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De Juillet chaud (par Carthage)
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Sam Juil 12, 2014 09:31    Sujet du message: Répondre en citant

14 septembre – Vers 07h00, Roblin m’informe que l’on vient d’arrêter deux hommes qui cherchaient à s’introduire dans le fort en venant du bloc 3, ce sont tout bonnement des journalistes qui tentaient de faire quelques photographies, nous leur confisquons leurs pellicules et les renvoyons sur Menton.

15 septembre – Sur les 09h00, le maire me tend un exemplaire du journal Le Patriote de Nice, tout juste livré en gare de Menton, il décrit abondamment les mesure de sécurité entourant le fort, le tout illustré d’une dizaine de clichés où je peux me reconnaître sans peine. Le convoi de cercueils arrive dans l’après-midi, le déchargement prendra une dizaine d’heures et, dès demain, nous partirons à la chasse aux munitions.

16 septembre – Au petit matin, les équipes du Génie revêtent leurs tenues quand le maire arrive en courant et m’entraîne d’un pas peu assuré jusqu'au cimetière du village où, derrière chaque tombe, je découvre un petit groupe de femmes vêtues de noir qui m’observent fixement, je demande au maire les nombre total des tombes, cent cinquante-trois me répond-il, cela nous approche des quatre cents femmes en noir ! J’appelle le médecin-général et nous entrons dans le cimetière escortés de six bataillonnaires, nous sommes immédiatement pressés de questions, la principale, qui revient en leitmotiv, étant la suivante : « Où sont nos hommes, qu’en avez-vous fait depuis juillet 40 ? » Evidemment, je reste coi !
Le médecin-général, une fois encore, me sauve la mise, il s’avance bravement dans la foule au milieu de toutes ces femmes vêtues de noir et grimpe sur une tombe, la vision de cet officier du corps de santé semblant flotter dans une mer formée par tous ces voiles de deuil est tout simplement sidérante ! D’une voix forte mais posée il leur annonce la mort au combat de leurs maris, fiancés, fils ou amants, un gémissement monte de l’assemblée, une sorte de plainte sourde dont le souvenir me restera longtemps, des femmes s’écroulent, mes bataillonnaires s’affairent à les relever, Locard m’appelle et je grimpe à ses côtés, nous ressemblons, dos à dos, à deux instituteurs de campagne surveillant une improbable récréation. Nous jurons solennellement de tout faire pour connaître la vérité sur la mort de l’équipage et la faire savoir aux familles, d’une voix étranglée, j’ajoute qu’ils seront tous inhumés sur place et que les objets personnels seront rendus à tous les ayant-droit, voilà, c’est dit !

17 septembre – La quête des munitions commence, elle cessera trois jours plus tard. Les blocs de combat sont traités un par un, de façon méthodique, par l’arme du génie, il faudra une dizaine de camions pour tout évacuer sur Toulon ainsi que l’armement individuel. Tout est noté, colligé, sur des cahiers toilés, les hommes étant rapprochés dans la mesure du possible de leur armement collectif ou individuel.

20 septembre – La collecte s’achève aujourd’hui. J’accorde un jour de repos à tous, nous reprendrons les opérations le 22.

21 septembre – Le médecin-général nous rédige une procédure écrite pour relever et évacuer les dépouilles, chaque corps sera photographié et identifié avant d’être placé dans son cercueil plombé, qui sera ensuite refermé par soudure. Nous les ferons voir aux familles qui le désirent, une liste sera affichée en mairie tous les matins, D… fasse qu’ils portent tous leurs plaques d’identité, la DTG de Nice nous a transmis le rôle de l’ouvrage, 318 hommes de troupe, gradés, sous-officiers et officiers !
Notre jeune collègue du Génie en profite pour aller reconnaître, avec le médecin-commandant Laborit et le capitaine Roblin, la source alimentant l’ouvrage, à six kilomètres de là, ils rentrent vers 19h00 tout crottés autant qu’excités, d’un sac ils sortent une sorte de pain de savon aux trois-quarts dissous par l’eau qu’ils tendent à Locard, cet objet sent fortement l’ail ; d’après eux, il a été préservé parce que mal positionné dans le réceptacle de collecte, seule l’eau de pluie pouvait le dissoudre, pas le ruissellement.

