatre corps tués par dépressurisation explosive. Les bagages des voyageurs étaient contenus dans deux containers pressurisés. Et... le premier... celui qui contenait les algues de purification de l'air, était éventré. Kimi et Stephen le laissèrent sur place. L'examen du second montrait qu'il était toujours sous pression. La pomme de terre était une plante très utile pour le vol spatial. Outre ses qualités nutritives, sa culture était rentable pour l’oxygénation naturelle de l’air respirable et le retraitement du carbone. C'est pourquoi les Astronautes avaient choisi d'en amener des plans et des graines sur Mars.
De retour dans le Rover, Kimi se chargea de contacter la Terre qui se trouvait heureusement au dessus de la ligne d'horizon. Kurt Weissmann mit près d'une heure à répondre.
- Bon, je ne vous cacherais pas que nous avons un sacré problème. Les pommes de terre n'ont pas un rendement suffisant pour purifier l'air. Ne vous inquiétez pas. Nous avons près de quatre mois pour trouver une solution. Vous avez beaucoup de matériel et nous nous avons des gens très intelligents pour vous venir en aide. Nous vous rappellerons dès que nous aurons une idée qui fonctionne.
Voyant la pâleur de la Japonaise, Stephen lui posa une main sur l'épaule. :
- C’est une erreur de croire qu’on peut résoudre n’importe quel problème majeur rien qu’avec des pommes de terre.
La remarque eut au moins l'effet immédiat de tirer Kimi de son hébétude. Elle tourna vers lui de grands yeux étonnés.
- Pardon ?
- C'est une citation de l'humoriste et écrivain Douglas Adams, l'auteur du "Guide du voyageur galactique". J'ai toujours pensé que je n'arriverais pas à la caser dans une conversation. J'avais tort.
La Japonaise eut un mince sourire.
- Tu es encore capable de plaisanter ?
- Je ne m'inquiète pas. Il y a plein de gens qui le font à ma place, j'aurais l'impression de gêner. Je ne suis pas seul au monde, je suis avec une amie. Et puis, venir ici était le rêve de ma vie. Sais-tu que l'un des projets privés pour Mars ne donnait presque aucune chance aux astronautes de revenir? Malgré cela, il y a eu des centaines de milliers de personnes qui se sont inscris pour participer. Et c'est nous qui sommes devenus l'Adam et l'Ève de ce nouveau monde. Quoi qu'il se passe nous allons écrire une page de l'histoire.

Sur la vidéo Kurt Weissmann tenait un filtre à oxygène en souriant.
- Les rovers sont sous atmosphère terrestre, soit 78 % d'azote, 21 % d'oxygène et le gaz carbonique que vous rejetez.
Il secoua l'objet qu'il avait en main.
- Pour que l'atmosphère des véhicules reste respirable, il faut changer les filtres une fois par mois. Chaque rover a un filtre dans la ventilation et six filtres de rechange. Ce qui fait en tout quatorze filtres. On va vous expliquer comment modifier le système d'air d'un des modules d'habitation pour en intégrer un. N'ayez crainte, vous n'aurez besoin que de démonter quelques pièces de la ventilation d'un rover et de duct tape (3). Comme vous savez compter, vous avez sans doute déjà compris que vous êtes sauvé... même s'il peut paraître que c'est de justesse. Je tiens à vous rassurer, nous avons d'avantage de marge que vous pouvez le croire. D'abord, les filtres n'ont pas vraiment besoin d'être changés tous les mois. C'est simplement qu'ils sont moins efficaces passé ce laps de temps. Gardez-les en place tant que le taux de gaz carbonique n'est pas trop élevé. Pour terminer, vous avez un allié.
Weissmann fit tourner entre ses mains une pomme de terre.
- Cette plante est connue pour ses vertus culinaires. Mais elle pousse en capturant le carbone présent dans l'air. Les cultures de plants de pomme de terre devraient soulager les filtres d'une partie de leur travail. Bon, je vais vous laisser avec une petite vidéo instructive sur les modifications de la circulation d'air. Je me doute cependant que Kimi n'en aura pas besoin. A plus tard Mars.
Le directeur de mission agita la main à l'intention de la caméra tandis que Stephen se tournait vers la Japonaise.
- On ne résous peut-être pas tous les problèmes avec des pommes de terre, mais ça aide beaucoup.
Kimi Matsushima eut un rire silencieux.
- Il avait donc à moitié raison et seulement à moitié tort.

