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Stopper un "train de la mort" ?
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Archibald



Inscrit le: 04 Aoû 2007
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MessagePosté le: Mar Déc 11, 2007 18:42    Sujet du message: Stopper un "train de la mort" ? Répondre en citant

Le sujet est délicat, mais je souhaiterais soumettre cette idée en parallèle a l'assassinat d'Hitler.

Vers le milieu des années 90 le Fana a publié une monographie sur le Mustang. Une partie de l'article m'a frappé, celle racontant l'efficacité des Mustangs de la RAF dans les mitraillages des trains a basse altitude, par destruction de la locomotive.
D'autre part, il semble que la résistance en FTL est beaucoup plus de moyens, on peut supposer que le gouvernement d'Alger, disposant d'une puissante Armée de l'Air, ravitaille les maquis en armes de manière plus aisée qu'en OTL (je pense au cas du Vercors).


Je souhaiterais soumettre l'idée suivante. Si elle est jugée irrecevable, je n'insisterais pas sur ce point...

Je souhaiterais coordoner une attaque de Mustang avec une action de la Resistance, renforcée par des Commandos, contre UN convoi de la mort.

En résumé : en un endroit judicisieusement choisi, des Mustangs venus d'Alger font sauter la locomotive. Commandos et Resistants prennent ensuite le controle du train, et liberent les déportés.

Je me doute que si une telle action a lieu, elle n'aura lieu qu'une seule fois. Il s'agit d'un geste fort contre la Shoah, sauver quelques centaines de juifs... un peu comme Shindler dans son domaine, par exemple.

voila...

Rolling Eyes
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Archibald



Inscrit le: 04 Aoû 2007
Messages: 9242

MessagePosté le: Mar Déc 11, 2007 18:44    Sujet du message: Répondre en citant

PS Est ce possible de developper une telle action de manière similaire a Ruttler et / ou a l'action contre St Nazaire ?
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Didi



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Messages: 34

MessagePosté le: Mar Déc 11, 2007 19:45    Sujet du message: Répondre en citant

Je me demande si la résistance française donnera la priorité à l'interception d'un convoi de la mort, j'aurais tendance à penser qu'elle donnera la priorité à d'autres cibles, même ferroviaires.
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Mar Déc 11, 2007 19:58    Sujet du message: Répondre en citant

Cela fait remonter au coeur du problème - dans quelle mesure les dirigeants alliés sont-ils conscients de ce qui se passe ?
Oui, ils savent qu'il se passe des horreurs, mais à ce point ?
Ils peuvent penser que :
- La guerre est le royaume de la rumeur, est-ce vraiment aussi épouvantable?
- Faut-il risquer des combattants de la Résistance et des avions pour empêcher un train d'emmener quelques centaines de malheureux vers "des travaux forcés dans de très mauvaises conditions sanitaires"?
- Est-ce que, de toute façon, les Allemands ne vont pas déclencher une opération de contre-guérilla très sanglante ?

Il faut répondre à ces questions de LEUR point de vue avant de se prononcer sur une opération comme celle que tu suggères.

Par ailleurs, la question FTL à poser, c'est : en quoi la poursuite de la guerre par la France modifie-t-elle l'attitude et les actions des dirigeants alliés face à la Shoah ?
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Casus Frankie

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Finen



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MessagePosté le: Mar Déc 11, 2007 21:56    Sujet du message: Répondre en citant

Ne pas oublier aussi que l'origine de la résistance est différente.
L'armée est à l'origine des mouvements initiaux et contrôle surement la quasi totalité des mouvement par le contrôle de la logistique et des communication.

De plus, les militaires étant dans le système, les armes ne serons pas distribués au petit bonheur, ils ont l'idée de civils armés en horreur. Il y aura plus certainement des bataillons voir des régiments de choc spécialement affectés aux opérations intérieures et constitué de spéialistes pouvant intervenir en solo, petites équipes (4 en général), groupes ( ~10 ), sections ( 20 à 40 ) voir éventuellement en compagnie pour des coups de mains d'importance vitale typiquement vers l'époque de la préparation de la reconquête de la métropole ou bien en corse.

A coté de cela il y aura évidement des petits groupes sous équipés et ne répondant à personne mais ce sera l'exeption.

