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Sous le dôme du Jardin
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demolitiondan



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MessagePosté le: Lun Nov 13, 2017 21:13    Sujet du message: Sous le dôme du Jardin Répondre en citant

Bonsoir Chers FTListes,

Un petit texte en 2 parties, sur un aspect "méconnu" de l'occupation, évidemment adapté à la FTL et toujours avec le concours d'Etienne. Un sujet un peu aride, sur un personnage qui a vraiment existé, et que j'ai quelque peu adouci par un personnage de fiction. On va voir si quelqu'un reconnait la référence Twisted Evil mais n'anticipons pas et voila la première partie !!

Rue de Richelieu – 22 Aout 1941


L’ouvrage épais fit un bruit sourd en tombant sur le sol, rompant le silence pesant du bureau de la Rue de Richelieu, à demi plongé dans l’obscurité d’un orage d’été. Bernard Faÿ, administrateur de la Bibliothèque Nationale de France du Nouvel Etat Français, leva un sourcil agacé. Décidément, parmi tous les nuisibles qui peuplait l’institution, il n’y avait guère que les rongeurs pour lui tenir compagnie. Quittant un instant l’appui de son bureau Louis XIV, dernier grand homme d’état français, il bascula son dos en arrière pour organiser ses pensées. Oui, il était bien seul et ignoré, dans son travail austère et monacal pour le redressement culturel de la France.

Il était une exception, une anomalie même, dans la grande cacophonie des institutions nationales françaises, et il le revendiquait. Il constatait, goguenard, les menées réactionnaires de ses « collègues » universitaires en charge des musées parisiens. Par exemple, au hasard, le muséum d’histoire naturelle … Au lieu de participer à l’édification des masses, et alors même que sa position scientifique aurait dû lui permettre de présenter les concepts raciaux en vigueur, il persistait dans une attitude attentiste, pour ne pas dire suspectement réactionnaire. L’établissement restait noyauté par des scientifiques dévoyés, comme le professeur Rivet, ou les dénommées Heim et Lehman (1). Ces fossiles rendaient peut-être le gouvernement responsable de la perte de leurs collections vivantes (2) ? Qu’ils aillent plutôt chercher les coupables du côté d’Alger ! De l’autre côté de Paris, et de manière encore plus évidente, il y avait le musée des Armées. Celui-là avait toujours été réactionnaire, mais pour autant qu’il le sache, il était évident que son patriotisme n’allait nullement au Président Laval. Un jour ou l’autre, il faudrait faire le ménage dans tout ça.

Pourtant, le cours de la guerre avait démontré la validité de ses thèses, que lui, Bernard Faÿ, professait depuis 10 ans : la franc-maçonnerie avait tué l’esprit national français, après avoir sapé les fondements de la royauté, seul vrai régime utile au pays et opposé aux intérêts anglo-saxons. Son discours avec son ami Bonnard, pour « fêter » les 150 années de la révolution française, avait été dévastateur et étincelant. Les « grandes idées de 1789, liberté, égalité, fraternité, souveraineté du peuple » ne sont « pas françaises », « leur origine étant anglaise et maçonnique ». Voilà qui était parlé ! A ce sujet, il préparait justement un recueil de ses travaux sur le sujet, sa démonstration serait à coup sûr éclatante, et ferait fondation pour l’enseignement dans le pays (3).

Dieu merci, la Victoire du Reich lui donnait l’occasion de rectifier les déplorables idées répandues dans l’enseignement et la recherche ces dernières décennies. Et il comptait bien parvenir à son but, malgré le procès en légitimité qu’on lui faisait discrètement. Comment osaient-ils ? Ces comptables, ces rats de couloir sans ambition pour la Bibliothèque ? Ces nuisibles avec leurs comptes d’apothicaires ! Ces boutiquiers ! Lui, Bernard Faÿ, allait transfigurer l’institution ! La Bibliothèque nationale « n’avait été digne de son rang que lorsqu’elle était sous le regard direct du roi », et il escomptait bien que ça soit rapidement de nouveau le cas.

Pour ce faire, il mettrait tout en œuvre, et notamment ses réseaux et son influence. Car après tout, cela faisait longtemps qu’il œuvrait dans le milieu universitaire. La tâche était épuisante, mais il tiendrait bon. Et pour ce faire justement, pourquoi ne pas se servir un verre de cet excellent Bordeaux, que lui avait donné un officier allemand de passage. Tout en se servant un verre, il se remémora ses vertes années.

Après sa thèse en 1924 (4), il avait obtenu une première charge à la Faculté des Lettres de Clermont-Ferrand. La vigueur et la fraîcheur de ses réflexions, notamment sur les rapports entre les Etats-Unis et la France au XVIIIème siècle, lui avait permis de rapidement décrocher une chaire professorale dans plusieurs universités. C’était sa période préférée, et sa passion. Qui avait évidemment entrainé une étude poussée de la littérature d’outre-Atlantique à l’époque, qu‘il était allé étudier par-delà l’océan et à de nombreuses reprises (5) ! Tant et si bien qu’on avait fini par lui proposer une chaire aux Universités de Columbia et de l’Iowa, qu’il avait évidemment acceptée. Jusqu’à la consécration, SA consécration ! Professeur titulaire de la chaire de civilisation américaine au Collège de France, à moins de 40 ans quel exploit !
Le tout sans négliger sa patrie, où il s’était fait de nombreux amis dans le « Tout-Paris » : musiciens, écrivains, artistes … Sati, Poulenc, Proust ! Tzara et Morand aussi ! Que des gens de qualité, et même des originaux comme Cocteau, un bon ami malgré tout. Ils avaient même collaborés ensembles au jury du « Prix du Nouveau Monde » en 1922 (6). La preuve qu’il n’était pas un réactionnaire !