22 septembre – Début de l’opération d’identification, difficile pour tout le monde. Comme pour les munitions, les blocs sont traités un par un, j’affecte deux cents bataillonnaires à cette tâche, deux cents autres gardent le périmètre, comme cela, j’ai toujours une moitié de mon effectif au repos, c’est Locard qui mène la danse avant de passer la relève à Laborit car il a repéré de nouveaux éléments et a carrément annexé sapeurs et marins aux fins d’enquête approfondie.
Au bout de deux heures, je me lasse car n’ayant aucun rôle dans tout cela, je vais au village ou j’ai ouï dire qu’il y a un marché de la Saint-Maurice, je franchis le poste de garde, descends tranquillement par la petite rue et tombe sur le garde-champêtre qui me salue gravement, c’est étrange, sa tête me dit quelque chose, je regarde sa plaque qui miroite dans le soleil et fais un effort de mémoire, je le vois marcher devant moi, une épaule bizarrement déjetée en arrière, je me concentre un peu plus et reconnais tout d’un coup le hallebardier de l’amiral Husson à Bizerte, sa photo avait fait le tour du monde ! Je lui demande ce qu’il peut bien faire là, il me narre ses diverses aventures : après sa blessure lors de l’attaque de l’arsenal, il a été très correctement soigné par les Armées avant d’être placé en non activité avec maintien de sa solde, puis on l’a fait passer devant une commission médicale à Alger qui a prononcé sa réforme pour inaptitude, un vrai scandale, heureusement que le général Mathis l’a ramené en France et lui a trouvé cet emploi où il est logé, nourri grâce à ses fonctions de placier du marché et, faut-il le dire, bien chétivement payé mais le pays est beau ! Nous passons devant l’étal du boulanger où le hallebardier effleure un pain de quatre livres, le commerçant s’en empare et le retourne en le plaçant hors de la vue des passants – interloqué, je fais part de mon étonnement au garde-champêtre qui me rétorque en souriant qu’il est, en tant que salarié municipal, héritier d’un très lointain prédécesseur, lequel donc ? Le bourreau, répond-il simplement : tout comme lui, il a droit de havage.
Forts de ces vérités toutes municipales, nous déambulons dans le marché jusqu’à rencontrer une très jolie femme vêtue de noir qui semble connaître notre garde-champêtre, il me la présente comme étant l’épouse du commandant Panzani, le Pacha de l’ouvrage ! Cette dame me demande immédiatement si on a retrouvé le corps de son mari, je lui réponds que non et je précise que jusqu’alors, seuls huit corps avaient été sortis et identifiés, tous des petits blocs de combat, aujourd’hui, on devrait en extraire huit autres, mais j’ajoute qu’on devrait en avoir pour un mois au moins, les premiers avis seront placardés en mairie dès lundi matin. Elle répond sans s’émouvoir outre mesure qu’elle attendra tout le temps qu’il faudra et qu’elle a pris pension à Sainte-Agnès, de toute façon, elle me dit attendre depuis juillet 1940 ! Nous la quittons et remontons vers le fort, le garde-champêtre m’annonce qu’il alternera avec le maire pour dresser les actes de décès, exigence absolue de l’état-civil, il sera accompagné de l’instituteur qui œuvre comme secrétaire de mairie, nous nous quittons devant la tente des autopsies où je pénètre.
Laborit et Locard semblent fatigués par leur journée et me demandent de surseoir à tout jusqu’à lundi, ils me disent n’avoir que des squelettes à présenter aux familles qui le demanderont et redouter de bien légitimes réactions à leur vue, je préconise de présenter les dépouilles dans une posture de gisant, allongées sur le dos et revêtues de leur uniformes ; dans la mesure du possible, s’il n’y a pas de risque d’intoxication, il sera souhaitable de rendre aux familles les objets personnels trouvés sur les dépouilles ou dans les casiers individuels de la troupe. Locard me parle alors des sanitaires qui ont été reconnus et où l’on a constaté un enchevêtrement par superposition des corps qui complique le travail des bataillonnaires, je lui réponds que c’est leur métier et qu’ils le feront avec minutie, comme à Limnos ! Tout ceci m’énerve prodigieusement, hors de moi, je m’exclame que non seulement je ne sers à rien mais encore qu’on se permet de contester le savoir-faire de mes hommes ! Locard me scrute avec attention et me dit que je devrais me reposer un jour ou deux, diable d’homme, je compte en effet prendre mon dimanche, seul et bien tranquille. Un peu calmé, je prends congé d’un air badin et sors de la tente, je galope jusqu’à l’entrée du fort pour avertir Roblin de mes intentions, il m’écoute, l’air grave, et me souhaite une bonne nuit, j’ai enfin transféré à quelqu’un d’autre la responsabilité de tout ce foutu bazar ! »
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Van Gogh