Enfin c'est comme cela que je vois la chose.
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Martel



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MessagePosté le: Mer Déc 12, 2007 11:04    Sujet du message: Arreter des trains mais lesquels ? Répondre en citant

Bonjour,

Arrêter ce type de train est concevable.
Si je ne m'abuse on peut trouver des exemples en OTL. (cf paris brule t'il)
Mais pour engager des moyens pour une telle opération sur la base d'un commandement militaire centralisé, outre l'aspect psychologique, on peut aussi imaginer de faire d'une pierre deux coups et libérer parmi les déportés des personnes clefs ( résistants, ...).

Il est malheureusement probable que comme en OTL la résistance soit obligée de choisir ses combats.

Le BCRAM pourra organiser ce genre d'opérations.

Martel
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Français, que dirons nous de ce grand personnage ?
Il a fait la paix, il est mort :
Il ne pouvait pour nous rien faire davantage. "
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Archibald



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Messages: 9242

MessagePosté le: Mer Déc 12, 2007 18:45    Sujet du message: Répondre en citant

http://www.rfi.fr/actufr/articles/061/article_33486.asp

Article sur le bombardement des camps et, au passage, la prise de conscience par les alliés ce qu'était la Shoah (juin 1942 - janvier 1944).

Citation:
Par ailleurs, la question FTL à poser, c'est : en quoi la poursuite de la guerre par la France modifie-t-elle l'attitude et les actions des dirigeants alliés face à la Shoah ?


En d'autre termes, pourquoi la France FTL serait elle mieux informée que les alliés OTL,
ou
deciderait elle de tenter quelque chose, connaissant les objections postés precedemment ?

Citation:
Il est malheureusement probable que comme en OTL la résistance soit obligée de choisir ses combats.


Il est vrai que l'esprit des résistants est avant tout la libération du pays, pas le sauvetage des juifs, dont a vrai dire ils ne soupçonnent pas l'ampleur de la déportation (toujours ce problème du point de vue retrospectif).
Bien sur un ordre du gouvernement d'Alger peut changer ça (encore que) le problème étant alors la prise de conscience de l'ampleur de la shoah par le-dit gouvernement...
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Fantasque



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MessagePosté le: Mer Jan 02, 2008 17:23    Sujet du message: Répondre en citant

Pour ce qui est de la Resistance, le problème n'était pas tant stopper un train que de pouvoir protéger ses occupants une fois libérés. Et cela, en 43/début 44 est au-dessus des moyens de la resistance en zone Nord.

Il est probbale que les responsables du bombardement stratégique Alliés vont refuser les bombardements systématiques des chemins de Fer AVANT la préparation du Débarquement (opération Strangle...)

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patzekiller



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MessagePosté le: Mer Jan 02, 2008 17:40    Sujet du message: Répondre en citant

on peut par contreenvisager de stopper ce train apres le debarquement...une poignee de fanatique organise une rafle et un convoi de derniere minute, alors que le front n'est qu'à qq dizaine de km, la resistance choppe le train et il y a pendant plusieurs jours toute une odyssée, avec combats, cache etc etc jusqu'à l'arrivée des alliés.
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Archibald



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MessagePosté le: Mer Jan 02, 2008 17:41    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
le problème n'était pas tant stopper un train que de pouvoir protéger ses occupants une fois libérés


C'est bien le problème que j'avait identifié, les résistants se retrouveraient avec 400 ou 500 personnes épuisées et mal en point sur les bras. Un tel nombre de personnes serait difficile a évacuer rapidement...
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Benoit XVII



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MessagePosté le: Mer Jan 02, 2008 20:49    Sujet du message: Répondre en citant

il y eu en Belgique une attaque menée par 4 résistants contre un train de la mort: 216 évadés, 90 repris, 26 morts. Voici une narration de cette histoire incroyable, qui fit beaucoup de bruit à l'époque:

http://www.freebelgians.net/pages/sujet.php?id=resistance&su=142

Si quelqu'un veut la recycler dans la FTL...
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Archibald



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MessagePosté le: Jeu Jan 03, 2008 12:47    Sujet du message: Répondre en citant

Merci pour ce document tres interessant!

Quatre garçons qui arretent un train par la ruse (et non par la violence) c'est quand meme incroyable.

Pour ce qui est de la prise en charge d'un tres grand nombre de déportés apres donc leur libération, ce texte donne quelques clés interessantes, comme donner de l'argent aux valides pour assurer leur survie.