En dépit de la mort de quatre membres de l'expédition et de graves problèmes liés à l'excès de gaz carbonique, Mars Pioneer réussit à regagner la Terre. Kimi Matsushima et Stephen Parker furent fêtés en héros. La mission ne rapporta pas autant d'informations sur Mars qu'espéré. Seul le géologue avait survécu et malgré le concours des savants terrestres, il fut incapable de produire toutes les expériences prévues. Sans filtre à carbone, le rayon d'action des rovers fut également réduit. Seules les recherches sur les sites les plus proches du camp de base purent être conduites. En fait, le principal intérêt de Mars Pioneer fut d'avoir réalisé un exploit qui enthousiasma l'humanité pendant des décennies. Trente ans plus tard, lors de la création de la première base permanente sur la planète rouge, Stephen Parker fut engagé comme conseiller. Sa première proposition fut d'offrir un exemplaire du "Guide du voyageur galactique"...


(1) On n'utilise pas de pain ni aucun aliment produisant des miettes en microgravité.
(2) Pour des questions de simplicités, les combinaisons portées par les astronautes sont alimentées en oxygène pur à une pression de 0,33 atmosphère. Cependant, il est considéré comme dangereux de respirer de l'oxygène pur pendant plus de six heures.
(3) Ruban adhésif toilé qui sert dans les réparations domestique. Il est dans l'inventaire des missions spatiales américaines depuis le programme Apollo.
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MessagePosté le: Mar Avr 10, 2018 18:36    Sujet du message: Répondre en citant

Vraiment bien, et sympa les références cachées (des pommes de terres ? sur Mars) et autres.
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MessagePosté le: Mer Mai 23, 2018 14:25    Sujet du message: Répondre en citant

Le tome 3 de Zhongguo paraîtra d'ici 72 heures.
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MessagePosté le: Mer Mai 23, 2018 16:58    Sujet du message: Répondre en citant

Bon, version Kindle déjà disponible ici - > https://www.amazon.fr/dp/B07D7XR8RW
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MessagePosté le: Jeu Mai 24, 2018 08:51    Sujet du message: Répondre en citant

A l'occasion de la sortie du troisième tome de Zhongguo, la version kindle du deuxième ( https://www.amazon.fr/dp/B073BR2TVR ) sera disponible du 25 au 29 mai GRATUITEMENT.
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MessagePosté le: Sam Mai 26, 2018 08:10    Sujet du message: Répondre en citant

La version brochée du livre est (enfin) disponible ici - > https://www.amazon.fr/dp/1982978201
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MessagePosté le: Sam Juil 14, 2018 15:37    Sujet du message: Répondre en citant

Un recueil de mes nouvelles, sobrement intitulé : " Nouvelles, 1995-2017" devrait paraître d'ici quelques jours.
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MessagePosté le: Sam Juil 14, 2018 19:35    Sujet du message: Répondre en citant

Version kindle (non matérielle) déjà dispo ici : https://www.amazon.fr/dp/B07FLB1FQN
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MessagePosté le: Lun Juil 16, 2018 11:49    Sujet du message: Répondre en citant

Version papier de mon recueil de nouvelles disponible ici, je vous conseille de lire le quatrième de couverture ou l'article joint pour avoir une idée du contenu.
Univers foisonnant, coloré, bigarré où l'on rencontre l'équipage d'un vaisseau en route pour Mars, des Cosaques, des Conquistadors, des Gaulois révoltés. Le recueil de nouvelles regroupe une dizaine de récits écris entre 1995 ( Un chemin tortueux) et 2017 ( Noche Triste). La science fiction (Adam et Ève, bis repetita) y côtoie l'horreur (Le miroir de Caserta), la fantasy avec trois récits qui se suivent ("Un chemin tortueux", "La lame Noire" et "Le défis de la Lame Noire") plus deux récit indépendants : "Un monde étrange" est... surprenant. "Vers le castel de la vouivre" nous narre l'épreuve d'un chevalier venu combattre le maléfique serpent femelle... Deux textes situés dans les années trente jouent avec les légendes chinoises ( L'Invitée première et deuxième partie). Le fantastique contemporain se mêle à la bataille d'Angleterre dans "Ainsi va la mort". Toujours dans le genre "fantastique contemporain", les légendes japonaises sur fond d'enquête policière nous tiennent en haleine jusqu'au dénouement de "La boite de Susanowo". L'uchronie revisite la conquête du Mexique par Cortes dans "Noche Triste". L'uchronie (toujours) et la fantasy se mélangent dans "Le vent et l'étalon", récit d'une révolte gauloise imaginaire dans un monde où la magie existe. Pour terminer, un texte de pure aventure, la recherche par un déserteur britannique, au XIXème siècle, d'une cité perdue en Afghanistan ( "Pour tout l'or de l'Oxus"). Bonne lecture, dépaysement et aventure garanti