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MessagePosté le: Sam Juil 12, 2014 09:38    Sujet du message: Répondre en citant

Pour revenir au(x) gaz utilisé(s), l'odeur d'ail est caractéristique de seulement deux éléments : le sélénium (présent dans l'ail, d'ailleurs, c'est lui qui est la cause de l'odeur de la gousse), très rarement toxique sauf à des doses irréalistes et l'arsenic. Ce dernier est une autres paire de manches, et a été utilise comme base de nombreux gaz depuis 1915.
En particulier, l'hydrure d'arsenic AsH[sub]3[/sub] est toxique a partir de 0.5 ppm, une dose extrêmement faible (0.5 molécule par million de molécules autres dans l'air !). Autant dire qu'avec une bouteille de 20L à au moins 4 bars, les italiens n'y sont pas vraiment allés avec le dos de la cuillère (un calcul de coin de table donnerait 4000 m3 de volume contaminés). Il n'est donc pas étonnant avec une telle surdose que l'intérieur du fort soit encore toxique plus de cinq ans plus tard, d'autant plus que les murs en béton ont la capacité de fixer ce gaz et de le rendre peu à peu... Par ailleurs, dans l'immédiat, une telle dose peut être suffisante pour forcer des filtres mal adaptés. Et c'est sans compter sur la dose de tabun supplémentaire, utilisé comme un gaz d'appoint pour saturer les masques et filtres (sans doute par méconnaissance des propriétés exactes de la part des italiens... c'est une arme "secrète") Mad.
Il est possible que lorsque les équipes d'enquête et analyse italo-allemandes sont arrives sur le site, il n'aient tout simplement pas pu approcher, et par défaut (et sans doute en panique face au cocktail present), ont fermé le site en attendant de trouver une solution pour détruire les toutes preuves d'un coup. Par la suite, d'autres choses sont devenues plus prioritaires que la "simple" destruction d'un fort abandonné par le feu et les explosifs.
Pour rajouter à l'horreur de l'utilisation des gaz en combat, il est possible que le site soit tout simplement perdu, off-limits pendant des années : pour décontaminer, en particulier les traces de tabun, il faut passer au jet d'eau savonneuse sous pression. Eau qui risque de se retrouver dans la terre et les nappes phréatiques en dessous. Et une nappe phreatique contaminee par de l'arsenic, c'est des dizaines d'années de non potabilité et de problèmes de santé pour les civils alentour. Ceci dit, les méthodes de décontamination d'équipement sont plus que rudimentaires post-deuxième guerre mondiale (les sites de 1914-1918 sont laisses tels quels par exemple, et les stocks coulés en mer ou dans des lacs), et ne seront vraiment étudiées que pendant la guerre froide : il est donc possible que rien ne soit fait en plus une fois les corps sortis.. ce qui n'est pas une mauvaise solution, faute de mieux.

Merci en tout cas pour ce récit, très prenant.
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Sam Juil 12, 2014 09:55    Sujet du message: Répondre en citant

Excellente première intervention.
Autrement dit, le plus probable est que le fort restera définitivement tel que ?...
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Casus Frankie

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Van Gogh



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MessagePosté le: Sam Juil 12, 2014 10:06    Sujet du message: Répondre en citant

C'est ce que je pense le plus probable, d'autant plus que les militaires font face à un cocktail de gaz vieilli, c'est à dire quelque chose de très difficile à comprendre et manipuler du point de vue chimique. On assure l'étanchéité, et on a un monument-mémorial à ajouter à Vaux et Douaumont.

Peut-etre que des tentatives de réhabilitation seront étudiées plus tard, surtout si des eaux de ruissellement polluent les alentours : des villas à Menton, c'est autre chose qu'une forêt loin de tout en Champagne/Argonne. D'ailleurs, le sénateur-maire décrit par Carthage m'a l'air d'être capable de le réclamer lors d'une élection (tant que le coût est pris en charge par quelqu'un d'autre).
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Anaxagore



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MessagePosté le: Sam Juil 12, 2014 10:15    Sujet du message: Répondre en citant

Je crois me souvenir d'un cas similaire (gaz de combat de la deuxième guerre mondiale jeté dans la Baltique). Et bien, en dépit des énormes risques de pollution, on parle encore de nettoyer le site, mais on n'a rien fait.
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Capitaine caverne



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MessagePosté le: Sam Juil 12, 2014 10:50    Sujet du message: Répondre en citant

Anaxagore a écrit:
Je crois me souvenir d'un cas similaire (gaz de combat de la deuxième guerre mondiale jeté dans la Baltique). Et bien, en dépit des énormes risques de pollution, on parle encore de nettoyer le site, mais on n'a rien fait.