Mais on voit clairement que sur 1600 personnes, a peine 200 ont pu fuir. En fait se poserait un problème moral : comment sauver ceux qui sont incapable de fuir par leur propres moyens ?
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Mar Jan 22, 2008 16:57    Sujet du message: Opération Moïse Répondre en citant

Le sujet évoqué par Archibald me tenait à coeur et les idées qu'il a soulevées m'ont conduit à rédiger ce petit texte, destiné à la Chrono... mais pas tout de suite, regardez bien les dates !
J'ai pu en discuter avec Loïc et Fantasque et y apporter quelques aménagements sur leurs conseils. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne soit pas ouvert au débat !
A l'intention des plus jeunes d'entre nous : les propos que je prête aux deux principaux protagonistes sont étroitement démarqués de leurs écrits ou de leurs interventions publiques. En particulier d'une célébrissime conférence de presse tenue en 1967, après la guerre des Six Jours.


24 décembre 1943
Bureau de campagne du Président du Conseil, à proximité du front français.
Charles de Gaulle, Président du Conseil, a voulu passer ce premier réveillon de Noël sur le sol reconquis de la Métropole, près du front, parmi les troupes, au terme de trois jours d’inspection. Il ne rejoindra que le lendemain sa famille, encore à Alger, où Yvonne de Gaulle prépare, dans le calme cette fois, un nouveau déménagement.
C’est donc avec surprise que le Général voit se présenter, à la nuit tombée, l’un de ses ministres et non des moindres, Léon Blum. Celui-ci s’efforçait depuis deux jours de le rejoindre, malgré le triste état du réseau routier, les ponts détruits, les obus de l’armée allemande en retraite et les raids de harcèlement des chasseurs-bombardiers de la Luftwaffe. A l’aide de camp du Général qui l’a accueilli, Blum a prétendu qu’il devait voir le Président du Conseil pour signer la nomination de Charles-André Julien comme Gouverneur Général de l’Algérie. Julien, ami de Blum et membre de la SFIO, grand connaisseur de l’Afrique du Nord, jouera en effet un rôle majeur dans l’évolution des relations entre l’Algérie et la Métropole dans les années suivantes – mais sa nomination n’a rien d’urgent, elle ne prendra de toute façon effet que lorsque le gouvernement se sera pleinement réinstallé en Métropole.
Ce n’est que lorsqu’il est seul avec De Gaulle que Blum dévoile l’objet réel de sa visite. Quelques jours plus tôt, il a reçu quatre hommes, venus, selon son expression, lui apporter « des nouvelles de l’Enfer. » Ces hommes, qui se sont échappés du ghetto de Varsovie, puis de Pologne, sont passés par le Danemark, d’où ils ont pu gagner la Suède puis, grâce à un avion de la RAF, l’Angleterre. Là, ils ont rencontré l’Ambassadeur des Etats-Unis et des membres du gouvernement anglais. Tous les ont écoutés poliment, amicalement. Roosevelt et Churchill, informés, ont fait part de leur compassion, mais rien de concret n’est sorti de ces entretiens. Depuis deux ans, le Congrès Juif Mondial s'efforce d'alerter les Occidentaux en s'appuyant, depuis un an, sur des informations reçues du gouvernement soviétique. Chacun sait maintenant, à Londres, Washington et Alger, que les Nazis persécutent les Juifs, qu’ils les déportent, les enferment dans des camps de travail ravagés par la faim et la maladie… Reste, pensent les gouvernants alliés, qu’il ne faut pas prendre des mesures inconsidérées sur la foi de témoignages sincères, mais sans aucun doute grossis par l’émotion. Ceux des quatre Polonais sont particulièrement terribles, mais ne sont-ils pas d'autant moins fiables ? Et puis, que faire, de toute façon ?
Alors les quatre hommes ont demandé à se rendre à Alger, ce que les Anglais, soulagés, leur ont volontiers accordé. Là, ils sont parvenus à voir Léon Blum. A ce point de son récit, Blum sort de sa poche quelques feuillets, transcription de la sténographie de son entretien avec ces visiteurs. Il se met à lire d’une voix neutre, qui s’étrangle pourtant par instants. Quand il arrive au bout du dernier feuillet, il se tait et quelques secondes d’un lourd silence s’écoulent.
– Et que voulez-vous que je fasse ? articule De Gaulle d’une voix sèche.
– Vous ne me croyez pas ? Qu’attendez-vous de plus ? Un reportage photographique ? Vous savez que ces informations ne font que confirmer les renseignements recueillis depuis un an par notre Mission militaire à Moscou et ceux que m'a transmis il y a quelques mois M. Ehrenbourg lors de sa visite privée à Alger !