Il leva son verre devant l’unique lampe dans la pièce, et contempla le rouge rubis du Pomerol 1932 qu’il s’était servi. Satisfait de la couleur, et tout autant de lui-même, il pencha la tête dans le verre pour humer les arômes délicats. L’odeur de fruits rouges, associés aux épices et au musc, lui fit dévier le cours de sa pensée.

Un réactionnaire non, un esprit éclairé par contre: sûrement. Par la sagesse des anciens, dont notamment le Maréchal. Depuis leur rencontre dans les années 20, ils avaient conservé une relation lointaine, mais suivie, accompagnée de nombreuses ouvertures auprès de grands esprits nationaux. Sans toutefois que le brave professeur ne fasse également bénéficier de son réseau. La preuve, c’est quand même lui qui avait convaincu Gertrude Stein de préfacer le recueil des Discours du Maréchal. Une juive américaine aux côtés du Maréchal, quel symbole d’ouverture ! Et quel dommage qu’elle ait dû quitter Paris, avec son aide (7) ! C’était vraiment regrettable qu’il soit mort. Sa hauteur de vue aurait été bien utile au pays et lui aurait apprécié son travail.

Le grand homme valait bien un Toast. Levant le verre de la main droite, il afficha une mine de circonstance, puis porta le verre à sa bouche. Il prit une très légère gorgée, qu’il tenta de garder en bouche. Las ! Surpris par la vigueur du tanin, il déglutit d’un trait dans une quinte de toux. Peuh !

C’était de circonstances quelque part : la défaite, l’exode des fumistes et des sociétés secrètes, l’arrivée du Reich dans la capitale … Jusqu’à la proposition de Pierre Laval pour prendre le poste d’administrateur de la Bibliothèque Nationale, accompagné du poste de Directeur des Sociétés Secrètes. C’était ce dernier point qui l’avait convaincu d’accepter.

Car enfin … Peuh ! Cette toux ne passait pas ! Il se leva de sa chaise et s’appuya sur son bureau afin de reprendre son souffle. Car enfin donc, enfin un poste d’action sur un sujet qui lui était particulièrement cher. Car le musée des sociétés secrètes était bien plus qu’un simple (Cela allait mieux, cette bouteille était bouchonnée?), bien plus ... Peuh, bien plus qu’un simple empilement d’objets. C’était le bras armé de la Nation Française face aux menées du Grand Orient ! Le biais par lequel le Nouvel Etat récupérait les biens dont on l’avait spolié : traque aux initiés, saisie des biens des loges et de leurs archives, compilation des adresses et des familles … Avec l’aide de l’ami allemand et de quelques bons français (8 ), davantage que de la part de la Police en tout cas. Le tout serait dûment classifié et porté à la connaissance du public, dans le dit-musée qui ne tarderait pas à voir le jour. Et c’était lui qui dirigeait cette œuvre régénératrice, depuis son second bureau de la Rue Cadet. il porta de nouveau son nez au vin, mais cette fois au goulot de la bouteille. Quelle ironie, les locaux du Grand Orient de France désormais occupés à chasser les francs-maçons du territoire !

Le vin était bon, il était surmené voilà tout. Car son grand projet pour la Bibliothèque prenait corps, dans la douleur mais de manière bien réelle. Il n’avait demandé rien de moins qu’un quintuplement du budget et un triplement du personnel. Oh, même si dans les faits, seule la moitié de ses demandes avait été suivie d’effets, et même si on lui avait envoyé des agents sans compétence particulière, c’était mieux que rien non ? (9). Et il valait mieux des personnes à former que des traîtres et communistes, qui dévoyaient l’enseignement et le Savoir (10). A la réflexion, il valait mieux que tout passe par lui, tant pis pour la rapidité, ce qui comptait c’était l’efficience.

Si la boisson ne convenait pas, la musique apaiserait sûrement son esprit. Se déplaçant à grandes enjambées vers le buffet disposé dans bureau, il ouvrit un boîtier en acajou, contenant un tourne-disque. Il considéra un instant l’engin, puis entreprit de choisir de quoi accompagner son travail. Que des anciennes mélodies ! Wagner, Lully, Weber et même une pièce de cet obscur compositeur Marin Maret qui risquait fort de ne jamais connaitre la postérité au-delà des initiés. Il faudrait attendre encore longtemps pour avoir de nouveau de tels compositeurs en France. La Culture ne paraissait pas la priorité de ce gouvernement, on ne pouvait que le regretter. Faÿ n’était même pas sûr qu’il y ait un ministre ou un secrétaire d’état aux Beaux-arts. Si tant est qu’il y en avait un, il ne l’avait jamais rencontré. C’était sûrement quelqu’un d’insignifiant, et personnellement, il s’étonnait qu’un tel individu puisse ne pas prendre le temps de conférer sur le Devenir de la Bibliothèque Nationale (11).

Brahms, Quatrième Symphonie. Un compositeur relativement « neuf », novateur et qui connut jeune le succès … Comme Faÿ en fait ! Cela fera l’affaire ! Il sortit le disque de sa pochette, et déposa soigneusement le disque noir sur l’équipement, qui commença à le faire doucement tourner. Enfin, Faÿ saisit la pointe d'acier, et la relâcha sur la précieuse gomme noire. Une musique digne et précieuse emplit la pièce.