Il n'y a pas que dans la baltique. Il y a également eu des immersions de munitions chimiques non-utilisés des deux conflits mondiaux dans la manche et la mer du nord. Hormis un (au large du Bénélux), qui de part se taille fait l'objet d'une surveillance régulière, les autres sont laissés à l'abandon. Et il y en à même plusieurs dont la position s'est perdu à la suite des dégats materiels et des désordres de la seconde guerre mondiale. Etant donné la vitesse à laquelle se dégarde le métal immergé dans de l'eau de mer, et le fait que ces cocktails mortels conservent leur nocivité dans le temp, il y a de quoi avoir peur!
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Van Gogh



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MessagePosté le: Sam Juil 12, 2014 12:04    Sujet du message: Répondre en citant

Encore plus pres de nous, il y a la "Place à Gaz", dans la Woevre, une ancienne zone de stockage allemande. 100 ans après, rien ne peut y pousser ou y vivre tant le taux d'arsenic, metaux lourds et polluants organiques est élevé.
En Zone Rouge, l'agriculture est toujours interdite, de même que cueillette et chasse... On n'a presque que le droit d'y passer pour le tourisme mémoriel. Le fort Ste Agnès a toutes les chances de rejoindre la triste liste de ses sites.
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Wil the Coyote



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MessagePosté le: Sam Juil 12, 2014 12:55    Sujet du message: Répondre en citant

Si j'ai bonne mémoire, au large de Zeebrugge se trouve une cargaison de munition toxique. Lorsqu'un Chasseur de Mines de la Marine Royale Belge est de sortie, il doit obligatoirement passer tout près pour le contrôler.
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JPBWEB



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MessagePosté le: Sam Juil 12, 2014 13:31    Sujet du message: Répondre en citant

En février 42, peu avant la chute de Singapour, l'armée britannique a immergé son stock de munitions d'artillerie chimiques, dont les dépôts avaient été repliés par bonds successifs lors de la retraite de Malaisie et qui ne pouvaient plus être évacués. Je suppose que les obus sont toujours au fond du Detroit de Malacca. Glaçante pensée...
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Fantasque



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MessagePosté le: Sam Juil 12, 2014 16:29    Sujet du message: Répondre en citant

Deux petites choses.

Mon père fut éditorialiste au "Patriote", de septembre 1944 à fin 1945 (moins la période qu'il passa sur les Poches de l'Atlantique de mars à mai 45). Il revint à Paris début 1946 pour terminer ses études de médecine.

Ensuite, compte tenu du lieu, il est probable que l'on tentera de faire quelque chose. mais, cela ne veut pas dire que l'on réussira....

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Collectionneur



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MessagePosté le: Sam Juil 12, 2014 22:54    Sujet du message: Répondre en citant

C'est en HS du récit mais notons également un dépôt d'armes chimiques soviétique en mer Noire au large de la Crimée. Les Ukrainiens n'ont pût repêcher que quelques dizaines de barils.

Au total, un article estime qu'il y aujourd'hui 1,5 million de tonnes de saloperies chimiques au fond des mers :

http://news360x.fr/armes-chimiques-la-mer/
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Dim Juil 13, 2014 07:36    Sujet du message: Répondre en citant