https://www.amazon.fr/dp/1717767052

A notez que Noche triste est probablement mon meilleur récit uchronique. Inattaquable du point de vue historique (j'ai n'ai fait qu'inverser la chronologie de deux événements).
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MessagePosté le: Sam Oct 13, 2018 12:14    Sujet du message: Répondre en citant

Un extrait de mon livre actuellement en cours d'écriture, est-ce trop technique ?


Chapitre 25

C'était un travail pénible.
Adam l'avait observé bien des fois. Il n'était toutefois pas préparé à se retrouver un jour à diriger toute une équipe de fondeurs.
La première partie avait été initiée par Accenti, non qu'elle entende quoi que ce soit à la transformation des minerais en métaux. Sa tâche consista en l'invocation d'un démon qui avait appris les langues locales à Adam et aux autres. La tâche n'ayant déjà rien de simple, Adam avait insisté pour éviter de passer par le truchement par deux traducteurs... qui ne connaissaient rien à l'affaire.
Après avoir expliqué comment reconnaitre le fer, échantillon en main, Adam s'entendit répondre par indigène qu'il y avait des pierres semblables éparpillées le long d'un ruisseau. L'adolescent remonta le cours d'eau jusqu'à la base d'un éperon rocheux où l'érosion avait mis à jour un gisement. Le minerai, très riche, était encore enfermé dans sa gangue fusible.
Adam Eisenmann n'eut guère besoin d'expliquer ce qu'il désirait. Même si les locaux ne connaissaient pas la sidérurgie, ils exploitaient le cuivre et l'or depuis des siècles. Avec le professionnalisme des vrais mineurs, ils commencèrent l'extraction du filon avec des pelles de bois et des pics grossiers. Émietté au marteau, le minerai remplit des paniers.
Une fois le gisement trouvé, les choses pouvaient continuer sans lui, aussi le jeune chef retourna en ville pour visiter les deux autres chantiers de son projet. En premier, les soufflets. Ces derniers n'étaient en aucun cas d'une technicité avancée, ce n'étaient que des peaux qui se gonflaient et se dégonflaient... en tout cas rien qui puisse paraître infaisable pour les artisans locaux. Toutefois, ils stupéfiaient les autochtones qui n'avaient jamais imaginé quelque chose de semblable.
Restait le haut fourneau, construit en terre réfractaire il serait à usage unique. Normalement, les fondeurs utilisaient un ensemble de fours et de creusets, où l'on plaçait des couches alternées de minerai et de charbon. Toutefois, cette méthode - très efficace- nécessitait des équipes formée l'utiliser. Adam était un amateur et les Purépechas plus encore. Toutefois, au tout début de l'âge de fer, les hommes avaient recouru à un seul haut fourneau. L'idée étant que l'on économisait les étapes successives en transformant et en réduisant le minerai de fer de manière simultanée... Bien sûr, avec une méthode aussi grossière, seul le minerai placé au centre du haut fourneau atteindrait une température suffisante pour se transformer en fer, le reste serait inutilisable. En plus, la qualité allait probablement être très mauvaise... Le processus pourrait être amélioré ultérieurement, ce serait déjà bien s'il réussissait à obtenir du fer à la première tentative. Fer qu'il faudrait ensuite transformer en acier...