Enfin un peu de beauté ! Faÿ se resservit un verre et considéra son bureau recouvert de dossiers. Tout se passait bien en vérité. Parmi tous les oisifs qu’on lui envoyait, il se trouvait surement quelques universitaires désœuvrés qu’il pourrait forger à sa guise. Les restrictions de papiers ne dureraient pas, et le nombre d’entrées recouvrerait alors son niveau d’antan. Il avait déjà créé un guichet de dépôt, pour réorganiser les services et afin de gagner en efficacité dans le recensement des ouvrages (12), qu’ils soient francs-maçons ou autres. Il envisageait prochainement de regrouper d’autorité les collections de la Société de Géographie et des divers établissements musicaux éparpillés dans Paris (13). Centralisons pour plus d’accès à la connaissance !

Un martellement de coups sourds portés sur la porte interrompit ces glorieuses rêveries.

« Que se passe-t-il encore ? Je suis occupé et avais demandé à ce qu’on ne me dérange pas ! »

Une voix répondit d’un ton obséquieux.

« Monsieur l’administrateur, je m’excuse. Nous avons un visiteur au Rez-de-Jardin … »
« Et alors ? A-t-on si peu de visites qu’on doive m’avertir à chaque consultation ? »
« Il s’agit d’un homme un peu étrange, et c’est un officier supérieur allemand. J’ai pensé que vous souhaiteriez être prévenu ! »

Un officier supérieur ! Voilà qui changerait quelque peu de l’austérité de son cabinet, ou de la pesante compagnie de ses subordonnées impotents. Faÿ reposa rapidement son verre et sortit de la pièce.

(1) Membres d’un réseau de résistance et de renseignement.
(2) Victime de pénuries d’énergie et d’aliments, la collection du Jardin des plantes subit des pertes sensibles durant l’occupation.
(3) Quelques extraits de cette « littérature » :
« Rien d'étonnant donc à voir le déclin de Louis XV correspondre à l'essor de la maçonnerie, et la mort du roi coïncider avec son triomphe… La maçonnerie tenait toutes les avenues de la cour, toutes les antichambres des ministres, l'Académie, la Censure, le Mercure de France, la Gazette de France, le ministère des Affaires étrangères, les cultes même… »
« Peu importait le régime, peu importait le souverain, pourvu qu'elle pût s'incruster dans les bureaux et dans les antichambres ; ainsi la franc-maçonnerie se jugeait sûre de maintenir son influence […]. Société secrète, elle fuit la lutte en plein jour, à visage découvert, homme contre homme. Elle préfère la pénombre des corridors ministériels et la poussière des dossiers derrière laquelle l'intervention d'un scribe inconnu peut d'un trait d'écriture changer une décision ministérielle et disposer d'une place… »

(4) « L'Esprit révolutionnaire en France et aux États-Unis à la fin du XVIIIème siècle » - thèse complémentaire : Bibliographie critique des ouvrages français relatifs aux États-Unis (1770-1800).
(5) Plus de vingt séjours dans l’entre-deux-guerres, un record pour une époque où le moyen de transport principal était le paquebot.
(6) Avec Jean Giraudoux, Jacques de Lacretelle, Paul Morand et Valéry Larbaud.
(7) Ce point reste à ce jour sujet à débat.
(8 ) Dont Philippe Poirson, William Gueydan de Roussel.
(9) OTL, bénéficiant d’un accès direct à Pétain par-dessus son ministre de tutelle, Faÿ obtiendra tous les moyens financiers et humains demandés !
(10) 22 personnes seront arrêtées le 22 septembre 1942 dans les locaux mêmes de la bibliothèque nationale.
(11) Louis-Eugène-Georges Hautecœur, dont nous savons FTL qu’il était effectivement plutôt occupé à cacher les œuvres d’art des appétits allemands, ce qui finira par lui porter tort.
(12) Le Département des entrées, qui deviendra le Département du dépôt légal après la guerre.
(13) Ce qui donnera naissance au Département de la Musique.
_________________
Quand la vérité n’ose pas aller toute nue, la robe qui l’habille le mieux est encore l’humour &
C’est en trichant pour le beau que l’on est artiste


Dernière édition par demolitiondan le Mer Nov 15, 2017 13:20; édité 4 fois
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houps



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MessagePosté le: Lun Nov 13, 2017 22:12    Sujet du message: Répondre en citant

Miam!
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Lun Nov 13, 2017 23:22    Sujet du message: Répondre en citant

C'est excellent (en dehors de quelques vétilles et coquilles) !!

A propos de la franc-maçonnerie et de la Révolution, le livre "Ce que la France doit aux francs-maçons… et ce qu'elle ne leur doit pas", par E. Pierrat et F. Kupferman (éditions First, 2012), est très éclairant.

En particulier, la Révolution elle-même n'est sûrement pas due aux francs-maçons, dont beaucoup étaient, en 1789, des nobles et de personnalités très liées à l'Ancien Régime.
Pas à eux, non… mais aux idées qu'ils diffusaient. Et qui les ont débordés !