Le goûter des généraux, II

Journal du général Brécargue

« 23 septembre – Dès neuf heures, rasé et toiletté de près, je me dirige doucement, l’œil en biais, vers notre voiture de liaison qui se trouve juste après le poste de garde, les deux bataillonnaires en sentinelle me saluent d’un superbe présentez armes, moi, officier général en tenue de sortie, je leur réponds par un salut des plus impériaux puis trotte vers la voiture – à mon intense surprise, ma modeste Renault est bloquée par une superbe traction avant bicolore de chez Citroën, deux louches individus en émergent en qui je peux reconnaître les généraux Mathis et Locard, tous deux en tenue de sortie, mon escapade incognito est fichue, ces deux individus me blaguent sans retenue sur mon ceinturon modèle 14, je les envisage avec une grande douceur et leur propose un solide petit déjeuner au Righi ce à quoi ils souscrivent de suite !
Sur le coup des dix heures, nous prenons la direction de Menton, Mathis est au volant et conduit souplement sa belle voiture car, bien entendu, c’est la sienne, nous arrivons à Menton vers onze heures et, pour me venger, je les traîne à la messe dont nous sortons vers midi. Mathis nous propose alors d’aller vers le petit ouvrage du pont Saint-Louis, nous roulons doucement dans la vieille ville qui a beaucoup souffert, beaucoup de maison éventrées par l’artillerie, des pans de murs solitaires parsèment le paysage, nous abordons l’ouvrage par l’arrière et y pénétrons par l’étroit boyau d’accès, tout est confiné ici, j’entrevois la salle de filtration et peux voir, outre les filtres, un cadre avec une selle de vélo. Mathis m’explique alors que la ventilation était, suivant les cas, à pédales ou manuelle, avec des manivelles, quand on passait en régime forcé, tous ces équipements sont carbonisés en surface, nous entrons dans la cave à canon où tout est noirci, le 37 est encore sur son créneau, en arrière, un jumelage de Reibel est prêt à le remplacer mais ses tubes sont recourbés, tordus par la chaleur, je demande à Mathis comment l’ouvrage est tombé, il me raconte que l’équipage, huit hommes, a été grillé sur place, les Italiens ayant contourné l’obstacle et s’étant positionnés sur les hauts d’où ils ont envoyé de l’essence dans l’ouvrage avant de finir leur besogne au lance-flammes, un peu comme pour les derniers défenseurs du bois des Caures, à Verdun, nous sortons à la lumière si belle à cette heure et saluons gravement nos pauvres camarades, huit hommes, moi, j’en ai trois cent dix-huit.
Cette courte visite m’a remonté le moral, nous en viendrons bien à bout, il faudra rendre justice au capitaine Panzani et à ses hommes, ils le méritent, et puis toutes ces femmes en noir en quête de vérité doivent finir par la connaître, pendant que Mathis nous emmène au Cap Martin, je note mentalement les questions auxquelles Locard devra répondre, car il y en a des questions ! Arrivés à Roquebrune, nous nous dirigeons vers l’ouvrage du Cap Martin, Mathis reprend la parole pour nous expliquer que l’ouvrage a été emporté en 1940 par un assaut classique d’infanterie accompagnée d’éléments du génie qui ont fait sauter les créneaux de tir en détériorant les tubes et en détruisant les optiques des organes d’observation, l’ouvrage, aveugle et impuissant, s’est rendu dix jours après la chute de Sainte Agnès qui n’avait pu l’appuyer, au moins, la garnison a survécu, trois ans plus tard, pendant leur retraite, les Allemands ont fait sauter les blocs 2 et 3. J’invite tout le monde à boire quelque chose à Roquebrune, nous ne trouvons d’ouvert qu’un salon de thé qui semble exclusivement fréquenté par des dames d’un âge avéré, style vieilles duchesses qui ont dû bien connaître le tsar de toutes les Russies, nous faisons une orgie de pâtisseries diverses accompagnées de chocolat chaud, il est vrai qu’il est dix-sept heures et que nous avons oublié de manger à midi, nous faisons retraite une heure plus tard quand ces dames commencent à nous sourire et à tenter de lier conversation, nous nous en sortons avec des baisemains en série, c’est une bien piteuse fuite que la nôtre !
Pas de doute, quelles que soient les traverses, nous mènerons cette mission à bien, je profite de notre retour pour passer en place arrière, Mathis avec sa belle casquette faisant un excellent chauffeur de maître, je pose alors quelque questions qui me turlupinent au médecin-général qui m’envisage d’un air bonasse et omet de me répondre, il nous fera un rapport écrit ! Nous rentrons tout doucement dans l’or du soir, un repas léger nous attend au Righi, nous y faisons honneur et, un cigarillo à la bouche, contemplons, béats, le coucher du soleil. »


Cedant armae toga (ou pas)