La suite fut longue, épuisante et la chaleur n'arrangeait rien. Après trois jours à alimenter le haut fourneau, les Purépechas le brisèrent. Frappant à grand coup la masse de scories, ils libèrent un joyau ardent : la loupe de fer. Pour la transformer en fer à part entière, il fallait la cingler et la corroyer.
Apparut alors un problème qui hantait Adam depuis le premier jour. Ils n'avaient ni enclume, ni marteaux, ni tenailles... rien... Au final la loupe de fer fut emmanchée sur un bâton - devenant son propre marteau- et frappée sur une grande pierre qui servit d'enclume.
Cette première expérimentation étant réussie, d'autres haut-fourneaux naquirent à proximité de Tzinzuntzan dégorgeant bientôt un mauvais fer qui permit de créer les outils nécessaires à la seconde phase : l'acier.
Pour obtenir de l'acier à partir de fer, il fallait le fondre dans un creuset avec de la poudre de charbon. Chauffé au rouge, travaillé au marteau, puis brutalement plongé dans de l'eau, il acquérait la trempe nécessaire à son utilisation pour des fers de hache, des pointes de flèches et de lances.
À chaque étape - réussie, car il y eut des échecs- de sa redécouverte de la sidérurgie, l'expérience acquise par Adam fut transmise aux autres équipes. Bientôt, les alentours de la capitale des Purépechas furent noyés dans es écharpes de fumée s'élevant des haut-fourneaux en action. La création du fer et de l'acier était maîtrisée..
En deux semaines, les autochtones venaient de faire un bond technologique de trois mille ans. Toutefois, cela ne résolvait qu'une partie du problème. Ils n'étaient toujours pas de taille à affronter la science militaire supérieure des Espagnols.

Heinrich von Grosskarl avait hérité d'un caractère... disons difficile, aussi difficile que celui de sa sœur. Les vastes dons magiques d'Henrike lui vallaient d'être facilement reconnue comme la fille de Manfred von Grosskarl, le maître de la guilde des mages de Köln, nul ne s'aviserait de la sous-estimer. Élève de sa mère, Heinrich avait appris l'escrime et le tir avec des armes aussi variées que l'arc, l'arbalète ou l'arquebuse. La maîtrise de ces matières ése révélant assez commune dans la société militariste du reich de Drakenland, le jeune homme souffrait beaucoup de la comparaison avec sa jumelle.
Pourtant, ce jour là, dans la salle du trône du roi Zuanga, Heinrich savait qu'il pouvait apporter une connaissance qui changerait les Purépechas à jamais.
- Vous voyez, ô roi, votre armée ne connait que le courage individuel et le combat de masse. Les Espagnols aux contraires maîtrisent ce que l'on appelle la "tactique". La tactique est l'art de faire opérer les hommes en formation et, sur un simple ordre, de leur faire changer cette même formation pour une autre plus adaptée. Une troupe doit être comme une main dont chaque doigt - chaque homme- obéit à la tête pour saisir un objet et le tenir dans une poigne solide.
Pris dans une verve intarissable, Heinrich regardait le monarque des Purépechas qui montrait une certaine perplexité.
- La tactique des Espagnols repose sur l'utilisation de la phalange de piquiers. Les piques sont des très grandes lances, pouvant atteindre la longueur de trois à quatre hommes. Les piquiers combattent en formation, épaule contre épaule, et avancent à la même vitesse. Les hastes des premiers rangs sont pointées à l'horizontale de manière à empêcher l'adversaire d'arriver au contact, tandis que les rangs suivants élèvent leurs propres armes pour protéger les premiers rangs des traits. En effet, flèches et balles de frondes ricochent sur les hampes de bois.
Le long des murs, les administrateurs militaires écoutaient en commentant, intrigués, mais aussi perplexes, ayant du mal à imaginer des lances de six à sept mètres, et surtout ces hommes qui les maniaient en formation. Toutefois, Heinrich venaient à peine de dépasser la mise en bouche.
- Attaquer une phalange de front est impossible. Cependant, cette troupe est très vulnérable si elle est prise de flanc et surtout à revers. Dans le passé de la terre lointaine d'où nous sommes originaires, les Espagnols et nous, il a existé un grand peuple qui a vaincu tous les autres, dominant un territoire plus de cent fois plus vaste que le royaume Purépecha. On les appelait, les Romains. Il n'y a jamais eu de plus grands soldats. Confiez-moi, quatre cent quatre-vingt hommes, j'en ferais une cohorte apte à vaincre les piquiers espagnols. Il me faut des gens de la campagne, des garçons pubères, habitués à la vie dure, aux travaux des champs qui les ont rendus forts et endurants.
Pour la première fois, le roi parla. Un des nombreux mots étrangers, dont Heinrich parsemait son discours, l'avait intrigué.
- Cohorte ?
- Il s'agit, ô roi, d'une unité militaire formée de six centuries de quatre-vingt hommes.
- Et comment cette "cohorte" peut battre la "phalange" ?
- Les légionnaires - les guerriers qui forment l'armée romaine- combattaient au javelot. Une volée de javelots envoyés de flanc, provoquerait des pertes parmi les piquiers espagnols et surtout romprait la formation. Il faudrait ensuite charger au contact pour les combattre au corps-à-corps. C'est la méthode qui a permis aux Romains de battre les phalanges grecques.