– Oui, et ceux que l'ambassadeur soviétique a confiés à M. Mandel, je me demande encore à quel titre... Je le sais et je vous crois, répond De Gaulle d’une voix radoucie. Les informations transmises par les autorités soviétiques sont toujours sujettes à caution, mais je vous crois aussi parce que je vous fais confiance, comme vous m’avez fait confiance lorsque vous m’avez reçu, avant la guerre, et que vous avez ensuite soutenu mes idées. Mais avouez que j’ai quelque mérite à admettre toute cette abominable histoire ! Les Allemands sont aux abois, nous avons repris pied en France, les Russes les ont reconduits sur leurs positions de départ, les bombardiers anglais et américains s’acharnent tous les jours sur leurs villes, les Italiens ont changé de camp, et voilà qu’il paraît qu’ils consacrent des hommes, du charbon, des trains entiers à capturer des malheureux parfaitement inoffensifs, des femmes, des enfants, des vieillards, à les rassembler et à les massacrer comme du bétail de la façon la plus inouïe, dans le seul but apparent d’en tuer le plus possible ! Enfin, cela passe l’entendement ! Je comprends que vos… amis aient eu du mal à se faire écouter.
– Et pourtant…
– Je vous crois ! Mais que puis-je faire d’autre que m’efforcer de faire la guerre le mieux possible et de la gagner le plus vite possible ?
– Tous les jours, des trains partent des villes de France occupée, de Paris notamment, emmenant des milliers de malheureux vers un sort abominable. Tous les jours, la Résistance et l’Armée de l’Air bloquent et attaquent des trains. Mais ces convois de la Mort ne sont pas attaqués, parce qu’ils ne sont pas considérés comme des objectifs militaires ! La Résistance peut faire sauter la voie devant eux, l’aviation peut mitrailler les locomotives… Cela seul suffirait à sauver des milliers de vies.
– Pourtant, les prisonniers eux-mêmes pourraient être tués lors des opérations contre leurs trains !
– J’y ai pensé. On m’a répondu qu’une telle mort serait la bienvenue, comparée au sort qui les attend en Pologne.
Nouveau silence. De Gaulle semble alors se souvenir de quelque chose : « Mais dites-moi, Monsieur le ministre, pourquoi m’avoir poursuivi jusqu’ici ? Vous pouviez attendre le Conseil de Défense Nationale d’après-demain et nous exposer la question. »
Blum se tait. C’est le Général lui-même qui répond à sa propre interrogation : « Non, bien sûr. Il ne faut pas que l’on puisse prétendre que la France fait la guerre pour les Juifs et qu’un Juif se sert des forces françaises pour sauver d’autres Juifs. Vous avez raison. Notre pays a déjà été suffisamment déchiré, entre nous, les collaborateurs, les attentistes, les communistes, les colons d’Algérie ou d’Indochine prétendant que nous n’avions pas besoin de l’appui des indigènes pour faire la guerre… »
Blum se tait. Son interlocuteur a parfaitement compris.
– Vous êtes vraiment un peuple étrange, reprend De Gaulle. Si peu nombreux, persécutés de toutes part durant des siècles, on dirait que vos malheurs ont fait de vous une élite. Et dès qu’on cesse de l’écraser, cette élite revient au premier rang, sûre d’elle-même et de sa mission !
– Je ne sais pas trop ce que vous entendez par “peuple juif”, rétorque Blum avec vivacité. En ce qui me concerne, je suis un Juif français, né en France d’une longue suite d’aïeux français, ne parlant que la langue de mon pays et principalement nourri de sa culture. Si la France avait dû céder, en juin 40, à la tentation de capituler, je ne l’aurais pas quittée, alors même que j’y aurais couru les plus grands dangers, car c’est mon pays, je ne m’en connais pas d’autre.
– Et que pensez-vous du Foyer juif de Palestine créé par Lord Balfour ?
– J’admets volontiers que je soutiens de toute mon âme les efforts de ceux qui veulent assurer une patrie digne, égale et libre à tous les Juifs qui n’ont pas eu comme moi la bonne fortune de la trouver dans leur pays natal. Mais pour que ce Foyer passe de l’ébauche à la réalité, il faut éviter que M. Hitler n’assassine tous les Juifs d’Europe !
– Je vois… De Gaulle penche la tête et, plissant encore un peu plus ses lourdes paupières : Mais dites-moi, ces actions que vous me réclamez mettraient en danger des vies françaises, dont je suis comptable : des pilotes, des combattants du Maquis, des cheminots qui, contraints et forcés, conduisent ces trains !
– Et les déportés, ne sont-ils pas souvent français ? Vous savez que, si Laval prétendait au début ne livrer aux Allemands que les Juifs étrangers, depuis deux ans, le Commissariat aux Questions Juives du sinistre M. Darquier de Pellepoix « ne perd plus son temps à ces distinctions byzantines », comme il dit. Et puis, même s’il s’agit d’étrangers, ce sont des hommes et des femmes qui ont cherché refuge en France et à qui la France a donné asile !
– C’est exact, murmure le Général, soudain pensif. Brusquement, il toussote et se lève : Je vous prie de m’excuser, mais je dois assister à la messe de minuit, célébrée avec un peu d’avance par l’aumônier de la division. Voulez-vous m’accompagner ? Je vous précise que je ne communierai pas, étant ici en tant que Président du Conseil et non en tant que chrétien.
– Je vous remercie de votre invitation. Ce soir, alors que toute la chrétienté se penche sur le berceau d’un enfant juif, la France voudra peut-être s’opposer à un nouveau massacre des Innocents.