Cela dit, de l'abolition de l'esclavage à la pilule, le nombre d'évolutions impulsées par la franc-maçonnerie française est important.
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Casus Frankie

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Imberator



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MessagePosté le: Mar Nov 14, 2017 05:44    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
Par exemple, au hasard, le muséum d’histoire naturelle

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Hendryk



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MessagePosté le: Mar Nov 14, 2017 08:18    Sujet du message: Re: Sous le dôme du Jardin Répondre en citant

demolitiondan a écrit:
Enfin, Faÿ saisit la pointe diamantée, et la relâcha sur le précieux vinyle.

Les 78 tours étaient déjà en vinyle?
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marc le bayon



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MessagePosté le: Mar Nov 14, 2017 12:20    Sujet du message: Répondre en citant

il me semble que c'était encore en bakélite
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Anaxagore



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MessagePosté le: Mar Nov 14, 2017 12:26    Sujet du message: Répondre en citant

Mon grand-père en avait, ils étaient en laque noire gommée.
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Ecoutez mon conseil : mariez-vous.
Si vous épousez une femme belle et douce, vous serez heureux... sinon, vous deviendrez un excellent philosophe.
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Anaxagore



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MessagePosté le: Mar Nov 14, 2017 12:35    Sujet du message: Répondre en citant

Casus Frankie a écrit:


En particulier, la Révolution elle-même n'est sûrement pas due aux francs-maçons, dont beaucoup étaient, en 1789, des nobles et de personnalités très liées à l'Ancien Régime.
Pas à eux, non… mais aux idées qu'ils diffusaient. Et qui les ont débordés !

Cela dit, de l'abolition de l'esclavage à la pilule, le nombre d'évolutions impulsées par la franc-maçonnerie française est important.


Ma mère qui est une historienne spécialisé dans cette époque, ne saurait qu'approuver.
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Mar Nov 14, 2017 12:44    Sujet du message: Répondre en citant

Anaxagore a écrit:
Ma mère qui est une historienne spécialisé dans cette époque, ne saurait qu'approuver.


Merci Madame Wink

En revanche, il est certain que les anti-maçons n'ont pas manqué d'affirmer que les francs-maçons étaient coupables de toutes les horreurs révolutionnaires de l'abaissement de la Religion, de la perte du respect dû à la Royauté, etc.
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FREGATON



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MessagePosté le: Mar Nov 14, 2017 12:49    Sujet du message: Répondre en citant

Anaxagore a écrit:
Mon grand-père en avait


Et si ma grand-mère en avait ... Embarassed, Ok Arrow
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demolitiondan



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MessagePosté le: Mar Nov 14, 2017 12:51    Sujet du message: Répondre en citant

Aaaah la FTL puits insondable de science : même sur des sujets où je pensais ouvrir une brèche et faire fondation j apprend des trucs : je corrige effectivement le vynile n apparaît qu en 48, c est de la gomme noire à l époque. J amende le texte !

En ce qui concerne la responsabilité des francs-maçons, chacun aura compris que je ne partage pas vraiment les thèses de Fay. Cet homme m attriste ... brillant et promis à un avenir certain, mais radicalisé et imbu de sa personne un beau gâchis donc

La seconde partie ce soir Smile
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loic
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MessagePosté le: Mar Nov 14, 2017 13:48    Sujet du message: Répondre en citant

Bon début !
Il serait intéressant de glisser un passage sur la disparition de Pétain, du coup l'exposition à sa mémoire pourrait avoir lieu plus tôt.
Je vais déplacer le sujet dans la section La France occupée.
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On ne trébuche pas deux fois sur la même pierre (proverbe oriental)
En principe (moi) ...
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demolitiondan



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MessagePosté le: Mar Nov 14, 2017 22:20    Sujet du message: Répondre en citant

Content que cela plaise à tous Very Happy Et on remercie chaleureusement Etienne pour sa patience envers mes textes tardifs et longs. La suite :

Faÿ sortit d’un pas vif de son bureau, sans un regard pour le malheureux préposé, qui ne put que s’écarter précipitamment tout en s’épongeant le front à l’aide de son mouchoir. Un roulement de tonnerre secoua la bâtisse. C’est vrai qu’il faisait chaud, pensa l’administrateur en entrant dans la grande pièce circulaire, avec cet orage on arrivait à peine à respirer. Sans parler de l’odeur de poudre et de soufre qui envahissait l’atmosphère, ma parole c’était à croire que le diable était entré en la maison !

Faÿ avait installé son bureau au troisième et dernier étage de la Bibliothèque. Ainsi, une fois arrivé dans la grande salle de lecture, et appuyé sur un garde-corps ouvragé type « Art Nouveau », il se trouvait idéalement placé pour embrasser d’un regard l’espace devant lui.

De fait, cette pièce était magnifique, une vraie cathédrale dédiée à la connaissance. Un cercle de savoir, dont le centre était constitué de bureaux d’études, hélas désertés ces temps-ci, si l’on se référait à l’agitation que l’institution avait connue avant-guerre. Autour, semblable à une assemblée jugeant chaque visiteur, des livres, des manuscrits et des ouvrages, positionnés en chœur et ceinturant tout le périmètre sur pas moins de 4 niveaux superposées, dont le premier donnait accès à une salle spécifique (1). A intervalles réguliers, des colonnes néo-classiques dédoublées, marquaient le rythme des étagères. Ces dernières supportaient des voutes arrondies d’inspiration romanes, qui elles-mêmes étaient surmontées chacune d’un œil-de-bœuf, afin que la Lumière éclaire chaque partie de l’étude. Enfin, aérienne et ouvragée au sommet du dôme, la grande verrière plate dont l’éclat et les délicates ferronneries dentelées complétait l’ensemble, tout en fournissant elle aussi une lumière bienvenue. Bon, même si dans les faits aujourd’hui le ciel était plutôt noir. Les vénérables luminaires positionnés à chaque niveau et auprès de chaque bureau faisaient tout leur possible, mais l’atmosphère n’en restait pas moins lugubre. Le tonnerre claqua de nouveau. Où étaient nos invités ? Se disait-il en penchant le corps par-dessus la rambarde.