- Si je vous dessine des pièces métalliques, vous pouvez les fondre ?
- En fer ou en acier ?
La première question venait d'Heinrich, la réponse - intriguée- provenait d'Adam. Leurs compagnons, venus partager le repas avec eux, arrêtèrent de parler pour les regarder. Chacun de leur côté, ils avaient littéralement transformés les Purépechas. Allaient-ils se lancer dans un projet commun ?
"En fer", répondit Heinrich von Grosskarl, "j'ai besoin du mécanisme d'une arbalète, noix de décroche, levier d'armement. Je me charge du travail du bois."
Accenti, Henrike et Erszebet échangèrent des regards perplexes "noix de décroche" ? Comme elles se tournaient vers Bamf, se dernier montra ses mains vides.
- Hé, c'est pas parce que je suis un garçon que je comprends ce qu'ils veulent dire ?
Il se tourna vers le duo qui continuait à échanger dans un jargon hérissé de termes techniques, tels que "carreaux" "viretons", " arrêtoir" "bride" ou "mouffle".
- De quoi vous parlez ?
Heinrich se retourna vers le petit démon qui le considérait d'un air tors, les deux poings sur les hanches.
- Je cherche un moyen d'arrêter les cavaliers espagnols. Comme ils portent des demi-plaques et des morions, les arcs locaux sont trop faibles pour percer de telles protections... à moins d'un coup chanceux. Il existe une arme toute indiquée pour cela : l'arbalète. Je travaille sur la création d'un modèle à étrier, qui laisse les deux mains libres...
Voyant l'air d'incompréhension partagée par les filles et le diablotin, Henrike soupira.
- Une arbalète c'est un arc couché à l'horizontal sur un affût appelé "arbrier". L'arc de l'arbalète est plus rigide que celui utilisé par les archers, il ne pourrait pas être tendu à bras franc. Il faut donc utiliser une poulie Il existe des arbalètes légères avec une poulie, appelée "cranequin", située sur le côté ou le dessus de l'arme. De manière à ce qu'elle puisse être utilisée d'une main. Toutefois, elles ne sont pas très puissantes. Ce que je veux, c'est une arbalète lourde tirant des carreaux capables de traverser un chevalier en armure. Pour la recharger, il faut la caller verticalement, contre ses jambes, un pied dans l'étrier pour la maintenir fermement. Ensuite, tendre la corde à l'aide d'une poulie à deux mains appelée "mouffle", redresser l'arme à l'horizontale, charger le projectile... le carreau d'arbalète... et tirer en serrant la gâchette à levier. Le resserrement de la gâchette fait basculer la noix de décroche qui libère la corde de l'arc et propulse le carreau. L'arbalète est une arme très complexe... plus que l'arquebuse en fait.
- Alors pourquoi ne pas fabriquer une arquebuse ?
La question, posée par Accenti, fit profondément soupirer Heinrich qui secoua la tête avant de lever deux doigts.
- Parce que l'arquebuse pose deux problèmes irrésolubles. D'abord la culasse doit être soudée pour résister à la déflagration de la poudre. C'est vous qui allez leur apprendre la soudure, princesse ?
Alors qu'elle rougissait et allait répondre, Heinrich toucha le deuxième doigt qu'il avait levé.
- Il faut d'abord fabriquer de la poudre noire pour utiliser une arquebuse. Les poudrières sont des endroits dangereux qui peuvent littéralement vous exploser à la figure. Ce n'est pas affaire d'amateurs ! Non, les arbalètes suffisent. Au moins, une erreur de conception ne nous enverra pas dans un feu d'artifice jusqu'aux pieds de Saint-Pierre.
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Etienne



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MessagePosté le: Dim Oct 14, 2018 13:14    Sujet du message: Répondre en citant

Pour moi, ça va, mais j'ai quand même une formation technique, donc?
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MessagePosté le: Dim Oct 14, 2018 13:18    Sujet du message: Répondre en citant

J'ai pourtant simplifié... Sad
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Si vous épousez une femme belle et douce, vous serez heureux... sinon, vous deviendrez un excellent philosophe.
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