26 décembre 1943
Alger
C’est le dernier Conseil de Défense Nationale tenu en terre africaine. Il expédie essentiellement des affaires courantes. Alors que la séance s’achève, un secrétaire distribue aux participants un mince dossier et le général De Gaulle, Président du Conseil, prend la parole : « Vous allez, Messieurs, découvrir dans ce dossier quelques pages concernant un sujet douloureux. Il s’agit du rapport de quatre informateurs polonais, qui nous ont tout récemment alertés sur ce qui se passe dans leur pays et en Allemagne, mais qui a des ramifications dans toute l’Europe occupée et notamment dans les régions de France non encore libérées. Nos services ont longuement étudié les déclarations de ces hommes, que j’ai tenu à recevoir personnellement ce matin même. Nous avons recoupé leurs affirmations en interrogeant nos SR et en faisant appel à nos Alliés – les services russes nous ont notamment fourni des renseignements très détaillés sur le trafic ferroviaire en Pologne. Tout ce que dit ce rapport est malheureusement exact. Je vous laisse le temps d’en lire le texte, qui vient à peine d’être dactylographié. »
Un peu surpris, les membres du CDN ouvrent leurs dossiers. Il ne leur faut que quelques minutes pour en lire le contenu, qui provoque chez la plupart des exclamations étouffées. Le premier moment d’émotion passée, certains membres du Conseil semblent vouloir poser des questions, mais De Gaulle les devance.
– Une discussion de fond, pour nécessaire qu’elle soit, n’est pas à l’ordre du jour. J’irai au plus pressé. D’abord, il n’est pas question que nous laissions sans réagir les Allemands déporter nos ressortissants ou les étrangers qui sont nos hôtes et nos protégés. De plus, il va sans dire que la France ne saurait admettre de participer, même de très loin, aux abominables massacres dont nous devons hélas reconnaître la réalité. Nous allons faire savoir à l’ennemi, mais aussi aux gens de Laval et à la direction de la SNCF que les convois de déportés juifs doivent être considérés comme des convois militaires et que les cheminots français ne sauraient donc être obligés de conduire leurs locomotives. La Résistance et l’Armée de l’Air recevront la consigne, autant que cela leur sera possible sans mettre en danger leurs autres tâches, d’empêcher l’acheminement de ces convois vers l’Allemagne. Je ne pense pas que ces mesures, qui relèvent à la fois de la protection de nos concitoyens et de l’humanité pure et simple, méritent un long débat…
Deux ou trois ministres semblent sur le point de s’exprimer, alors le Général : « Pour le reste, la question est telle qu’il vaudrait mieux, je crois, en discuter à l’Assemblée, n’est-ce pas ? »
Alors que les participants à la réunion se séparent, Léon Blum s’avance vers Charles de Gaulle et, en lui serrant la main, murmure : « Merci, Monsieur le Président du Conseil. » De Gaulle répond sur le même ton : « Vive la France, Monsieur le Ministre. » Racontant l’épisode dans ses Mémoires, Blum commentera : « Je compris fort bien que le Général faisait allusion à mon entrée fracassante au fatidique Conseil des Ministres de la nuit du 12 au 13 juin 40, quand mon exclamation patriotique avait ponctué l’appui apporté par mon parti et moi-même au Sursaut national. »
Ce que les pilotes de l’Armée de l’Air baptiseront (très officieusement) “missions Moïse” commencera le 1er janvier 1944.