Après un court moment, depuis son poste d’observation, il entrevit enfin un groupe de 4 personnes, qui semblaient avoir une conversation animée. Voyons voir … Un … Deux hommes en uniformes : une grande forme en retrait dans la pénombre et un personnage plus avancé vers ses idiots de collaborateurs, et qui paraissait d’ailleurs davantage considérer les rayonnages que ces derniers. C’était surement ça ! Et il descendit immédiatement par l’escalier le plus proche.

Arrivant dans le dos de son invité tel un cheval furieux, il fit signe de la main aux préposés s’occupant du dossier, et qui lui faisaient face, de battre en retraite et de lui laisser le privilège du Seigneur.

« Bonjour et Bienvenue Messieurs ? » lança-t-il d’un ton vif mais cordial.

Le plus petit des deux personnages se retourna d’un mouvement égal, tandis qu’un éclair zébra le ciel et obscurcit un instant la rencontre. Faÿ eut un moment d’éternité lors qu’il considéra pour la première fois son interlocuteur. C’était un officier évidemment, et son uniforme noir à bandes blanches ne laissait guère doute là-dessus, à fortiori avec une croix de chevalier au cou et un galon rectangulaire à quatre losanges sur le col gauche. Pourtant, il ne paraissait pas non plus avoir la démarche d’un soldat. En effet, et c’était frappant, l’individu affichait un certain embonpoint. Au surplus, sa tenue laissait à désirer. En particulier, il semblait prendre morgue à porter sa casquette légèrement en biais sur son crâne. Pourtant, il ne manquait pas de prestance. Sûrement grâce à sa posture, subtil mélange de négligence et d’arrogance, ses bras croisés dans le dos en particulier, qui lui donnait l’impression de toiser son interlocuteur, tout en faisant ressortir son ventre.

« Guten Tag mein Herr, Fou êtes … ? » Répondit-il dans un français assuré, mais quelque peu torturé.

« Bernard Faÿ, administrateur de la Bibliothèque Nationale. »

L’homme produisit un sourire pincé, à demi-déformé par le rictus de sa bouche. Cheveux blonds, visage arrondi retranché derrière des lunettes toutes aussi rondes, l’individu dégageait une impression étrange, pour ne pas dire désagréable.

« Che suis le Sturmbannführer Maxim Mon … Oh Appelez-moi Herr Major cela simplifiera les chauses ». Un nouveau roulement de tonnerre traversa l’atmosphère, alors que les lumières de la pièce vacillèrent un instant. Il repris tout de suite après cet interlude.

« Hé bien Che crois que nous avons trouvé la bonne personne. » Déclama t-il théâtralement, tout en lancant sa casquette à son comparse, qui la saisit au vol.

« Je l’espère, c’est un honneur … Herr Major ? Que pouvons-nous, et que puis-je pour votre service ? »

« Des recherches personnelles, ainsi que quelques vétilles que le Reich recherche pour des travaux, et pour lesquels Che sacrifie quelques instants de mes congés. Après tout, Deuschland Uber Alles comme on dit, n’est-ce pas ? » Et il jeta un regard à son acolyte, qui était resté en retrait, et qui se contenta de hocher légèrement la tête.

Faÿ le considéra un instant, alors qu’il avait presque oublié son existence auparavant. L’homme, de grande taille et d’une carrure sensiblement supérieure à la moyenne, était resté appuyé sur une colonne, les bras croisés en travers de la poitrine. Un curieux personnage, qui persistait à s’engoncer dans un long manteau d’hiver beige, alors même que nous étions en été. Par-dessus ce manteau, une casquette comportant des insignes en forme d’aigle et de tête de mort. Un beau, mais quelque peu sinistre, hommage aux Hussards prussiens sans doute ? La casquette du Major avait apparemment les mêmes. Et enfin, entre le manteau et la casquette, un visage halé et sculpté au ciseau, comportant des yeux bleus très clairs d’où émanaient une indifférence totale à autrui, mais également une attention constante pour son officier, doublé d’une détermination tranquille. Au final, il émanait de l’ensemble quelque chose d’animal, il faisait penser à un chien qui suivait son maitre. Ou à un loup. Oui voilà ! Il rappelait à Faÿ un gros loup blanc, sans que ce dernier puisse dire pourquoi.

«Enchanté également Monsieur ? »

L’individu ne répondit pas et le Major éclata de rire.

« HAHAHA ! Ne faites pas attention, c’est mon assistant et chauffeur, Herr Hauptmann, il n’est pas très causant comme fous dites. Il faut dire que j’ai tendance à parler pour deux ! C’est une bien jolie pièce que vous avez là ».

«Merci Herr Major. Oui, il s’agit de la salle de lecture principale, qui dessert une grande partie des collections. Des générations d’esprits sont passées ici, pour le bénéfice de toute l’Europe et plus généralement de la Civilisation. »


Faÿ sortit une pièce de tissu de sa poche et s’épongea le front. La pluie s’était mise à tomber, le tintement des gouttes sur la verrière formant un discret concert par-dessus leurs voix respectives. Tant mieux, cela allait rafraîchir l’atmosphère, pour sa plus grande satisfaction. Et il reprit.