Journal du général Brécargue

« 15 octobre – Rude matinée, je pressentais quelque chose et ne me suis pas trompé. Dans la tente où l’on présente les corps aux familles, le maire et son secrétaire de mairie officient face à des femmes éplorées, l’une est accompagnée par son beau-père, médaillé de Verdun, qui ne peut retenir ses larmes, je le console en combattant de l’autre guerre, deux bataillonnaires présentent les modestes objets du défunt que l’on a pu réunir, une montre-bracelet, un portefeuille avec des photos et de la menue monnaie, ses papiers militaires et une petite médaille de la vierge Marie, il y a aussi son couteau et une paire de lunettes, la jeune femme me dit qu’ils allaient se marier pour le 15 août 40 et qu’il avait réussi l’examen d’entrée à l’école Normale, je regarde discrètement les pièces matricules et je découvre qu’il avait tout juste dix-huit ans, j’embrasse la promise, serre tristement la main du père et sors pour fumer une cigarette.
Mais je tombe alors sur deux civils à la face funèbre, qui, après s’être enquis de mon identité, me tendent une enveloppe aux allures officielles, je l’ouvre, la lis et découvre que je suis désormais sous tutelle, par instruction de la Commission, de ces deux tristes sires, l’un est secrétaire général de préfecture, l’autre, paraît-il, « attaché principal de première classe », pourquoi pas un raton-laveur aussi ! Comme ils veulent pénétrer dans le fort, je le leur interdis et leur annonce qu’ils peuvent toujours prendre un bureau en mairie, le ton monte alors rapidement lorsque survient le général Mathis qui me tire au moins provisoirement d’affaire, j’en suis effaré !
D’abord il est tout miel, ce qui m’étonne, il s’enquiert courtoisement de leur bonne santé et les assure tous deux de sa franche collaboration, je m’estime trahi et m’apprête à protester quand il demande doucereusement à l’un d’eux si l’exil dont il fut victime ne fut pas trop douloureux, le Sud tunisien étant bien loin de tout, le secrétaire général de préfecture, penaud et rubicond, baisse la tête et grommelle des paroles inintelligibles. Mathis, victorieux, lui donne en riant du « Mon cher Chapouillard » et ajoute béatement : « Comment va votre grand ami le Père Brucellaï ? », à quoi le nommé Chapouillard, grimaçant, rétorque en tordant le nez : « Il est mort. Un scorpion. C'est tout ce qu’il méritait ! » Hilare, Mathis lui souhaite une excellente fin de matinée, puis il m’empoigne par un aileron et m’affirme que nous avons un coup de fil à passer, nous trissons vers la mairie et nous jetons sur le téléphone, ça va chauffer ce me semble !
Au bout de quelque deux heures d’effort, il réussit à joindre un mystérieux correspondant qui lui annonce apparemment son arrivée pour demain midi, mais qui est-ce ? Mathis ne m’en dit rien et disparaît comme il était venu, galopant vers de plus ardentes obligations, il me jette au passage qu’il descend à Menton, au train de treize heures et douze minutes, pour y récupérer sa charmante épouse, ses vacances semblent bien s’achever !
Après avoir rallumé une cigarette, je me dirige, pensif et affligé, vers la tente de présentation d’où sortent des pleurs déchirants, tout ceci ne prendra-t-il donc jamais fin, Charles ne m’a pas fait un cadeau avec ce fort, ici la discorde n’est point chez l’ennemi mais bel et bien chez nous.
Ce soir-là, pendant le repas, le médecin-général Locard nous annonce, avec une visible jubilation, la découverte du corps du commandant de Sainte-Agnès avec, dans la poche de sa vareuse, le livre de bord de l’ouvrage. Il nous promet en outre une conférence explicative du tout pour le lendemain après-midi, je ne sais à quoi je dois m’attendre mais cela promet d’être captivant voire décisif, du coup je décide d’étudier de près les états de service du commandant Panzani. »
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Anaxagore



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MessagePosté le: Dim Juil 13, 2014 10:35    Sujet du message: Répondre en citant

Piqué par un scorpion.... et oui entre scorpions (quelques soit le nombre de pattes) on se pique aussi. Justice divine ?
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Capu Rossu



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MessagePosté le: Dim Juil 13, 2014 12:02    Sujet du message: Répondre en citant

Bonjour,

Petite question : pourquoi "Le Goûter des Généraux II". j'ai loupé un épisode ou alors où ce que cache "Le Goûter des Généraux I" ?

Je propose que le scorpion soit décoré, probablement à itre posthume, de la Légion d'Honneur pour le patriotisme dont il a fait preuve en exécutant un traître.

@+
Alain
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Casus Frankie
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MessagePosté le: Dim Juil 13, 2014 12:24    Sujet du message: Répondre en citant

Clin d'oeil de Carthage à ses plus grands fans... Wink
"Le goûter des amiraux" était l'un des épisodes de "En Tunisie rien de nouveau" (chapitre 6).
Alors, pourquoi le "II" ? A cause du "Goûter des généraux", pièce (posthume) de Boris Vian.
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Casus Frankie

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