7 janvier 1944
Alger
Lettre de Donald A. Lincoln à la direction du New York Herald.
« Comme vous le savez, je prends en ce moment quelques jours de repos à Alger avant de retourner sur le front. Un contact français m’a signalé un débat d’actualité intéressant à l’Assemblée Nationale. Il semble que les rumeurs insistantes sur la gravité des persécutions antijuives organisées par les Allemands dans toutes les zones sous leur contrôle soient fondées. On savait qu’ils déportaient des Juifs, hommes et femmes, enfants compris, vers des camps de concentration situés en Pologne. Cependant, il semble bien que ces camps ne soient pas des camps de travaux forcés, mais des lieux où ces malheureux seraient purement et simplement massacrés. Le gouvernement français a décidé d’utiliser son aviation (et sans doute la Résistance armée) pour perturber la circulation des trains de déportés.
Le débat d’actualité a mis en accusation, bien sûr, la barbarie nazie, mais a surtout mis en avant dans l’action décidée par le gouvernement le fait que les Allemands déportent des citoyens français, laissant de côté le fait qu’il s’agisse de juifs (et souvent de juifs étrangers réfugiés en France). Un député communiste a exigé que le gouvernement demande l’aide de la RAF et de l’USAAF « pour protéger des Français qui souffrent, alors que les civils anglais et américains sont à l’abri » et une requête en ce sens va être adressée à Londres et Washington.
Je me tiens à votre disposition pour un article complet sur cette histoire, avec interview de quelques responsables ; il serait intéressant de savoir ce qu’en pense notre gouvernement. »
La rédaction du New York Herald se contentera d’indiquer à Lincoln que l’affaire était suivie par le service Politique, mais aucun article ne sera publié.
« La RAF et l’USAAF devaient accepter de prêter la main aux Français, non sans réticence et seulement parce qu’il s’agissait de protéger des citoyens de leur allié. Chacune des deux forces aériennes organisa en février 1944 un unique raid de bombardement à haute altitude, ciblant ce qui était identifié comme “une gare de triage des trains de déportés”. Il n’y eut aucun raid en Pologne, considérée comme trop éloignée (bien qu’elle fût largement à portée des B-29) et comme devant être bientôt libérée par les Soviétiques. Des Lancaster bombardèrent Dachau de nuit le 5 et des B-17 bombardèrent Ravensbrück de jour le 12. Ironie : ce n’était pas des camps d’extermination, mais de concentration, avec un secteur “politique”. L’imprécision bien connue de ces bombardements se manifesta une fois de plus : le réseau ferré alimentant ces camps fut sévèrement touché, mais les baraquements des prisonniers et les logements des gardiens furent atteints. Les bombes firent de nombreux morts des deux côtés, justifiant le refus des aviateurs anglo-saxons d’effectuer d’autres missions de ce genre. Cependant, au printemps 1944, l’administration des camps envisagea, devant l’avance soviétique, de recréer en Allemagne des installations d’extermination supprimées en Pologne, mais y renonça dans ces deux camps en raison des dégâts subis en février. » (D’après A. Wievorka, La Libération des Camps, in n° spécial de L’Histoire, juillet 1994, La Chute du IIIe Reich).

Frank


Dernière édition par Casus Frankie le Jeu Jan 24, 2008 17:21; édité 2 fois
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Archibald



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MessagePosté le: Mer Jan 23, 2008 14:47    Sujet du message: Répondre en citant

Vraiment bien!
Joli conte de Noel. Peut etre que quand la chrono sera developpée a cette date là j'ajouterais une page sur l'attaque d'un de ces trains par les Mustang...
Des détails sur cette conférence de presse ?
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Mer Jan 23, 2008 16:06    Sujet du message: Répondre en citant

Archibald a écrit:
Des détails sur cette conférence de presse ?


Pas une conférence de presse, mais une discussion à l'Assemblée, où les députés et sénateurs s'insurgent contre "la déportation par l'Allemagne de citoyens français non combattants". Si quelqu'un veut imaginer le débat...

Par ailleurs, on peut aussi, à l'image de l'épisode OTL raconté par le site dont Sa Sainteté nous a donné l'adresse, envisager une action de la Résistance contre des trains dans le sud-ouest, agissant sur renseignements donnés par un administrateur de la préfecture de Bordeaux chargé d'organiser ces trains... (mais oui vous savez à qui je pense !) Mr. Green
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Casus Frankie

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