« Permettez-moi de vous dire, en mon nom personnel, de vous dire la satisfaction que j’éprouve à accueillir un officiel étranger ici. Toute ma carrière, j’ai privilégié les relations transverses, que ce soit avec les journaux de votre pays (2) ou de l’autre côté de l’Atlantique (3). Vous savez, j’ai connu, comme vous peut-être, les horreurs de la dernière guerre (4), et je reste convaincu qu’un peu de dialogue aurait évité la regrettable situation dans laquelle se retrouve aujourd’hui mon pays. Mais bon, évidemment c’est du passé tout cela. Que recherchez-vous Herr Major ? »

« Ach ! Il s’agit d’ouvrages un peu anciens et pour tout dire … (il cligna de l’œil droit en direction de son interlocuteur) légèrement séditieux. Fous savez, il faut quelque fois étudier le mal pour pouvoir s’en prémunir. »

« Je suis tout à fait d’accord avec vous, et vous avez frappé à la bonne porte. Je suis justement en charge de la saisie et du recensement des ouvrages pernicieux qui ont été diffusés ces dernières années, en compagnie des services de votre Nation (5), et évidemment de ceux du Nouvel Etat Français dans la mesure du possible (6). Juifs, Salves, Maçons évidemment … aussi les ennemis du Reich comme les exilés ou les gauchistes du Front Populaire qui nous ont fait tant de mal. Le tout est dûment référencé dans des listes, dites « Listes Otto », en cours de constitution. »

« Sacré travail dites-moi ».

« Oui, c’est vrai. Dieu merci, nous ne sommes pas seuls pour mener cette croisade. En fait, nous accompagnons de plus en plus les services de polices dans leurs arrestations, tant il est évident de toute façon que la pourriture est concentrée aux mêmes endroits. Ils récupèrent les corps, nous nous occupons des idées
(7) ! Encore qu’une grande partie des ouvrages suivent leurs propriétaires en Allemagne (8 ) ! Je n’y vois pas offense, bien au contraire ! Nous avons déjà bien assez pour nos services, que j’ai l’honneur de centraliser et diriger ! »

« Ach, nous allons surement brûler tout ça ! Dommage ! Que comptez Fous en faire ? »

« Nous avons déjà créé une « Société d’histoire de la France Contemporaine », qui rassemble les collections des bolchévisants, et de tous les escrocs qui ont gouverné la France, et dont certains sont allé se cacher de l’autre côté de la Méditerranée. Et … je ne devrais pas vous le dire mais bon … je vais bientôt être officiellement nommé Chef du « Services de Sociétés Secrètes », pour l’étude de la Franc-Maçonnerie ! » Ajouta Faÿ avec une pointe d’excitation dans la voix.

« SSS » répéta le Major. « Quelle mise en valeur ! »

Faÿ s’emportait de plus en plus ! « Oui, un Musée des Sociétés Sécrètes est d’ores et déjà prévu, pour participer à l’édification du peuple. Et en ouverture, une exposition à la Mémoire du Maréchal Pétain, ce glorieux héros français mort trop tôt pour pouvoir atténuer le malheur de notre pays. (9) ».

Un silence de quelques instants suivit cette déclamation, alors que le Major considérait son hôte avec son habituel sourire pincé.

« Magnifiques projets, mais malheureusement Che ne fiens pas pour tout cela. Vous savez, Che suis d’une culture plutôt classique, et fotre pays m’aide à parfaire mes connaissances. Che suis une espèce de touriste. »

« Ce n’est pas grave, bien au contraire, c’est un plaisir de vous rendre service. Les Allemands sont les bienvenus ici ! Pas comme dans d’autres musées, pas comme au Louvre, qui a caché toutes ses merveilles hors de vue des gens qui savent pourtant les apprécier (10). Je m’attache à garder les portes grandes ouvertes, contre mes subordonnées même (11). » La pluie tapait a coups redoublés sur la verrière, comme pour accompagner ce discours, dans une ambiance quelque peu baroque, voire surréaliste. Un éclair passait de temps en temps, éclairant le visage de l’administrateur.

« Une précaution bien inutile … » Reprit le Major « Nos deux pays sont désormais liés pour au moins mille ans. Il n’y a aucune raison de déplacer tous ces beautés. Mes enfants et mes petits-enfants viendront ici dans 50 ans et seront accueillis avec autant de cordialité j’en suis certain. Ca vaut pour les livres comme pour les œuvres d’art, et j’ai quelques collègues de la Kuntzschutz (12) qui sont de cet avis (13). Mais tout ceci nous éloigne du sujet. Voyez-vous, che suis passionné par les superstitions, slaves notamment c’est un peu mon dada Ach. J’ai déjà trouvé, avec vos amis, un ouvrage (il montra un livre qu'il tenait négligemment par la tranche dans sa main gauche), mais che cherche spécifiquement celui-ci. »

Et sur ces paroles, il tendit en direction de Faÿ une simple feuille de papier, que ce dernier saisit.

« Le Traité sur les apparitions ? d’Augustin Calmet ? »

« Ja le fameux théologien. Cela date du début du XVIIème siècle. Et j’ai cru comprendre que cela posait problème. Che cherche aussi toutes correspondances que la royauté française aurait eu avec la Dynastie princière valaque des Basarab. »


Faÿ camoufla du mieux qu’il le put sa réserve, il était clairement décontenancé.

« Effectivement, ce sont des ouvrages très anciens, qui ne sont pas stockés ici (14). Evidemment, je peux faire rechercher les codex en priorité absolue, mais cela va prendre au moins une journée avant que… »

« Parfait ! J’enfferai quelqu’un prendre l’information auprès de Fos services, une fois que vous en saurez plus en ce cas ! »

« A votre service Herr Major. »
Il eut un temps d’arrêt. « Euh … Puis-je vous demander ce que vous comptez faire de ces éléments ! Une étude sur les relations peut-être, j’ai moi-même fait une thèse …»

Un silence gêné passa en courant entre les deux personnes. Le Major le rompit avec un grand éclat de rire qui accompagna le tonnerre.

« HAHAHA ! Ces francais ! quel Kuriosité ! »

Son accent était vraiment effroyable pensa Faÿ, à croire qu’il le faisait exprès !

« Rien de particulier là-dedans ! Fous voyez, c’est une période intéressante, pleine de drames et d’histoires sanglantes. Or voyez-vous Herr Administrateur … »

Les lumières vacillèrent de nouveau, alors qu’un éclair particulièrement sonore passait au-dessus de la verrière. Dans la semi-pénombre qui ne laissait voir que l’éclat rond des lunettes, Faÿ discerna pourtant distinctement un sourire mauvais qui s’effaça alors que le courant revenait : « J’aime la guerre. »

Le moment repassa entre eux deux. L’administrateur lâcha un discret soupir de déception : un prussien primitif, intéressé uniquement par les histoires de traine-sabres. Mieux valait conclure.

« Hé bien, en ce cas, je crois que l’époque est pleine de promesses pour vous. »

« Ja, ca ne risque pas de s’arrêter tout de suite, comme cette foutue pluie. » C’était vrai, l’orage s’estompait enfin, et les nuages tendaient à repartir vers l’est, si l’on en croyait en tout cas les quelques feuilles d’arbres qui passaient en désordres devant les lucarnes.

« Je vous propose d’envoyer votre assistant demain ici même pour prendre les coordonnées nécessaires à votre consultation. Je vous offre un verre de vin dans mon bureau ? »

« Nein Danke, c’est gentil à Fous. Mais j’ai réservé une table dans un estaminet Rue du Colisée. Une viande en sauce comme on en fait plus par chez moi, et un sabayon comme dessert mhhh … Il faut que je file ! Je n’aime pas être en retard à table. Et puis ma kubelwagen est en double-file, il ne faudrait que Herr Hauptmann ici présent ait maille à partir avec les Feldgendarms, ca ferait désordre » Et il ajouta avec un regard complice dans sa direction « Surtout pour eux Hahaha ! »

Et sur ce, serrant la main de son interlocuteur pour y glisser une feuille de papier pliée en quatre, il tourna les talons et se dirigea vers la sortie. « Auf wiedersen Herr Administrateur ! Je prends la liberté de partir avec cet ouvrage là en attendant. Et … » il leva négligement l’avant-bras droit « Heil Hitler ! »

Interdit, l’administrateur Faÿ resta un moment à fixer le curieux couple qui s’éloignait. Une fois sorti de la pièce, il jeta un regard dans sa main droite. Une feuille d’emprunt ? Pour quel livre ?

Histoires de la Moldavie et de la Valachie ? De Johann Christian Von Engel ? De la Roumanie, des esprits … Qu’est-ce qu’il cherchait avec tout ça cet imbécile ? La recette du vampirisme ?

Faÿ roula la feuille en boule, et la lança de rage en direction du bureau le plus proche. Il y aurait bien un sous-fifre pour ramasser ça ! Il avait perdu son temps avec cet olibrius, et il avait mieux à faire. Et en remontant dans son bureau, il échafaudait déjà de nouveaux projets. Pourquoi ne pas lancer une revue sur les sociétés secrètes avec son vieil ami Vallery-Radot (15) ? Toujours plus de canaux pour démontrer l’influence délétère de la franc-maçonnerie. Ou même une exposition en attendant l’ouverture du musée (16) ? Voire un film ?

Épilogue

Faÿ continua à dénoncer pendant toute l’occupation le complot judéo-maçonnique, tant et si bien que son nom fut proposé par le SD à Otto Abetz en personne (qui était pourtant franc-maçon !) pour diriger l’Office Central Juif. Cette sinistre institution ficha plus de 64 000 noms, dont 18 000 furent publiés, entraînant la radiation de 3 000 fonctionnaires. Constituant un gigantesque fichier comprenant près de 60 000 francs-maçons, il s’attacha à tous les exclure de la fonction publique. A la Libération, pas moins de 1 000 d’entre eux avaient perdu la vie, entre exécutions sommaires et déportation.

Condamné à l’emprisonnement à perpétuité et à l’indignité nationale pour « collaboration avec l’occupant nazi », il fut remplacé par son prédécesseur au poste, Julien Cain, qui rentrait de Buchenwald.

Alors qu'il était soigné à l'hôpital d'Angers en 1951, Bernard Faÿ parvint à s'échapper et à quitter la France pour trouver refuge en Suisse à Fribourg, à la Villa Saint Jean. Par la suite, il enseigna au Collège Saint-Michel, au grand dam de la France qui réclamait son extradition. Gertrude Stein et Alice B. Toklas intervinrent vainement en sa faveur auprès des autorités françaises, convaincues qu'il leur avait sauvé la vie pendant l'Occupation en les aidant à s’échapper, ce qui n’a jamais été démontré et que Faÿ n’a jamais réussi non plus à prouver. De fait, la réalité du rôle de Bernard Faÿ – ou du moins son importance exacte – dans la relative protection dont les deux femmes bénéficièrent est actuellement remise en cause, notamment par Edward Burns et Janet Malcolm. Pourtant, même après la mort de Gertrude Stein, en juillet 1946, Alice B. Toklas continua d'intercéder pour obtenir la grâce de Bernard Faÿ.

Finalement gracié en 1959 par le Président Coty, il rentre en France et s’établit à Tours où il meurt en 1978, sans avoir cessé de publier des études historiques, bien que moins polémiques qu’auparavant. Pour ses obsèques, une messe de requiem fut célébrée à Paris, en l'église Saint-Nicolas-du-Chardonnet et en présence de Mgr Lefebvre.

On ignore ce qu’est devenu le Major, même si des sources du renseignement allié attestent de sa présence à Varsovie lors de l’écrasement de l’insurrection par les forces nazies. De là, on suit sa trace jusqu’à la chute de Berlin, où il disparait, vraisemblablement exécuté comme tous les autres SS par les troupes de l’Armée rouge. Pourtant, certains prétendent avoir aperçu un curieux personnage vers Rio de Janeiro durant les années 1990, accompagné d’un acolyte correspondant en tous points au signalement de Bernard Faÿ. Mais ceci est une autre histoire …

(1) Le niveau dit « Hauts de Jardin » réservé aux chercheurs et aux préposés, situé au-dessus du niveau accessible au public, dit « Rez-de-Jardin ».
(2) En 1938, Faÿ fut l’un des premiers intellectuels français à accepter de s’exprimer dans la presse nazie, notamment sur le rapprochement franco-allemand et sur la Guerre d’Espagne, où il soutint évidemment le camp franquiste.
(3) Faÿ collabora à de nombreux journaux américains tels que le New York Times ou le Saturday Review, en complément de ses interventions régulières dans le Figaro ou la Revue de Paris. Sans oublier le fameux quotidien « Le Jour », axé très à droite.
(4) Croix de Guerre 14-18, reçu à la Bataille de Verdun.
(5) Dont la Waffen-SS …
(6) On peut citer le Syndicat des Editeurs Français, qui appliqua les consignes de Faÿ avec un zèle certain.
(7) Martine Poulain, dans son ouvrage « Livres pillés, lectures surveillées : Les Bibliothèques françaises sous l'Occupation », (Paris, Gallimard, 2008) dresse une liste de 1700 personnes spoliées de leurs ouvrages, et le plus souvent déportées.
(8 ) Dix millions de livres au moins seront pillés durant l’Occupation.
(9) Pour rappel, Pétain sur les francs-maçons « Je n’aime guère les Juifs. Mais ce n’est pas leur faute, ils sont nés comme ça. Les Francs-maçons c’est pire, car ils l’ont fait exprès ! »
(10) On sait évidemment, OTL comme FTL, que les principales pièces du musée ont été évacuées avant même le début du conflit, selon un plan conçu en 1938 par le directeur des Musées Nationaux Jacques Jaujard. Ce dernier s’était appuyé sur les services de Paul Vitry, qui avait lui-même assuré l’évacuation des pièces du musée du Prado lors de la guerre civile espagnol en 1936. Les cachettes, disséminées dans d’illustres châteaux comme Chambord et Valencay, protégèrent pas moins de 5446 œuvres représentant 200 convois !
(11) On rendra ici un hommage appuyé à Marcel Bouteron, authentique patriote et directeur de la Bibliothèque de l’Institut de France, qui négocia pied à pied avec les forces d’occupation, et protégea de son ombre de nombreux ouvrages.
(12) Commission allemande de protection des œuvres d'art.
(13) Le comte Franz Von Wolff-Metternich, qui couvrit des caches dont il avait pourtant connaissance, en déclarant simplement qu'il faut « transmettre [les chefs-d'œuvre] aux générations qui suivent »
(14) On a beaucoup glosé, et il faut le dire parfois à juste titre, sur la Bibliothèque Francois Mitterrand. Elle a toutefois un mérite certain : elle centralise la majorité des dépôts, ce qui est toujours appréciable alors qu’auparavant les collections étaient dispersées dans de nombreux établissements disséminés dans tout Paris.
(15) Les Documents maçonniques, qui paraitront jusqu’à la libération.
(16) Au petit Palais en octobre-novembre 1941.
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Anaxagore



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MessagePosté le: Mar Nov 14, 2017 22:33    Sujet du message: Répondre en citant

... je me suis bien demandé qui était le personnage, mais la allusion au vampirisme me donnent quelques doutes.
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Capitaine caverne



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MessagePosté le: Mer Nov 15, 2017 08:19    Sujet du message: Répondre en citant

Je pense que "Herr Major" pourrait être Max Schreck l'acteur principal du Nosferatu de Murnau, censément mort en 1936 et que la rumeur de l'époque indiquait comme étant un vampire.
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"La véritable obscénité ne réside pas dans les mots crus et la pornographie, mais dans la façon dont la société, les institutions, la bonne moralité masquent leur violence coercitive sous des dehors de fausse vertu" .Lenny Bruce.
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